– Oscar O'Flahertie, barde d’Albion.
On réveillait Akisha en toquant à la porte de la cabine du navigateur. L’aînée Drakilos était tirée de son sommeil bien lourd, mais Rekhilve réagissait pour elle — la petite Ombre, somnolant sur un tabouret, bras croisés, avait presque bondit, et posé machinalement la main sous son manteau.
Mais ce n’était que Vateci qui se trouvait devant. L’élégante contre-maîtresse, toujours vêtue de son Kheitan, les cheveux noués par des pinces dorées, annonça d’un ton quelconque que la terre était en vue. Ce ne seraient plus que quelques heures avant de rejoindre Karond Kar.
Elle partit aussitôt en s’excusant. Et alors, revenue à la conscience, Akisha se mit à tousser. À tousser de cette espèce de toux humide, sifflante, qui lui brûlait à un de ses flancs. Plutôt endormie, Rekhilve s’étira comme un chat, alla chercher la poudre du docteur, et se posa à côté d’elle, sur son lit, pour lui tendre son poison.
« Je sais que t’as pas envie… Mais là tu peux juste dormir, te reposer. »
Mais Akisha n’avait pas le droit de dormir. Elle en avait cette possibilité, durant ces dernières semaines — tandis qu’elle ne pouvait pas se rendre utile pour aider à la navigation, et qu’elle devait se douter que son aide n’était même pas forcément bienvenue sur son propre vaisseau, elle disposait de tout le luxe de passer ses journées clouée au lit, à tousser des glaires infectes, et à grelotter de fièvre.
Là, en revanche, ils arriveraient bientôt à Karond Kar. Le Karybde allait faire forte impression en revenant dans la rade, alors, il était de son devoir de se préparer, et de paraître vivante. À défaut d’autre chose, au moins faire taire les rumeurs infâmes, en présentant son visage aux corsaires et aux Furies de Khaine qui viendraient collecter la dîme.
« Hmpf.
Je vais aller te chercher tes affaires dans ta cabine, alors. »
Sa cabine, son navire. Megeth l’avait plus-ou-moins réquisitionné de force, comme son équipage d’ailleurs. Aux dernières nouvelles, elle dormait dans son lit, avec la sorcière comme compagne sous les mêmes draps. C’était à cause d’elle, qu’Akisha était forcée d’être convalescente dans la cabine étroite et spartiate de son navigateur. Où est-ce que Megeth était allée dénicher l’aide d’une mage des couvents…
Il fallait lentement se réveiller — au moins, le temps que Rekhilve rapplique, elle avait assez d’instants à elle pour juste se décoller du matelas. Lourde, si lourde… La drogue de Magnouvac, ce sordide chirurgien, avait l’effet positif de mettre fin à ces douleurs irradiantes sous sa poitrine. Mais le principal effet secondaire, c’est qu’elle avait l’impression de somnoler tout le temps. Toujours, toujours cette impression de tout comprendre avec du retard, d’avoir comme de la buée devant les yeux…
Rekhilve revenait après un long moment. Une tunique propre sous le bras, une sacoche à la main — une bien, bien pauvre damoiselle de compagnie. Elle avait bêtement froissé le vêtement, tenait du velours avec ses doigts histoire de bien défaire ce que des esclaves avaient bien soigneusement brossé. Akisha était une Elfe qui n’avait jamais aimé porté de beaux costumes, mais elle vivait dans un monde où paraître était malheureusement bien nécessaire. Elle avait prévu ces beaux habits pour faire plaisir à son père, lorsqu’ils débarqueraient ensemble victorieux et riches aux pieds du Placître.
Tout avait tellement foutu le camp si vite…
Elle grimpait sur le pont. Il faisait nuit noire. Et il pleuvait. Le temps à Naggaroth est rarement clément — les pilotes font avec. Maniant la barre, Kovus était vêtu d’un épais imperméable d’où dégoulinaient de véritables trombes d’eau. Des Corsaires de corvée se tenaient sous des bannes obscures, en essayant d’entretenir les lampes à huiles qui menaçaient de s’éteindre avec la brise — ou, si elles étaient mal fixées, de tomber sur le reaver en risquant de provoquer un départ de feu. Il fallait, pour se faire entendre, crier à voix haute, et les matelots n’avaient cesse de s’insulter entre eux, tandis qu’ils courraient dans tous les sens pour maintenir les cordages et s’assurer qu’il n’y ait pas de dégâts.
