[Akisha] Tendresse

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Par delà le Grand Océan, bien à l’ouest du Vieux monde, se trouve le continent de Naggaroth, terre des sinistres Elfes Noirs. C’est une région aride et sauvage que les rayons du soleil réchauffent rarement, tant la couche nuageuse y est épaisse, et de terribles tempêtes s’y déchaînent régulièrement.

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[MJ] La Fée Enchanteresse
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[Akisha] Tendresse

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

« Après un bon dîner, on peut pardonner n’importe quoi, à n’importe qui ; Même les relations de quelqu’un. »

– Oscar O'Flahertie, barde d’Albion.




On réveillait Akisha en toquant à la porte de la cabine du navigateur. L’aînée Drakilos était tirée de son sommeil bien lourd, mais Rekhilve réagissait pour elle — la petite Ombre, somnolant sur un tabouret, bras croisés, avait presque bondit, et posé machinalement la main sous son manteau.
Mais ce n’était que Vateci qui se trouvait devant. L’élégante contre-maîtresse, toujours vêtue de son Kheitan, les cheveux noués par des pinces dorées, annonça d’un ton quelconque que la terre était en vue. Ce ne seraient plus que quelques heures avant de rejoindre Karond Kar.
Elle partit aussitôt en s’excusant. Et alors, revenue à la conscience, Akisha se mit à tousser. À tousser de cette espèce de toux humide, sifflante, qui lui brûlait à un de ses flancs. Plutôt endormie, Rekhilve s’étira comme un chat, alla chercher la poudre du docteur, et se posa à côté d’elle, sur son lit, pour lui tendre son poison.

« Je sais que t’as pas envie… Mais là tu peux juste dormir, te reposer. »

Mais Akisha n’avait pas le droit de dormir. Elle en avait cette possibilité, durant ces dernières semaines — tandis qu’elle ne pouvait pas se rendre utile pour aider à la navigation, et qu’elle devait se douter que son aide n’était même pas forcément bienvenue sur son propre vaisseau, elle disposait de tout le luxe de passer ses journées clouée au lit, à tousser des glaires infectes, et à grelotter de fièvre.
Là, en revanche, ils arriveraient bientôt à Karond Kar. Le Karybde allait faire forte impression en revenant dans la rade, alors, il était de son devoir de se préparer, et de paraître vivante. À défaut d’autre chose, au moins faire taire les rumeurs infâmes, en présentant son visage aux corsaires et aux Furies de Khaine qui viendraient collecter la dîme.

« Hmpf.
Je vais aller te chercher tes affaires dans ta cabine, alors. »


Sa cabine, son navire. Megeth l’avait plus-ou-moins réquisitionné de force, comme son équipage d’ailleurs. Aux dernières nouvelles, elle dormait dans son lit, avec la sorcière comme compagne sous les mêmes draps. C’était à cause d’elle, qu’Akisha était forcée d’être convalescente dans la cabine étroite et spartiate de son navigateur. Où est-ce que Megeth était allée dénicher l’aide d’une mage des couvents…
Il fallait lentement se réveiller — au moins, le temps que Rekhilve rapplique, elle avait assez d’instants à elle pour juste se décoller du matelas. Lourde, si lourde… La drogue de Magnouvac, ce sordide chirurgien, avait l’effet positif de mettre fin à ces douleurs irradiantes sous sa poitrine. Mais le principal effet secondaire, c’est qu’elle avait l’impression de somnoler tout le temps. Toujours, toujours cette impression de tout comprendre avec du retard, d’avoir comme de la buée devant les yeux…

Rekhilve revenait après un long moment. Une tunique propre sous le bras, une sacoche à la main — une bien, bien pauvre damoiselle de compagnie. Elle avait bêtement froissé le vêtement, tenait du velours avec ses doigts histoire de bien défaire ce que des esclaves avaient bien soigneusement brossé. Akisha était une Elfe qui n’avait jamais aimé porté de beaux costumes, mais elle vivait dans un monde où paraître était malheureusement bien nécessaire. Elle avait prévu ces beaux habits pour faire plaisir à son père, lorsqu’ils débarqueraient ensemble victorieux et riches aux pieds du Placître.
Tout avait tellement foutu le camp si vite…




Elle grimpait sur le pont. Il faisait nuit noire. Et il pleuvait. Le temps à Naggaroth est rarement clément — les pilotes font avec. Maniant la barre, Kovus était vêtu d’un épais imperméable d’où dégoulinaient de véritables trombes d’eau. Des Corsaires de corvée se tenaient sous des bannes obscures, en essayant d’entretenir les lampes à huiles qui menaçaient de s’éteindre avec la brise — ou, si elles étaient mal fixées, de tomber sur le reaver en risquant de provoquer un départ de feu. Il fallait, pour se faire entendre, crier à voix haute, et les matelots n’avaient cesse de s’insulter entre eux, tandis qu’ils courraient dans tous les sens pour maintenir les cordages et s’assurer qu’il n’y ait pas de dégâts.
Éclair.
Pendant deux secondes, Akisha perçoit à bâbord les côtes familières des Falaises de l’Effroi. Des dizaines et des dizaines de fois, elle avait aperçu ces monts escarpés, cette façade inhospitalière bonne à faire chavirer les navigateurs incompétents, ou tout simplement inattentifs. Elle devinait plus qu’elle ne voyait les nids à Harpies qui, en journée, et par meilleur temps, pouvaient être vues dansant au milieu des nuages.

Il fallait qu’elle traverse le pont, sa robe balayée par le vent, la pluie ruisselante partout jusqu’à former un lit d’eau sur le bois. Sur son passage, on la découvrait. Alors, un par un, les Corsaires se mettaient au garde-à-vous, frappaient leur torse, puis, sitôt qu’elle les avait dépassés, ils se retournaient tout-de-go et recommençaient à hurler des insultes, contre leurs camarades, contre eux-mêmes, et contre la météo.
Elle atteignait la proue. Sous un parapet de bois pour la recouvrir, elle devinait Megeth, la sorcière, et le quartier-maître Kayeth qui parlait avec elles deux.
En arrivant, ils semblaient soudainement cesser une conversation. À la lueur de deux lanternes, elle reconnaissait bien les visages de tout le monde. La sorcière souriait. Megeth lui faisait un signe de tête. Kayeth…
Kayeth avait l’air sidéré.
Il avait d’énormes cernes autour des yeux. Un aspect malingre, et malade. Il se pencha un peu pour offrir une révérence, et parla fort pour se faire entendre face au bruit des vagues qui fouettaient la coque, et le vent qui hululait à travers les mâts agités.

« Bonne soirée à vous, capitaine Akisha !
Capitaine Megeth ! »


Megeth hocha simplement de la tête, et il le prit comme un signe qu’il pouvait disposer. Alors, il s’éloigna et retourna sous l’averse, en trottant.
La sœur d’Akisha posa ses coudes contre la rambarde, et toisa un peu sa sœur.

« Tu vas mieux, Kisha ?! Magnouvac m’a dit que t’avais une sacrée crève !
– Il serait dommage que vous soyez handicapée par une simple affliction, après avoir héroïquement survécu à la Norsca ! Quels grands récits d’aventures vous allez pouvoir raconter au reste de votre noble famille ! »

La sorcière ne se foutait pas seulement de la gueule d’Akisha — elle se foutait de sa gueule juste devant ses yeux. Son sourire était exactement le genre de rictus d’enculée qu’on avait envie de faire disparaître à coup de tartes dans la gueule.
Mais ce qui était vraiment insoutenable, c’est que la sorcière devait parfaitement savoir l’effet qu’elle produisait…
Megeth n’avait aucune envie de fanfaronner. Elle eut l’air visiblement mal à l’aise de la réflexion de sa comparse. Elle préféra changer de sujet à toute vitesse.

« Il ne… Il ne reste plus personne de vivant de l’équipage de père ! Ça va rendre très compliqué nos possibilités de comprendre ce qui s’est passé là-bas ! Qu’est-ce qu’il foutait si loin dans la Norsca !
C’est… Un cauchemar… »


Elle agita la tête, en faisant la moue.

« Mais on s’en remettra ! Ce n’est pas la première fois que notre famille est dans la tourmente ! Il faut qu’on reste soudées !
On est une des familles les plus importantes de tout Naggaroth ! On va quand même pas- »


Éclair. Et cette fois-ci, on peut voir, au loin, l’élégante envergure d’un autre bateau, beaucoup plus fin mais beaucoup mieux armé que le Karybde.
Obscurité. Tonnerre.

Megeth, qui a vu l’intrus en train de se rapprocher, grogne.

« Merde…
Akisha, heureusement que tu t’es faite belle ! On va devoir rencontrer du monde ! »


Éclair. Et cette fois, ce n’est plus un, mais trois navires qui s’approchent du Karybde à contre-sens. Lorsque l’accident commence à menacer, ils se mettent à lentement reculer, et à envoyer des signes à Kovus grâce à un grand feu et un panneau en bois qui permettent de communiquer par signaux.
Le Karybde fait demi-tour. Et, au bout d’une demi-heure, il est guidé par l’immense phare de la Tour de l’Esclavagiste — la porte d’entrée à la ville de Karond Kar.

Il n’y a pas de quoi s’inquiéter, c’est un exercice habituel.

Une heure plus tard, le Karybde est cerné de vaisseaux. Alors, sous la pluie, Vateci va hurler comme une chienne. Elle met les Corsaires en rang tandis que Kovus jette l’ancre et fixe le navire sur place autant qu’il peut, chose difficile avec le roulis indomptable d’un océan Naggarothi. Un des militaires va chercher le fanion de la famille Drakilos, qu’il découvre et place sur une pique. Et tandis que Megeth et Akisha demeurent à l’abri de la pluie, avec leurs toilettes élégantes camouflées sous de grands manteaux pour se protéger de l’intempérie, tout ce beau monde attend qu’en face, ça manœuvre.

