[Concours] L'Evasion

Dans cet espace intemporel et hors du monde, les plus talentueux écrivains peuvent écrire pour le plaisir ou se mesurer entre eux, pour leur gloire personnelle ou par vengeance....

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[MJ] Le Roi maudit
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[Concours] L'Evasion

Message par [MJ] Le Roi maudit »

Cinq coups...Six coups...Sept coups...Il y en aura treize. Treize tintements de cloche pour la vie d'un Homme. Si longtemps qu'il est sur cette île, il ne peut qu'attendre le jour où la cloche sonnera treize fois pour lui. Mais en attendant l'homme se sait innocent, alors il s'ennuie entre ses murs gris. Douze coups...Treize coups.

Brisé, affamé, oublié, le fils du Nord casse l'obsidienne luisante dans des claquements de chaîne. Il se souvient de ses fils, il se souvient de sa femme. Il était pêcheur dans une vie si lointaine. Ses nouveaux compagnons l'ont rejoint. Chacun empoigne un fragment de verre volcanique. Il leur a offert des Dieux qui répondaient à leur appel sur cette terre gelée. Et c'est en hurlant et en se battant qu'ils les rejoindront. Et malheur à ceux qui se dresseront contre eux.

Elle regarde la populace s'agiter sous ses fenêtres. Ses yeux rougis de larmes se détournent alors vers son violon. Cette chambre, son refuge et sa cage. Et elle joue, elle joue pour vider son esprit. Son père a choisi pour elle une destinée toute tracée, mais elle joue, elle a décidé de l'écrire. Un jour elle jouera bien loin de cette chambre et de cette petite vie.

Ses démons le poursuivent depuis si longtemps. Il marche entre des piles de corps brisés. Une vie à servir un roi. Une vie à faire face aux ennemis du Royaume. Il a combattu pour sa nation, il a tué pour sa nation. Aujourd'hui la ville brûle, il n'a rien pu faire. Ces choix, ces compromis, ces sacrifices. Pour qu'il ne reste que des ruines. Il repense à son serment tout en attrapant son pistolet. Dans un instant il sera libre.

Dans l'obscurité la plus totale il inspire profondément. Dans les boyaux lugubres de la Cité des Sirènes on l'a mit derrière des barreaux d'acier. Mais l'homme-fort ne se laissera pas faire. Ni les lois injuste ni les corrompus qui les rédigent ne peuvent retenir celui qui veut se venger. Ses mains de docker se posent sur les barres de métal. Dans un chuintement elles se plient. Terrez vous misérables, le Tordeur arrive.

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Bonjour déconfinés aux mines déconfites, l'été arrive avec sa chaleur et ses congés si attendues. On s'évade du quotidien, et c'est exactement là où je veux en venir. L'évasion. D'une cellule, du train-train ou loin de vos remords passés. Le thème est aussi libre que vos personnages ne le seront pas. À vous d'impressionner les lecteurs avec une évasion dont Steve Mcqueen serait fier. Fructueuse ou ratée, rêvée ou accomplie, ce choix est le vôtre.
Vous aurez jusqu'au Dimanche 26 Juillet pour poster votre texte. Après quoi on ouvrira les votes.

À vous les studios !
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Reinhard Faul
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Re: [Concours] L'Evasion

Message par Reinhard Faul »

Je suis une Demoiselle du Graal. Nous servons la Bretonnie, la Dame, sous les ordres de la Fée Enchanteresse. Il y a beaucoup de choses à faire. Les morts-vivants, le Chaos, les nobles qui tournent mal... de quoi occuper toute une vie. Nous faisons ça pendant à peu près deux cents ans. Puis nous retournons à la forêt de Loren - là où nous avons grandi - pour mourir.

C'est ce voyage que je suis en train d'accomplir.

Les Demoiselles ne vieillissent pas comme les gens ordinaires. Malgré mes cent quatre-vingt-douze ans bien sonnés, j'ai encore la peau lisse et les cheveux blonds comme les blés. Je sais qu'il est temps de rentrer par quelques signes discrets. Un vague pressentiment, des trous de mémoire, mes pouvoirs qui s'affaiblissent. Ce n'est pas douloureux. C'est comme aller se coucher après une bonne soirée. Je suis fatiguée, mais contente qu'elle ait eu lieu.
La perspective de revoir la forêt de Loren me plaît aussi. Les petites jeunes vont m'apporter des verres de vin pendant que je lézarderai au soleil. Je pourrai lire des livres avec un ton léger, de la fiction, peut être même des histoires à l'eau de rose. J'observerai les licorneaux jouer dans les clairières. J'ignorerai tout des derniers potins sur les nobles bretonniens, et je ne m'en porterai pas plus mal. Ça sera génial.

Deux chevaliers m'accompagnent lors de ce voyage. Ces braves cœurs ont consenti à venir en aide à une vieille dame. La présence de cette escorte me rassure pendant cette période de transition. Et puis ils chantent très bien, ça occupe les soirées. Difficile de trouver des ténors et des barytons dignes de ce nom dans la forêt de Loren, même en accordant le don de parole à des ours. Peut-être une des rares choses qui va me manquer.
Ma dernière mission a duré plus longtemps que prévu. Nous venons de la cour de Brionne. Des skavens, ces sales petits sournois médiocres. Comme je commence doucement à sucrer les fraises (appelons un chat un chat), j'ai eu du mal à trouver l'ignoble trou fétide qu'ils ont infesté pour se reproduire à une vitesse frénétique. Nous avons failli perdre un Comte dans cette affaire, mais maintenant c'est bien fini. Ils ont tous brûlé, par la grâce de la Dame. Je pars à la retraite auréolée d'une dernière victoire (ainsi que d'un sauvetage héroïque), ce qui est toujours plaisant.

Nous longeons maintenant la route qui suit le cours de la Brienne. Après avoir pu admirer pour la dernière fois certains des plus beaux châteaux de la Bretonnie, je profite maintenant des vastes étendues sauvages autour de Quenelles. On y trouve une faune remarquable.
Ma petite spécialité à moi c'est plutôt d'échanger avec les animaux. Oui, ce n'est pas très spectaculaire. Un talent certes apprécié en termes d'épanouissement spirituel, mais qui ne permet pas de balayer des hordes d'ennemis d'un revers du poignet. C'est peut être pour ça que je n'ai jamais eu l'illumination pour devenir Prophétesse. Ça ne m'embête pas cela dit.
En termes de Demoiselle du Graal, je passe pour assez... détendue. Certains diraient « désinvolte », si l'adjectif pouvait s'appliquer à une membre de notre caste. Contemplative serait peut-être plus adapté. Disons que je suis le genre de personnalité qui trouve plus intéressant de discuter noisettes avec un écureuil plutôt que de faire exploser des choses par la pensée. Certaines sont comme ça.

Néanmoins, le don de voir l'avenir m'aurait bien rendu service ici. J'aurais pu savoir que des êtres attaqueraient notre troupe, et que je perdrai connaissance avant même d'avoir eu le temps de me défendre...
Je n'ai entendu qu'un bruit de tissu qui s'agite, puis j'ai senti l'impact d'une magie immonde dirigée contre moi. Ma licorne a volté. Il y eut un cri. Puis le noir complet. Je me suis évanouie en insultant mentalement le sale petit médiocre qui ose s'en prendre aux vieilles dames. Si j'avais subi la même attaque il y a seulement dix ans, je l'aurais balayée d'un revers de la main en riant avant d'aller apprendre le respect au petit sorcier en herbe. Il va voir ce qu'il va...

Je me réveille avec l'esprit confus. J'entends des voix familières qui semblent appartenir à des gens très excités. Des voix masculines....on me touche le front très délicatement... qui ? J'ai mal à la tête... Les chevaliers qui m'accompagnent ! Je suis en voyage pour mourir ! L'attaque !

Je me redresse. Mon premier réflexe est de vérifier si j'ai toujours mon épée : oui. Le deuxième est d'observer les alentours avec panique. Ce que je découvre ne me fait pas plaisir. Nous sommes dans un cachot. Il ne faut pas une grande enquête pour le savoir. La nature carcérale du lieu saute aux yeux. Des chaînes aux murs. Des barreaux pour nous empêcher de sortir. Un soupirail glauque. De la paille par terre. Des rats. Un trou d'aisance. Il y a même un squelette humain encore enchaîné au mur dans la cellule d'en face !
Je cligne stupidement des yeux le temps que mon cerveau fasse la transition sommeil/éveil. Les deux chevaliers me fixent avec une expression terrifiée. Il ne faut pas paraître vulnérable devant eux, c'est une règle de base. Je me reprends une contenance et écarte quelques mèches de cheveux qui sont tombées devant mon visage. Je ne m'inquiète pas plus de mon apparence. Une Demoiselle du Graal n'a jamais de poches sous les yeux ni mauvaise haleine. Comment ? Par magie, tout bêtement. Les fleurs dans mes cheveux ne flétrissent jamais. Ma robe ne s'accroche pas dans la végétation quand je marche en forêt. Je ne me fais pas piquer par les moustiques. C'est vulgaire, mais c'est comme ça. Impossible de courir au-devant des champs de bataille si on doit s'inquiéter de ce genre de choses.

Néanmoins, je remarque que les chevaliers qui m'accompagnent ont posé leurs mantels sur le sol pour m'isoler du froid – parce qu'il va sans dire que l'atmosphère ici est glaciale et humide. Je suis étrangement émue par le geste. Leurs habits leur auraient mieux servi qu'à moi, mais ce sont de vrais bretonniens honorables qui ne laissent pas une Demoiselle coucher dans la crotte de rat. Pas comme l'ignoble gougnafier qui nous a jeté dans ce cul-de-basse-fosse. Celui-là, il est tout près de se faire salement tirer les oreilles. Je grogne :

« J'ai déjà rasé un village entier de cultistes en faisant tomber une comète dessus, ce n'est pas une saleté de mur en briques mal cuites qui va m'arrêter. Reculez ! »

Je rassemble ma magie, mais... quelque chose cloche.
Je comprends assez vite. Il y a du métal dans les murs du cachot. De sales alliages inventés par les hommes, c'est tout poisseux de technologie. Beurk. Ça m'empêche de lancer un sort. Du coup j'ai la seule réaction possible en la circonstance, même si elle est peu élégante :

« MERDE ! »

Sire Serlon FitzViquer prend l'air terrifié devant mon juron. C'est le plus jeune des deux chevaliers qui m'accompagnent. Il aime la joute et écrire des poèmes d'amour courtois. Un noble bretonnien typique. Il m'a lue une de ses œuvres, un soir, crée spécialement pour moi. Je lui ai demandé de ne jamais recommencer. Il narrait mes exploits avec beaucoup d'emphase et j'en suis très flattée, mais il y a une limite à ce qu'on peut supporter comme « subtilité » descriptive de la part d'un auteur mâle en pleine possession de ses moyens. Je ne veux pas entendre parler de ma gorge d'une blancheur de lait ou de ma croupe ronde et généreuse. Le poète bretonnien est plein de bonnes intentions mais peut faire grincer des dents lors d'une exposition prolongée.
Ne vous méprenez pas néanmoins. Même s’il oublie parfois de mettre son bas ventre de côté lorsqu'il prend la plume, il est d'une courtoisie impeccable. Il incarne – au mieux de ses moyens – les valeurs de la Bretonnie. Tout comme son collègue, Sire Foulques de Chénérailles – plutôt porté, lui, sur les arts militaires, donc moins agaçant. Si le propriétaire de ce cachot leur fait du mal, je le mettrai moi-même en pièces de mes mains. Je me transformerai en ourse pour me repaître de son cœur et de son foie. J'offrirai son cadavre aux ronces pour que leurs racines dévorent jusqu'à son âme. Les nobles bretonniens sont bêtes parce qu'ils vivent à peine plus longtemps que des enfants, je ne leur en veux pas. Je suis là pour les protéger de leur faiblesse. Je rassure Sire Serlon :

« Ne vous inquiétez pas. J'ai juré dans un mouvement d'humeur, car la solution la plus évidente pour sortir d'ici n'est pas réalisable. »

Il répond, d'un ton inquiet :

« Dame Nimue, nous savons que vous... que vous n'êtes pas dans le meilleur état. Ce voyage...

- Ne manque pas de respect Serlon ! Réagis sire Foulques.

- Bien sûr que non ! Je veux dire que nous nous devons céans de protéger l'honneur de la Dame, plus que jamais, il en va du nôtre. Nous vous sortirons d'ici, je le jure sur...

- Ne soyez pas ridicule, et ne vous inquiétez pas pour votre honneur. Je ne suis pas encore impotente. »

Là, Serlon FitzViquer se confond en excuses d'avoir osé pu laisser penser un instant que je sois un peu moins puissante que d'habitude. Je n'écoute pas vraiment (si j'écoutais tous les nobles qui s'empêtrent dans des explications verbeuses, je n'en sortirai jamais). Je mets les poings sur les hanches et fixe d'un air rageur la grille qui nous empêche de sortir. Les vieilles dames ne sont pas patientes, surtout quand elles commencent à perdre la boule.
Il y a un détail que je n'ai pas mentionné auparavant, car il est éminemment ridicule. La grille est décorée de chauve-souris et d'arabesques compliquées. Cela nous renseigne sur l'ennemi, car un seul type d'être peut afficher un mauvais goût aussi patent - ainsi qu'une telle affection pour les mammifères volants. Mais peu importe. Ce qui me choque, c'est un détail tellement stupide que je ne l'avais pas relevé auparavant. J'affiche ma stupéfaction :

« C'est une grille ornementale. »

Les deux chevaliers ne réagissent pas. Ils ne comprennent pas. J'explique :

« On peut la dégonder en la soulevant. Ce ne sont pas des barreaux encastrés dans le sol. Crétin de mort-vivant ! Il y a une serrure à la porte, pourtant. L'artisan qui a posé ça a dû bien rire. »

J'attends quelques secondes, un peu embarrassée. D'habitude je pourrais augmenter ma force grâce aux Vents de la Bête, mais là...

« Pourriez-vous, messieurs, soulever la... »

En moins de temps qu'il en faut pour dire « canard », la grille est posée contre le mur et nous sommes dans le couloir. Il s'agit maintenant de mettre la main sur le gougnafier, et lui expliquer ma façon de penser.

Sortir des geôles se fait assez tranquillement. Il n'y a que la décoration qui est agressive (pour les yeux). Des torches tenues par des bras de morts-vivants encastrés dans les murs, pouah ! Et cette poussière ! Un vrai caveau. Très mauvais pour les bronches, ça. Heureusement que ceux qui vivent ici ne respirent pas.
Nous arrivons dans une salle très grande, et vide. Le carrelage au sol est décoré de motifs sinistres, selon un schéma qui semble avoir une certaine logique, même si celle-ci m'échappe pour l'instant. Je n'arrive pas à réfléchir parce que quelqu'un est en train de très mal jouer de l'orgue. Je lève la tête.

L'orgue n'est pas un instrument difficile à trouver quand on le cherche. Il est installé sur un balcon bien au-dessus de nous. Devine de quoi le bois est décoré. Devine. Des chauves-souris.

C'est un squelette qui en joue, ce qui explique pourquoi ça sonne aussi mal.

« Arrêtez ce boucan, de grâce ! Vous ne pouvez pas frapper les touches correctement avec des phalanges à nues, c'est ridicule. »

Ce cadavre est très bien réanimé. Il n'a aucun muscle, et pourtant on le voit baisser les épaules de découragement. Puis il se tourne vers moi pour faire un geste obscène, avant de se lever et de partir. Je pose ma main sur la poitrine du chevalier à ma gauche, qui est déjà en train de dégainer son épée en tremblant de rage.

« Restez calme, il n'est nul besoin de s'énerver après un tas d'os en train de maltraiter le solfège. Il faut plutôt trouver celui qui l'a relevé.

- IL EST ICI ! »

Nous nous tournons vers la voix. Un autre balcon, à gauche (rambarde décorée pour ressembler à des ossements, chauves-souris, toiles d'araignées... dorénavant je ne donnerai plus ce genre de description parce que j'ai trop honte pour le propriétaire des lieux). Et de façon parfaitement prévisible : un putain de vampire se tient dessus.

J'en ai tué un certain nombre au cours de ma vie. Il en existe différentes sortes, mais ils ont tous en commun d'être de sales enquiquineurs qui se prennent beaucoup trop au sérieux. La plupart ne supportent pas l'immortalité. Ils deviennent toqués, imprévisibles... comme des chevaux de course laissés trop longtemps au box.
Celui-là a un accent de l'Est à couper au couteau. Il semble avoir la petite trentaine, même si cette information ne veut rien dire quand il s'agit d'un vampire. Une crinière brune, épaisse et soyeuse (peut être met-il des bigoudis avant d'aller au cercueil ?). Il est torse nu, donc nous pouvons admirer ses épaules larges et ses muscles. Le bas est couvert par un pantalon en cuir qui laisse très peu de chose à l'imagination.
Il pousse la vulgarité jusqu'à être vautré sur une peau d'ours, un verre de « vin » à la main – ce qui est stupide puisque étant au-dessus de nous sur un balcon, on ne le voit pas. Le charisme s'abîme pas mal quand on a le visage à moitié caché par une rambarde en forme de fémurs imbriqués. Il est obligé de tordre le cou pour me regarder dans les yeux. Mais même de là où je suis j'arrive à voir le dessin de ses quadriceps, à cause de son stupide pantalon.

« Allez-vous bien Dame Nimue ? Vous êtes essoufflée.

- De colère ! C'est la colère ! »

Je pointe un doigt rageur vers le mort-vivant.

« Qui crois-tu être, sale abomination ? Où nous as-tu emmené ? Comment as-tu osé souiller la Bretonnie de ta présence ? La seule raison pour laquelle je ne suis pas déjà en train de te mettre en pièces, c'est que je ne veux pas laisser mon escorte toute seule ! Attends que je trouve un escalier, sale petit merdeux !

- Souiller la Bretonnie ? Souiller la Bretonnie ? Mais ces terres m'appartiennent, par le sang de mes parents ! C'est vous les intrus ! Je suis Sire Liébaud Aimé von Carstein, châtelain du Tumulus de Cuilleux, transformé à Altdorf par Alexandra von Car... »

Certains détails idiots peuvent totalement distraire l'esprit le plus aiguisé. C'est ce qui m'arrive à cet instant. Je ne peux m'empêcher de demander, d'un ton sincèrement intrigué :

« Mais, si tu es de la région, pourquoi l'accent... ? »

Le vampire a l'air choqué que je le coupe pendant qu'il fait son propre panégyrique. Il pose son verre et se met debout. Je le vois mieux, ce qui ne me renseigne pas plus sur son identité. Jamais entendu parler d'un Sire Liébaud, jamais vu cet homme-là. Pourtant, il explique :

« Hé oui ! Je suis le fils de Dame Suzon et Sire Arnaut ! »

Silence. Silence qui se prolonge de longues secondes. Les visages affichent tous de la perplexité. Visiblement, les noms devraient me dire quelque chose, mais comme mamie yoyote dur ces temps-là... je demande :

« Qui sont ces gens... ? »

Le vampire prend l'air outré.

« Tu fais semblant de les avoir oubliés pour me vexer, mais je vais expliquer tout de même, à l'attention de tes amis. Dame Nimue ici présente a lâchement assassiné mes parents ! D'honorables cultistes, très estimés au sein de leur mouvement. Elle fit tomber la foudre sur le bâtiment où ils accomplissaient leurs offices... je n'ai eu de cesse depuis lors d'apprendre les Arts Noirs afin de les venger. J'ai eu l'honneur de me faire accorder la puissance du Sang des Von Carstein ! J'ai appris à me faire obéir des morts ! Et maintenant tu vas payer pour tes offenses envers ma lignée ! »

Je n'ai au-cun souvenir de ces gens, mon expression n'est qu'étonnement. Et ce n'est pas la sénilité : des cultistes, j'en ai tué par brouettes entières. Comment je peux me souvenir de tous les êtres corrompus que j'ai croisés au cours des ans ? Le vampire tente pourtant d'éveiller ma mémoire, avec une pointe d'espoir dans la voix :

« À Couronne ? Il y a soixante-dix ans très exactement ? Personne ne peut oublier un tel combat !

- Je... il y en a tellement eu, des cultistes... puis je vais pas relever les noms après avoir brûlé quelque chose en général... je ne sais pas quoi dire là... »

L'image est difficile à visualiser, mais pense à un vampire sur le point de pleurer tellement il est colère. Néanmoins il parvient à se reprendre, même s’il empoigne sa rambarde toute vilaine tellement fort que ses phalanges blanchissent.

« Peu importe ! Ça ne change rien ! »

Il claque des mains. Rien ne se passe. Pourtant il a pris la pose comme si des serviteurs allaient tous faire des mouvements chorégraphiés pour déclencher va-savoir quoi. Les vampires sont cinglés, je te l'ai dit. Il marmonne :

« Ah mais j'ai déjà remonté les mécanismes tout à l'heure... enfin je disais quoi ? Ah oui ! »

Il tousse pour s'éclaircir la voix, puis déclame :

« Dame Nimue ! J'ai élaboré de nombreuses salles piégées pour t'empêcher de sortir de ce château ! Même si tu es venue à bout de mes redoutables cachots, ta cervelle bouillira avant de parvenir à comprendre mes tours aussi cruels que subtils ! AH AH AH AH ! »

Il pointe son carrelage tout vilain du doigt, en contrebas.

« Regarde ces motifs ! Si tu marches sur la mauvaise dalle, des flèches empoisonnées sortiront des murs ! Un seul chemin mène à l'interrupteur pour sauver ta vie, tout le reste VA TE TUER ! AH AH AH AH ! »

Il est complètement cinglé, et complètement abruti. Ici, les murs ne sont pas plein de métal dégoûtant. Je maîtrise le domaine des Cieux. Donc je peux léviter pour atteindre l'autre côté de la pièce et pousser un vulgaire levier en bois. On entend des cliquetis dans les murs - trois candélabres et deux briques s'effondrent au sol parce que ce n'est pas facile d'être ingénieur et vampire à la fois.

Résoudre l'énigme « à la régulière » ne m'aurait pas coûté trop de neurones non plus cela dit. On remarque très nettement un chemin qui zig-zag au milieu du carrelage. Il suffit de suivre les motifs de chauve-souris. C'est quoi ce malade qui met des petits jeux pour enfant dans son château maléfique ?

« J'imagine que vous pouvez me rejoindre, messieurs... »

Les deux chevaliers traversent la salle d'un pas hésitant. Quand ils ont vu le vampire, au début ils ont pris une posture offensive, mais après cet échange et cette « énigme »... ils ne savent plus quoi penser. Comment leur en vouloir ? Moi aussi je me sens pris de court. J'ai du mal à comprendre que mon affrontement contre un mort-vivant vengeur se résumer à chercher un escalier... est-ce là une habile manœuvre pour passer pour un crétin, et cacher un piège suprême ? Quel jeu d'acteur ! Sire Liébaud a pu parfaitement et irrémédiablement perdre la boule, néanmoins. Ce n'est pas bon pour le mental d'être un être corrompu et torturé, pas besoin d'être grand clerc pour s'en apercevoir.

Nous passons une porte. Une salle aussi vaste et vide que la précédente, sans les motifs au sol, et avec un piédestal en plein milieu. Posé dessus : une clef. Le vampire court pour nous rattraper depuis un nouveau balcon (ce n'est pas facile de suivre une mise en scène aussi scriptée). Il hurle :

« La salle prendra entièrement feu si tu ôtes cette clef de son socle ! Le mécanisme se déclenche dès que le poids diminue ! AH AH AH AH ! »

Je ne m'inquiète pas trop pour le feu. Depuis que nous sommes sortis des cachots, j'ai lancé cinq sortilèges de protection sur nous. Même si le plafond nous tombait sur la tête, je ne suis pas sûre que ça nous tuerait. Mais je crois que je n'aurais même pas à tricher...
Je ramasse un des ossements qui traîne au sol – ce qui ressemble à un avant-bras humain, pouah. J'utilise une habile manœuvre qui s'appelle « remplacer un objet par un autre objet très très vite pour ne pas déclencher le mécanisme ». Toute la sagesse des Fées était avec moi sur ce coup-là (je plaisante). Même les chevaliers ont arrêté de guetter chaque recoin d'un œil suspicieux avec la main posée sur la garde, et me regardent faire, les bras ballants. Sire Foulques commence à bourrer sa pipe de tabac. Le vampire se lamente en gémissant. Nous passons à la salle suivante – la clef marche, pas de soucis.

Un Varghulf nous attend dans la pièce suivante. Plus grand qu'un homme, ressemble à une chauve-souris géante sous mandragore depuis plusieurs années. Sale bête.

Je rassemble déjà ma magie pour l'affronter... mais il ne bouge pas, il reste assis sur son séant. Il est même en train de se trifouiller le nez pour y trouver quelque trésor. Ce comportement enfantin me retient. Pourtant, il relève le museau pour nous jeter un regard abruti. Et il parle !

« 'f'alut. 'f'uis un Varghulf. »

Puis visiblement, il se sent obligé d'ajouter :

« Z'é faim. »

Puis la créature semble... réfléchir. Ce qui est étonnant. Les Varghulf ne sont pas connus pour la profondeur de leur pensée. Ce sont les plus dégénérés parmi les dégénérés. Je me demande pourquoi quelqu'un a eu l'idée saugrenue d'en dresser un – même si je me doute du qui.
Sire Liébaud – qui a encore couru pour nous rejoindre – se tient au-dessus de nous, silencieux et triomphant. J'attends que la prochaine débilité fasse son apparition. C'est un peu comme voir quelqu'un trébucher de façon spectaculaire, une inertie s'empare de nous qui nous pousse à rester immobile pour regarder. La bête reprend la parole :

« Ze dois... énigme ! 'f'inon ze mange 'f'ous.... ze 'f'eux dire 'f'ous... 'ffffff'ous ! Z'e 'f'eux dire, répondez bien ou ze 'f'ous in-gur-gi-te. »

C'est difficile à voir sur une créature qui a deux rangées de dents et des griffes de la taille de ma tête, mais elle a l'air très satisfaite d'elle-même. Je la comprends. Même moi je me rends compte de l'immense effort qu'elle a dû produire pour faire une phrase aussi longue. Ses crocs acérés ne facilitent pas sa diction, et sa cervelle de la taille d'une noix pas d'avantage. Et pourtant, elle se lance avec vaillance dans une deuxième phrase !

« Qu'est 'f'e qui a quatre pattes le matin, deux pattes le midi et tr...

- L'Homme. »

C'est Sire Serlon qui a coupé la parole du Varghulf. Sire Foulques quant à lui était trop occupé à se cacher le visage avec la main pour répondre. Tout le monde la connaît cette énigme-là, pas besoin d'un vaste culture classique. Même les paysans doivent l'avoir entendue autour de leur feu de bouse (ou je-ne-sais comment ils occupent leurs soirées). C'est vraiment très gênant. La créature élargit les yeux de surprise et de fureur.

« Mais alors... ze mange pas ?! »

C'est ce moment que je choisis pour décapiter la bête d'un coup d'épée, mettant un terme à son existence dégénérée. J'ai augmenté ma force et ma vitesse par magie. Le cadavre immonde s'écroule sur le côté avec un bruit répugnant de viande malmenée. Voilà ce contre quoi la Bretonnie doit être protégée. Un monstre affamé, rendu encore plus cinglé par son estomac perpétuellement vide. Je ne pense pas que même le meilleur dressage du monde convaincrait un Varghulf de renoncer à un repas. Et certainement pas à cause à cause d'une bonne réponse sur une devinette pour bambin.. Nous continuons d'avancer.

Une nouvelle salle ! Je commence à perdre patience. J'envisage brièvement de voler jusqu'au vampire, en laissant les deux chevaliers seuls. Puis je renonce aussitôt à mon idée. Tant qu'ils sont près de moi, je peux m'assurer qu'ils bénéficient de la bénédiction de la Dame, mais m'éloigner d'eux ajouterait une dose d'aléatoire. Des morts-vivants plus dangereux que des Varghulfs peuvent se mettre à surgir des murs. Ce sont certes de braves combattants, mais des hommes, donc fragiles comme des fleurs des champs. Il y a les chevaliers du Graal bien sûr, mais ils sont si rares... j'en ai connu un autrefois. Ce n'est pas le même niveau de société, excuse du peu.

En tant que Demoiselle du Graal, les seules conversations rationnelles et intelligentes que je peux entretenir se déroulent avec mes pairs. Les nobles bretonniens ? Ils sont bien gentils, mais ils vivent à peine plus vieux que des enfants. Ce n'est pas de la misandrie de ma part. Quand je croise un homme, il a de grandes chances d'avoir moins du quart de mon âge et d'être aveugle à la magie. Comment les prendre au sérieux ? Ne crois pas néanmoins que je ressens une espèce de solidarité féminine envers les paysannes bretonnes. Est-ce que j'en ressens pour les vaches dans les champs ?

Donc, voilà, pour une femme de mon espèce, la présence d'un homme adulte pratiquant la magie est abominable. Contre-nature. Une insulte. J'ai entendu dire qu'il existait des sorcières de glace dans le nord. Je n'ai rien contre les sorcières de glace. Elles ont leur coin, on a le nôtre, et nous n'entendons jamais parler d'elles. Voilà la preuve d'un pays bien géré par des magiciennes : jamais vu une sorcière de glace venir foutre la merde chez moi. Alors que les vampires ? Les Magus ? Ah !

… bien sûr qu'il existe des femmes corrompues. Je suis de mauvaise foi. Il existe aussi des sorciers mâles qui naissent en Bretonnie. Évidemment. Nous les emmenons en forêt. Nous les maudissons pour qu'ils restent des enfants à jamais, des pages au service des Fées. Le prix de leur jeunesse, c'est une espérance de vie encore plus raccourcie qu'un homme normal. Je le sais parce que j'ai accouché de trois garçons, tous les trois doués du sens de la magie. J'ai renoncé à avoir d'autres enfants par la suite. Ils ont à peine le temps de courir dans les bois et de jouer un peu, et puis les voilà à remplir un cercueil tellement léger que deux femmes suffisent à le porter.
Donc, non, je n'aime pas les putains de morts-vivants nécromanciens qui foutent le bordel dans ma Bretonnie. Je ne le laisserai pas toucher à mes deux chevaliers. Donc...

C'est quoi, cette énigme alors ?

Il y a une griffe d'or stylisée posée sur un piédestal. Sur la griffe, trois dessins : un ours, une libellule, une chouette. Derrière la griffe, une porte massive avec trois cercles en métal qui affichent des traces d'usure, de passage. Visiblement, les cercles peuvent être tournés. Il y a également des dessins d'animaux dessus. J'imagine qu'il faut tourner les mécanismes de la porte pour que ça affiche un ours, une libellule, une chouette...
On entend des cliquetis dans les murs, des morceaux de plâtre se mettent à tomber du plafond puis un fracas gigantesque de métal froissé. La porte finit par renoncer et s'écroule en arrière en arrachant la moitié du chambranle.
Le vampire hurle son désespoir.

Un escalier ! Un putain d'escalier ! Je me mets à courir, mettant déjà la magie à contribution pour me transformer en ourse.

Je ne suis pas une Prophétesse du Graal. Néanmoins, j'ai fait une prévision parfaite du futur. Comme annoncé au début, j'ai mis le vampire en pièce avec mes crocs, puis j'ai balancé sa dépouille par-dessus les remparts du château pour que les ronces s'en repaissent et la purifient. Tous les cadavres qui se baladaient ici et là se sont écroulés sur place. Ainsi fini Sire Liébaud Aimé von Carstein. Ses derniers mots furent consacrés à maudire celui qui rendait le métal aussi cher, qu'il en aurait couvert tous les murs si le budget déco n'avait pas... enfin peu importe. Nous pouvons partir.

Ma licorne m'attend dehors. Elle a l'air méprisante, mais c'est sa tête habituelle. Elle ne supporte pas ce qui est populaire et de mauvais goût, et de son point de vue tout ce qui existe est populaire et de mauvais goût. Pas facile d'être un si noble animal.

Les chevaliers et moi sommes silencieux depuis que le vampire est mort. Personne n'ose parler. Mais finalement, Sire Serlon rompt le silence :

« C'était extrêmement gênant. »

Sire Foulques surenchérit :

« Je propose que nous n'en reparlions jamais. Le vampire nous a attaqué, il est mort. Point. »

J'ajoute :

« Je vais faire tomber une comète sur le château, supprimer toute trace de son existence. J'attends que nous soyons suffisamment loin car... hé bien, ces choses-là prennent beaucoup de place. Sire Serlon, vous obligeriez une vieille dame si vous chantiez mes derniers jours à Brionne plutôt qu'ici. Les skavens, tout ça...