Éclair.
Pendant deux secondes, Akisha perçoit à bâbord les côtes familières des Falaises de l’Effroi. Des dizaines et des dizaines de fois, elle avait aperçu ces monts escarpés, cette façade inhospitalière bonne à faire chavirer les navigateurs incompétents, ou tout simplement inattentifs. Elle devinait plus qu’elle ne voyait les nids à Harpies qui, en journée, et par meilleur temps, pouvaient être vues dansant au milieu des nuages.
Il fallait qu’elle traverse le pont, sa robe balayée par le vent, la pluie ruisselante partout jusqu’à former un lit d’eau sur le bois. Sur son passage, on la découvrait. Alors, un par un, les Corsaires se mettaient au garde-à-vous, frappaient leur torse, puis, sitôt qu’elle les avait dépassés, ils se retournaient tout-de-go et recommençaient à hurler des insultes, contre leurs camarades, contre eux-mêmes, et contre la météo.
Elle atteignait la proue. Sous un parapet de bois pour la recouvrir, elle devinait Megeth, la sorcière, et le quartier-maître Kayeth qui parlait avec elles deux.
En arrivant, ils semblaient soudainement cesser une conversation. À la lueur de deux lanternes, elle reconnaissait bien les visages de tout le monde. La sorcière souriait. Megeth lui faisait un signe de tête. Kayeth…
Kayeth avait l’air sidéré.
Il avait d’énormes cernes autour des yeux. Un aspect malingre, et malade. Il se pencha un peu pour offrir une révérence, et parla fort pour se faire entendre face au bruit des vagues qui fouettaient la coque, et le vent qui hululait à travers les mâts agités.
« Bonne soirée à vous, capitaine Akisha !
Capitaine Megeth ! »
Megeth hocha simplement de la tête, et il le prit comme un signe qu’il pouvait disposer. Alors, il s’éloigna et retourna sous l’averse, en trottant.
La sœur d’Akisha posa ses coudes contre la rambarde, et toisa un peu sa sœur.
« Tu vas mieux, Kisha ?! Magnouvac m’a dit que t’avais une sacrée crève !
– Il serait dommage que vous soyez handicapée par une simple affliction, après avoir héroïquement survécu à la Norsca ! Quels grands récits d’aventures vous allez pouvoir raconter au reste de votre noble famille ! »
La sorcière ne se foutait pas seulement de la gueule d’Akisha — elle se foutait de sa gueule juste devant ses yeux. Son sourire était exactement le genre de rictus d’enculée qu’on avait envie de faire disparaître à coup de tartes dans la gueule.
Mais ce qui était vraiment insoutenable, c’est que la sorcière devait parfaitement savoir l’effet qu’elle produisait…
Megeth n’avait aucune envie de fanfaronner. Elle eut l’air visiblement mal à l’aise de la réflexion de sa comparse. Elle préféra changer de sujet à toute vitesse.
« Il ne… Il ne reste plus personne de vivant de l’équipage de père ! Ça va rendre très compliqué nos possibilités de comprendre ce qui s’est passé là-bas ! Qu’est-ce qu’il foutait si loin dans la Norsca !
C’est… Un cauchemar… »
Elle agita la tête, en faisant la moue.
« Mais on s’en remettra ! Ce n’est pas la première fois que notre famille est dans la tourmente ! Il faut qu’on reste soudées !
On est une des familles les plus importantes de tout Naggaroth ! On va quand même pas- »
Éclair. Et cette fois-ci, on peut voir, au loin, l’élégante envergure d’un autre bateau, beaucoup plus fin mais beaucoup mieux armé que le Karybde.
Obscurité. Tonnerre.
Megeth, qui a vu l’intrus en train de se rapprocher, grogne.