Un navire noir comme la nuit se place devant le Karybde. Le pauvre Kovus serre les dents et les Corsaires sifflent tandis qu’il menace dangereusement de provoquer un sordide accident en éperonnant de côté leur reaver ; mais ce n’est pas le cas. On lance alors une planche en bois, et des matelots s’occupent d’assurer un passage plus-ou-moins sécurisé entre les deux bâtiments.

Alors, la planche commence à plier sous le poids d’Elfes en armure. six guerriers vont en file-indienne, traversant, un peu courbés sur leurs genoux, le vide dans lequel ils risquent de plonger. Ils émergent de l’autre côté en faisant deux colonnes de trois. Ils se mettent au garde-à-vous.
Leurs armures sont impressionnantes. De la plate damasquinée, des heaumes brillants d’obsidienne, des jupes violacées de pourpre. Comment ne pas reconnaître la Garde Noire de Naggarond, l’armée privée et personnelle de Malékith lui-même ? Ses guerriers sont les meilleurs guerriers parmi tout le peuple Druchii.
Un septième homme grimpe sur la planche. Alors, les gardes noirs font un demi-tour droite, tout en hurlant si fort que les sons résonnent à travers leurs casques, pour prendre une octave métallique.

« ÉVENTRE POUR KHAINE ! »

Le septième guerrier porte la même plate, mais avec des dorures et des bijoux le long de son gorgerin, et d’épais renforcements sur ses épaules. Une fois monté à bord, les Corsaires des Drakilos se redressent, et lèvent leurs mentons, presque tous à la même seconde.
Il retire son casque. Et alors, l’officier de la Garde Noire dévoile un visage familier d’Akisha — c’est Aduyer Daes. Un bel homme, à la mâchoire carrée, les cheveux peignés, des yeux perçants. Un ancien favori de Malékith, qui a soudain subi sa défaveur au point d’être nommé gouverneur d’une place-forte froide et aussi éloignée que possible de la capitale. Il ne perd jamais une occasion de se faire mousser auprès des aristocrates de Karond Kar, même lorsqu’il s’agit simplement de les arrêter à l’entrée de la ville.

« Maîtresse Akisha Drakilos ; Maîtresse Megeth Drakilos !
Je m’attendais à voir trois vaisseaux revenir du Vieux Monde ! Où se trouve le sieur héritier, votre père ?! »


Il s’approche des deux dames, afin qu’elles n’aient pas à se trouver sous la pluie — il a au moins cette élégance d’officier.
Alors qu’ils se trouvent sur le vaisseau d’Akisha, c’est Megeth qui parle la première.

« Notre seigneur et père Tevras Drakilos a succombé en se battant face aux Humains de la Norsca ! »

Ce n’est pas l’entière vérité. Ou du moins, c’est un résumé bien bref.
Sieur Daes a un mouvement de recul. Fait la moue. Puis, hoche de la tête.

« Toutes mes condoléances, maîtresses… C’est… Une perte tragique, et immense pour Karond Kar…
C’est… Un sordide honneur pour moi que d’être le premier au courant d’une nouvelle si brutale… Je vais… Je vais envoyer une missive à Sa Majesté Malékith, afin qu’il puisse lui aussi vous présenter ses condoléances personnelles !

– Ce serait une preuve d’une grande félicité de votre part, gouverneur ! Il est important pour nous d’avoir un tel témoignage de respect de la part de la très crainte Garde Noire ! »

Aduyer tapa sur son poitrail.

« Je ne vais pas vous déranger plus longtemps, je craignais simplement que vous ayez des blessés graves ayant besoin de traitement à bord, ou pire, une mutinerie de la part de matelots, d’où mon arrivée !
– C’est tout à votre honneur !
– Je vais vous faire escorter jusqu’à la rade, avec ce temps là il y a des risques d’accidents !
– Mon navigateur vous en remercierait chaleureusement, j’en suis certaine !
– Fort bien ! »

Et Aduyer se retourne, et fait un pas.
Mais il s’arrête. Pour faire comme s’il avait oublié quelque chose.
C’est une connerie immense. Megeth sait que c’est une connerie. Akisha sait que c’est une connerie. Même le Corsaire qui écouterait distraitement la discussion saurait que c’est une connerie.
Aduyer Daes fait semblant d’être poli — car tout chez les Druchii est question d’apparences. Mais c’est un loup. Un loup affamé.

« Oh, je… Pardonnez-moi, mais pourriez-vous me ôter d'un doute ?!
Rassurez-moi… Si votre seigneur père est décédé… Avez-vous pu…
Avez-vous pu récupérer l’anneau dynastique de votre famille ?! »

Fièrement, Megeth lève la main. Elle l’a au doigt.

« La mort risque toujours de survenir à n’importe qui d’entre nous, nous acceptons de vivre avec, mais jamais nous ne laisserions notre famille en danger en perdant ainsi notre marque d’honneur ! »

Aduyer Daes, pendant une fraction de secondes, eut l’air absolument déçu.
Mais il fit disparaître cet air défait, pour offrir un grand sourire.

« Vous m’enlevez un poids de la conscience, maîtresse Megeth ! »

Et il se pencha, pour prendre ses doigts avec délicatesse, et respectueusement lui baiser la main.
Il salua Akisha, tourna à 90°, et remonta sur son bateau avec ses sbires.


Et comme ça, l’aînée Drakilos était rentrée dans sa ville natale.



Dans l’hémisphère nord du globe, il était le printemps. Dans le Vieux Monde, c’est la saison où le temps bourgeonne et commence à devenir vivable et agréable.
À Naggaroth, c’est la saison de la mousson. C’est l’époque de pluies torrentielles, de terrains transformés en marécages remplis de moustiques, d’inondations dans les bas quartiers de la ville. Tout ce continent est maudit et immonde — il n’y a jamais une seule saison qui soit tolérable. Les exilés d’Ulthuan n’y vivaient que parce qu’ils y avaient été contraints par les Asur si détestés. Un jour, oui, un jour, on n’arrêtait pas de le promettre depuis des millénaires, les Naggarothis rentreraient chez eux.
Un jour.

Akisha passait enfin un réveil à peu près agréable. Elle se retournait en rouvrant les yeux. Toujours aussi affaiblie, rincée, comme vidée de sa substance — mais elle n’avait plus mal. Elle était à présent en convalescence. Trois semaines depuis son retour de Norsca, elle reprenait enfin du poil de la bête. Elle avait en fait failli mourir ; à présent, elle retrouvait petit à petit une alimentation adéquate, et si ça continuait sur cette voie, bientôt, tout ne serait plus qu’un mauvais souvenir.
Mais si physiquement tout allait bien, psychiquement, ce n’était pas pareil. Plutôt que de devoir affronter sa famille, elle avait décidé, sitôt qu’elle en avait reçu l’autorisation de la cheffe de la famille, de s’exiler. Elle était partie dans un petit manoir sur une île un peu au large de Karond Kar, là où elle pourrait rester loin de toutes les conséquences de ce qui s’était passé en Norsca. Les sœurs n’avaient même pas ramené un corps à brûler — comment prévoir des funérailles correctes sans la dépouille ?
Pas de prêtre, pas de soirées, pas d’amis. Akisha s’était enfermée avec quelques esclaves sur ce petit manoir insulaire, où elle pouvait seule passer ses journées à lire ou à manier la barre d’un petit voilier lorsque le temps le permettait.
Enfin. Presque seule.

Un bras s’enroulait autour d’elle. Des doigts parcouraient ses cheveux en bataille. Elle, elle se réveillait toujours plus tôt qu’Akisha, mais elle avait avoué qu’elle aimait bien se languir au lit pour la regarder dormir. Rien que l’idée paraissait tellement étrange… Les Druchii sont une espèce paranoïaque. Ils n’aiment pas être découverts faibles, et il y a peu de moments où un Naggarothi est plus faible que lorsqu’il ferme les yeux.
Mais elle n’était pas une Druchii. Pas tout à fait. Qu’est-ce qui relève du sang, et qu’est-ce qui relève de l’éducation ? Ce n’est jamais trop clair.

« T’as bien dormi, tu n’as pas eu de cauchemars cette fois ? »

Rekhilve posa ses lèvres contre sa joue. Elle a sa voix rauque du matin. Elle se rassit un peu pour se placer au-dessus d’Akisha. Elle attendit sa réponse. Depuis des jours maintenant, l’aînée Drakilos se sentait assez en confiance dans ses bras pour lui confier ce qui normalement ne s’avouait jamais. Ses peines nocturnes. Les souvenirs qu’elle n’arrêtait pas de ressasser.
Mais Rekhilve avait confié un secret bien plus atroce en retour. Comment égaler ce qu’elle avait avoué ? Elle était une Asur. Elle était une salope d’Ulthuan. La race des félons qui avaient rejeté Malékith comme monarque légitime.
Elle lui avait sauvé la vie. Et elle paraissait tellement douce et aimante avec elle.

« Hmpf. Tu nous appelles quelqu’un pour le petit déj’ au lit ?
Enfin, à condition que ton enfoiré de Gobelin fasse pas tout tomber aujourd’hui. »


Elle se leva, et se dirigea vers une des grandes fenêtres de la chambre tout en haut du manoir. Elle tira les rideaux de satin, et dévoila le ciel gris et la mer agitée de la matinée.
Elle était nue. Akisha put voir son corps couvert de cicatrices, et de tatouages le long de son dos et de ces biceps. Elle a été fouettée. Lacérée. Perforée. On voit les marques de dizaines de combats, qu’on peut tenter de dater en voyant l’évolution de la guérison des plaies.
À force d’avoir découvert le corps de l’Ombre du bout des doigts et de ses baisers, Akisha commençait à le connaître par cœur. Rekhilve avait expliqué la signification de certains de ces tatouages — il y en avait un qu’elle avait obtenu après avoir tué et dépecé un Sang Froid, avec sa famille adoptive de l’Échine Noire. Mais y avait des marques qu’elle refusait d’expliquer.
Peut-être qu’un jour elle le ferait.