- Je ne voyais pas la chose autrement ma Dame. »
Natus est cacare et abstergere coactus est.
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Lien Fiche personnage: Ici

Stats :
Voie du sorcier de Nurgle (Profil avec empreintes occultes et mutations)
For 9 | End 14 | Hab 10 | Cha 6 | Int 15 | Ini 10 | Att 10 | Par 9 | Tir 9 | Foi 8 | Mag 18 | NA 3 | PV 140/140

Mutations/marques :
Nuages de mouches : -1 ATT/PAR/TIR/INI pour toutes les personnes à moins de 6m
Plaies suppurantes : 1d3 dégâts retranchés à chaque blessure
- Morsure Venimeuse : Poison hallucinogène
- Hideux (Effet : Peur)
- Organe du Chaos (-1 CHA/HAB, +1 END, +5 PV)
Pourriture de Neiglish : Porteur sain
Protection de Papy : 2d4 PdC à chaque critique en incantation
Grimoire :

- Lumière : À appliquer sur un objet ; Fait de la lumière pendant 1h
- Flammèche : Petite étincelle au doigt pendant une minute
- Météo : Connaît la météo prochaine
- Repos : Peu faire se détendre quelqu'un

- Infestation de Nurglings : 24m / 1d4 tours / Projectile magique. Une fois qu'une personne est touchée, elle subit 10+2d10 dégâts magiques par tour / Dès la fin du sortilège ou la mort de l'ensorcelé, des bubons explosent, libérant 2d3 amas de chair, qui sont autant de nurglings
- Fontaine putride : 6m / Instantané / 30+2d10 dégât devant lui + gain de 7 armure temporaire magique / +5 dégât par point de MA
- Gerbe corruptrice : 12m / 10+1d10 dégât dans une zone de 6m, esquivable ; métal rongé après 1d4 tours / -1 esquive par MA

- La multitude fait le tout : Se change en nuée de mouches
- Prodigieuse santé : Contact / Devient ultra bogosse et ultra chad
- Grande invocation de petits amis : Invoque des insectes pour servir d'ingrédients
- Immonde messager : Peut envoyer des messages twitter (Caractères limités)
- Allégresse fétide : Supprime toute douleur mentale ou physique
- Divine urgence : Force la cible à faire un jet d'END. Diarrhée en cas d'échec.
- Paludisme dévorant
- Vent de Nurgle
- Torrent de corruption

- Invocation : Nurglings
- Invocation : Bête de Nurgle
- Invocation : Porte Peste
- Octogramme de conjuration
Compétences :
- Résistance accrue : +1 END aux jets testant la résilience physique (Fatigue, drogue, alcool, torture...)
- Vol à la tire : +1 pour escamoter quelque chose
- Baratin : +1 pour endormir la vigilance de quelqu'un
- Déplacement silencieux : +1 pour fureter quelque part
- Déguisement : +1 pour s'infiltrer en étant déguisé
- Alphabétisation
- Autorité
- Humour
- Empathie
- Coriace

- Sens de la magie : Sur un test, détecte les événements magiques
- Incantation (Domaine de Nurgle)
- Maîtrise de l'Aethyr (Nurgle) : 3
- Contrôle de la magie
- Divination (Oniromancie) : Sur un test au cours de son sommeil, peut découvrir la destinée de certains personnages
- Langue hermétique (Langue Noire) : Parle la langue immonde du Chaos
- Confection de maladies : Peut fabriquer des maladies communes et rares
- Connaissance des démons
Équipement de combat :
- Bâton démoniaque : 2 mains ; 10+1d8 dégâts ; 8 parade ; Assommante & Utilisable seulement par les classes magiques. +1 PAR
- Pistolet à répétition : 46+1d8 dégâts, malus -2 TIR/8 mètres, peut tirer cinq fois à la suite avec un malus de -1 TIR par chaque nouveau canon qui fait feu
- Agaga (Épée à une main) : 18+1d10 dégâts ; 13 parade ; Rapide, Précise, Perforante (2) ; +1 INI
- Cocktail Molotov (x4) : Dans un rayon de 1m, toute personne qui est touchée par la bouteille prend trois états de « Enflammé ». Dans un rayon de 2m, c'est 2 états seulement. Dans un rayon de 3m, un seul état.

- 15 balles et poudres

- Tenue de cultiste de Nurgle : 5 protection ; Tout le corps sauf tête

- Anneau d'Ulgu : Lorsque porté, vous pouvez faire croire à ceux qui vous entourent que vous êtes un humain lambda (sans mutation aucune ni trait particulier) pendant 1 heure. Vous ne pouvez utiliser cette capacité qu’une fois par jour. Vous ne pouvez pas prendre l’apparence d’une personne en particulier.

- Miroir de la Demoiselle d'Acques
- Cor de la harde des Museaux Annelés
Équipement divers :

- Marque de Nurgle
- Caresse de la vipère (poison) : Un sujet blessé par une arme enduite de ce venin doit réussir un jet d'END-4 sous peine de mourir dans END minutes. Chaque minute avant sa mort, le sujet subit 5 points de dégâts non sauvegardables, et un malus cumulable de 2 à ses caractéristiques.


- Couverts en bois
- Sac à dos
- Couronnes dentaires en bois
- Tatouages
- Porte-bonheur

- Sap-biscuit

- Costume de répurgateur + Fleuret (Déguisement)
Divers divers :

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Lucretia Von Shwitzerhaüm
Warfo Award 2018 du meilleur PJ - Élaboration
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Re: [Concours] L'Evasion

Message par Lucretia Von Shwitzerhaüm »

Je m’appelle Axel, et je suis un enfant comme les autres. Toutefois, je reste discret, et réservé, je crois ; j’ai souvent l’impression que les gens ont du mal à se rappeler que j’existe. A mon passage, mes voisins me regardent sans me voir, puis leurs sourcils se froncent tandis que leur tête se secoue, doucement, et ils m’observent une nouvelle fois, avec plus d’insistance. Puis ils m’oublient derechef. Je vais à l’école sigmarite en bas de la rue des trois fers. Souvent, les autres enfants y vont à plusieurs. Ils crient et courent sur la grande voie, et, lorsqu’il pleut, ils sautent dans les flaques avec le même entrain. Mais pas moi. Je préfère prendre mon temps, lentement. Sur mon chemin, les murs s’usent aussi bien que les trottoirs, les premiers étant trop souvent rongés par mon ombre, les seconds, par mon regard baissé. Je ne suis pas un très bon élève, je le sais. Je reste dans le fond de la classe, et mes pensées m’emmènent trop fréquemment vers l’horizon, vers le ciel. C’est plus fort que moi, je n’arrive pas vraiment à me concentrer. De mon pupitre, je regarde à travers la vieille fenêtre au verre terni par la poussière. Le dernier étage de l’école, sous les combles, offre une vue magnifique sur les toits de la ville. Il y a aussi beaucoup d’oiseaux qui volettent dans tous les sens, là-haut. J’aime beaucoup les oiseaux, d’ailleurs ; dès qu’un battement d’ailes se fait entendre, je regarde avec une vivacité retrouvée autour de moi dans l’espoir de le voir se poser sur un encorbellement, non loin de là. J’adorerais être l’un d’entre eux. J’imagine l’incroyable sensation de liberté que la faculté de voler permet. Tourbillonner dans les airs, chasser les nuages, poursuivre le soleil. Puis la règle du professeur, douloureuse et sévère, me rappelle à la réalité.

A la sortie de l’école, les parents des autres élèves viennent parfois les raccompagner. Je les vois s’agenouiller devant leurs enfants, écarter les bras, et ces derniers courent dans leur direction avant de les enlacer. Pas les miens, jamais. Je rentre seul, butant de temps à autre sur les vieux pavés déchaussés de la voie. Je n’aime pas trop revenir chez moi. Il y a souvent du bruit, beaucoup de bruit. Surtout le soir, tard dans la nuit. La maison se saoule, souffle et souffre. Ça me met mal à l’aise, car je sais que ça dérange les voisins. Je ne veux causer de problèmes à personne. Une fois, la vieille Nonan s’est approchée de moi tandis que je sortais. Elle a jeté un coup d’œil en direction de ma maison, des volets toujours fermés. Puis elle m’a regardé moi, et m’a demandé d’une voix basse et inquiète si j’allais bien. Je l’ai fixée dans les yeux, sans comprendre. Puis je suis parti en courant. Bien entendu que je vais bien. Je n’aime pas que les gens posent des questions. Ce n’est pas leurs affaires.

Tout ça, c’est ma faute, je crois. Je suis maladroit, je ne fais pas assez attention. Je fais tomber mon auge en renversant ma nourriture. Je fais chuter une vieille étagère mal accrochée au mur branlant. Ça finit par coûter cher, tout ça. Lors des rares occasions où la maison dort silencieusement, il m’arrive de trébucher sur une marche de l’escalier qui craque. Ça réveille la maison, ça réveille le bruit. Souvent pour longtemps, jusqu’à ce que je pleure.

Mais au matin, tout va bien. Je n’ai rien de cassé, rien de froissé ; je peux aller à l’école, tout seul. Je peux aller regarder les oiseaux et m’isoler quelque temps, loin des coups, loin des cris. Je parle pas fort et je suis maladroit, oui. Mais je crois que je suis bon comédien malgré tout. Je suis juste Axel, un enfant comme les autres. J’aimerais quand même faire un peu de bien, autour de moi. Apaiser la maison, calmer les cris. Rendre le sommeil au voisin, alléger l’inquiétude de la vieille Nonan. Et voler, aussi, être libre.

C’est ça. C’est ce que je vais faire.

Je vais rejoindre les oiseaux, et m’envoler au-dessus des toits, bien haut.
FOR 16 / END 14 / HAB 17 / CHAR 18 / INT 17 / INI 19* / ATT 17 / PAR 13 / TIR 11 / MAG 17 / NA 4 / PV 134/140
Ma Fiche
Objets particuliers:
- * Anneau Nowelleux (+1 INI)
- Amulette (relance d'un EC: 2/3 utilisations disponibles)

Compétences acquises et Dons du Sang

COMBAT :
Attaque : Coup précis (3), Arme de prédilection ( épée à une main)
Défense : Esquive, Acrobatie de combat, Sang vif (2) (DDS), Coriace,
Autres : Régénération Impie (DDS), Innocence Perdue (DDS), Valse Macabre


MAGIE :
- Sens de la Magie
- Conscience de la Magie
- Maîtrise de l'Aethyr - niveau 3

CHARISME :
- Diplomatie
- Éloquence
- Séduction
- Intimidation
- Comédie
- Etiquette
- Intrigue de cour

INTELLIGENCE :
- Domination (DDS)
- Érudition
- Littérature
- Linguistique
- Histoire
- Administration
- Enseignement
- Connaissance végétale
- Langue étrangère : Kislévarin
- Connaissance des démons

INITIATIVE / HABILETE :
- Sang vif (DDS)
- Réflexes éclairs
- Escalade
- Monte - chevaux
- Sens Accrus
- Vision nocturne

AUTRES :
- Défi de l'Aube (DDS)
- Ame Profane (DDS)
- Forme de Familier : Corneille (DDS)
- Sang argenté (DDS)
- Alphabétisation
- Force accrue
- Chance
- Préparation des poisons

Inventaire :
- Griffe d'Ursun
- Veste de cuir & pèlerine en "voyage" / robe habillée en "réception"
- Anneau de promptitude
- Bague du tumulus
- Sacoche de chanvre
- Lettre de la comtesse
- Gemmes et pépites d'or
- Fleur de salicaire
- Glandes à venin
- Poison (?)

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Snorri Sturillson
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Messages : 95
Profil : For 8 / END 10 / Hab 8 / CHAR 8 / INT 10 / INI 7 / ATT 9 / PAR / TIR 9 / NA 1/ PV 70 (bonus inclus)
Lien fiche wiki : wiki-v2/doku.php?id=wiki:fiche_snorri_sturillson
Autres comptes : Alekzan Gievlevitch (en construction)
Localisation : Près d'un fourneau

Re: [Concours] L'Evasion

Message par Snorri Sturillson »

Image La mâchoire qui grince. Une dent qui bouge. Une grosse du fond, encore. Un brin qui frotte le nez. Quelque chose qui sonne, qui résonne. L'épaule qui brûle. L'épaule qui pulse. Quelque chose qui coule le long du bras. L'air froid, le ciel, la tête qui se lève. Le bras qui se lève, que quelqu'un lève. Une botte sur le dos, le bras qu'on tire.

- " Allons, Hofstetter, complique pas les choses, tu veux? Tu l'ouvres, et on dégage. Alors ouvre-la."

La voix qui résonne. L'air qui colle, la brume de mon souffle. Le noir autour de moi. La botte qui presse, le bras qui lève, qui crie.

- "C'est un ordre, Erasmus."

Une main attrape ma tête. Le bras qui baisse, mou, ruisselant.

- "Ce... pas moi, Tugbert. Je fouille jamais... dans les malles. Sang d'Taal, j'ai pas ta camelo-!"

Du cuir dans la joue. Une botte.


- " D'la camelote, hein? On t'a cherché assez longtemps, poiscaille. On sait qu'c'est toi. Y'a que toi pour prendre un tel engin à bord. Oû qu'il est, ton canot, Hofstetter ? Et c'est << contremaître >> pour les merdeux dans ton genre... Tiens, pour ton Taal chéri."

La botte qui racle. Une dent sur la langue. Un glaviot sur la joue. Chaud, flou, liquide. Fer dans la bouche. Froid au bras. Toujours aussi noir.

- " J'ai plus d'ca'ot. Au fond d'... père Rei-kh, qu'il est. Fau'hé par les déb.. débris d'l'in...'endie. Ch'pas un des p...sson. T'es au courant Thu-"

Du bois qui cogne. Le sol qui cogne. Flou. Des points blancs qui bourdonnent... J'ai froid.

- " ... mens, poiscaille. Mes gars t'ont vu sur les Trois-Tours hier. A causer avec une pompeuse et ses copines. Et pis longuement qu't'as causé, gros malin.

- L'était à ton goût, la pompeuse? J'espère qu'elle piaillait bien, pour ce que t'as causé !

- L'as dû bien s'guinder, vu comme ils boitaient tous deux, ha ! On n'aurait dit qu'c'est elle qui l'a enmanché !

Ça ricane. Ça crache. Ça remue.


- " Le masque, Hofstetter. Allez, t'as toi-même dit qu't'étais l'meilleur du Tal'bec, chez tes cousins des chèvres. Le. Masque. Oû qu'il est, 'Rasmus ? "

Hocher la tête. Souffler.

- "Dommage, t'étais bon rameur. Aldo, ramène-toi. Attrapez-le, on va l'chauffer comme il faut."

Un bras qui lève. Deux bras qui tirent. Battre des pieds, gigoter, résister. Une botte qui part. Jambes écartées. Jambes moites, braies qui tendent, qui tombent. Bras qui brûle.


- " On va te laisser un joli souvenir, poiscaille. R'gadez comme il gigote. Tenez-le bien !"

Dents qui grincent. Chaud dans le bas ventre. Bras qui brûle. Crier. Hurler. S'écorcher la voix. Chaud...

***

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Où était-il à présent ? Il faisait affreusement sombre... Quelque chose gémit à coté de lui. En sursautant, il se rendit compte qu'il était assis, et que ses poignets le lançaient, comme s'ils étaient cisaillés. Quelque part au-dessus ou dessous, son mouvement avait amené un cliquetis...

Des chaînes.
Non, ses chaînes.

Les chaînes qui le maintenait ainsi, bras à-demi tendus vers le ciel, assis sur la dalle lisse et glacée. Des... Geôles, ou était-ce une autre cachette des Grönnhilt ? Depuis combien de temps était-il ici ? Son ventre concave répondit à cette question : depuis trop longtemps. Était-il seul ? Non, il n'avait pas pu émettre ce râle malade. Il n'avait pas le coffre, ni l'essor d'émettre un bruit si rauque, si las. Instinctivement, il se releva. Ses jambes semblaient endormies, assoupies depuis des jours sinon des semaines, mais toujours capables de se tordre et de se tendre. Malgré l'obscurité, il se vit alors sur des quais, sans canot, sautant sur les pilotis pour semer les hurlements derrière lui. Il avait toujours eu de bonnes jambes. Toujours. C'est pour cela qu'il avait échappé aux sabots, il y a s... Quelque chose remua dans son crâne, une voix hurlant à pleine puissance entre ses oreilles. Non, pas une voix, un son. Un son dur, acéré, qui fend les méninges, qui tord la voix et écrase la psyché.

Lorsqu'il reprit conscience, il faisait toujours sombre, si ce n'est qu'il avait essayé de plaquer ses mains sur ses tempes. La contorsion nécessaire à un tel geste - bien qu'elle fut inutile - l'avait échaudé au plus au point, imprimant fermement la présence de lacérations à son dos. Les chaînes se finissaient sur des anneaux, vu la brûlure rêche qui s'affirmait tout autour de ses poignets. Erasmus serra les dents instinctivement, cherchant à encaisser la douleur autant que possible. Seul bénéfice d'un tel acte : il savait désormais que sa langue était entière, et qu'on ne lui avait pas enlevé d'autres dents entretemps...
Entretemps, d'accord, mais entre quels temps ? Entre la caverne et la fosse ? La fosse... Rien que de penser à cet endroit, il sentait les sons et les images revenir à la surface de son esprit. Non, il y avait eu autre chose entretemps... La cour, la chapelle privée, la bibliothèque, le cellier... Et puis plus rien.

Quelque chose était arrivé dans le cellier, mais il n'avait aucune capacité ni la notion d'ordre entre toutes ces images. Il savait qu'il faisait nuit avant, dans ses pensées, et il se souvenait d'un orage virulent, mais sans bruit. Il n'avait aucun souvenir sonore. Aucun bruit, aucune voix, aucun son...

Jusqu'à ce qu'un pas lourd le ramène à la réalité. Où l'était-ce vraiment ? Quelqu'un marchait, ou quelque chose.
Un rythme sourd, maladroit, suffisant pour remuer les tripes, et amener un nouveau râle aux oreilles d'Erasmus. Il en était sûr maintenant : il n'avait pas émis ce bruit, et il devait se dépêcher avant que les pas se rapprochent. Alors qu'il se plaquait contre le mur derrière lui, le gémissement revint, encore, et de manière presque régulière... Il fallait se lever. Il devait se lever. Assis de cette manière, il était vulnérable, docile, sans défense. Se dresser - rien qu'accroupi ou jambes repliées - lui donnerait une marge de manœuvre, quoi que ce soit qui soit en train d'arriver.

Les pas résonnaient désormais. Les gémissements se mirent à accélérer. En guise de réaction, Hofstetter se pressa, mordant tout ce qu'il pouvait pour ne pas grogner ou jurer face aux signaux lancinants qui lui cisaillaient les bras. Il était presque debout. Non, il était à moitié debout, jambes pliées, le dos plaqué contre le mur, les pieds à plat sur le sol. Les gémissements devenaient de plus en plus forts, et les sons commençaient à résonner. Tentant tant bien que mal de ne pas y penser - ou même, de ne pas penser du tout - il se mit à lever les bras au ciel, à les secouer, et à les jeter en avant, comme l'on démarrait un salut de Taal. Les grincements et cliquetis qu'il obtint en réponse furent étouffés par la douleur aux poignets, surtout le droit. Il lui faisait affreusement mal désormais, comme s'il avait éraflé quelque chose, ou touché une mauvaise corde.
Les pas étaient très proches à présent, et le gémissement se tut instantanément, au moment où l'on entendit un claquement sourd.

Tétanisé.

Pétrifié, voilà ce qu'il était. Tous ses muscles s'étaient crispés au moment du claquement, comme si un souvenir terrifiant les avait foudroyés.
Les pas ressurgirent, puis le claquement... Une fois... Deux fois... Et l'on enfonça un mur ou une paroi en bois. Erasmus reconnaissait le bruit unique, car il l'avait déjà vécu, quelque part, dans le passé. Une porte que l'on enfonce... Ouverte ou fermée, simple ou ferrée, les linteaux et les planches faisaient toujours le même bruit lors d'un choc. Deuxième choc, le même. Et plus aucun pas.

Maintenant.
Maintenant ou jamais.

Quelque chose, un truc, une issue, un lev... Un levier. Quoi ? Qui ? Comment ? La cervelle en ébullition, il sentait quelque chose battre contre son oreille. Levier, levier, levier. Cherchant des pieds quelques objets, il ne sentit que quelque résidu poisseux et une... Chose poilue.
La chose était couverte de poils ou de fourrure soyeuse, et semblait gonflée ou enflée, comme une panse de biche délaissée en plein soleil. Oui, c'était cela, au détail près qu'il n'y avait aucun soleil, et aucune odeur animale dans cet endroit. Erasmus aurait bien recraché son dégoût et sa bile, mais soit il ne semblait ne plus en être capable, soit il n'avait plus rien à recracher en son ventre. En se tordant, il comprit un détail : il devrait faire levier seul.

Il se surprit à arracher des lambeaux de ses manches avec les dents, et à les caler au maximum dans sa mâchoire, alors qu'il cherchait un autre moyen de s'appuyer. Sa proto-réflexion le mena un pied contre le mur, l'autre jambe dressée et tendue autant que possible, les bras au-dessus de la tête, et le buste qui pivote par à-coups alors que la première patte pousse et relâche au même rythme. Étrangement, le bruit n'amena aucune réaction alentours. De son coté, il se contentait d'écraser ses mâchoires contre le tissu, quitte à écraser sa langue pour moins sentir ses poignets.

En quelques secondes, peut-être minutes, il sentit un relâchement. Surpris par une telle liberté, il s'écrasa pleinement, face contre terre, mains renversées. À la relevée, il ne sentait plus rien au-delà des coudes, mais qu'importe : à cet instant, il était debout, dressé dans l'obscurité la plus complète, les bras ballants contre ses hanches. L'extase la plus totale le prit tout entier, le nimbant de picotements dans tous ses membres. Sortir. Il fallait sortir. Courir. Dehors, loin, loin d'ici, loin de tout. Taal saurait, Taal savait, Taal parlerait.

Sortir.

Comment ? Le bruit qu'il avait entendu revint alors à ses oreilles. Une planche qui plie... Une porte. Quelque part, une porte. S'il était entré ici, il devait y avoir une porte. Tâtant les murs, il espérait trouver du bois sans avoir à se rapprocher de la chose gonflée. Par chance, un alignement de planches se présenta à sa main gauche. Par réflexe, il la poussa pour s'assurer de la matière et... Elle s'ouvrit. Lentement, animée du mouvement le plus simple du monde, laissant entrer brusquement une lueur blanc-cassé, pâle, mais suffisante pour assommer et perturber les sens d'Erasmus après tout ce temps dans l'ombre. De la lumière... C'était à la fois réjouissant et glaçant. Se dépêcher, avant la nuit.

La dernière nuit dont il se souvenait avait failli être la dernière tout court : la mélasse par terre, le ciel malaxé au rythme des éclairs colorés, les découvertes derrière chaque porte, chaque escalier... Quelle idée cela avait été que d'accepter d'infiltrer cet endroit tous ensemb... Ensemble, oui ! Il n'était pas entré seul ! À plusieurs, ils pourraient s'échapper !
Instinctivement, il quitta la cellule sans se retourner, de peur d'entrevoir ce qu'il avait côtoyé pendant ce temps d'obscurité. Il se surprit à courir, alors qu'il n'y avait qu'un mètre ou deux entre chaque cellule. Il s'arrêta devant la prochaine, taraudé par une nouvelle interrogation, pourtant aussi simple que les précédentes : qui l'avait accompagné ? Il était sûr qu'il n'était pas arrivé dans cet endroit damné tout seul. Mais pour le reste... Il voyait un blond, la gueule fendue en travers par une mauvaise cicatrice, une femme assez tassée, mais avec des hanches Rhyanaises - c'était là ce qui comptait le plus pour les Dieux -, et... une ombre pâle,fine, floue. Il hésita un instant, cherchant du regard quelque spectateur ou espion qui rapporterait sa couardise en cas de fuite solitaire...

Puis il ouvrit la porte, aussi doucement que son bras droit lui permettait. Il avait abandonné l'idée d'utiliser sa main, vu comme elle restait rigide et indolore depuis qu'il s'était relevé. Et alors il la vit. Assise comme il l'était auparavant, contre le mur, mains liées. Elle était là, immobile, sage, pensive comme à son habitude. Ses joues rosées qu'il aimait tant, ses cheveux bruns ondulés, ses lèvres gercées, ses grands yeux ambre, son petit nez, son épaisse robe grisée... Il connaissait cette personne... Ma... Da. Fal... Regi... Deli... Lud... Meda ? Malda ? Wilma ? Wan...da. Wanda. Elle s'appelait Wanda.

Instinctivement, il se jeta à ses pieds, effleurant ses pieds, ses cuisses, ses épaules, ...

- " Wan'... Wanda ?" Sa voix était faible, geignarde après ce temps indéterminé passé dans le mutisme.

Sans réfléchir, il la prit dans ses bras, et serra aussi fort qu'il le pouvait, sans chercher à la blesser. En relâchant son étreinte, il comprit qu'il pleurait.

Aucune réponse.

Qu'elle ne puisse répliquer le geste, passe encore, mais... Pas même un sourire ou un regard. Aucun mot, aucun son, aucun mouvement. Elle était restée de marbre, maintenant sa jeste sans sourciller. Elle soufflait lentement, sans geindre ni râler, de manière calme et maîtrisée, comme lorsqu'elle lisait sur le canot. Avec panique, il s'empressa de la secouer, de lui prendre les mains, de caresser ses joues, de l'embrasser à foison, de l'aider à s'accroupir, de la pincer, de... Elle ne clignait pas des yeux. Elle refusait de bouger. Elle n'était pas pétrifiée, mais elle était incapable de garder une autre posture que celle où il l'avait trouvée. Elle n'avait aucune bosse, aucune flexion dans les jambes - contrairement à lui - ni de marques aux poignets. Et pendant tout ce temps, il n'avait cessé de pleurer, de geindre, de l'appeler, de l'interpeller. Et toujours, elle ne répondait pas. Visiblement, elle avait subi un autre traitement que lui : ses mains étaient attachées et jointes, ses pieds étaient lâchement liés, un collet la maintenait près du mur, ... Et elle n'avait rien d'autre que sa simple bure grise. S'il avait été lui-même, il n'aurait osé faire le moindre geste, mais depuis son arrivée, "lui-même" avait été arraché, enlevé, écroué, écorché.

Et une porte éclata. Les planches grinçaient encore que Wanda se tendit intégralement, contractant tous les muscles de son corps, et repoussant Erasmus dans le même mouvement. Il atterrit contre une forme sèche, raide et visiblement friable vu comme il passa au travers pour s'étaler contre le mur d'en face. Il vit les yeux révulsés, les larmes, la bouche béante, les sons émis, et il comprit. Wanda avait des "pouvoirs". Wanda avait lutté. Wanda avait perdu. L'être qui feulait, miaulait, exultait à foison devant lui n'avait aucun lien avec la personne qu'il avait cajolé, aimé, ...

Perdue.


***

Image

Il avait couru un temps infini. Il avait hurlé aussi. Plutôt que se morfondre, son corps avait choisi la fuite, ses nerfs la cacophonie. Il revit le fouet, le colosse de fer qui le tenait, et des instants brefs, jusqu'à ici. Une grille, une porte ferrée, un couloir sinueux, une cage éventrée, un atelier rouge ruisselant. Et des marches. Des dizaines, centaines de marches. Jusqu'ici. Il avait fui le colosse comme un halfelin fuyait les milices : ventre à terre, les sens en éruption permanente. Désormais, il était... Quelque part, là où le colosse ne le suivrait jamais. Si ses bribes de souvenirs ne mentaient pas, il était sous l'édifice désormais, à l'endroit par où il était entré. Non, où ils étaient entrés... Étaient-ils vraiment tous entrés ? Combien avaient-ils été à la montée ? Il ne se rappelait plus.

Il se vit soudainement dans une auberge, dans une chambre, devant une table. Une femme à demi vêtue lui parlait, jouant avec ses cheveux bruns ondulés tout en roulant sur le lit :

- "Ce que tu peux être sérieux, Erasmus,

- ...

- Au nom de la Chouette, oublie un peu cette affaire deux minutes, veux-tu ? On dirait mon père... Mais si, tu sais, notre "employeur"

- ...

- Allez, qu'est-ce qu'il y a qui ne va pas, hm? On jurerait que tu as vu Morr en bas de la jetée. Ce n'est pas ça, j'espère ? Eh bien, tu n'aurais pas, par pur hasard, d'autres choses qui pourraient t'intéresser, Monsieur Eros-mus, hmmm ?

- ...

- Holà, tâche de te maniérer, ou Reutgen va encore rouspéter !" Elle gloussa alors qu'il l'enlassait.

Et il était de nouveau dans la caverne, en train de suivre les entailles laissées à l'aller. Il n'avait jamais compris ce qu'elle essayait de dire avec cette faute sur son nom, mais cela suffisait à l'enjouer toute seule. De toute façon, il ne savait plus qui elle était. Elle n'avait pas l'air d'une fille des bains, et n'en avait aucunement les manières. Peut-être l'avait-il connue il y a quelques années auparavant, ou plus tard. Qui sait. L'air vicié ainsi que la faible lueur émise par ces champignons vitreux donnaient un ton assez morose à sa situation actuelle. Il revit des fragments de ses actes récents : l'ombre, les chaînes démontées, la porte... Qui pouvait bien laisser toutes des geôles sans verrou ? Quelqu'un d'assurément stupide, ou quelqu'un désireux que l'on...

Un jappement l'extirpa de ses automatismes, et le figea sur place. Les lichens avaient changé de couleur, là, juste un instant. Courir. Il n'était pas encore en sécurité. Reprenant son allure effrénée, il virevolta longuement dans la caverne, s'écroulant plusieurs fois sur la flore phosphorescente et les creux d'eau stagnante. Une fois dehors, il prit la route toute tracée, n'espérant aucun refuge dans cet environnement damné. Le pire était peut-être passé...


***

Image

Mais non, rien de tout cela n'avait été aussi terrible que la lande. Il le sut dès qu'il l'aperçut au fond du couloir boisé ; car aucun autre nom ne pourrait convenir à une telle chose, ni aucune autre chose à un tel nom. C'était comme si un poète avait inventé cette phrase dans sa tête après avoir vu cette région particulière. Cela devait, pensait-il, être le résultat d'un incendie ; mais pourquoi avait-il l'assurance que rien, absolument rien de nouveau ne pousserait sur ces acres de désolation grise qui s'étendaient vers le ciel, sur ce grand espace rongé au milieu des bois et des champs ?

Il eut une étrange réticence à s'approcher, et il ne le fit que parce qu'il se rappelait l'avoir parcouru dans le passé. Sur cette vaste étendue, il n'y avait aucune végétation, seulement une fine poussière grise que le vent n'emportait jamais. Les arbres à proximité étaient tous malades et rabougris, et de nombreux troncs morts se dressaient ou gisaient sur la voie. En passant à la hâte, il aperçut les briques et les pierres d'une vieille cheminée, d'une cave, la gueule noire bâillante d'un puits abandonné... Les vapeurs qui en émanaient jouaient d'étranges farandoles colorées avec la lumière du soleil. Même la longue et sombre forêt qui s'étendait à l'horizon semblait bienvenue en contraste.

L'instant d'après, alors qu'il marchait, il marchait au milieu des maisons de chaume, des toits cossus, des murs jaunis, des passants tout pâles... Il serra la main d'un homme, salua un autre, repoussa un chien errant qui approchait... Il était tout sourire, de larges sillons marquant son visage, les yeux bouffis.

Lorsqu'il cligna des yeux, il n'y avait plus aucune maison ni de ruine à proximité. Il ne restait que la poussière...
Même dans le passé, l'endroit avait dû être solitaire et isolé, vu la monotonie environnante. Claudiquant entre les vents tourbillonnants, il erra dans les rues mornes du supposé village. Au crépuscule, redoutant de retrouver cet endroit sinistre, il s'avança vers la jetée qui l'avait accueilli tantôt. Les pieds au bout du ponton, il souhaitait vaguement que quelques nuages se rassemblent, car une étrange timidité s'était glissée en lui. Il espérait plus que tout que Grand Père Reik était profond, afin que personne ne puisse retrouver son corps, et que personne ne s'arrête jamais en ces lieux damnés.

Lorsque l'eau fraîche enveloppa ses chairs, il souriait bêtement face au ciel.
Lorsqu'elle s'engouffra dans ses voies, il soufflait à plein régime, cherchant à chasser les bulles de son corps.
Et seulement lorsque l'obscurité enserra ses chairs, seulement à cet instant, il était apaisé. Il était enfin heureux.


***
Lorsqu'il rouvrit les yeux, il faisait sombre, nuit noire, et rien autour de lui ne semblait indiquer quoi que ce soit.
Puis il essaya de se lever, et sentit un cliquetis au-dessus de lui. Quelque chose lui maintenait les bras à demi levés. Et à côté de lui, quelque chose - ou quelqu'un - émit un râle malade, comme un gémissement. Et ensuite vinrent les pas lourds, le claquement sourd...
Et Erasmus se mit à japper.
Modifié en dernier par Snorri Sturillson le 26 juil. 2020, 21:56, modifié 2 fois.
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"Vous n’avez pas le droit d’avoir votre opinion. Vous avez le droit d’avoir votre opinion renseignée.
Personne n’a le droit d’être ignare.
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Re: [Concours] L'Evasion

Message par Prestenent d'Affreloi »

Ses paupières s'ouvrirent avec le ressac.
En même temps que le bruissement éloignait la marée, ses yeux revirent la lumière, et ce fut une brisure désagréable dans la continuité de sa pensée.
Se redressant douloureusement sur cette plage rocailleuse de galets grisâtres et tranchants, il leva ses yeux vers le ciel et comprit tout de suite qu'il n'était pas chez lui.

Ça lui revenait soudain. Ils avaient poursuivi une frégate humaine, en quête de butin. Le capitaine avait refusé de regagner l'arche noire tant que ce vaisseau pathétique et tous ses occupants n'auraient pas été rattrapés et capturés. Le vieux corsaire avait du flair, ça Theyclos devait le reconnaître. Trop de flair peut-être.
Le reaver avait abordé le navire, en apparence sans défenses, mais qui cachait en vérité des mercenaires dont plusieurs ogres. Les elfes noirs, sûrs de leur supériorité et d'autant plus alléchés par la présence de ces colosses à la valeur marchande remarquable, n'avaient pas reculé pour autant. Theyclos était monté à l'assaut comme les autres, mais pendant que ses camarades se battaient comme des lions pour défendre l'honneur de leur race face à des ogres qui avaient eu l'impudence de se moquer d'eux, le jeune corsaire avait lâchement contourné le combat pour se précipiter dans la cabine du capitaine. Là, après avoir sobrement assassiné le marchand humain propriétaire du vaisseau en vue d'éviter qu'il ne parle au capitaine corsaire, Theyclos avait ouvert le coffre du navire, débordant de pièces d'or, et s'en était rempli les poches comme il le pouvait. Dans son idée, il lui aurait peut-être fallu en jeter une partie plus tard pour passer inaperçu, mais dans un premier temps il en prit autant qu'il pût et referma le coffre avant de sortir à nouveau sur le pont. Tout ce serait si bien passé si ce crétin de capitaine corsaire n'avait pas eu l'idée saugrenue de perdre le combat contre ces sous-êtres disgracieux. En sortant de la cabine, Theyclos tomba nez à nez avec un ogre qui l'attrapa et l'envoya bouler comme un sac vers le rebord du navire.
Tous les autres avaient été écrasés, le reaver allait-être coulé, et Theyclos n'était pas assez arrogant pour affronter seul les mastodontes. Alors il prit son courage à deux mains et sauta par dessus bord, priant Mathlann de ne pas le noyer maintenant, lui qui avait encore tant de choses à faire avant de mourir.

