[Warhammer] La Cendre et le Sang

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Johannes La Flèche
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[Warhammer] La Cendre et le Sang

Message par Johannes La Flèche »

C'est une fin d'aprés-midi relativement comme les autres dans les confins du duché de Parravon. Dans la vallée du bourg de Grunères, constituée de collines verdoyantes s'étandant jusqu'aux Montagnes Grises dont les sommets enneigés se montraient à l'horizon. Le soleil brille et le vent ne manifeste sa présence que par un souffle assez doux, faisant plier légèrement les hautes herbes et les épis de blé ainsi que les feuilles des quelques arbres présents qui bruissent de temps en temps. Le tout prenant parfois des reflets dorés, sous l'influence de l'astre solaire qui va bientôt atteindre l'arrivée de sa course quotidienne dans le ciel. Des nuages sont présents, mais lointains et guère menaçants. On pourrait vraiment dire qu'en cet an de grâce 1513 du calendrier bretonnien, c'est une aprés-midi comme les autres dans ce coin du pays. Même les oiseaux ne s'écartent pas de leurs habitudes, se posant par vols entiers dans les champs ou sur les collines pour fouiller le sol avec leur bec et dénicher quelques graines. Aucun épouvantail n'est là pour les effrayer et....aucun paysan n'est présent pour les chasser à grands cris ou à coups de fourche, ce qui est quand même étrange en cette période des moissons....
C'est là que la routine se brise, même pour les oiseaux. Tout d'un coup, l'un d'entre eux lève sa tête et commence à émettre un cui-cui affolé, presque paniqué par ce qu'il vient de voir. Aussitôt, tout son groupe prend son envol, suivit de prés par les autres nuées d'oiseaux, tous aussi dérangés par ce qu'ils ont vus.
En effet, un grand nuage de poussière se rapproche entre les champs, se tenant sur une route en terre battue qui serpente à travers les collines. Petit à petit, au fur et à mesure que ce nuage s'approche, on peut entendre le bruit des bottes, des centaines de bottes et des dizaines de sabots qui travaillent le sol, qui ne laissent qu'une immense poussière soulevée et des milliers de traces dans leur sillage. Tout ce concert de pas plus ou moins cadencés n'étant interrompu à l'occasion que par des bruit de toux sèche et le hennissement des chevaux. Un nuage de poussière où l'on pouvait distinguer beaucoup de silhouettes: voilà à quoi ressemblait de loin l'image typique d'un ost bretonnien en marche.

Cependant, si on était de la région, si on se rapprochait ou bien si on faisait tout simplement partie de cette grande troupe, on savait et reconnaissait que cette petite armée était celle du seigneur Baudouin de Lavilette: Baron et Bourgmestre de Grunère. Celui-ci est justement en train de chevaucher à la tête de l'ost, figé dans une posture toute cavalière; engoncé dans une cuirasse sur laquelle, au niveau du plastron, était gravé une tour de pierre: symbole de sa maisonnée. Le baron tenant son heaume enveloppé dans son bras droit, on pouvait ainsi voir sa tête. En-dessous de cheveux bruns coupés au bol et d'un petit front se tenaient des sourcils châtains, eux-mêmes supportés par deux petits yeux marrons au regard perçant. Au centre de son visage aux traits assez fins se trouvaient un nez aquilain et une petite bouche surplombée d'une moustache au poil brun, c'étaient les seuls éléments qui ajoutaient un peu de relief sur un faciès arborant une expression fermée la plupart du temps.
Pourtant, malgré cette apparence plutôt rigide et grave, Baudouin, à l'instar de tout ses chevaliers et ses paysans embrigadés, n'aspirait qu'à retourner chez lui, à Grunère, pour obtenir enfin le repos des braves qui ont guerroyés pendant plusieurs jours.
Car si cet ost à été levé, si ses chevaliers vassaux et leur paysannerie qu'ils encadrent ont dû être mobilisés, c'était pour une bonne raison.


Au début du mois, des rapports parlant d'étranges créatures sortant de nulle part et attaquant les villages de la région sont parvenus à Grunère. Prenant l'affaire trés au sérieux, le baron avait fait sonné le tocsin et décrété la levée de l'ost pour supprimer rapidement et efficacement cette menace. Au cours des premiers jours de cette campagne, à travers quelques embuscades et escarmouches, l'ennemi révéla sa véritable nature: des rongeurs chaotiques, venus des entrailles de la terre pour piller et détruire l'oeuvre des fils de Gilles le Breton. Ainsi, pendant les jours suivants, aux guet-apens de ces hommes-rats se succédèrent les chevauchées des bretonniens pour tenter de les débusquer. Les deux camps jouant au chat et à la souris, avec une incertitude quant à qui incarnait ces rôles. Au final cette courte mais intense campagne s'était conclue par une bataille décisive où, malgré le fait qu'ils étaient trés nombreux, les skavens furent défaits par la vaillance des chevaliers, la magie de la demoiselle du Graal Ovanie, ainsi que la -toute relative- cohésion des hommes d'armes et des archers paysans.
Cette petite horde vermineuse ayant été vaincu, voilà maintenant que la petite armée victorieuse retournait vers son fief, son foyer. Certains vassaux s'étant déjà séparés de l'ost pour retourner sur leurs propres domaines.

"Dites-moi Demoiselle, pensez-vous que Grunère nous recevra comme il se doit pour notre victoire? entama un Baudouin qui parlait plus pour tuer temps et briser la monotonie du trajet.

-Eh bien....Je n'en sais rien messire. Je ne peux qu'espérer que ce soit le cas." répondit Ovanie.

Juchée sur un palefroi blanc et suivie par une demi-douzaine de chevaliers du Graal, sa robe verte brodée de motifs blanc et ses cheveux blonds tressés en nattes flottant dans le vent, la demoiselle du Graal commença à observer de ses yeux verts en forme d'amande le seigneur qui se tenait tout juste devant elle.

"Pensez-vous à quelque chose messire?" reprit-elle en voyant un air presque absent sur le visage du baron de Lavilette.

Aucune réponse.

"Quelque chose ne va pas? prononça une Ovanie haussant légèrement ses sourcils fins, avec une pointe de préoccupation dans sa voix.

-Allons monseigneur! Qui ne dit mot consent n'est-ce pas?

La voix qui venait d'intervenir était celle du marquis Sébastien de Lensquanois, venant tout juste d'arriver au galop à la tête de l'ost. A la base un vassal des de Lavilette sur le papier, lui et les siens entretenaient pourtant une relation ambigue, voire parfois houleuse avec les barons de Grunère.

-Je vous prie de rester à votre place, marquis. L'heure n'est pas aux plaisanteries. finit par répondre le baron sur un ton sérieux et sec. A ces mots là un sourire se dessina sur le visage de Sébastien: venait-il de vexer son suzerain?

-Bah. De toute façon avec vous ce n'est jamais le moment de plaisanter." lança-t'il.

Il fallait dire que quasiment tout séparait ces deux hommes. Déjà au niveau du physique, le visage du marquis, en partie caché par un camail qu'il portait tout le temps relevé, avec ses sourcils broussailleux; ses yeux bleux; son nez proéminent; son visage aux formes anguleuses; son menton prononcé et sa bouche arborant tout le temps un petit sourire, dégageait une certaine bonhommie là où celui de Baudoin se résumait à une expression grave, voire sévère, semblable à un aigle qui vous observe de haut. Mais leurs caractères divergeaient aussi. Au Sébastien impétueux et combatif, n'hésitant pas à plonger au coeur de la mélée, y cherchant la gloire et voulant prouver sa valeur; s'opposait un Baudoin plus stratège, plus pragmatique, calculateur et peu scrupuleux, n'hésitant pas à flirter avec les limites du code de la chevalerie si cela pouvait l'avancer dans ses objectifs.
Les deux chevaliers ayant pû montrer leurs personnalités au cours de la toute récente campagne, chacun s'était fait des alliés et des détracteurs au sein de la noblesse locale. Toutefois, le marquis de Lensquanois s'étant distingué par son courage et sa pugnacité toute chevaleresque, devenait peu à peu l'étoile montante de l'ost, faisant un peu d'ombre au baron de Lavilette, même si son autorité n'avait pas été remise en cause jusqu'à maintenant.
Ainsi, une sorte de compétition "cordiale" s'était établie entre Baudoin et Sébastien. Seule la présence d'une damoiselle comme Ovanie atténuait cette rivalité et l'empêchait d'évoluer en quelque chose de beaucoup plus sérieux.


Mais à vrai dire, toutes ces préoccupations politiques et personnelles étaient absentes des pensées de nos principaux protagonistes. Si aucun n'osait se plaindre ouvertement, tous exprimaient silencieusement le souhait d'atteindre Grunère avant la soirée. La lassitude commençant à étendre son emprise sur eux comme sur le reste de l'ost. Tout le monde continuait de marcher, sans aucun autre bruit que celui des pas et des sabots cadencés résonnant jusqu'aux alentours. Cela dura encore bien longtemps. Jusqu'à ce qu'enfin, aprés avoir gravi le sommet d'une colline, Grunère put enfin être visible de tous.
Des soupirs de soulagement furent entendus à l'arrière, venant aussi bien des nobles que des roturiers; les langues se déliaient enfin, des chuchotements et des rumeurs apparaîssant parmis la troupe alors que tous pouvaient voir leur destination.

"Enfin! Ce n'est pas trop tôt. J'ai cru que l'on n'y arriverait pas avant la nuit." s'exprime le marquis.

Nichée au creux des collines émeraude de la vallée et bâtie non loin des berges d'un des affluents de la Grismerie, la petite ville de Grunère se trouvait ceinte de remparts en pierre. En temps normal on pouvait voir vers le centre de ce petit bourg ne payant pas vraimment de mine: le château des barons, le temple du Graal ainsi que la chapelle de Shallya....en temps normal....

"Messire Baudoin, savez-vous pourquoi il y a toute cette fumée au-dessus de votre bourg? fit alors remarquer Ovanie, constatant par là-même qu'une sorte de brume surplombait, voire dissimulait presque toute la ville. Seuls les remparts et une ou deux fermes toutes proches de la ville pouvaient être vus de leur position, alors qu'il étaient pourtant au sommet d'une colline.

-Pour être honnête avec vous, demoiselle, je ne saurais le dire...." répondit le seigneur sur un ton neutre. Fronçant ses sourcils, il voulu marquer une pause dans sa phrase pour réfléchir à ses prochaines paroles, mais il ne trouva tout simplement pas les mots pour continuer. Le fait qu'un brouillard occulte toute une partie du bourg à ce moment de la journée était tout simplement trés étrange.

Tout en réfléchissant à que faire ou quoi dire, le baron de la Vilette inspira du nez, pensant respirer une énième fois les senteurs de la campagne environnante portées par le vent. Mais ce dernier, venant en face de lui et par conséquent de Grunère, lui apporta de toutes autres odeurs. La senteur des fleurs, des épis de blé, de l'air frais du vent frôlant la peau; tout cela avait été remplacé par une sorte de puanteur presque maladive: un mélange d'odeur de pourriture et de décomposition.

"Pouah! Quelle est donc cette infection? lâche alors Sébastien. A ces mots, Baudoin se retourne dans sa direction, arborant son air toujours aussi grave.

-Marquis, rendez-vous donc utile et dites au reste de l'ost qu'il faut presser le pas. Nous devons arriver à Grunère aussi vite que possible." la réponse du marquis de Lensquanois se limita à un petit soupir, puis il fit se retourner sa monture avant de repartir au galop à l'arrière de la troupe.

Quelques instants plus tard dans toute cette petite armée, cavaliers nobles comme piétons paysans avançaient au trot. Cette fois, plus de pas rythmés et cadencés, c'était juste un grand brouhaha où derrière les sabots se précipitaient et se mélangeaient des centaines de bruits de bottes et de pieds, chacun tentant de garder le rythme imposé par le baron à l'avant de la colonne.
Ce dernier chevauchait toujours à la tête de l'ost, ayant remis son heaume sur sa tête, visière relevée, il ne cessait de fixer la ville d'un air perplexe.

"Je vous vois préoccupé messire, qu'est-ce qui vous agite tant? lui demande la demoiselle du Graal tout en lui envoyant un regard oblique alors qu'elle chevauchait à ses côtés.

-Qu'est-ce qui me préoccupe? Qu'est-ce qui m'agite hein? Ce brouillard, cette odeur infecte, et puis quoi encore? Une malédiction?.... réplique Baudoin sur un ton désagréable. Voyant les sourcils d'Ovanie qui se froncent à son égard, il secoue brièvement la tête. Mes excuses demoiselle. Mais comprenez que c'est mon fief, notre foyer. Nous ne voyons plus mon château ni votre temple. Nous avons quasiment tout laissé là-bas: vos ouailles, mes sujets, vos reliques, mes coffres, mes tapisseries et....ma femme....mes enfants....Je ne peux qu'espérer que rien ne soit arrivé à notre bourgade, voilà ce qui me préoccupe tant. termine le baron sur un ton plus réfléchi. Ovanie finit par hocher lentement de la tête, un air pensif se dessinant petit à petit sur son visage d'habitude si radieux

"Hhmmm, je vois. Puisse la Dame vous entendre." conclua-t'elle, alors que l'immense nuage de poussière dévale la colline et se rapproche de plus en plus de Grunère.


* * *
Johannes "La Flèche", Hors-la-loi
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Message par Johannes La Flèche »

Quelque chose de paradoxal frappait les esprits des membres de l'ost alors qu'ils se dirigeaient vers Grunère: on s'approchait de plus en plus de la ville en question, et pourtant celle-ci était de moins en moins visible. Aprés quelques instants de descente, le brouillard qui affectait la bourgade commençait aussi à surgir tout autour des chevaliers et des hommes d'armes. Ce qui n'était au départ qu'une simple brume s'épaississait et prenait une teinte plus sombre au fur et à mesure qu'on arrivait à la bourgade. On aurait voulu se repérer par rapport au soleil que cela aurait été peine perdue. Ce dernier, pourtant si rayonnant au sommet de la colline, s'était petit à petit affaibli, voire effacé au fil de la progression vers Grunère; de plus en plus masqué par un brouillard devenant peu à peu omniprésent. Désormais l'astre diurne en était réduit à une sorte de petite sphère pâle, à moitié couverte par cet amas de fumée grisâtre, voir ténébreuse, ne pouvant être observé qu'à grands renforts d'attention et de plissements d'yeux.
Chevauchant au devant de l'ost, Baudoin de Lavilette et la demoiselle Ovanie furent les premiers à s'enfoncer dans la zone. Ils purent voir avant tout le monde le soleil qui disparaîssait, la brume qui se faisait plus épaisse tout autour d'eux. Ils purent sentir la puanteur de plus en plus infecte qui leur prenait les narines. Ils purent ressentir la soudaine fraîcheur qui s'était abattue dans les environs. Ils purent aussi constater que leur vision, qui leur permettait de voir Grunère et toute sa vallée quelque instants plus tôt, avait progressivement diminué. Eux qui étaient désormais si proches du bourg ne le voyaient toujours pas. A cause de ce brouillard, la visibilité avait été réduite à cent mètres, puis cinquante, puis trente, puis à une vingtaine de mètres seulement. Ils continuaient de chevaucher, le bruit des sabots de leurs chevaux résonnant et se perdant en échos dans la brume, alors que ceux émis par les chevaliers qui les suivaient devenaient petit à petit moins audibles et beaucoup plus lointains.


Soudain, le baron voit Ovanie qui tire les rênes de sa monture, cette dernière poussant un hennissment alors qu'elle ralentit puis s'arrête.

"Demoiselle?" demande un Baudoin assez étonné, mais qui continue toutefois d'avancer.

Il tourne alors sa tête, regardant par-dessus son épaule. La demoiselle du Graal était désormais figée sur place, comme si quelque chose venait de la frapper à l'instant. Son visage affichant un air fortement troublé, presque paralysé par la stupeur. Toutefois, le baron continue sa progression et quelques secondes plus tard, il ne la voit plus: sa silhouette noyée, engloutie dans un brouillard dont l'épaisseur et l'obscurité vont crescendo. C'est uniquement à cet instant que Baudoin lui aussi pense à s'arrêter. Il ne se rend compte que maintenant qu'il est partit bien trop en avant de l'ost et d'Ovanie.
Désormais il n'y a plus personne autour de lui et il n'a pour compagnons qu'un silence pesant et une brume qui l'enveloppe de plus en plus. Ce même brouillard qui lui efface tout repère pour se guider, toute certitude jusque dans son esprit, pour ne laisser qu'une seule chose.
Le doute....
Si l'âme du baron n'aurait pas été forgée par les combats et la vie de chevalier, on aurait même pû parler d'angoisse....
Une intuition surgit alors dans l'esprit du seigneur de Lavilette: ce froid qui pénètre dans sa peau et ses os, cette fumée et ce silence omniprésents, presques malaisants....Ce n'était définitivement pas normal; c'était comme si toute forme de vie avait disparue. Et cette puanteur....On aurait dit que des centaines de cadavres avaient été rassemblés au même endroit, tout prés de sa personne.
Regardant nerveusement tout autour de lui, Baudoin tire la bride de son destrier vers la droite, puis vers la gauche, afin de le faire pivoter pour qu'il puisse garder un oeil dans toutes les directions.

"Y a-t'il quelqu'un? quelqu'un?qu'un?un?"

Sa phrase ne fait que se perdre en échos dans le lointain. Ne voulant tout de même pas rester planté là, le baron de Lavilette se résolut à avancer. Dorénavant, il progressait à travers un brouillard qui semblait jouer avec lui, se dégagant et s'éclairant à peine sous ses yeux afin de lui suggérer de poursuivre plus avant, tout en se refermant et s'obscurcissant derrière son passage, comme pour lui interdire de faire demi-tour.
Au bout de plusieurs instants qui lui parurent comme autant d'heures à progresser au pas, Baudoin entendit alors des bruits lointains....des....des crépitements?
Continuant son chemin en direction de ces sons, il ne tarda pas à voir des petites lueurs qui se réverbéraient dans la brume. Attiré par ces lumières et par le bruit des crépitements qui devenait de plus en plus fort, il garda tout de même un oeil pour surveiller ce qui se passait tout autour de lui: cet endroit lui inspirant tout sauf la confiance et la sûreté. Alors que le brouillard se dissipait sous ses yeux, une expression de stupéfaction puis de dégoût apparut sur le visage du seigneur.


Des cadavres, des morts étaient en train de brûler juste devant lui. Comme ça. Les dépouilles des uns sur celles des autres, le feu grignotant petit à petit leurs membres, leurs vêtements et leurs chairs. Des rats fuyaient la scène à toute vitesse alors que Baudoin arrivait sur place avec son cheval; ce dernier ne cessant de piaffer comme s'il voulait faire demi-tour. Essayant de protéger ses narines de la puanteur dégagée par ce petit charnier, le baron de Lavilette enveloppa son bras droit autour du visage et au niveau du nez. Toutefois, ne serait-ce que pour essayer de comprendre ce qui se passait, Baudoin attarda son regard sur ce petit bûcher macabre. Alors il remarqua que les corps portaient d'étranges plaques noirâtres sur leurs bras, leurs jambes ou bien leurs têtes; quand ceux-ci n'étaient pas victimes du feu ou de la décomposition et des mouches. Le baron nota également qu'il y avait quelques caisses en bois éventrées, défoncées. Leur contenu ayant débordé un peu hors des boites, le seigneur put voire des grains de blés, prêts à être moulus pour en faire du pain et distribués à la population. Toutefois, d'étranges reflets verdâtres étaient disséminés parmis ces grains. Il y a fort à parier que toute cette cargaison est désormais impropre à la consommation.
Portant son regard juste au-dessus de la scène, Baudoin découvrit qu'il se situait juste devant une tour: il se trouvait devant les murailles de Grunère. Ces murs, pourtant si bien entretenus le jour de son départ en campagne, affichaient maintenant un certain délabrement, comme si l'on avait manqué de bras pour les entretenir. Mais plus que tout autre chose, le baron de Lavilette aperçut alors une grande croix rouge, éclairée par les flammes et peinte à même le mur.
Dorénavant cela ne faisait plus aucun doute, une sombre déduction apparut dans l'esprit de Baudoin:

Grunère a été frappée par la Peste.

Image
Image d'un point de vue général. Il faut juste s'imaginer la scène dans une atmosphère un peu plus sombre et brumeuse.

Cependant, le baron n'eut pas le loisir de pousser sa réflexion plus avant. Des échos commencèrent à se faire entendre au loin, perdus quelque part dans la brume. Baudoin tourna son regard dans la direction de ses sons.

"Qui va là? va là?là?là?"

Le silence comme unique réponse.

D'un coup, il entr'aperçoit des silhouettes qui se dessinent dans le lointain. Faisant pivoter de nouveau son cheval pour leur faire face, il entreprend de leur adresser à nouveau la parole.

"Ohé! Qui êtes-vous? êtes-vous?vous?vous?"

Une fois de plus, sa voix, pourtant sur le ton de l'injonction, ne rencontre aucune réponse. Les silhouettes à l'allure fantomatique ne réagissent même pas. L'ont-elles seulement entendu? En tout cas elles continuent de se diriger vers lui en silence. Au milieu de toute cette atmosphère brumeuse, sombre et pestiférée, une désagréable sensation s'empare alors de Baudoin....
Brusquement, il tire alors son épée de son fourreau et lame au clair, il lance un dernier avertissement à ces êtres étranges.

"Qui que vous soyez, faites un pas de plus et je vous charge! vous charge!charge!charge!"

En l'espace de quelques secondes les ombres se figent: désormais au nombre de trois, portant visiblement des casques et des armes d'hast....Sauf celle au centre, qui porte quelque chose que Baudoin n'arrivait pas à reconnaître. Une voix lointaine et un peu résonnante parvint alors à ses oreilles.

"Holà monsieur! Je ne sais pas qui vous êtes, mais vous avez intérêt à avoir une trés bonne raison pour venir. Le bourg de Grunère est sous quarantaine et perso.... la silhouette au centre du trio n'eut pas le temps de terminer sa phrase, le seigneur l'interrompit de manière fracassante.

-Qui je suis?! Je suis Baudoin de Lavilette! Baron et suzerain de Grunère par la grâce de la Dame et du Roy! Roy!Roy!ment"

Il y a quelques courtes secondes de silence, avec le crépitement des flammes dans le fond; avant que la silhouette centrale ne commence à avancer doucement vers le noble. N'étant plus qu'à quelques mètres de lui, l'ombre et sa voix jusque là impersonnelles, parurent d'un coup plus discernables et famillières à Baudoin.

-Monseigneur? Monseigneur....Louée soit la Dame, vous êtes revenu. prononça Régis, comme s'il était en train d'assister à un miracle. Il se mit à le saluer respectueusement, comme tout roturier sensé se devait de faire face à un noble.

-Prévôt? dit un Baudoin fronçant les sourcils.