« T’en penses quoi du temps ? »

Il faisait moche, mais c’était un beau temps pour sortir le voilier.

Rekhilve s’étira. Puis, d’humeur à faire la grasse matinée — surtout si Akisha agitait bien un des singes serviles pour qu’on leur amène à boire et à manger ici — elle décida de retourner dans le grand lit. Elle se colla de face, et posait ses lèvres contre la maîtresse.

« Ah merde… C’est aujourd’hui que Kehem il passe, c’est ça ? Vers quatorze heures ?
Faudra pas rentrer trop tard si tu veux sortir… »


Le traducteur. C’était grâce à lui qu’Akisha s’en était sortie en vie, et par sa faute que Megeth avait la bague…
En récompense, sa sœur l’avait engagé auprès de lui comme secrétaire. Mais il demeurait ami de l’aînée. Un de ses rares alliés en ville. Il avait promis de venir rendre visite à Akisha pour la tenir au courant de tout ce qui se passait à Karond Kar.

Son exil ne pouvait pas durer éternellement.

Jet d’endurance : 6, réussite sans avoir besoin du bonus. Akisha se sent plutôt bien aujourd’hui, elle est sur le chemin de la guérison, mais elle se sent encore assez faible… (-2 au lieu de -4 pour la journée).

Jet de dépendance : 6, réussite. Tu n’as même pas envie de reprendre de la poudre à Magnouvac. Aujourd’hui promet d’être une belle journée, pour une fois.

Jet d’intelligence : 4, réussite large. Informations débloquées dans la narration.
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Akisha Drakilos
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Re: [Akisha] Tendresse

Message par Akisha Drakilos »

Parfois, je me demande bien ce que serait devenue cette vieille bicoque si je n'étais pas revenue de Norsca.
Difficile à croire, mais il y a un peu plus d'un siècle, mes parents, Nokhis, Megeth et moi nous rendions tous à l'occasion ici, avec toute la flopée d'esclaves, de serviteurs et de sous-fifres pour nous accompagner. Une autre époque. Maintenant, il n'y a plus que moi qui prenne encore la peine de m'y rendre, de temps à autre.

Ce manoir, c'était une lubie de ma mère. Il n'y avait qu'elle pour convaincre mon père qu'il fallait absolument construire un manoir personnel loin de Karond Kar, sur ce caillou balayé par vents et marées, lui qui virait à la pingrerie dès qu'il s'agissait de "dépenses superflues".
Comme toujours, une fois convaincu, il n'avait pas fait les choses à moitié : un architecte Druchii pour encadrer les esclaves charpentiers, et même des nains. Je ne sais pas comment ils s'y sont pris pour forcer ces mini-Mon Keighs à travailler le bois, compte tenu de leur amour de la pierre, mais le résultat parle de lui-même. Plus d'un siècle après, le manoir a beau grincer à chaque pas, il est toujours là, le bois patiné par les éclaboussures marines.

À cette époque-là, on nous envoyait souvent tous les trois, parfois pour être rejoint par nos parents qui profitaient d'une accalmie dans les intrigues de Karond Kar. En apparence, il n'y avait pas grand chose à faire, sur ce petit caillou. Asticoter les esclaves, lire les piles de livres entassées à l'intérieur. Faire du voilier, bien sûr. Rejoindre par la mer l'île principale, et gambader dans ses bois adjacents à la côte. Mais la jeunesse a ce pouvoir de rendre n'importe quoi intéressant.
Nokhis et mon père cessèrent rapidement leurs visites, tout pris qu'ils étaient à peaufiner la future succession. Megeth et moi passèrent bien plus de temps ensemble. La forêt côtière face au manoir pullulait d'esclaves en fuite : il y en avait toujours au moins un ou deux dans le coin qui vivotaient, frigorifiés. Le grand jeu était alors de les traquer, puis de les torturer à mort. Lorsque nous étions d'humeur malicieuse, l'une d'entre nous faisait mine de vouloir aider l'esclave, tandis que l'autre lui tombait sur le râble par derrière. Megeth avait toujours plus de succès, elle paraissait toujours plus sincère. Mon père était ravi de notre initiative, y voyant une activité parfaite pour perfectionner les talents exigés d'un noble. Ma mère était un peu moins enthousiaste à l'idée de laisser deux gamines seules dans les bois, même contre des esclaves. Jusqu'à notre adolescence, nous nous coltinions donc souvent un garde pour accompagner nos péripéties. Oncle Fereoth, quand il passait au manoir, rarement.
Avec les années et l'habitude, la chose devint si facile que, par désintérêt croissant, nos escapades forestières s'espacèrent. Et quand Mère trouva la mort face à un minotaure échappé, eh bien... Megeth ne mit plus les pieds au manoir. Depuis un demi-siècle, il n'y a plus que moi pour secouer ce vieux manoir grinçant et en bouger la poussière.

Oui, cela fait bien des décennies que ce manoir n'a pas vu d'autres Druchiis que moi. Alors deux en même temps, c'est la fête. Si l'on y ajoute mes quatre esclaves, voilà bien longtemps que le manoir n'avait pas vu autant de personnes chez elle. Keighi, l'armoire à glace silencieuse, le gobelin Babille, mon cher bouffon. Ah, qu'il m'avait manqué ! Je ne me lasse pas de la frousse dans le fond de ses yeux dès que je suis dans son champ de vision, ni de ses commentaires aussi stridents qu'obséquieux. Sans surprise, il tape sur le système de ma compagne, comme moi au début. Mais je suis sûre qu'il l'amadouera comme moi avant elle.
Les deux autres sont un jeune boutonneux et un vieux croulant. Tout ce que le clan Drakilos était prêt à céder à sa fille déchue pour ces quelques jours loin du monde. Le jeunot est un bretonnien bègue qui bafouille à tout bout de champ. Le petit vieux est un norse au nez épaté, à qui l'on a arraché la langue il y a une éternité de cela. Rekhilve m'a demandé si c'était une punition pour une bravade, mais non. Ce genre de fanfaron, on les épluche devant tous les autres pour leur apprendre le respect. Et vu qu'il ne risque pas de me répondre, j'ai fort à parier que je ne saurais jamais le fin mot de l'histoire...

Rekhilve, qui vient de tirer les rideaux de la chambre, laissant entrer une lumière grisâtre raccord avec le ciel. Avec un sourire paresseux, je l'invite du bras à revenir dans notre couche. C'est chaud et douillet sous les draps, alors que nous nous enfermons dans les bras l'une de l'autre. Elle passe ses doigts dans mes cheveux. J'adore ça. Ils se sont encore allongés depuis l'épopée en Norsca, et ma dernière teinture remonte à si longtemps que les racines virent au noir. Il faudra que je m'occupe de ça.
J'aime bien effleurer les siens, mais ils sont plus court. Alors je caresse son corps, sa peau satinée. Il y a tant de cicatrices, de tatouages, de marques ! C'est comme explorer du bout des doigts une vallée montagneuse. Et je crois qu'elle aime ça, elle aussi.

Je ne sais toujours pas quoi penser de cette relation. Pourquoi lui ai-je renvoyé si voracement ce baiser, la première fois qu'elle m'ait embrassée ? Pourquoi m'a-t-elle accompagnée jusqu'ici ? Pourquoi partageons-nous autant de choses, mais sommes-nous si incapables de mettre des mots sur ce que nous vivons ensemble ?
Une fois, elle m'a dit qu'elle aimait me voir dormir. En langue Druchii, ça se traduit comme : j'aime t'observer seule, vulnérable et sans défense, intégralement à ma merci. Mais pas avec elle. Je sais que c'est au sens de sa nature profonde. Plus innocent.
Une confiance aussi absolue interroge, alors que nous ne savons même pas où va notre relation. Mais ici et maintenant, elle est mon monde. Et je suis probablement le sien. Une Asur incognito à Karond Kar. Comme complice, on peut dire que j'ai bu la coupe jusqu'à la lie. Même que j'ai ensuite invité la coupe sous ma couette, et que je la parcoure si assidûment que je connais la moindre de ses courbes.
Je lui ai confié beaucoup de choses, que j'avais sur le coeur depuis trop longtemps. Surtout des doutes, des regrets, des remords, généralement de près ou de loin lié à ma famille. Ça m'a fait du bien. On ne peut jamais en parler, d'ordinaire. Tôt ou tard, un secret divulgué est utilisé contre son propriétaire. Mais à défaut d'être une Druchii, Rekhilve n'en est pas une ordinaire. Et puis, pour secret donné, secret reçu. Et comment égaler le sien ? Nous sommes ensemble, maintenant. Définitivement, qu'on le veuille ou non.

Après un certain moment à nous cajoler, je pousse un cri pour exiger le petit-déjeuner. Contrairement à mes esclaves personnels, je ne leur donne pas de nom. Ces esclaves domestiques-ci n'en valent pas la peine, ils sont interchangeables. Surtout quand ils sont aussi pitoyables que ces deux-là...
En attendant, je la couvre encore de baisers, et nos mains partent en exploration. Nous sommes finalement interrompues par l'arrivée du petit boutonneux, avec son plateau. Il le dépose sur le lit, et nos draps glissent tandis que nous nous redressons. Exposé à notre nudité, son teint vire au cramoisi, et il bafouille une politesse charcutée par son accent avant de battre précipitamment en retraite dans le couloir.

- "À croire qu'il n'a jamais vu une poitrine avant," ronronne Rekhilve.

C'est bien possible. Je hausse les épaules.

- "Il sait que les esclaves qui se rincent l’œil sont énuclées. Ce n'est pas plus mal."

Après le repas, je saisis sa main, l'attire à moi et lui bécote gentiment le nez.

- "On sera de retour pour quatorze heures. D'ailleurs, je ne crois pas qu'il ait eu le plaisir de rencontrer Babille. Hâte de voir leur tête lorsqu'ils se verront."