Entre temps, il avait été balloté et avait heurté des récifs, prenant un sacré coup sur le crâne, ce qui expliquait qu'il n'ait plus tout à fait les idées claires. Il tâta son front et découvrit une large estafilade courant sous son cuir chevelu jusqu'au haut du front où dégoulinait un long filet de sang rendu poisseux par l'humidité. Il se leva en titubant et chercha désespérément ses armes, sa cape en peau de dragon des mers et le reste de son équipement. Tout avait été englouti par le dieu des océans en guise d'offrandes pour sa survie. Ne lui restaient que les vêtements.
D'une démarche peinante, il se tourna vers l'intérieur des terres. Il n'avait aucune idée de l'endroit où il se trouvait, mais il semblait probable étant donné le lieu d'où il s'était jeté dans les flots qu'il soit quelque part dans l'Empire des humains de Sigmar. C'était très large, mais après tout pourquoi ce serait-il donné la peine d'étudier la géographie des autres continents, lui qui ne faisait qu'en écumer les côtes. En dehors des villes côtières, les territoires des peuples inférieurs lui étaient inconnus. Par chance, il avait quelques bases dans leur langue et connaissait quelques détails élémentaires sur le fonctionnement de ces animaux. Il avait entendu des prisonniers suggérer qu'il passait parfois des elfes dans certaines de leurs villes. Avec de la chance, il pourrait, pour un temps du moins, se réfugier dans une cité humaine.
Il se mît donc en marche, misérable comme un mendiant. Il n'avait que des habits déchirés et un petit poignard caché dans ses chausses. Il n'y avait pas là de quoi survivre, et encore moins de quoi s'échapper de ce continent.
En cours de route, il trouva un ruisseau où il lava sa tête sanglante, colorant de rouge les flots. Cela le fit rire, mais il ne comprit pas pourquoi.
Après s'être abreuvé, il se fit la remarque qu'il avait toutes les chances de tomber sur une communauté en suivant le cour d'eau. Il le fit donc et arriva sans tarder devant une piteuse ville. Modeste amoncellement de bâtisses rustaudes où vivait ce curieux bétail que sont les hommes. Il essaya de soigner son apparence autant que possible, il devait au moins passer pour une sorte d'asrai égaré. Puis il se présenta à la porte où deux gardes en pourpoints, chausses, et calottes de velours multicolore attendaient appuyés sur leurs longues piques. L'un d'entre eux mâchonnait une pomme, la bouche largement ouverte, l'autre en revanche se précipita vers l'elfe avec un grand sourire.

- "R'garde ça Hans ! Une belle paire d'oreilles pointues !"

L'autre ne pipa mot, il darda son regard fielleux vers le non-humain.
Theyclos savait qu'il jouait avec le feu. Sa peau d'ivoire et ses cheveux sombres comme la nuit n'étaient pas pour l'aider à paraître un allié.

- "Sssieurs…" siffla-t-il dans cette langue barbare qu'il connaissait à peine. "Messsieurs… je désirerai entrer dans votre sympathique bourgade… et si possible y trouver gîte et soins. J'ai été blessé et…"

Le garde ricana d'un air cruel, puis il leva ostensiblement deux doigts:

- "Évidemment messire elfe, on va vous laisser entrer, mais avant il faut tout de même s'acquitter d'une petite taxe de passage, voyez vous. C'est une broutille pour vous pas vrai ? S'agit juste de payer une pisto… une couronne pour chacune de vos oreilles. De ce que j'en vois, et je les vois très bien, ça nous fait deux couronnes d'or, tout de suite."

Et il tendit une main avec un grand sourire.
Consumé par la migraine, Theyclos n'avait même pas le loisir de haïr ce garde corrompu. Son cerveau avait pris un coup grave et fonctionnait étrangement. Il ricana nerveusement et fouilla instinctivement ses poches.
La mer avait emporté toutes ses pièces, toutes sauf une. Mathlann avait voulu jouer avec lui, mais ne pas le laisser périr si vite visiblement.
Theyclos sortit la pièce et la regarda. Une couronne d'or. La moitié de ce qu'on lui demandait. Pourquoi diantre les humains étaient-ils si persuadés que tous les elfes étaient riches ?
Contemplant la pièce d'un œil morne, il finit par hausser les épaules. Il ne voulait pas de problèmes, et de toute manière il n'était pas réellement en état de se battre. Theyclos était par nature un druchii lâche. Alors il sortit d'une main son poignard tout en s'excusant.

- "Désolé mais il ne me reste plus qu'une seule pièce. Alors la solution est toute trouvée."

Les deux gardes ne furent pas rassurés en le voyant sortir une arme. Ils frémirent tous deux et empoignèrent des deux mains leurs lances. Mais Theyclos ne dirigea pas sa lame vers eux. Il attrapa son oreille gauche et tira dessus tandis que de sa main droite il approchait la lame. Ce fut plutôt long, car le poignard était prévu pour des coups d'estoc, pas pour être tranchant, mais avec une lame elfique la chose fut faite relativement vite. Son oreille fut tranchée et jetée comme une vulgaire ordure. Tout en se disant quelque part qu'il commençait à être dérangé par ce coup sur la tête, la majeure partie de l'esprit de Theyclos trouva simplement amusante la réaction qu'il lisait sur le visage des gardes. N'était-ce pas ce à quoi ils devaient s'attendre avec un tel impôt ? Le sang coulait, chaud et fluide, tout le long de sa joue. C'était agréable. Il souriait.
Un des garde poussa un cri d'horreur. Il ignora la pièce que Theyclos lui tendait pourtant avec coopération et fit volte face pour s'enfuir en courant dans la ville, bientôt suivi de son camarade qui cria en plus des mots que Theyclos ne comprenait pas.
La prudence aurait été de fuir. Mais avec sa plaie à la tête et son hémorragie à l'oreille, l'elfe noir n'aurait sûrement pas une espérance de vie heureuse s'il s'éloignait trop de toute civilisation. Il lui fallait des soins, et urgemment.
Alors il pénétra dans la ville. Cependant il n'avait pas fait dix pas qu'une dizaine d'hommes l'encerclaient en pointant vers lui des lances patibulaires.

- "Ach ! Rendez vous sans faire d'histoire ! On nous a informé qu'un elfe fou furieux errait en ville !"

Fou furieux ? Errait en ville ? Décidément, tout chez ces êtres insignifiant prenait des proportions inimaginables. Il n'avait encore tué personne pourtant.
En cet instant où il aurait encore pu chercher à s'expliquer, sa nature le trahit, car il ne pût s'empêcher de se dire à lui même mais à voix haute:

- "Tss… et si je les tuais tous plutôt ?"

* * *
Il avait certainement surestimé ses capacités. Il se retrouva ligoté et en prison. Ce qui s'était passé entre temps lui était entièrement sorti de l'esprit. Il pouvait aussi bien s'être battu jusqu'à être assommé que s'être évanoui sans avoir rien accompli de plus. Toujours est-il que quand son esprit reprit le contrôle de chaque part de son corps, il était dans une cellule grisâtre, avec trois murs et une vague grille. C'était une salle prévue pour entasser une foule de prévenus, à n'en pas douter, mais on l'avait laissée entièrement pour lui. Il avait les mains et les pieds attachés dans le dos, le forçant à se tenir sur ses genoux ce qui était extrêmement désagréable. Une forte pression sur la gauche de sa tête le fit grimacer, mais il comprit que c'était là le bandage, déjà tout empourpré, qu'on avait fait à son oreille. Sa tête lui tournait, et ses yeux lui paraissaient enflés comme au bord de l'explosion, mais il parvint tout de même à distinguer trois silhouettes autour de lui.

- "Un elfe noir vous dites ? On a bien fait de se méfier." faisait un homme qui devait être le chef des gardes à la manière dont il portait sur son chapeau une plume plus grande que celle d'aucun des soldats que Theyclos ait vu. Les peuples primitifs avaient des signes primitifs pour distinguer leur hiérarchie.

- "Il est rare de capturer un corrompu encore vivant. Je peux vous dire au nom de mon peuple que nous vous serions très reconnaissant de ne pas le laisser mourir avant que l'on ait pu lui soutirer toute information utile. Mais s'il tente quoi que ce soit tuez le sans hésiter. Il n'a pas mérité mieux."

Theyclos n'en crut pas ses yeux. Un haut elfe, en tenue de voyage, un arc accroché dans le dos et un sabre à la ceinture, le regardait de haut avec une répugnance sans nom.
«pourquoi il a le droit de garder ses deux oreilles, lui ?» fut la première pensée qui le traversa. Ensuite il réalisa que sa situation venait d'empirer terriblement. Tant qu'il serait sur ce continent et ce haut elfe aussi, l'un d'entre eux devrait forcément mourir, et Theyclos était mal parti pour exterminer ce rival naturel.

- "De toute façon on le tuera tôt ou tard. Inutile de vous donner plus de mal que ça pour soigner ses blessures." ajouta l'asur.

- "Compris. On le gardera ici le temps que vous préveniez vos camarades. Un peu de temps dans cette cellule sans bouger lui fera du bien."

Le chef des gardes fit un signe à la troisième silhouette qui s'avérait celle d'un soldat armé d'une lance. Celui ci ouvrit la grille qui fermait la cellule, et les trois personnes sortirent sans oublier de verrouiller le passage derrière eux. Le chef confia les clés au garde et il s'en alla avec l'elfe, laissant le soldat patrouiller seul devant la cellule.
Theyclos était encore trop engourdi, une sensation anormale et atrocement gênante pour un être de son espèce. Toutefois son esprit affaibli ne cessait pas pour autant de fonctionner. Tourné vers la grille, il extirpa de son cerveau douloureux les réflexions nécessaires pour mettre en place un plan. Défaire les cordes qui enserraient ses poignets et ses chevilles était un jeu d'enfant pour lui, au sens propre. Alors qu'il n'était encore qu'un garnement ses parents le ligotaient régulièrement pour qu'il apprenne à se libérer lui même, parfois sous la contrainte d'un animal féroce qui risquait de lui dévorer la chair s'il ne se pressait pas suffisamment. Il connaissait parfaitement tous les types de nœuds possibles, ce qui avait été bien utile dans sa carrière de marin. Il défit donc ses liens sans les retirer, de sorte que quand le garde le regardait il ne pouvait rien remarquer d'anormal. À ses yeux, l'elfe était immobile sur ses genoux, la tête baissée et les yeux mi-clos dans une sorte de somnolence ou de souffrance muette. Il avait de quoi inspirer la pitié, petit être blessé et éreinté qu'on accablait de surcroît en l'enfermant et en le ligotant.
Au final, Theyclos conclut de ses observations que la meilleure façon de sortir de cette cellule était encore la plus simple.
À un moment où le garde tournait le dos, il raidit tous ses muscles, releva la tête, et ouvrit largement ses grands yeux. Le garde se retourna juste à temps pour le voir s'écraser du côté droit, toujours attaché dans le dos, son bandage suintant orienté vers le haut et bien visible. Il avait les yeux presque exorbités, ne clignant plus. Sa mâchoire complètement relâchée laissait sa bouche entrouverte d'où ne semblait provenir aucun souffle. Sa respiration était tant atténuée que le faible mouvement de sa cage thoracique était totalement imperceptible, entièrement occulté par ses vêtements. Il paraissait aussi vraisemblablement mort qu'on aurait pu l'attendre de cet être maigrelet au crâne fendu et de la tête duquel s'était écoulé un flot de sang.
Le garde déglutit. Il n'était pas tout à fait stupide toutefois, car c'était un garde habitué aux prisons et tout ce qu'il y avait de nouveau pour lui ici était le fait que son prisonnier ne soit pas humain. Empoignant sa lance, il cria à l'adresse de Theyclos:

- "Hé ! Hé ! Debout ! Fais pas semblant, ça prend pas avec moi ce vieux tour."

Pas de réponse. Il scruta attentivement le faciès de l'elfe. Il n'avait pas cligné des yeux, il semblait bel et bien comme un poisson mort, l'odeur en moins.

- "Hé ! T'es vraiment mort ? Scheiße ! Le capitaine m'a dit de te garder en vie !"

Il parut réfléchir un instant. Theyclos profita de sa distraction pour cligner des yeux, mais le garde ne le vit pas. Finalement, l'humain passa sa lance entre les barreaux et tâta, aussi délicatement que possible, l'épaule de l'elfe avec sa pointe. Chez n'importe qui, la légère douleur aurait provoqué une réaction, mais Theyclos parvint à ne pas bouger, poussant la comédie à la perfection en n'appliquant aucune résistance de son corps face à la lance, si bien qu'elle se planta dans son épaule avec plus de violence que le garde l'aurait voulu.
C'est à cet instant précis que le supérieur du garde fit son apparition. Il cria en voyant ce que faisait le soldat.

- "Qu'est-ce que tu fabriques imbécile !" il regarda dans la cellule et constata l'état de son prisonnier. "Tu l'as tué !"

Le garde, tout tremblant et désemparé, tenta de se défendre.

- "Mais m'sieur, je vérifie juste qu'il est bien mort…"

Son supérieur le gifla avec une singulière brutalité. Theyclos dût faire un effort pour ne pas rire. Le chef des gardes, qui était manifestement bien plus benêt que son sbire, ordonna immédiatement à celui-ci d'ouvrir la grille.
Le garde entra en premier, lance en avant. Il la pointa vers Theyclos au sol en disant:

- "On dirait bien qu'il est mort, ouais. Mais c'est pas ma faute…"

Ses mains jaillirent depuis son dos. Il saisit la hampe de la lance avec une force que l'humain n'aurait jamais soupçonnée chez un être aussi svelte. Trop vite pour que le garde puisse réagir, il releva un genou et s'en servit pour briser la lance, puis, le fer dans la main gauche, il se redressa, attrapa la tête de l'homme de son autre main et lui planta le fer de lance dans le visage de toutes ses forces avant de pousser l'humain de côté pour libérer le passage, sans se soucier de le terminer. Le chef des gardes était resté tétanisé une seconde, puis s'était retourné pour s'enfuir en courant. Mais Theyclos lui bondit joyeusement dessus et l'enlaça de dos, le serrant contre lui avec ses bras. Alors que l'homme criait et se débattait, l'elfe noir chercha la dague qui devait forcément se trouver à la ceinture du soldat. Sa main parvint sur un manche de poignard qu'il tira de son fourreau et planta dans le ventre de l'homme. Une fois. Deux fois. Trois fois. À chaque coup, un cri coulait des lèvres de l'homme, un élixir doux et précieux, mélange de douleur et de désespoir que l'on ne pouvait obtenir qu'en déchiquetant des entrailles vivantes. Theyclos se délecta de la mort affreuse de la chose qu'il tenait entre ses bras, et laissa finalement le corps encore secoué de convulsions glisser sur le sol.
Il lui fallait maintenant partir, mais les cris devaient avoir alerté les nombreux collègues de ces humains. Il retourna donc dans la cellule où le précédent garde se tenait encore le visage avec des cris étouffés. La pointe de la lance avait traversée sa joue gauche et ressortait à l'arrière de sa tête. Theyclos ne le tua pas, il se contenta de le délester de ses clés et repartit en l'enfermant.
Il avait maintenant des clés, et il se doutait bien que les humains ne s'étaient pas donné la peine de donner une serrure différente à chaque porte de leur prison. Il se fraya donc un chemin vers la sortie en ouvrant chaque porte de cellule qu'il trouvait. Les humains qui y étaient enfermés, parfois par dizaines, le regardaient passer avec crainte, puis, déconcertés par cette soudaine liberté, détalaient dans les couloirs, accroissant le chaos.

* * *
Il lui avait fallu une bonne demi heure pour trouver la sortie d'un bâtiment, pourtant pas si grand. S'il n'avait pas été inconscient lors de son arrivée en ces lieux, il aurait pu s'enfuir bien plus vite et plus simplement. Mais il avait mis le poste de gardes de la ville en un état tel que les corps des détenus se glissaient maintenant par chaque porte et chaque fenêtre. Tous les soldats furent mobilisés, et lui même ne fit qu'attendre le moment opportun pour détaler vers l'extérieur de la ville. Il escalada le maigre rempart qui l'encerclait et se laissa retomber de l'autre côté.
Libre, il l'était dans la mesure où il lui restait encore à s'échapper de ce continent qui tout entier voulait la mort des gens de son espèce. Il y avait un bois non loin, alors il y courut sans plus réfléchir. Si les humains le retrouvaient, ils l'abattraient à vue. Il courut comme un dératé, et commit la fatale erreur de ne pas se retourner.

Lorsqu'il fut enfin sous le couvert des arbres, il s'arrêta finalement. Reprenant sa respiration, il décida de faire le point. Toutefois il fut brutalement interrompu. S'il avait encore eu ses deux oreilles, il aurait sans doute mieux entendu cet infime sifflement de l'air, il l'aurait reconnu et se serait jeté à plat ventre.
Une flèche lui transperça le flanc droit, juste au dessous de l'omoplate. Sous la puissance du trait, il perdit l'équilibre et tomba au sol.
La face contre l'humus de la terre, des brins d'herbe chatouillant ses plaies, il éclata de rire. La silhouette majestueuse qui approchait dans son dos était évidemment celle du haut elfe. Quelle malchance qu'un aventurier de cette race honnie se soit trouvé au même endroit que lui au même moment. Était-ce Khaine qui avait voulu les mettre tous deux à l'épreuve et voir lequel périrait en premier ? Ce genre de défi n'était pas du goût d'un elfe noir lâche comme Theyclos.

- "Je considère qu'il n'est pas très moral de désirer ardemment la mort d'une personne, surtout quand on sait avec précision ce qui l'attend dans l'après vie." fit l'asur en s'approchant. Il dégaina une dague à sa ceinture. Visiblement, à l'image d'un bon chasseur, il voulait abréger les souffrances de sa proie en lui tranchant la gorge. "Mais les tiens ont tant renié toute forme de morale que je ne crois même pas que ton âme corrompue soit sensible à mes paroles."

Quelle poisse. Il faisait nuit, il était dans la forêt, il lui aurait suffi d'avoir lancé un seul regard derrière lui au bon moment, et il aurait pu prendre ce vaurien par surprise pour l'égorger. Désormais, son sang coulait dans son poumon droit, il suffoquait. Mais il ne mourrait pas, pour rien au monde il n'accepterait ainsi une mort certaine.
Un meuglement vorace se fit entendre. Quelque chose approcha, une démarche à la fois brutale et adaptée à son milieu forestier. Au son qu'émettaient les branchages en étant broyés sous ces pas, Theyclos comprit qu'il s'agissait de sabots, et il fut surpris de les savoir aussi près, car il ne les avait pas entendu approcher. Visiblement, c'étaient là des chasseurs aguerris.
Theyclos ne les vit pas, mais il devina que leur apparition avait aussi surprise le haut elfe. Cela laissa le temps au druchii de ramper légèrement pour s'éloigner. Il tenta de se redresser en s'appuyant sur un tronc d'arbre, puis se retourna pour voir le spectacle.
Deux monstres velus aux grandes cornes enroulées se dressant sur leurs crânes de chèvres. Leur pelage était d'un blanc pur, comme le lait, et leurs yeux brillaient comme des émeraudes. Il n'avait pas besoin d'avoir plus de connaissances sur ces abominations pour savoir instinctivement à quel dieu ils étaient dédiés. Cela expliquait peut-être qu'ils aient été attirés par l'odeur de la chair et du sang de créatures elfiques. Le haut elfe avait sorti son sabre et combattait rageusement les deux créatures qui brandissaient des coutelas baroques et bougeaient en faisant grelotter des bijoux accrochés grossièrement dans leur pelage immaculé.
L'envie démangeait Theyclos de profiter de l'occasion pour poignarder cet infâme traqueur, mais il se ressaisit à temps. S'il restait il n'avait aucune chance de survie, alors il prit derechef la poudre d'escampette, tout en jurant en silence qu'il offrirait à Khaine soit le sang de cet elfe soit le cuir de ces bêtes, dépendant de la façon dont le combat tournerait. Il s'enfonça dans les bois, jusqu'à ce que les bruits de la bataille ne puissent plus parvenir à son unique oreille. Avec peine, il retira la flèche fichée dans son corps. Par chance, la pointe était ressortie, alors il la cassa en deux pour sortir chaque morceau. Il réitéra sa promesse au dieu du meurtre, puis s'étendit sur le sol. Il était épuisé, blessé, apeuré. En cet instant, il douta de pouvoir s'échapper de ce continent maudit et retrouver son chez lui, hostile certes mais civilisé au moins. Avec la crainte de ne plus jamais se réveiller, il fut obligé de fermer les yeux et de s'endormir dans cette forêt où erraient les Slanngors.
Et il rêva de Naggaroth.
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Karil Dasmof
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Re: [Concours] L'Evasion

Message par Karil Dasmof »

Des murs de pierre poussiéreux, les araignées qui y font leurs toiles et se baladent dans les interstices.
Une seule porte en bois qui est résistante, bien gardée et j'entends derrière le garde qui, comme à son habitude à l'air de se faire chier comme un rat mort et qui crache un bon gros glaviot. J'aimerais bien me foutre de lui mais ce serait pas très malin dans ma situation. Surtout que c'est Ernesto, c'est pas un mauvais bougre, il nous fait pas trop chier alors que d'autres, bordel, faut pas qu'ils vous remarquent. On peut même discuter un peu avec lui, s'il est pas en rogne et je lui demande donc, poliment s'il sait où se trouvent mes autres camarades. Il grogne un coup mais ça devait être un bon jour vu qu'il me répond que Heins est dans la cellule d'à coté, mais que les deux autres sont de l'autre coté de la prison. Ca fout un petit coup au moral mais je le remercie.
Hé j'ai beau être enfermé pour des excès de violences un peu sanglants, j'en suis pas moins quelqu'un avec un minimum de politesse. Et Ernesto, j'ai pas envie de le faire chier. C'est un garde certes, mais il est un peu gentil au moins. Il en fait pas des caisses. C'est le mec qui fait son taf et qui t'enfonces pas pour le plaisir. Et ça, je respecte.
Bon, après je suis pas innocent, je dois avouer que j'ai un peu mérité ce passage au frais. Enfin, mérité, c'est un bien grand mot mais avec les autres, on pouvait risquer la branche donc entre les deux choix, on préfère encore pouvoir respirer sans mal et avoir un peu moins d'espace où gambader. Faudrait encore remercier l'avocat de la banque, un certain Enrico Moresti. On est enfermés pour encore quelques mois mais au moins, on sert pas de décoration sur un arbre.
Je sais qu'il ont foutu Heins dans une des cellules d'à coté. C'est sympa, ça fait un peu de discussion possible, tant que les gardes entendent pas trop. Faut dire que moi dans la bande, j'étais les muscles, lui c'était le cerveau.
Mais si je tenais celui qui nous a conduits là dedans, on lui préparera un petit comité d'au revoir, c'est un des rares trucs qui me permet de tenir. Avoir l'espoir de mettre la main sur le rat qui a pas apprécié nos activités.
Et pendant que je suis dans mes pensées, y'a des pas dans le couloirs. Un pas rapide et une petite voix qui commence à jacter avec Ernesto. Ça doit être Heinrich. On dirait un gosse, je serais même certain qu'il pourrait pas tenir cinq minutes à nos traitements, même si on y allait en douceur. Mais avec sa petite voix de gamine, ce gars est un fumier, une salope de la pire espèce. Toujours prêt à voir une insulte derrière n'importe quel bruit ou silence. Lui, c'est le genre de gardien spécial, faut pas qu'il te remarque mais il fera tout pour te remarquer. Le genre qu'on aimerait bien voir crever dans les égouts et se faire bouffer par les abominations existantes. M'enfin, il commence à lui parler de ses problèmes de chiasse, il chiale car il a pas eu double ration à bouffer.
Bordel, j'aimerais bien le faire taire à ma façon mais je sais très bien comment ça va se passer si je le fais. Changement de cellule, je retourne dans l"Oubli", comme les autres gars appellent ça. Une zone pour les gars avec une trop grande gueule, comme moi. J'ai du y faire des séjours de quelques jours ... ou heures, je sais plus. On voit pas la lumière du jour, on entend rien et on distingue même pas la bouffe qu'ils nous filent. C'est un coup à devenir cinglé et quand tu en ressors, en général, t'es calmé quelques jours et bien plus obéissant.
Donc pendant que la pleureuse continue, moi, je repense à la bonne vieille époque où on était en liberté avec la bande à bosser pour la fameuse banque Tapiano.
La banque Tapiano, tenue par des estaliens ou des tiléens, je sais plus. "Avec Tapiano, vous aurez ce qu'il vous faut", c'était leur sorte de cri de guerre, mais ce qui était passé sous silence, c'était les gros bras qui se ramenaient si vous étiez trop lents à payer.
Selon ce que nous avait indiquait le chef, on était "recouvreurs de créances impayées", comme l'avait expliqué Heins,le seul qui savait lire de la bande et qui avait compris direct.
Nous, il a fallu réexpliquer gentiment qu'on était là pour récupérer la maille que les gens devaient à la banque et on pouvait tout faire sauf tuer celui qui devait la thune. Visiblement, c'était plus dur de rembourser quand t'étais mort. Si jamais ça partait trop loin, la banque nous "protégeait" visiblement.

On avait une bonne équipe, quatre tarés prêts à faire usage de tout ce qu'ils savaient pour récupérer de la maille. Et surtout, on était payés et autorisés à faire ça. Et c'était le pied, y'a pas à dire.
Avant d'aller récupérer la thune, on avait même fait un petit chant entre nous, une comptine toute adorable pour nous donner envie d'aller bosser.

"Un, deux, on crève les yeux
Trois-Quatre, on perce la rate
Cinq-Six, on coupe l'appendice
Sept-Huit, on vide ta cache thoracique




Dans l'équipe, y'avait moi, Ersnt, un gros bras, un cogneur, je savais faire que taper et je le faisais bien. Briser des os, ça suffit à faire parler, en général, je m'occupais pas de la cible mais ses proches. Ses gosses notamment, ça craquait facilement, un peu amusant à faire de temps en temps, mais je voulais pas en tabasser trop. Tu commences à peine à lui tordre le bras qu'en fait, tu lui as déjà pété deux os et t'as tout le plaisir qui a disparu car tu dois t'arrêter sans avoir commencé. Car c'est qu'une fois que tu touches aux gosses que les gars commencent à parler, à te dire où ils cachent ce qu'ils doivent ou payent directement une partie de leurs dettes.
Y'avait Piotr, un mec d'un pays de neige de ce qu'il racontait, il faisait déja partie de la banque avant notre arrivée et lui, il tranchait dans le vif. Adepte du stylet, des couteaux dagues et autres choses qu'ont fout joyeusement dans le dos des autres quand ils s'y attendent le moins. On bossait souvent ensemble.Un qui tailladait la chair tandis qu'un autre brisait un os. Un de nos trucs préférés, on le faisait quand le gars voulait pas parler. On prenait sa femme son père ou sa mère, Piotr lui ouvrait joliment le bras ou la jambe ou au niveau des côtes aussi. Mais pas la petite coupure douloureuse, non, la grosse tranche du boucher ou du barbier chirurgien, avec toute la giclée de sang qui va avec et qui laissait entrevoir l'os. Puis, une fois l'os bien visible, je m'amusai avec. Ça me donnait l'impression de s'amuser avec le gigot que la banque nous payait de temps en temps, mais là, le gigot était encore attaché et bougeait encore. C'était marrant.
Bref, pas froid aux yeux le Piotr, il faisait bien son taf même s'il était surtout là pour vérifier qu'on tente pas de doubler la banque. Ce qui aurait été une connerie sans nom.
Y'avait un tiléen aussi ou un estalien. je sais pas, j'ai jamais compris les différences entre les deux. Bref, ce fameux Marco. Un sacré bon vivant, le Marco, toujours à partager la boisson avec nos clients. Son petit plaisir, c''était de coller la tête de celui qui devait l'argent dans un baquet d'eau, de vin, de bière selon ce qu'il y avait de disponible, tandis que Piotr et moi, on lui bloquait les bras, pour pas qu'il s'agite. Il comptait un peu le Marco, puis il laissait respirer le gars, reposait la question et si ça lui convenait pas, c'était le tour pour un nouveau bain. Je crois que celui qui a tenu le plus longtemps, il a craqué au bout du cinquième passage. On discernait pas ses pleurs de l'eau qui lui coulait du visage tandis qu'il nous indiquait qu'il avait quelques couronnes cachées sous sa paillasse, le brave homme. Et comme on est pas de mauvais bougres, Piotr et Heins sont allés chercher les quelques couronnes planquées pendant que Marco lui redonnait un bain. Il était plus que crade, il aurait même du nous remercier pour ce bain supplémentaire.
Enfin, y'avait Heins, le cerveau. Le seul de la bande qui savait lire et reconnaissait la valeur de ce qu'on nous filait. On a évité plusieurs emmerdes grâce à lui. Après, quand on essayait de le prendre pour un con, il réagissait calmement et c'était le plus effrayant. Je veux dire, Piotr est ses couteaux, Marco et ses bains ou même moi et mes poings, on est pas des enfants de choeur, ça nous dérange pas quand y'a du sang qui gicle et qui tâche ou d=s cris. Mais quand Heins s'en mêle, ça devient juste dégueulasse.
La première fois que j'ai vu ça, je m'en souviens encore. J'en ai l'estomac qui s'en retourne rien qu'en revoyant ce qu'il s'était passé.

Un pauvre crétin a fait croire à Heins qu'il avait des pièces de valeurs chez lui, une cassette pleine de pistoles. Quand on s'est rendus compte qu'il s'était payé notre fiole, on allait s'amuser avec lui mais Heins a demandé qu'on le maintienne fermement et que c'était lui qui s'occuperait de ça. Il nous a demandé de ramener son fils pour qu'il paye à la place du client. Après tout, y'a une règle basique à garder en mémoire.
Mais la gueule qu'on a tous tirés à ce moment-là, on avait jamais vu Heins mettre la main à la pâte. Il était toujours tout propre pendant qu'on empestait le sang et la sueur. Y'a bien Marco qui s'est amusé un peu mais le regard qu'Heins nous a balancé à suffit à nous calmer. Il est allé cherché le gosse, un joli petit lot, le genre qui aurait déja du avoir des lardons, mais visiblement papa avait pas assez d'argent pour la marier.
On l'a maintenu et Heins a sorti quelques bouts de cordes et un sac bizarre qui avait une teinte rougeâtre et puait le sang. Mais surtout, y'avait un bruit dans le sac, un truc bizarre, comme des choses qui s'entrechoquaient. On a redressé la table pour qu'elle soit levée vers le ciel puis il a nous a ordonné de l'attacher à la table, et surtout qu'il bouge pas. On a pas cherché à en savoir plus et on était tous curieux de voir comment ça finirait. On a pas été déçus. Une fois le gosse attaché, et qui criait, il lui a collé le sac sur la tête, et l'a attaché autour de son cou, mais pas pour l'étrangler. On entendait déja les cris un peu étouffés et on gardait le père, qu'il évite de faire une bêtise.
Puis, il a commencé à toucher lentement le sac et à le caresser fermement, sur la tête du gosse. On l'entendait gueuler encore plus fort et on voyait le sang qui commençait à recouvrir de rouge le sac. Et c'était que le début, il y a mis plus de vigueur et les hurlements semblaient étouffés dans du liquide. Ça a duré quelques temps, on sait pas combien mais Heins semblait trop concentré pour qu'on ose ouvrir notre gueule. Puis il s'est arrêté et a semblé heureux. Il enlevé le sac et y'avait plus de tête à la place du gosse. Juste des entailles énormes, les yeux crevés, la tête rouge de sang. Il était complètement défiguré.
Encore aujourd'hui, je revois cette vision durant mes nuits. J'ai le cœur bien accroché d'habitude mais ça, c'était réellement dégueulasse. Mais bon, c'était assez rare de le voir donc on était pas trop dégoûtés.
Et alors que j'étais encore dans mes pensées, j'entends Ernesto qui part et la petite voix d'Heinrich qui reste à proximité. Visiblement, y'a la relève et c'est pas pour me plaire Et merde, je vais éviter de trop jacter avec Heins où on sera bon pour l'Oubli. En fait, le pire quand on est enfermé, c'est pas le manque de liberté, les coups et les diverses menaces et sanctions. Nan, le pire c'est de devoir écouter un geignard durant tout le temps qu'il reste car si tu l'ignores, il profitera de son autorité pour t'enfoncer encore plus, de même si tu réponds un truc. Bordel, j'ai tellement envie de lui expliquer que je suis pas là pour écouter ses chialeries, que je suis pas une pute sur qui il peut tout déverser, mais si je le fais, mon passage à l'Oubli, ça sera la partie agréable et je l'aurais sans cesse sur le dos.
Donc je fais comme un pute, j'écoute en faisant semblant de m'intéresser. Sauf que je suis pas payé et ça, ça fait chier.
Mais pendant que j'écoute, je peux pas m'empêcher de penser à la petite raclure qui nous a vendus et nous a fait enfermer. Oh, j'attends le jour où on sortira et même si les autres veulent pas s'en occuper, je le retrouverai et je lui mettrai la main dessus. Oh, ce petit fumier va regretter de nous avoir laissé tomber et selon l'avocat, notre patron nous autorisera à travailler avec ce rat.
On sera dehors dans quelques mois et chaque jour j'imagine cette crevure finir entre mes mains et celles des autres de la bande, ce qui me colle à chaque fois un joli sourire, comme un gosse trouvant une couronne. Y'a pas à dire, il en faut peu pour se sentir libre. Faut juste un objectif et des bons souvenirs avec de bons amis ou collègues.
Karil Dasmof, Voie du Sorcier des Collèges de Magie
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Johannes La Flèche
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Re: [Concours] L'Evasion

Message par Johannes La Flèche »

L'obscurité, le froid et l'humidité. Telles étaient les caractéristiques des oubliettes dans lesquelles Johannes croupissait, assit par terre, son bras droit menotté et rattaché à une chaîne en métal dont l'autre extrémité se trouvait encastrée dans le mur de pierre. Mais à vrai dire, cela ne différait pas tant des bois et sous-bois de la forêt d'Arden qu'il avait l'habitude d'emprunter, à la tête de la grande bande des "Feux Follets". Ah, c'était la belle période avant, période qui, malheureusement, venait de s'achever il y a quelques jours.