Devant lui se tenait un homme plutôt trapu, ses cheveux blonds et tirés en arrière étant dissimulés par un bonnet de feutre rouge. En-dessous d'une figure quelconque et masquée jusqu'au nez par un foulard marron, Baudoin voyait surtout la large chaîne en argent portée autour du coup -symbole de la prévôté à Grunère- à moitié couverte par les couches de manteaux et de chemises que portait son interlocuteur. Des gants, des braies teintées aussi en marron ainsi que des bottes basses en cuir, un peu crottées par la boue, venaient compléter la tenue de Régis. Ce même Régis dont on aura deviné qu'il était prévôt, avait été nommé par le baron au début de campagne militaire, afin de gérer le bourg en son absence.

Relâchant sa garde et baissant son épée, le seigneur continua tout de même de prendre la parole:

-Eh bien prévôt. Je pars de cette ville pendant deux semaines et....Et dans quel état je la retrouve!

-Mon immense pardon messire! Mais il faut dire que les dieux ne nous ont pas à la bonne: la Peste s'est abattue sur la ville.

-Vous m'apprenez quelque chose.... répondit alors Baudoin sur un ton qui mélangeait ironie et sarcasme. Régis prit un air circonspect, ne sachant pas trop comment prendre cette phrase. Toutefois il préféra continuer.

-On ne sait pas qui a été le premier infecté, ni quand ou comment il a commencé à répandre son mal. Mais....

-Et ces choses-là peut-être? interrompit de nouveau Baudoin, en indiquant avec la pointe de son épée les caisses au grain visiblement contaminé. D'un seul coup, le regard du prévôt devient fuyant tandis qu'il hésite sur ce qu'il faut dire.

-Ah....Oui....Euh....ça? Eh ben....Ne vous approchez surtout pas de ces caisses monseigneur! Aprés avoir fait une pause, Régis poussa un soupir et se décida à cracher le morceau. Quand on s'en est rendu compte c'était déjà trop tard....Mais je ne savais pas que les récoltes avaient été contaminées messire! Je vous le jure! C'était le jour férié de la Saint-Louen et....du coup je n'ai pas vérifié. Alors que j'aurais dû le faire. Mille excuses monseigneur....

-Poursuivez je vous prie. répondit le baron sur un ton qui, malgré la tournure de la phrase, était plutôt impérieux.

-Eh bien....Pourrions-nous d'abord quitter cet endroit et rejoindre la porte principale? Nous y seront plus à l'aise là-bas je vous l'assure. Je vous raconterai tout en chemin, je vous le promet...."


Le seigneur de Lavilette, tout en fixant du regard son prévôt, hocha légèrement de la tête pour donner son approbation. Et c'est ainsi que le petit groupe commença son bout de chemin au beau milieu de la puanteur et du brouillard omniprésents, vers le corps de garde et l'entrée principale de la ville. Baudoin étant désormais guidé par Régis et flanqué par deux hommes d'armes eux aussi masqués qui, maintenant qu'il le remarquait, ne s'étaient pas avancés pour le saluer et n'avaient pas pipés un mot durant l'échange qu'il avait eu avec le prévôt.


* * *
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Message par Johannes La Flèche »

En d'autres situations le seigneur de Lavilette aurait également châtié ces deux sentinelles pour leur manquement au protocole: ne pas saluer son suzerain est une faute impardonnable en temps normal. Mais voilà, les conditions actuelles ne le permettaient pas, tout simplement.

"Alors tout a commencé quelques jours aprés votre départ. Je vous l'ai dit, ça c'est passé lors de la Saint-Louen, où l'on reçoit toutes les récoltes de céréales de la contrée. entama le prévôt alors que le petit groupe longeait la muraille de Grunère au beau milieu du brouillard et de la puanteur. Donc du coup, vu que c'était jour férié on n'a pas vérifié les récoltes....On se disait "Bon, c'est une cargaison comme tant d'autres, donc pourquoi vérifi....

-Prévôt, contentez-vous de raconter ce qui s'est vraiment passé. Vos justifications et vos excuses ne m'intéressent pas. coupa alors le baron sur un ton sec.

Le fait qu'il n'ait pas châtié Régis pour sa gestion calamiteuse des évènements était en soi déjà exceptionnel. Mais peut-être que la situation dans laquelle se trouvait Grunère, frappée par la Peste et plongée dans cette atmosphère brumeuse, sombre et infecte, était tout aussi extraordinaire. Dans tous les cas, aprés avoir dégluti, le prévôt continua son récit; de la buée s'échappant de sa bouche alors qu'il parlait, tant l'air était froid dans les environs.

-Bien Monseigneur....Alors....Du coup, quand les premiers pestiférés ont été repérés, on ne savait pas trop quoi faire. Vous savez avec le jour du marché et tout ces paysans qui viennent vendre leurs surplus, on ne voulait pas créer la panique. Alors au début on a essayé d'agir discrètement et on les a enfermé chez eux en bloquant toutes les issues vers l'extérieur, mais ça n'a pas été trés utile....Je veux dire....Le Mal était déjà à l'oeuvre quoi, et les cas n'ont pas cessé d'augmenter. Et puis à partir de là tout est allé trés vite. Régis marqua une pause pour réfléchir à ce qu'il allait raconter ensuite. Mais le seigneur de Lavilette profita de cette occasion pour prendre de nouveau la parole.

-Mis à part les caisses contaminées, avez-vous trouvé ou aperçu d'autres signes? Des évènements étranges? demanda-t'il sur un ton moins désagréable que la fois précédente.

-Eh bien....à nouveau, Régis se tait pendant un court instant, fouillant dans son esprit et sa mémoire. Ben à part la visite de Bagrian, le grand prêtre de Taal, rien de particulier ne s'est passé avant tout ce foutoir. Il avait l'air un peu préssé et anxieux, il a fait étape ici dans son voyage vers l'abbaye de la Maisontaal, plus au nord. Mais c'est tout, il ne s'est rien passé d'autre.

Fixant d'un regard vide le brouillard grisâtre qui les cernait, Baudoin était en train de réfléchir. Etait-ce ce Bagrian qui était à l'origine de tout cela? Non, impossible. Un prêtre de Taal qui tire ses pouvoirs de la nature ne peut pas déclencher des épidémies de peste là où il passe, c'est une question de bon sens.

-Heu....Monseigneur....Je peux continuer? questionna timidement le prévôt en voyant son suzerain pensif. Aprés un hochement de tête de sa part, il poursuivit. Donc tout est allé trés vite. Aux grands maux les grands remèdes comme on dit; avec l'accord de votre grâcieuse épouse, nous avons pu mobiliser le clergé de Shallya pour essayer d'endiguer l'épidémie....Je....comment dire.... Régis se racla la gorge avant de lâcher d'un seul coup. Elles-ont-échoué.....Et vu que la damoiselle du Graal était partie avec vous, ben on ne pouvait rien faire de plus pour soigner les gens. C'est là que la rumeur d'une épidémie de peste a commencé à circuler dans la ville; on ne pouvait plus leur cacher ça, c'est devenu trop gros, trop voyant. Dés que les gens ont su que la peste était là, ils ont commencé à paniquer. Il y a même des illuminés qui ont pris ça pour la Fin des Temps. Et on s'est enfin rendu compte que les caisses étaient contaminées, donc on a commencé à "rationner" la nourriture....

Le baron, fronçant des sourcils, lui lance alors un regard perplexe. Régis détourna ses yeux des siens pendant une seconde, puis revint poser son regard dans celui du seigneur.

Oui....Je l'ai fait parce que j'ai pensé qu'au moins ils ne seraient pas contaminés par la peste. Mais ça n'a fait qu'empirer les choses: des émeutes ont éclaté, les gens deviennent furieux quant ils n'ont plus à manger. Donc on a imposé un couvre-feu, puis on s'est occupé du problème manu militari et ont a réussi à les contenir....Mais il y a quelques quartiers qui ne sont toujours pas trés sûrs....Cependant je peux au moins vous assurer que toute la population n'a pas été infectée, même si ce n'est pas la majorité....

-Quelques quartiers? Vraiment? questionna Baudoin tout en plissant ses yeux. Alors le prévôt inspira un coup tout en penchant sa tête sur le côté et pinçant ses lèvres.

-Le centre-ville surtout....et....quelques pâtés de maisons autour....Voilà quoi...." répondit-t'il alors qu'ils poursuivaient leur marche vers le corps de garde.


Pendant un moment, le silence s'installa de nouveau. La petite troupe continuait de progresser dans ce brouillard sombre et opaque, s'assurant de ne pas perdre de vue la muraille délabrée de la bourgade afin de se repérer. Alors qu'on était pourtant dans la journée, l'atmosphère était froide comme si l'on se trouvait en pleine nuit. Le baron, drappé dans le respect de l'étiquette et des comportements de la noblesse, faisait mine de ne ressentir ni le froid qui mordait pourtant sa peau, ni la puanteur cadavérique qui prenait bel et bien ses narines. Régis et les hommes d'armes quant à eux ne faisaient pas preuve d'un tel stoicisme; se frottant les mains ou les bras pour se réchauffer et relevant souvent leurs foulards pour éviter d'avoir à sentir cette odeur infecte.
Cette réalité ne fit que se confirmer aux yeux de Baudoin quant ils trouvèrent sur leur chemin une fosse commune, avec deux pelles plantées dans le sol à côté. Quelques corbeaux qui étaient en train de picorer les dépouilles se mirent alors à pousser des croassements et s'envolèrent, dérangés dans leur festin par ces humains troubles-fêtes. Du haut de sa monture, le baron pouvait voir là aussi plusieurs cadavres en décomposition, dont quelques pieds et quelques têtes dépassaient du trou, rongés par les vers et survolés par plusieurs nuées de mouches. Ils portaient tous les stigmates de la peste. Les positions dans lesquelles ils se trouvaient étaient pour le moins étranges: c'est comme si on les avait balancé dans cette fosse à la hâte, sans même prendre le temps de les inhumer ou de leur administrer les derniers sacrements. Peut-être que leurs fossoyeurs amateurs ne voulaient pas attraper la maladie en les enterrant. Ou bien ils ne voulaient pas s'attarder en ces lieux qui n'avaient rien de sain et rassurant....

Le suzerain de Grunère était bien évidemment intrigué, voire perturbé par cette situation; lui qui avait quitté la ville il y a deux semaines à peine se demandait comment sa bourgade avait pû dégénérer à un tel niveau. Grunère était quand même gérée par sa famille: les de Lavilette, depuis plusieurs siècles, ayant reçu ce fief des mains du Roy en personne. Par conséquent et tout au cours de sa vie, Baudoin avait développé le sentiment que ce bourg était en quelque sorte sa "petite" propriété rien qu'à lui, une propriété dont il faut bien s'occuper et faire en sorte qu'elle ne parte pas en vrille. Ainsi, la vue de sa ville frappée par la peste et malmenée à ce point blessait sa fierté; plutôt que l'état actuel de l'épidémie ou celui de ses sujets, le baron se préoccupait surtout de l'impact que cet évènement allait avoir dans ses manoeuvres politiques et sur sa propre réputation....Sans parler de sa bien-aimée et de ses enfants.... Alors certes, l'administration lamentable de la crise par le prévôt y était pour quelque chose, mais pour que l'endroit paraîsse....sinistre à ce point....

"Dites-moi prévôt, savez-vous comment cette étrange brume s'est abattue sur la ville? demanda-t'il.

-Eh bien cette purée de poix a fait son apparition quand les émeutes ont eu lieu dans le centre-ville. J'ai encore le souvenir de m'être couché le premier soir de la révolte, et quand je me suis réveillé....Pouf, tout était enveloppé ou caché dans ce fichu brouillard....C'est apparu au cours de la nuit, d'aprés mes gardes.

-Avez-vous aperçu des signes de magie, de sorcellerie à l'origine de tout cela? Qui étaient ces émeutiers? Des pestiférés? Des adorateurs des dieux sombres? poursuivait un Baudoin qui cherchait à cerner les causes de tous ces évènements.

-Non....Enfin, pas à ce que je sache. Ce n'étaient pas des adeptes du chaos qui ont déclenchés les émeutes: on les aurait vite remarqué ces cinglés. Non. En fait c'était plutôt des crève-la-faim qui se sont rebellés, ils en avaient marre du "rationnement" et il y avait aus....

-Attendez. interrompit soudainement le baron. Pourquoi vous prononcez le mot "rationnement" comme ceci? Qu'est-ce que cela signifie? questionna-t'il sur un ton plus sérieux.

-Ah....Eh....Euh....Ben ça voulait dire qu'on a arrêté l'approvisionnement en nourriture auprés de la population. Ils n'avaient plus rien à manger, mais au moins ils ne sont pas contaminés par la Peste....Il faut voir les choses du bon côté non? A ces mots là Baudoin le foudroya du regard, Régis baissa les yeux et fuya le courroux silencieux de son seigneur; mais ce même courroux finit par se manifester de manière audible et sur un ton trés froid.

-Vous savez ce qui me retiens de vous pendre prévôt? Le fait que vous avez été témoin de ces phénomènes en mon absence, mais aussi et surtout le fait que j'ai encore quelques questions à vous poser. Alors tâchez d'y répondre correctement, honnêtement et sans être évasif. Sinon je peux vous assurer que vous ne terminerez pas la journée en un seul morceau. Est-ce que je me suis bien fait comprendre?

-Oui....Oui-oui monseigneur....Mille pardons monseigneur. Je ne recommencerai pas. bredouilla Régis tout en n'osant pas plonger ses yeux dans ceux de son suzerain.
Re....Re-regardez. Nous sommes arrivés monseigneur, voici l'entrée principale de la bourgade."

En réalité, tout ce que le baron pouvait voir n'était que quelques personnes à la mauvaise mine, à moitié enveloppées par la brume, errant devant une entrée dont la herse se trouvait comme enrayée, bloquée à mi-chemin entre le sol et le corps de garde. Cette "porte" était d'ailleurs gardée par quelques miliciens en faction qui en barraient le chemin, interdisant l'accés en ville à quiconque et formant ainsi une sorte de cordon de sécurité. Le regard de Baudoin commence à s'assombrir, lui qui pensait pouvoir fêter sa victoire et trouver une foule en liesse ainsi qu'une grande haie d'honneur lors de son retour à Grunère, voilà qu'il se retrouve désormais à regarder une parodie trés décevante, douteuse et obscure de ses attentes.
Portant son regard partout où il le peut, le seigneur ne peut qu'apercevoir des âmes en peine au teint pâle, un corps de garde et une entrée qui ont l'air lézardés et délabrés. Les bannières qui ornaient de part et d'autres les côtés de la porte, arobrant fièrement le blason de Grunère, sont maintenant délavées et en lambeaux; quelques tentes et taudis ont été également dressés à la hâte contre les murailles. Des silhouettes aux allures fantomatiques évoluent à la limite du brouillard, tantôt y disparaîssant, tantôt y revenant; portant avec elles des choses de toutes formes possibles et dont le contenu était assez difficile à discerner: des caisses? Des tapis? Des armes? Des cadavres?....
Quelques uns tentent leur chance auprés des hommes d'armes pour essayer de retourner en ville, afin de récupérer quelqu'un ou quelque chose, sans succés. Des airs menaçants et des armes d'hast au manches croisés dissuadent ceux à qui un simple avertissement ne suffit pas.
Les ténèbres règnent ici comme partout ailleurs dans la zone et seules quelques torches portées par les gardes ou fixées au murs dégagent une faible lumière qui est engloutie par le brouillard dés que l'on s'en éloigne.
Et le baron dans tout cela? C'est à peine si on le remarque. Les quelques personnes qui finissent par le voir lui adressent une révérence de mauvaise grâce avant de retourner à leurs activités.

"J'ai comme l'impression que vous ne m'avez pas tout dit, prévôt." prononça alors le baron sur un ton qui se voulait lourd de sens.


Fallait-il mentionner que le seigneur de Lavilette ne faisait pas totalement confiance à Régis? En effet, Baudoin soupçonnait que la situation était bien plus grave que ce que son prévôt voulait lui faire croire.
Un subalterne obéissant et dévoué, mais étant justement plus habitué à recevoir des ordres qu'à prendre de graves décisions tout seul: voilà à quoi pouvait se résumer Régis. Que ce soit ici ou depuis le début de ces évènements, en l'absence de son seigneur et suzerain, il avait cherché avant tout à sauver sa tête. Et pour cela le prévôt avait quelque peu enrobé la vérité. Il avait adopté le comportement et les réactions si typiques des roturiers en Bretonnie: minimiser ou cacher les problèmes jusqu'à ce qu'ils ne soient tout simplement plus supportables, afin d'éviter que la noblesse ne se mêle de leurs affaires et ne les punisse en conséquence.
S'il disait que les prêtresses de Shallya avaient échouées, c'était surtout un bel euphémisme pour dire qu'elles avaient toutes succombées en essayant de guérir les pestiférés. De même, s'il avait "rationné" la nourriture, cela voulait surtout signifier qu'il a stoppé purement et simplement l'approvisionnement en vivres de la ville; la nourriture étant de toute façon contaminée, le prévôt avait espéré que cette mesure freinerait la propagation de l'épidémie. Oui, sous la pression et les menaces de son suzerain, Régis avait fini par l'avouer.

Toutefois il n'avait pas dit que craignant à son tour d'être contaminé, il avait puisé pour se nourrir lui et ses gens d'armes dans les réserves de blé sain, issu des récoltes précédentes; tout en laissant la populace mourir de faim. Il n'avait pas confié que les émeutes déclenchées par ces mesures de "rationnement" n'avaient en réalité pas vraiment été matées. Se retrouvant avec sa garde civile en sous-effectifs face à des hordes de crève-la-faim et de pestiférés -qui commençaient aussi à se rebeller, le tout dans un climat de panique et d'instabilité générale, le prévôt avait tout simplement évacué la bourgade en catastrophe avec ses partisans, emportant toute la nourriture qu'il pouvait dans sa débâcle. A partir de là il n'avait fait que gérer la crise au jour le jour. Contrôler au moins les murailles, se débarasser des cadavres de pestiférés, aménager un périmètre de sécurité à l'extérieur de la ville....Voilà ce qu'il tentait de faire depuis plusieurs jours. Avant que son suzerain ne revienne.

"Dites-moi prévôt, pourquoi ne m'avez-vous pas envoyé une missive pour me mettre au courant de la situation? déclara Baudoin d'un air assez suspicieux.

-C'est que....On a bien essayé. On avait commencé à envoyer des personnes pour reconnaître les environs. Mais le problème c'est qu'elles ne sont jamais revenues....Alors on a fait partir d'autres gars pour essayer de les retrouver. Mais là aussi, plus personne, plus de traces, plus rien quoi. Il n'y en a pas un qui est retourné au bercail. Il se met alors à scruter les environs d'un oeil alerte, comme s'il se sentait épié ou observé par le brouillard, ou par ce qui pouvait s'y cacher à l'intérieur. A mon avis il y a un truc pas net, cette brume n'est pas normale. On fait avec, on essaye de rester groupé mais....Mais quand même. On n'y envoie pas des gens pour qu'ils disparaîssent comme ça, d'un coup, sans cri et gare.... Il porta alors ses yeux au niveau de ceux de son seigneur, osant le tutoyer du regard depuis le début de leur conversation. Un mouvement trés audacieux pour un subordonné de sa trempe. Je pense que vous avez eu de la chance qu'on vous trouve, monseigneur....Si on n'aurait pas patrouillé au bon endroit et au bon moment vou...."

Régis n'a pas le temps de terminer sa phrase, le silence pesant du brouillard vole en éclats, des échos se faisant entendre dans le lointain. Des sons rapides et répétitifs, comme si l'on fonçait vers eux. Les deux hommes d'armes; Régis; Baudoin; tous se tournent comme un seul homme en direction de ces bruits. Les gens d'armes raffermissent la prise de leurs armes d'hast et les abaissent légèrement, tandis que le prévôt et son suzerain tentent se scruter ce qui se passait au-delà de la brume épaisse. En vain. Les sons deviennent de plus en plus proches et de plus en plus forts, Régis se tourne alors vers le baron:

"Je n'aime pas du tout ce genre de bruit monseigneur. Que devons-nous faire?" prononce t'il avec inquiétude.

Baudoin le regarde pendant une seconde, puis se concentre de nouveau dans la direction d'où vient cette....ce rhytme....Tout de suite aprés, une....non....deux grandes silhouettes commencent à se profiler à une quinzaine de mètres. Partagé entre le doute et une certaine intuition quant à la nature de ceux qui lui font face, le baron de la Vilette met quelques secondes à se décider. C'est alors qu'il commence à éperonner trés légèrement sa monture afin qu'elle le porte en avant de la troupe.
"Non malheureux. Non. Monseigneur ne faites pas ça." murmure un prévôt presque apeuré, qui tente de saisir la bride du destrier de son suzerain. Trop tard. Ce dernier se trouve déjà au devant du groupe; la brume commençant à l'envelopper alors que le bruit des sabots de son cheval résonne un peu dans le brouillard. Il lève son poing et déclare bien haut et fort.

"Oyez! Vous qui approchez, sachez que vous êtes ici sur le territoire de Baudoin de la Vilette: baron et suzerain de Grunère! Je vous demande de décliner votre identité, sinon moi et mes hommes lancerons une charge sur vous!

Alors qui que vous soyez.

Répondez! ondez! dez! ez!"


* * *
Johannes "La Flèche", Hors-la-loi
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Re: [Warhammer] La Cendre et le Sang

Message par Johannes La Flèche »

Le visage du baron prend brusquement un air grave: pas un mot, pas une réponse ne lui est retournée. Les silhouettes foncent aveuglément sur lui. Le doute rejaillit dans son esprit, se serait-il trompé? Mais Baudoin se rend compte qu'il est maintenant trop tard pour se poser cette question....Avec précipitation il abaisse sa visière, saisit son épée bâtarde par la garde et tire trés fortement sur la bride de son cheval pour le faire cabrer et esquiver d'éventuels coups. Tandis que son destrier pousse un hennissement mêlant la surprise et la peur, le seigneur de Lavilette finit de dégainer son arme, lame au clair.
Cependant, alors que son cheval repose ses quatre sabots par terre, il entend d'autres hennissements et des cliquetis d'armure, tout prés de lui.

"Holà! Holà! Tout doux tout doux."

Tirant toujours sur leurs brides, retenant leurs montures qui s'ébrouaient, les cavaliers qui faisaient face à Baudoin ont manqué de le percuter. Ils n'avaient aperçu le baron qu'au tout dernier instant, à quelques mètres seulement. Alors que la poussière retombait et que la brume s'écartait, le suzerain de Grunère put enfin voir ceux à qui il a failli porter un coup d'épée. Il reconnut la personne qui se tenait juste devant lui. La gravité du baron disparaît de son visage ausitôt qu'il voit ce chevalier, reconnaissable entre tous par son cimier prenant la forme d'une tête de licorne; cette même créature pouvant être d'ailleurs visible sur son écusson qu'il arborait au niveau de son épaule afin de maintenir sa cape.