Quittant le lit, je commence à ramasser des vêtements autour, balançant les siens à Rekhilve.

- "Nous avons le temps de faire un peu de voilier. Pourquoi pas du côté du bois en face, là où Megeth et moi jouions lorsque nous étions petite ?"
Akisha Drakilos, Voie du Noble Aristocrate
Profil: For 8 | End 8 | Hab 10 | Cha 11 | Int 9 | Ini 11 | Att 11 | Par 9 | Tir 9 | Foi | Mag | NA 1 | PV 8/55
Lien Fiche personnage: wiki-v2/doku.php?id=wiki:fiche_akisha_drakilos
Compétences :
Alphabétisation (E)
Diplomatie (B)
Acuité Visuelle (B)
Vision Nocturne (E)
Navigation Maritime (A)
Langage Secret - Jargon des Marins (E)
Autorité (B)
Mort Silencieuse (B)
Déplacement Silencieux (B)
Survie en Milieu Hostile (B)
Canotage (B)

Équipement :
- Cimeterre de Rue (1 main ; 18+1d8 dégâts ; 10 parade ; Rapide. Discret (Pas de suspicion quand l'arme est rangée sur soi) )
- Tenue de Matelot (1 de protection Torse, Bras, Jambes)
- Robe d’Aristocrate (non-portée)
- Masque d’Or (3 de protection au visage) (non portée)
- Remède de Magnouvac (Poudre à inhaler. Permet d'ignorer la Toux, la Dyspnée, la Fièvre et frissonnements durant END/2 heures. Effet secondaire : Provoque une somnolence, qui s'aggrave avec les doses. Effet secondaire grave (18+) : Inconnu. Risque de dépendance : Rouler un jet de VOL (INT+END)/2+6 toutes les deux semaines)
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Kehem, dit "Karond & Shoulders", traducteur du Karybde
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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Akisha] Tendresse

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Malgré le froid et la mer agitée, la ballade en voilier fut une très bonne fin de matinée. Il avait fallu se recouvrir tout de même de gros imperméables pour se garder du vent, puis, c’était immanquable, d’une averse qui avait balayé l’atmosphère. Heureusement, Rekhilve n’était pas le genre d’aristocrate faite en sucre — comme quoi, tous les Asur n’étaient pas des faiblards juste bons à se plaindre et chialer à la première intempérie. La jolie Ombre adoptée était avachie sur la proue de la petite bicoque, tandis qu’Akisha se concentrait à manier la barre.
Les deux filles firent une petite promenade de santé. Trottèrent un peu toutes les deux à l’invitation de l’ombre pour vérifier le rythme respiratoire de sa compagne — la pauvre fille Drakilos fut vite essoufflée, recommença à tousser beaucoup, mais il y avait malgré tout quelque chose d’encourageant dans les quelques foulées qu’elle avait pu tenir. Elle survivrait. Elle n’était plus clouée au lit incapable de respirer. Du grand air frais, et le temps suffiraient à la remettre d’aplomb.

Elle survivrait.

Les deux parvinrent à rentrer un petit peu avant treize heures. Juste le temps de rapidement se changer et boire du chocolat chaud pour se réchauffer en attendant le retour de Kehem. Le souci avec les heures annoncées, c’est qu’elles ne sont jamais respectées — on n’est jamais maître du vent ou de la mer… Aussi, vers quatorze heures, il n’y avait toujours pas la moindre trace de navire en vue, aussi, Rekhilve demanda à ce qu’on fasse amener quelques biscuits pour avoir de quoi se restaurer après un début de journée très sportif.
C’est plutôt aux alentours de quinze heures que le petit Bretonnien arriva pour annoncer, dans un reikspiel haché et franchement peu maîtrisé (On ne s’adresse aux esclaves qu’en reikspiel ; comment permettre à un singe d’utiliser la langue Elfique, si pure, et améliorée par Malékith le Roi-Sorcier lui-même ?) qu’un navire battant le pavillon de la famille Drakilos approchait. Akisha put donc le congédier en lui ordonnant de mettre la table et de réchauffer le repas.


Le navire qui arrivait était un Reaver de petite taille. Un tiers de la taille du Karybde, il n’était de plus armé d’aucune baliste — c’était un simple navire de fret, ou de pêche. Lorsqu’il s’approcha du ponton du caillou qui servait d’île au manoir, les voiles furent violemment rabattues, et deux Elfes chutèrent dans l’eau pour aider le pilote à être guidé, puis jeter l’encre. La simple silhouette humanoïde de quelqu’un portant un grand manteau à capuche repliée sur son visage se fit alors découvrir. Il était balayé par les bourrasques de vent qui avaient gagné en intensité, et la pluie qui était maintenant une épaisse sauce et non une légère ondée ; Akisha avait eut du flair en décidant de sortir plus tôt…

L’homme était visible à travers une baie vitrée du manoir. Quand il avait monté assez du chemin, les deux filles purent se lever et se diriger vers la porte d’entrée. Le Norse mutique ouvrit grand les doubles-portes du manoir et laissa entrer le froid et l’intempérie.

« Maîtresse Akisha ; Rekhilve. »

La voix de l’homme était parfaitement reconnaissable. Kehem était bien là. Le traducteur passa sous le porche et fit tomber sa capuche. Il commença à défaire son mantel qu’il tendit à l’esclave, et alors, il fit une révérence, et embrassa la main d’Akisha.
Il avait un peu changé d’apparence. Surtout ses vêtements ; Il semblait vraiment gagner du pognon. Il portait un beau costume noir-pourpre, avec des boutons en or le long des manches. C’était un peu échancré sur son torse, à la mode de Karond Kar, et ses souliers vernis montraient qu’il avait un certain raffinement malgré sa paye — les nouveaux riches, surtout les agioteurs, n’avaient pas sa retenue dans le luxe, et du sublime au ridicule, il n’y a souvent qu’un pas, comme aimait le dire Malékith lui-même.
Il avait aussi changé la disposition de ses cheveux. Les avait bien peignés et noués, certainement l’œuvre du coiffeur personnel de Megeth. Le garçon semblait bien profiter de sa faveur.
Enfin, en tout dernier détail, il portait sous son bras une petite serviette marron. Une sacoche dans laquelle il devait peut-être avoir des papiers à présenter à Akisha.

Rekhilve se tenait dans le couloir, avachie contre le mur, les bras croisés. Elle lui fit un signe de tête.

« Hé beh hé beh, tu t’es fait reluire le cul avec tout ça, mon grand ?
– Rekhilve, toujours aussi chieuse à ce que je vois.
– Tape-la, copain. »

Les deux se frappèrent la main et s’enlacèrent rapidement. Bon gré, mal gré, le trio si atypique avait au final traversé de sacrées horreurs ensemble ; Le combat, les privations, et la peur de la mort avaient bien servi à les rapprocher. Pour trois Druchii n’ayant jamais accompli leur service militaire, ils étaient parvenus au final à connaître cette fraternité.

« Bon, je suppose que vous souhaitez que je me dépêche…
– Les esclaves t’ont fait à bouffer.
– Ah, tant mieux ! Et si vous avez à boire, je suis preneur également ! »

Akisha pouvait lancer derrière lui un regard vers le ponton, où le petit Reaver attendait. Mais Kehem rassura vite sa maîtresse :

« Ne vous embêtez pas à étendre votre hospitalité à eux aussi, je leur ai promis que je serai rapide.
Non pas que nous sommes vraiment pressés… Simplement, ces matelots ont l’oreille de Megeth. Je préfère qu’elle ne sache pas tout ce que nous nous sommes racontés. »


Dépassant la baie vitrée, les trois purent pénétrer dans le petit salon. C’était une salle à manger bien plus petite que celle du gigantesque palais des Drakilos fait pour accueillir des dizaines et des dizaines d’invités ; ici, c’était fait pour les repas de famille les beaux jours. Il était rempli de vieilleries, notamment une horloge de mode dépassée, et des rideaux décolorés par le temps. Akisha s’assit en bout de table, Rekhilve à sa droite, Kehem, pour ne pas avoir à s’isoler à l’autre bout de la pièce, prit sa gauche. Il posa sa serviette directement sur la nappe, et racla sa chaise.
Les deux esclaves se dépêchèrent. Le Norse muet amena un pichet de vin et des verres en cristal, tandis que le Bretonnien avait revêtu un tablier pour ramener des assiettes et le plan principal réchauffé : du bar cuit dans une essence avec des oranges. Même isolée sur son caillou, il n’était pas vraiment question pour une fille de dynaste de manger du biscuit et de la viande séchée…

« Les choses sont devenues infernales à Karond Kar. La ville est en pleine ébullition, vous avez raison d’être venue ici pour vous éloigner de tout ça, maîtresse.
– Karond Kar n’est-elle pas tout le temps infernale ?
– Certes, mais là, c’est encore pire qu’avant. Surtout la faute à Lokhir Fellheart, en fait. C’est la plus grosse épine dans le pied de Megeth, à en lui donner des crises de rage.
Vous vous souvenez du quartier-maître Kayeth ?

– Si on s’en souvient…
– Dès l’arrivée du Karybde, il a déserté. Personne n’a pu retrouver sa trace. Il vient juste de refaire surface.
Lokhir Fellheart l’a engagé et placé en sécurité au sein de son Arche Noire. Le Kraken n’arrête pas de le trimballer partout en lui soulevant la main, en le traitant de héros, affirmant qu'il a tué une demi-douzaine de Norses à lui tout seul.
Et dans ses discours, la pieuvre demande, de façon rhétorique, où se trouvaient bien Megeth et Akisha Drakilos alors que leur père, un dynaste, était capturé par les humains de Norsca. »

Voilà une évolution qui était certainement bien inquiétante…
Lokhir Fellheart. « Le Kraken ». Quand un Elfe Noir a mérité un surnom, ce n’est jamais un bon signe. En l’espèce, Lokhir était autrefois le plus faible de tous les princes de la ville — tellement faible, en fait, que Sighi Drakilos souhaitait que Lokhir épouse une fille Drakilos afin de devenir un pantin de leur mesnie, et que toute sa dynastie soit inféodée à sa volonté.
Il avait totalement modifié le rapport de force. Aujourd’hui, Lokhir n’arrêtait pas de revenir de raids intrépides, risqués, dans des territoires dangereux où il pouvait ramener des reliques et des artefacts rares, et couvrir des Corsaires de richesses ; Était-ce pour lui faire de l’ombre que Tevras Drakilos avait fait le pari fou de piller la Norsca ? En tout cas, ce sale petit con avait les crocs, et à présent, il semblait déterminé à s’attaquer directement aux Drakilos, en les insultant ainsi publiquement.

