Pourtant rien n’en transparaissait pour un quelconque observateur extérieur, les rues pavées de pierres finement agencées suivait agréablement la courbe légère d’une petite colline, luisant encore de la bruine matinale. Les bâtiments, tantôt de marbre blanc, tantôt chatoyants mais toujours témoignant d’art et de raffinement. Le chant des oiseaux agrémentait tristement la cité, seuls habitants de la périphérie externe d’une ville ayant sans doute jadis compté plusieurs milliers d’habitants. Plus il se rapprochait du centre, moins la végétation se faisait envahissante, comme refusant de s’emparer d’un territoire qui n’était pas tout à fait déserté. Autre signe qu’il approchait d’autres elfes, le pépiement joyeux des innocents volatiles se trouvait mêlé du chant de la harpe et de celui, plus ténu, des enfants d’Isha.
Se guidant au son, il put enfin découvrir ce que les mortels auraient appelé une auberge, bien que cela ressembla plus à une hacienda parsemée de rosiers sauvages savamment disposés dans ce lieu presque désert. Approchant pour frapper à la porte et demander l’hospitalité selon l’antique tradition asur. Il y eut un court instant de silence dans la salle principale, devant l’outrecuidance de cet étrange visiteur qui pénétrait ainsi dans l’un des royaumes elfiques en portant les armes de leurs plus acharnés adversaires*. Les chants reprirent, plus sombres, plus rythmés, loin de la légère ballade qui l’avait mené ici. Certains n’auraient rien remarqué, mais les muscles se mouvaient doucement sous les tuniques brodées et, au hasard d’un apparent innocent mouvement au cours de leur discussion, certains convives affichaient désormais ici la garde ouvragée de leur rapière, là le pommeau d’une dague ou bien les manches remontaient un court instant pour dévoiler le manche fin d’un stylet.
Oui, Thaelin était bien arrivé à son but, celui de trouver d’éventuels compagnons pour une quête, sa quête. Un elfe noir demandant de l’aide à des elfes hauts, cela avait beau faire de nombreux printemps, les regards ne changeaient pas. Druchii il était né, druchii il resterait, ce fait était inscrit sur son visage, sur ses armes. Néanmoins, la haine n’était pas l’émotion dominante dans cette atmosphère, supplantée par la curiosité, celle là même qui poussa bien des elfes à succomber aux charmes de certaines sectes hédonistes ou qui permit à Finubar d’explorer à nouveau le monde, des anciennes ruines de Tor Alessi aux cavernes souterraines de leurs anciens alliés. Un druchii ne serait pas venu seul, ne serait pas venu requérir l’hospitalité selon les rites convenus et surtout, il ne serait pas venu, abattu par les osts argentés qui patrouillaient en permanence pour prévenir toute attaque.
Quelques sourires se découvrirent dans le dos du jeune elfe, qui sait si cet étranger n’apporterait pas quelque distraction dans cette longue vie...
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