Joseph avait depuis lors passé de longues heures à compulser l’étrange grimoire. Il lui avait d’abord fallu, cependant, trouver le courage de l’ouvrir. L’ouvrage, en effet, était étrangement chaud au contact, et une faible pulsation se faisait ressentir pour quiconque posait la main dessus. C’était comme si, d’une certaine façon, il était… vivant. Et, plus que cela, même. Car depuis qu’il l’avait pris, Joseph avait l’angoissante impression qu’il était surveillé, impression faible lorsque le livre était bien rangé au fond d’une malle, mais qui se renforçait chaque fois que celui-ci était sorti, trônant sur la petite table faisant office de bureau, ou bien posé sur les couvertures repliées du lit étroit qui accueillait Joseph pendant la nuit.Titre du film? hein? hein? Le premier qui le poste dans mon antre reçoit 1 XP!!
C’était comme si ce livre était… conscient. Qu’il étudiait Joseph autant que Joseph l’étudiait. Cette simple idée suffisait à le faire frissonner de peur, mais il ne pouvait s’empêcher, cependant, de se replonger dans les caractères étranges qui parcouraient les pages comme les traces hideuses laissées par un insecte particulièrement repoussant. Mais rien de ce qu’il y voyait ne signifiait quoique ce soit pour lui. Ni l’écriture, ni même les nombreuses images qui ornaient le livre, et dont la macabre clarté et l’odieuse précision des détails eut pu pourtant l’aider à comprendre le texte. Non, rien. Malgré les heures passées dessus, malgré les efforts et les bougies consommées jusqu’à leur base, il en était toujours à son point de départ. Parfois, un rire nerveux le secouait à l’idée que, si le livre l’étudiait bel et bien en retour, il faisait probablement un meilleur travail sur Joseph que Joseph n’en faisait un sur le livre…
Son rythme se mit à changer. De plus en plus souvent, il s’enfermait de longues heures dans sa cabine, étudiant le livre. Le reste du temps, il le passait sur le pont, à observer sombrement les rives couvertes de forêts défiler des deux côtés, chacune de leurs escales se perdant en un flou indistinct qui ne valait guère la peine d’être noté.
Et c’est ainsi qu’ils arrivèrent à Marienburg, avec Joseph absorbé dans ses pensées appuyé sur le bastingage, immobile et silencieux. Tellement absorbé, même, qu’il ne remarqua même pas leur approche de la ville, pourtant difficilement manquable, et ce n’est que lorsque leur navire fut engagé dans le port qu’il sortit soudain de sa rêverie profonde. Se ressaisissant soudain, il descendit en vitesse, rejoignant sa cabine pour y emballer précipitamment le léger ballot qui constituait son seul bagage, avant de remonter sur le pont.
Là, au milieu des gens qui se pressaient, bien que le bateau n’eut point encore accosté, il retrouva finalement Valerian, dont la mine maussade et renfrognée montrait à tout un chacun ce qu’il pensait des circonstances qui l’avait menées là. Et c’est par une série de mots secs et méprisants qu’il accueillit Joseph, lui reprochant de n’avoir point été là sur le pont pour l’accueillir lorsqu’il était sorti de sa cabine.
Pour ce que cela aurait changé ! Ceci dit, sa mauvaise humeur pouvait aussi être due aux conséquences des excès auxquels il semblait s’être livré depuis leur départ. En effet, sa mise était négligée, son teint pâle, sa bouche pâteuse, son haleine empestait l’alcool et ses yeux accompagnés de profondes poches. Tout en lui trahissait le fêtard invétéré qui sortait d’une semaine de débauche ininterrompue.
Cependant, il fut finalement réduit au silence par le désordre énergique qui envahit soudain le pont au moment où, après avoir lancé ses amarres aux pontonniers, le capitaine fit abaisser la rampe, déversant soudain sur les quais une vague humaine bruyante et animée.
En comparaison, la pénible descente qu’effectua Valerian, encore en proie, à ce qu’il semblait, à une bonne part d’ivresse, alors même que les prémisses d’une migraine terrible se faisaient déjà ressentir, dut paraitre particulièrement laborieuse aux yeux extérieurs.
Joseph avait cependant à peine mis les pieds sur les quais, à la suite du nobliau, qu’ils furent tout deux abordés par trois énormes gaillards, dont les armures, armes et visages couturés démontraient amplement qu’ils appartenaient au métier des armes, et qu’ils avaient été du côté du donneur autant que du côté du receveur dans de nombreux combats. Cependant, aucun uniforme d’aucune sorte ne pouvait être vu sur eux.
« Salutations, messire, êtes-vous bien Valerian von Grunwald, fils de Jan von Grunwald ? »