Guillaume de Mézière, vassal important et fervent partisan du baron de Lavilette.

Image

C'est lui que Baudoin soutient dans sa querelle territoriale contre le marquis de Lensquanois; une dispute produite par quelque sombre litige aux niveau des lois féodales.

Baudoin relève alors sa visière, un peu soulagé et satisfait du présentiment qu'il a eu quelques secondes plus tôt. Face à lui, le seigneur de Mézière en fait tout autant, à sa surprise et ses yeux écarquillés se succède un certain adoucissement de ses traits sur son visage pourtant anguleux.

"Monseigneur! Grâce soit rendue à la Dame! Nous vous croyons perdu au beau milieu de.... une grimace apparaît sur sa figure tandis qu'il semble marquer soudainement une pause, ne sachant pas trop comment qualifier l'endroit dans lequel il est. ....de ces lieux? prononça-t'il tout en balayant du regard la zone enténébrée au sein de laquelle il se trouve. Savez-vous pourquoi votre fief est plongé dans une telle.... atmosphère? C'est que depuis que vous aviez disparu avec Dame Ovanie sous nos yeux, dans ce brouillard, nous commencions à nous préoccuper de votre sort. J'ai donc été envoyé en reconnaissance afin de vous retrouver.

-Eh bien ne vous en faites pas pour moi. Malgré cette ambiance....singulière....je suis toujours en pleine forme. lui répondit le baron sur un air qui se voulait rassurant. Il est vrai que j'ignore comment tout ceci s'est produit, mais je compte bien faire la lumière sur toute cette histoire. Le suzerain de Grunère regarda par-dessus son épaule et haussa le ton de sa voix. N'est-ce pas prévôt?"

C'est avec son air sérieux qui lui était si caractéristique que le seigneur de Lavilette vit un Régis inquiet et deux hommes d'armes imperturbables s'avancer vers eux, se distinguant peu à peu de la brume pour les rejoindre. Baudoin reporta son regard devant lui, son visage se figeant juste aprés qu'il ait vu la personne qui accompagnait son vassal.
Toujours juchée sur sa monture au pelage blanc et au crin doré, toujours aussi interdite, son regard toujours aussi pénétrant, Ovanie avait ses yeux plantés dans ceux du baron. Pendant une seconde ce dernier fut prit de court, se souvenant de ce qu'avait dit son prévôt sur les personnes s'évanouissant sans cri et gare dans le brouillard. Mais comment s'en était-elle sortie?

"Ah. Demoiselle. finit-il par prononcer pour ne pas se laisser décontenancer. Je vois que vous aussi vous avez su trouver votre chemin à travers cette brume. poursuivit le seigneur dans une politesse toute prudente.

-Je ne vous le fais pas dire. J'ai trouvé le sire de Mézières sur ma route. répliqua fermement la demoiselle du Graal. Vous pouvez vous estimer chanceux, messire. Car il n'y pas que la Peste qui s'est abattue sur notre ville.

-Qu...Que. Quoi? La Peste? Ici? s'exprima Guillaume d'une voix presque étranglée, son esprit en proie à la stupeur. Donc....cette odeur de charogne qui vous prend au nez, en fait c'est...."

Alors il put voir venir Régis et ses hommes d'armes aux figures patibulaires, recouverts par des vêtements à moitié miteux et masqués par un foulard pour tenter de se protéger du Mal qui sévissait dans la ville; alors il put prendre pleinement conscience, lui aussi, de la fraîcheur qui s'infiltrait à travers sa cotte de maille et son casque; alors il ne put que mieux voir ce brouillard sombre, poisseux, qui les cernait tous, s'insinuant jusque dans ses pensées.
Son regard ne peut apercevoir que les ténèbres; sa peau ne peut ressentir que le froid; son nez ne peut que sentir l'odeur des centaines de cadavres que contiennent les environs; et ses oreilles ne peuvent écouter qu'un silence pesant.
Plongé dans un environnement qui lui est inconnu, douteux, surnaturel, voire franchement dérangeant, le seigneur de Mézière sentit un certain malaise monter en lui; il chercha alors tout autour de sa personne un repère, une certitude, quelque chose de sain, n'importe quoi de rassurant sur lequel se raccrocher mentalement pour ne pas sombrer dans le doute....voire la peur....
Mais hormis l'air assombrit d'Ovanie et la figure grave de son suzerain, sa vision ne percevait presque rien d'autre, sinon la grande ombre, presque intimidante, des murailles de Grunère dans le lointain et quelques silhouettes à l'aspect fantomatique, toutes à moitié enveloppées dans le linceul noirâtre qu'était cette brume.

"Mon....Monseigneur. Voulez-vous vraiment rester ici? finit-il par prononcer sur un ton qui trahissait une certaine inquiétude. Pourquoi ne pas retourner vers l'ost avec moi et Dame Ovanie? Je pense que nous serions plus....plus à l'aise là-bas. Vous ne trouvez pas?"

Ce n'était plus le chevalier de Mézière qui parlait. Non. C'était un homme superstitieux et quelque peu dérangé par ce qui l'entourait. Cela n'était guère surprenant de sa part, un chevalier lambda aurait probablement réagi de la même manière; car au fond, presque tous les bretonniens, nobles comme manants, étaient des gens superstitieux qui se signaient ou priaient les dieux aussitôt que quelque chose d'inhabituel se produisait dans leur existence. Les fils de Gilles le Breton redoutent le surnaturel et la sorcellerie. Ici plus que dans l'Empire, la magie et ceux qui la pratiquent sont traités avec défiance, mépris, voire avec une hostilité qui leur est trés souvent fatale. Dans le cas de Guillaume, seules la présence d'une demoiselle du Graal et son éducation chevaleresque l'empêchaient de totalement perdre pied, de tourner ses étriers pour chevaucher à bride abattue vers le reste de l'ost.


Pourtant, il devait bien exister des exceptions à cette norme, à cette moyenne, à cette majorité toute bretonnienne qui conspuait et craignait la magie. Les demoiselles et prophétesses du Graal bien entendu. Mais pouvait-on y inclure aussi le baron Baudoin de Lavilette? Car la réponse qu'il adressa à Guillaume fut des plus claires.

"Non. Un suzerain digne de ce nom doit s'occuper de son fief en toutes circonstances, tout temps et tous lieux. Comprenez que je me dois de résoudre la situation étrange qui s'est abattue dans mon domaine, messire." répondit-il sur un ton posé mais catégorique.

Le fait est que derrière cette réthorique et la facade de marbre qu'il arborait, le seigneur de Grunère n'était pas si convaincu par les propos qu'il proférait. Même dans une posture fâcheuse, même lorsque sa ville est frappée par le Mal et qu'on ne peut pas tout contrôler ou tout savoir, il faut préserver son image, feindre l'indifférence, l'assurance et un certain détachement envers ce qui vous arrive. C'est là que l'on reconnaît un grand seigneur.

Telle était la logique du baron. Car si ses calculs se révélaient justes et si la situation était aussi grave qu'il estimait, il allait lui falloir l'aide de ses vassaux pour régler toute cette histoire. Alors autant paraître ferme et convainquant dés maintenant.
Cependant, au plus profond de son âme, le suzerain de Grunère n'en éprouvait pas moins une certaine contrariété, un sentiment d'impuissance face à ce qui lui arrivait.
C'est à ce moment que le visage rayonnant d'Elisa ainsi que les petites frimousses adorables de Tristan et Godfroy surgirent dans son esprit en proie à la lassitude, balayant toute étiquette feinte, écrasant toute pensée raisonnable, brisant toute logique rationnelle de ses pensées. Son âme, pourtant habituée à la froideur et au intrigues calculées, était désormais emportée dans un tourbillon implacable où la crainte, l'affection, le mépris et une résolution infaillible se retrouvaient tous mêlés. Ils fallait qu'il les retrouve, qu'il les revoit, à tout prix.
Alors il détourna soudainement ses yeux de Guillaume pour les planter dans ceux de Régis, ce dernier ne pouvant qu'essayer de soutenir le regard intense que son suzerain lui adressait.

"Prévôt, j'ose espérer que ma femme et mes enfants ne sont pas dans ces tentes pouilleuses et ces cahuttes misérables qui sont adossées à mes murailles. prononça-t'il avec une certaine fougue.

-Euh....Non-non-non-non-non monseigneur, rassurez-vous là-dessus lui répondit un Régis qui recula d'un pas, se sentant mis sous pression.

-Alors où se trouvent-ils. poursuivit le baron, posant une question toute réthorique dont la réponse avait tout intérêt à être satisfaisante.

Le prévôt poussa un soupir tandis que ses épaules s'affaissaient. A la vue de son suzerain qui crispait sa main gantée de fer autour du pommeau de son épée, il ne pouvait tout simplement pas lui mentir ou lui cacher quoi que ce soit.

-Eh ben....Quand la peste à commencé à se répandre, votre femme a décidé de s'enfermer dans votre château avec vos enfants et une partie de la garde civile ainsi que de la cour. Avant de barricader toutes les issues, elle m'a confié qu'elle se receuillerait et prierait en attendant votre retour. Il eut à peine le temps de terminer sa phrase que Baudoin lui répondit vivement et immédiatement aprés.

-Bien. Nous partons tout de suite pour le château. A ces mots Régis déglutit, la peur se manifesta de nouveau en lui alors qu'il imaginait le projet de son seigneur.

-Mais monseigneur, Grunère n'est plus entièrement sous notre contrôle. Nous risquons de nous faire attaquer et....

-Qu'importe coupa le baron tout en levant sa main, Je suis de retour, mon autorité sera rétablie d'une manière ou d'une autre. Ce ne sont pas quelques roturiers en colère qui m'empêcheront de....

-Et l'ost, monseigneur? osa interrompre le seigneur de Mézière qui jusque là ne savait pas trop où se mettre. Ils attendent vos ordres, que dois-je leur dire? Que devons-nous faire?

Pendant quelques secondes, Guillaume regretta sa prise de parole. Il n'est pas bon qu'un vassal, aussi influent soit-il, coupe la parole à son suzerain; surtout quand les doigts de ce dernier commencent à jouer avec la garde de sa lame et qu'il prend une grande inspiration. Finalement, Baudoin regarde par dessus son épaule, lançant un regard oblique au seigneur de Mézière.

-Eh bien Guillaume. Dites à toute la troupe qu'elle commence à établir un camp, à la limite du brouillard. Je veux des patrouilles tout autour, que tout le monde allume des torches et des braseros afin de pouvoir se reconnaître et se repérer dans cette brume. Que les chevaliers et la piétaille restent vigilants à tout ce qui se passe autour d'eux. Je reviendrai tôt ou tard. Compris? dit-il sur un air posé.

-Compris, monseigneur. Je....je pars les prévenir dés maintenant." déclara le sieur de Mézière tout en hochant de la tête.

Etait-il pressé de transmettre ces ordres? Voulait-il juste quitter cet endroit dérangeant? Dans tous les cas il éperonna sa monture et repartit au galop dans la direction d'où il était venu, la brume l'engloutissant peu à peu alors que sa silhouette s'éloigne puis disparaît. Baudoin se retourna pleinement vers Régis et s'efforça de retrouver sa contenance.

"Allons prévôt, je vous suis. Vous vous êtes sûrement fait à ce brouillard. Vous pouvez donc me guider à travers Grunère pour atteindre mon château n'est-ce pas? Régis aurait bien voulu continuer d'argumenter et de s'opposer à cette décision, mais une petite voix lui disait que son seigneur n'était certainement disposé à l'écouter en ce moment....

-D'accord, monseigneur. souffla-t'il avec résignation. Je pars devant pour vous montrer le chemin."


Ainsi, le prévôt, toujours accompagné de ces deux gens d'armes décidément bien discrets, commença à ouvrir la marche, se dirigeant vers la porte d'entrée de Grunère. Le baron de Lavilette allait le suivre quant il ressentit quelque chose de minuscule s'écraser contre son armure. Un peu étonné, il enlève alors son casque puis lève sa main devant lui. Il peut alors ressentir de trés petites gouttes d'eau qui tombent sur sa chevelure châtain et peut voir ces mêmes gouttes qui s'écrasent sur son gant. Une bruine, une pluie froide et trés fine commence à lentement tomber sur Grunère.
Mais alors qu'il remet son heaume, Baudoin entend des bruits de sabots. Il n'a pas finit de se retourner qu'il sent une main se poser sur son épaule:

"Les apparences sont parfois trompeuses. le baron se retrourne brusquement et voit Ovanie qui le fixe d'un regard perçant, mais aussi troublé. La peste n'est qu'une conséquence et non la cause des malheurs qui frappent Grunère. poursuivit-elle d'une voix petite mais profonde, son visage au teint livide contrastant avec le sombre brouillard qui les entourait; son comportement, ses gestes, tout est affecté par ce qu'elle ressent. Des gens ont souffert, souffrent et souffriront....Je le sens....La mort....Cette souffrance....Le désespoir et la destruction qu'elles engendrent....La sorcellerie est là....Une sombre magie, qui attire des êtres impies.... Le seigneur fronce les sourcils alors que la main d'Ovanie devient tremblante et que ses pupilles se dilatent, comme si elle appréhendait la situation en même temps qu'elle parlait. Messire, un Mal indicible a pris racine dans Grunère."

C'est au tour du baron d'afficher une mine interdite, ne pouvant que prendre note des paroles de la demoiselle du Graal. L'espace d'une seconde, il se voit déjà en train de chevaucher au triple galop vers son château pour secourir sa famille. Mais cette fois-ci, le barrage de la raison et de la froideur arrive à contenir les flots émotionnels et tumulteux qui apparaîssent de nouveau en lui.

"Alors pourquoi ne pas l'avoir dit aux autres? Pourquoi ne confiez-vous cela qu'à moi? Nous aurions pû gagner un temps précieux et....

-Les autres savent qu'il se passe quelque chose. coupa fermement Ovanie, Ne voyez-vous donc pas?...ils ont peur....ils sont dérangés par ce qu'il y a autour d'eux. Ils savent que ce n'est pas normal. Ce sont tous des superstitieux....ils le sont peut-être trop d'ailleurs. poursuit la demoiselle, reprenant petit à petit son maintien au fil de ses paroles, Mais vous....baron....vous ne l'êtes pas assez." acheva-t'elle tout en fixant Baudoin avec un regard lourd de sens.

On entendit alors le croissement des corbeaux, qui ne tarda pas à se perdre en échos au milieu de la brume et de la bruine. Le seigneur hocha légèrement de la tête tout en continuant de soutenir le regard d'Ovanie.

"Bien. Mais je ne peux me permettre de rester les bras croisés pendant....que mes sujets souffrent, comme vous le dites. J'ai bien l'intention d'entrer dans Grunère pour savoir ce qu'il s'est passé. Ce qui est arrivé à mon fief, je veux le voir de mes propres yeux. finit-il par prononcer sur un ton un peu affecté.

-Alors dans ce cas, je vous suis."


Et c'est ainsi que le duo commence à chevaucher vers l'entrée de Grunère, rattrapant Régis et son escorte qui avaient pris une avance de plusieurs mètres. Arrivés à l'entrée, le petit groupe peut voir des badauds misérables qui écarquillent les yeux à leur passage, ou leur font une révérence toute maladroite. Seuls des hoquets de surprise et des regard presques stupéfais leurs sont adressés alors que le cordon de sécurité s'écarte pour eux et qu'ils passent l'entrée décrépite du bourg.
Alors qu'ils commencent à pénétrer dans la ville, elle aussi enveloppée par le brouillard, Baudoin, l'air toujours grave, ne cesse de se remémorer la vraie raison, le véritable objectif de sa venue.

Tout le monde autour de lui peut bien être supertitieux ou peureux, tous les oiseaux de malheur peuvent bien lui donner des avertissments, mais personne, personne ne l'empêchera de revoir ceux qui sont chers à son coeur....


* * *
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Message par Johannes La Flèche »

Malgré ses avertissements, la demoiselle du Graal avait finalement préféré accompagner le seigneur de Grunère, même lorsque cet obstiné avait voulu se rendre directement dans le bourg. Plus que l'altruisme, plus que la sollicitude, c'était surtout le Devoir qui la guidait, qui l'incitait à aller dans cette bourgade visiblement sinistrée. Ovanie ne se trompait pas quant elle avait perçu l'Impie qui était à l'oeuvre dans la ville. La magicienne le sentait, le savait, mais n'était pas arrivée à percevoir clairement sa nature, ni sa source. Elle s'était donc faite un devoir d'identifier plus précisément ce Mal et l'identité de celui -ou de ceux- qui le manipulait. Plus la demoiselle s'approcherait, plus elle serait capable de les discerner, elle en était certaine.

Par conséquent, quand le petit groupe entra dans Grunère, Ovanie ne put que mieux ressentir la sorcellerie latente qui s'était emparée des lieux. Là où Baudoin, Régis et ses hommes d'armes voyaient surtout la grande allée du marché qui pénétrait dans l'intérieur de Grunère: avec ses maisons décripites qui tenaient à peine debout, leurs charpentes sur le point de s'effondrer et leurs portes arrachées ou bien enfoncées, les rares fenêtres ayant été brisées en mille morceaux; avec des murs marqués par la noirceur carbonisée d'un feu ou par d'étranges éraflures, comme si plusieurs mains griffues s'étaient acharnées dessus; avec du sang séché qui avait pris la place de la boue dans le merderon au centre de la rue; avec des cadavres disposés négligemment au pied de certaines bâtisses, recouverts qu'ils étaient par un bout de toile ou même par les décombres des maisons à côté; avec encore et toujours cette brume qui s'était définitivement transformée en un brouillard épais, à l'apparence désormais verdâtre, presque oppressant; avec la puanteur des dépouilles ayant été remplacée par celle de miasmes à l'odeur encore plus prenante et pestilentielle; Ovanie, elle, percevait surtout de sombres vrilles magiques qui s'enroulaient tout autour des bâtiments....et des corps....Elle reçoit alors la vision aethyrique d'une immense coulée de goudron poisseux qui, lentement, paresseusement mais sûrement, se dirigeait un peu plus vers le groupe, noyant et engloutissant les âmes des défunts dans son approche.

Tandis que Baudoin et ses suivants restaient figés face à la misère, la déchéance et la dévastation qui se dévoilaient sous leurs yeux; Ovanie, derrière son visage toujours interdit a son esprit frappé, agité par l'appréhension. Il fallait qu'elle en sache plus sur cette force abjecte et sur les moyens de la combattre.
Fermant les yeux, expirant lentement du nez, serrant sa main autour du talisman qui pendait à son cou, la demoiselle du Graal se hasarda à plonger encore plus profondément sa conscience dans l'Aethyr, cette dernière commençant à parcourir Grunère sous une forme éthérée, n'étant sensible qu'à la magie.
Une question était parvenue à son esprit de manière presque obsessive: le temple du Graal, son temple avait-il été épargné par tout cela?
La réponse ne fut pas longue à attendre, apercevant une lueur de sainteté lumineuse au milieu de toutes ces ténèbres envahissantes, la magicienne en fut quelque peu rassurée. La nature et le sol consacrés de l'édifice avaient tenu bon face à cette magie impie. Ovanie y était aussi pour quelque chose, la demoiselle étant la seule occupante et gardienne de ces lieux, avait pris soin de vérouiller toutes les portes, de vérifier tous les enchantements qui maintenaient la nature sacrée du temple avant de partir en campagne aux côtés du seigneur de Lavilette. Comme pour confirmer cette réalité, Ovanie se mit à palper ses hanches avec sa main. Oui. Elle le sentit. Il était toujours là, son trousseau de clés donnant accés à l'édifice.
Toutefois une autre réalité apparut aux sens magiques de la demoiselle: son temple, cet éclat de pureté, ce joyau scintillant entretenant ses espérances était bien le seul point à briller dans tout cet environnement malsain....


Un Mal étrange s'est emparé de Grunère. La bourgade autrefois florissante n'est plus que l'ombre d'elle-même....

Image

L'allée du marché à l'entrée de la ville semble désepérément vide; il faut s'imaginer un brouillard qui tire plus sur le vert que le noir pour l'atmosphère. De ce point de vue général, on peut voir le château de la famille de Lavilette dans le fond.


"Eh regardez! Y a quelqu'un!"


A ces mots, la concentration de la magicienne sur son sortilège fut brisée. Alors que son esprit émergeait de nouveau dans la réalité, Baudoin et ses hommes purent voir des silhouettes. Ces dernières se dessinant dans le brouillard, sortant des ruines et des maisons, apparaîssant depuis les rues adjacentes à l'allée. Malgré le froid, la bruine glacée, ce brouillard et cette infection surnaturelle, des ombres venaient, se rassemblaient et se portèrent timidement à la rencontre du baron et de son escorte. La purée de poix verdâtre gênant la vision, on ne put pas voir à qui l'on avait à faire, tant pour le baron que pour les gens qui l'avaient repéré. Finalement, au bout de quelques secondes, ils finirent par s'approcher un peu plus du suzerain et de son groupe.
Le seigneur de Lavilette resserra de sa main le pommeau de son épée. Faisait-il face au rebelles dont Régis lui avait parlé? Etaient-ils pestiférés eux aussi?

..." il y a quelques quartiers qui ne sont toujours pas trés sûrs "...

La phrase du prévôt résonna dans l'esprit de Baudoin, ce dernier se rendant compte qu'au mieux son subalterne avait oublié de lui dire des choses, et qu'au pire il lui avait franchement menti sur la situation.
Mais il n'eut pas le temps d'approfondir cette réflexion, car déjà les visages et les corps de ceux qui l'avaient aperçu commençaient à se distinguer de la brume. Plusieurs dizaines de personnes, de curieux, d'anciens citadins, de miséreux, de survivants s'étaient rassemblés pour voir le suzerain de leur ville en ruine. Celui-ci ne pouvant que remarquer les visages blêmes, les postures courbées et affaiblies, les quintes de toux qui prennaient certains d'entre eux, les vêtements et les capuches miteuses qui recouvraient certains d'entre eux. Le brouillard empêchait de les discerner avec précision, il était impossible de voir les derniers rangs de cette bande, mais on devinait qu'en ce moment même d'autres personnes étaient en train de les rejoindre par delà la brume et les ruines.
Toutefois, le groupe de citadins resta à quelques mètres de distance du baron et de la demoiselle: par respect pour certains, par crainte pour d'autres, par peur des hommes d'armes qui se tenaient devant eux....
Personne n'osait prendre la parole, tant à cause de l'atmosphère lourde et sinistre que de la méfiance, de l'apréhenssion qui régnait dans tous les esprits. Seuls les croissements des corbeaux peuvent être entendus, seuls quelques vols de chauve-souris peuvent être entr'aperçus dans le brouillard. Profitant ainsi de ce calme relatif, Baudoin plongea ses yeux dans les regards de ses sujets. Cherchant à prendre la température parmis la population et déjà déceler quelques fauteurs de troubles. Aprés tout, les yeux ne sont-ils pas le reflet de l'âme?
Si au début il put voir certains qui lui montraient du respect, il ne tarda pas à remarquer également que désormais, il n'y avait plus aucune politesse, plus aucune déférence dans le regard de ceux qu'il croisait. Non. Dorénavant il y voyait de tout autres impressions:

La déception.
La peur.
L'angoisse.
L'abattement.
Le désespoir.
L'amertume.
La rancoeur.
La colère.
La peste....