La plupart des malandrins réussissent à devenir chefs de bande soit par l'intimidation, le charisme, ou bien par l'usage de la force brute; dans le cas de Johannes, ce dernier avait fait preuve d'ingéniosité, d'audace, mais aussi et par-dessus tout d'une efficacité particulièrement redoutable lorsqu'il s'agissait d'éliminer ses opposants ou de piller les voyageurs arpentant les routes passant à travers les bois. Ayant réussi à faire ses preuves par ses actes et non par ses paroles au sein de la bande, c'est donc en toute logique que le rôdeur finit par devenir le dirigeant, le cerveau en quelque sorte des "Feux Follet" aprés la mort soudaine de l'ancien chef dans une escamouche contre des hommes-bêtes. Trés vite la bande de malandrins évolua, dans sa nature comme dans sa conduite; à la base un ramassis de parias et de mercenaires du dimanche pouvant se mettre au service du Duc d'Artenois, elle ne tarda pas à devenir un groupe de bandits "professionnels" à temps plein qui pillaient et attaquaient les convois marchands et autres voyageurs quels qu'ils soient et sans disctinction. L'argent et autres butins de toutes sortes ne tardèrent pas à affluer dans le campement, notre renégat sécurisant sa place et sa crédibilité en tant que chef de bande de manière définitive. Bien sûr des envoyés du duc ne tardèrent pas à venir et à faire savoir le mécontentement de ce dernier dut à ce changement de "politique". Ils partirent rencontrer Johannes sur un lieu de rendez-vous définit à l'avance, mais n'en revinrent pas....Une embuscade leur ayant été tendue sur le chemin du retour. Les quatre-cent coups des "Feux Follets continuèrent de plus belle, leur zone d'action s'étendant à toute la forêt.
Mais voilà, la médaille a forcément son revers. Déjà les seigneurs du cru lançaient des battues dans les bois pour tenter de localiser le camp des bandits, voire de capturer directement les hors-la-loi. Des primes et avis de recherche sur le rôdeur commençaient également à apparaître un peu partout, la récompense promise pour sa capture ou sa mort augmentant un peu plus à chaque voyageur attaqué, à chaque caravane pillée. Mais ce ne furent pas les chasseurs de primes qui firent tomber le renégat. Non. C'était lors d'une journée comme les autres, avec une attaque de convoi comme les autres. Une facile en plus, contre des paysans conduisant des charettes remplies de bottes de foin et de caisses de marchandises. Inutile de dire qu'une embuscade tendue en bonne et due forme détermina l'issue du combat avant qu'il ne puisse réellement commencer. Alors que le rôdeur et ses hommes se dirigeaient vers la marchandise, un MONTJOIE SAINT-FOLGAR ! retentit dans une des caisses, dans un grand bruit de cliquetis d'armure, des chevaliers et des hommes d'armes, les armes au clair, surgirent soudainement des gros ballots de foins et des bâches des charettes. Quelques bandits ont réussi à s'enfuir, mais Johannes, s'étant porté plus tôt au devant du groupe pour vérifier personnellement la marchandise, fini par être encerclé avec quelque uns de ses comparses. On ne tarda pas à le reconnaître et le chef des "Feux Follets" termina la journée délesté des ses armes, pieds et poings liés, dans une charette, direction la principale bourgade de la région qui abritait un donjon. Une fois arrivé sur place, il fut exhibé devant le seigneur local par des chevaliers errants, triomphants et tout fiers qu'ils étaient de leur stratagème. Le sort de Johannes fut rapidement jugé: en tant que chef de bande et pour tout ce qu'il avait fait, il aurait droit à une mort un peu plus "recherchée" comparée aux simples bandits de base que l'on avait égorgé et laissé là, sur le bas-côté de la route sans plus de manière.

Et en attendant cette fin plus élaborée que l'on réservait spécialement pour lui, le hors-la-loi restait ici, dans les oubliettes du château, enchaîné au milieu du froid et du noir.

"Eh bah putain qu'est-ce qu'on se fait chier."

-Bon c'est bon on l'a comprit que tu t'emmerdait ici! T'es pas o-bli-gé de le répéter toutes les cinq minutes tu sais.

-Hhhhmmmmppphhh. Hhhhmmmppphh.

-Euh les gars, à mon avis l'autre encagoulé veut nous dire quelque chose.

-Merci espèce de mariole, on le savait depuis le début. Mais....oh là là! Tu n'as pas remarqué que ce glandu porte justement une cagoule qui l'empêche de causer?" dit la personne sur un ton plus qu'ironique.

En entendant ce petit échange qui commençait à s'éterniser, le hors-la-loi ne put s'empêcher de pousser un soupir: il avait momentanément oublié qu'il n'était pas le seul dans ces oubliettes. Attachés comme lui se trouvait une quinzaine d'autres prisonniers, aux histoires et aux raisons aussi diverses que variées qui les ont conduits dans ce cachot aux côtés de Johannes. Si ce dernier ne les connaîssait pas vraiment, au fil des conversations qu'il avait entendu, le bandit avait fini par en apprendre plus sur quelques uns de ses "camarades" de cellule.
Tout d'abord il y avait Gontran: ancien rogneur de monnaie. Sa petite combine ayant marché pendant un long moment....jusqu'à ce qu'une crise économique frappe la ville dans laquelle il se trouvait: les marchands étrangers ne voulant tout simplement plus des pièces produites localement, à cause de leur faible teneur en argent ou en or. A partir de là, il ne fut pas difficile pour les autorités de remonter jusqu'à lui et de le coffrer ici. C'était lui qui n'arrêtait pas de plaindre, son comportement exaspérant quelque peu Maximilien, mais que l'on surnomait plutôt "Max".
Ce tueur à gage originaire de Marienbourg était quelqu'un qui avait été façonné par les combats et la violence. Prompt à la colère, il était facilement susceptible et possédait un fort caractère. Il avait fini par aterrir en Bretonnie -plus spécialement en Lyonesse- car un seigneur peu scrupuleux lui avait offert plusieurs contrats d'assassinat envers ses rivaux; ce qui n'était guère étonnant dans un duché déchiré par les rancunes et autres vendettas entre familles nobles. Malheureusement pour lui, les activités déshonorantes auquelles se livrait son employeur furent dévoilées au grand jour. Obligé de fuir avec son "seigneur" dans l'Artenois pour échapper à la justice locale, il avait fini par être rattrappé, son employeur exécuté on se demandait quel sort réserver à son homme de main car son statut d'étranger posait problème. Finalement on ne trouva rien de mieux à faire que de le mettre aux oubliettes et de le laisser pourrir ici.
Ensuite il y avait Turpain: un paysan dans la trentaine, avec une famille, une masure et des champs à entretenir. La raison pour laquelle ce roturier lambda avait fini au cachot était qu'il avait braconné sur les terrains de chasse de son seigneur. On avait pensé un temps à le pendre pour cet acte, mais finalement, les paysans étant précieux dans l'Artenois pour cultiver les terres et défricher la forêt, on le jeta aux oubliettes pour qu'il puisse méditer sur ses actes, en lui faisant bien comprendre qu'il n'aurait pas une seconde chance. C'était un homme un peu simplet mais avec un bon fond, c'est lui qui s'était questionné sur les gémissements étouffés de la personne encagoulée, s'attirant ainsi les remarques désobligeantes de "Max".
Et enfin, justement, venait cet individu masqué. Contrairement aux autres prisonniers qui n'étaient reliés aux murs que par une chaîne au niveau du poignet, lui, était enchaîné au niveau de ses deux bras et ses deux chevilles, un cagoule en cuir recouvrant toute sa tête, l'empêchant de prononcer quoi que ce soit de compréhensible. On ne sait rien sur lui, ni qui il est, ni pourquoi il s'est retrouvé ici. Toutefois il semble être dans le cachot depuis longtemps. Max disait que ce mystérieux personnage était déjà là quant il fut mis au fers dans cette cellule, cela devait faire un sacré bout de temps qu'il moisissait ici alors. Il avait pour unique vêtement une sorte de soutane rapiécée et usagée, à la teinture noire, boutonnée de haut en bas et tombant jusqu'à ses pieds. Seuls quelques longs cheveux blancs dépaissaient de sa cagoule pour pendre dans le vide, le personnage étant voûté, sa tête se tenant en avant.

"Dites, vous croyez qu'on va mourir ici? Non, quand même pas....Mais putain les gars aidez-moi, je sais pas. C'est Gontran qui recommençait encore à parler, une certaine angoisse pouvant transparaître dans ses mots.

-C'est vrai ce que tu dis. Ah....Pitié faites qu'on puisse sortir, j'ai une femme et des gamins à nourrir moi. Des champs à en....à encem....à cultiver quoi! Dans un geste soudain, Turpain porta sa main au front, comme si il se souvenait de quelque chose d'important. Vindieu! Maintenant que j'y pense y a aussi mes vaches et les chevaux....et les poules!

-MAIS VOS GUEULES BORDEL! Sinon je vais m'assurer que vous quittiez pas cet endroit vivants!" Menaça "Max" tout en se relevant et tirant sur sa chaîne pour pouvoir se diriger vers le faussaire et le paysan. Engendrant les plaintes de l'un, la surprise de l'autre et les réactions de la part du reste des prisonniers.

C'est alors que dans un grand bruit grinçant, la porte en bois et cerclée de métal donnant accés à la cellule s'ouvrit, la tension retomba dans la pièce quand tout le monde vit qu'un duo d'hommes d'armes équipés d'armes d'hast y pénétra. Il jugèrent du regard les prisonniers désormais assis:

"Bon, c'est pas fini tout ce raffût là! Va falloir qu'on bastonne ou bien! Déclara d'un ton sévère l'un d'entre eux. Bon, bon, c'est l'heure pour vous de bouffer, les racailles. Y a un type qui s'appelle Turpain par ici?

-Oui! Oui, c'est moi!
Répondit l'intéressé tout en agitant son bras libre.

-Ben t'as de la chance d'avoir une bonne gonzesse. Elle nous a remis une miche de pain pour toi. Tiens." Prononça t'il sur un ton un peu moqueur.

Il sortit de sa besace ladite miche et la balança négligemment en l'air, la nourriture aterrissant au beau milieu de la pièce tandis que les hommes d'armes en sortaient et refermaient la porte. Les choses se passèrent alors à toute vitesse, Max et Johannes se précipitant sur le pain dés que leurs geôliers tournèrent la tête, devançant ainsi les autres prisonniers -y compris Turpain- qui étaient encore assis et pensaient que la miche allait aterrir à portée de main. Dans une sorte de course, de compétition, le bandit et le spadassin utilisèrent tout le jeu que pouvaient leur offrir leur chaînes, usant de leur bras libre pour essayer d'attraper la nourriture. Johannes se montrant plus rapide que Max, il réussi à approcher sa main libre vers le pain. Cependant le hors-la-loi sentit soudainement ses jambes le lâcher, tombant ainsi à terre, Max lui ayant adroitement administré un croche-pied. Ce fut donc sous le regard dépité du rôdeur que le spadassin réussi à s'approprier la miche pour retourner à sa place, sous les prostestations de Turpain, à qui cette nourriture était destinée à la base.

"Dommage pour vous les gars, mais moi j'en connais un qui va se ré-ga-ler!" Lança Max d'un air satisfait.

"Ouais, ouais c'est ça connard. Etouffe-toi avec." Murmura le malandrin.

Ainsi, le spadassin commença à manger la miche de pain; mais à la place d'afficher une expression de bonheur, le visage de Max se tordit de douleur, les larmes lui montant aux yeux. Il cracha une glaire ensanglanté au sol.

"Bordel de merde....qu'est-ce que c'est dur....Mais elle l'a fait avec quoi son pain cette...." Il ne voulut même pas terminer sa phrase et commença à palper la mie à l'intérieur de la miche. Alors sous les regards médusés de tout le monde sauf celui plutôt interrogatif du Turpain, il finit par sortir une lime de la miche.

"Tiens, mais je peux pas dégrossir mes outils ici. Pourquoi elle m'a envoyé ça? se demanda le paysan à voix haute.

-Mais réfléchis Turpain! Ta nana t'a envoyé cette lime pour que t....on puisse couper nos chaînes et s'évader! lui répondit Gontran, le visage soudainement illuminé par cette découverte et les conséquences qu'elle engendrait.

-AAaaahhhh....j'y avais pas pensé, c'est vrai. admit le paysan.

-Ouais, ben en attendant c'est MOI qui vais me détacher et MOI qui vais me sauver en premier!

-Dis Max, ça t'arrive d'réfléchir avant d'parler? Dit alors le rôdeur sur un ton mesuré et avec une pointe de sarcasme. Le spadassin le foudroya du regard.

-Attends un peu que je me détache, tu vas passer un sale.... commença à répliquer Max.

-J'veux dire l'interrompit Johannes t'sais qu'tout seul t'vas pas faire grand chose. On est dans un putain d'donjon j'te signale. T'vas faire quoi face aux pions armés hein? Non. Vaudrait mieux qu'tu nous libère tous. J'pense qu'à plusieurs on pourra mieux s'démerder.

Les deux hommes se fixèrent du regard pendant plusieurs secondes, le silence régnant alors dans la pièce.

-J'avoue....il a peut-être pas tort. Se risqua Gontran dans une voix hésitante.

-Mmhhh....Bon....On va voir ce que ça donne ton idée." Conclua Max alors qu'il commençait à limer sa chaîne pour libérer son bras.

Au bout de quelques instants ce fut chose faite, bien que la spadassin conservait toujours sa menotte en métal à son poignet et quelques anneaux de sa chaîne. Il alla alors vers ses "camarades" de cellule, s'agenouillant auprés d'eux pour limer et briser leurs propres liens. Petit à petit tous les autres prisonniers furent libérés, sauf l'encagoulé, on ne savait pas trop comment on devait s'y prendre avec lui. Ainsi, voilà que le bandit se retrouve sans entrave, avec les autres....mais enfermé dans un cachot dont la porte s'ouvrait de l'extérieur. Max, de par son caractère prononcé et sa possession de la lime, se prend désormais pour le chef du groupe, il commence donc à essayer de limer la serrure, puis le mécanisme. Mais rien à faire, il échoue coup sur coup. L'obscurité, la surface irrégulière n'offrant pas de prise solide et son tempérament peu patient le firent abandonner, non sans pousser un grognement de frustration qui monta crescendo.

"Rraaaaaaahhh! Non. Non putain! Non! C'est pas possible! Comment j'arrive pas à ouvrir cette foutue serrure?! Je comprends pas, je....

-MMmm-Hhhhmmmmppphhh. Hhhhmmmppphh!
De nouveaux gémissements étouffés interrompirent Max. Le prisonnier encagoulé s'agitant de nouveau dans le fond du cachot.

-Mon p'tit doigt m'dit qu'on d'vrait l'libérer c'type. Dit alors Johannes, cherchant une solution à leur situation actuelle. Le tueur à gages tourna son regard vers le bandit.

-Mouais....Mouais. Ch'uis pas sûr que ce soit une bonne idée. Répliqua-t'il tout en fronçant ses sourcils. Tu sais....eh ben personne ne sait en fait pourquoi ce type est là. S'il est attaché comme ça, c'est sûrement pour une bonne raison. Je sais vraiment pas si on peut lui faire confiance. Si faut qu'il est super dangereux en fait. Acheva-t'il de prononcer, la méfiance pouvant désormais se lire sur son visage. Le reste du groupe étant en proie à l'appréhension quant à la conduite à tenir.

-J'envie d'te dire qu'c'est l'même cas pour nous. Fit alors remarquer le renégat sur un ton calme. Perso' j'pense qu'i' pourra être utile. Aprés tout qu'è'squ'on a à perdre? Si on fout rien on rest'ra bloqués ici t'sais. A ces mots, Max pinça ses lèvres, ses yeux commençant à se plisser, trahissant ainsi le fait que le choix auquel il était confronté provoquait en lui une intense réflexion. Le principal intéressé dans tout cela étant désormais silencieux, comme à l'écoute des délibérations sur son sort.

-Bon....Y a intérêt que t'aie raison. Sinon...." Le spadassin ne termina pas sa phrase, se dirigeant dorénavant vers le mystérieux prisonnier. S'agenouillant de nouveau à son niveau pour limer les chaînes qui réduisaient ce personnage à l'impuissance. Une fois de plus on entendit des bruits grinçants raisonner dans le cachot pendant quelques instants.

"C'est bizarre quand vous trouvez pas? S'interrogea Turpain. Je veux dire. Pourquoi les gardes i' viennent pas? C'est qu'on fait du bruit quand même. Non?

-Sûrement qu'ils sont en train de faire autre chose. Ils doivent croire qu'on peut tout simplement se libérer avec une bête miche de pain.
Lui répondit Gontran. Et puis t'aurais envie, toi, de passer passer tes journées assis sur un tabouret derrière cette porte? A rien faire? Ce serait chiant à la longue, sur ce coup là je les comprends.

-Ouais....C'est vrai, j'y avais pas pensé.
Répliqua le paysan tout en se gratant la tête.

Dis-moi Turpain. J'ai comme l'impression que tu penses pas à grand chose. Je me trompe?" Prononça alors Max, tout en finissant de limer la dernière chaîne qui retenait l'encagoulé emprisonné. Le roturier se contenta de lui envoyer un regard contrarié.

Puis arriva enfin le moment où le personnage à la soutane noire put retrouver sa liberté de mouvement. Son premier geste fut de se retirer la cagoule avec ses mains, inspirant puis expirant un grand coup aprés que cela eut été fait. Tous les prisonniers purent voir ses longs cheveux blancs et ondulés se déployer dans l'air, ces mêmes cheveux qui encadraient un visage émacié, au teint blafard, où l'on remarquait surtout des cernes proéminentes d'une couleur rouge sang, surmontées par une paire d'yeux dont la pupille était d'un bleu polaire; un mince sourire se dessinant sur son visage alors qu'il s'apprêtait à parler:

"Ah....Messires, messires. Je vois que vous avez finalement fait le bon choix. Son sourire commence alors à s'élargir. Ne vous faites pas de soucis, vous ne regretterez pas de m'avoir libéré. Je vais nous sortir d'ici." Acheva-t'il de prononcer sur un ton transpirant une certaine suffisance.

Sous les regards curieux et attentifs des autres prisonniers qui s'écartaient à son passage, le personnage se dirigea vers la porte du cachot. Sans lime, sans autres outils, il plaça l'une de ses mains au niveau de la serrure, la plaquant contre cette dernière. Son visage prenant désormais un air concentré, il marmona quelque chose d'incompréhensible alors que de petits arc de cercles noirs faisaient leur apparition autour de la serrure.
Soudainement, celle-ci finit par se briser dans un grand bruit, poussant brusquement la porte qui heurta et claqua le mur de plein fouet, désormais à moitié sortie de ses gonds par la violence de l'impact. Le sorcier arbora alors un sourire satisfait.

"Bien, aprés vous messires. Je vous suis."

Toutefois, il ne ne put que constater la réaction mi-surprise, mi-choquée des prisonniers qui lui faisaient face. Certains, dont Turpain le premier, se signant même à la vue de cette démonstration surnaturelle. Toute la bande finit quand même par reprendre ses esprits, Johannes le premier, le malandrin s'avançant alors dans le couloir pour reconnaître les lieux et prévenir l'inévitable arrivée des gardes.


"Eh bien, qu'attendez-vous? Ce petit tour vous impressionne tant que cela?" Demanda le sorcier. "Regardez celui-là, au moins il prend des initiatives lui." Dit-il tout en désignant de sa main le bandit.

Pendant ce temps là, le renégat observait les lieux. Au bout de quelques mètres le couloir prennait fin, laissant place à une intersection en forme de T, laissant voir deux autres corridors à droite et à gauche. L'endroit, contrairement au cachot, était éclairé par quelques torches disposées tout les dix mètres; les murs étant entièrement faits en blocs de pierre taillée, on pouvait deviner que l'on se trouvait au rez-de-chaussée du donjon, si ce n'est pas dans son sous-sol, dans les fondations. Toutefois quelque chose attira particulièrement l'attention du rôdeur: à quelques pas de lui se trouvait un ratelier doté en armes. Il n'y avait qu'une vouge usagée et une épée courte émoussée, mais cela était un bon début au vu de la situation actuelle.
Le hors-la-loi allait se diriger vers ce ratelier quant il entendit des bruits de pas raisonner dans les corridors. Tout de suite aprés, deux silhouettes firent leur apparition dans les couloirs. Le renégat se tourna vers le groupe de prisonniers, ce dernier ayant désormais Max à sa tête, à la place du sorcier.

"Les pions s'ramènent. Mais j'pisté des armes qui sont tout prés, on peut s'en saisir pour s'battre s'vous v'lez.

-Super. Allez les gars on fonce on fon.... Commença à exhorter le spadassin avant qu'il ne soit interrompu par le magicien.

-Oui. Oui c'est ça prenez les armes. Moi je m'en vais les distraire. Bon plan." Prononça-t'il alors que le tueur à gages et le bandit le fixaient tout en fronçant leurs sourcils.

Alors que les bruits de pas se faisaient de plus en plus audibles et que les hommes d'armes n'étaient plus qu'à quelques mètres de l'intersection, il purent voir débouler toute la bande des prisonniers qui -à l'exception de Johannes, Gontran et Turpain- se ruait sur le ratelier pour y saisir les armes entreposées. Stopper ce début d'émeute allait demander beaucoup d'efforts. Mais quelle ne fut pas leur surprise quant ils virent soudainement devant eux un sorcier à l'apparence terrifante, voire démoniaque, incanter quelque chose dans un langage incompréhensible.

"Oh putain! OH CON! OH PAULO! Ils ont libéré ce taré!?" s'exclama l'un des deux gardes, frappé qu'il était par la panique et l'horreur qu'il voyait.

Face à eux se tenait le mage, avec des yeux étant devenus entièrement noirs, avec une pupille rouge sang et une sombre lueur qui semblait en émaner, de grosses veines noires apparaîssant sur son visage tandis que des cornes avaient poussées sur son front; sa bouche largement étirée en un sourire carnassier laissait voir des dent acérées comme celles d'un requin et une langue fourchue qui remuait à l'intérieur. Cette vision horrifiante fit paniquer les hommes d'armes qui ne tardèrent pas à tourner les talons pour s'enfuir. Le groupe de prisonniers ne tarda pas à les pourchasser pour les rattraper, et ce fut chose faite. Cependant un des deux hommes d'armes parvint à se tirer d'affaire, les tout nouveaux émeutiers s'acharnant sur celui qu'ils avaient pû attraper. Quelques uns des prisonniers -comme Turpain- s'arrêtant tout de même à la vue de l'aspect terrifiant projeté par le magicien, mais il ne tarda pas à dissiper son sortilège, poussant un petit ricannement par la même occasion.
Ce fut une fin bien violente que les anciens détenus administrèrent au garde, qui fut dépouillé sans ménagements, roué de coups, tabassé, puis transpercé par les armes du ratelier qui lui appartenait il y a peu; pour finir brûlé par des torches prises des murs en passant. Johannes étant aux premières loges de cet "évènement", il réussi à chaparder un coutelas que le garde avait sur lui, le casque et la hallebarde qu'il possédait ayant aterri dans d'autres mains, dont celles de Max qui cherchait toujours à se promulguer comme chef de la bande.

"Les gars! Ecoutez-moi! Aujourd'hui on va pouvoir enfin s'évader! Terminé la vie de merde en prison. Ras-le-cul des gardes qui nous traitent comme des clébards! Maintenant qu'on est chauds et armés, ils vont vraiment le regretter ces fils de putes! Alors ouais on va pas faire dans la dentelle, on va faire du putain de grabuge, mais au moins ils se souviendront de ce jour là! NIQUE LA DISCRETION! VIVE LA LIBERTE!!"

Le tueur à gages ne put s'empêcher de conclure sa diatribe en poussant une sorte de cri de guerre pour motiver les hommes, cri qui fut repris en coeur par quasiment toute la bande, à l'exception du sorcier et de Johannes. Le premier se contentant d'arborer un petit sourire tout en hochant légèrement sa tête, tandis que le dernier essayait, tant bien que mal, de prendre du recul sur la situation. Le malandrin ayant l'impression que cette évasion n'allait pas tarder à partir en vrille.

"Vous les entendez? Ils sont pas loin! Allez! Faut rétablir tout ce merdier avant que le seigneur soit au courant!"

De nouveau, les paroles et les bruits de pas des gardes furent entendus dans le lointain, dans le couloir sur la droite. La bande aurait pû emprunter le corridor de gauche pour leur échapper, mais à la place, elle alla délibérément dans celui de droite afin de confronter leurs geôliers, ces derniers ne faisant étrangement plus aucun bruit.
Et pour cause, car les émeutiers, dans leur progession, finirent par arriver devant un escalier d'une vingtaine de marches menant aux étages supérieurs du donjon. A son sommet se tenaient deux hommes d'armes suivits de deux archers, les deux miliciens ayant bloqués toute la largeur du couloir en formant un "mur" composé de leurs pavois, leurs lances pointées vers le groupe tandis que les tireurs bandaient déjà leurs arcs en direction des anciens détenus.
Ces derniers n'eurent alors d'autre choix que de charger, sous peine de se faire tirer dessus sans pouvoir riposter. Les plus téméraires ou les plus énervés, comme Max, se mettant même en première position pour pouvoir atteindre le plus rapidement les gardes, quitte à s'exposer encore plus aux flèches décochées contre eux. Puis il y avait ceux comme Turpain qui les suivaient de bon coeur, juste derrière, en deuxième position. Et enfin il y avait les plus couards ou les plus raisonnables, comme Johannes et Gontran qui se mettaient encore plus derrière pour avoir vraiment une chance de ne pas être atteints par les traits, et aussi en espérant que ceux devant eux feraient tout le travail. Mais voilà, charger tout en montant les marches d'un escalier n'est pas chose facile, encore moins quant on vous tire dessus. Inévitablement, le sang commença à couler chez les émeutiers, alors qu'ils avaient gravis la moitié des marches, une flèche alla se loger dans la jambe d'un des prisonniers qui hurla tout en s'affaissant à même l'escalier, ceux qui le suivaient tentant tant bien que mal de l'emjamber alors que de nouveaux traits sifflaient vers leur direction. Un de ces projectiles frôlant même Johannes alors qu'il avait tout fait se mettre derrière le dos de quelqu'un, cela déclencha soudainement en lui une montée d'adrénaline, désormais nerveux, son corps sous tension et son esprit embrumé par le danger et l'urgence de la situation. Dans un élan, il quitta sa position pour aller plus avant, entendant à peine le cri de douleur du faussaire derrière lui qui s'était pris la flèche dans l'épaule, Gontran étant désormais obligé de s'appuyer contre le mur avec son bras pour ensuite essayer de retirer le trait.
Alors qu'il n'y avait plus que quelques mètres qui séparaient les prisonniers des hommes d'armes, un archer parvint à loger une flèche dans la tête de l'un des anciens détenus, ce dernier tombant à la renverse dans l'escalier, bousculant ses "camarades", le sang sortant de son visage prenant la forme d'un arc-de-cercle. Ceci ralentit l'assault durant quelques secondes, mais une clameur poussée par Max redonna du coeur aux prisonniers qui finirent dans un dernier élan par combler l'espace vide entre eux et les gardes; les cris et les tintements des armes s'entrechoquant résonnaient désormais dans le corridor. Toutefois, les hommes d'armes avait l'avantage d'une position en hauteur, étant au sommet des escaliers, derrière leurs pavois; les dagues, vouges et autres armes improvisées par les émeutiers eurent donc bien du mal à toucher les gardes, rebondissant ou ne faisant qu'entailler la surface des boucliers. Les archers quant à eux, avaient reculé de quelques pas pour essayer de continuer à tirer sur les détenus, mais leur camarades au corps-à-corps rendirent cette action trés risquée, alors ils finirent par dégainer des épées courtes et commencèrent à se diriger vers la mêlée. La situation semblait s'enliser, les émeutiers ne parvenant pas à briser "mur" de boucliers des miliciens. Certains comme Max redoublant de coups pour faire céder les pavois, arrivant même à toucher un des gardes, lui distribuant une belle estafilade au visage; d'autres, comme Johannes qui était parvenu en première ligne, essayaient d'agripper le manche des lances des miliciens afin de le tirer vers eux pour les déséquilibrer et les faire tomber.
Cependant les hommes d'armes ne cédèrent pas, ayant reçu le renfort des archers, les pavois restèrent dressés contre les prisonniers. Les gardes temporisaient, prennant petit à petit le dessus sur les émeutiers, leurs perçant une cuisse ici, un bras par là. Johannes était en proie au doute, le bandit était toujours sous tension, mais voulait avant tout sauver sa peau, il envisagea de rebrousser chemin et de fuir.

C'est alors que d'un coup, une sorte de vent souffla subitement dans le couloir. Le rôdeur n'eut même pas le temps de comprendre ce qui se passait que les torches éclairant le couloir s'éteingnirent brusquement, plongeant l'endroit dans les ténèbres. Aussitôt aprés on put entendre un des gardes pousser une sorte de gargouillis, puis on l'entendit carémment vomir, lâchant ses armes au sol pour essayer de contenir la bile que se déversait de sa bouche. Ce fut le moment idéal pour son opposant, qui se rua aussitôt sur lui pour le mettre à terre et le rouer de coups. Les maléfices lancés par le sorcier, alors qu'il était pourtant resté au pied des escaliers, firent leur effet: dans la confusion et la pénombre, le mur de boucliers avait cédé. Les deux hommes d'armes furent massacrés par les prisonniers tandis que les deux archers reculèrent de quelques pas, puis de plus en plus; agitant leur armes dans les ténèbre face à un adversaire éventuel.

"Bordel mais c'est pas vrai! Faut qu'on se barre d'ici!" jura l'un d'entre eux.

Ils finirent par tourner les talons afin de partir définitivement du combat, cherchant désespérément la lumière dans un autre endroit, hors du couloir. Le sorcier finit enfin par dissiper son sort, la magie noire qui étouffait les flammes des torches disparut et ces dernières se remirent à éclairer les lieux. On fit rapidement le tour de la situation, il y avait un mort et plusieurs blessés, dont Gontran. Johannes ne s'en tirant qu'avec quelques égratinures et éraflures. Ceux qui le purent suivirent la progression du groupe à travers le corridor, là aussi ce fut le cas du faussaire, les autres étant laissés à eux-mêmes. Aprés quelques instants supplémentaires à marcher dans le couloir, les anciens détenus finirent par trouver une porte unique servant de sortie. Max attendit quelques secondes, le temps que tout le monde se regroupe, armes dégainées, puis donna un grand coup de pied dans la porte, cette dernière s'ouvrant bruyamment. Les émeutiers déboulèrent alors dans la pièce suivante, qui se trouvait être l'entrée du donjon. A leur droite se tenait l'entrée en elle-même, avec une herse relevée mais qui était en train de s'abaisser; une demi-douzaines d'hommes d'armes s'y trouvant également avec le châtelin à leur tête, avançant pour faire face aux émeutiers. A leur gauche, on pouvait voir de larges escaliers en bois qui menaient probablement vers les étages supérieurs du château, là aussi trois miliciens barraient le chemin, les deux archers ayant échappé au précédent affrontement. On le comprenait, les prisonniers étaient pris en tenaille

"Vos conneries sont terminées, les racailles! Vous allez regretter de ne pas être gentiment restés dans les oubliettes! Vous finirez avec les chiens truffiers pour ce que vous êtes en train de faire! Dit alors le châtelin en guise de menace. GARDES! MAINTENANT!!" A son signal, les hommes d'armes chargèrent vers les émeutiers, qui se précipitèrent à leurs tour contre leurs geôliers.

De nouveau, un combat éclata, les armes s'entrechoquèrent quant elles ne s'abreuvaient pas de sang, les insultes, les clameurs et les cris raisonnèrent dans toute la pièce, pouvant aussi bien signifier la victoire de quelqu'un que son agonie. Les anciens détenus se trouvèrent rapidement en difficulté et en sous-nombre face aux gardes. Tout aurait pû se terminer trés rapidement si, encore une fois, le magicien n'avait pas commencé à lancer un sort plongeant l'endroit dans le noir. Dans la confusion naissante, il leva ses bras et incanta dans une langue étrange des malédictions contre les hommes d'armes, des vrilles de magie noire commençant à circuler autour de ses mains.
Et le rôdeur dans tout ce bazar?
Eh bien il était resté dos au mur, comme collé à celui-ci. Se trouvant juste à côté de la porte par laquelle les émeutiers venaient d'entrer. La tension n'ayant aucunement relâchée son emprise sur le corps et l'esprit du malandrin, ce dernier voyait des ombres, bouger, combattre et se tuer entre elles; il ne pouvait pas distinguer ses "alliés" de ses ennemis et c'est précisément pour cette raison qu'il ne s'était pas engagé dans la mêlée. De nouveau, voulant avant tout survivre à cette évasion, le renégat essayait de trouver une issue à ce combat. Et il finit par en discerner une, apercevant un petit espace entre deux silhouettes au niveau de l'escalier, le bandit s'y engagea tout en rasant les murs, esquivant un coup qui ne lui était pas destiné par ici, enjambant un homme à terre par là. Il parvint à se faufiler hors de l'affrontement et monta les escaliers à toute vitesse, pour débouler dans un couloir au plancher en bois et aux murs en pierre, ces derniers étant régulièrement percés par des alcôves donnant sur des portes; des chandeliers rudimentaires, accrochés aux murs par des supports, éclairant les lieux. De manière assez étrange l'endroit était vide, et Johannes allait y progresser plus avant lorsqu'une voix retentit derière lui.

"Eh Johannes! Attends-nous!"

Le rôdeur se retourna et put constater que Turpain et Gontran l'avaient talonné. Le paysan soutenant le faussaire blessé à l'épaule, du sang s'écoulant de sa plaie, quelques gouttes tombant au sol à chaque fois.

"Mais....comment z'avez fait? Demanda le bandit, quelque peu surprit par cette situation.

-Bah c'est simple....En fait on t'a suivi. répondit le roturier tout en haussant des épaules. C'était tout à fait logique à ses yeux. Puis il fronça ses sourcils, plongeant ses yeux dans ceux du hors-la-loi, laissant parler le paysan supertitieux qui était en lui.Et puis....moi aussi je fais pas confiance à ce mago, là. Il allait nous attirer des emmerdes de toute façon. Si il faut qu'on aurait pas dû....

-Juste....On pourrait juste....avancer et se barrer d'ici? Interrompit alors Gontran d'une voix fluette et souffrante. J'ai besoin de soin....le plus vite qu'on sort de cet....e" Il n'eut pas le temps de terminer sa phrase que la douleur causée par sa blessure le relançait déjà.