« Sighi ne peut pas laisser les diffamations de Lokhir impunies. Mais elle manque de ressources. Normalement, votre grand-frère pourrait simplement rassembler des hommes et le défier en duel, dans une guerre de rue… Mais disons qu’il est… »

Infirme. Impuissant. Incapable de se mettre debout sur ses deux jambes. Et de bander, aussi, ce qui l’empêchait de se marier.

« …Indisposé.
Megeth pourrait elle aussi s’en charger, mais elle… »


Est une lâche. Une pleutre. Une femme qui aime trop le luxe et qui est trop paresseuse pour se risquer à se battre aux côtés de Corsaire. Elle n’était même pas présente au ponton, préférant fuir à toute vitesse avec sa sorcière en abandonnant son équipage derrière.

« …Préférerait une méthode plus diplomatique pour gérer le Kraken… »

Il fallait peut-être trouver admirable les paroles diplomates qu’employait Kehem. Mais Akisha n’était pas vraiment dupe.
Toujours est-il, c’était l’heure de manger. Kehem commença à couper sa tranche de poisson que l’esclave avait fini de servir à tout le monde, et c’est entre ses bouchées qu’il continuait son exposé.

« Sighi Drakilos a ordonné la réunion du Conseil de Famille. Tous les Drakilos de tout Naggaroth ont été appelés et ont reçu l’obligation de venir à Karond Kar pour nommer officiellement la future héritière. Comme à chaque Conseil de Famille, puisque ce sont des réunions assez exceptionnelles, ce sera aussi l’occasion de parler du problème Fellheart, et aussi… Des quelques échecs commerciaux récents…
Le raid, il a été coûteux. Deux Reavers ont été perdus, c’est franchement énorme. Et gênant. Non seulement c’est un immense coût matériel, mais c’est aussi un coût de prestige. Ça ne donne pas envie aux agioteurs d’agioter, ils ont perdu confiance en la famille. De même, les Corsaires vont être plus durs à recruter.
Sighi souhaite très vite nommer un nouvel héritier, et préparer un nouveau raid grandiose pour supprimer l’égarement de la Norsca. Elle souhaite tout risquer sur un quitte-ou-double, et malheureusement, tout le monde dans la famille Drakilos n’apprécie pas ce plan.
C’est là où vous allez être très importante. »

Il prit un verre de vin d’une main, tandis que de l’autre, il tirait quelque chose de sa sacoche.
Un papier jaunâtre avec de l’encre gribouillée dessus. Des noms. Un tas de noms, qu’Akisha reconnaissait : c’était toute sa famille. Les cousins, les grand-oncles, tout un tas de gens qui avaient le patronyme Drakilos.
En tête de liste, se trouvait, évidemment, Sighi. Puis dans l’ordre Megeth, Akisha, et Nokhis. Mais c’est le cinquième nom qui était un peu plus marquant.
Aeman Drakilos. Un grand cousin, qui avait le métier de Corsaire. Akisha était proche de lui durant l’enfance, où il était un compagnon de jeu tout à fait agréable ; mais en grandissant, elle s’était détachée de lui. Aeman était un Elfe de bien peu d’intelligence, violent, irréfléchi. Il avait été nommé, par simple piston, contre-maître de la production d’arbalètes ; il avait multiplié les retards de livraison, les mauvais calculs, et avait contribué à salir le nom Drakilos en acceptant des pots-de-vins pour payer ses prostituées et sa drogue. Un véritable boulet.
Mais il était aussi costaud, dévoué, un fidèle de Khaine invétéré qui avait toujours le nom de Malékith à la bouche. Il avait décidé de servir dans les Affrelances en tant qu’officier, alors qu’il aurait pu racheter son service militaire au lieu de s’embêter à récurer des latrines pendant une demi-décennie.
Si le cerveau d’Akisha n’avait pas encore compris, Kehem continua l’explication.

« Megeth a récupéré la bague. Selon les usages de toutes les familles de Naggaroth, la reconnaître comme héritière n’est qu’une formalité.
Mais c’est une formalité nécessaire. Or, Megeth a peur… Peut-être est-elle paranoïaque, mais elle croit que votre cousin Aeman va tenter quelque chose. Je ne le pense pas — il reste un raté assez incapable, s’il complotait quelque chose, tout Karond Kar serait déjà au courant depuis longtemps. Mais voilà, Megeth n’en dort plus la nuit, et c’est pour ça qu’elle m’envoie.
Elle souhaite que vous la souteniez publiquement. Que devant le Conseil de Famille, vous preniez la responsabilité de tout l’échec de la Norsca. Que vous lui permettiez de lui racheter une virginité.
Mais évidemment, elle sait qu’exiger tel sacrifice de votre part ne sera pas gratuit… C’est ça, votre jolie carte à jouer. »


Il leva son verre pour boire. Mais il se mit à grimacer, et à recracher.

« Mais qu’est-ce que…
– Gniark gniark gniark ! »

Rekhilve leva les yeux au ciel. Kehem, qui entendait un bruit qui venait de dessous la table, recula son siège, et se leva en toute horreur.

« Mais qu’est-ce que c’est que cette chose ?! »

Babille surgissait de dessous. Bondissait en crachant par terre.
Du coin de l’œil, alors que Kehem parlait, Akisha avait pu observer comment il avait subtilité le verre du traducteur pour ajouter… Quelque chose, dedans. Et voilà que maintenant le Gobo se mettait à danser dans le petit salon, à la Kislévite, les bras croisés et les jambes s’élevant en l’air.

« Ho ! Ho ! Ho !
J’peu l’entarter, Kisha ?! Gnihéhé, j’vé l’entarter quand y s’y attend’ra pô ! »


Jet d’intelligence d’Akisha : 14, échec, pas de nouveaux détails dévoilés.

Jet de furtivité de Babille : 3
Jet d’observation de Kehem : 13

Babille parvint à jouer une farce au traducteur.
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Akisha Drakilos
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Re: [Akisha] Tendresse

Message par Akisha Drakilos »

En voyant le navire de Kehem accoster, je ne peux m'empêcher d'éprouver une bouffée de tristesse. Ce petit Reaver a beau n'être qu'un fret, il me rappelle le Karybde. Mon premier commandement... Et le dernier, sans aucun doute. Dire que j'étais si fière quand mon père m'en a nommé capitaine.

Lorsque Kehem entre et œuvre de politesse, il n'y a que la voix pour me confirmer qu'il s'agit du même homme. Il est attifé comme un vrai petit noble. À l'issue de cette histoire, il y a eu des gagnants et beaucoup, beaucoup de perdants. Nul doute qu'il fait partie de la première partie.
D'un geste, je l'invite à rentrer, tout en observant, nostalgique, le Reaver. Kehem se méprend sur mes intentions, et émet un commentaire sur l'équipage.

- "Si besoin, nous pourrons toujours faire de la place dans la cuisine. Les esclaves dormiront dans la cave."

Alors que nous commençons le repas, Kehem nous débite la situation à Karond Kar. Je me félicite d'avoir claqué la porte à ce beau monde dès mon retour.
La remarque sur le petit jeu de Fellheart me fait grincer les dents.

- "Kayeth... On aurait dû l'attacher à la proue au retour. Seul, il n'aurait jamais eu les couilles à déblatérer son histoire, mais avec le Kraken, il va se sentir pousser des ailes."

Je ne peux m'empêcher d'éclater d'un rire léger aux euphémismes du nouveau secrétaire de ma soeur.

- "Et moi, je suis quoi ?" lancé-je, ironique. Comme il fait mine de réfléchir et de chercher ses mots, j'agite l'index. "Non non, je ne veux pas le savoir. Je m'en fiche comme de mon premier kheitan, de cette histoire. Mais si mon avis les intéresse, puisque Kayeth est intouchable à cause de Fellheart, c'est là qu'il faut taper. Le Kraken est en position de force, donc c'est leur lien qu'il faut abîmer. Manipuler Kayeth pour qu'il perde la confiance de Fellheart, ou mieux encore, qu'il soit publiquement affiché comme un menteur ou un vantard. Mais je suis une terrible intrigante, pas vrai ?"

Je me cale dans ma chaise avec un petit soupir, et écoute en silence la suite.
Le Conseil de Famille n'est pas une surprise. C'était quelque chose qui planait déjà à mon départ il y a quelques jours. Mais le coup de Megeth, ça, je ne m'y attendais pas. L'excuse d'Aeman me paraît bidonnée. C'est pour la course à l'héritage qu'elle me demande ça. Sa probité épargnée, le Conseil de Famille ne sera qu'une formalité de validation. Si sa lâcheté est jetée en pâture en public, ce n'est plus la même chanson...

Kehem qui se lève brusquement me fait immédiatement retourner à la réalité. Je reconnais bientôt l'auteur du forfait qui vient d'être commis, et un gloussement de petite fille s'échappe de ma gorge. Babille, tout en muscles et ricanements nasales, en train de danser comme l'un de ces mon-keighs.

- "Maintenant que tu l'as dit, il va s'y attendre, Babille. Il va falloir trouver autre chose.