Plus que leurs corps amaigris par la famine, plus que leurs habits miteux à moitié en lambeaux; c'étaient tous ces ressentis, toutes ces caractéristiques qui marquaient d'une manière ou d'une autre les regards et les visages de ceux qui lui faisaient face.
Une question s'imposa dans les pensées du suzerain de Grunère. Un doute qui ne fut pas crée par le brouillard, pourtant omniprésent autour de lui. Est-ce que tous ces gens, toutes ces âmes en peine, tous ses sujets, finalement, pouvaient-ils être récupérables? Pouvaient-ils être guéris du Mal qui les affligeait tant?
Mais peut-être que le baron les avait un peu trop fixé dans les yeux, ou bien la patience de cette foule de marginaux, de parias maladifs, avait tout simplement atteinte ses limites. Des murmures se firent entendre, des personnes commencèrent à s'agiter. Peu à peu ces murmures se transformèrent en rumeurs, qui ne tardèrent pas à évoluer en suppliques et interpellations adressées aux dirigeants temporels et spirituels de Grunère:

"Monseigneur! S'il vous plait aidez-nous!"
"La Mort Noire nous accable Madame! Ne pouvez-vous donc pas nous guérir?"
"Des infectés sont encore en ville! Par pitié Monseigneur, il faut s'occuper de leurs cas!"


Face ces demandes, le baron reste silencieux, son regard impassible cherchant ceux qui ont pris la parole. La magicienne commençant tout de même à froncer les sourcils, le ton de ces demandes commença dés lors à se faire plus vindicatif et incisif.

"Où étiez-vous durant l'épidémie hein?!"
"Il n'y avait que les prêtresses de Shallya pour nous soutenir!"
"Il a raison! Seule Shallya était là! Où est donc passée la....


-La Dame est toujours avec nous! En tous temps et tous lieux! coupa soudainement et sèchement Ovanie, comme pour anticiper cette remarque plus que désobligeante à son goût. Ne vous laissez pas abattre par ces évènements, aussi funestes soient-ils! poursuivit-elle d'une voix profonde et portante. Ne laissez pas le doute et les désespoir s'installer dans vos coeurs! Dois-je vous rappeller que nous ne sommes pas vos ennemis!? Ne voyez-vous donc pas les Ténèbres qui s'immiscent dans Grunère?!...." continua-t'elle, toute vitupérante qu'elle était.

Le courroux et la déception commençaient à se manifester dans les pensées de la demoiselle: que ses ouailles ne lui fassent pas confiance est une chose, mais qu'elles la rejettent alors que l'heure est grave, alors que d'immondes forces s'emparent de Grunère, était tout simplement inacceptable à ses yeux. Néanmoins, le Devoir l'incitait à persister, à faire comprendre à ces âmes errantes que tout espoir n'est pas perdu. Elle se devait, autant pour elle-même que pour les autres, de raffermir les coeurs et les esprits afin de lutter contre cette corruption rampante qui s'emparait de la ville.
Baudoin quant à lui, la laissait s'exprimer dans son discours remarquable, continuant de sonder les regards de ceux qui lui faisaient face. Bien qu'en son for intérieur il soit de plus en plus intrigué par cette ambiance toujours plus sinistre, tous ceux qui le regardaient ne pouvait voir qu'un chevalier à l'allure stoique, que ni la bruine, ni l'atmosphère pestilencielle, ni la foule ne parvenaient à perturber. Toutefois ce n'est pas tant la magie ou le surnaturel qui le concernent, mais plutôt l'élimination des rebelles qui devaient sûrement se trouver dans cette foule. Il n'oubliait pas bien sûr sa dame et ses garçons, sa famille qui se trouvait derrière tout ce brouillard et tous ces gens. A l'évocation de ce souvenir, un certain mépris commence à couver dans son esprit. Comment ses propres sujets, cette routure crasseuse et pestiférée osait-elle se mettre entre lui et ses proches?

C'est alors que ses yeux se plantent dans ceux d'un énième infecté à l'allure presque normale, si ce n'est son visage couvert de furoncles et ses yeux chassieux qu'il tente de dissimuler sous une capuche usée et cramoisie. Tandis que la magicienne poursuivait dans sa lancée et ne s'arrêtait pas de parler, le baron est d'abord étonné puis quelque peu contrarié par le fait que cet individu lui réponde avec son regard.
Comment ce vaurien, ce roturier impudent ose le tutoyer comme ça? Lui? Baudoin, son seigneur et suzerain? Tiens, le voilà qui commence à reculer désormais, il doit avoir comprit son erreur....
Soudain, Ovanie arrête de livrer son discours, ce qui fait tourner la tête de Baudoin vers elle. Il voit alors la demoiselle figée sur sa monture. La magicienne sentant tous les poils de son corps s'hérisser, un frisson lui parcourant le dos tandis que sa conscience magique perçoit quelque chose dans l'Aethyr.

"GLOIRE AU MAITRE! MORT AUX VIVANTS!"


Quant il entend ces paroles, Régis se raidit d'un coup. La peur le prend alors qu'il voit le semblant de normalité s'écrouler sous ses yeux. Se trouvant derrière le groupe, il ne peut s'empêcher de reculer d'un pas en voyant la foule qui disperse, qui s'éparpille dans la plus grande confusion et la panique. Le prévôt sent son ventre se nouer alors qu'il voit de sombres silhouettes encapuchonnées surgir de toute cette cohue pour se précipiter sur le seigneur et la magicienne. Il sent les battements de son coeur s'accélérer quant il voit des éclairs incandescents jaillir des yeux d'Ovanie et frapper aussitôt l'un des assassins se trouvant devant elle; ce dernier tombant à genoux, son corps parcouru de spasmes, avant qu'il ne s'écroule définitivement au sol. Régis ne peut que claquer des dents, gagné par la panique, alors qu'il aperçoit une vrille de magie noire atteindre la demoiselle du Graal, Ovanie tombant à la renverse de sa monture et chutant au sol, poussant un hoquet de surprise. L'horreur l'atteint quant il regarde le destrier de son seigneur se cabrer puis chuter dans un hennissement de douleur, percuté lui aussi par une sorcellerie maléfique, entraînant un Baudoin désarçonné dans sa tombée, son armure percutant le sol dans un grand fracas métallique.
C'en était trop pour Régis, rassemblant le peu de maîtrise qui lui restait, le prévôt, terrifié et ne sachant même pas tenir une lame, court comme un dératé vers la sortie de Grunère, vers le corps de garde.

"Au s'cours au s'cours! A moi la garde!" hurle-t'il alors que les hommes d'armes en questions haussent des sourcils quant ils finissent par l'entendre.

Baudoin se relève maladroitement, péniblement, dégainant son épée bâtarde aussi vite que possible. Il sent la douleur un peu partout dans son corps mais tient le coup. A peine a-t'il le temps de se mettre en garde qu'un des sombres acolytes surgit du brouillard, lui fonçant dessus, tenant une dague comme on tiendrait un pic à glace. Le seigneur de Grunère sent instantanément ses réflexes de combattant revenir, se remémorant son entraînement de chevalier qu'il a eut l'occasion d'appliquer sur les hommes-rats il y a quelques jours. Au moment où son ennemi est sur le point de l'atteindre, il effectue un pas de côté et porte tout de suite aprés un coup de taille au niveau de l'épaule. Son adversaire est déstabilisé, poussant un grognement de douleur. Prenant son épée à deux mains, le baron lui porte un nouveau coup de taille au niveau de sa gorge, décapitant le cultiste dans la seconde qui suit; sa tête vole en l'air tandis que son corps s'éffondre au sol, le sang tombant désormais aux côtés de la bruine sur les pavés de Grunère.
Trés rapidement, le seigneur jette des regards tout autour de lui pour voir ce qui se passe. Il aperçoit brièvement les deux hommes d'armes qui l'escortaient en train de combattre dos à dos, pavois levés et armes d'hast abaissées, devant le corps d'Ovanie, tentant de protéger la magicienne d'un trio de cultistes encapuchonnés armés de hachettes et de couteaux. Baudoin commence à se précipiter dans leur direction quant il entend une clameur venant sur sa gauche.

Les cris, les crépitements des sortilèges et le tintement de l'acier résonnent désormais sur l'allée du marché. Le seigneur de Lavilette voyant dorénavant deux adversaires qui le chargent. Se remettant de nouveau en garde, Baudoin esquive le coup de massue du premier cultiste, ce dernier se penchant devant lui à cause de son attaque ratée. Le noble le saisit alors à l'épaule d'une main, tandis qu'avec l'autre il enfonce son épée dans son ventre jusqu'à la garde. Des ongles sales et cassés tentent de le griffer durant quelques secondes, mais le baron n'a pas le loisir de voir son adversaire s'écrouler au sol. Alors que l'acolyte expire un dernier souffle fétide, Baudoin sent une lame ricocher à deux reprises sur son armure. Aussitôt retourné, il se retrouve face à un cultiste caquetant de manière démentielle, tentant de le rouer de coups alors que le seigneur veut retirer son épée du cadavre de son premier adversaire. Le sectateur en profite pour lui donner un puissant coup de pied au niveau du torse. Déstabilisé par ce geste et par son armure, le seigneur ne peut que tomber à la renverse, l'acolyte se jettant sur lui afin de le lacérer de coups au visage avec sa dague rouillée. Toutefois au dernier moment, le baron, dos au sol, arrive à bloquer les attaques en saisissant le bras armé du cultiste avec sa main, au niveau du poignet.
Mais ce dernier parvient aussi à immobiliser l'autre main de Baudoin de la même manière et essaye désormais de lui donner des coups de tête, le chevalier ne pouvant que tenter de riposter en lui donnant des coups avec ses genoux, puis en essayant d'inverser littéralement les rôles. Ainsi, les deux hommes roulent à terre, chacun se retrouvant tantôt au-dessus, tantôt en-dessous de l'autre sans que personne ne parvienne à l'emporter définitivement.

Mais tout d'un coup, alors qu'il vient juste de basculer et se trouve de nouveau le dos contre les pavés, le baron va encore une fois porter un coup de genou quant il voit les yeux jaunis et chassieux de son adversaire se révulser brusquement de douleur; tandis que le crépitement d'un éclair de magie noire parvient à ses oreilles. Le sectateur finit par relâcher son emprise sur Baudoin et tombe sur le côté, raide mort. Le seigneur se dégage du corps et se relève aussi vite que possible. Toujours dans le feu de l'action, il ne voit ni l'un des deux hommes d'armes se faire abattre par les sectateurs, ni son prévôt qui, toujours en proie à la crainte, commence à renvenir sur les lieux avec tout un peloton de gardes. Non. Son attention est surtout concentrée sur une silhouette à la capuche cramoisie qui, aprés avoir craché d'obscures insultes, tente de s'enfuir dans les rues ténébreuses à l'intérieur de Grunère. Dans l'esprit de Baudoin tout devient clair: il faut rattraper cette personne, elle va tout lui révéler sur la situation et payer pour tous ses crimes.

"Monseigneur! Mais où vous allez comme ça!?" interpelle Régis quant il voit son suzerain commencer à courir.

D'un coup sec, Baudoin retire sa lame du cadavre qu'il avait embroché. C'est désormais sous la pluie et dans l'épais brouillard verdâtre que le seigneur se précipite à la poursuite du sorcier, sa silhouette commençant à être engloutie par la brume au grand dam du prévôt.

"Non! Non! Monseigneur! Pour l'amour de Shallya je vous en conjure, ne faites pas ça!! Vous êtes devenu fou?!" s'époumone-t'il, mais rien à faire.

Le baron disparaît définitivement parmis les ruines, les cadavres et la purée de pois, laissant là un Régis en train de se tirer les cheveux, devant porter secours à une demoiselle gémissant de douleur au sol, ainsi que plusieurs dépouilles dont il faudra bien s'occuper tôt ou tard.

* * *
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Johannes La Flèche
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Re: [Warhammer] La Cendre et le Sang

Message par Johannes La Flèche »

C'est dans la précipitation que les hommes d'armes et Régis sécurisent les lieux, formant un périmètre avec leurs lances et leurs pavois, dispersant les corbeaux et les corneilles qui commençaient déjà à se ruer sur les cadavres des sectateurs. Son coeur battant à toute allure, le prévôt se dirige vers la demoiselle du Graal. Toujours prostrée au sol et à moitié inconsciente, son visage livide et ses cheveux ayant perdu leur couleur dorée, Ovanie peine à respirer. Son cheval, lui, commence à se remettre péniblement sur ses quatre sabots. Quant il parvient à ses côtés, Régis ne peut remarquer qu'avec frayeur la plaie béante qui parcourt la hanche de la magicienne, dont l'intérieur noir et les bords sanglants déchirent sa robe au motifs blancs et verts, en ne comptant pas le sang et la boue qui la tâchent déjà par endroits.
La demoiselle en est réduite à haleter difficilement, son regard mêlant étrangement douleur et résolution se tourne désormais vers Régis qui s'est agenouillé auprés d'elle.

"Ne laissez....pas....Ne....pas....céder...."

Voilà tout ce qu'elle arriva à murmurer entre deux étranglements de voix, envers un prévôt qui semblait plus que confus. Celui-ci vu alors le collier serré autour du cou d'Ovanie, rendant sa respiration bien difficile. Régis posa donc les mains sur le cou de la demoiselle pour détacher ce talisman. La magicienne déglutit, tandis que l'homme pourtant si peureux qui se trouve à côté d'elle se sent d'un coup comme rassuré, presque apaisé par l'amulette légèrement luminescente qu'il tient dans le creux de sa main. Une lueur d'espoir naquit dans les pensées jusque là troublées de Régis. La situation pouvait-elle vraiment s'arranger?

"Les....les clés...." prononça-t'elle d'une voix à peine plus audible.

Remarquant le trousseau de clés gisant à côté d'elle, le prévôt finit par le ramasser également. Toujours suspendu à ses lèvres, Régis attend la moindre phrase, le moindre mot, la moindre syllabe qu'Ovanie pourra exprimer. Plus que jamais, le prévôt a besoin de consignes, d'ordres et de directives à suivre dans cette situation bien sinistre. Il vient de retrouver l'espoir et il veut le garder. Ils finiront par triompher, lui, son suzerain, ses gens d'armes, Ovanie ; Régis en est persuadé, le Mal sera banni, il ne veut pas perdre espoir.

"Les....Baudoin....Il faut....Il faut le....le temple....le.... elle prend alors brusquement une grande inspiration, ses yeux s'écarquillant, son visage se crispant.

-Euh, chef? s'exprime alors un des hommes d'armes, se tournant vers le prévôt. Y a des gens qui bougent dans les ruines à côté de nous. On fa...

-Tais-toi! interrompit un Régis dérangé par ce qui arrivait à Ovanie, pressant ses mains contre celles de la demoiselle, il s'adressa à elle.
Par pitié madame! Accrochez-vous! Ne nous abandonnez pas maintenant!"

Le regard d'Ovanie vacille, puis ses yeux roulent, son corps se relâche, tout chez elle se fige ; la magicienne sombrant dans l'inconscience aprés avoir inhalé l'air vicié des lieux.
A nouveau, le doute et la peur resurgissent dans l'esprit du prévôt. Il ne sait pas quoi faire, il ne sait plus quoi faire.

"Eh chef, on fait quoi du coup pour ces types? répéta le garde, la réponse tardant à venir.

-J-Je.... Régis se releva, arborant un air hagard, son regard omnibulé par le talisman. Les....Ne les laissez pas approcher le corps de la demoiselle. Surtout pas! Compris?"

Aprés que la sentinelle ait effectué un hochement de tête en guise d'approbation, Régis quitta la magicienne. Le regard toujours vide, il fixa l'amulette comme si elle allait lui dire ce qu'il fallait faire, lui apporter toutes les réponses à ses doutes et ses questions. Mais rien ne se passe. Ainsi, le prévôt se résolut à faire ce qu'il avait toujours fait dans ce genre de situation: se fier à son suzerain, lui demander des ordres, se reposer sur lui en somme. Faisant quelques pas dans le brouillard verdâtre qui l'enveloppait, au milieu des miasmes, de la pluie qui tombait et ruisselait sur son visage, des ombres et des morts, il commence à crier, à héler d'une voix aussi forte que possible.

"PITIÉ MONSEIGNEUR! JE VOUS EN SUPPLIE! SI VOUS M'ENTENDEZ REVENEZ VERS NOUS!!"

"PITIÉ MONSEIGNEUR! JE VOUS EN SUPPLIE ! SI VOUS M'ENTENDEZ REVENEZ VERS NOUS!!"

"Pitié monseigneur! Je vous en supplie! Si vous m'entendez revenez vers nous!!"

"Pitié monseigneur! Je vous en supplie! Si vous m'entendez revenez vers nous!!"


Ce ne furent que les échos du cri de Régis qui parvinrent aux oreilles de Baudoin. En effet, le seigneur de Lavilette s'était engagé bien loin dans sa poursuite du sorcier. Ayant commencé par courir, le chevalier avait dû ralentir la cadence à cause du brouillard qui s'amplifiait et le faisait trébucher sur les nombreux débris jonchant les rues. Un peu contrarié par la tournure des évènements, le suzerain de Grunère avait tout de même continué sa traque, dans l'espoir de trouver ce maudit mage. Cependant, force était de constater qu'il avait un peu perdu sa trace.

"Bande d'incapables." siffla-t'il entre ses dents quand il entendit la supplique de son prévôt.

C'est alors qu'une intense quinte de toux le prit et même le déstabilisa, le noble ayant l'impression de cracher ses poumons tant elle était violente. Afin de l'arrêter, il enveloppa de nouveau son visage de son bras droit au niveau du nez et de la bouche, dans une tentative pour se protéger de la pestilence qui régnait en ces lieux ; cherchant à prendre appui de son autre main sur l'un des murs de la rue. Mais à peine trouva-t'il une paroi pour se reposer que celle-ci, dans le fracas des pierres et du torchis qui se frottent et s'entrechoquent, commença à s'écrouler sous les yeux surpris du baron.
Au milieu de la fumée qui se dégageait de l'éboulement, toute une nuée de rats couinants s'échappa du bâtiment, faisant reculer un Baudoin qui ne voulait quand même pas se faire submerger par tous ces rongeurs. Les rats traversèrent la rue à toute vitesse, cherchant refuge dans d'autres ruines. L'un d'entre eux se leva même sur ses pattes arrières, remuant sa vibrisse tout en fixant le seigneur de ses deux petits yeux rouges, comme s'il cherchait à identifier celui qui les avait soudainement perturbé....
Mais lui aussi finit par reprendre sa course, rejoignant ses congénères dans la brume verdâtre. Le baron, ne voulant pas perdre plus de temps, se remit en marche pour essayer de retrouver cet infame enchanteur qui désormais lui échappait de plus en plus. La situation est beaucoup, mais alors beaucoup plus grave que Baudoin ne l'avait pensé. Ce n'était pas une simple épidémie qui avait frappé sa bourgade....Toutefois, il ne put tout simplement pas aller au bout de la rue dans laquelle il s'était engagé.

Alors que Baudoin atteignait une intersection, il remarqua des monticules de cadavres et....de morceaux de cadavres? Tous posés là, au pied des maisons ainsi que des angles de rues. Si quelques caisses de blé défoncées se trouvaient également présentes, le regard du seigneur était surtout concentré sur le charnier qui s'étendait devant lui. Même sur les champs de bataille, il n'avait pas vu de chose pareille. Le baron ne pouvait voir autour de lui qu'une parodie macabre de ce qui avait été autrefois une ville. Sa ville.
Sous ses yeux se trouvaient au moins une bonne douzaine de cadavres, dans un état de décomposition avancée: leur chairs verdâtres portant les stigmates de la Peste, leurs os jaunis, leurs entrailles et leur organes pourrissants étant exposés à l'air, pouvant être vus de tous. Seuls quelques rats, des vers et des mouches s'attardaient sur ces carcasses, les corneilles et les corbeaux n'osant même pas venir à cause des miasmes et de l'odeur atroce que dégageaient ces dépouilles, si ce n'est l'épaisse purée de poix qui les empêchent, à eux comme au suzerain de Grunère, de voir et de s'orienter correctement....
Ces pauvres hères n'avaient pas été enterrés ou même brûlés, n'ayant probablement pas aussi reçu les derniers sacrements. Le crâne d'untel n'avait tout simplement plus de peau, des vers sortant des trous où se trouvaient ses yeux et sa bouche pour attaquer, pour ronger les chairs du reste du corps. Le cadavre d'un autre était tellement décomposé que l'on pouvait naturellement voir son cerveau, son foie, son estomac et ses intestins, les traces de sang se trouvant tout autour de lui étant séchées depuis bien longtemps. Baudoin put même voir une dépouille mutilée et littéralement écorchée ; on aurait dit qu'un dément avait arraché toute sa peau, laissant exposés les tendons, les muscles et les fibres, avant d'arracher tous ses membres un par un, pour ensuite les disperser aux quatre coins de la rue. Des pairs de bras, de mains, de jambes et de pieds ensanglantés jonchant l'endroit. Il y avait même des carcasses à la forme vaguement humanoide que l'on ne pourrait tout simplement pas décrire, tant elles étaient immondes et repoussantes....

Un citoyen lambda aurait déjà eut la nausée, voire aurait vomit ou se serait enfuit face à un tel spectacle, mais ce ne fut pas le cas de Baudoin, non. Tout en ne cessant de fixer la scène, le baron put sentir les braises de l'amertume, de la frustration, du ressentiment et du courroux qui commençaient à brûler dans son âme. Quel genre de dégénéré fallait-il être pour commettre de telles abominations? Quel genre de fou oserait laisser là, au grand air et aux yeux de tous, les oeuvres sordides qu'il a perpétré? Est-ce que cette infame Peste avait été aussi répandue par ce ou ces esprits damnés?
Les braises se transforment en flammes, alimentées par le fait que l'on a touché au domaine, au fief même du suzerain. Son orgueil, sa fierté ont pris un coup. Toutes ses intrigues politiques, toute sa gestion ordonnée, tous les efforts et les investissement qu'il avait mis dans sa ville sont désormais brisés, réduits à néant. Les flammes de la colère augmentent, s'amplifient, mais elles restent glaciales, comme la pluie qui tombe sur le seigneur et s'infiltre par endroit dans son armure, quand elle ne lui coule pas sur son visage. Une colère, oui, mais une rage froide, presque maîtrisée, raisonnée.
Cependant c'est à ce moment là qu'un souffle issu de ses pensées ravive les flammes de plus belle, les transformant, les faisant évoluer en un grand brasier. Une fois de plus, Baudoin pense à ses proches, à sa famille, aux seuls êtres à qui il tient peut-être. Comment Elisa, Tristant et Godfroy peuvent se retrouver dans une telle situation? Au milieu d'un tel charnier, d'une telle désolation? Cloîtrés dans le château d'aprés les paroles de son prévôt, si celui-ci ne lui avait pas encore mentit. Le brasier de la colère continue de brûler, mais l'accablement et une pointe de culpabilité arrivent à trouver leur chemin dans l'esprit du baron. D'un regard noir, serrant ses dents, le suzerain scrute les rues au-delà du charnier nauséabond. Le simple fait qu'il ne soit pas à leurs côtés en ces temps sinistres le tracasse, le ronge. Un instant il se sent prêt à franchir des montagnes de cadavres, à s'enfoncer dans le plus ténébreux des brouillards, à braver la pestilence la plus abjecte ; tout cela pour retourner à son château, auprés des siens, ne serait-ce que pour s'assurer qu'il ne leur soit rien arrivé, qu'aucun malheur ne les ait frappé....