Il poussa alors un gémissement plaintif et se serait écroulé au sol si Turpain ne l'aurait pas soutenu. Aprés de brefs regards entendus, le trio continua d'avancer dans ce nouveau couloir. Johannes se déplaçant à pas de loup tandis que le paysan était obligé d'épauler Gontran qui claudiquait péniblement. Les bruits des combats pouvaient toujours être entendus, mais s'estompèrent petit à petit dans le lointain, au fur et à mesure que le les anciens détenus progressaient dans le couloir. Ce fut un autre son qui alerta le rôdeur: des bruits de pas se faisaient entendre depuis l'autre bout de l'endroit. Trés vite, le malandrin chercha une des alcôves du regard et y partit se cacher, non sans adresser juste avant un "Planquez-vous!" à ses deux comparses. Quelques secondes plus tard, au bruit de pas vinrent se rajouter ceux typiques d'une cote de mailles qui s'agite, suivi d'un raclement métalique, comme si les personnes sortaient leurs lames du fourreau.

"Pressons! Par la Dame, pressons camarades! Ou nous arriverons trop tard et tout sera perdu!"

Depuis sa cachette dans l'alcôve, le rôdeur put voir passer trois chevaliers au pas de course. Soudain, sous ses yeux, l'un d'entre eux s'arrête et ouvre la visière de son heaume, remarquant les traces de sang au sol laissées par Gontran.

Un instant! Regardez il y a du sang ici! Qui peut bien être arrivé comme....

Alors que le chevaliers prononçait sa phrase, ses compagnon s'arrêtèrent et se retournèrent pour remarquer à leur tour le liquide vermeil sur le plancher. Tout se passa en une seconde, Johannes se terrant désormais encore plus, retenant son souffle, son corps étant crispé, tandis que dans ses pensées qui se déroulaient à toute vitesse, il regrettait amèrement le fait que Turpain et Gontran avaient pû le suivre. Le noble qui s'exprimait commença à tourner son regard vers les alcôves, quant il fut interrompu par un crépitement surnaturel qui se fit tout d'un coup entendre, suivi d'un rire dément qui raisonnait dans tout le donjon.

"Par tous les saints.... lâcha un des chevaliers, stupéfait. Tant pis Aguilar, laissons tomber pour ces traces de sang. Il y a beaucoup plus urgent à gérer. EN AVANT! VITE!"

Et les nobles finirent par s'éloigner au pas de course, se dirigeant vers les escaliers menant au combat qui, "grâce" au sorcier et sa magie noire, avait dégénéré en un carnage sans nom. Mais ce qui ce passait à l'entrée du donjon était le cadet des soucis du malandrin. Enfin soulagé par le départ des aristocrates lourdement armés et armurés, il expira enfin et, petit à petit, sortit sa tête du recoin de l'alcôve pour observer le corridor. Rien à signaler, si ce n'était Gontran et Turpain qui montraient aussi leurs têtes. Ils recommencèrent leur marche dans le couloir, seules les plaintes du faussaire se faisaient entendre, tellement en fait que le rôdeur, qui ouvrait la marche, avait du mal à discerner tout autre bruit. Au bout de quelques instants, ils arrivèrent à un tournant en forme d'angle droit, le trio allait l'emprunter quant surgit devant eux un homme imposant, engoncé dans une armure complète, un bouclier au bras droit et sa main gauche qui se posa sur la garde de son épée dés qu'il croisa les anciens détenus; son visage étant masqué par son heaume sur lequel trônait un cimier prenant la forme d'une tête de sanglier.

"Arrêtez-vous! Un pas de plus et je dégaine!"

Tous les protagonistes de cette scène se raidirent, à l'affût du moindre mouvement brusque. Mais le chevalier reprit la parole, confiant en lui-même.

"Vous êtes face au seigneur de ce donjon et de ce bourg, et je suis prêt à mettre ma main au feu que j'ai affaire à ces fameux détenus récalcitrants. N'est-ce pas? Prononça-t'il tout en restant sur le qui-vive. En guise de réponse Turpain hocha de la tête pour confirmer les intuitions du noble. Ecoutez, nous n'avons que peu de temps et je ne sais pas qui est celui parmis vous qui a eu la mauvaise idée de libérer ce sombre envoûteur qui était parmis vous. Mais il faut le stopper au plus vite, ce sorcier corrompu est fou à lier et possède des pouvoirs à ne surtout pas négliger....
Et le noble savait de quoi il parlait, le mage noir errant alors dans la forêt d'Arden était une source d'ennuis et de destruction pour son fief depuis plusieurs années. Excédé par cet envoûteur, le seigneur avait fini par le traquer en lançant une grande chasse à l'homme, pour enfin le capturer, au prix de plus d'une dizaine d'hommes tombés face à sa sorcellerie et surtout grâce à l'aide apportée par une Demoiselle du Graal spécialement dépêchée depuis la cour ducale. Cependant, les raisons pour lesquelles il avait gardé en vie ce sorcier, au lieu de tout simplement l'abattre, restaient un mystère.
....Si on ne l'arrête pas, il va semer la mort et la destruction et va amener la ruine sur les environs.

-Vindieu mais c'est horrible!
Ne s'empêcher de répondre Turpain, prennant conscience de l'énormité des conséquences que la libération du mage noir avait engendrée. Johannes restant quant à lui interdit et concentré sur la situation qui se passait sous ses yeux, la tension faisant toujours son effet.

Bon.... Poursuivit le seigneur sur un ton moins tendu, lâchant progressivement sa prise sur la garde de sa lame. Je vois qu'il n'y a pas que des criminels méprisables dans mon cachot. Oyez bien roturiers, si vous m'aidez, moi et mes hommes dans cette lutte contre ce maléficieur, je me pencherai sur vos cas. Peut-être même que je vous accorderai la grâce seigneurinale si vous nous donnez toutes les informations pouvant m'aider à le recapturer ou à l'occire.

-Y a pas de soucis monseigneur. On est prêt vous aider."
Réagit alors le paysan, ce dernier s'agenouilla en guise de respect, aidant Gontran à faire de même.

Le hors-la-loi se retourna pour dévisager ses "camarades", sentant que la situation lui échappait et qu'il subissait désormais les évènements. Le regard du seigneur se posant dorénavant sur lui, ce fut à moitié crispé qu'il s'agenouilla à son tour. Alors que le maître du fief s'avançait vers lui, ouvrant la visière de son heaume et commençant à tendre sa main dans un geste symbolique de confiance, Johannes tendit à son tour sa main droite vers lui.

"Ah, heureusement que je n'ai pas perdu espoir en...." Le seigneur n'eut pas le temps de terminer sa phrase.

Une sorte de rancoeur était apparue dans l'esprit déjà embrumé du hors-la-loi, cette amertume prenant de plus en plus d'ampleur au fil des secondes qui s'écoulaient. Avait-il fait tout ce chemin, tous ces efforts pour s'arrêter ici? Pour finalement se soumettre et perdre sa liberté alors qu'il est peut-être sur le point de la retrouver? Vraiment?

....Non....

....Il ne subira pas....Il sera libre....d'une manière ou d'une autre....

Dans son âme en proie à la colère, une idée germa.
Alors que la main droite du bandit allait serrer celle du noble, le renégat la détourna soudainement et commença à bondir sur l'aristocrate, le saisissant à la gorge alors que sa main gauche dégainait "son" coutelas. Ce mouvement brusque, l'élan prit par Johannes et le poid de l'armure firent tomber le chevalier à la renverse; dans un grand bruit de cliquetis d'armure, il finit par se retrouver au sol avec le hors-la-loi à califourchon sur lui, ce dernier commençant à lui donner des coups de poignard au niveau du menton et de la gorge puis au reste du visage. La rage avait définitivement prit le contrôle de ses pensées, les dents serrées, la pression et la tension qu'il avait accumulé se déchaînèrent tout d'un coup, le rôdeur ne le savait que trop bien: il devait tuer ou être tué. Aucune autre option n'était possible à ses yeux. Alors il redoubla de violence dans ses coups, ouvrant les arcades soucilières de son opposant, lui crevant un oeil, lui déchirant ses joues, son coutelas ouvrant les lèvres, faisant saigner les gencives quant il n'arrachait pas des dents dans la foulée, perçant sa langue. Le sang giclant désormais à chaque coup sur le visage ou les avant-bras du bandit.
Bien sûr, le seigneur ne resta pas les bras croisés et réagit à son tour. Tout en poussant des cris de douleur, ses mains cherchèrent d'abord son épée à tâtons; mais chaque coup de coutelas sur son visage le mettant un peu plus à l'article de la mort, le noble porta alors ses mains gantées de fer au niveau de la gorge du malandrin, étirant ses bras au maximum dans une tentative d'éloigner le renégat et son arme tout en commençant à l'étrangler. Ce dernier ressentit le manque d'air et fut en proie à l'étouffement, son visage se tordant dans une grimace à cause de l'étranglement; désormais c'était réellement une lutte à mort, chacun mettant de côté son instinct de préservation pour vaincre son opposant. Tout ceci ne fit qu'inciter Johannes à poursuivre sur sa lancée, son bras droit se tendit à son tour pour continuer d'agripper la gorge du seigneur alors que sa main gauche tenant le coutelas continuait de lacécer le visage d'une manière dorénavant frénétique.
Aprés plusieurs secondes où les cris de souffrance et de rage s'entremêlèrent, le rôdeur put sentir la pression exercée par les mains de son ennemi s'affaiblir, puis se relâcher totalement. Dans un ultime geste, les mains du noble désormais tremblantes, tentèrent de s'accrocher aux bras du bandit pour essayer de l'éloigner le plus possible. Un effort méritoire, mais vain. Dans un ultime râle d'agonie, les mains du seigneur, aux doigts repliés, tombèrent lourdement au sol. Johannes, serrant toujours son coutelas dans sa main, avait le visage et les bras maculés de sang. Respirant par ses dents serrées, de manière sacadée, il ne put que constater le visage dévasté du noble, il l'avait littéralement charcuté, le rendant méconnaissable.

"MAIS BORDEL JOHANNES!!"

Il sentit tout d'un coup des mains calleuses le prendre par les aisselles pour l'ôter du cadavre et le placer de côté. Se retournant, dos au sol, il voyait désormais le visage de Turpain frappé par l'effarement, ses mains collées contre ses oreilles.

"Putain mais qu'est-ce que t'as foutu?! Pourquoi tu l'a massacré comme ça?! On était sur le point de s'en tirer!

-....J'crois pas non.... répliqua avec une voix enrouée le bandit qui se relevait péniblement. Il se racla la gorge avant de continuer Qui t'dis qu'i nous mentait pas hein? Qui t'dis qu'i s'servait pas d'nous? Une fois l'ôt' mago en taule i' p'vait trés bien nous y r'mettre aussi.

-Et qui te dis pas le contraire? T'étais pas obligé de le trucider! réagit alors le paysan.

-Oh et puis merde. Laisse tomber Turpain. T'veux t'barrer d'ici ou pas? lui répondit le renégat avec un calme retrouvé mais laissant tout de même transparaître une pointe d'agacement. S'tu veux qu'on s'casse d'là alors laisse-moi faire. Aller. On continue."

Et c'est ainsi que le trio reprit son chemin. Johannes, le visage et les vêtements toujours ensanglantés, était désormais concentré à déceler une éventuelle issue à ce couloir. Quant à Gontran, témoin silencieux de toute la scène, la douleur prélevait un lourd tribut sur son corps et son esprit, le réduisant à l'impotence, incapable qu'il était de s'exprimer sur ce qu'il avait vu. Seul le soutient de Turpain rendait possible le fait qu'il puisse avancer avec lui et le renégat. Le paysan, lui, continuait malgré tout à suivre le bandit, comme s'il n'avait pas d'autre choix, comme si un point de non-retour avait été atteint.
Peu de temps aprés avoir franchi l'angle du couloir, le petit groupe tomba de nouveau sur une croisée en forme de T. A leur gauche se trouvait encore un escalier menant aux étages supérieurs du donjon, mais à leur droite se tenait une issue donnant sur l'extérieur. C'est alors qu'une déflagration se fit entendre dans le lointain, au niveau de l'entrée. De nouveaux bruits de pas venant du haut raisonnèrent dans les escaliers, ce qui força quelque peu les anciens détenus à emprunter la sortie, qui se révéla être un accés sur les remparts du donjon.
Ce dernier soit dit en passant, avait ses murailles entourées par des douves remplies d'eau. Mais cela ne fut pas remarqué de suite. S'engageant sur les courtines, le trio, Johannes toujours à sa tête, put apercevoir la cour du château en contrebas. Quelques bâtiments et ateliers étaient présents mais l'essentiel de la bourgade se trouvait à l'extérieur de l'enceinte, toutefois ce n'est pas cela qui les intéressait. Leurs regards étaient plutôt attirés par les cohortes de miliciens et d'archers qui s'oganisaient sous leurs yeux tout en évoluant au pas de course, quelques chevaliers à pied comme à cheval tentant d'encadrer le tout. Tous les hommes d'armes et tireurs disponibles avaient été mobilisés pour tenter de faire face au sorcier qui se tenait toujours à l'entrée, au beau milieu d'une mare de sang. On pouvait le voir à travers la herse que sa magie noire avait littéralement défoncée, ses sortilèges faisant s'effondrer une partie du corps de garde. Des cadavres aux formes émaciées et desséchées l'entouraient, comme si le sombre mage avait aspiré leur essence vitale pour se régénérer lui même. Parmis ces premières victimes de la folie meurtrière de l'envoûteur se trouvaient des gardes commes des prisonniers qui avaient eu le malheur de croiser son regard, Max était bien évidemment parmis eux.
Cependant, peut-être que le faussaire, le paysan et le bandit n'auraient pas trop dû s'attarder sur cette scène, car on avait fini par les remarquer.

"Eh! Regardez ça! Y a des gens sur les murailles!"

"Et merde." murmura le hors-la-loi.

Il commença alors à presser le pas, sous les regards inquiets de ses comparses. En face d'eux se tenait une tour de pierre que la courtine, sur laquelle ils se situaient, traversait au centre de part en part. Peu aprés, Turpain tenta aussi d'accélérer le rythme; mais Gontran, qu'il portait toujours, le ralentissait considérablement.
Leur comportement de plus en plus pressé et précipité devint plus que suspicieux aux yeux des gardes qui les avaient remarqué. Trés vite, ils ne tardèrent pas à deviner la véritable nature du trio.

"Eh mais....Mais c'est des prisonniers! Alerte! Des détenus sont en train de s'évader sur les murailles! Tirez leur dessus! Allez les chercher! Ils ne doivent pas sortir d'ici!!"

Aussitôt une dizaine d'archers miliciens se détachèrent des autres groupes pour former une rangée en face des murailles, commençant par prendre des flèches qu'ils avaient coincés au niveau de leurs ceintures avant de les encocher à leurs arcs pour enfin tirer sur le renégat, le paysan et le faussaire. Entretemps, une semi-douzaine d'hommes d'armes, menés par un prévôt, se dirigeaient tambour battant vers la tour pour intercepter le trio. La situation dégénérait de nouveau, les flèches ne tardant pas à voler vers les anciens détenus. Les projectiles sifflèrent tout autour d'eux alors que Johannes courait désormais à toute vitesse vers la tour de pierre, creusant l'écart avec Turpain et Gontran restés en arrière. La panique pouvait se lire sur les yeux du manant tandis que le faux-monnayeur avait un visage hagard, concentré qu'il était à faire un pas devant l'autre sans trébucher ou tomber à cause de la douleur causée par sa blessure.

"Mais putin Johannes attends-nous! Nous laisse pas ici comme ça!

Le hors-la-loi s'arrêta net, dans son esprit de nouveau sous tension il tourna la tête et put voir la situation qui accablait Turpain. Ce dernier, se déplançant plus lentement car portant Gontran, était en train de devenir une cible de choix pour les archers, les miliciens réencochant déjà leurs flèches pour préparer une seconde volée.

-Y a pas moyen! répondit Johannes Faut qu'tu lâche Gontran pour t'tirer d'là!

-Quoi?! Non! On va pas abandonner Gontran comme ça! réagit le paysan, les yeux tout écarquillés.

-Non....Sans déconner pas ça les gars....Je....veux....pas crever." soufflait péniblement le faussaire d'une voix affaiblie.

A peine eut-il fini sa phrase que les projectiles furent tirés. Le malandrin entendit quelque chose siffler à toute allure vers lui, puis sentit un trait lui effleurer son crâne, déchirant sa capuche, laissant exposés au grand jour ses cheveux châtains en bataille et son visage. Le brigand ne rechignait jamais à prendre des risques, mais là s'en était trop pour lui. Un ou deux milimètres plus bas et il se serait écroulé au sol, avec une hémorragie à la tête, saignant jusqu'à ce que Morr l'emporte. Alors que d'autres flèches se dirigeaient vers ses compagnons, Johannes reprit de plus belle sa course jusqu'à la tour, ses mains entourant sa tête désormais baissée. Quant à Turpain, il entendit lui aussi les projectiles siffler autour de lui. Dans un élan de superstition, le paysan avait fermé ses yeux et croisé littéralement ses doigts, espérant ainsi être épargné par les traits. Et c'est ce qui se passa. Il allait pousser un grand soupir de soulagement quant il sentit quelque chose de poisseux couler sur ses mains. Par réflexe il se tourna vers Gontran, uniquement pour constater que le faussaire était à l'article de la mort: deux flèches l'avaient touché, l'une se figeant au niveau du thorax et des poumons, l'autre dans son crâne, l'ayant transpercé au niveau des tempes. Tétanisé, ses membres figés par ce qu'il voyait, le paysan ne put s'empêcher de laisser tomber un Gontran quasiment mort sur la courtine. Le faussaire, le visage crispé, inspirait et expirait lentement et péniblement, d'avantage de sang s'écoulant aux pieds de son comparse, c'était finit pour lui. Entretemps le hors-la-loi avait réussi à atteindre l'intérieur de la tour de pierre, arrivé à l'entrée, il se retourna alors pour, lui aussi, constater la situation, pour apercevoir un Turpain avec les larmes aux yeux, toujours aussi immobile, prêt à rejoindre celui qu'il avait tant aidé alors qu'en contrebas, les archers réencochaient pour une troisième volée.

"Turpain! héla le renégat, qui essayait de faire réagir le manant. Ramène-toi ici s'tu veux survivre! T'vas t'faire buter en restant planté comme ça!"

Nul ne pouvait dire si c'était à cause des paroles de Johannes, d'une soudaine volonté, ou même d'une quelconque pulsion de survie, mais dorénavant pris d'une soudaine énergie, le paysan courut comme un dératé vers la tour et Johannes. Ce dernier pouvant voir les flèches tirées par les archers en contrebas passer devant et derrière Turpain. C'est tout essouflé, un peu morveux et le regard toujours embué et larmoyant que le roturier parvint finalement rejoindre le bandit.

"Regardez! Ils sont là! Attrapons-les! Vite!"

La voix du prévôt se fit entendre alors que lui et ses hommes d'armes pénétraient dans l'intérieur de la tour. Celui-ci était creux, des escaliers en bois et encastrés à mêmes les murs de la tour, en colimaçon, permettaient d'aller du rez-de-chaussée au sommet du bâtiment, avec la courtine faisant office de premier étage. C'est donc que les gardes commencèrent à gravir prestement les escaliers pour intercepter Johannes et Turpain. Sans trop réfléchir, le renégat chercha à leur échapper en empruntant la direction opposée: vers le haut. Interpellant le paysan d'un "Suis-moi!" il commença à son tour à monter les escaliers, en direction du sommet de la tour. Mais c'est ce moment que choisit la fatigue pour raffermir son emprise sur le duo; contrairement à leurs poursuivants tout frais et récemment mobiblisés, le brigand et le manant avaient passé ces dernières minutes à se battre, courir et consentir à de gros efforts tant physiques que psychologiques pour survivre à tout ce qui leur arrivait. Par conséquent, faire le moindre pas, gravir chaque marche coûtait de plus en plus d'énergie à Johannes et Turpain; les hommes d'armes ne tardèrent donc pas à réduire l'écart avec ceux qu'ils pourchassaient.

"Rendez-vous imbéciles! Vous êtes cernés et n'avez nulle part où fuir! Abandonnez et vous aurez la vie sauve!" leur criait le prévôt.

Dans ce qu'ils pensaient être un dernier effort, le paysan et le hors-la-loi parvinrent à atteindre le sommet de la tour, tout haletants qu'ils étaient. Si Turpain, le souffle court, se permit d'arrêter à l'entrée de l'escalier tout en posant ses mains sur ses genoux; Johannes lui, poussa jusqu'aux créneaux, finissant par s'appuyer sur un merlon pour reprendre son souffle, penchant sa tête au dessus des remparts du donjon. Il put alors voir les douves remplies d'eau qui se tenaient à une quinzaine de mètres en contrebas. Une idée apparut dans son esprit, bien sûr, il fallait tout simplement plonger dans les douves pour en ressurgir indemne....avec un peu de chance et si on n'aterrissait pas sur le ventre....il n'y avait ensuite plus qu'à regagner la rive et partir loin de ce maudit donjon. Le rôdeur se redressa et se retourna pour se diriger vers Turpain et lui faire part de son "plan". Mais d'un coup, alors qu'il n'était plus qu'à un mètre de lui et allait prendre la parole, ses mots s'évanouirent dans sa gorge.

"Ah! Vous êtes faits comme des rats! Je vous somme une dernière fois de vous rendre, ou vous n'allez pas tarder à bouffer les pissenlits par la racine!"

Devant lui avaient surgi en file injanaise le prévôt et ses gens d'armes. Montant les dernières marches à toute vitesse, suivi de ses camarades, un homme d'armes au pavois levé et à l'arme d'hast baissée envers leur direction fonçait vers le duo. Trés vite, Johannes comprit que le milicien et ceux qui le suivait étaient bien trop rapides. Même si Turpain se tenait entre le bandit et les gardes, le malandrin n'aurait tout simplement pas le temps de parvenir au créneaux et prendre de l'élan pour enfin sauter.

Tout se passa en quelques secondes.

Alors que Turpain lève les mains et commence à bredouiller quelque chose; le regard de Johannes se pose d'abord sur le garde qui fonçait vers eux, puis sur le paysan, puis de nouveau sur le milicien et enfin une dernière fois sur Turpain.
Le renégat serre les dents et expire brusquement, il recule alors sa jambe gauche afin d'enclencher un coup de pied, qui finit par partir et frapper le dos du manant. Ce dernier est projeté en avant et finit par s'empaler sur l'arme d'hast du garde qui se chargeait vers eux. Dans un hoquet de surprise, l'homme d'armes trébuche sur les dernières marches de l'escalier, déséquilibré qu'il est par le poid du corps du paysan. Les autres gens d'armes qui le suivaient de prés le percutent, puis se bousculent entre eux, créant un petit carambolage qui les désorganisent totalement. Mais ils finissent bien vite par se reprendre; le prévôt et les derniers de la file se relèvent tandis que les premiers enjambent leur camarade en tête de file pour parvenir au sommet de la tour, ou bien l'aident à retirer le corps de Turpain. Cependant ceux qui arrivent au sommet constatent que le brigand n'est plus là, un bruit parvient alors à leurs oreilles.

PLOUF!

Certains gardes se dirigent alors vers les créneaux et peuvent alors observer un Johannes qui barbote péniblement dans les douves, agitant sans cesse les bras et les jambes pour se diriger vers les rebords tout en maintenant tant bien que mal sa tête hors de l'eau, buvant des fois la tasse avant de recracher aussitôt l'eau de sa bouche. Aprés un instant il finit tout de même par prendre pied sur les fonds proches des remblais de terre délimitant les douves. Dans un ultime effort, il escalade lesdits remblais pour sortir définitivement des douves, ses mains, ses pieds, son coutelas et ses vêtements déjà trempés étant désormais maculés de terre et de boue. Sous les cris, les insultes et même quelques flèches tirées précipitement depuis les remparts, le hors-la-loi s'enfuit vers la lisière de la forêt, courant vers une liberté envers laquelle il avait fait tant de sacrifices pour pouvoir l'obtenir.



Trois jours se sont écoulés depuis l'évasion du bandit. Ce dernier, ayant récupéré une partie de sa capuche déchirée pour s'en faire un foulard qu'il avait enroulé autour de son visage, s'était résolu à s'enfoncer plus profondément dans les bois d'Arden. Johannes comptait temporiser, attendre que la situation se calme, avant de réapparaître pour intégrer une nouvelle bande et recommencer les pillages. Pour sûr qu'il échappait dorénavant aux patrouilleurs des seigneurs locaux, mais désormais il s'aventurait sur un territoire abritant des créatures bien plus sinistres ou dangereuses que de simples bandits ou soldats humains armés. Toutefois, ce n'est pas cela qui le préoccupe vraiment. A vrai dire, il dort trés mal ces derniers temps: d'étranges murmures lointains et incompréhensibles s'étaient insinués dans son esprit, l'assiégant dans son sommeil voire même dans la journée. Par exemple, alors qu'il essayait de chasser avec une javeline en bois qu'il avait taillé, des petites voix se mettaient à lui chuchoter quelque chose, troublant de suite le renégat dans ce qu'il faisait. Etrangement, ces voix avaient un ton chargé de repproches et devenaient de plus en plus intelligibles au fur et à mesure qu'il passait du temps seul dans les sombres frondaisons d'Arden.
Au soir du cinquième jour, alors que la nuit tombait, la pénombre, pourtant présente en plein jour à cause des branches enchevêtrées et de l'épaisse canopée, se transformait en une obscurité engloutissant tout sur son passage. La visibilité étant réduite à quelques mètres, le rôdeur allait commencer à grimper dans un arbre pour y dormir, quant il entr'aperçu dans le lointain une sorte de lueur trés pâle. Il se dit donc que les monstres sont déjà de sortie et accélère l'escalade de l'arbre dans lequel il veut passer la nuit, en espérant que cette créature ne l'ait pas vu. Mais un mélange d'apréhenssion et de crainte lui fait retourner sa tête, et il aperçoit dorénavant une silhouette blanche qui se tient désormais à une vingtaine de mètres. La peur s'empare du malandrin, qui essaye de monter à toute vitesse dans l'arbre, mais pas de chance. Dans la précipitation, une branche se casse sous son poid et il tombe au sol, il relève rapidement, titubant encore un peu à cause de sa chute. Mais ce qu'il voit désormais lui fait s'échapper un hoquet de peur, il est soudain paralysé, ses membres noués. Devant lui se tient une sorte de spectre au formes humaines, une créature éthérée à la couleur blanche, seuls ses yeux entièrement noirs contrastent avec cette pâleur fantomatique, une plaie béante étant visible au centre de son "corps". Son visage est un peu familier pour le hors-la-loi.

"Tu-Tur-Turpain? osa demander Johannes d'une voix chevrotante.

-Alors, comme on se retrouve Johannes prononça son interlocuteur d'une voix spectrale. On n'assume toujours pas ses actes hein?

-Qu-Que....Mais d'quoi t'parles bon sang!?

-Arrête de faire l'idiot, tu sais trés bien.

T-T'parle de c'qui s'est passé sur la tour? Quand j't'ai planté dans la lance d'l'ôt' glandu là? Mais j'avais pas l'choix putain!

-Tu n'étais pas obligé d'en arriver là. Et pourtant tu l'as fait....Tu n'es qu'un connard, un vaurien, un crevard de la pire espèce.

-Mais j'te dis qu'j'avais pas l'choix! C'tait eux ou nous! R'garde c'qu'i'z'ont fait à Gontran!

-Mais n'est-ce justement pas toi qui était pour l'abandonner à son sort sur la muraille?

Mais....Mais.... réagit Johannes sur un ton moins désormais moins tendu, retrouvant un peu de sa contenance. Il s'était attendu à se faire déchiquetter par le spectre il y a quelques secondes, mais une quelconque raison, celui-ci ne l'avait pas touché. Mais i't'ralentissait....I'nous ralentissait. Il allait crever d'une manière ou d'une autre. La suite m'a pas donné raison?

-Tu aurais trés bien pû m'aider à le porter, mais là aussi tu n'as pensé qu'à ta petite gueule. Est-ce que tu es conscient de ce que tu as engendré avec tout tes actes? On en parle aussi du fait que t'as poignardé le seigneur comme le dernier des chiens alors qu'il te proposait une rédemption? Tu vas me dire que là aussi tu n'avais pas le choix? Alors qu'il prononçait ces mots, le rôdeur prennait un air de plus en plus sérieux.

-Rah mais....t'voix pas qu'i's'servait juste d'nous? T'crois qu'i' l'allait nous libérer comme ça? Alors qu'i nous a enfermé dans un putain d'cachot, comme ça, sans problème? T'es...t'es qu'un naif Turpain. Trop bon trop c....

-Tu te trompes roturier, cela n'était pas dans mes intentions. lorsqu'il entendit ces mots dans son dos, Johannes se retourna. Poussant un hoquet de surprise, il vit alors un autre fantôme. Ce dernier était engoncé dans une armure, portant un haume dont la visière était cette fois-ci fermée, le tout étant surmonté d'un cimier prenant la forme d'une tête de sanglier. Ce sombre envoûteur était une trés, voire trop grande menace. Je songeais sérieusement à vous libérer, toi et Turpain, voire même le faussaire qui vous accompagnait si vous m'auriez aidé à stopper ce sorcier....Mais ton égo dilaté en a décidé autrement.

-Nan....Nan c'est faux. Tu mens. Putain même dans la mort tu mens enfoiré! répondit le renégat, fronçant des sourcils, reculant de quelques pas tout en pointant du doigt le fantôme du seigneur. Ce dernier se contentant de le fixer tout en hochant négativement de la tête, avant de poursuivre.

-Et toi même aprés coup tu refuse de voir la vérité. Tes actes ont entraîné bien des malheurs. Tout ça pourquoi? Parce que TU n'est pas fichu de purger ta peine, parce que TU veux une liberté pour toi tout seul, TU as libéré ce maudit mage. Maintenant je le vois en train de dévaster mon fief et profaner mon château aprés avoir vaincu mes chevaliers et gens d'armes par sa sorcellerie impie. Tes actes ont entraîné la mort d'innocents et de nombreux autres en mourront également. Par TA faute!

-N'import'quoi! C'pas moi qui l'ai libéré, c'est Max! répliqua le rôdeur avec mauvaise foi. Rah et puis merde! T'crois qu'tes types innocents là i'z'en on qu'è'qu'chose à foutre de moi? J'pourrai crever ici qu'ça chang'rai rien pour eux! Donc rien à foutre de c'qui leur arrive! Et toi l'nobliau....

-Et c'est bien ça ton problème Johannes interrompit Turpain Tu ne te préoccupe que de toi, à un tel point que tu ne sais même pas faire confiance aux autres. Sur ces paroles, le malandrin fit face au paysan, un air aigri se dessinant sur son visage tandis qu'il répondait sur un ton amer.

-Mais....Dis-moi....à qui t'veux qu'je fasse confiance hein? A toi? Le p'tit péqu'naud qui s'chie d'ssus et s'rend dés qu'i' croise l'autorité? A Gontran? C'putain d'arnaqueur qu'est pas foutu d'rester en vie tout seul? A l'ôt' sang-bleu là? Qui m'a coffré et qu'allait sûr'ment m'buter pour l'bordel qu'jai foutu sur les routes 'vec les Feux Follets? A un putain d'mago? Qu'je sais qu'il est taré d'puis l'début? Même des putain d'nabots en qui j'croyais i' m'ont lâché comme une merde. Nah....c'est bouffer ou êt' bouffé, la confiance, la gentillesse, c'est juste qu'des putain d'facades.

-Bravo, tu viens de te vendre tout seul Johannes. intervint alors Turpain

-Donc maintenant que tu ne tournes plus autour du pot, que tu ne fais plus l'hypocrite. Avoue-le. Si tu as libéré le sorcier pour qu'il détruise tout sur son passage; si tu m'as poignardé; si tu as voulu abandonner Gontran; si tu as trahi Turpain; si tu as abandonné ta famille....Tout cela, c'est parce que tu l'as voulu. Tu as voulu le faire, n'est-ce pas? A ces mots, le hors-la-loi, reculant, commença à montrer du doigt les deux spectres qui lui faisaient face.

-Ouais....Bien vu l'aveugle. Si j'ai libéré l'ôt' mago noir, c'est parc'qu'i pouvait m'aider à sortir d'tes oubliettes de merde. Si j't'ai buté c'est parc'que t'étais sur mon putain d'chemin. Si j'ai voulu lâcher l'ôt' arnaqueur c'est parc'qu'il était un putain d'poid pour l'péqu'naud et pour moi. Si j'ai....si j'ai.... Il bredouilla soudainement, avant de continuer d'une voix tremblante de rage qui ne cessa de monter crescendo. Mais.... Bordel Turpain! C'tait toi ou moi!! C'tait vous ou moi!! Puis sa voix sembla se calmer et Johannes fit une pause, comme s'il tentait de réfléchir à ce qu'il allait dire. Et si j'ai quitté mes darons....si j'les ai quitté.... Johannes ne voulait pas dire, même pas à lui-même, qu'il avait abandonné ses parents comme ça. Admettre cette idée était tout bonnement impensable pour le rôdeur. Tous ces cas de conscience et ces accusations étaient venus à bout de son esprit et il finit par exploser.
Rrraaahhh!! Mais pourquoi j'cause à des putains d'fantômes?!?!"

Le brigand prit alors son coutelas et s'élança vers les spectres, afin de les lacérer de coups. Mais à peine parvint-il à leur niveau que les esprits se dissipèrent, se désintégrant petit à petit alors que Johannes fendait l'air et l'écorce d'un arbre avec son arme, en vain. Ses cris et les bruits qu'il provoquait firent écho à travers les bois, faisant s'envoler quelques oiseaux, provoquant le hululement d'une chouette et des bruits d'autres bêtes nocturnes dans le lointain. Finissant par se reprendre, épuisé, le hors-la-loi s'agenouilla devant l'arbre qu'il grimpait il y a quelques instants plus tôt, fixant les éraflures qu'il avait créé avec son coutelas, puis ses mains, d'un regard vide.

"Mais....Je....j'deviens fou ou quoi?" murmura-t'il.