Babille se fige et me regarde, sa bouche figeait en un "Oh !" qui expose ses petits crocs jaunis. Je pousse un nouveau gloussement devant son air grotesque. Tout, de ses petits yeux rouges-bruns à son nez monstrueusement pointu et ses petits membres rachitiques, tout est d'une grotesque harmonie hilarante lorsqu'en action.
Je me tourne vers Kehem.

- "Kehem, voici Babille. Un cadeau de mon père pour mes cent ans. Mon premier esclave personnel." Le second étant Keighi, pour mon premier commandement de Reaver. "Il me sert de bouffon. Au début, il m'agaçait aussi, mais vous finirez par l'apprécier. Les gobelins ne sont bons qu'à faire rire, et à nourrir les sang-froids. On sait ce que tu préfères, hein Babille ?
- Voui !
- Voui qui ?
- "Maîtresse !" piaille-t-il.

Je lui jette un bout de poisson pour ses efforts. Il l'attrape d'un geste vif.

- "File réfléchir à tes prochaines bêtises, nous avons à discuter sérieusement. Allez, zou !"

Alors que Babille se précipite dans les cuisines, je claque des mains. Le vieux muet accoure.

- "Un nouveau verre de vin pour mon invité."

Je reconcentre mon attention sur ledit invité tandis que le norse remplit un nouveau gobelet.

- "C'est une sacrée faveur qu'elle me demande, en effet. Pour nous autres, les nobles, la réputation est tout. Elle me demande que je sacrifie ma réputation pour sauver la sienne."

Je glisse un regard vers Rekhilve. Je fais monter la sauce, mais au fond, ma carrière de noble est déjà fichue, merci Kayeth, merci Lokhir Fellheart. Autant dépenser le peu de capital qu'il me reste là où c'est utile. Et je sais où il pourra servir. Et pour qui.
Je jette un coup d'oeil à la liste de noms sur le parchemin. Je ne m'attendais pas à ce que nous soyons toujours en tête de liste après la mort de mon père. La branche esclavagiste de la famille est certes cruciale pour le clan, mais elle n'a jamais été une faiseuse de roi, ou en l'occurrence d'héritier. Si nous sommes vraiment les mieux placés pour prétendre à la Marque, alors Khaine nous garde... Une froussarde hédoniste, une idiote résignée et un paraplégique renfrogné. De quoi faire trembler Karond Kar.
Je reconnais d'autres noms plus bas, certains que je n'ai pas vu depuis des décennies, issus des branches plus modestes de la famille. Taemon, ce résidu consanguin parti faire Khaine seul sait quoi à Har Ganeth. Hazeck, qui avait le béguin pour moi quand il était plus jeune, devenu officier de marine. Kecer, qui seconde Sighi dans le domaine de la construction navale. Lirva, cette lointaine cousine dont j'ignorais même qu'elle était encore en vie. Et en bon cinquième, juste derrière Nokhis, mais assurément plus présentable comme héritier, le bon cousin Aeman, cette sombre brute à la botte du Roi-Sorcier.

-"Je vois mal mon arrière-grand-mère choisir Aeman. La situation devrait être vraiment désespérée pour qu'elle choisisse un type aussi finaud qu'Aedthel Hekaras, dans l'espoir de s'attirer les faveurs du Drachau et du Roi-Sorcier. Enfin, ce n'est pas moi qui suit à la tête de la famille, c'est peut-être encore pire que je le pense."

Fut un temps, cette situation m'aurait préoccupée, inquiétée. La petite Kisha a bien grandi.

- "Ça mérite en tout cas que j'en discute de vive voix avec elle. Je devrais de toute façon revenir pour le Conseil de Famille. Garde le Reaver à quai, Kehem. Il est temps que je revienne à Karond Kar."
Akisha Drakilos, Voie du Noble Aristocrate
Profil: For 8 | End 8 | Hab 10 | Cha 11 | Int 9 | Ini 11 | Att 11 | Par 9 | Tir 9 | Foi | Mag | NA 1 | PV 8/55
Lien Fiche personnage: wiki-v2/doku.php?id=wiki:fiche_akisha_drakilos
Compétences :
Alphabétisation (E)
Diplomatie (B)
Acuité Visuelle (B)
Vision Nocturne (E)
Navigation Maritime (A)
Langage Secret - Jargon des Marins (E)
Autorité (B)
Mort Silencieuse (B)
Déplacement Silencieux (B)
Survie en Milieu Hostile (B)
Canotage (B)

Équipement :
- Cimeterre de Rue (1 main ; 18+1d8 dégâts ; 10 parade ; Rapide. Discret (Pas de suspicion quand l'arme est rangée sur soi) )
- Tenue de Matelot (1 de protection Torse, Bras, Jambes)
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Re: [Akisha] Tendresse

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Après le poisson, il y avait une salade fine d’œufs, et un sorbet menthe-vanille comme dessert. Le temps de terminer ce bon repas, installés tranquillement dans le salon, Rekhilve, Akisha et Kehem pouvaient partir sur d’autres sujets plus légers ; le jeune traducteur raconta à l’aînée Drakilos les derniers combats qui avaient lieu aux arènes, et le dernier spectacle qui avait été joué au palais du Drachau. Rekhilve, pour elle-même, n’avait pas grand-chose à annoncer ; elle dit juste fièrement comment elle avait été capable de faire un carton dans un oiseau il y a trois jours, et elle et Akisha avaient put se régaler en ordonnant à l’esclave Bretonnien de le faire cuire.
Et puis, au fil de la discussion, tandis que Babille ramenait un jouet avec lequel faire du boucan dans le salon (Un petit rat en peluche qu’il jetait contre les murs pour le faire souffrir), les sujets s’épuisèrent, et vint finalement le bon moment d’aller préparer des valises. Enfin, plutôt, d’ordonner aux esclaves de préparer des valises, le trio passant plutôt devant la baie vitrée pour digérer avec une tisane.

La pluie n’avait pas cessé. Elle avait même empiré. De véritables cordes tombaient dans le jardin. Akisha s’excusa, remonta dans sa chambre, et alla chercher des effets plus personnels — notamment le pochon de médicaments que lui avait « offert » Magnouvac, un peu d’argent et quelques bijoux — mais les plus beaux bijoux, des singes Norses les avaient dérobés en Norsca. Des souvenirs centenaires, perdus pour servir de rapine à des êtres éphémères qui en ignoraient la signification… Elle ramassa un gros manteau, et elle redescendit dans le couloir, où Kehem était en train de se revêtir de son gros imperméable.

C’est alors que surgit quelqu’un de bien peu commode. Sous le regard médusé, et même inquiet du secrétaire, débarquait Keighi. En le voyant s’approcher, avec sa grosse musculature et sa taille impressionnante, Kehem ne put s’empêcher de faire un pas de côté, et murmura dans sa barbe d’un ton grave :

« Il m’avait pas manqué par contre, celui-là… »
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Le plus flippant, chez Keighi, c’étaient ses yeux. Son espèce de regard laiteux, vide, qui ne fixait jamais véritablement quelque chose. Il avait un visage tout simplement horrible — couvert de cicatrices, il était comme une vieille poupée recousue, avec des traces de taillades le long de son crâne, et une immense trace de trépanation près de la queue-de-cheval qu’il dressait sur son crâne qui était autrement chauve. Pour épargner une vision d’horreur, Keighi était perpétuellement recouvert d’un long vêtement noir, ainsi que d’un masque de fer qui rehaussait encore plus son aura intimidante.
Il n’y avait plus rien de vivant chez lui. Plus rien. Plus un geste, plus un aspect de malice. Il n’avait, de plus, aucune autonomie personnelle — il fallait en permanence qu’un esclave s’occupe de le nourrir, et il faisait ses besoins directement sur lui en restant debout, sans même réagir. Pour le commander, Akisha avait été obligée d’apprendre à peine cinq mots de la langue grave et difficile de son peuple ; en réalité, il s’agissait plutôt de sons, presque des sifflets. « Au pied », « Repos », « Halte », « Suis », « Attaque ». Il n’y avait besoin de rien de plus pour le rendre utile. Quand Keighi devait se battre, il semblait soudainement retrouver une autonomie propre ; il fermait ses poings, dévoilait ses dents effilées (Certaines étaient en métal, d’ailleurs), et il frappait comme un malade mental en hurlant. Mais ensuite, Akisha lui ordonnait de se détendre, et il retrouvait son même aspect de mort-vivant.
Ce n’était plus un être humain. C’était devenu une sorte de golem de chair. Même Akisha se sentait mal à l’aise autour de lui ; c’est Tevras, son père, qui avait insisté pour qu’elle le garde auprès d'elle.
Mais au moins, il pouvait rendre ses six pieds de haut et ses deux cents livres de barbaque utiles. Parce que Keighi attrapa les valises, et les porta sans aucune peine avec ses énormes épaules.

Akisha régla les derniers détails en donnant des ordres en reikspiel à l’esclave muet — il était un bon maître de maison, qui laissait tout en état dès qu’elle revenait au manoir. Elle pourrait toujours revenir se réfugier ici si quelque chose se passait mal à Karond Kar. Et enfin, alors qu’il devait être maintenant cinq heures de l’après-midi, elle put sortir dehors et rejoindre la bicoque sur laquelle Kehem était arrivé.

Les matelots parurent surpris. Alors que certains étaient occupés à discuter entre eux, assis sur la rambarde à jouer aux cartes, ils sautèrent sur le ponton et se mirent au garde-à-vous, mentons relevés, devant Akisha. Le capitaine de ce très modeste Reaver se présenta et lui donna le baise-main protocolaire, et une fois tout le monde à bord, ils purent repartir sur la mer.