Baudoin n'a peur de rien, mais il craint le pire pour sa famille. Dans son âme torturée, tiraillée entre sa personnalité froide, calculatrice, et l'affection débordante qu'il porte envers ses proches, des flammes de son amertume émane une sombre et implacable détermination. Il veut les revoir, il faut qu'il les retrouve....peu importe le prix....Peu importe aussi le fait qu'il ait perdu définitivement la trace du sectateur. Il obtiendra ce qu'il voudra, sa vengeance sera faite et des têtes tomberont....

Tout d'un coup, une succession de bruits parvient à ses oreilles, derrière lui. Il se retourne instantanément, le feu rapetissant, son esprit désormais concentré sur autre chose alors qu'il prend son épée à une main, ne pouvant pas utiliser l'autre lui couvrant le visage, sous peine de finir asphyxié par les miasmes.

"Qui va là! Montrez-vous! vous ous"

Comme tout à l'heure, aucune réponse. Seul un lourd silence reçoit ses paroles, ces dernières se perdant en échos dans une brume verdâtre qui enveloppe les ruines des bâtiments de la rue.
De nouveaux sons se font entendre sur sa droite, comme si l'on marchait sur des gravats. Baudoin a alors la sensation trés désagréable d'être observé. Etait-ce le sorcier qu'il cherchait tant? Le baron se tourne dans la direction des bruits.

"Vous....Vous n'êtes qu'un lâche! Venez m'affronter si vous l'osez! l'osez osez" lança-t'il dans le vide.

Il n'y a que le bruit du battement de la pluie sur les pavés pour lui répondre. La tension en Baudoin monte d'un cran quand il entend encore les sons se porter sur sa gauche. Trop vagues et lointains pour que le seigneur puisse les situer précisément, mais assez proches pour que quelqu'un ou quelque chose puisse le menacer, pour surgir du brouillard et lui sauter à la gorge. Tous les sens du chevalier sont en alerte, il n'est clairement pas à l'aise. Le fait qu'il ne sache pas qui est son ennemi et où il se trouve le perturbe. Le baron n'est plus sur un champ de bataille où le soleil rayonne, où il peut voir ses adversaires venir à des dizaines, voire des centaines de mètres tout en les chargeant du haut de sa monture. Non. Il est figé dans un épais brouillard, cerné par des ruines et des cadavres qu'il peine à reconnaître, le tout sous une une pluie glacée, avec une puanteur immonde qui assaille encore et toujours son nez. C'est d'ailleurs à ce moment là que dans son esprit le feu s'étouffe, finit par s'éteindre, laissant place à des cendres amères, celles de la réalité et de la désillusion. Baudoin ne se rend compte que maintenant qu'il est tout seul, qu'il se sent seul, au beau milieu d'un environnement visiblement maudit, pestiféré et qui lui est hostile ; il sent et est même persuadé qu'on l'épie, qu'on le regarde, qu'on scrute ses moindres faits et gestes.
Ce n'est pas dans de telles conditions qu'il parviendra jusqu'au château pour retrouver les siens. Ce n'est pas comme ça qu'il pourra obtenir sa revanche. Le baron sait qu'il lui faut agir autrement. Mais que faire?

Le seigneur s'aperçoit alors qu'il n'y a plus de bruit en provenance des bâtisses. L'intru a-t'il quitté les lieux? Ou se contente-t'il de l'observer tout en restant immobile? Impossible à dire. Quoi qu'il en soit, ne voulant pas demeurer au même endroit, le suzerain fit rapidement et nerveusement un pas en arrière, puis deux, puis quatre. Il tendit l'oreille afin de savoir si son mouvement avait provoqué une réaction en face. Mais rien ne se passe.

"De grâce monseigneur! Répondez-nous! Rejoignez-nous!"

Les suppliques de Régis se font de nouveau entendre dans le lointain. Baudoin n'a pas vraiment le choix, même dans cette situation catastrophique il a encore besoin de son prévôt, aussi incompétent soit-il. Alors d'un seul coup, le baron tourne les talons et commence à courir en direction de la voix de Régis. Pourtant, tandis qu'il poursuit sa course, se dirigeant à vue au milieu de la brume, des maisons en ruines et de la pluie, il entend de nouveau des bruits derrière lui. Gardant sa tête sur les épaule, ne laissant pas la peur et le doute envahir son esprit, le chevalier continue de cavaler, accelérant même le rythme, sautant par-dessus une poutre brisée au sol, enjambant rapidement un cadavre boursouflé et étendu au milieu de la rue.
Mais rien à faire, les sons continuent dans son dos, ils se rapprochent même, se faisant de plus en plus audibles pour Baudoin.
Soudainement, le baron se retourne, haletant, se mettant en garde pour prévenir un affrontement avec....avec quelque chose. C'est dans une posture tendue qu'il scrute le brouillard épais et les bâtiments qui l'entourent. Mais bizarrement, plus aucun bruit ne parvient à ses oreilles, un silence à peine perturbé par la pluie règne de nouveau dans les parages. Le suzerain commence à se demander s'il n'est pas victime d'hallucinations. Pourtant il les a bien entendu ces bruits non?

"Ohé! Pitié monseigneur! Si vous êtes là répondez-moi au moins!!"

Une chose est certaine au moins, petit à petit il s'est rapproché de Régis, la voix du prévôt devenant de plus en plus claire quand elle parvient à l'ouïe du baron. Baudoin hésite, tout en conservant sa posture défensive. Doit-il partir maintenant? Il ne cesse de fixer les ombres verdâtres, tentant de déceler le moindre mouvement, la moindre silhouette. Cependant encore une fois, rien ne se passe, rien ne se produit. Le seigneur à l'impression qu'on se paye sa tête. Mais tant pis, pour l'intant il subit, mais bientôt il pourra de nouveau agir. Et il agit d'ailleurs tout de suite, tournant à nouveau son dos aux ténèbres et reprenant sa course de plus belle.


Régis est en proie au désespoir. Depuis tout à l'heure il crie, il s'égosille, mais rien. Aucune réponse. Que du brouillard, de la pluie qui s'amplifie et l'infection des cadavres au alentours. Si ce n'était grâce au talisman qu'il tenait entre ses mains, avec la présence d'Ovanie qu'il faut protéger et à cause des hommes d'armes sous ses ordres, le prévôt aurait déserté les lieux, se serait enfuit en dehors de la ville. Il va jusqu'à penser qu'un malheur est arrivé à son seigneur, que partir poursuivre l'acolyte était sa dernière erreur. Gagné par la lassitude, Régis s'en retourne auprés de la demoiselle, ne pouvant s'empêcher de se signer quand il constate son état, entre la vie et la mort. Elle respire, mais son corps figé ne répond à aucune des stimulations du prévôt.
Une nouvelle fois, Régis s'agenouille auprés de la magicienne, tenant le talisman comme on tient un chapelet dont le fil est enroulé autour des doigts. Il marmonne une prière envers Shallya, envers la Dame, pour espérer que les dieux et déesses sauveront la situation. Car malgré sa couardise, Régis n'en demeure pas moins quelqu'un de croyant, de pieux, presque dévôt, rendant hommage aux divinités dés qu'il le peut. C'est d'ailleurs cette foi qui lui a permis de tenir durant tout ce temps, depuis le début de l'épidémie. Peut-être que sans cette dévotion, il aurait déjà mis fin à ses jours.

C'est alors que soudainement, il entend de lointains bruits qui résonnent dans l'allée. Le prévôt se relève, interrompant sa supplique et se portant légèrement en avant, juste derrière ses gens d'armes, pour voir et essayer de comprendre ce qu'il se passe. Pourtant, c'est en même temps qu'eux qu'il voit une ombre se dessiner dans le brouillard. Un hoquet de surprise s'échappe de lui. Trés vite, des cliquetis d'armure se font entendre et Régis ne peut que reconnaître son suzerain qui revient.

"Monseigneur! Enfin vous êtes de retour! Louée soit la Dame! Je commençais à croire que.... si Régis avait retrouvé l'espoir suite à l'apparition de Baudoin, ses mots s'évanouirent dans sa bouche quand il s'aperçut que le baron marchait droit vers lui, d'un pas rapide, voire agressif, une étincelle particulière se manifestant dans ses yeux.

-Il y a quelques quartiers qui ne sont toujours pas trés sûrs, hein prévôt!! lança le baron sur un ton acerbe, alors qu'il était sur le point de l'atteindre, les gardes quant à eux s'écartèrent, ne voulant pas s'attirer les foudres de leur suzerain.

-Mais monseigneur je.... Régis recula d'un pas, puis de deux, Pitié....Pitié, j'ai fais de mon mieux je vous l'assure! Je ne savais pas que...." prononça-t'il de manière pathétique.

Il n'eut pas le temps de finir sa phrase que Baudoin le bouscula violement, le projetant au sol. Une seconde plus tard, le prévôt se retrouvait par terre, au milieu des pavés, ses cheveux blonds et son bonnet de feutre tâchés par le sang et la boue. Sous le regard des hommes d'armes interdits, le baron se retourna et le regarda d'un air dédaigneux.

"Prévôt, vous avez de la chance que votre incompétence ne vous soit pas fatale. entama-t'il sur un ton glacial, Maintenant remuez-vous un peu et venez avec moi, nous partons d'ici. Je vais convoquer le Conseil de Guerre auprés de mes vassaux.

-Mais monseign....

-Il n'y a pas de mais! coupa sèchement le baron, Relevez-vous et rejoignez-moi avant que je ne change d'avis." dit-il sur un ton lourd de sens.

Alors Régis se remit sur pieds, s'essuyant son visage avec le revers de sa manche pour faire partir la boue et le sang, tandis que Baudoin se portait vers le cheval d'Ovanie qui s'était attardé sur les lieux. D'abord réticente, la monture se laissa finalement dompter, le baron ne lui donnant pas trop le choix de toute façon. C'est à ce moment que son subalterne crut bon de prendre la parole.

"Et la demoiselle, monseigneur? Elle est inconsciente et blessée, mais on ne va quand même pas la laisser là ; non?"

Pour la première fois depuis plusieurs minutes, le baron se rend enfin compte de la présence d'Ovanie. Il l'avait presque oublié celle-là. Alors le dédain s'efface et fait place à la gravité sur son visage.

"Vous là. fit-il en désignant d'un mouvement de tête un trio de gardes, Formez une litière avec vos pavois et vos lances puis mettez la magienne dessus. Il s'adressa alors au reste du groupe des hommes d'armes. Quant à vous autres, je veux que vous retourniez aux portes pour maintenir le cordon de sécurité. Personne n'entre et personne ne sort. Agissez ainsi jusqu'à nouvel ordre. Est-ce que c'est bien compris?" demanda-t'il d'une manière toute réthorique.

Aprés un hochement timide de la tête de la part des intéressés, tout le monde s'activa. Régis et les gardes désigné disposant tant bien que mal le corps d'Ovanie sur la litière de pavois et de lances sous le regard austère de Baudoin, tandis que les autres hommes d'armes reprirent leurs postes à l'entrée de Grunère.
Ainsi, au bout de quelques minutes, tout ce petit monde quitta le bourg pour aller dans un endroit dont l'ambience était à peine moins sinistre.

Baudoin de Lavilette, ce seigneur privé de fief, ce suzerain ne possédant plus sa bourgade chevauche désormais à la tête du groupe. Régis se tenant à sa droite tandis que derrière eux, trois gens d'armes portent la litière sur laquelle se trouve une demoiselle bien mal en point.

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Cependant dans son esprit en proie à l'obsession, le baron échaffaude déjà des plans pour reprendre sa ville, pour assouvir sa vengeance et par-dessus tout, pour retrouver sa famille. Nul doute que des décisions difficiles seront à prendre, mais qu'importe, il ne reculera devant rien et préfère encore mourir plutôt que de rester les bras croisés.
Dans tous les cas, dés que cette crise sera réglée, une chose et sûre, il compte bien se débarasser de ce prévôt si incompétent....


* * *
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Re: [Warhammer] La Cendre et le Sang

Message par Johannes La Flèche »

Si le brouillard s'estompe peu à peu, ce n'est que pour laisser la place à une pluie battante ; si la puanteur s'éloigne et devient plus supportable, c'est uniquement pour que de sombres nuages, de lointains éclairs et l'écho du tonnerre prennent le relais. Seul le froid reste toujours présent, alors que le groupe du baron, gravissant les pentes des collines entourant Grunère, progresse désormais au milieu d'une averse. Le vent ne tardant pas à souffler dans les environs, voulant lui aussi ajouter sa voie dans cette symphonie orageuse.
Les éléments semblent courroucés, toutefois cela n'empêche pas la petite troupe de continuer à avancer, tout droit, comme s'il n'y avait pas d'autre directions à prendre, comme si elle n'avait pas vraiment le choix de toute façon. Cependant, Baudoin ne semble pas perturbé pendant ce trajet, la pluie ruisselle sur toute son armure, mais il reste toujours drappé dans son étiquette d'aristocrate ; ce n'est qu'une apparence, son esprit continue, persiste, s'acharne même à imaginer les moyens avec lesquels il pourra revoir sa famille, ceux qui comptent tant pour lui. Ni les gémissements d'une Ovanie reprenant peu à peu conscience, ni son prévôt ne cessant de porter à ses lèvres l'amulette dorée, tout en marmonnant des choses incompréhensibles, ne le déconcentre.
Ainsi, pendant quelques minutes, le groupe poursuit sa progression et Baudoin reste pensif. Comment devait-il s'y prendre pour convaincre ses vassaux de l'assister sans pour autant faire preuve de faiblesse? De quelle manière allait-il leur raconter ce qui s'est passé? Quelles seraient les réactions du marquis de Lensquanois? A vrai dire, le chevalier est tellement absorbé par ces questions qu'il ne remarque même pas ce qui se passe autour de lui:

"Euh, monseigneur? Vous voyez ce que je vois?" entama Régis.

Au milieu de cet environnement morne se distinguait une sorte de lueur qui bougeait, se balançant de droite à gauche. Sortit de sa réflexion, le seigneur aussi ne tarda pas à la remarquer.

"En effet." Baudoin se tourne alors vers son prévôt, se penchant légèrement en avant du haut de sa monture. Il s'aperçoit alors que Régis tient dans le creux de sa main cette fameuse amulette scintillante.

-Je ne vous aie pas vu avec un tel talisman avant, non? poursuit-il tandis que son regard perçant se fige dans celui de son subalterne.

-Euh...Non, pour sûr. C'est celui de Dame Ovanie, elle me l'a confié, ça et les clés du temple aussi. lâcha le prévôt d'un trait, ne voulant pas se risquer au mensonge de trop, ses yeux évitant ceux de son suzerain.

-Je pense sûrement qu'elle voulait que vous me les donniez, n'est-ce pas? continua le suzerain d'une manière toute réthorique, Alors passez-les moi." acheva-t'il sur un ton plus ferme, tendant sa main devant Régis pour qu'il lui donne les objets en question.

Le prévôt s'exécuta rapidement, passant ce que la magicienne lui avait confié à son seigneur. Ce dernier, juste aprés avoir arrangé l'amulette autour de son cou et attaché le trousseau de clé à sa ceinture, commence à sentir une certaine confiance, une assurance, voire un optimisme qui s'introduisent dans son esprit ; en quelques secondes, il devient convaincu par ses propres idées. Bien sûr qu'il parviendra à persuader ses vassaux de le suivre dans ses projets ; évidemment qu'il finira par revoir sa femme et ses enfants, c'est même certain qu'il "reprendra" Grunère et bannira la malédiction qui s'est abattue sur sa bourgade. Aprés tout, n'est-il pas Baudoin de Lavilette? Baron et suzerain de Grunère par la grâce de la Dame et du Roy?
Fort de ces nouvelles certitudes, le seigneur commença à galoper en avant du groupe pour se diriger vers la lumière à l'aspect flamboyant, qui n'était rien d'autre qu'une torche tenue en main par un homme d'arme. Interpellant la sentinelle qui patrouillait dans les environs et lui demandant des explications, le baron constata qu'il était enfin arrivé, lui et sa petite troupe, aux abords du camp de base installé par son ost resté sur place.


La rumeur de son retour ne tarda à se propager parmi les chevaliers et les manants, tandis que ceux-ci courraient partout dans le camp, sous les trombes d'eau et les roulements du tonnerre ; les nobles s'agitant dans tous les sens, apostrophant les paysans pour qu'ils montent leurs tentes rapidement alors que ces derniers pataugeaient dans la boue, tentant de couvrir les armes, les provisions et les matériaux, quand ils n'étaient pas en train d'essayer de poser le bivouac. Ici, le brouillard avait presque disparu, seule une fine nappe blanche et brumeuse subsistait ça et là. On pouvait donc distinguer les silhouettes des tentes appartenant aux principaux seigneurs de l'ost qui s'élevaient un peu au-dessus du sol ; ces dernières avaient été montées en priorité, avant celles des simples chevaliers et des roturiers conscrits, bien évidemment.
Toutefois, le baron et sa petite troupe commençaient tout juste à pénétrer en ces lieux que tout un groupe de cavaliers à l'allure imposante se porta à leur rencontre ; leurs armures ornées de gravures sacrées, leurs boucliers encadrés de parchemins et leurs heaumes aux cimiers impressionnants et majestueux ne pouvaient qu'indiquer leur condition, leur nature extraordinaire: des chevaliers du Graal, ceux qui avaient escortés la magicienne Ovanie durant toute la campagne.
Dés qu'ils furent à portée de voix, l'un d'entre eux commença à appeler le baron:

"Salutation, chevalier. J'entends dire que vous revenez de Grunère, n'est-ce pas? entama l'un d'entre eux sur un ton puissant et portant.

-C'est exact. répondit le seigneur d'un air circonspect, contrairement à ses subalternes et bien qu'il ne les admirait pas particulièrement, il ne pouvait pas tout se permettre avec avec ces gens-là, C'est à quel sujet?"

Comme seule réponse, les élus du Graal se figèrent, tous alignés, à quelques mètres de lui, au beau milieu de l'averse ; un court silence étant observé pendant quelques instants.

"Permettez-nous messire." finit par prononcer un des chevaliers, sur ton grave et qui n'avait rien d'une demande.

Les cavaliers s'avancèrent aussitôt, dépassant le baron et arrivant au niveau de la demoiselle du Graal. Leur présence persuada rapidement les hommes d'armes qui tenaient la litière, sur laquelle se trouvait Ovanie, de la déposer doucement et respectueusement. Deux chevaliers descendirent alors de leurs montures pour aider une Ovanie bien mal en point, haletante, souffrante et à moitié consciente, afin qu'elle puisse se relever. La demoiselle du Graal, plaçant ses bras au-dessus des épaules des cavaliers qui la soutenait, se laissa porter vers une tente qui lui avait été réservée ; elle partit ainsi, sous le regard perplexe du baron et celui plein d'appréhension de Régis, escortée par les six chevaliers du Graal.
Toutefois, dans son esprit, le seigneur de Grunère balaya d'un revers de main ce qui venait de se passer ; que ces chevaliers emmènent la magicienne où bon leur semble, lui-même a ses propres priorités:

"Prévôt? fit-il à son subordonné, ce dernier se tournant vers lui, Vous souvenez-vous du chevalier au cimier à tête de licorne?

-Euh....Bi-Bien sûr monseigneur. reprit Régis, qui venait tout juste de se rappeler l'apparence du seigneur de Mézière.

Eh bien allez, partez donc me le chercher. Dites-lui que vous venez en mon nom et que je décrète l'assemblée d'un Conseil de Guerre, dans mon logis. Il fit un mouvement de tête en direction d'une grande et imposante tente se situant au centre du bivouac, Quant aux hommes d'armes, il monteront la garde autour de la tente."

Le prévôt et les gardes en question hochèrent brièvement de la tête, avant de partir faire les missions qu'on leur avait confié. Cependant, Régis n'eut pas le temps de faire dix pas que Baudoin l'interrompit.

"Prévôt." l'intéressé se figea et se retourna, son regard timoré essayant d'interroger le suzerain de Grunère. Ce dernier plissant ses yeux alors qu'il commence à parler.

"Vous avez tout intérêt à faire ce que je vous demande rapidement. Le temps est un luxe que nous ne pouvons nous permettre de gâcher. dit-il tout en fixant son subalterne d'un air froid, grave, Comprenez-vous bien ceci, oui ou non?" acheva-t'il de prononcer sur un ton glacial.

Ni une ni deux, Régis affirma presque frénétiquement de la tête avant de détaler, partant au pas de course chercher celui que son seigneur lui avait demandé.
Car si Baudoin avait ordonné cette réunion au plus vite, c'est pour une trés bonne raison, un motif urgent mais connu de lui seul. Ce dernier, aprés avoir donné ses directives, ne put s'empêcher de se retourner en arrière, vers sa bourgade bel et bien engloutie, toujours aussi noyée dans le brouillard et les miasmes. Des soupçons de doute et d'appréhension commencèrent à s'insinuer dans son âme alors qu'il ne peut même pas voir son château. D'un coup, un éclair surgit dans les cieux ténébreux, zébrant, rayant les nuages, illuminant brièvement le paysage et tirant momentanément le baron des craintes qu'il se fait pour ses proches. Baudoin se surpend même à porter sa main au niveau du talisman autour de son cou, mais il finit par se reprendre. Le seigneur les retrouvera, saints et saufs, il en est convaincu, tout n'est qu'une question de temps. Mais cela ne l'empêche pas d'y penser, encore et encore. Tentant de repousser ce début d'obsession, il éperonne alors sa monture, bravant l'averse et les rafales de vent pour se diriger vers sa tente.