« Merde…
Akisha, heureusement que tu t’es faite belle ! On va devoir rencontrer du monde ! »
Éclair. Et cette fois, ce n’est plus un, mais trois navires qui s’approchent du Karybde à contre-sens. Lorsque l’accident commence à menacer, ils se mettent à lentement reculer, et à envoyer des signes à Kovus grâce à un grand feu et un panneau en bois qui permettent de communiquer par signaux.
Le Karybde fait demi-tour. Et, au bout d’une demi-heure, il est guidé par l’immense phare de la Tour de l’Esclavagiste — la porte d’entrée à la ville de Karond Kar.
Il n’y a pas de quoi s’inquiéter, c’est un exercice habituel.
Une heure plus tard, le Karybde est cerné de vaisseaux. Alors, sous la pluie, Vateci va hurler comme une chienne. Elle met les Corsaires en rang tandis que Kovus jette l’ancre et fixe le navire sur place autant qu’il peut, chose difficile avec le roulis indomptable d’un océan Naggarothi. Un des militaires va chercher le fanion de la famille Drakilos, qu’il découvre et place sur une pique. Et tandis que Megeth et Akisha demeurent à l’abri de la pluie, avec leurs toilettes élégantes camouflées sous de grands manteaux pour se protéger de l’intempérie, tout ce beau monde attend qu’en face, ça manœuvre.
Un navire noir comme la nuit se place devant le Karybde. Le pauvre Kovus serre les dents et les Corsaires sifflent tandis qu’il menace dangereusement de provoquer un sordide accident en éperonnant de côté leur reaver ; mais ce n’est pas le cas. On lance alors une planche en bois, et des matelots s’occupent d’assurer un passage plus-ou-moins sécurisé entre les deux bâtiments.
Alors, la planche commence à plier sous le poids d’Elfes en armure. six guerriers vont en file-indienne, traversant, un peu courbés sur leurs genoux, le vide dans lequel ils risquent de plonger. Ils émergent de l’autre côté en faisant deux colonnes de trois. Ils se mettent au garde-à-vous.
Leurs armures sont impressionnantes. De la plate damasquinée, des heaumes brillants d’obsidienne, des jupes violacées de pourpre. Comment ne pas reconnaître la Garde Noire de Naggarond, l’armée privée et personnelle de Malékith lui-même ? Ses guerriers sont les meilleurs guerriers parmi tout le peuple Druchii.
Un septième homme grimpe sur la planche. Alors, les gardes noirs font un demi-tour droite, tout en hurlant si fort que les sons résonnent à travers leurs casques, pour prendre une octave métallique.
« ÉVENTRE POUR KHAINE ! »
Le septième guerrier porte la même plate, mais avec des dorures et des bijoux le long de son gorgerin, et d’épais renforcements sur ses épaules. Une fois monté à bord, les Corsaires des Drakilos se redressent, et lèvent leurs mentons, presque tous à la même seconde.
Il retire son casque. Et alors, l’officier de la Garde Noire dévoile un visage familier d’Akisha — c’est Aduyer Daes. Un bel homme, à la mâchoire carrée, les cheveux peignés, des yeux perçants. Un ancien favori de Malékith, qui a soudain subi sa défaveur au point d’être nommé gouverneur d’une place-forte froide et aussi éloignée que possible de la capitale. Il ne perd jamais une occasion de se faire mousser auprès des aristocrates de Karond Kar, même lorsqu’il s’agit simplement de les arrêter à l’entrée de la ville.
« Maîtresse Akisha Drakilos ; Maîtresse Megeth Drakilos !
Je m’attendais à voir trois vaisseaux revenir du Vieux Monde ! Où se trouve le sieur héritier, votre père ?! »
Il s’approche des deux dames, afin qu’elles n’aient pas à se trouver sous la pluie — il a au moins cette élégance d’officier.
Alors qu’ils se trouvent sur le vaisseau d’Akisha, c’est Megeth qui parle la première.
« Notre seigneur et père Tevras Drakilos a succombé en se battant face aux Humains de la Norsca ! »
Ce n’est pas l’entière vérité. Ou du moins, c’est un résumé bien bref.
Sieur Daes a un mouvement de recul. Fait la moue. Puis, hoche de la tête.