Et c'est ainsi que le rôdeur continua de survivre dans les bois. Les spectres de Turpain et du seigneur revenant le hanter chaque jour ou chaque nuit. Lui rappelant perpétuellement ce qu'il a fait et l'harcelant avec les conséquences que ses actes ont entraînés, sur lui comme sur les autres, finissant par le faire craquer psychologiquement à chaque fois. Si Johannes a bel et bien réussi son évasion, il ne parviendra pas cette fois à se détacher, à se libérer des choses qu'il a fait pour y arriver. Désormais il erre dans la forêt d'Arden, l'air hagard, en proie à la folie, rongé par le doute et la culpabilité. Ce qu'il a fait ce jour là revenant le hanter dans ses nuits. Les bois sont désormais sa nouvelle prison et les fantômes du paysan et du seigneur sont dorénavant ses nouveaux geôliers.

Mais on trouvera toujours des gens pour dire qu'il vaut mieux vivre avec des remords qu'avec des regrets....


Ce qui est écrit là ne concerne plus l'histoire, mais le personnage en lui-même qu'est Johannes. Donc si vous êtes là uniquement pour l'histoire, sachez que celle-ci est bel et bien terminée.
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Modifié en dernier par Johannes La Flèche le 25 juil. 2020, 13:50, modifié 1 fois.
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Anton
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Re: [Concours] L'Evasion

Message par Anton »

Elle entre-ouvre discrètement les yeux.

Il fait déjà jour. Il est huit heure passée de six minutes.

Elle le sait parce que chacune des pièces de la vaste demeure -15 chambres, sans compter l’aile des domestiques- compte une petite merveille d’horlogerie qui indique à l’aide d’aiguilles une heure précise. Elle ne sait pas comment cela fonctionne. Elle sait simplement que feu son mari les a payés une fortune, et qu’elle s’est personnellement assurée, en déchainant ses foudres sur une pauvre servante, que les délicats appareils seraient parfaitement remontés.

Personne ne s'en est étonné. Elle est sensé être à moitié zinzin après tout.

Elle ouvre franchement les yeux. A côté de son lt, un fauteuil vide. L’imbécile chargé de ses soins n’est bien sûr pas là.

Parfait.

Il est huit heure passée de sept minutes. Elle bouge les doigts de sa main gauche. Un par un.

Le sang, laissé en arrêt par le sommeil, circule à nouveau. Test. Elle parvient à plier la main, et remue le poignet.

La main droite, maintenant. Ok.

Les bras ne sont pas bien compliqués à faire. Les jambes, davantage. La gauche, la droite, remuent lentement. Et c'est la bascule. Elle les envoie sur le côté du lit, elles retombent pendantes dans le vide. Elle est prête pour se redresser.

Huit heure onze. Son buste le dresse lentement, et elle remue la tête, sans savoir qu'elle reproduit le geste quotidien des lutteurs avant un match, pivotant son cou d'un côté de l'autre, avant d'entamer des petits cercles. Les articulations gémissent, puis s'échauffent. Le sang circule, la chaleur aussi.

Dans la chambre immense, Emeline termine les exercices destinés à insuffler dans son corps la vie. Bientôt, elle est prête à se lever. Elle se lève. Ca y est.

Sur le guéridon, elle saisit une broche, et ramène en arrière ses cheveux pour les fixer d'un geste appliqué. Les aiguilles indiquent 8h17.

C'est le moment.

Dehors, un bruit de pas, un bruit de voix. Enjôleuses. Il faut agir.

Elle s'approche de la tapisserie en jachère qui envahit un coin de la pièce, héritière des temps lointains, projet ambitieux jamais porté à son terme. Sous un pan de cette tapisserie, posé sur un petit meuble d'appoint, une tunique, une ceinture, et une paire de chaussures. Des heures de préparation pour exfiltrer ces trois pauvres objets de la penderie constamment surveillée par la camériste aux ordres de l'ennemi.

Quand elle pense aux Wissenlandais, Emeline dit "l'ennemi". C'est plus simple, et elle a passé l'âge des complexités de l'existence.

Emeline foudroie la tunique du regard, comme pour la dompter. A huit heure trente minutes, elle est mise, les chaussures également. En revanche, impossible de la fermer, bien sûr. Ces vêtements modernes, une plaie.

La conversation dehors cesse brusquement avec une cavalcade. A la porte, deux fois deux coups secs rapprochés. C'est le signal. Huit heure trente trois, légèrement en retard sur l'horaire. Emeline passe la porte.

Dehors, Hilda la servante, qui cligne de l'oeil. La chaise de l'homme de faction, vacante. Deux pichets de vins, dont l'un discrètement corsé d'un laxatif pour cheval. Il faut bien sûr être un soudard du wissenland pour ne pas le sentir au goût. Bien fait pour lui, il va rendre ses entrailles pendant la prochaine demi-heure, ça lui apprendra à boire pendant son service.

Hilda l'aide à nouer sa tunique. Emeline considère d'un air réprobateur la robe très échancrée de sa servante. Encore quelque chose qui ne serait pas arrivée il y a quelques années. Elle laisse couler. Elle n'a pas le temps.

Pas de pendule pour juger de l'heure dans le couloir. Elle se dit qu’il faudrait peut-être en mettre une. Elle se dit que ce n’est pas le moment d’y penser. Elle se dit quand même que peut-être que celle de la petite chambre jaune ferait l’affaire. Elle se souvient qu’il y a un militaire étranger qui dort dans la petite chambre jaune, et se dit que ce n’est vraiment pas le moment. A petits pas, elle se déporte vers la porte suivante.

Grande pièce également, chaleureuse, du bois partout, de la marqueterie de grand style. C’est le bureau de feu son mari.

A l'intérieur, élément imprévu, Gaston l’intendant fume une pipe et ouvre de grands yeux devant son entrée.

Aussitôt sans se démonter Emeline se met à baver et à pousser de petits grognements. Son meilleur numéro. Celui de la vioque sénile. Succès garanti.

Il tente de lui parler, interloqué : "mais, madame, que faites-vous là...Et cette tenue... " sans entendre Hilda qui rentre une cruche à la main dans son dos. Geste explicite d'Emeline, langage universel, et Hilda fracasse la cruche sur le crâne de Gaston, qui s'effondre. Elle a du cran cette petite. Emeline s'approche à petits pas et, de son soulier pointu, envoie un coup de pied mesuré dans les côtes du Gaston. Elle manque dans le mouvement de perdre l’équilibre, se raccroche au bras d’Hilda, et remet un coup de pied de mieux pour faire bonne figure. Ca lui apprendra, à ce sale collabo. Et puis, se souvenant qu’il a eut un mot de trop sur sa tenue, elle en met un troisième. Gaston grogne doucement, elle juge plus prudent de s’interrompre. C'est le problème avec le petit personnel, il ne tient plus son rang.

Encore un truc à régler quand le pouvoir aura changé de main.

Coup d'oeil : il est huit heure quarante. Elle s'approche ensuite du mur, et sans hésiter décroche un des longs pistolets de duels de feu son mari, une des seules armes qui n'aient pas été mises sous scellées lors de l'invasion du manoir. Il faut pourtant dire deux mot de cette arme d’exception. La gueule en est si large que sa vue seule suffisait généralement à décourager quiconque de défier feu Von Hebelbach en duel ; la légende lui attribuait le pouvoir de changer en un coup un chêne centenaire en collections de cure-dents. L’usage pour la chasse en était déconseillée, puisque les chiens ne retrouvaient jamais tout à fait le gibier, et qu’on craignait toujours que l’arme partît d’elle-même et créât, en cas de voisinage de ses consoeurs, une réaction en chaîne. Cette merveille avait été forgée jadis en un temps où la notion de tromblon signifiait encore quelque chose et où une fusillade était moins affaire de précision que d'enthousiasme.

La raison pour laquelle les soldats avaient laissé là cette arme était un mystère. Toujours est-il qu’en un clin d’oeil l'énorme et antique arme à feu disparaît entièrement dans un sac à main ancienne mode décoré de petites fleurs des champs stylisées.

Il faut désormais descendre. L'escalier principal n'est pas une option, reste l'escalier des domestiques. Entre deux ombrelles dans un pot de métal sculpté, Emeline saisit la canne de feu son mari bien fermement dans sa main ridée et s'élance dans le couloir jusqu'à une porte dérobée. Il est huit heure cinquante et le garde de la porte est probablement revenu des latrines.

Par l’escalier de service, Emeline fait irruption dans la cuisine. Un marmiton est là ; il est de la consigne, mais il est blanc comme linge. Un vrai navet, songe-t-elle, voyant le rond garçon aux bajoues palottes. Devant lui, et cause sui generi du navet, un soldat en uniforme, qui s’entretient avec le chef cuisinier. Sans hésitation, Emeline se plie en deux, le plus discrètement possible et poursuit sa marche ; voutée, elle n'est désormais plus qu'à un mètre dix du sol, et dans l'immense cuisine encombrée de tables c'est pratiquement indécelable. Le chef d’ailleurs fait la conversation pour de bon, attirant peu à peu l'importun vers un autre coin de la cuisine, conservant son attention. La baronne Von Hebelbach lui envoie une oeillade appréciatrice. Le chef a toujours eu du talent pour les raseurs. De tout le personnel c’était d’ailleurs le favori de feu son mari.

A neuf heure et une minute, Emeline a mis dans son sac de quoi tenir deux jours de nourriture, c'est-à-dire car à son âge on mange peu surtout le soir n'est-ce pas, deux carottes, un bout de fromage, et un peu de pain. Une outre de vin. Et une tourte. Elle disparaît à petits pas par un réduit.

L'éclairage y est minimaliste. Cet imbécile d'intendant vole probablement aussi sur les chandelles. Emeline s'autorise un petit sourire de satisfaction en se remémorant les coups de pied vengeurs quelques minutes plus tôt. Dans l'air sombre les petits "tac" "tac" "tac" de sa canne résonnent sur le carrelage froid. Elle ne le sait pas mais il est neuf heure et quatre minutes.

Soudain, un homme déboule au bout du couloir, depuis la cour. Emeline se fige, songe à la broche qui tient ses cheveux, et son bout pointu, se demande si ses rhumatismes peuvent l’empêcher de la planter suffisamment vite dans l’oeil de ce type jusqu’au cerveau, tout dépend finalement sa taille, voyons, il fait à peu près la taille du palefrenier, Eudes, alors oui à condition de le faire avec le bras droit dont l’épaule est moins bloquée c’est tout à fait jouable. Bon allons-y. Ah mais, non, c’est tout à fait Eudes en fait. Ce bon Eudes !

Inconscient du danger auquel il a échappé de justesse, Eudes fait un signe d’intelligence à la baronne. Elle reconnait maintenant tout à fait la silhouette fine de ce petit jeune, et elle devine plus qu’elle ne les voit les grandes mains fortes et les yeux doux de cet ami des bêtes. Un bel homme en vérité.

Et puis un timide encore. La saluant à peine, le voilà qui ressort aussitôt. C’est que lui au moins connaît sa place, songe-t-elle avec satisfaction.

Enfin il connait sa place mais puisque sa chambre est justement requisitionnée par des soldats, quel est la place de Eudes au juste ?

Questionnement qui nous tient en haleine jusqu'à neuf heure six minutes, il faut avancer. Elle s'approche à son tour de la porte, prête à s'engager, lorsque soudain elle se fige :

"Où tu vas, le vieux ?"

Oh oui elle se fige. "Le Vieux" ? Eudes, le palefrenier et ses soixantes ans, vieux ? Eudes, avec ses petites fesses si moulantes dans son éternel pantalon de cavalier ? Et puis quoi encore ?

Quand le soudard aviné, auteur de l'interpellation, pousse la porte pour comprendre d'où vient ce petit vieux tremblant, il trouve dans sa poitrine quatre pouces de fer d'une certaine canne-épée estalienne ayant appartenue à Monsieur le Baron, et dont s’il avait connu plus tôt les qualités il aurait personnellement veillé à ce qu’elle soit serrée avec les hallebardes et non gentiment rangée dans un porte-parapluie.

L’homme a par ailleurs l'élégance de s'effondrer sans un mot de reproche, en dépit d’un air un peu étonné. Emeline secoue le bras, comme pour effacer le choc de l'effort. Cela fait pourtant cinq semaines qu'elle se lève discrètement la nuit pour accomplir les exercices nécessaires à son projet. Elle peut presque marcher sans canne désormais, mais outre le style il faut avouer que l'accessoire possède des avantages.

Le quidam allongé est cependant lourd. Et il est neuf heure et onze minutes en soufflant fort pour que Eudes et la Baronne Emeline Von Hebelbach finissent par tirer le corps dans un recoin satisfaisant. Ce faisant, il lui semble pourtant reconnaître en lui un des hommes qui se sont montrés désagréable avec elle lors d’un tour de garde passé. Elle se dit que la vengeance est un plat qui se mange froid ; mais elle se retient pourtant de donner des coups de pieds, d’abord pour se ménager des forces, mais aussi parce qu'il lui semble que le gentil Eudes pourrait s’y méprendre.

Cependant, dans la cours, il est neuf heure quinze minutes et un cabriolet attelé attend la baronne. Hilda est sur le siège conducteur. Eude, chevaleresquement, aide madame la baronne à se hisser. Elle ne manque pas, au passage, d'éprouver que les fesses de Eudes sont effectivement toujours aussi en place sous le pantalon de cavalier. Ajoutons qu'il pique aux joues un petit fard qui réjouit fort la baronne. "Fouette Hilda" !

Le cabriolet s'avance devant les grilles, verrouillées, qui ferment la cours intérieur du manoir von Hebelbach. Deux soldats wissenlandais montent là la garde jour et nuit. Ils s’agit là de deux sbires parfaitement guardesques, c’est-à-dire de ce modèle de planton si particulier que l’on sème volontiers devant portes et redoutes. Impossible, naturellement de rien noter de leur visage ou de leur expression, tant ils sont, pour l’usage que la société fait d’eux, si parfaitement interchangeable. Nuit et jour, ils gardent ce portail donc ; non pas que cela les intéresse, mais enfin un chef leur a donné cet ordre, et il le tient lui-même d’un chef, qui le tient lui-même d’un chef, et ainsi de suite à l’infini dans une cosmogonie réticulaire qui donne à l’univers à défaut d’une raison du moins un certain ordre, qu’ils apprécient. Ils sentent qu’in fine, par le jeu des enchaînements, leur mission immédiate n’est que la résultante finale d’une cause première qu’est sans doute l’Empereur, ou SIgmar, ou l’Empire (notions immenses et floues), et par là ils en déduisent que le fait simplement d’être eux-même préserve l’Empire de catastrophes tout à fait considérables, et c’est là bien entendu un grand contentement.

Cependant comme on ne peut pas toujours sombrer dans la métaphysique, qui est bien souvent le stade préliminaire à une dépression caractérisée, d’autant que garder nuit et jour un portail rouillé constitue per se un chemin déjà très engagé dans la même direction, les sujets de conversations entre nos deux gardes restent bornés à des horizons plus immédiats : fille, jeu, solde, pitance. Et en ce moment, précisément, ils jouent, ils jouent à un de ces jeux de corps de garde qui ne semblent n’avoir été inventés que pour posséder un nouveau moyen de mesurer le temps qui passe à l’aide de nouvelles métriques que sont les plis et les levées. Le battement des cartes, couplée à l’ennui profond du portail et de tout ce qu’il recouvre, le sourire garanti d’Hilda ainsi que la vague promesse d’une tourte à réchauffer plus tard conduisent ces braves factionnaires, en dépit de cette mission capitale pour leur avancement et primum movens pour l’Empereur et la survie de tout le monde libre, à globalement s’en tamponner joyeusement les balloches. Aussi Hilda passe, et comme le répéteront plus tard ces deux héros du quotidien à une hiérarchie peu complaisante “elle a dit qu'elle emmène sa maman chez le guérisseur du coin en cabriolet”.

Morceaux choisis : A toi de jouer. Dis donc quand même la vieille d'Hilda a un sale regard, elle fait froid dans le dos, t'as vu comment elle nous regardait ? A moi. Oui. On aurait dit qu'elle essayait de nous découper à distance. A toi. Ahahahah. Ca doit être sympa d'être son gendre. A moi. Quoique la Hilda elle est pas mal quand même elle vaut quelques sacrifices…

Il est dix heures moins quatorze minutes, le cabriolet s'élance sur les routes et Emeline n'a pas besoin d’horloge pour le savoir.

A dix heures et onze minutes cependant, un cavalier les croise, un officier de liaison, qui s'en va au manoir. Le regard acéré d'Emeline suffit à lui faire faire demi-tour.

"Mais... Vous êtes la baronne ? Arrêtez immédiatement ce cabriolet !"

Il s'empare des rênes, devant Hilda tétanisée, et se rapproche de la baronne.

"Mais qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Je croyais que vous étiez impotente, percluse de rhumatisme ? Vous vous êtes bien foutue de notre gueule..."

Le lieutenant Harlod Kriegstaff, en dépit de ses états de services remarquables à la frontière nord et de sa belle voix de ténor, n’aura pas l’occasion de développer davantage son indignation ; la dernière image qui imprime sa rétine avant qu'elle ne se désintègre tout à fait avec l'ensemble de sa tête est celle de la vieille impotente levant bien haut un sac à main de grand-mère couverte de fleurs des champs stylisées.

Fin peu glorieuse que ne mentionnera d’ailleurs pas l'épitaphe de ce lieutenant de cavalerie promis à un bel avenir ; il meurt pourtant en selle, les pieds dans les étriers, ce qui est tout de même quelque chose auquel tous les officiers de cavalerie ne parviennent pas.

A dix heure et quatorze minutes, une fois le bruit retombé, l’attelage repart tant bien que mal. Outre la situation passablement dégradée de l’officier Kriegstaff, l’échange laisse à bord du côté de la baronne une légère commotion causée par le recul démoniaque de son engin de mort ainsi qu’une Hilda passablement secouée par l'enchaînement un brin rapide des événements. Cependant, on voit qu’elle se reprend vite ; c’est qu’à son âge les lieutenants de cavalerie on en trouve treize à la douzaine, pour peu qu’on sache où les chercher.

Il reste cependant le principal obstacle.

A onze heure et quarante-cinq minutes, dans un embranchement de la route où s'est arrêté le cabriolet, une demi-douzaine de gaillards en armes se révèlent bientôt. Leurs armes sont distraitement pointées sur la voiture.

L’observateur aguerri reconnaîtra dans le plus grand de ces reîtres Lucius Reginald, accompagné de sa bande de voleurs. Il sème depuis quelques mois la terreur dans la région, en s'attaquant aux collecteurs d'impôt, aux riches paysans, aux notables.

Lucius Reginald s'avance cependant, et s'incline bien bas.

"Chapeau bas baronne, une belle évasion."

"Ta gueule Lucius. T'es en retard. J'ai déjà tué deux types. J'ai mal aux bras et à la tête. J'ai pas le temps pour les salamalec avec les gens de ton espèce."

Emeline ne dit pas exactement “salamalec”, mais enfin c’est tout comme ; en tout cas, le ton y est, et songez qu’il s’agit tout de même d’une aristocrate. Elle ne dit pas non plus exactement "gens de ton espèce", mais en l'occurence les bonnes moeurs nous obligent à procéder à un brin de reprise de texte.

Un sbire aide la vieille dame à descendre, légère comme une plume de quatre-vingt ans.

"T'avise pas de me tripoter au passage toi."

Il faut noter que l’air outré du bandit de grand chemin arrache un sourire à Hilda, témoignant de la formidable résilience de cet âge-là.

"Ils vont vous poursuivre baronne. Je pense qu'ils sont déjà en route. Erika Topenheimer serait furieuse d'apprendre que vous avez quitté votre prison dorée."

"Dorée ? Tu me fais rire. La bouffe était devenue dégueulasse. Ces wissenlanders ce sont de vrais salopeurs de travail. Tu verrais l'état de mon manoir. Mais oui, ils vont venir. T'as une solution ?"

"Eh bien j'imagine qu'ils vont forcément venir par ici. On pourrait les attendre."

Emeline von Hebelbach prends un sourire mauvais. L’attente est un sport dont le goût atavique vient dès le premier cheveu blanc, et la baronne est coiffée d’une crinière dont le dernier brin blond s’est enfui avec les blés vingt automnes plus tôt.

Pourtant en elle un autre sentiment lutte aussitôt. Son instinct de survie, celui qui par le passé lui a permis de surmonter un mariage, deux enfants, quatre invasions peaux-vertes, deux tremblements de terre et, plus récemment, un lieutenant de cavalerie entreprenant, faisait valoir ses droits. Avec justesse il faisait valoir son bras meurtri par les efforts, ses quatre-vingts ans, les dix-sept minutes nécessaires à son réveil avant de parvenir à remuer la main gauche ainsi que pas mal d’autres éléments convaincants.

Mais elle se présente bientôt que tout l’intérêt de la vieillesse c’est justement de n’en avoir absolument plus rien à carrer, puisque que l’on a rien à perdre ; elle se figure aussi tous ses amis indépendantistes en prison, l'invasion de son manoir par les vermines Wissenlandaises... Et son sourire maléfique refait surface.

C’est vraiment là un sourire passablement inquiétant. Face à ce sourire, il est parfaitement humain de faire un petit pas en arrière, tant on peut craindre que le dentier d’Emeline ne se prenant au jeu ne saute carrément à la gorge de son vis-à-vis. Lucius, et c’est tout à son honneur, se contente d’un petit pas de côté et d’un regard inquiet à Hilda, qui l’ignore royalement.

Inconsciente de ce jeu de scène quant à elle la baronne Emeline Von Hebelbach frotte sa tête chenue et demande, le plus tranquillement du monde :

"Bon mon Lucius t’aurais pas un peu de poudre noire en rab’ ?"


***


Suite à votre Appel, diverses personnalités de l'Indépendance se sont mises en mouvement. Vous trouverez ici la liste détaillée, ainsi que les rapports détaillés en annexe [...].

Il semblerait par ailleurs que votre marraine, confinée en son manoir par Erika Topenheimer, se soit "évadée" pour rejoindre la cause. Je ne comprends pas tout à fait ce qu'il faut entendre par là, mais apparemment l'histoire est partie pour faire le tour de Nuln. Faites suivre instruction. [...]


Devant son ordonnance qui lui tendait les diverses brèves du jour, Anton sentit le sol s'ouvrir sous ses pieds. Il se passa vivement la main dans ses rares cheveux, relu la note, tenta de prendre un air dégagé, et sentit une coulée de sueur naître à la pointe de sa nuque. Morr. Evadée. Ces bouffons de Wissenlandais étaient même pas capables de contenir une petite vieille… Il rectifia mentalement. Pas n’importe quelle petite vieille. Et maintenant, à cause de l’Appel, c’était certain, elle allait venir.

Peu de certitudes habitaient Anton von Adeldoch. En revanche, s'il était une chose dont il était certain, c'est que s'il voulait conserver un tout petit peu d'amour propre et de contrôle sur ses hommes, il fallait qu'il se débrouille pour avoir gagné la guerre d'indépendance contre le Wissenland avant que sa marraine ne le retrouve

Le baron était lucide, ses chances de réussites étaient extrêmement faibles. Sauf si, évidemment, elle prenait d'abord le temps de se venger de ceux qui l'avaient tenue enfermée chez elle.

A cette pensée, Anton frissonna davantage. Les dieux leur viennent en aide.

Et son ordonnance, sans le consulter, poussa les feux du brasero.
Anton von Adeldoch, Noble du Sudenland, lien vers l'aventure en cours: http://warforum-jdr.com/phpBB3/viewtopi ... 380#p97380
Profil de combat :
FOR 9/ END 11/ HAB 7/ CHAR 11/ INT 11/ INI 9/ ATT 11/ PAR 8/ TIR/ 9/ PV 75/75, bonus de l'équipement inclus avec -2 Par/Hab à l'adversaire, -1 armure de l'adversaire et parade 10, protection tête/bras/torse de 9.

Détails permettant d'arriver à ce profil:
Profil: FOR 8/ END 10/ HAB 8/ CHAR 11/ INT 11/ INI 9/ ATT 10/ PAR 9/ TIR/ 9/ PV 75/75
Compétences: Monte, Arme de prédilection (rapière +1 Att)
armes: Arc court (dégâts:26+1d8, malus -2/16m) ; "fleuret estalien" (rapière, dégâts:14(+8)+1d8, parade 10, rapide (-2Par/Hab de l'adversaire pour parer/esquiver), perforant (1) (ignore 1 point d'armure adverse))
Protections: mailles. Torse, dos et bras, protection de 9, encombrement de -1 HAB, ATT et PAR
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Galfric Lawmaker
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Re: [Concours] L'Evasion

Message par Galfric Lawmaker »

Je profites du concours pour faire un teaser à mes joueurs pathfinder ^^
pas sûr que ça reste dans le cradre prévu du concours, mais je prends ces occasions pour laisser parler un peu l'imagination, mais bon j'étais inspiré.
bonne lecture ! J'y ai mis du coeur parce que j'aime ce que je fais :cri:
Un matin à Bargain city….

Fine odeur de tabac se mêlant aux égoûts environnant. Je suis sur mon petit balcon, tranquillement installé. J’ai une belle vue sur la place du quartier de la bonne chair. Les cristaux verts illuminait du haut plafond de la grotte telle de fortes lanternes étoilées, à plus de 200 mètres du sol, le spectacle matinal auquel j’ai droit chaque matin sur mon balcon.
D’ailleurs, ma demeure est certainement l’une des meilleures : sympathique vue sur la place, avec ses pavés marbrés et entachés par le temps, la mousse et les champignons des grottes poussant entre les interstices des pavés, sa fontaine qui nous sert l’eau courante avec le malabar d’ogre, grogmir, qui le surveille jour et nuit. Grogmar est d’ailleurs un bon employé. Il combattait dans la fosse avant pour l’amusement de la cité souterraine. Il était bon et s’y plaisait à jouer avec les autres. Du moins c’était jusqu’à ce que j’ai dû faire face à lui. Quand j’avais débuté ici, j’avais un bon plan : trouvé le plus fort du coin, le démolir et le recruter afin d’avoir un garde du corps fidèle. Bien entendu, pas question de se battre à la régulière. La veille, avec le peu d’économies qu’on m’a autorisé à me trimballer jusqu’ici, je lui ai offert plats, boissons et « amitiés ». Il me restait encore 15 couronnes, je suis reparti avec 3 pistoles. Toutefois, une bonne partie des couronnes était partie dans un bon poison et digestif puissant que j’avais pu me procurer sur le marché après que cet espiègle voleur d’halfling est parvenu à me le négocier pour le double du prix ayant remarqué que j’en avais réellement besoin. C’est d’ailleurs ce même voleur qui m’avait revendu mon sabre de duelliste. Car oui, quand on entre à bargain city, quasiment toutes vos provisions sont remises aléatoirement à des marchands, histoire de faire tourner un peu plus le commerce en revendant l’équipement des nouveaux détenus.
Grogmar n’était pas en forme ce jour là, il avait sommeil, il avait une dysentrie, la gerbe et des maux d’estomac. Bien normal, les somnifères, digestifs, et le venin de serpent des grottes que j’ai dû mixer avec sa nourriture et boisson hors de prix. Quelque coups de batte dans sa caboche et il ne « voulait plus jouer ». Bien sûr je lui ai proposé de s’en arrêter là au grand dam de la foule. Depuis je n’ai plus jamais essayé de le doubler de quelque façon qu’il soit.
Puis étrangement, les gangsters et gardes n’osaient plus me demander ma bourse. Sabre en main et ogre à mes côtés, étrangement on ne se moquait plus d’Armandy Aldori. J’étais heureux de constater que ma réputation m’avait tout de même suivie, même dans un endroit dont la surface ignore complètement l’existence.
Il était à son poste, il ne dormait pas, parfait, j’allais avoir besoin de lui et je déteste le réveiller car il a souvent faim et est donc souvent irritable.
Je vois les échoppes des marchands qui planquent également notre stock de fluide, la nouvelle drogue liquide que je suis parvenu à synthétiser avec l’autre taré d’elfe. Nous avions remarqué que, compte tenu des ruines métalliques qui nous font office de monuments dans cette ville-prison, et du liquide noir qui peut être trouvé parfois en creusant, nous avons réussi à en créer une nouvelle subtance que la plupart des gangsters et accros s’achètent. Je suis surpris qu’en des années de détention, personne n’ait pensé à essayer d’exploiter cette chose dont nous ignorons tout. Toutefois, ces quelques carcasses d’acier et autres bizarreries ne sont pas les seules choses que la civilisation qui vivait ici autrefois nous a laissé.
En effet, l’endroit où nous sommes semblé être une gigantesque prison souterraine. Pas de porte, pas de trappe, pas de souterrain non plus. Beaucoup on tenté de creuser, et souvent avec de grands moyens, mais impossible d’aller au delà de 2 mètres de profondeurs sans rencontrer un de ces murs noir d’un acier aux éclats d’obsidienne. Parois totalement impénétrable.
Je voyais donc tout ce beau monde qui allait commencer sa journée : j’entendai un râle suivi d’un plantage de surin et du cliquetis des pièces tombant d’une bourse, les plaintes des nécessiteux, les bougonnements des gardes/mercenaires qui doivent dégager tout le monde sauf mon ogre favori pour ouvrir le marché. Les quelques arbres aux alentours ressemblent à d’étranges champignons, il n’empêche qu’ils nous fournissent oxygène et verdure et qu’ils poussent très facilement.
J’interromps ma contemplation pour filer à mon lit. Je récupère mon sabre, ma matraque, mon pistolet à répétition (que j’ai dû récupérer en tabassant l’ancien chef de gang d’ici), enfile ma veste qui était pendue à ma chaise de bureau et file voir Grogmir.
Je payais Grogmir le triple de ce qu’on pouvait lui offrir et j’en avais les moyens et contact. Quand on comprend qu’il vaut mieux être une faction invisible pour éviter d’attirer les foudres des coalitions et l’angoisse sanguinaire des gangs, il faut se parer du moins possible. Tout ces petits caïds qui trainaient dans ce quartier l’ont appris à leur dépend. Après avoir établi mon affaire discrète, tous ces gardes n’étaient mystérieusement plus à leur poste quand ils étaient censé l’être.
Je me frottais les mains. La rumeur selon laquelle le gang du crâne fissuré avait trouvé un moyen de sortir d’ici s’était rapidement répandue.
Une évasion à bargain city ?
Impossible dirait-on.

Mais comment me suis-je retrouvé ici me demanderez-vous certainement ?
Pour tout vous dire : moi non plus je ne comprends pas comment ça a pu arriver :
Tout était pourtant simple, tout était correctement calculé et anticipé. Et c’est une bande de bleus et un apothicaire aussi ingénieux que fourbe qui m’ont débusqué.
La guilde de mercenaires est donc parvenue à me capturer et désormais enquête dangereusement sur nos activités et celles de mes commanditaires. Je suis parvenu à en bluffer quelqu’un en abusant de la réalité selon laquelle un ensorcellement m’empêchait d’en révéler trop sous risque de me faire décapiter. Ensorcellement que j’ai utilisé à l’aide d’un autre magi, un de ces types bizarre, pas ceux en bures noires avec des masques mais un gars qui semblait ressembler à un elfe, son visage était comme « brumeux » difficile de le distinguer, sur l’apothicaire pour garder son silence et continuer notre affaire. Malheureusement, rien de l’empêchait de donner des indices sur notre planque.
2 ans que je suis en cavale, 2 ans que j’ai fomenté et déclencher cette guerre civile dans ce qu’on l’on nomme chez nous « les terres brisées ». Les provocations en duels, le chapardage et échange de documents officiels, l’assassinat et la manipulation : tout pour que les anciennes croyances entrent en conflit avec la volonté d’une meilleure stabilité dans les terres brisées.

Tous ces plans désormais réduit à néant. Maintenant, ils vont m’escorter secrètement jusqu’à mon ancienne maison noble, ceux que l’on surnomme les seigneurs lames. Seule figure d’autorité dans ces principautés. Ils sont plutôt compétents : ils ont dépêchés trois membres permanents, des mercenaires aussi expérimentés que surprenant : un mage sénile, un jeune roublard manquant d’assurance mais d’une débrouillardise impressionnante et un espèce de guerrier nordique au bouclier prétendant être un dru-wi-de. Il s’avère que le mage était un spécialiste de la téléportation, cet art des arcanes dont le but est de trouver des raccourcis dans les fils magiques invisible qui flottent dans le voile de la réalité et de vous transporter en un clin d’œil à l’autre bout du pays. Le roublard était un ancien contrebandier et pirate, classique, mais qui est devenu corsaire et a donc écumé les mers et capturait les criminels marins au nom de ses souverains. Je crois que j’ai entendu parlé de lui, il paraît que c’est lui qui est parvenu à vaincre Kel le mort, le pirate maudit. Quand au dru-wi-de il paraît qu’il était Jarl dans le nord, ou du moins il devait le devenir, mais qu’il a paraît-il préférer déléguer cette fonction à son frère un peu plus jeune afin de devenir un dru-wi-de à part entière. La plupart de ce que je sais sur eux vient de mes informateurs. Ces types là ne sont pas des rigolos contrairement aux bleus qui m’ont eux.

J’ai même réussi à apprendre que les bleus qui m’ont maravé et capturé étaient parvenus à trouver notre chercheuse. Une descendante d’une des plus grandes et anciennes lignées du lointain Est, au pays du soleil levant comme on dit. J’ai appris qu’elle est morte avec son bras s’étant… transformé en une horreur sans nom. Un amalgame de chairs, de bouches aux crocs acérés à broyer du gromril et aux paroles à vous faire tourner la tête où vous vous demander ce qui est réel ou non. Elle était parvenu à trouver un procéder pouvant transformer le gaz soporifique que je chourait à l’apothicaire en puissant gaz mutagène. Toutefois, l’intervention de ces nullards a donc du mettre fin à ses experiences impies.
J’arrive pas non plus à croire que ces mêmes bleus l’ont survécu.
Et encore, leurs actes continuent de faire parler d’eux : ils ont délivrés des chevaliers d’une malédiction et libérer un fort qui était aux mains de mort-vivants. Ils ont aussi, durant une pauvre mission d’escorte de navire, capturé l’un des plus impitoyable flibustier : Reinhard Moroe. Je connais bien ce Reinhard et le capturer vivant c’est loin d’être facile. Le bougre a toujours réussi à filer les autorités, que ce soit la marine, les chasseurs de primes, tueurs professionnels, et même les elfes et monstres marins. Un sacré numéro, dommage qu’il soit tombé si bas. D’ailleurs, coïncidence surprenante, le jeunot qui se trouvait avec nous n’était autre que son frère, Jack Moroe.
Je dois dire que je les ais grandement sous-estimé ces bleus.