Quand le baron rentra dans sa demeure de toile, une pointe de satisfaction apparut en lui à la vue du mobilier et des décors que l'on y avait placé ; au moins dans ce domaine-là ses serviteurs ne sont pas incompétents pensa-t'il, alors que son regard balayait l'intérieur de la tente. Enlevant son casque, passant sa main sur ses cheveux quand même trempés, il commença à marcher sur le tapis à la teinture bleue et aux bordures blanches qui recouvrait le sol. Esquivant les quelques bandes d'étoffes vertes qui étaient disposées dans toute la tente et accrochées à des poutres ornées de motifs et d'héraldiques, il finit par atteindre une malle en bois de bouleau et à l'armature plaquée d'or pour l'ouvrir et s'emparer d'une de ces bouteilles de cognac, si typiques du duché de Pavaron ; prenant un verre de cristal qui se trouvait également dans ce coffre, le seigneur, arrivant à se diriger grâce à la lumière de grandes bougies posées sur des candélabres répartis dans toute la tente, finit par s'assoir sur un siège en bois stylisé et capitonné en cuir, face à une table faite en bois de chêne et dont les pieds sont ornés de bas-reliefs en forme de feuilles d'arbres et de plantes symboliques.
Aprés s'être posé et servi un verre, le baron, trempant ses lèvres dans l'eau-de-vie, ne peut pas rater ce qui trouve au beau milieu de la tente, entre deux longues bandes d'étoffes à la couleur vermeille et aux bords dorés, accroché à la poutre principale soutenant la tente: un grand pavois représentant le blason de sa famille, une tour en pierre stylisée surmontée d'une fleur de lys, sur un fond mi-vert mi-gris coupé au centre.

Toutefois, aprés avoir parcouru des yeux tout ce décor, Baudoin reprend une nouvelle gorgée de cognac. Son regard, désormais morne, s'attarde alors sur la coupe de cristal qu'il tient dans sa main. A partir de cet instant, ses yeux deviennent vitreux alors qu'il ne cesse de fixer l'alcool au reflet ambré ; petit à petit il voit quelque chose qui se dessine. Il aperçoit quelqu'un qui prend forme dans le verre. Ecarquillant les yeux et secouant mollement la coupe, le baron rapproche celle-ci de sa figure. Oui. Il voit une personne. Il perçoit un visage dans le cognac. Une face qui lui devient de plus en plus familière, au fur et à mesure que les secondes passent. Oui. Le suzerain en est persuadé. Ce qu'il voit est gravé dans le cristal du verre. Celle qu'il aperçoit est autant belle à ses yeux, sinon plus, que la coupe finement ouvragée qu'il tient dans sa main. Ce visage aux traits fins, parfaits, presque angéliques ; cette peau beige, claire et éclatante ; ces yeux si doux, aux pupilles d'opale, si cristallins et qui ne cessent le fixer ; ces cheveux longs, d'un noir de jais, purs et flottants ; ce petit sourire, à la fois pudique et franc, en même temps mince mais signifiant....

"Elisa" murmure Baudoin.

Sa bien-aimée le regarde. Sa dulcinée est avec lui. Il l'a enfin retrouvée....


Soudain un grand coup de tonnerre retentit à l'extérieur et dans toute la tente. Le baron tréssaillit, sa main tremble d'un coup et le verre de cristal s'en échappe, tombant, s'éclatant, se brisant en mille morceaux par terre. Une nouvelle rafale de vent soufflant et sifflante s'introduit dans la tente, soulevant des pans entiers de tissu, froissant et dérangeant les tapis au sol ; ce souffle brusque fait également tomber quelques étoffes et éteint même plusieurs bougies sur les candélabres, réduisant l'éclairage et plongeant presque l'endroit dans la pénombre. Mais le seigneur s'en moque, quelque chose de bien plus grave s'est produit: Elisa n'est plus là, son visage s'est décomposé, elle a disparue aux yeux de Beaudoin. Ce dernier fixe alors les débris de la coupe, ses dents serrées et ses yeux toujours aussi écarquillés. Elle était présente il y a à peine deux secondes, comment est-elle donc partie? Non. Non. Impossible. Le seigneur envoie un coup de pied rageur dans les morceaux de cristal, mais rien n'y fait. Son visage se fige dans une expression bien sombre. En proie à la désillusion, il finit par arrêter son geste et écarte la coupe brisée de sa vue.


...Il faut la retrouver...Il doit la revoir...

"Monseigneur? à ces mots, le suzerain de Grunère se raidit, mais il finit par tourner sa tête pour voir son prévôt qui soulève la toile marquant l'entrée de la tente.

-Qu...Qu'y a-t'il. répliqua machinalement Baudoin, comme s'il donnait encore un ordre.

-C'est que....vos vassaux sont là, ils ont répondus à votre convocation. Ces messieurs veulent désormais entrer pour commencer votre Conseil de Guerre." répondit Régis, Je....Je peux les faire rentrer? se hasarda-t'il à dire.

-Bien sûr que oui. Qu'ils viennent donc. prononça un baron qui retrouvait sa froideur et sa contenance, imaginant déjà ce qu'il faudrait dire pour tenter de les convaincre, Que le Conseil débute. Ah. Et vous aussi, prévôt, vous allez rester là."

Buvant une lampée de cognac directement à la bouteille, tentant d'oublier ce qui venait de se passer, Baudoin entendit alors les cliquetis d'armure et le teintement de la maille s'introduire dans son logis. Puis, posant brusquement la bouteille d'alcool sur la table, le suzerain de Grunère les acceuillit en se levant, arborant un sourire en coin, ses mains touchant la table du bout de ses doigts.

* * *
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Re: [Warhammer] La Cendre et le Sang

Message par Johannes La Flèche »

Guillaume de Mézière, Sébastien de Lensquanois, Raymond de Hauterive, pour ne citer qu'eux. Tous les vassaux, tous les obligés du baron de Lavilette avaient répondu présent à son appel. Chacun ayant sa petite idée sur ce qui allait se passer, chacun espérant que ses attentes seraient satisfaites:

"Bien le bonjour, messires." lança le suzerain de Grunère, se voulant naturel dans ses mots.

Devant lui, tous ses hommes-liges, une demi-douzaine environ, se tenaient en demi-cercle ; Régis quant à lui s'était mis au fond, derrière les nobles, les bras croisés dans son dos.

"Tout d'abord, pour ceux que cela préoccupe, et je sais qu'il y en a parmi vous, je tiens à vous annoncer, avec optimisme, que notre campagne est sur le point d'être terminée. L'ost pourra se dissoudre dans peu de temps. poursuivit-il, semblant de plus en plus à l'aise dans ses paroles.

-A la bonne heure! se manifesta Sébastien, Nous allons enfin pouvoir rentrer dans nos fiefs. Ce n'est pas trop tôt."

Sébastien de Lensquanois, marquis de la Marche du Vert-Vallon et vassal, malgré lui, du baron de Lavilette

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Combattant talentueux et homme d'honneur, le marquis est l'un des principaux seigneurs de la troupe, avec lequel il faut compter, qu'on le veuille ou non. Cependant il peut se montrer impétueux, impatient, et n'est certainement pas connu pour son tact. Le comportement de son suzerain, qu'il juge capricieux, le sale temps qui s'abat sur les environs et la situation désormais bancale de l'ost commencent sérieusement à lui faire perdre patience.

"Toutefois et je l'avoue à mon grand regret, je vous demande, contraint et forcé par les circonstances, de mener une dernière action avec nos forces conjointes.

-Que voulez-vous dire monseigneur? demanda le sieur de Mézière, tandis que Sébastien essayait de comprendre ce qui se tramait.

-Voyez-vous, reprit Baudoin, d'aprés les informations rapportées par mon prévôt, dit-il tout en levant le bras pour désigner Régis de sa main, une révolte est apparue dans Grunère alors que nous menions campagne ensemble. Mon serviteur... a bien réussi à contenir les émeutiers, mais toujours selon ses dires : Il y a quelques quartiers qui ne sont toujours pas trés sûrs. Il eut à peine le temps de terminer ce bel euphémisme que le marquis lui répondit vivement et immédiatement aprés.

-Et? En quoi vos intrigues nous concernent-elles? Surtout si elles sont maîtrisées. Dans ce cas autant dissoudre l'ost tout de suite. Je repars immédiatement sur mes terr....

-Je ne crois pas que soit une bonne idée, marquis. interrompit le baron sur un ton ferme mais essayant d'être poli, Ce n'est pas ce que vous croyez, la situation est... beaucoup plus complexe et délicate qu'elle ne peut paraître.

-C'est donc bien de tambouille politicarde dont il s'agit. Allons baron, n'arrivez-vous donc pas à maîtriser vos sujets? N'êtes-vous pas assez fort pour gérer des roturiers en colère? questionna le seigneur de Lensquanois sur un ton presque narquois.

-Ecoutez marquis, répliqua Baudoin en le fixant dans les yeux, vous comporter comme un gamin turbulent marche peut-être sur le champ de bataille, face à d'autres créatures, mais certainement pas ici, entre chevaliers. poursuivit-il de manière trés sèche, Vous n'êtes pas tout seul dans cette salle, vous restez aussi mon vassal, ne l'oubliez pas. se raclant la gorge pour reprendre un ton normal, il continua, Il y a malheureusement plus que des émeutes qui se sont abattues sur mon fief.

-Vous voulez parler de la Peste, monseigneur?" interrogea à nouveau le sieur de Mézière, qui avait été avec le baron plus tôt aux abords de la ville.

Pendant un instant, un silence gênant s'empara des lieux, seuls la pluie et le tonnerre pouvant être entendus. Régis ne pouvant s'empêcher de se signer.

"C'est exact. finit par confirmer le baron.

-Nous sommes bien avancés. dit ironiquement le marquis, Pensez-vous vraiment que nos lames seront utiles contre une maladie? Seule La Dame et les dieux peuvent arranger de telles situations.

-Peut-être que sieur de Lensquanois n'a pas tort. exprima l'un des autres seigneurs présents dans la pièce.

-Continuer d'entretenir l'ost n'a pas de sens dans ce cas là.

-Mais monseigneur, où est passée.... Guillaume n'eut pas le temps de finir sa phrase que le baron leva son poing en signe de silence.

-A nouveau messires, je comprends tout à fait que vous ne puissiez pas totalement appréhender ce qui est en train de se passer. Mais c'est, toujours d'aprés mon prévôt, précisément pendant ces émeutes que l'épidémie s'est abattue sur la bourgade. Que faut-il en conclure? parla le baron comme si la réponse à cette question était évidente, Tout est lié. Je sais que cela peut être dur à entendre, mes chers compagnons, mais la vérité est là. La maladie a été apporté par les émeutiers et désormais, même s'ils sont toujours cantonnés à quelques quartiers, ces derniers se cachent dans la populace pour corrompre et tuer Grunère à petit feu.

-Mais qu'est-ce que c'est que ces histoires, baron! s'exclama le marquis, À vous écouter on croirait qu'un grand complot, qu'une sorte de cabale s'est montée contre vous et votre ville. N'exagérez pas quand même! Que voulez-vous à la fin? Que l'on aille vous assister pour bastonner quelques rebelles et des pestiférés? s'étonna le seigneur du Vert-Vallon.

-Vous parlez dans le vide, marquis. prononça froidement Baudoin tout en le regardant avec dédain, Arrêtez de vous rendre ridicule comme ça, respectez-moi, resptectez-vous un peu.

-Non! Je ne parle pas dans le vide! riposta bruyament le marquis, J'en ai juste assez de votre simagrée! Vous voulez utiliser l'ost pour vos propres objectifs! Sachez que j'ai mobilisé tous mes vassaux et mes hommes d'armes pour vous accompagner, j'ai laissé mon fief, comme beaucoup d'entre nous, quasiment sans défense pour venir à vos côtés! Sachez que nos terres peuvent se faire attaquer à tout moment par d'ignobles engeances comme les bandits, les peaux-vertes, les hommes-bêtes et pire encore! Alors je ne compte pas rester planté là quand mes sujets ont besoin qu'on les défende!

-Je vous demande de vous calmer, marquis. répondit le baron tout en haussant de la voix sur un ton glacial, Croyez-moi, il y a des choses bien plus urgentes et importantes que votre fief. C'est l'avenir de toute la baronnie, de toute la contrée qui est en jeu.

-Il a raison. Calmez-vous donc un peu, marquis. rajouta le sieur de Mézière.

-Mais détendez-vous tous les deux voyons! se hasarda un des nobles, des murmures et des rumeurs ne tardant pas à apparaître parmi les autres seigneurs.

-Baliverne! s'exclama le sieur de Lensquanois, Comment peut-on rester calme avec un tel personnage! Qu'est-ce qu'il veu....

-IL SUFFIT! apostropha brusquement le baron, un silence de plomb retombant dans la salle pendant quelques secondes, Il me semble que vous oubliez un peu trop qui est votre baron et suzerain. il commença alors à balayer du regard les seigneurs qui se tenaient face à lui, Ecoutez, je sais que vous n'êtes pas enthousiastes à l'idée de faire un effort supplémentaire, moi aussi je m'en serais bien passé. continua-t'il de parler sur un ton semblant de moins en moin ferme et de plus en plus désolé, son regard achevant de plonger dans celui de Sébastien, Comme vous, j'ai fait des sacrifices durant toute cette campagne, comme vous j'ai envie de rentrer dans mon fief le plus vite possible. Mais il ne faut pas pour autant négliger notre bien commun, nous tous, nobles comme paysans, chevaliers comme manants. Je vous demande, au nom de tous ceux-là, de toute la baronnie, de fournir un ultime effort. Nous sommes sur la dernière ligne droite de cette campagne, une dernière ligne imprévue, j'en conviens. la détermination apparaissait de plus en plus marquée dans ses paroles, alors qu'il poursuivait son discours, Mais je vous le dit, mes chers compagnons, mes frères d'armes, nous pouvons réussir, nous pouvons tout à fait franchir cette ligne et atteindre la victoire finale. Une victoire glorieuse, qui couronnera de succès notre campagne. Nous sommes bien venus à bout des hordes vermineuses qui menaçaient le pays. Cela prouve bien que notre puissance est légitime, que notre est juste, n'est-ce pas?"

Baudoin marqua une brève pause, réfléchissant à ce qu'il allait dire, remarquant que tout le monde était suspendu à ses lèvres dans la salle ; toutefois c'étaient plusieurs raisons qui poussaient les nobles à adopter cette posture, certaines en faveur du baron, d'autres moins.

"Mais je vous vois déjà vous poser cette question: quelle dernière chose vais-je vous demander de faire? C'est trés simple voyez-vous. Ce dernier petit sacrifice, ce dernier inconvénient que je vous demande d'accomplir, c'est de mobiliser une ultime fois vos chevaliers et vos hommes d'armes. J'en ferais de même avec mes forces, bien évidemment, et ensemble nous irons à Grunère... pour abréger les souffrances de son bon peuple, pour écraser ces derniers rebelles, ces coquins, ces raclures, ces mécréants qui osent bafouer nos droits et nos lois, ceux du duché et par là-même, de la Bretonnie toute entière. Face à un tel sacrilège, une telle offense, une telle félonie, vous en conviendrez... qu'il faut nous donner tous les moyens, que d'aucun jugerait indispensables et nécéssaires... pour pouvoir traduire ces moribonds en justice.

-Je....Nous devons attaquer Grunère, monseigneur? demanda Guillaume tout en plissant ses yeux.

-Non. Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire, je....

-M'enfin vous nous demandez quoi baron! interrompit brusquement le marquis, Vous voulez assiéger votre ville? Vous souhaitez écraser votre petite révolte? poursuivit-il avec une colère à peine contenue.

-Vous êtes en train de dépasser les bornes marquis! répliqua le baron sur un ton de nouveau glacial, Réfléchissez-vous avant de parler? Etes-vous allé sur le terrain comme moi? Ce n'est pas une petite révolte comme vous le dites. C'est plus, beaucoup plus qu....

-Non! Ca suffit! Avez-vous vu l'état de nos troupes baron! s'écria Sébastien, exaspéré par la situation, Elles ont marché toute la sainte journée! Les hommes sont épuisés, ils peinent à monter leurs propres tentes sous ce déluge et vous voulez les envoyer contre un ennemi supposé que....

-Je vous interdit de me couper une fois de plus marquis! riposta le seigneur de Grunère sur une voix forte, ferme et cassante, Je commence sérieusement à en avoir....

-ASSEZ!"

À ce cri lancé par une voix pourtant bien aigue, tout le monde dans la tente se trouna vers l'entrée. Les seigneurs avaient été tellement absorbés par la dispute entre le baron et le marquis qu'ils n'avaient tout simplement pas entendus la magicienne et ses protecteurs venir. La demoiselle se trouvait là, juste devant une rangée de chevaliers du Graal alignés, en proie aux toussotements suite à son intervention, mais toujours debout. Bien qu'elle semblait remise sur pied, elle ne pouvait s'empêcher de se tenir affaiblie, voûtée, obligée de s'appuyer sur un long baton d'ivoire ; la plaie béante sur son flanc n'était plus, mais son visage plus que pâle, tiré par la fatigue, ses yeux sans éclat et sa chevelure toujours blanche comme neige trahissaient la difficulté de sa convalescence. On aurait dit que seul un miracle a pu la sauver de la mort:

"Mais regardez-vous donc. entema-t'elle d'une voix éraillée, Le péril est en notre demeure et vous n'avez rien de mieux à faire que de vous préoccuper de vos petites personnes! De vos petits intérêts! elle fut obligée de marquer une pause, de nouveau prise par des toussotements, Heureusement, par la grâce de La Dame et la foi de ses serviteurs, fit-elle tout en désignant brièvement de la main les chevaliers du Graal derrière elle, j'ai réussi à rejeter de mon corps la sombre sorcellerie qui m'avait atteinte. des hoquets de surprise se firent entendre, en effet, seul Baudoin savait ce qui s'était réellement passé, mais il avait presque oublié d'en parler, Vous avez pu le constater baron, une force Impie s'est emparée de la ville. Il n'y a que le Temple qui été épargné par ce fléau, je l'ai vu. Seule La Dame sait quelle est sa source et l'identité de celui ou ceux qui l'utilise. Je le sens, et quelque part je le sais. Les révoltes et la Peste qui se sont abattues sur Grunère ne sont que les conséquences provoquées par... cette immonde engeance. Toujours est-il que nous n'avons clairement pas les moyens de bannir ce Mal par nous-même. Nous allons au devant de problèmes bien sinistres, il nous faut obtenir des renforts....

Elle voulut poursuivre sa phrase, mais une quinte de toux la prit soudainement, se courbant encore plus, ses deux mains s'agrippant désormais à son bâton ; un des chevaliers du Graal se porta en avant pour la soutenir. Tentant d'abord de le repousser, Ovanie finit bien malgré elle par accepter cette aide, laissant un de ses bras s'acrocher aux épaules du chevalier toujours silencieux ; pourtant, personne dans cette situation, pas même Baudoin, n'aurait osé prendre la parole et interrompre son exposé.

Vous devez... rester et encercler la ville... Le Mal ne doit pas se répandre, il faut qu'il reste cloîtré à l'intérieur du bourg... arriva-t'elle à prononcer entre trois respirations difficiles et haletantes, Vous devez boucler Grunère, vous devez... placer un cordon sanitaire, que personne n'entre et personne ne sorte... Vous devez contenir ces Ténèbres rampantes, sinon... plus qu'une ville... La Dame nous en garde, c'est toute la région qui en souffrira. continuant son discours, la magicienne finit même par se redresser, s'appuyant sur son bâton comme sur les épaules du cavalier servant, relevant sa tête pour balayer de ses yeux toute l'assemblée qui se tenait face à elle, J'ai donc décidé de partir pour l'abbaye de La Maisontaal... afin de chercher de l'aide, il faut prévenir toute la région, voir... tout le Parravon... et même les autres duchés de ce qui se passe ici... Les chevaliers du Graal m'accompagneront. continua la magicienne d'une voix toujours voilée, malgré les toussotements qui la prenait, Si La Dame le veut, des renforts ne tarderont pas à vous rejoindre peu aprés mon départ... C'est uniquement à ce moment-là que nous pourrons penser à purger Grunère. Me suis-je faite bien comprendre?" acheva-t'elle de demander à l'assistance.

Pendant quelques instants, il n'y eut qu'un silence quasiment religieux pour lui répondre, seuls le roulement du tonnerre et le bruit de la pluie battante osant interrompre ce moment.

"C'est....C'est entendu madame, nous sommes à vos côtés. se risqua enfin Guillaume de Mézière.

-Il sera fait selon vos ordres." rajouta le marquis sur un ton respectueux.

Personne d'autre ne parla, mais tout le monde avait écouté son récit, surtout le baron, qui n'avait pas perdu un seul mot du discours d'Ovanie.

"Bien, alors que La Dame vous garde."


Et c'est ainsi que la demoiselle du Graal sortit des lieux. Reprenant de droit son cheval que Baudoin avait "emprunté" et attaché prés de la tente pour partir avec son escorte de chevaliers du Graal, Ovanie quitta définitivement le bivouac, trottant, chevauchant en direction du nord-est, vers l'abbaye fortifiée de La Maisontaal, malgré l'orage qui persistait et s'abattait sur toute la contrée. Les seigneurs, restés quant à eux dans la tente du baron et encore marqués pour certains par les paroles de la magicienne, étaient donc livrés à leur sort en attendant l'arrivée des renforts.

"Eh bien messires, je pense que tout a été dit. Nous pouvons déclarer ce Conseil de Guerre terminé. D'autres choses sont à faire désormais." parla l'un des nobles.

Les seigneurs, Guillaume en tête, commençèrent alors à sortir du logis du baron, partant donner les nouvelles consignes aux autres chevaliers et aux paysans embrigadés. Tout le monde acceptant et respectant les commandements d'Ovanie.

.....Tout le monde?.....Vraiment?.....
"Marquis, veuillez rester ici je vous prie. prononça Baudoin, toujours devant sa table, au moment où le seigneur de Lensquanois allait sortir à son tour de la tente.

-Hmmm....Qu'est-ce qu'il y a encore. Qu'est-ce que vous voulez. répondit le sieur Sébastien avec une pointe de méfiance, fronçant ses sourcils alors qu'il se retournait pour faire face au baron.

-Il nous faut quand même discuter... de la mise en application des mesures. Venez, tenez, voulez-vous un verre de cognac peut-être?" dit le seigneur de Lavilette, arborant de nouveau un sourire en coin sur son visage....


* * *
Johannes "La Flèche", Hors-la-loi
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Johannes La Flèche
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Re: [Warhammer] La Cendre et le Sang

Message par Johannes La Flèche »

On ne pouvait quand même pas refuser une offre pareille ; tout le monde n'a pas les moyens de boire du cognac de Parravon à la table de son château. C'est ainsi que le marquis, malgré une certaine réticence et une méfiance toujours ancrées dans son esprit, finit par céder et se laissa tenter par la perspective de goûter à cette fameuse liqueur ambrée. Le seigneur du Vert-Vallon s'avança donc dans la tente, se permettant de prendre une chaise pour la placer prés de la table et s'y assoir dessus ; le tout sous le regard d'un baron à l'air acceuillant et concilliant, son attitude étant désormais presque aux antipodes du comportement autoritaire et inflexible dont il avait fait preuve tout à l'heure:

"Ah, je le savais, j'ai donc affaire à un amateur de bonnes boissons." prononça un Baudoin se voulant satisfait.