« Toutes mes condoléances, maîtresses… C’est… Une perte tragique, et immense pour Karond Kar…
C’est… Un sordide honneur pour moi que d’être le premier au courant d’une nouvelle si brutale… Je vais… Je vais envoyer une missive à Sa Majesté Malékith, afin qu’il puisse lui aussi vous présenter ses condoléances personnelles !
– Ce serait une preuve d’une grande félicité de votre part, gouverneur ! Il est important pour nous d’avoir un tel témoignage de respect de la part de la très crainte Garde Noire ! »
Aduyer tapa sur son poitrail.
« Je ne vais pas vous déranger plus longtemps, je craignais simplement que vous ayez des blessés graves ayant besoin de traitement à bord, ou pire, une mutinerie de la part de matelots, d’où mon arrivée !
– C’est tout à votre honneur !
– Je vais vous faire escorter jusqu’à la rade, avec ce temps là il y a des risques d’accidents !
– Mon navigateur vous en remercierait chaleureusement, j’en suis certaine !
– Fort bien ! »
Et Aduyer se retourne, et fait un pas.
Mais il s’arrête. Pour faire comme s’il avait oublié quelque chose.
C’est une connerie immense. Megeth sait que c’est une connerie. Akisha sait que c’est une connerie. Même le Corsaire qui écouterait distraitement la discussion saurait que c’est une connerie.
Aduyer Daes fait semblant d’être poli — car tout chez les Druchii est question d’apparences. Mais c’est un loup. Un loup affamé.
« Oh, je… Pardonnez-moi, mais pourriez-vous me ôter d'un doute ?!
Rassurez-moi… Si votre seigneur père est décédé… Avez-vous pu…
Avez-vous pu récupérer l’anneau dynastique de votre famille ?! »
Fièrement, Megeth lève la main. Elle l’a au doigt.
« La mort risque toujours de survenir à n’importe qui d’entre nous, nous acceptons de vivre avec, mais jamais nous ne laisserions notre famille en danger en perdant ainsi notre marque d’honneur ! »
Aduyer Daes, pendant une fraction de secondes, eut l’air absolument déçu.
Mais il fit disparaître cet air défait, pour offrir un grand sourire.
« Vous m’enlevez un poids de la conscience, maîtresse Megeth ! »
Et il se pencha, pour prendre ses doigts avec délicatesse, et respectueusement lui baiser la main.
Il salua Akisha, tourna à 90°, et remonta sur son bateau avec ses sbires.
Et comme ça, l’aînée Drakilos était rentrée dans sa ville natale.
Dans l’hémisphère nord du globe, il était le printemps. Dans le Vieux Monde, c’est la saison où le temps bourgeonne et commence à devenir vivable et agréable.
À Naggaroth, c’est la saison de la mousson. C’est l’époque de pluies torrentielles, de terrains transformés en marécages remplis de moustiques, d’inondations dans les bas quartiers de la ville. Tout ce continent est maudit et immonde — il n’y a jamais une seule saison qui soit tolérable. Les exilés d’Ulthuan n’y vivaient que parce qu’ils y avaient été contraints par les Asur si détestés. Un jour, oui, un jour, on n’arrêtait pas de le promettre depuis des millénaires, les Naggarothis rentreraient chez eux.
Un jour.
Akisha passait enfin un réveil à peu près agréable. Elle se retournait en rouvrant les yeux. Toujours aussi affaiblie, rincée, comme vidée de sa substance — mais elle n’avait plus mal. Elle était à présent en convalescence. Trois semaines depuis son retour de Norsca, elle reprenait enfin du poil de la bête. Elle avait en fait failli mourir ; à présent, elle retrouvait petit à petit une alimentation adéquate, et si ça continuait sur cette voie, bientôt, tout ne serait plus qu’un mauvais souvenir.
Mais si physiquement tout allait bien, psychiquement, ce n’était pas pareil. Plutôt que de devoir affronter sa famille, elle avait décidé, sitôt qu’elle en avait reçu l’autorisation de la cheffe de la famille, de s’exiler. Elle était partie dans un petit manoir sur une île un peu au large de Karond Kar, là où elle pourrait rester loin de toutes les conséquences de ce qui s’était passé en Norsca. Les sœurs n’avaient même pas ramené un corps à brûler — comment prévoir des funérailles correctes sans la dépouille ?