Le chemin jusqu’à Karond Kar ne fut pas très long. Mais le vent soufflait fort, et les nuages gris devinrent noirs. Il ne devait pas être sept heures, et il y avait déjà l’impression qu’il faisait nuit. Pourtant, ça ne gênait aucunement les Harpies — elles, elles étaient toujours là. Toujours. Crénelant le ciel de Karond Kar, elles virevoltaient, dansaient ensemble, se chamaillaient violemment autour d’une proie jetée en sacrifice qu’elles déchiquetaient entre leurs grosses pattes.
Et la cité se découvrait sous ses yeux. Toujours aussi grande. Toujours aussi impitoyable. Les immenses tours de la ville entourant cette grande rade, ce Placître immonde où logeait la plèbe de la ville.

Tout le long du trajet, Rekhilve demeurait silencieuse. Bras croisés, collée contre le mât du navire, elle ignorait royalement Akisha. C’était pour le mieux. Il n’est jamais une bonne idée, dans la cruelle société des Druchii, de montrer aux yeux du monde les personnes auxquelles on tient. Les amants ne sont que des points faibles sur lesquels on peut appuyer.
Pourtant, quelque chose put inquiéter Akisha, en regardant Kehem en coin. Le traducteur avait un regard fuyant, et faisait mine de ne pas la regarder. Mais Akisha avait deviné, que lui avait deviné. Il se doutait de quelque chose.
Est-ce qu’il allait baver tout ça à Megeth, comme il n’avait pas hésité à révéler des choses privées sur elle ? Il semblait jouer entre les deux sœurs. Ça ne pouvait pas bien se finir.



Le navire atteint la rade. On jetait les cordages sur un ponton de service. Une sortie discrète. Akisha remercia le capitaine, et elle descendit avec ses deux camarades, suivie de Keighi qui portait ses valises, et du satané Babille qui sautillait gaiement en avant. Le Gobelin riait comme un demeuré en pointant du doigt un esclave humain en train de se faire mordre la cuisse par un chien, visiblement, c’était la chose la plus hilarante qu’il avait pu observer aujourd’hui.

Kehem grommella, puis, décida de se rendre utile :

« Bon, je vais aller louer une voiture pour qu’on atteigne l’Esplanade noble. On va pas marcher jusque là-haut sous la pluie.
– Ouais, ça va revenir cher…
– À cette heure là, avec quatre passagers, des valises et un animal de compagnie, oui, ça va être salé la course. »

Babille comprit qu’on parlait de lui. Alors, il se retourna, montra ses petites dents et prit une voix très agressive :

« Hé, macaque, c’moi qu’tu traite d’animal d’compagnie ?! J’vé t’suriner les reins tant qu’tu dors, j’vé t’montrer, moé ! Héhéhé ! T’suriner… »

Babille était adorable quand il menaçait de mort les autres gens. Kehem se contenta de rouler des yeux, et se dépêcha de filer sous la pluie.
Par chance, des voitures, il en passait beaucoup devant un petit café de la rade. Akisha se trouvait en plein dans la Halle aux Agioteurs : c’était ici, devant d’immenses cages, que les changeurs d’esclaves préparaient des cargaisons, et négociaient des meubles vivants à la criée. Un spectacle très intéressant, qui représentait une bonne part de sa vie. Le temps que Kehem s’occupe de négocier le voyage avec une voiture, elle avait le temps de boire un petit café frappé avec Rekhilve.

Elle s’installa sous un porche, tandis que Keighi et Babille restaient un peu éloignés sous la pluie. Babille essayait de jouer avec le Hung en lui donnant des coups de canif dans les mollets ; Keighi ne réagissait pas du tout. Alors qu’Akisha s’apprêtait à payer le serveur, elle fut obligée de crier au Gobelin de ne pas abîmer son Golem — c’est que ça risquait de coûter cher, de lui ressouder les mollets.
Les deux femmes Elfes purent s’installer sur de grands tabourets en regardant le spectacle des agioteurs. C’était très intéressant à voir : ces bourgeois, ces roturiers enrichis, ils étaient experts dans la négoce. On les voyait crier, s’engueuler, s’empoigner par le collet ; puis soudainement se taper dans le dos, boire du vin dans la même coupe, et s’enlacer, un changement d’humeur brutal alors qu’ils faisaient apporter par leurs esclaves-serviteurs de gros livres remplis de feuillets qu’ils tamponnaient et signaient scrupuleusement. Et ainsi, avec une poignée de main maudite, ils condamnaient là un solide gaillard aux mines de fer, là un joli garçon pour servir de décoration à un prince.
C’était une soirée tranquille aujourd’hui. Pas de gros lot groupé sorti d’une Arche Noire, pas de marchands Nains capturés par opportunisme, pas même un Asur malchanceux — quand il y avait un Asur, c’étaient les moments de folie les plus immenses, surtout si les Furies de Khaine n’avaient pas mit la main dessus avec leur dîme pour directement l’envoyer sur les marches ensanglantées du Temple. On pouvait tout faire avec un Asur. On avait le devoir légal de s’en prendre à eux, aussi cruellement que possible.
Alors qu’Akisha sirotait son café, il y avait une Elfe au milieu des agioteurs qui l’observait. Une grande femme, le visage un peu blessé, et qui portait un Kheitan rembourré, les bras découverts. La femme la regardait de travers, la dévisageait. Et puis, elle s’approcha tout droit en souriant.

« Par les lames de Khaine, dites-moi que je rêve ! Akisha Drakilos ! »

Elle arriva juste devant elle. Il fallut un petit moment à l’aînée Drakilos pour replacer le visage de la bonne femme dans ses souvenirs.
Elle avait changé.
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« C’est moi ! Lhunara Lucari ! »

C’était sa belle-sœur. Enfin, non ; c’est celle qui aurait dû être sa belle-sœur, avant que les fous de Hekaras ne tuent son futur époux.
Les Lucari n’étaient pas grand-chose à Karond Kar. Une maisonnée mineure. Un peu de vente de chevaux et une forge, pour subsister, et beaucoup de rejetons Corsaires, car un Corsaire c’est pratique, il faut juste lui payer une arbalète et il ramène du magot tout seul. Pourtant, Akisha aurait bien pu finir par épouser un de leurs gamins ; Elle aurait en fait virtuellement prit le contrôle de toute leur maisonnée à travers son époux.
C’était un bon fiancé. Pas parce qu’il était docile et sa famille avait des moyens, ça, ça ne concernait que Sighi Drakilos, et Sighi Noiretombe ne prenait jamais de mauvaises décisions. Non, c’est surtout parce que le gosse Lucari, il était beau. Il avait une belle voix. Il était tout en muscles fins, et avait une lame fine et juste. Il était courageux, et plein de vie. Un Druchii magnifique, vétéran d’un régiment de Tristelames. Et il était mort cruellement.

Ça remontait à tellement loin. Quatre-vingt-ans, au moins. C’était peu étonnant qu’Akisha avait eu du mal à reconnaître Lhunara ; Elle était une toute jeune adolescente à cette époque. Elle était polie, gentille, toujours à faire des courbettes pour la saluer. Les deux s’étaient revues plusieurs fois par la suite, mais Akisha avait toujours connu la gamine comme portant des robes, et mettant du parfum — elle ressemblait à Megeth, aussi sotte et précieuse qu’elle, de bonnes raisons de ne pas l’aimer, en plus du fait qu’elle ramenait toujours toutes les conversations à son frère disparu.
Mais là, elle… Difficile d’imaginer que ce soit Lhunara. La demoiselle devant elle était une femme armée, combattante. Jolie, oui, elle avait la bonne gueule de bonne naissance, mais elle semblait avoir lutté.
Akisha sentit bizarrement Rekhilve se raidir juste à côté d’elle.

« Bon sang, ça fait tellement longtemps !
Je… J’ai appris pour ton père. Tu as toutes mes condoléances. C’était un homme tellement respecté, ton paternel… Il y a eu une proclamation officielle du Roi-Sorcier, pour regretter son absence, je ne sais pas si t’étais au courant vu que tu n’étais pas là… »


Non, en effet, Akisha l’apprenait tout juste. Personne dans la famille Drakilos n’avait dû juger bon de l’informer elle, sa propre fille, que Malékith avait fait dire une oraison funèbre en son honneur.

« Enfin, c’est terrible, à croire qu’on se rencontre que dans des circonstances horribles, hein ? »

Elle lui offrit un sourire triste.

« Mais t’as pas changé ! »

C'était un mensonge. Akisha avait une énorme cicatrice à la joue. Elle avait changé.

« Et c’est un compliment — quand j’étais gamine je te trouvais tellement belle !
Enchantée, vous êtes ?

– Rekhilve, faites pas attention à moi. »

L’Ombre avait dit ça un peu violemment, et elle sirota bruyamment son café frappé.

« Huh-huh…
Enfin bref, ça fait du bien de te revoir… Je vois que t’es déjà servie ; Je peux te payer un autre verre quand même ?

– C’est qu’en fait nous sommes pressées. On attend juste quelqu’un pour venir avec une voiture là.
– Oh, juste un verre ! Les voituriers ça peut attendre, hein ! »
Jet d’intelligence de Kehem (Malus : -2) : 5, réussit.
Jet d’empathie d’Akisha (Divisé par deux : absence de compétence) : 2, réussite naturelle. Kehem sait avec qui tu joues à touche-pipi.

Jet de connaissance d’Akisha (Bonus : +6) : 8, réussite sans problème. Tu te souviens encore très très bien de qui était Lhunara.
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Akisha Drakilos
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Re: [Akisha] Tendresse

Message par Akisha Drakilos »

En remontant préparer les valises, l'affaire est vite entendue. Sur mon ordre, les esclaves ont déjà soigneusement rangés mes vêtements. Ne me reste plus qu'à récupérer les menues babioles qui m'accompagnent. J'hésite quelques instants devant la pochette de poudre orangée fournit par Magnouvac, il y a une éternité de cela. Je ne ressens aucune envie d'en reprendre, malgré les avertissements de Rekhilve. Je la jette malgré tout dans la valise, si, Khaine m'en garde, le sachet retrouve son utilité.
J'y ajoute argent, maquillage et bijoux. On aurait peine à croire qu'ils appartiennent à l'arrière-petite fille de la matriarche de l'une des familles les plus respectées de Karond Kar. Rien à voir avec ce que j'ai perdu en Norsca, tout juste de quoi ne pas perdre la face... À ce titre-là, autant ne rien porter. Je referme la valise d'un coup sec, la trimbale jusqu'au couloir et siffle un coup sec.
Kehem, qui remet son manteau, m'observe d'un air curieux, avant que ses yeux ne s'écarquillent. Je constate un fond de crainte dans le regard, à mon grand plaisir.