On avait donc commencé le transfert, longue route qui nous attendait. Une à deux semaines, on était plus trop loin de l’arrivée et de mon jugement. Toutefois…
Toutefois on avait remarqué être poursuivi. D’invisibles traqueurs nous suivaient et nous épiaient. Ils nous ont attaqués de nuit, blessant le mage incapable de nous téléporter avec ce qu’il lui restait de santé mentale hors d’ici. Le nordique s’est fait brutalement entaillé, moi je me suis fait assommé. À mon réveil nous étions dans une grotte, le nordique était grièvement blessé de toute part et il ne portait plus qu’un pagne. Le roublard une légère balafre s’occupait de soigner ses deux compagnons. Il fut mention d’une transformation ou je ne sais quoi mais apparemment ça nous avait sauvé. Ils pensent que je n’ai pas la moindre idée de ce qu’ils se passent. Mais ils se trompent. Je me doutais bien que mes anciens alliés et employeur n’allaient pas tarder à me donner de leurs nouvelles.
Quand je leur ai expliqué que ces types ne cherchaient pas à me libérer mais bien à me réduire au silence, j’ai obtenu un levier qui pouvait éventuellement me sortir de là.
Ainsi, nous avons dû être honnête l’un envers l’autres : on ne se fait aucunement confiance mais nous sommes dans le même bateau, et ce bateau a un sacré trou dans la coque.
J’expliquai alors ce que nos poursuivants nous voulaient : m’éliminer et mettre au silence ceux qui étaient au courant de leurs agissements. Si je parlais pour essayer de sauver ma peau, car je savais comment contourner le sort, cela risquait de nuire à leurs plans. Je refusai d’expliquer quoique ce soit à mes geôliers car sinon je perdais tout moyen de négociation. Je sais très bien ce qui m’attends une fois arrivé à la cour de ma maison mais j’ai encore des cartes dans ma main.
Logique qu’ils veulent notre mort, pourtant le contrat ne stipulait en rien cette éventualité. J’ai été choisi pour mes compétences et l’incapacité des autorités à me choper continuellement.
Comme quoi, le destin est une véritable blague avec laquelle les dieux doivent bien s’amuser à manipuler.

Contre toute attentes, le nordique venait de défaire mes liens. Il n’était pas comme ces macaques brutaux des neiges qui ne jugent que par la force et « l’honneur », lui était plus logique et rationnel. Si j’essayait de m’échapper il m’a jurer qu’il me retrouverait. Et à la vue des murs complètement déchiquetés par d’immenses griffes, un mètre et demi d’envergure sur la pierre, je devinais qu’il ne plaisantait pas. Il me fournit alors mon sabre. J’étais surpris de revoir cette merveille, héritage complet de mon nom et ma lignée : les seigneurs lames, meilleurs duellistes qui soit.
Nous étions donc prêt, la nuit était tombé et les ombres de la pénombre dansaient avec la lueur de notre feu de camp.
Un sifflement, un déchirement dans l’air. Rapide comme l’éclair, sabre déjà dégainé je parviens à dévier le trait. Une flèche noire comme la nuit, avec une sorte de trainée brumeuse derrière. Je n’avais jamais rien vu de tel. Puis d’autres traits, le norse se rua sur moi et me couvra à l’aide de son bouclier. Le mage préparait quelque chose, s’étant câché derrière un arbre. Le jeune filou avait disparu, s’était-il enfuit ?
Les tirs venaient de devant le norse, nous campions, s’ils avaient bougé on les aurait entendus.
Ils ne nous avaient point encerclés. Aussitôt, le mage nous hurla de fermer nos yeux immédiatement. Je m’exécute, il vaut mieux écouter ce qu’un magi vous dit de faire en général.
Même avec mes paupières fermées, je pouvais sentir une forte lumière embraser celle-ci. J’entendis des sifflements au loin venant de la pénombre. Aussitôt le norse m’agrippa et me traina dans une course effrénée, même en rouvrant mes yeux je ne pus distinguer grand-chose devant moi. Nous courions dans les ronces, les trous remplis de vermines et de vase. Nous étions trop ralentis par le terrain.
Le jeunot revint à nos côtés nous intimant qu’il fallait absolument allumer des torches. Sans discuter, et ayant repris appuie sur mes propres jambes j’alluma à l’aide de mon briquet une torche. Elle illuminait les environs tel un phare solitaire sur les côtes du nord, transperçant la mauvaise brume et guidant les navires. Je distinguais derrière moi, une silhouette élancée, grande, avant qu’elle ne disparaisse de suite. Nos poursuivants n’aimaient pas la lumière ?
Le roublard sortit une arbalète plutôt singulière, elle possédait une sorte de rectangle situé sur la partie supérieure avec une manivelle. En se tournant il décocha non pas un mais bien trois traits avant de recommencer à courir.
C’est insupportable, nous devons courir sans savoir qui nous poursuit, nous combattons un ennemi invisible.
Je pourrais aisément m’écarter du groupe, mais mon instinct de survie m’intima que c’était certainement la chose la plus stupide à faire. Je me retrouverai isolé et sans aide face à des archers nocturnes très rapides.
Toutefois, comment pouvais-je avoir la certitude qu’ils cherchaient à me supprimer ? Peut-être voulaient-ils simplement me libérer ? Une éventualité que j’écartai de suite dans ma gymnastique mentale de l’instant : j’ai coopéré avec la guilde pour qu’ils me foutent la paix et que j’ai une chance de m’en sortir, difficile de se dire que ces types vont m’aid….
Une piqûre. Un estoc dans mon flanc gauche. Par tous les saints ! Ça me brûle !
L’adrénaline continue de faire son effet, je grogne et continue de courir. Je remarque toutefois que je commence à ralentir…
Nos adversaires se trouvaient devant nous ?!
« Ils utilisent les ombres pour se déplacer ?! » s’exclama le nordique. Cela signifiait qu’ils ne faisaient que jouer avec nous depuis le début.
Je me sentais encore plus faible, mon corps souhaitait s’affaler sur le sol doux du mélange de terre et d’herbe. Nous avions atterris dans une clairière illuminé par la demi-lune dans le ciel, mais sa sœur n’étais pas là.
Je lâcha mon arme, mes doigts tétanisés refusant de produire le moindre effort.
Merde ! Non !!
Saleté de poison !
Je perds mes forces rapidement, j’ai sommeil.






Mon premier jour…
Obscurité, odeur âpre de suie et de poussière. Suis-je donc sous terre ? Je tente de bouger, bruits de chaines en réponse. Menottes aux poignets. Ça ne ressemble pas à une prison classique. Des fenêtres qui s’ouvrent sur ma gauche ? Je distingue mieux la pièce : brique grossière avec des trous de rats, lit de fortune en paille avec une couette dessus, une porte en métal. Je peux voir l’extérieur ! Enfin quelque chose de rassurant !
Un coup d’œil dehors je vois….
Une ville ! Rien à voir avec mon chez-moi originel, donc c’est bon signe !
Pas de ciel ? Où sommes-nous ? Je vois des passants, certains sont en bures, d’autres en haillons ou en vêtements normaux. J’aperçois aussi des individus hétéroclites, on aurait dit des aventuriers avec leur équipement. D’épaisses brutes sans uniformes similaire faisaient office de garde, des mercenaires ?
Comme dit pas de ciel, au lieu de cela un immense plafond qui doit certainement faire dans les 150 mètres. Nous sommes donc bien sous terre, le bourdonnement des murs et du sol me le font bien comprendre. Des cristaux vert clair au plafond produisent de la lumière. Les bâtiments sont un patchwork de masures en matériaux de récupération, tandis que d’autres sont plus « élaborés » avec un vrai travail de la brique, les rues sont pavées aussi. C’est étrange, la misère se mêlaient à une forme de luxe. Comme si nous avions un village miteux de ces arriérés de bretonniens flanqué dans une des glorieuses forteresses naines. Jamais je n’avais vu ça.
Et tout ce beau monde, elfe, humain, nain, halfling semblait vivre en « harmonie ». Je voyais des armes au fourreau de chacun, des regards méfiants et des bruits de bagarres et de rixes. Les gardes n’intervenaient que pour dépouiller ceux qui n’avaient pas pu s’enfuir de la rixe. On livrait des légumes, vendait de la viande douteuse. Malgré l’énorme espace, il y avait une odeur condensée de renfermé : pourriture, excréments, parfum, tannerie, eau courante et eau croupie. Je dû retenir un haut-le-cœur. On sentait tout ce que cet endroit vous réservait.
Quel était cet endroit ?

À ce moment, j’entendis une porte coulisser. Je vis un homme âgé, bien habillé, en robe rouge.
La lumière supplémentaire, apportée par l’ouverture de la porte, me permit de distinguer dans ma cellule une table en bois avec des renforts en aciers ainsi que des chaises également en bois mais finement travaillées entrant en contraste total avec ce que je venais de voir.
« Asseyez-vous, nouveau détenu » me lança-t-il avec le ton condescendant qu’on les bureaucrates qui ont le temps.
J’examine la situation : la porte est toujours ouverte. Étrange. Il est confiant, je dois faire une tête de plus que lui. Ses lunettes pendent sur le bout de son nez. Calvitie bien arrangée, bien rasé. Trop propre sur lui avec son espèce de bure rouge et noire dont la teinture sombre était dissimulée par le peu de lumière disponible. J’avais les poignée enchaînés, du moins je le pensais car les chaînes étaient tombée au moment où je m’étais relevé pour observer la fenêtre. Pourquoi diable me ferrer si c’est pour que ces menottes tombent une fois réveiller ? Pourquoi cette porte ouverte ? Qu’est-ce que cela pouvait bien signifier ? Je pourrais si aisément m’échapper, je n’ai qu’à le bousculer et m’enfuir en courant, au vu de l’endroit et me connaissant bien je pourrais facilement devenir un caïd, le banditisme ça me connaît bien en plus de mes magouilles politiques.
Tant de confusion que mon interlocuteur perçu de suite.
« Asseyez-vous mon bon monsieur que je vous explique où vous êtes et comment les choses fonctionnent par ici, vous n’êtes pas le seul. »
C’était louche. Si on essayait de m’empêcher de m’enfuir alors on aurait pris plus de précaution.
Je m’asseye sur la chaise étrangement confortable comparé aux pierres sur lesquelles je devais m’asseoir le soir durant mon transfert catastrophique.
Il sortit quelques papiers, des documents en me demandant si je savais lire et écrire. Étant noble, je possédai bien entendu l’éducation, je parle tout de même 7 langues différentes !
J’aquiésait.
« Fort bien. » se contenta-t-il de répondre.
Il me présenta les documents . Pas de chefs d’accusation, mais plus une forme de ….recensement ?
« Vous êtes un détenus, tout comme je le suis. Je vous parle donc d’égal à égal. Oubliez tout ce que vous connaissiez, car tout comme moi vous vivrez, resterez et mourrez ici. Ces documents comme vous avez pu vous en rendre compte sont vos papiers. Ils nous permettent d’enregistrer qui vient d’arriver. Vous êtes à Bargain City, la ville-prison. Je vous fais un résumé rapide : comme son statut l’indique, cet endroit gardé secret sert à incarcérer certaines personnes que l’on a jugé ne devant plus exister à la surface. La ville est entièrement administrée par les détenus eux-mêmes. Des provisions et approvisionnements nous sont fournis une fois par mois de l’extérieur. Je vous recommande d’inscrire ici votre historique et de vous trouver une profession. La ville est cogérée par quelques groupes. Chacun gérant certaines activités. Ce qui était autrefois illégal devient autorisé, à condition bien sûr que l’organisme responsable de la zone dans laquelle l’activité est menée soit d’accord avec l’établissement de celle-ci. En règle générale, les activités qui sont, à la surface, considérée comme « légale » le sont toujours et n’ont pas forcément besoin de l’aval d’un des gangs. Toutefois, il est conseillé de bien s’entendre avec ses voisins afin de se protéger mutuellement de certains risques évident. Les gangs peuvent également vous fournir une protection contre paiement. L’air de rien, comme j’ai bien le dire, les indépendants n’ont pas tellement la vie dure rassurez-vous. Et de toute manière chaque détenu n’est pas un simple badaud. Voyez-vous, bon nombre d’entre-deux sont des aventuriers, des explorateurs, d’anciens espions, des chevaliers voire des mages. Chacun sait se défendre correctement, aussi si vous souhaiter vous joindre à une rixe vous saurez que vos codétenus seront totalement en capacité de se défendre. La garde est gérée par territoire et donc par organisme responsable : gang, coalition, union de marchands. Rassurez-vous, les lanceurs de sorts ont droits à un traitement spécial. Chacun d’entre-deux se voit restreint au niveau de l’utilisation de sa magie, que ce soit à cause de son inhibiteur ou de l’affaiblissement du lien avec les vents que l’endroit présente. Leurs capacités sont donc grandement réduites mais ils restent donc capables. Vous n’aurez donc point d’incident inculpant une boule de feu lancée par hasard brûlant un quartier entier et asphyxiant entièrement la ville. D’ailleurs, l’aération est gérée par divers conduits, mais n’espérez pas pouvoir vous y glisser étant donné qu’ils ne sont même pas assez grand pour y laisser passer un gnome. »
Il m’exposa alors une rapide présentation des factions et des personnes à éviter de froisser. Conseil que j’avala avec peu d’attention. On me remit quelques vêtements que j’avais avant.
Une fois qu’on m’accompagna dehors, je pris la journée pour faire le tour de la ville. Je dis journée mais la perception du temps ici est altéré car ces cristaux verts agissant comme de petits soleils ne faiblissent quasiement à aucun moment. C’est comme si la journée refusait de laisser la pénombre de la nuit prendre le dessus.
Quand on veut trouver le sommeil à Bargain City, un conseil, cherchez des endroits bien sombres, en l’occurrence aux abords de la ville, sur les murs où on voit toutes ces masures et bicoques suspendues.
Deux grandes cascades aux abords nous fournissant eau courante et donc source de vie. Bien entendu, les gangs et autres organisations ne plaisantent pas avec la sécurité de ces deux sources : si on nous coupe ceci, nous mourrons tous de soif (sauf les nains qui n’auront qu’à lécher la mousse sur les murs).
Et pour cause, des gens étranges avaient tenté d’empoisonner cette source, mais la sécurité renforcée en plus de la garnison de la coalition des gangs, dissimulée près des sources, eurent vite fait de les massacrer sans vergogne. Tout le monde dans cette ville était d’accord pour protéger ces deux sources.
Bien entendu, c’est aussi les protecteurs qui rationnent…
De ce que j’avais compris, on finissait à Bargain City : soit parce qu’on posait trop de question, soit parce qu’on a irrité une société secrète opérant dans l’ombre, soit parce qu’on voulait s’y rendre. J’ignorerai tout de mes ravisseurs. Et pourtant ils m’ont envoyé ici sans que je le découvre un jour.
Étrange alternative. Si ça se trouve, c’est ici qu’on va une fois mort ?
Dans une prison.
Car oui, Bargain City est en réalité une prison comme les autres.
On y trouve les types dangereux et fous, ceux qui étaient là au mauvais moments au mauvais endroit, ceux qui étaient censé avoir une peine moins lourde… Il y a de tout
Les petits contrebandiers, les trafiquants, les caïds, les passeurs, les tueurs, les taupes.
Même emprisonné, nous restons libre d’une certaine manière. Il s’agit simplement d’un nouvel environnement et ce sont bien les chefs de gangs qui nous le prouvent.

De retour au présent
J’ai réussi à me faire un nom par ici. D’abord en usant de mes talents de duellistes. S’il y a bien quelque chose que les criminels reconnaissent bien, c’est la puissance martiale. Fort heureusement, ma maison a obtenu ses titres de noblesses exclusivement grâce à son passé militaire et mercenaire.
J’avais donc gagné le contrôle de ce quartier. C’était à moi, mais personne ne le disait haut et fort et j’aimais ce secret que tout le monde sait mais refuse d’admettre, car sinon vous vous retrouvez accro au fluide du jour au lendemain car quelqu’un est venu et vous a injecté une belle dose durant votre sommeil. La loyauté d’un drogué est si facile à obtenir si tant est que vous lui promettez sa prochaine dose.
Cette fameuse évasion était belle et bien vraie. Heureusement, je m’étais approprié du quartier général du crâne fissuré. Très rapidement, j’avais appris que le chef avait réuni une bande « d’aventuriers » qui étaient responsables du casses du casino de Lamercantume. L’halfling et son mutant de gros bras se sont fait esquintés et pourris.
Le passage secret était planqué près de l’une des ruines. J’ai fait en sorte que personne ne soit présent ici, car c’était jour de marché ! Et bien entendu, j’avais réduit au silence ceux qui en savait trop, c’est-à-dire pas grand monde mis à part un gamin bavard qui aurait vu l’ancien chef accompagné de 6 autres individus et un de ses hommes qu’il aurait égorgé avant d’emprunter le passage.
Personne d’autre mis-à-part moi était donc au courant.
Une fois devant le passage, je voyais ce trou béant, une fois bien sûr retirer les décombres et les draps qui empêchaient de voir ceci. Les gardes que j’avais posté on bien éloigné les curieux et tant mieux. On ne pouvait se risquer d’attirer tout le monde, surtout quand la population de Bargain city avoisine les trois milles.

J’étais donc devant ce trou, cette entrée. Une odeur âpre de cadavre et de liberté s’en échappait. Grogmar me demanda alors ce qu’on attendait.
Je restai alors figé.
L’inconnu mais une alternative, une échappatoire se présentait devant mois.
J’hésitai.
Devant, l’éventualité de la liberté, dans la mort ou l’évasion. Je sentais monté en moi crainte et palpitation, enfin quelque chose d’unique…

Je me tournis vers Grogmar en sortant un objet rond, un dernier cadeau que j’avais gardé de mes escapades.
Je posa l’objet, sortit mon briquet et alluma la mèche avant de lancer l’objet le plus loin possible.
« Démoli moi tout ça, bouche moi cette sortie avec ce que tu peux. »
Grogmar incompris me toisa.
« Que vaut finalement la liberté une fois qu’on s’est rendu maître des lieux ? Nous sommes pourtant les rois de cette ville ! Nous en sommes les marionnettistes invisibles. Pourquoi on voudrait retourner là-haut avec tous ces problèmes et incertitudes ? Restons ici Grogmar, je sens qu’on va mener une meilleure vie ici qu’ailleurs. »
Il acquiésa.
Première fois qu’il me surprend. Je ne pensais pas qu’il comprendrait ma tirade. Quoiqu’il en soit, nous nous éloignâmes avec un bruit sourd suivi d’un tremblement puissant.
Puis quand je sentis cette froide sensation sur mon flanc gauche, un dard étant venu des ombre, je pus distinguer depuis la petite allée où se trouvait le passage, quelque chose de drôle.

Alors que Grogmar se retournait et que je crachai du sang, je voyais une petite fumée de couleur violette.
Je souris en attrapant la tête de la gamine vengeant son frangin et lui brise la nuque avant que Grogmar ne me porte chez notre médecin attitrée.

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Galfric Lawmaker, Mercenaire (chasseur de prime)
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Tiens ? On l'entend au loin...
Bien des raisons nous amènent à chasser des têtes: répandre le peu de justice qui existe en ce bas-monde, pouvoir éventrer et casser des dents sans risques de représailles, ou l'argent?
Pour moi, ce n'est certainement pas la dernière.

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Alicia
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Re: [Concours] L'Evasion

Message par Alicia »

Sur les murs de Maharta, Ashar observait la campagne environnante, abîmée et amochée par les troupes alliées des principautés voisines. Il avait obtenu sa vengeance longtemps planifiée, complotée, contre le tyran sanguinaire de Muraboya, Sullah le noir.
Ce pourceau avait massacré sa famille jusqu'au dernier dans sa folie meurtrière. Lui, et d'innombrables autres, n'avaient du leur salut qu'au sacrifice de leurs maîtres, qui avaient incendiés la bibliothèque où tous étudiaient depuis des années afin de servir au mieux la principauté et sa longue lignée - au regard des critères employés dans les principautés - de sages souverains. En fumées, parties les listes des membres de la madrasas. En fumées, également, partis les ouvrages, parfois centenaires, réunis au prix de grands efforts, qui étaient dans ses rayons...
Le tyran n'avait reculé devant aucune bassesse pour les chasser tous, jusqu'au dernier, les fils de Tsien Tsien, fidèles serviteurs de l’État et fils et filles de Muraboya. Des chasseurs à l'âme aussi noire que celle du despote avaient été envoyés aux quatre coins de la région, afin de tous les traquer et les tuer, tous autant qu'ils étaient, où qu'ils étaient, et quelqu'en soit le prix. Des guerres monstrueuses avaient été livrées dans les principautés voisines où l'on avait cherché à fuir, résultant de souffrances pour des milliers. Des assassins avaient écumés les sentiers pendant des années, afin de les pourchasser et les tuer. Des agitateurs, envoyés pour les brûler au cours de pogroms, où qu'ils étaient.... Même dans la lointaine Bretonnie ils n'étaient en sécurité....
Ainsi périt son père, et sa famille, sous la main d'une foule en furie alors qu'ils s'étaient réfugiés dans les terres les plus sauvages et barbares qui puissent exister sur ce monde pourrit. Devenu scribe à Couronne, cela ne l'avait nullement protégé, lui et sa famille, même en changeant de nom et en faussant l'histoire de leur lignée. Ils avaient été retrouvés.
Lui seul avait émergé, survivant, du pogrom. Et en lui brûlait une flamme hurlant de vengeance.

Des années après avoir été ainsi meurtri dans son âme, il s'était enfui à Marienburg, ville où un homme de son talent n'avait tardé à s'illustrer, tout d'abord comme mercenaire capable, puis courtisan, marchand, intriguant.... Un homme aux multiples visages, versant dans divers domaines, jusqu'à s'illustrer par ses services, comme excellent bretteur et aventurier.
Une étape nécessaire pour approcher les rares agents de Sullah dans la ville. Car si Muraboya était une grande puissance, incontournable dans les frontalières, elle restait une puissance.... des frontalières. Pas d'ambassades à Marienburg donc, juste des marchands de la région, entreprenants, également dotés de lettres de marque des souverains, ayant la liberté d'agir à leur gré dans les intérêts du royaume. C'est comme ça que celui ci s'était d'ailleurs doté de nombreux talents à travers les différents souverains de celui ci. C'était comme ça que son grand père, chasseur du Nordland, avait été recruté, du temps du tout premier roi.
Et que lui même avait été recruté par ces agents, amené à Muraboya, après s'être illustré au cour de la traversée, contre brigands, pirates et mutants.
Qu'à Muraboya, sous une fausse identité, il étai entré à la cour du tyran sanguinaire, vile créature à l'âme noircie et qui, si Tsien Tsien le voulait, périrait de son bras.... Pourvu qu'il en ait l'occasion.
Comme dans les histoires d’horreurs, le souverain, despote, avait tous les aspects du méchant. Expression grave constante, vêtements sombres, un conseiller sinistre derrière lui, lui chuchotant de sombres machinations à l'oreille.... Le même sinistre homme, de qui une aura de malveillance suintait, qui l'avait fait mener à son laboratoire. Qui l'avait installé sur une étrange chaise, avant, sous l’œil du despote, de l'attacher et lui faire prêter serment au roi tout puissant. Un désagréable moment, mais un serment qu'il avait néanmoins prêté, sans l'once d'un doute, et dans la volonté de le tenir. Car il le savait, il ne serait celui qui briserait ledit serment. Le despote était un scorpion, et il le trahirait en premier, libérant ainsi le jeune homme de ses devoirs, et lui laissant la liberté de mettre en place l'étape suivante de sa vengeance, assisté qu'il était par le réseau de survivants de la purge, qu'il avait réussi à tisser au fil des années et de ses pérégrinations. Un groupe puissant, lui fournissant liquidités et opportunités.
Tout ce qu'il avait à faire, était de servir, et survivre à la trahison, pour que les secrets qu'il découvrirait, les faiblesse du sultan, lui soient connues, soient délivrées, et paver le chemin que prendrait son ire...

Les premières années furent ainsi consacrées à la lutte contre la contrebande, sous couvert de laquelle les puissances voisines envoyaient des expéditions cartographier le large réseau de fleuves et marais, à l'Est de la principauté, à la recherche d'une route d'invasion.
Puis un jour, on se mis à lui confier des missions d'assassinat, dont il s'acquitta avec diligence, à Arkendorf, et d'autres lieux de pouvoirs des frontalières. Jusqu'à ce qu'il fut trahit.
Les noirs desseins de Sullah avaient fuités. Envoyé à Barak Varr pour mettre fin aux jours d'un noble nain, sa présence avait été révélée en avance aux nabots. Mis aux fers avant d'avoir le temps de comprendre ce qui lui arrivait, il était jeté comme un vulgaire sac à navets sur le premier navire à destination de Muraboya, puis, de là, envoyé à Maharta, la nouvelle capitale de Sullah. Après avoir été battu presqu'à mort par les fils de Grugni, celui qu'il devait assassiner lui avait révélé que Barak Varr était au courant des machinations de Sullah. Qu'il n'était pas le premier de ses agents et assassins qu'ils saisissaient. Et qu'il ferait mieux de délivrer à son maître "aussi fourbe et retours que ces foutus elgis," leur message : ils savaient. Ils savaient et Sullah, ce chien qui désacralisait l'antique alliance avec la puissante cité naine et sa famille, tomberait un jour sous la hache des fils de Grugni s'il essayait à nouveau de faire verser le sang royal. Puis de rajouter, pour remuer le couteau dans la plaie, que Ashar avait été trahit par son propre maître. Sa mission, il n'était jamais sensé la réussir. Dès son arrivée, ils avaient été prévenus de sa présence par un des agents du sultan, via des moyens détournés. Ainsi la tête d'Ashar était elle sensée se retrouver sur une pique, tandis que, festifs, les longues barbes festoieraient à leur succès, pour ne mieux tomber sous les couteaux dudit agent, dissimulé. Agent qui avait fait le voyage avec lui en fond de cale. Sa tête plus exactement, dans un magnifique petit coffret bien ouvragé, car on parlait ici de nains.

Et pourquoi lui même était vivant ? Parce qu'il fallait quelqu'un pour délivrer le message. Et que par ses années en tant que mercenaire, il avait contribué à effacer quelques rancunes. Deux en fait. Assez pour qu'on ne le hache pas sur place, malgré l'ampleur de sa putain de trahison, saleté d'humgi qu'il était. Et la prochaine fois qu'il foutait les pieds dans une cité naine, ce alors on détruirait sa merde d'existence si fort qu'il ne pourras pas marcher avec sa..... Eh bien une longue suite d'insultes et malédictions qui dura bien cinq longues minutes.

Et ainsi s'était il retrouvé, exposé, comme un criminel, des fers au bras, pour expliquer le pourquoi du comment de son échec.... Et de se voir répondre en retour qu'il n'était qu'une déception, un traître, et que le fait qu'il soit encore en vie était, au vu de son échec, une bien malheureuse surprise. Son cadavre eusse été bien plus utile. Mais il était en vie. Et avait échoué sur toute la ligne n'étant même pas capable de mourir correctement.
Pour cet échec, la mort était la seule récompense à la hauteur des faits.

Mais il l'avait énervé à hurler son innocence et sa loyauté. Alors il serait condamné à un sort pire que la mort.
Malgré les chuchotements de sa sombre éminence grise, le monarque décida d'envoyer Ashar, pour le restant de ses jours, à la citadelle du désespoir.

Assommé, mis à fond de cale, à nouveau, pour une semaine, avant d'en être tiré violemment, pour être confié à la bonne garde d'une demi douzaine d'hommes d'armes, l'attendant sur un ponton.
Au loin il pouvait voir la citadelle du désespoir, un vieux donjon de cinq étages, qui surplombait le détroit entre l'île, et le continent, à quelques cinq kilomètres de là, à la nage. Dans le ciel gris de l'hiver, la citadelle se découpait de manière sinistre alors qu'un vent glacial s'insinuait sous les vêtements d'Ashar.
D'une voix guillerette, le capitaine du navire lui expliqua, guide touristique qu'il était à ses heures perdues, alors qu'il le remettait à la garnison, que l'un des ancêtres du despote l'avait bâtie pour tenir les pirates à l'écart des côtes. Depuis maintenant cinquante ans, elle était devenue inutile, grâce à la puissante flotte du royaume. Elle était donc tombée en ruine, jusqu'à ce que Sullah décide d'en faire une prison.
Un peu trop gaiement à son goût, le capitaine lui souhaita un bon séjour en agitant la main.
Escorté sous un ciel hivernal, noir et orageux, à l'image de son humeur, il fut remis à un groupe d'hommes emmitouflés das d'épaisses capes, qui attendaient sur le ponton.
Un marin remis un mandat à un homme nommé "le gouverneur", document que l'intéressé prit sans dire mot, ni même y accorder d'attention, se contentant de dévisager le prisonnier, lui intimant de le suivre.
Les gardiens ressemblaient plus à des bandits qu'autre chose, ne portant aucun uniforme, et de gros gourdins au lieu de masses ou épées. Certainement, ils pouvaient lui briser les bras ou les jambes s'il essayait de fuir, mais pour aller où ? se demandait-il en regardant les environs.

"Tu peux t'échapper, déclara le gouverneur, comme s'il lisait dans ses pensées. T'es un rapide on dirait, alors tu arriveras peut être à courir plus vite que les gars. Mais avec ces chaînes, c'est pas dit. Et si tu réussis à descendre jusqu'à la plage, au Nord, t'iras où après ? Il parait proche hein ? Le continent je veux dire. Quelques lieux, c'est tout. Mais y'a un courant dans le détroit, qui pousse au Nord. Puis après y'a les requins et les autres bestioles. Sans oublier les chaînes qui te font couler. Peut être que t'es bon nageur ? Mais même de l'autre côté y'a rien à bouffer sur des lieux, lui conta le gouverneur, alors qu'il arrivaient devant un antique pont levis qui devait être resté abaissé depuis des décennies, au-dessus d'un ravin rempli de rochers déchiquetés tout au fond.
T'es peut être un bon chasseur remarque. Peut être que tu t'en sortiras même, malgré l'hiver. Tu pourrais faire un feu et pas mourir de froid. Mais devine quoi", continua-t-il en se retournant.

Ashar put alors regarder le visage de son interlocuteur pour la première fois. Le gouverneur n'avait plus d'oeil droit, juste une paupière close, une cicatrice sur le nez, comme si on lui avait donné un coup de lame en travers du visage. Pas de dents non plis, remplacées qu'elles étaient pas un appareil en bois et des dents, humaines ou bien animales, qui davaient aider à se nourrir.

La seule civilisation à des centaines de kilomètres, c'est les terres du roi liche, expliqua-t-il en souriant. Et c'est une ville frontalière, alors on fait gaffe à qui y entre. Regarde autour de toi mon gars. Lève les yeux aussi.
Ashar obéit.
Je me dit que c'est peut être la dernière fois que tu vois le ciel.

Entrant dans la forteresse, escorté des gardiens, le gouverneur lui fit la présentation des lieux. Une immense salle nue avec des murs percés de portes à doubles battants, au sol dallé rendu lisse par le passage des années. C'était l'ancienne salle à manger, lui expliqua-t-on. Elle ne servait désormais qu'aux banquets lui dit on, provoquant des rires dans les rangs des gardiens.
Conduisant le prisonnier vers ce qui avait du être l'appartement privé du commandant, désormais un bureau qui abritait un table jonchée de nourriture et de gobelets de vins vides, ainsi que des papiers, Ashar eu le loisir d'observer un rat qui s'enfuit alors que le gouverneur fit un geste dans sa direction.

Ôtant sa cape et se lançant sur sa chaise, le gouverneur se mis à lire le mandat qu'on lui avait donné, puis se présenta au prisonnier.

Je suis le gouverneur Humad. Avant, j'étais sergent dans la garde royale, à l'époque de la mère du duc actuel. J'ai récolté ça, expliqua-t-il en désignant son visage, à la bataille des collines osseuses, alors que j'étais à peine plus vieux que toi. Ma récompense, c'est ce boulot. Une fois par an, j'ai le droit de passer une semaine sur le continent, où je dépense mon or en filles et en vin. Le reste du temps, je m'occupe de vous, les prisonniers. Alors faut bien qu'on se comprenne tous les deux. Si tu causes pas d'emmerdes, tout ira bien. T'es là pour mourir en gros, mais à toi de voir comment ça se passe entre maintenant et quand t’ira voir Morr. Le mandat dit que tu dois être bien traité. Ça veut dire un peu plus de bouffe et une place à l'étage plutôt qu'aux cachots. Là bas on crève rapidement en deux ans. Là haut, t'as... ben un peu d'air frais, et du soleil. On se les gèle en hiver, mais en été t'as la brise. Y'en a là haut ça doit faire... Quinze vingt ans je crois ? Alors on va te monter... Dès qu'on aura coupe le bras droit.

Faisant signe aux gardiens, il fut empoigné par les bras, soulevé légèrement du sol, pour ne pas pouvoir prendre appui et résister, avant d'être descendu des escaliers.
Lui expliquant l'absence d'infirmerie, le gouverneur devait se contenter de faire ça dans un cachot quand il devait amputer ou faire des trucs du genre. Quand par exemple un gars se faisait tailler ou une éraflure et qu'il fallait tailler dans le vif. Ordonnant qu'on amène du cognac, le gouverneur lui rappela que ceux qu'on envoyait dans le coin avaient vraiment fait chier le sultan. Dans le temps, y'avait même un crochet où il pouvait suspendre un prisonnier, pour le faire hurler un jour ou deux. Mais il était cassé, comme une partie du matériel. Et rien avait été remplacé malgré ses demandes.
Un feu allumé dans un brasero sans doute utilisé autrefois pour chauffer des instruments de torture, aujourd'hui le gros hachoir qui allait servir à couper le bras d'Ashar.
Celui ci avait envie de se débattre, de lutter, s'enfuir... Mais il savait que sa situation était sans espoir aucun. Pour survivre, il ne devait pas lutter. Serrer les dents, subir.
Alors que la lame rougissait après quelques minutes laissées dans le braseros, l'esprit d'Ashar était en ébullition. Jusqu'au dernier moment, il avait cru qu'il aurait pu s'évader, d'une manière ou d'une autre. Il pouvait prendre de vitesse les gardiens et atteindre la plage, puis rejoindre le continent à la nage et....
Brusquement on tira avec violence sur ses chaînes, alors qu'il sentit de puissants bras enserrer sa taille et qu'un gardien utilisait la chaîne pour l'obliger à tendre le bras en travers d'une table en bois. Le hachoir sorti du feu, le gouverneur, d'un geste fluide, trancha le bras d'Ashar entre le coude et le poignet.