Pas de prêtre, pas de soirées, pas d’amis. Akisha s’était enfermée avec quelques esclaves sur ce petit manoir insulaire, où elle pouvait seule passer ses journées à lire ou à manier la barre d’un petit voilier lorsque le temps le permettait.
Enfin. Presque seule.
Un bras s’enroulait autour d’elle. Des doigts parcouraient ses cheveux en bataille. Elle, elle se réveillait toujours plus tôt qu’Akisha, mais elle avait avoué qu’elle aimait bien se languir au lit pour la regarder dormir. Rien que l’idée paraissait tellement étrange… Les Druchii sont une espèce paranoïaque. Ils n’aiment pas être découverts faibles, et il y a peu de moments où un Naggarothi est plus faible que lorsqu’il ferme les yeux.
Mais elle n’était pas une Druchii. Pas tout à fait. Qu’est-ce qui relève du sang, et qu’est-ce qui relève de l’éducation ? Ce n’est jamais trop clair.
« T’as bien dormi, tu n’as pas eu de cauchemars cette fois ? »
Rekhilve posa ses lèvres contre sa joue. Elle a sa voix rauque du matin. Elle se rassit un peu pour se placer au-dessus d’Akisha. Elle attendit sa réponse. Depuis des jours maintenant, l’aînée Drakilos se sentait assez en confiance dans ses bras pour lui confier ce qui normalement ne s’avouait jamais. Ses peines nocturnes. Les souvenirs qu’elle n’arrêtait pas de ressasser.
Mais Rekhilve avait confié un secret bien plus atroce en retour. Comment égaler ce qu’elle avait avoué ? Elle était une Asur. Elle était une salope d’Ulthuan. La race des félons qui avaient rejeté Malékith comme monarque légitime.
Elle lui avait sauvé la vie. Et elle paraissait tellement douce et aimante avec elle.
« Hmpf. Tu nous appelles quelqu’un pour le petit déj’ au lit ?
Enfin, à condition que ton enfoiré de Gobelin fasse pas tout tomber aujourd’hui. »
Elle se leva, et se dirigea vers une des grandes fenêtres de la chambre tout en haut du manoir. Elle tira les rideaux de satin, et dévoila le ciel gris et la mer agitée de la matinée.
Elle était nue. Akisha put voir son corps couvert de cicatrices, et de tatouages le long de son dos et de ces biceps. Elle a été fouettée. Lacérée. Perforée. On voit les marques de dizaines de combats, qu’on peut tenter de dater en voyant l’évolution de la guérison des plaies.
À force d’avoir découvert le corps de l’Ombre du bout des doigts et de ses baisers, Akisha commençait à le connaître par cœur. Rekhilve avait expliqué la signification de certains de ces tatouages — il y en avait un qu’elle avait obtenu après avoir tué et dépecé un Sang Froid, avec sa famille adoptive de l’Échine Noire. Mais y avait des marques qu’elle refusait d’expliquer.
Peut-être qu’un jour elle le ferait.
« T’en penses quoi du temps ? »
Il faisait moche, mais c’était un beau temps pour sortir le voilier.
Rekhilve s’étira. Puis, d’humeur à faire la grasse matinée — surtout si Akisha agitait bien un des singes serviles pour qu’on leur amène à boire et à manger ici — elle décida de retourner dans le grand lit. Elle se colla de face, et posait ses lèvres contre la maîtresse.
« Ah merde… C’est aujourd’hui que Kehem il passe, c’est ça ? Vers quatorze heures ?
Faudra pas rentrer trop tard si tu veux sortir… »
Le traducteur. C’était grâce à lui qu’Akisha s’en était sortie en vie, et par sa faute que Megeth avait la bague…
En récompense, sa sœur l’avait engagé auprès de lui comme secrétaire. Mais il demeurait ami de l’aînée. Un de ses rares alliés en ville. Il avait promis de venir rendre visite à Akisha pour la tenir au courant de tout ce qui se passait à Karond Kar.
Son exil ne pouvait pas durer éternellement.