Le seigneur de Lavilette s'en retourna donc vers sa malle richement ornée, afin d'y prendre deux nouveaux verres de cristal. Toutefois, si le corps du suzerain continuait toujours de marcher, cheminant dorénavant vers la table, son esprit, lui, avait déjà tout fait, tout médité, tout effectué, il ne lui restait qu'à patienter et voir les résultats. En effet, dans l'âme du baron, sa raison et son caractère calculateur se retrouvaient maintenant unis, mêlés aux sentiments, voire à la passion et à l'appréhension qu'il éprouvait envers sa femme et ses enfants ; de ce couple, quelque part contre-nature, étaient nées une détermination presque bornée, suivie d'une confiance à toute épreuve. Oui. Désormais, aucun mot ne pourrait décrire à quel point Baudoin est convaincu, persuadé, voire même obssedé par le fait qu'il peut -et doit de toute façon- retrouver sa famille afin de la sauver. Le reste importe peu....
Ainsi à ses yeux, ce n'est certainement pas une prophétesse de malheur, une ville hantée remplie de pestiférés et un vassal récalcitrant qui vont l'empêcher de secourir ceux qui sont chers à son coeur. Oh que non. La Demoiselle du Graal avait décrété l'encerclement de Grunère en attendant des renforts? Qu'importe, le baron prendra les devants et agira....de sa propre initiative....Il ne pouvait tout simplement pas laisser moisir sa femme et ses enfants au beau milieu d'un bourg maudit et dévasté. Le marquis de Lensquanois s'oppose résolument à ce projet? Alors Baudoin le persuadera, par tous les moyens possibles, de rallier sa cause ; si le détracteur le plus énergique de son plan finit par céder, alors tout l'ost suivra certainement le suzerain dans sa reprise de la bourgade. Oui. Le Mal sera banni. Oui. Il peut tout à fait réussir, il le faut même, car sinon....
C'est donc avec un certain entrain, un certain allant même, transpirant dans chacun de ses pas et de ses gestes, que le seigneur de Lavilette s'approche puis se pose et s'attable à son tour, commençant à verser le cognac dans les coupes:

"Trinquons pour notre future victoire, pour Grunère, la Dame, le Roy et la Bretonnie. déclara Baudoin sur un ton content mais semblant mesuré.

Oui. Pour le Roy, Parravon et La Dame. lui répondit le marquis, alors que leurs verres cristallins s'entrechoquaient et qu'il portait ensuite la coupe à ses lèvres.

-Alors, comment trouvez-vous ce cognac? demanda le baron, aprés avoir vu son invité boire son verre en quelques lampées.

-C'est.... Sébastien ne put s'empêcher d'avoir un mouvement de recul, Ca change du vin que j'ai l'habitude de boire. Mais vous pourriez m'en resservir peut-être?

-Allons, bien sûr. fit le suzerain alors que l'alcool ruisselait dans le verre du marquis.

La pluie battante et le roulement du tonnerre se firent entendre pendant quelques instants, tandis que les deux hommes sirotaient silencieusement leur eau-de-vie. Jetant brièvement quelques coups d'oeil autour de lui, Baudoin remarqua que son prévôt était resté dans la tente, au fond et juste à côté de l'entrée ; Régis, toujours droit comme un i, ses mains jointes dans son dos, regardait son suzerain dans le blanc de l'oeil, attendant encore un ordre qui n'était pas prêt de venir:

"Je pourrais avoir un autre verre?" questionna de nouveau le marquis, ayant déjà fini de boire.

Sans plus de manière, le baron lui versa sa troisième coupe de cognac. Tandis que le seigneur de Lensquanois commençait déjà à l'entamer, le baron prit alors la liberté de se lever, doucement, commençant à marcher dans la tente, à faire les cent pas, tournant autour de la table et de Sébastien, le bruit de ses pas et de ses éperons résonnant dans toute la tente.

"Vous savez marquis, je pense que malgré nos conditions et nos caractères différents, nous avons beaucoup de choses en commun, lança-t'il en regardant son verre de cristal, Je ne sais pas vous, mais personnellement, sachez que je n'entretiens aucune rancune à votre égard. Pour tout vous dire, je crois même que notre querelle de tout à l'heure n'est en fait qu'un regrettable malentendu." continua-t'il tout faisant les cent pas.

Face au silence de son vassal, visiblement encore occupé à boire, Baudoin juga bon de continuer.

"Vous voyez, j'ai pu peut-être me montrer rude avec vos opinions il y a quelques instants, mais je sais que comme moi, vous avez des préoccupations et un territoire à gérer. Je pense que quand vient le moment de prendre des décisions à ce sujet, vous faites ce qui semble et ce qui est souvent le meilleur choix, le plus juste pour votre fief et vos sujets. N'est-ce pas? demanda-t'il tout en secouant mollement sa coupe.

-Oui....c'est ça. lui répondit lentement le marquis, sur un ton circonspect.

-Eh bien vous l'aurez deviné: pour moi et Grunère c'est un peu la même chose. Quand je prends une décision pour ma ville, je pense que je ne peux pas faire de meilleur choix, pour moi et pour mes ouailles, devant le mutisme et le clignement des yeux de Sébastien, il continua à parler, tournant toujours autour de la table tout en fixant son verre du regard, Malgré mon apparence plutôt froide, la situation d'autrui me concerne toujours et je n'aime guère que l'on prenne des décisions hâtives et basées sur l'ignorance, parla le baron comme s'il démontrait une évidence.

-Et....du coup?" prononça le seigneur du Vert-Vallon, toujours aussi lent et désormais un peu engourdi par l'alcool.

Tandis qu'il trempe de nouveau ses lèvres dans l'eau-de-vie, le marquis remarque que son suzerain s'est figé devant lui, arrêtant enfin de faire les cent pas, son regard croisant celui de Beaudoin. Alors que le vent commence de nouveau à s'infiltrer dans la tente et que les cieux courroucés tonnent rageusement, Sébastien peut voir une étrange étincelle briller dans les yeux du baron.

"Du coup, répéta le seigneur de Grunère, comme si il s'appropriait la question, Je pense que je me suis mal exprimé tout à l'heure, je vais vous dire clairement ce que l'on doit faire. continua-t'il, son regard devenant intense et l'amulette autour du cou devenant légèrement luminescente, La situation est bien trop grave pour se complaire dans des demi-mesures, nous devons directement agir et reprendre Grunère, sans attendre de renforts. Ma ville est condamnée, ses gens sont irrecupérables de toute façon, il nous faut purger toute la bourgade. Il faut occire tout le monde, passer tous les habitants par le fer. déclara-t'il sur un ton sans appel, Croyez-moi marquis, c'est la seu...."

Il n'eut pas le temps de terminer sa phrase que Sébastien, écarquillant les yeux, s'étouffa dans son cognac. Encore frappé par la sidération, il finit par recracher l'alcool tout en toussant, tapant du poing sur son torse. Dans son esprit, le sieur de Lensquanois ne comprenait pas. Cette décision était beaucoup trop cruelle, inhumaine même. Comment Baudoin osait-il dire cela? Lui, un chevalier de Bretonnie? Comment un héritier de plus d'un millénaire de traditions honorables et chevaleresques pouvait-il s'abaisser à employer des méthodes aussi dégoûtantes? Ce même dégoût, justement, ne tarda pas à apparaître sur le visage du marquis, le déformant alors qu'il reprenait peu à peu son souffle.

"M....M-Mais....Mais vous vous rendez compte de ce que vous dites! s'exclama le seigneur du Vert-Vallon, Comment vous pouvez envisager ça!? cracha-t'il a l'encontre de Baudoin.

-Ne voyez-vous donc pas, marquis? répondit ce dernier sur un ton surprenamment froid, C'est simple, en nous bornant à former un cordon sanitaire autour de la ville, nous laissons le temps et l'initiative à l'ennemi, à ces fieffés rebelles, de corrompre les lieux à loisir et de faire de Grunère un havre du Mal.

-Arrêtez avec ces histoires baron! Vous n'avez donc pas entendu ce qu'a dit Dame Ovanie?! Nous devons attendre les renforts! Nous ne pouvons pas affronter l'Impie maintenant! Ce ne serait que folie!

-Ah oui? Et dans combien de temps vont nous parvenir ces fameux renforts? Deux semaines? Trois semaines? C'est beaucoup trop, voilà tout. Dois-je vous rappeler que toute la contrée est déjà enrôlée dans l'ost? répondit Baudoin tandis qu''il reprenait sa marche à vive allure,
Le temps joue contre nous, nous n'avons pas le choix, marquis. Si nous restons ici les bras croisés durant ces prochains jours, alors Grunère deviendra une nouvelle Moussillon! Elle deviendra une poche de corruption, une menace pour toute la contrée! On ne pourra plus jamais la purifier définitivement, même avec tous les renforts que l'on souhaite! Il nous faut agir maintenant, c'est la seule solution! affirma-t'il en se voulant convainquant et convaincu.

-Non! s'écria le marquis, Il doit forcément y avoir un autre moyen! Nous pouvons tenter de les soigner, de les guérir par exemple! Mais ce n'est certainement pas en bafouant les commandements d'une demoiselle du Graal que l'on arrangera la situation! fit-il tout en agitant brusquement ses bras en direction du suzerain.

-Je suis au regret de vous annoncer que la Mort Noire ne se soigne pas. Nous n'avons pas de prêtresses shalléennes et Dame Ovanie nous a quitté il y a peu. A ce stade-là, vouloir guérir la populace relève du fantasme. prononça froidement le baron, comme s'il constatait la situation, Ils mourront tous à petit feu de toute façon, de faim ou de maladie. Alors autant les occire maintenant, peut-être qu'au moins nous abrègerons leurs souffrances. acheva-t'il tout en regardant son verre, avant d'y tremper à nouveau ses lèvres.

-M'enfin mais à quoi vous jouez baron! s'exclama Sébastien, Vous avez donc oublié votre serment de chevalier?! Vous savez ce que cela signifie?! Vous êtes en train de violer les préceptes de la Dame!

-La Dame et ses bonnes femmes ne connaissent rien à la stratégie et la tactique! Ce genre de décisions doit être pris par des guerriers. En l'occurence par nous et seulement nous! déclara le seigneur de Grunère.

En entendant ces mots, Régis tressaillit soudainement. En effet, même le prévot, pourtant si obéissant, était choqué par les propos que venait de tenir son suzerain. Comment le baron pouvait oser remettre en question la puissance divine de La Dame? Le croyant qui était en Régis ne pouvait pas rester indifférent face à cela. L'espace d'un instant, il voulut prendre la parole et intervenir dans la dispute. Toutefois il finit par se raviser: cédant à la lâcheté et se persuadant que de toute façon il n'était qu'un roturier, et donc que son avis ne comptait pas. C'est ainsi que le prévôt resta silencieux, résigné, spectateur se voulant impuissant malgré lui, alors que la tension dans la tente, entre le seigneur de Grunère et celui du Vert-Vallon, était de plus en plus palpable.

"Mais.... tenta de répondre le marquis, le souffle coupé, lui aussi abasourdi par ces paroles portées envers la déesse, Mais vous êtes devenu fou?! Vous contestez le pouvoir divin de La Dame?! Vous ne voyez donc vos sujet que comme des animaux?! Du bétail que l'on pourrait abattre à cause d'une simple maladie?! Mais bon sang vous perdez la tête baron! Resaisissez-vous par tous les dieux! Vous ne pouvez pas faire ça! Il n'y a aucun honneur à cela vous m'entendez?! Aucun! contesta-t'il avec véhémence.

-Il n'y a certes aucun honneur à tirer de cette tâche, mais elle n'en reste pas moins nécéssaire! Je sais que vous refusez de l'admettre, marquis. Mais ces gens sont sacrifiables, tous autant qu'ils sont! dit le suzerain tout en faisant un revers de la main, comme pour balayer les objections de son vassal, Et puis dans le pire des cas, nous pourrons toujours les remplacer, en faisant venir des vilains, des manants et des alleutiers des autres régions, voire des autres duchés pour repeupler Grunère. Là n'est pas le problème. acheva-il en arrêtant de faire les cent pas, revenant à la table pour y poser son verre.

-Ce n'est pas une raison pour les massacrer! Ce n'est pas une excuse pour s'avilir et appliquer vos idées tordues et infâmes! rétorqua Sébastien, Seuls la honte et le mépris vous attendent! Sur vous et toute votre famille, pour les générations à venir! Vous pietinez votre code d'honneur, votre éthique ainsi que celle de toute la chevalerie!! Vous êtes conscient de ça au moins?!

-Je suis surtout conscient que nous avons tous à faire un sacrifice pour le bien commun. prononça Baudoin, drappé dans une froideur qui ne l'a jamais vraiment quittée depuis le début de l'altercation, Je suis aussi conscient que notre querelle reste bien stérile, alors que la situation ne le permet pas. J'ai également conscience que vous n'avez pas des contentieux qu'avec moi, Guillaume de Mézière vous dispute votre droit de vasselage et d'administration pour votre marche, n'est-ce pas? poursuivit-il en se tenant désormais face à Sébastien, juste derrière sa chaise, Bien sûr, je suis conscient que cette situation ne vous plaît pas, car elle fait de vous un homme-lige lié à moi et au sieur de Mézière. Pourtant, je suis sûr qu'avec un peu de bonne volonté, nous pouvons régler tous ces problèmes d'un coup. continua-t'il tout en posant sa main sur le dossier du siège, arborant un sourire au coin de ses lèvres,
Voilà ce que je vous propose, vous m'apportez votre soutient dans la purge de la bourgade et en échange, en tant que suzerain de la baronnie de Grunère, j'arbitre le litige féodal que vous avez en votre faveur. De plus, dés que tout ceci sera terminé, je toucherai un ou deux mots au duc Cassyon de Parravon, afin que vous deveniez son vassal direct, et ainsi vous n'aurez plus de comptes à nous rendre. il se pencha en avant pour tendre sa main en direction du marquis, Alors? C'est un bon arrangement, non?"

La figure du seigneur de Lensquanois se figea aussitôt. Si Baudoin n'avait pas hésité une seule seconde à sacrifier son plus fidèle partisan dans la région, il en fallut plusieurs, voire tout un instant à Sébastien pour donner sa réponse. Réfléchissant et pondérant son avis, gardant son visage fermé. Bien malin était celui qui aurait pu deviner ses pensées. Le prévôt restant bien évidemment silencieux, on ne pouvait qu'entendre le bruit morne et monotone de la pluie qui s'abattait à l'extérieur. Tout à coup, un énorme coup de tonnerre éclate, assourdissant et tonnitruant, déchirant cette même monotonie, ses échos dans les cieux se faisant entendre pendant plusieurs secondes. C'est à ce moment là que le visage de Sébastien évolue: ses sourcils se froncent, sa mâchoire se serre, il prend un air bourru, un pli d'amertume se dessine au niveau de sa bouche:

"Vous essayez de me corrompre hein.... maugréa le marquis entre ses dents.

-Je dois donc vous considérer comme un lâche, un traitre.... lui répondit le baron sur un ton devenu soudainement glacial.

D'un coup, Sébastien bondit brusquement hors de sa chaise, la renversant au sol, bousculant la table, faisant tomber les coupes qui s'y tenaient dessus, forçant le baron à reculer ; ce dernier portant même sa main sur le pommeau de son épée.

"Allons Messires! Je vous en conjure! Ne vous battez pas!" intervient alors Régis, le prévôt commençant à s'avancer pour essayer de s'interposer entre les deux seigneurs.

Ces derniers se toisent désormais d'un de ces regards où le mépris cotoie l'hostilité. Seules leur éducation et la bienséance, normalement toujours de mise entre nobles, les empêchent de se sauter à la gorge.

"Vous n'êtes qu'un dément! Un parjure! Vous bafouez vos serments et pietinez toutes les lois! entama Sébastien de manière amère et violente, Vous croyez sérieusement que j'allais céder à votre pacte?! Que j'allais fermer les yeux sur votre corruption?! Mais regardez-vous donc! Vous ne valez pas mieux que ces rongeurs chaotiques contre lesquels nous avons guerroyé! acheva-t'il tout en pointant le baron d'un doigt accusateur.

-Ah! Parce que vous pensez que vous valez mieux que moi? Vous qui n'avez tout simplement pas de cran? Vous qui masquez votre couardise tout en essayant de vous donner bonne conscience? répliqua Baudoin sur un ton acerbe.

-Messeigneurs! Arrêtez je vous en pri...

-Je ne vous laisserai pas commettre l'irréparable! Pas comme ça! à peine le marquis eut-il finit de prononcer ces mots qu'il se retrouna et se dirigea vers la sortie d'un pas décidé, énergique, Il ne sera pas dit que l'on aura fait couler le sang d'innocents ce jour-là!" termina-t'il tout en soulevant brusquement la toile d'entrée de la tente, disparaîssant ainsi à l'extérieur.


Le baron et son prévôt se retrouvèrent alors tous les deux dans le logis, le silence s'installant de nouveau dans les lieux. S'appuyant contre la table dorénavant excentrée, le seigneur de Grunère croisa ses bras et prit un air pensif, son regard devenant vide. Il avait pourtant tout essayé, mais ni l'alcool, ni sa réthorique, ni même "l'offre" qu'il avait faite au marquis n'avaient été capables de le faire fléchir. Le sieur de Lensquanois demeurait attaché à son honneur ; en dépit de toutes les tentatives du suzerain, le seigneur du Vert-Vallon était resté à cheval sur ses principes. Voilà qui était pour le moins problématique aux yeux de Baudoin. Comment pouvait-il rattraper cette....ce contrecoup?
Aprés quelques secondes de réflexion, son esprit, rompu aux intrigues et à la politique, en déduit qu'il faudrait alors démarcher les autres seigneurs en tête-à-tête, un par un, afin de les liguer contre le marquis et ainsi l'isoler du reste de l'ost. Ainsi, même si ce dernier quittait la troupe avec ses vasaux, pour sauvegarder son fameux honneur, les pertes dues à cette "désertion" resteraient négligeables ; de plus, Baudoin aurait quand même le tout reste des hommes à sa disposition, pour enfin pouvoir purger Grunère, son fief, du Mal qui y a prit racine:

"M-Monseigneur? se hasarda le prévôt, Je....Sauf votre respect, vous n'y êtes pas allé un peu fort ave.... il n'eut pas le temps de terminer sa phrase que son suzerain l'interrompit sans ménagement.

-Vous feriez mieux de vous taire et de rester à votre place, prévôt. Tout ceci ne vous regarde pas. dit sèchement Baudoin, pensant deviner où Régis voulait en venir, Ce marquis a surtout une fierté mal placée, il ne veut pas voir les choses telles qu'elles sont. poursuivit-il tout en portant sa main et son regard sur son talisman, le fixant tout en le plaçant dans sa paume puis refermant ses doigts dessus, Mais croyez-moi, il admettra la réalité. Il ne pourra pas se trouver éternellement des excuses, et à ce moment-là, il finira par se rendre à l'évidence...."

Le prévôt eut alors envie de faire une remarque sur ce que son suzerain venait de prononcer, mais il finit par se raviser, ne voulant surtout pas encourir le courroux de Baudoin. D'un coup, la voix portante du marquis se fit entendre à l'extérieur:

"OYEZ MESSIRES! A MOI MES VASSAUX! VENEZ DONC CHEVALIERS! IL Y A URGENCE!!"

Aussitôt, le baron et prévôt relevèrent subitement leurs têtes et se tournèrent en direction du bruit que faisait Sébastien. Lâchant son amulette, le visage du suzerain s'assombrit, son regard devant aussi grave que celui d'un aigle qui vous observe de face, dans les yeux.

"Mais qu'est-ce qu'il essaye encore d'accomplir celui-là? lâcha froidement Baudoin, Prévôt, suivez-moi. Il semblerait qu'il y en ait certains qui profitent de notre absence pour faire les marioles."

C'est ainsi qu'en deux temps trois mouvements, le suzerain et son subalterne sortirent à leur tour de la tente, sous la pluie et l'orage ; Baudoin marchant d'un pas déterminé tandis que son prévôt était tout juste derrière lui, ne le lâchant pas d'une semelle. Le marquis de Lensquanois peut tenter quoi que ce soit, il est certain que le baron de Lavilette ne le laissera pas faire. Car dans son for intérieur Baudoin en est persuadé: aucun homme, aucune créature, personne ne se mettra entre lui et sa famille, entre lui et sa vengeance....


* * *
Johannes "La Flèche", Hors-la-loi
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"Être prévisible est une faiblesse"

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Johannes La Flèche
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Re: [Warhammer] La Cendre et le Sang

Message par Johannes La Flèche »

On dit souvent qu'il y a un grand fossé entre les idéaux et la réalité ; entre ce que l'on souhaite et ce qui se passe vraiment. Pourtant, malgré tous les obstacles, toutes les contraintes que le réel peut mettre sur le chemin de la vie, il y en a qui ne se découragent pas, qui persistent et signent, qui s'accrochent à ces mêmes idéaux, en dépit de tout, et parfois même sans tenir compte du bon sens.
C'était plus ou moins dans ce genre de situation qu'était plongé le campement établit prés de Grunère. L'orage était bien là, les éclairs étaient bien présents, zébrant et illuminant le ciel noirâtre, de manière fugace mais frappante ; tout le monde pouvait entendre le courroux assourdissant du tonnerre, tous pouvaient voir la pluie tombant à verse, fouettant violemment le sol, les tentes, les chevaux ; tous les chevaliers et les roturiers ressentaient l'eau qui s'infiltrait dans leurs vêtements et leurs armures, qui ruissellait sur leurs visages. Les hommes étaient accablés par la fatigue, la faim ainsi que cette ambiance sombre et morne, confinant à la lassitude et l'abattement. Cependant, malgré cette réalité accablante, les volontés et les idées persistent, envers et contre tout. Il faut tenir.
A l'heure qu'il est, ces idéaux sont surtout incarnés par deux hommes, voire même un seul: l'un voulant atteindre ses objectifs à tout prix, tandis que l'autre cherchait, s'évertuait, voire persévérait à sauvegarder l'honneur et l'éthique de sa personne ainsi que de son ost.