Sous le choc, Ashar cria alors qu'il était prit de vertiges, tandis que le gouverneur examinait la blessure avant de cautériser une artère qui saignait, avant de jeter à nouveau le fer dans le feu, se servant alors une rasade de cognac.
Toujours debout, la douleur qui remontait dans son bras lui était abominable, au point qu'il s'évanouit avant même d'être trainé dans sa cellule.


Gisant en plein tourment, brûlant de fièvre, la douleur d'un moignon qui le faisait souffrir à chaque instant, il ne cessait d'osciller entre veille et perte de connaissance, se perdant parfois dans des rêves et visions, hallucinations horribles dues à la douleur, la perte de sang, les mauvais traitement qui avaient suivi son échec, sa trahison. Il lui arrivait de se replonger dans ses souvenirs, ceux d'une fuite désespérée, alors qu'enfant. Ceux du lynchage de sa famille. Ou encore des bras de la première femme qu'il avait aimé, persuadé de n'être que dans un cauchemar dont il sortirait bientôt, que tout irait bien....

A d'autres moments, il se réveillait en sueur, trempé, froid, mais avec l'esprit bien trop clair pour son propre bien, percevant clairement une douleur aigüe, parfois lancinante au bras droit. Sa main droite qu'il essayait de bouger, pouvant la sentir, pour ne voir qu'à sa place un moignon sanglant, couvert d'une espèce d'onguent et enveloppé dans des chiffons.
A mesure que son esprit s'éclaircissait, que les mirages de l'esprit se dissipaient, il pouvait prendre conscience de son nouvel environnement. Il voyait une pièce, qu'il redécouvrait, sans les altérations de ses visions. Des murs de pierre, sans aucun meuble, seul confort à sa disposition étant une paillasse et deux grosses couvertures. Le privilège des "spéciaux". Superbe couche de fortune qui empestait l'urine et la sueur. Une porte en bois, verrouillée de l'extérieur, une ouverture grillagée. Et face à la porte, à l'autre bout de la pièce, une ouverture. Une fenêtre, dotée de deux barreaux en fer, qui laissait entrer la lumière du jour.
Se levant, il sentit immédiatement ses genoux faillir sous lui. Un réflexe le trahit, alors qu'il essayait de se rattraper avec sa main droite. Il trébuche, heurte le mur avec le moignon. Pousse un cri, a la tête qui tourne, s'évanouit de douleur.
Il reste là, allongé, étendu, haletant, le visage couvert de larmes et que son corps le trahi, secoué par cette douleur atroce qui lui démange non seulement le bras, mais aussi le reste du corps, le choc de la chute étant remonté jusqu'au cou et à l'épaule. Toute la moitié droite de son corps le suppliciait, comme si rongé par le feu.
S'obligeant à respirer lentement, il parvint à maîtriser un peu cette douleur. Lentement, cette garce s'en allait, diminuant petit à petit jusqu'à ce qu'il ait l'impression de l'avoir mise en boite, et jetée à l'eau.
Il se leva à nouveau, avec soin cette fois ci. Les genoux, vieux amis, étaient flageolants. Mais son équilibre demeurait. Debout, les yeux ouverts, il regardait autour de lui.... Pour voir qu'il n'y avait rien à regarder. Titubant vers la fenêtre, il y leva son bras gauche, empoiganant les barreaux, et s'aperçu que ceux ci étaient bien en place, solidement engoncés dans la pierre. Quoique celui de gauche bougeait un peu. S'y agrippant, il essaya de se hisser pour voir le dehors. Mais c'était là un effort trop important. Il eut mal dans tout le corps. Il remettrait le couvert plus tard.

Une heure plus tard, après son réveil, la porte de sa cellule s'ouvrait. Un homme très sale à la coiffure négligée et une barbe encore plus sale entra, un seau devant lui. Il était souriant le salaud. Le félicitant d'être en vie, il se présenta comme étant un voleur. Un voleur qui bougeait librement ? Oui. Car ça faisait dix ans qu'il était dans le coin. Il faisait partie des meubles comme on dit. Les gardes étaient des feignasses. Alors il faisait une partie de leur boulot depuis qu'on lui faisait assez confiance pour ne pas les égorger dans leur sommeil d'ivrognes. Puis ça donne de la nourriture supplémentaire. Et même l'occasion de piquer une bouteille de vin ou cognac, tous les un ou deux ans. Puis l'occasion de sortir les morts aussi. Le vrai bonheur. Tout dehors l'après midi, à brûler les cadavres, puis à ramasser les cendres qui étaient jetées de la falaise avec une prière.
Une jolie pause qui changeait du quotidien quoi.
Étant donné qu'Ashar était encore en vie, il était venu lui amener ses affaires, dans le seau. Une cuiller en bois et un bol en métal. Pour les deux repas du jour.
Discutant avec ce personnage très loquace, le prisonnier eut un apercu de la personnalité de cet homme. Très optimiste. Plus encore, on pouvait pas faire. Il rêvait même parfois que les contrebandiers et pirates décideraient d'attaquer les gardes et emmener les prisonniers avec eux pour devenir des frères d'armes. Ou autre chose. Un sacré optimiste on vous disait.
Une possibilité de devenir comme lui ? C'est à dire sortir de sa cellule et faire des menues tâches ? Nop. Pas pour les spéciaux en tout cas. Interdit de les sortir du coin. Quoique le "gouverneur" interprétait le règlement comme il voulait. Donc si Ashar savait faire un truc d'utile, peut être que son nouvel ami pourrait lui passer le mot ?

Hum... Je sais jouer d’instruments. Avant, dit il en exhibant son moignon. Je sais peindre. Un peu. Raconter des histoires. Et cuisiner aussi.

Pas grand chose à faire quoi. Peut être reblanchir à la chaux les barrières des cochons, mais sinon.... A part la cuisine, rien qui ne pourrait intéresser le gouverneur.

S'allongeant après le départ du voleur, Ashar essaya de rester calme, de garder ses émotions sous contrôle. Il se sentait comme ces bêtes en cage. Or, il en avait vu, des bêtes emprisonnées, se jeter sur leurs barreaux jusqu'à en saigner. Il savait que s'échapper était présentement quelque chose d'impossible. Son seul espoir était de d'abord sortir de la cellule. Il devait être patient et laisser faire le temps, la seule chose qu'il avait en abondance.


Au bout d'un mois passé en cellule, il avait l'impression de devenir fou. Pour reprendre des forces, et aussi garder son niveau de désespoir sous contrôle, il se hissait chaque jour jusqu'à la fenêtre. Les conversations avec le voleur n'étant en effet pas du tout suffisantes pour garder un esprit sain. Ca expliquait d'ailleurs peut être l'optimisme débordant dudit voleur. Peut être qu'il n'était en effet plus tout à fait sain d'esprit. Mais quand à Ashar en lui même, il avait, au cours de ses exercices, l'immense privilège d'avoir la vue sur la flore locale de l'île. Au-delà des barreaux, il pouvait voir la cour nord de la citadelle. L'enclos à bétail n'était pas visible, mais il pouvait entendre les cochons, moutons et poulets. Parfois même, un chien aboyait. Et il voyait aussi un ancien terrain de manœuvres qui s'étendait sous une couche de neige, parsemée de tâche grises et brunes.
C'était là une vue qu'il chérissait, car la seule sur le monde extérieur, aussi limitée fut elle. Et avec, cerise sur le gâteau, la mer, qu'il pouvait voir par beau temps, car sinon ce n'était qu'un immense manteau gris par-delà la falaise.
A côté de cela, une nourriture monotone. Il avait perdu du poids à cause de la blessure et des maigres, ô combien bien maigres repas. Mais il ne mourait pas de faim, c'était déjà ça. Du pain grossier. Mais avec, délices, des morceaux de noisettes et graines de céréales. Un ragoût, plus soupe claire avec deux ou trois légumes, mais dans lequel le cuisinier jetait parfois un morceau de viande. Et un porridge nourrissant.
Il y avait juste l'hygiène qui l'emmerdait. Il était un homme civilisé après tout. Les bains chauds, les massages, les onguents et les huiles lui manquaient plus que le reste.

En bref, Ashar luttait au quotidien contre le désespoir. Il ne voulait céder. Il ne pouvait céder, car refusait de laisser la mort le prendre sans lui opposer tout sa résistance. Il avait déjà blessé ou pris au piège des animaux qui s'allongeaient pour laisser le chasseur leur ôter la vie. Il n'était pas un animal.

Il allait survivre.



Un autre printemps était passé.
Il était emprisonné à a citadelle du désespoir depuis plus d'un an. Il avait fini par accepter que, pour une période indéterminée, il allait simplement rester dans son coin. Pour ne pas sombrer dans la folie, il avait mis au point une routine. Il allait mourir s'il tombait complètement dans le désespoir. Or, il devait vivre pour accomplir sa quête et venger sa famille. Enfin, il devait rester vigilant, afin de ne pas laisser passer la moindre chance pour s'évader, aussi ridicule fut elle.
Pour passer le temps, il ressassait ses propres leçons et livres lus, par le passé, pour forcer son esprit à penser, réfléchir, s'agiter, au lieu de le laisser pourrir à ne rien faire. L'apathie est la mort.
Adapter ses mouvements à son environnement. Marcher, courir sur place, se hisser d'une main accrochée aux barreaux.... Il n'était plus entier, encore moins costaud, mais il était aussi en forme que possible compte tenu de ses conditions de vie.
Il suivait cette routine et entretenait l'agilité de son esprit. Il essayait de maîtriser l'art de la patience et il attendait. Il savait qu'au bout du compte, dans un mois, un an ou peut être dix, quelque chose se produirait. Et quand surviendrait ce changement, il serait prêt.


Lorsqu'arriva la fin de son second hiver à la citadelle, Ashar savait utiliser son bras amputé jusqu'à la limite de ses capacités. Il ne s'en servait pas que pour trouver son équilibre lors de ses activités physiques. Il avait également trouvé le moyen de pousser, de tirer et de porter des choses avec. Ashar était assis sur sa paillasse,
Ouvrant les yeux, il pu observer un oiseau sur le rebord de sa fenêtre. Un corbeau. Se levant doucement, pour ne pas effrayer l'animal, il tendit ensuite le bras vers les barreaux.... Mais non. L'oiseau préféra prendre ses ailes à son coup. Passant la main sur le rebord de la fenêtre, il constata que la neige avait craquelée, chauffée par le soleil. Puis l'après midi, la porte de sa cellule s'ouvrit.
C'était le voleur. Et ce n'était pas l'heure du dîner. Il était venu bavarder ?
Non. Il était venu le prévenir. Le prévenir que le dîner n'allait pas être servit. Le cuisinier était mort. On l'avait retrouvé allongé face contre terre. Une fois retourné, on avait vu uniquement ses yeux grands ouverts, comme si surpris, le visage pale et les lèvres bleues. Quelque chose d'effrayant.
L'air de rien, Ashar demanda au voleur de rappeler au gouverneur qu'il savait cuisiner. Une demande qu'il accepta, si l'occasion se présentait.

Ashar se redressa, se demandant s'il tenait là l'occasion qu'il attendait depuis longtemps. Pour mieux refréner son impatience, il se lança dans un mantra mental que son père lui avait apprit mais, juste au cas où, il choisit de passer en revue les leçons de cuisine qu'il avait eu dans ses jeunes années, à Marienburg puis comme cuistot pour une compagnie de mercenaires.


Visiblement il n'y avait pas beaucoup de prisonniers à la citadelle, car le lendemain, Ashar n'entendit qu'un petit nombre de voix se plaindre lorsqu'on ne leur servit pas non plus de petit déjeuner. Pour sa part, il continua à attendre. En milieu de journée, on vint finalement le chercher. Le voleur, suivi d'un garde. Il allait être assigné aux tâches de cuisine.
Et quelles tâches. Un des gardiens avait essayé de faire du pain. En vain, n'ayant réussi qu'à produire un truc noir et tout brûlé. Cuisiner pour une vingtaine de personnes.
Convaincre les gardiens qu'il avait besoin d'aide, vu son moignon, avait été aisé. Il était donc assisté par le voleur, et un garde. Une fois l'inventaire des victuailles fait, il conclu qu'il pouvait faire un ragout. Mais avant ça un bain.
Pourquoi, lui demanda le gouverneur ? Lui montrer simplement sa main aux ongles noirs de crasse sous le nez suffit amplement comme réponse. Personne n'était vraiment fan à l'idée qu'il plonge ses doigts sales dans la nourriture de tout le monde. Encore moins de celle du gouverneur.
Ce fut la première fois que le gouverneur prit la peine de le dévisager réellement.
Il pu également négocier de nouveaux vêtements.
Moins de deux heures plus tard, un Ashar complètement revivifié se tenait au-dessus de deux grandes marmites de bouillon. Un bain froid pour lui et ses compagnons, il en émergeait pour lui comme un homme nouveau.
L’inventaire rapide d'une cave creusée dans le sol derrière le donjon lui permit de mettre à jour de la viande et du fromage très bien conservés. Il fallait dire que ça gelait là-dessous, la faute à cette fichue terre qui renfermait encore le froid de l'hiver jusqu'à l'été. On abattrait une bestiole plus tard lorsque les réserves seraient vides. Les bovins étaient parqués dans une prairie à l'est de l'île, avec les moutons. Et il y avait les cochons derrière le donjon.
Grâce à la présence du voleur et du garde, Ashar avait presque l'impression d'avoir de nouveau ses deux mains.
Il avait préparé un dîner préparé à la hâte, mais il n'en était pas moins le meilleur servi dans le donjon depuis des années, grâce à l'usage de vieilles épices trouvées dans un coin, pourrissant depuis longtemps, l'ancien cuisinier n'en ayant jamais fait usage.
Pendant que les gardiens mangeaient, il demanda au voleur de commencer à servir les prisonniers, s'assurant que chaque assiette contenait une belle portion de viande et une bonne quantité de légumes divers. Ensemble, le trio mis près d'une heure à distribuer leurs repas aux prisonniers. Une fois fini, Ashar avait visité toutes les cellules occupées de la citadelle. Et avait obtenu une idée de la taille de l'endroit, savait comment se déplacer à l'intérieur et où trouver les objets nécessaires à son évasion.

Puis on lui annonça qu'il avait fait du bon boulot. Maintenant c'était le moment pour lui de retourner en cellule.
Le plus dur était ce moment là.

Je ne peux pas. Ce soir, je dois préparer la pâte à pain. Ça prend la nuit. Je peux dormir là, dit il en désignant le sol près des fours, pendant que la pâte lève puis mettre le pain en four pour le matin. Je vais avoir besoin du voleur pour m'aider.

Le gouverneur réfléchit, puis haussa les épaules. Bah. C'est pas si tu pouvais t'enfuir pas vrai ?

Ashar acquiesça en gardant l'air sérieux. C'était réussi. Il l'avait dans la poche. Le plus dur était fait.

Une fois seuls, le prisonnier s'enquit auprès du voleur, sur leurs "camarades" de fortunes. Qui ils étaient leurs crimes, les talents qu'ils pouvaient avoir.

Tu mijotes une évasion ! chuchota le voleur.

Plus que ça encore.

Ben quoi ?

Je bâtis une armée.


Les semaines passèrent. On leur amena un nouveau prisonnier, et le gouverneur renvoya les marins à bord de leur navire avec une liste de provisions établie par Ashar, ainsi qu'une demande pour un nouveau cuisinier, espérant toutefois que cette dernière demande resterait lettre morte. Après tout, un gardien supplémentaire avait été demandé, il y a quatre ans, et il se faisait toujours attendre malgré le décès de son préprocesseur.
La cuisine était devenue son repaire. En s'appuyant sur les deux autres assistants, il pu préparer des repas bien plus facilement, et commença à diversifier leur régime, surprenant même le gouverneur en lui apportant, non pas le porridge habituel, mais une pile de crêpes épaisses couvertes de miel et accompagnées de tranches de jambon. Il se mit à cuisiner tantôt du bœuf, tantôt du porc ou du poulet, histoire de changer de l'ordinaire. Il avait même convaincu les gardiens de passer la journée à pêcher pour leur faire un pot-au-feu au poisson.
Subtilement, il usurpait le commandement de la forteresse en laissant son autorité naturelle s'imposer d'elle même, en douceur. De son côté, le gouverneur retrouvait involontairement la place du sergent, en homme habitué à donner des instructions une fois que les tâches étaient clairement identifiées. Souvent, il lui présentait une idée sous forme d'une question formulée de telle façon que la réponse était évidente, l'ancien soldat ne se doutant une seconde qu'il s'agissait d'un ordre. Et il s'en attribuait chaque fois le mérite, lorsqu'un élément du quotidien s'en trouvait amélioré. Ashar était trop heureux de le laisser faire.
Sans faire de bruit, il avait sorti les prisonniers des cachots pour les faire monter aux étages, là où ils dépériraient moins vite, obtenant ainsi leur obéissance absolue en tout. Des hommes pas forcément fiables, ni tous utiles, mais qui seraient de son côté au moment d'agir. Il avait un plan, mais le garderait pour lui, n'en ayant même pas partagé les détails avec le voleur, bien qu'il soit aussi fidèle qu'un chiot, éternellement reconnaissant d'avoir amélioré les conditions de vie, et convaincu que le prisonnier était capable de réussir tout ce qu'il voulait vraiment.

Les semaines s'écoulèrent, puis un navire arriva avec des provisions et un nouveau cuisinier. Mais en manœuvrant, même grossièrement, le gouverneur, cette nouvelle menace à son hégémonie fut rapidement gérée. Le gouverneur avait demandé un garde il y avait de ça des années. Le cuisinier allait donc devenir un garde. Ashar cuisinait beaucoup trop bien. Surtout qu'en cuisinant le nouveau venu, il s'avérait que celui ci avait été envoyé sur l'île non pas pour son sens du devoir exemplaire, mais parce qu'il s'était endormi en surveillant un agneau à la broche. L'auberge avait prit feu. Plutôt que de finir au gibet, mouton malade qu'il était, il devenait le nouvel assistant d'Ashar.
Porté sur la boisson, il était aisé à manipuler, obtenant des moments de liberté dans son quotidien.

Il mis ces moments à profit pour se promener sur l'île, y allant par petites étapes. D'abord, il se laissa surprendre dehors, sur l'ancien terrain de manœuvre, pour inspecter les poulets et cochons. Un mois plus tard, il fut trouvé dans la prairie où paissaient les vaches et moutons, sans qu'aucune objection ne soit émise.

A son troisième hiver, Ashar connaissait tous les secrets de l'île. Un raccourci avait été trouvé pour aller à la plage, où quelques arbres abritaient une ruche. Enfumer les abeilles pour s'emparer du miel permettait à Ashar de fournir au gouverneur des saveurs lui permettant de continuer à profiter de ces libertés.
Aucun gardien ne semblait remarquer que l'initiative de sortir les prisonniers des cachots venait d'Ashar, tous semblant penser que c'était un ordre du gouverneur. Or, celui ci ne prenait jamais le temps d'inspecter ceux ci. Le gouverneur se contentait de penser que tout le monde allait bien sauf si on lui disait le contraire.
Ashar avait appris à bien cerner chaque prisonnier, réalisant leur valeur et utilité pour ses plans futurs, lorsqu'il leur apportait leur repas. Il avait une idée précise de ce dont ils étaient capables. Un groupe intéressant, formé surtout de prisonniers politiques. Et une majorité de criminels banals. Meurtriers, violeurs, voleurs... Ils avaient juste énervés la mauvaise personne et envoyés ici plutôt que de se balancer sur le gibet. Ceux là, il se moquait de savoir ce qui allait leur arriver, n'ayant d'utilité qu'au début du plan.
Il faisait donc du mieux qu'il pouvait pour garder toute cette merde en vie, trouvant des excuses pour les sortir des cellules, comme pour aller chercher du miel, ou enlever du bois mort à la prairie. Tout le monde put faire de l'exercice, prendre le soleil, respirer de l'air pur, et même convaincre le gouverneur de rassembler tout le monde dans la cour, pour une petite fête le jour du solstice d'été. Certains avaient pleurés en voyant la nourriture à table.
Aucun ne serait en état de se battre pour l'évasion, et certains risquaient de mourir en cours de route, mais il avait fait de son mieux pour s'assurer qu'ils survivraient le plus longtemps possible.

On allait encore attendre quelques six mois avant d'y aller, lorsque le premier navire viendra au printemps.




Observant la scène en se tenant à l'entrée du donjon, ayant prit le soin de se mettre dans l'ombre, Ashar vit le gouverneur et quelques gardes attendre de voir ce qu'on allait leur débarquer, s'ils allaient avoir ou non un autre prisonnier. Et oui, ils allaient avoir un nouveau camarade. Un camarade qui lui était même familier. Une camarade. Il la reconnaissait à ses sa façon de marcher, se tenir, sa silhouette. Pas besoin de voir ses traits.
Reculant, embarquant le voleur avec lui, lui révélant ce qu'il pensait. S'il avait vu juste, cette personne était l'ancien capitaine spécial de Sullah. Interdiction de lui parler lors de son premier repas, il fallait voir comment il réagissait, afin de réaliser s'il s'agissait vraiment de ce que cela semblait être, ou bien si c'était une ruse.
Mais on partait quand même pour le lendemain.


Le soir venu, Ashar prit le voleur avec lui afin d'entendre ce qu'il en avait tirée.
Apparemment, si elle jouait la comédie, elle avait manquée sa profession. Elle avait ce regard, ce foutu regard.... Cette expression de choc et d'incrédulité, comme si tout ceci n'était qu'une terrible erreur. Seuls les pires salauds et rebuts d'humanité ne l'avaient pas.
Maintenant Ashar se demandait qu'en faire. Il voulait sa mort. Rien de personnel. Elle avait juste suivie aveuglément les ordres de Sullah pendant des années. Et donc versée le sang de ses compatriotes pour les ambitions malades du taré sur le trône. La laisser là serait un grand plaisir pour lui. Mais. Hors de question qu'elle réussisse à tourner la situation à son avantage et obtenir le pardon de Sullah.
La moindre chance qu'elle puisse survivre à ce coup du destin, ce retournement de situation... Soit il la tuait maintenant, soit il l'emmenait avec lui et la tuait plus tard. Donc il était coincé, à devoir aller lui parler.
Ordonnant au voleur d'aller chercher les prisonniers, un à la fois, et d'attendre à l'armurerie, il s'en alla voir la nouvelle venue, un couteau dissimulé sous sa tunique, qu'il était certain d'atteindre aisément, avant de soulever le loquet de la cellule de l'elfe.
Cette dernière se réveilla lorsqu'il entra.

Qui est ?

Resté dans la pénombre, ses traits demeurait invisibles dans l'obscurité.

Ashar, répondit il simplement.

Comment...

Le commandant est laxiste. On peut lui arracher des privilèges en s'y prenant bien. Que s'est il passé ?

J'ai échouée, voilà ce qui s'est passée, lâcha-t-elle dans un râle de haine. Vous savez comment est Sullah en cas d'échec.

Racontez moi. Je suis curieux. Je peut peut être vous aider. Je dirige la cuisine. M'assure que vous ayez assez à manger, entre autres choses.

Il était difficile de voir l'expression de l'elfe dans la pénombre, mais Ashur sentit clairement que ça la faisait réfléchir.

Sullah n'est plus aussi patient qu'avant. Quand vous avez échoué à tuer un nabot, on m'a envoyée à mon tour. J'ai échouée. Et il se fout des excuses, donc j'ai finit ici. C'était une mission importante. J'ai conduite une compagnie de soldats dans les collines près de Barak Varr. Le noble et sa famille en route vers le col du feu noir, pour se rendre dans les montagnes grises. On était sensés attaquer leur campement, maîtriser les gardes et tuer la famille entière. Il lui mangeait complètement dans la main, une histoire de dettes et serments passés, mais depuis quelques temps il devient de plus en plus imprévisible. Ça frôle la folie, depuis qu'il traine avec son sorcier. Mais bref. Ils avaient été prévenus de l'embuscade, et ont envoyés deux compagnies de mercenaires au lieu d'une. Le nain a été tué, mais ses rejetons ont survécus. Maintenant ils sont à Barak Varr, alors qu'Arkendorf, l'Empire et le roi liche sont à couteaux tirés avec Sullah. Il doit y avoir un traître à son service pour que ça ait si salement fuité. Tout à commencer à aller de travers quand vous avez échoué.

D'un rire, Ashar expliqua à l'elfe que c'était exactement ce que voulait Sullah, comment il l'avait sacrifié tout en envoyant un autre faire le sale travail.
Mais le problème demeurait. Il n'avait aucune envie de laisser l'elfe vivre une seconde de plus que nécessaire, même si ce n'était qu'à court terme. Elle était bien trop dangereuse. Mais elle avait également du potentiel.Elle venait d'arriver, n'avait pas encore perdue de poignet, ni n'était affaiblie. Bretteuse accomplie, officier compétente, dotée d'un grand sang froid, et surtout ombre frappant depuis les ténèbres.... Un atout précieux au cours de leur évasion. A condition de pouvoir lui faire confiance.
Il en avait marre. Elle semblait conchier sur le mage autant que lui. Ca faisait toujours ça en commun.

Allez. Levez vous.

Vous préparez une évasion ?

Non. On s'évade. Là, maintenant.

Arrivant à l'armurerie, Ashar s'aperçut que tout le monde l'attendait, équipé et doté de plusieurs couches de vêtements, comme ordonné. Là, il calma ceux qui voulait goûter le sang des gardiens. Ils avaient beau être armés, plus nombreux, ils étaient faibles, manchots, et on serait obligés d'abandonner les blessés. Donc pas de rivières de sang pour la journée. En revanche, ils pouvaient prendre un sac de provisions, un pour tous, avec un briquet dans chaque, et des gourdes. Dehors, on remplit celles ci avec l'eau du puits. Ensuite, chacun posant une main sur l'épaule de l'autre, ils suivirent Ashar jusqu'à la plage nord, où, dans le noir, de cette nuit sans lune, il eut du mal à retrouver la petite grotte, découverte deux ans plus tôt. Celle ci enfin localisée, il ordonna qu'on enlève les rochers bloquant celle ci. Derrière les pierres se trouvaient une pile de bois flottant. Une caverne basse, peu profonde, mais dans laquelle se trouvaient de longues perches et rondins plus courts, ainsi que des rouleaux de corde, un tonnelet plein de clous et un marteau.
Maintenant il restait à construire un radeau. Et ils avaient moins de quatre heures pour le faire.
Suivant ses instructions, les hommes disposèrent les rondins qu'Ashar avait péniblement taillés et transportés jusqu'à la plage. Il s'était égratigné, en avait reçu sur les pieds, avait chuté dans le chemin, eut des bleus, des muscles froissés et des échardes, mais, en deux, ans, avait réussi à abattre huit arbres, les dépouiller de leurs branches, les amener sur la plage depuis les bois en haut. Et pour les perches, il les avait découvertes dans un entrepôt abandonné près de la muraille. Un vieux bois, mais encore prêt pour l'usage.
Quelques prisonniers attachèrent les perches par-dessus les rondins. On avait enfin un radeau, doté d'un mat au centre, maintenu en place par quatre planches rattachées les unes aux autres et clouées sur les deux rondins du centre. Et une voile en triangle, attachée au sommet du mät.
Problème : tous ne pouvaient tenir dessus. Eh non. Il allait falloir que l'on se trempe à tour de rôle, tenus au radeau, et battre des pieds, se relayant au fur et à mesure. Le courant était fort, mais le vent aidera à pousser le radeau vers le continent. En quelques heures, ça devrait le faire. Le prochain navire étant pour dans un à trois mois, ils avaient six à douze semaines pour quitter l'île et fuir en lieu sûr avant que l'alerte ne prévienne de l'évasion. Encore deux semaines si le navire se rendait directement à Maharta.
Leur destination ? La cité libre de Karek Kaleb, où ils se feraient passer pour des mercenaires. Alors oui, certains allaient bien entendu mourir en cours de route. Mais au moins mouraient ils libres. Et pour ceux atteignant la ville de hors la lois, coupe gorge si typique des frontalières qu'était ce bastion de brigands, ils étaient libres de quitter la compagnie. Mais ceux restant.... Il leur promit la tête de Sullah sur une pique.
C'était parti. Leur évasion commençait pour de vrai maintenant.



Vers midi, Ashar estima qu'ils étaient assez loin au nord et qu'il allait peut être être plus dur de rejoindre le continent. On arrivait pas à se rapprocher des terres en dépit d'effort vigoureux à la pagaie. Ils devaient être à trois kilomètres de la destination, puisqu'on voyait l'écume blanche des rouleaux qui se brisaient sur le rivage. Et ça faisait une heure qu'il avait l'impression de faire du surplace. Certains compagnons dans l'eau semblait succomber au froid, ordonnant une relève, alors qu'à sa colère le vent soufflait vers l'Est, rendant la voile inutile.
Les chemises allaient sécher, mais ç'allait être juste pour les nageurs.
La tendance semblait à l'éloignement de la côte, plutôt qu'à son rapprochement.
Lorsque ce fut enfin à son tour de se reposer, il eut du mal à remonter à bord sans assistance, et eut ensuite à souffler comme un bœuf pour récupérer.
Regardant autour de lui, il s'estima chanceux, croyant perdre quelques cinq hommes avant de rejoindre le continent. Or, ils étaient encore tous là.
C'est à ce moment là qu'il vit le premier aileron de requin se diriger vers le radeau.


Il resta figé, muet d'horreur, voyant celui ci se précipiter sur l'homme posé à une des extrémités du radeau. Pas le temps de crier que déjà la tête du malheureux disparut sous l'eau, comme happée de l'existence par les tentacules mystérieux de quelques divinité maléfique.
Il réapparut une seconde plus tard, les yeux écarquillés de surprise, avant de hoqueter et crier d'une voix sourde qui se transforma en hurlement terrifié.
Requins.
Le terrible maudit mot avait été lâché.
La panique se répandit aussitôt, alors qu'on essayait de grimper en panique, avant d'être admonestés par Ashar, ordonnant à ses compagnons de battre des pieds de toutes leurs forces.
L'homme qui avait été happé disparu à nouveau sous l'eau qui se dota d'une écume rouge. Lorsqu'il en ressorti à nouveau, son corps se renversa et Ashar s'aperçut qu'il lui manquait deux jambes.


Le reste avait été un pur cauchemar. On avait enfin atteint le rivage, mué par l'énergie du désespoir, pour venir s'effondrer en pleurant sur le sable, épuisé, faible et effrayé. Mais pas moins libres.
Bilan ? Six morts, dont un noyé. Dont le voleur, chose dont se voulut Ashar. Il était mort. Et ce n'était que maintenant qu'il se rendait compte à quel point il lui manquait. Sa seule consolation était de savoir qu'il était libre, et qu'on ne commencerait à le traquer que dans plusieurs semaines. Il allait devoir se concentrer sur le fait de progresser à une bonne allure et garder ses compagnons en vie pour se rendre là où il pourrait mettre son plan à exécution.


Les semaines suivantes avaient été éprouvantes, mais pas autant que le coup des requins. Ils avaient eu un mort, Vlatislav. Mordu par un serpent caché dans sa botte. Avant de pouvoir même intervenir, il avait passé l'arme à gauche. Foutus marais. Ils avaient tournés dans ceux là pendant des jours, y épuisant leurs maigres rations. On en était venu à manger le cuir, avant de trouver une rivière où l'on put boire de l'eau fraiche, et chasser autour.
Puis il y avait eu les esclavagistes aussi. On leur était tombés dessus par chance. Une dizaine d'hommes en armes, mais bien peu prudents, certains d'être protégés d'autres bandits par le fait de pactes passés avec les """seigneurs""" du coin où que sais-je. Ceux là s'étaient fait étriper. Quand à la cargaison, ils avaient été chanceux. Des produits jeunes. Tous bons pour être livrés à quelques bordels de la région. Du bétail pas encore dressé, mais intact et vierge. Ashar avait été tenté de verser dans l'esclavage. Leur vente lui rapporterait un bon prix, qui ferait un confortable bonus pour le début du projet, une fois arrivés à la cité.... Mais leur bande était trop faible pour tenir en laisse ces gamins. Ils étaient désormais sept, manchots et affaiblis. C'était pas tenable. Il préféra les incorporer à sa bande.
Leur arrivée à Karek Kaleb fut d'ailleurs sensation. Le groupe de mercenaires le plus étrange qu'on ait sans doute jamais vu dans le coin. Les armures et armes des gardes de la caravane avaient été réparties entre les trente esclaves. Certains ne portaient qu'un heaume ou une cuirasse, avec juste une dague à la ceinture, tandis que d'autres portaient l'épée sans aucune pièce d'armure, mais chacun avait sur sa personne quelque chose qui le faisait ressembler à un soldat. Tous les matins, avant de lever le camp, il avait ordonné aux hommes de leurs apprendre les rudiments du combat aux anciens esclaves. Certains étaient lents, mais il gagnaient en confiance jour après jour.
Les gardes regardaient cet étrange groupe hétéroclite et dépareillé, certains portant des bottes, d'autres uniquement des sandales, les femmes se baladant en chemise et pantalon plutôt qu'en tuniques, sans pour autant faire d'elles des car uniques. Non. Ce qui était étrange, c'était leur jeunesse et leur beauté. Elles ressemblaient à de magnifiques esclaves destinées à la prostitution. Plus étonnant encore était leur chef, un manchot dont on aurait dit qu'il ne s'était pas lavé depuis un an....

Ainsi les engrenages d'une terrible vengeance s'activaient, alors que les dieux regardaient leurs petites marionnettes s'activer sous leurs yeux, et que l'architecte accordait son attention à l'insignifiante poupée de chiffon qu'était Ashar, simple pion d'un plan plus vaste, déjà trop longtemps en retard sur ce qui était prévu, mais enfin en bonne route pour s'achever avec succès. Mais c'était là une autre histoire....
Alicia, voie du répurgateur

L'innocence n'existe pas il n'y a que des degrés de culpabilités

Profil: For 8 | End 9 | Hab 10 | Cha 12 | Int 11 | Ini 8 | Att 9 | Par 9 | Tir 8 | NA 1 | PV 65/65

Ici la dernière aventure de la déchue.... Eldorado !

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