Depuis sa plus tendre enfance, Sébastien de Lensquanois avait toujours pris trés au sérieux le code de la chevalerie ; c'est de cette éthique dont le marquis puisait sa force, celle d'agir et de penser, autant physique que mentale, autant guerrière que spirituelle. La chevalerie était tout, et sans celle-ci il n'était rien. Par conséquent, le fait que certains puissent la remettre en question ou même la bafouer, comme l'avait fait Baudoin, ne provoquait en lui que de l'écoeurement et du mépris.
C'est ainsi que le marquis se mit en tête de rassembler, de regrouper au plus vite toute la troupe de l'ost devant lui ; il comptait bien leur faire part de sa "conversation" avec le seigneur de Grunère, il avait l'intention de leur révéler la sournoiserie et la corruption qui s'étaient emparées du baron. C'est ce qui ne tarda pas à se produire. Alertés par ses injonctions et ses cris, plusieurs dizaines de soldats commencèrent à émerger du rideau de pluie ; sortant des tentes, arrêtant ce qu'ils étaient en train de faire, chevaliers errants comme ceux du royaume, hommes d'armes et archers paysans, tous se portèrent vers Sébastien, alors que celui-ci entamait sa diatribe contre Baudoin:

"Oyez! Ecoutez-moi braves gens! L'heure est grave! Le baron de Lavilette est devenu complètement fou! Cet homme abject veut piétiner la volonté de La Dame! Pire encore, il veut nous envoyer massacrer la population de sa propre ville! Des bretonniens qui tuent d'autres bretonniens! Des chevaliers qui abattent leurs propres sujets! Non mais quel genre de sans-coeur il faut être pour prendre des décisions pareilles?! Je vous le dit! Il bafoue notre honneur et notre vertu!...." lança-t'il d'une voix indignée, profonde et sincère.

Tandis qu'il continuait son discours, en son for intérieur, le marquis de Lensquanois avait réellement l'espoir de pouvoir changer les choses et d'arranger la situation ; il était convaincu que ses paroles, dévoilant la véritable nature du seigneur de Grunère, sauraient inspirer ses frères d'armes et les inciter à agir contre son suzerain. Aux yeux de Sébastien comme de nombreux chevaliers, ce serait une infâmie, un véritable déshonnneur que d'aller tuer des innocents, femmes et enfants compris, même si ces derniers sont atteints de la Peste. Que dirait-on, que penserait-on du marquis aprés qu'il ait commis une telle atrocité? Rien qu'à la simple évocation de cette idée, son âme se retrouvait envahie et rongée par le dégoût. Plus que les commandements d'Ovanie, sa conscience et sa fierté lui interdisaient ce genre d'actes: cela ne se faisait pas, un point c'est tout.

Mais force fut de constater que ses propos engendraient des réactions plutôt mitigées. Au beau milieu de la tempête, il voit nombre de chevaliers froncer ou lever les sourcils, quand ils ne le dévisagent pas, et beaucoup de paysans qui se grattent la tête d'un air perplexe en entendant cette annonce. Il y a bien des gens qui poussent des hoquets de surprise ou qui prennent cette nouvelle trés au sérieux, arborant un air grave et choqué ; toutefois il s'en trouvent aussi d'autres, dont Guillaume de Mézière, qui commencent à fixer Sébastien avec une certaine méfiance. Ainsi, à l'exception de quelques groupes, c'était surtout la stupeur, le doute et la réserve qui marquaient la majorité des esprits. Aprés des semaines de combats et une journée de marche forcée, fallait-il vraiment attaquer Grunère? D'un côté, personne ne prenait cette nouvelle à la légère ; mais de l'autre, qu'est-ce qui prouvait la véracité des déclarations de Sébastien?

C'est ce que fit remarquer le sieur de Mézière, émergeant parmi la troupe sur le dos de son destrier, sa tête légèrement penchée, alors que la défiance se manifestait sur son visage et dans sa voix.
Bien qu'il ait été attiré par les annonces stupéfiantes du marquis, Guillaume ne voulait pas croire à une telle forfaiture ; même s'il savait que Baudoin n'était pas particulièrement honorable, le partisan du baron ne le pensait pas capable d'accomplir ou de penser de telles choses.
Quand le marquis de Lensquanois entendit les questions du chevalier de Mézière, en partie couvertes par les bruits du tonnerre et de la pluie, il faillit s'étrangler. Une fois de plus, l'incompréhension refaisait surface dans son âme: depuis tout à l'heure qu'il leur dit, leur répète, voire même leur martèle la vérité, et encore certains ne veulent pas le croire? Pourtant Sébastien ne se décourage pas ; il ne peut pas se laisser démonter alors que l'honneur de l'ost et des centaines de vies sont en jeu. Fort de ses convictions, sous les trombes d'eau et les éclairs, il continue encore et toujours son plaidoyer:

"....Mais j'en vois certains qui ne sont toujours pas convaincus par mes paroles. Soit! Sachez que contrairement au seigneur de Lavilette, ce n'est pas dans ma nature de mentir et de manipuler! Pour ceux qui demandent des preuves, le baron m'a dévoilé ses projets ignobles dans sa tente! Ce bougre a aussi tenté de me corrompre, mais j'ai su refuser et rejeter son pacte malsain! Il faut me faire confiance messieurs! Je ne vous raconte que la vérité! Il nous faut agir contre ce dément avant qu'un drame ne se produise! Que dira-t'on à Parravon et à Couronne?! Que penseront nos sujets, nos femmes et nos enfants si nous participons à une telle ignominie?!...."


Alors qu'il continue sa harangue, la nouvelle et la rumeur que suscite le marquis commencent à se répandre comme une traînée de poudre dans tout le campement ; bravant les éléments déchaînés, de plus en plus de personnes accourent auprés de Sébastien pour écouter ce qu'il dit. Petit à petit, c'est toute la troupe, tout l'ost qui se masse dorénavant autour de lui. Même si la plupart des gens, y comprit Guillaume de Mézière, restaient incrédules ou confus, l'annonce était là et elle avait fait son petit effet sur l'assemblée:

"....Je vous en conjure messires! Nous pouvons encore éviter un tel désastre! Il faut que nous nous rassemblions et que nous allio...."

"Laissez-moi passer! Faites place! Faites place bon sang! Donnez-moi une monture! Tout de suite!"


Quand il entendit la voix cassante du baron qui se rapprochait de lui, Sébastien arrêta net son discours. Peu aprés, il put voir son suzerain qui était en train d'arriver en trombe, se frayant un chemin dans la foule, à grand renfort d'interpellations, jouant des bras et des coudes. Prenant conscience de la présence de Baudoin, les soldats ne tardèrent pas à s'écarter de son chemin, dans un mélange de respect et de crainte, un chevalier finissant même par descendre de son destrier afin de le lui prêter.
Désormais le baron de Lavilette, fendant la masse avec sa nouvelle monture et toujours suivit de son prévôt, se dirige au trot vers le marquis de Lensquanois. Lorsqu'il parvient à une douzaine de mètres de lui, ce dernier lui lance un regard emplit d'animosité ; le seigneur de Grunère tire sur les rênes de son cheval et s'arrête.
Décidément aux yeux du baron, ce vassal bien trop têtu devient de plus en plus turbulent et nuisible à son projet. Ni la persuasion, ni la subtilité n'avaient marché face à ce personnage. Réduit à l'improvisation, ses plans étant désormais dépassés par les évènements, Baudoin est poussé dans ses derniers retranchements. Mais à l'instar de Sébastien, malgré sa situation de plus en plus précaire, il veut persister. Quel genre de baron, quel genre de chef oserait faire marche arrière et perdre ainsi la face devant toute son armée? Non. Par orgueil, pour sa famille, il ne veut pas abandonner.
Les deux hommes se fixent ainsi d'un regard méprisant. Chacun percevant dorénavant l'autre comme son anthithèse, comme la représentation vivante de tout ce qu'il répugne ou conspue. Leur aversion dépasse de loin la simple querelle d'egos. Ils se détestent. Cela se voit et se sent, tellement même que tous les chevaliers et les hommes d'armes commencent à reculer instinctivement de plusieurs pas, se plaçant derrière l'un ou l'autre des seigneurs, formant ainsi deux gros groupes séparés de plusieurs mètres. Le silence règne alors qu'un grand éclair, intense et presque aveuglant, foudroie soudainement les cieux et le paysage tourmentés, se réverbérant sur les armures comme sur les visages du baron et du marquis:

"Alors comme ça on s'amuse à parler mal de moi pendant que je ne suis pas là, dans mon dos? entama Baudoin sur un ton sarcastique mais néanmoins méprisant, Je vois. En plus d'avoir affaire à un traître, j'ai donc un veule, un poltron qui se tient face à moi.

-Et vous osez vous présenter comme ça devant vos hommes, comme si de rien n'était? Les envoyer à la boucherie ne vous dérange pas plus que ça? Vous n'avez donc honte de rien? répliqua le seigneur de Lensquanois, tentant de contenir la colère qui montait de nouveau en lui.

-Dites-moi marquis, pourquoi devrai-je avoir honte? Qu'ai-je donc à me reprocher? prononça le baron d'un air arrogant, presque impérieux, Contrairement à vous, je compte bien sauver les miens de ce qui leur arrive. dit-il avant de se tourner vers la troupe qui se tenait derrière le seigneur de Lensquanois, les désignant par un ample geste de son bras, comme pour les prendre à témoin, "Et vous chevaliers? Et vous roturiers? Vous voulez soutenir ce lâche? Ce peureux qui tourne les talons et refuse d'agir quand des épreuves se présentent à lui? prononça-t'il sur un ton dédaigneux.

-Je n'ai jamais fui face à personne! joignant le geste à la parole, Sébastien dégaîna soudainement son épée de son fourreau, la pointant de suite contre le suzerain de Grunère,
Et je ne me déroberai pas face à vous, vermine! le marquis tourna alors sa tête vers les hommes se trouvant derrière lui, puis vers ceux du côté de Baudoin,
Soldats! N'écoutez pas les paroles de cette raclure! Elle essaye de vous embarquer dans sa folie meurtrière! Cet homme viole les lois de la Dame et de la chevalerie et à l'intention de tuer des centaines d'innocents!

-Oui! Je compte bien purifier Grunère du Mal qui y a prit racine! Et oui, si cela implique de passer des personnes au fil de l'épée, alors qu'il en soit ainsi! Cela peut paraître répugnant, mais je vous l'assure: Nous n'avons pas le choix! L'Impie doit être éradiqué! insista Baudoin, serrant son poing, s'exprimant de manière catégorique ; bien sûr qu'il n'avait pas trente-six solutions pour revoir sa dulcinée et ses enfants, piégés qu'ils sont dans une ville maudite, Si nous n'agissons pas tout de suite, les Ténèbres ne pourront plus être délogées! De toute façon ils crèveront tous! La faim et la maladie auront raison d'eux! Ces gens sont atteints par la Mort Noire! Ne l'oubliez pas! Il est de notre devoir de leur accorder un trépas rapide!" conclua-t'il.

A peine le baron de Lavilette eut-il terminé de parler qu'au beau milieu des roulements du tonnerre, la stupéfaction s'empara de l'assistance ; tout le monde doutait que la rumeur avait un fond de vérité, mais personne ne s'était attendu à ce que ce genre de mesures extrêmes soient prises, publiquement et directement, par leur chef. Si quelques groupes restent impassibles, la grande majorité des gens ont leurs visages figés, choqués, voire sidérés qu'ils sont par les propos de leur suzerain ; l'horreur s'emparant même de certains, les faisant frémir à la simple pensée de la tuerie qui va se produire. Eux qui avaient pourtant versés le sang des hommes-rats et, pour certains vétérans, des peaux-vertes sans retenue, les voilà partis pour occire maintenant leur propres congénères. Ainsi le marquis avait dit vrai. A l'image du seigneur de Mézière, beaucoup peinent à comprendre cette décision. Comment? Pourquoi? Guillaume se demande s'il a en face lui le même Baudoin qui avait été présent lors du serment fait auprés d'Ovanie. La confusion est palpable, l'étonnement est général et Sébastien ne tarde pas à en profiter.

"Voyez! Regardez messires! Il ne cache même pas ses intentions, cet infâme! Bafouer La Dame! Bafouer l'honneur de la chevalerie! Rien n'est tro.... il n'eut pas le temps de terminer sa phrase que le baron l'interrompit sèchement.

-Silence! haussa-t'il d'un ton avant que celui-ci ne s'installe, planant désormais sur tout le campement, et ce malgré l'orage qui persistait, En tant que seigneur de Grunère et suzerain de cette baronnie, par la Grâce de La Dame et du Roy, vous me devez respect et obéissance! La félonie ne sera pas tolérée dans cet ost! Si vous avez le projet de soutenir le marquis, alors vous devenez des traîtres! Des criminels qui seront exécutés ou bien amenés devant la Cour Ducale aprés la reprise du bourg! J'y veillerai personnellement! poursuivit-il, faisant montre d'une autorité intransigeante, prenant un air solennel, Je vous demande de vous reprendre! Je vous demande de ne pas faillir à votre devoir! Car la vraie vertu d'un chevalier consiste à prendre des mesures difficiles lorsque la situation l'exige! Le véritable courage d'un guerrier, c'est de pouvoir se dépasser pour atteindre la victoire! Faisons ce que doit, advienne que pourra! Aux grands maux les grands remèd....

-Foutaises! cracha le marquis, commençant même à agiter brusquement sa lame en l'air, les nerfs le gagnant de plus en plus, Ni le Roy, ni la Déesse, personne n'approuverait un tel comportement! Vos actes souillent un droit d'autorité qu'ils n'auraient pas dû vous donner! La fin, surtout la vôtre, ne justifie pas les moyens! un mélange d'indignation et de hargne s'emparait de l'esprit et des paroles de Sébastien, alors qu'il continuait sa diatribe, La suite nous donnera raison! L'histoire vous maudira pour ce que vous voulez faire et faire subir aux innocents de la ville! Les dieux vous châtiront! On se souviendra de vous comme des bouchers, des bourreaux abjects! Les Bourreaux de Grunère! immédiatement aprés, le baron lui prit la parole avec vivacité.

-Ne cédez pas soldats! reprit-il, sur un ton se voulant grave, Si aujourd'hui nos volontés suscitent l'incompréhension et les critiques d'esprits simplets et rageurs, dit-il tout en fixant le marquis, demain, demain mes frères d'armes, les bardes et les ménèstrels nous célèbreront! Ils chanteront le courage, la résolution et la persévérence de ceux qui parvinrent à purifier Grunère du Mal! Nous serons les héros de Grunère! Alors messires?! Voulez-vous devenir des héros?!" acheva Baudoin, seuls les cieux tonnant rageusement osèrent lui répondre.


Il n'y a bien qu'en Bretonnie, terre vivant par et pour les idéaux, ses idéaux en l'occurence, que l'on peut contempler ce genre de spectacle. Car il n'y a que dans cette contrée où l'on est prêt à faire n'importe quoi par idéal. Il n'y a qu'un Bretonnien pour vouloir façonner, pour voir la réalité ainsi que tout ce qui l'entoure par le prisme de l'idéal et des passions.
En conséquence, plus que deux hommes, plus que des éléments qui déchaînent leur colère, en ce moment, en ces instants mêmes, quelque part ce sont des idées qui semblent s'affronter: l'Efficacité contre la Morale ; l'Honneur contre le Cynisme ; la Rébellion contre la Loyauté ; le Devoir contre l'Exception.
Baudoin de Lavilette comme Sébastien de Lensquanois, pour ne citer qu'eux, sont affectés par l'une ou l'autre de ces conceptions. Le baron, rendu sourd et aveugle à autrui par l'obsession de retrouver sa famille, compte bien employer tous les moyens pour y arriver. Tandis que le marquis, lui, ayant l'honneur et la chevalerie chevillés à son corps, est dépassé par le comportement et les paroles de son suzerain, étant désormais sous l'emprise du fiel et de la colère ; les propos et les actes de Baudoin eurent l'effet d'une goutte d'eau faisant déborder le vase de sa patience déjà bien fragile.
Aux yeux de Sébastien, celui qui lui faisait face n'était qu'un manipulateur, un tyran dénué de scrupules et dévoré par ses ambitions. Il utilisait face à eux la même ruse, la même combine qu'il avait tenté contre le marquis plus tôt dans la tente, le sieur de Lensquanois en était persuadé ; il était certain que le baron voulait désormais sacrifier des milliers de vies innocentes -celles de Grunère et de l'ost, pour des gains personnels, des profits immédiats. Cette conclusion ne pouvait que le révulser, au point d'oublier totalement la bienséance:

"Assez! Ca suffit!, s'écria-t'il, violent, tempétueux comme l'orage qui s'acharnait sur eux, Je vais mettre fin à votre démence!"

Emporté par la rage, éperonnant brusquement sa monture, le marquis partit au triple galop vers Baudoin. Sa lame au clair. Son cheval soulevant des mottes de terre alors qu'il fonçait sur le baron. Curieusement, ce dernier ne bougea ni ne recula, dégainant lentement son épée à son tour d'un air calme. Son visage restant de marbre face à ce qui lui arrivait.
Alors que la patience du baron était sérieusement entamée par ces discours, par cette joute verbale contre cet obstiné de Lensquanois, voilà maintenant qu'une occasion se présentait à lui. Une opportunité pour en finir, pour régler définitivement ses comptes avec ce vassal borné et bien trop encombrant. Il vaincra, il en est certain. Le cadavre du marquis ne tardera pas à s'écraser au sol. Bon débarras.

Les choses se passèrent trés vite. Et elles auraient pu se succéder encore plus rapidement, si les deux seigneurs se seraient retrouvés seuls. Or ce n'était pas du tout le cas. Toute l'attention de l'ost était rivée sur eux et certains ne comptaient pas rester les bras croisés, comme de simples spectateurs:

"Non-Non-Non-Non-Non! s'exclama Régis, sa voix montant crescendo alors qu'il voyait le marquis progresser à vive alllure ; il se tourne subitement vers la troupe, ne sachant plus où donner du regard, Soldats! Hommes d'armes! prononça-il tout en empoignant l'un d'entre eux au niveau de l'épaule pour le projeter en avant, Mettez-vous devant le baron! Tout de suite! C'est un ordre! Il ne doit rien lui arriver! poursuivit-il tout en saisissant d'autres hommes pour les porter devant.

-Qu'est-ce que... fit Baudoin, prit de court par le mouvement du prévôt ; il n'eut pas le temps de terminer sa phrase que Guillaume de Mézière surgissait déjà des rangs sur sa droite.

-Messires! Chevaliers! Interposez-vous bong sang! Ne les laissez pas s'entretuer!" ordonna le sieur de Mézière, tandis qu'il galopait en direction du baron pour se mettre entre lui et le marquis.

Au beau milieu de l'averse et de la tourmente, le roturier comme le chevalier restaient animés par le bon sens: la situation, déjà bien mauvaise en l'état, ne devait surtout pas empirer. Il était du devoir de Régis, malgré sa tendance à la couardise, de veiller sur son suzerain. Le prévôt prenait cela trés au sérieux et ne pourrait tout simplement pas se pardonner d'avoir laissé son chef se faire tuer comme ça. D'autant plus qu'un échec sera sûrement rejeté sur lui, alors autant ne pas prendre de risques. Régis veut bien faire au final, autant par respect que par crainte envers son supérieur. Et il semblerait que cela allait fonctionner.
Alors qu'il n'était plus qu'à quatre mètres, le marquis vit aussitôt son adversaire être entouré par des gens d'armes et des cavaliers, faisant écran pour protéger le suzerain, épées dégainées, armes d'hast abaissées et boucliers relevés. Devant l'impossibilité d'atteindre sa cible et risquant de finir empalé, le sieur de Lensquanois tira violemment sur les brides de sa monture, tellement en fait que celle-ci se cabra juste devant la garde rapprochée, déstabilisant Sébastien et manquant même de faire tomber.
Finissant par se redresser, le marquis défia le baron du regard, ne pouvant s'empêcher de pousser un gémissement rageur alors qu'il rangeait péniblement sa lame:

"La Peste soit de vous Baudoin! La Peste soit de vous! cracha-t'il à l'encontre de ce dernier.

-J'aurais volontier répondu à votre défi, marquis. répliqua le baron d'un ton glacial, Mais malheureusement la situation ne le permet pas, nous avons des urgences beaucoup plus importantes...."

-Allons. Allons, reprenez-vous un peu messieurs. Réglons cette affaire en gentilhommes. dit un Guillaume qui voulait rétablir la situation ; aprés quelques secondes, il se permit d'aller vers Sébastien qui était toujours tendu, lui posant même la main sur son épaule pour tenter de le calmer, Ecoutez marquis....C'est....Ce n'est pas la bonne solution que de se battre. La situation est bien assez grave comme ça, et je n'ai certainement pas envie de voir mes pairs se déchirer, alors que nous sommes sensés rester unis. il se tourna vers le prévôt un instant, lui adressant un bref hochement de tête en guise de remerciement pour son intervention, Régis ne pouvant répondre que par l'affirmative.

-M'enfin, comment vous voulez trouver une solution avec un type pareil! Il est pourri jusqu'à l'os. parla alors Sébastien, toujours un peu sur les nerfs.

-Ah, parce que vous croyez que j'ai besoin de vous, marquis. fit Baudoin, ses paroles aigres étant saupoudrées d'une couche de glace, Regardez-vous un peu, vous êtes pitoyable, vous n'êtes rien. Sébastien le fusille alors de nouveau du regard tandis que Guillaume, Régis et le reste de l'assistance le dévisagent d'un air étrange.

-Monseigneur, enfin. se hasarda le sieur de Mézière.

-Non, poursuivit le baron, le froid et le mépris se mélangeant dans ses propos, Nous avons trop parlé, nous n'avons que trop peu de temps devant nous. L'heure est aux actes et non plus aux bavardages. Si les traîtres et les lâches veulent partir, alors qu'il en soit ainsi. Je le répète, nous n'avons pas besoin d'eux pour purger la ville. Nous faisons ce qu'il y a faire. La postérité nous rendra justice." conclua-t'il, son talisman autour du cou devenant à nouveau luminescent.

Le suzerain de Grunère n'a désormais plus l'intention de tourner autour du pot. Chaque seconde qu'il passe ici en est une de perdue à ses yeux. Chaque minute d'attente est de moins en moins supportable, les souvenirs comme les visages d'Elisa, de Godefroy et de Tristan assiégeant de plus en plus son esprit. Aprés ce qu'il a vu et entendu dans Grunère ou plutôt dans ses ruines, Baudoin ne compte pas rester planté là pendant des heures, tandis que sa bourgade corrompue agonise. Alors il précipite les choses, ignorant délibérément tout le reste, se moquant bien des conséquences que cela produira. Le futur lui donnera raison, il en est intimement persuadé.
Prenant soudainement son épée, la brandissant à travers la pluie, vers les cieux toujours aussi courroucés, le baron de la Vilette fait alors une déclaration tonitruante, et celle-ci en engendra justement, des conséquences:

"Ecoutez-moi bien soldats! Il nous faut agir maintenant! Que ceux qui veulent sauver Grunère et leur contrée me suivent! Que ceux qui désirent la Victoire me rejoignent! Quant aux autres....Partez, disparaîssez....dégagez de ma vue!"

* * *
Johannes "La Flèche", Hors-la-loi
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"Être prévisible est une faiblesse"

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