Pour être parfaitement honnête, je ne suis pas sereine non plus en me retournant. Keighi pourrait allégrement m'écraser comme un fruit trop mûr si l'envie lui prenait. Encore faudrait-il qu'il ait des envies, pour ça. Quoi qu'aient fait les sorcières embauchées par mon père pour le lobotomiser, elles ont bien fait leur boulot. Dans le cas contraire, je n'aurais pas le temps de m'en mordre les doigts.
Je pointe la valise du bout de l'index.

- "Ramasse. Fulgen. Suis. Vite."

Dès le deuxième mot, le colosse s'anime. Il n'y a qu'à sa foutue langue que ce golem réagit.
Alors que Keighi s'avance pour saisir la valise, je surprends Kehem à légèrement reculer. Tant mieux. Face à des Druchiis, Keighi ne peut susciter que crainte ou mépris. Un esclave garde du corps ne peut que faire rire, même si Keighi reste particulièrement intimidant. C'est en dire long sur la confiance que prêtait mon père à sa propre race.
Au délicat relent qui suit son sillage, je devine qu'il s'est encore fait dans ses fripes. Il paraît que, lorsque Megeth et sa sorcière de compagnie se sont appropriées ma cabine de capitaine sur le Karybde, elles ont trouvé Keighi dans un coin obscur de la pièce. Abandonné là depuis mon départ, dans le désintérêt total de l'équipage, seul un esclave lui donnait à manger une fois par jour.
J'espère bien que l'odeur ne les a pas quittée jusqu'à Karond Kar.

Sans surprise, la grisaille nous accompagne sur le retour. Un crachin salin rince le vaisseau et mon visage. En fermant les yeux, je me croirais presque à bord de mon cher voilier, et me redonne un peu de courage. Bien que j'y suis née, je ne peux pas dire que j'apprécie cette ville. Malgré tout son luxe, elle n'attire que des malheurs. C'est là qu'y est morte ma mère, là que Megeth s'est complètement métamorphosée en cette petite peste capricieuse que je connais aujourd'hui. Là que mon frère paraplégique cuve son amertume.
Et c'est au nom du pouvoir et de la domination de cette ville que tout ça est arrivé. Que mon père est allé mourir au fin fond de la Norsca. Je n'aime pas cette ville. Rien de bon n'en sort jamais, je ne vois pas pourquoi aujourd'hui ferait exception.
En rouvrant les yeux, je saisis le regard de Kehem, qui va et vient entre moi et Rekhilve. Surprit, il entreprend une inspection détaillée du ponton. Je le rejoins et glisse la main sur son épaule, le rapproche de moi.

- "Vous voyez les hautes spires, au loin ?" dis-je en désignant Karond Kar. "Les harpies ont des ailes, mais pas nous. Et la chute est douloureuse, j'en sais quelque chose." Je le regarde droit dans les yeux. "Ne soyez pas enivré par vos nouveaux titres, ça me ferait de la peine de vous voir tomber."

L'avertissement manque de finesse, mais fera l'affaire. Pas question que l'ombre d'un soupçon sur ma relation avec Rekhilve n'atteigne les oreilles de ma soeur. Pas avant que l'Ombre ne retrouve sa soeur. Et vu le rôle que je compte faire jouer à Megeth dans cette histoire, moins elle en saura, mieux je me porterai.

Nous débarquons au Placître. L'air salin a beau submergé le quai, l'odeur si distincte du Placître, cette odeur de plèbe si particulière parvient malgré tout à percer par-dessus. Après les remerciements d'usage au capitaine, nous nous retrouvons plantés devant l'allée boueuse, comme des chiots abandonnés.
En suivant Kehem, nous débouchons au Halle aux Agioteurs. Pendant qu'il négocie pour la course, Rekhilve et moi partons nous mettre à l'abri de la pluie dans un café. Immédiatement, j'entends des bruits mous derrière moi, le son inimitable de la chair que l'on déchire. Me retournant vivement, je constate que Babille charcute vicieusement les mollets d'un Keighi immobile, avec un canif trouvé Khaine sait où.

- "Mais qu'est ce que... Babille ! Si ses blessures s'infectent, je te fais lécher ses plaies ! Et jette-moi ce canif, ou tu l'avaleras par le mauvais trou."

Je m'installe aussi dignement que possible dans le café. Par chance, les hurlements habituels des ventes ont camouflé mon éclat au public. La vue sur la place est imprenable. C'est plutôt tranquille, une fin de journée qui plus est gâchée par la pluie. En parcourant mon regard sur les agioteurs, j'en reconnais quelques uns. Certains, se sentant observés, me regarde, me reconnaisse et retourne avec d'autant plus d'entrain à leurs affaires. Jusqu'à ce que l'une des elfes se redresse, s'éveille et s'élance d'un bon pas vers moi.

Je ne la reconnais pas, jusqu'à ce qu'elle se présente.
Oh, pitié, est la première pensée qui me traverse. Pas encore ces sérénades avec son frère. À l'écouter, elle ne s'en était jamais remise. Il avait beau être mon fiancé, et objectivement un bon parti, je l'avais peu connu. Alors, lorsqu'il est mort comme un couillon en duel face au champion de la famille Hekaras, c'était dommage, mais emballée, pesée et expédiée, cette histoire de mariage.
Pour mon grand malheur, j'avais poliment fait mine de partager ma peine avec Lhunara, ce qu'elle avait pris pour un permis de lamentation, à raconter de bout en bout sa vie et son frère. J'avais eu le temps de m'en mordre les doigts, mais j'avais tenu bon, au nom de la réputation des Drakilos et de leurs relations avec les Lucaris.
Lorsque nos chemins se séparèrent, j'ai poussé un ouf de soulagement.

Mais là, cette femme couturée de cicatrices n'a rien à voir avec la gamine de mes souvenirs. Enfin si, juste le petit air un peu timide lorsque le sujet aborde de près ou de loin son frère.
Ayant visiblement réussie à mettre Rekhilve dans ses petits papiers, je prends la parole avant que la situation ne se dégrade.

- "Paix Rekhilve." Je présente une chaise vide à côté. "Je t'en prie, installe-toi, ça fait effectivement un bail. Et je paye le verre, pas la peine d'insister !" fais-je avec un sourire."Tu viens de me l'apprendre, pour l'oraison. Je suppose que l'on voulait me garder la surprise pour mon retour..."

J'ai dû mal à cacher un regard furieux à Kehem, de dos, toujours occupé à discuter avec un cocher.
À la flatterie de Lhunara, je lui lance un sourire en touchant du bout des doigts l'ignoble cicatrice.

- "C'est gentil, mais nous savons que c'est faux." Je laisse le doute flotter sur ce que je veux parler : du changement ou de ma beauté. Belle ? De nous deux, Megeth a toujours été la plus gâtée. Ça crève les yeux. "Toi en revanche, tu as bien changée, et tu n'as pas à en avoir honte. Tu as visiblement pris du galon depuis la dernière fois que nous nous sommes vu.

Et Khaine soit loué, tu ne me bassines plus sur ton frère dans chacune de tes phrases.

- "Alors, qu'as-tu fais depuis ces... soixante ? Soixante-dix dernières années ?"
Akisha Drakilos, Voie du Noble Aristocrate
Profil: For 8 | End 8 | Hab 10 | Cha 11 | Int 9 | Ini 11 | Att 11 | Par 9 | Tir 9 | Foi | Mag | NA 1 | PV 8/55
Lien Fiche personnage: wiki-v2/doku.php?id=wiki:fiche_akisha_drakilos
Compétences :
Alphabétisation (E)
Diplomatie (B)
Acuité Visuelle (B)
Vision Nocturne (E)
Navigation Maritime (A)
Langage Secret - Jargon des Marins (E)
Autorité (B)
Mort Silencieuse (B)
Déplacement Silencieux (B)
Survie en Milieu Hostile (B)
Canotage (B)

Équipement :
- Cimeterre de Rue (1 main ; 18+1d8 dégâts ; 10 parade ; Rapide. Discret (Pas de suspicion quand l'arme est rangée sur soi) )
- Tenue de Matelot (1 de protection Torse, Bras, Jambes)
- Robe d’Aristocrate (non-portée)
- Masque d’Or (3 de protection au visage) (non portée)
- Remède de Magnouvac (Poudre à inhaler. Permet d'ignorer la Toux, la Dyspnée, la Fièvre et frissonnements durant END/2 heures. Effet secondaire : Provoque une somnolence, qui s'aggrave avec les doses. Effet secondaire grave (18+) : Inconnu. Risque de dépendance : Rouler un jet de VOL (INT+END)/2+6 toutes les deux semaines)
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Kehem, dit "Karond & Shoulders", traducteur du Karybde
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Re: [Akisha] Tendresse

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Invitée à s’installer et à boire, Lhunara ne se priva pas ; elle offrit bien au contraire un grand sourire à Akisha, tandis que Rekhilve jetait un mauvais regard en coin à cette étrange corsaire qu’elle venait juste de rencontrer.
Un simple esclave hélé, et on mit sous son nez un autre café frappé.

« J’ai eu une sacrée vie, ouais, elle a été bien remplie. Quand j’ai eu trente ans, j’ai fait mon service militaire dans les Sombretraits, et du coup j’ai quitté Karond Kar. Et je me suis retrouvée en garnison dans une tour de guet, tout au nord du domaine de Malékith.
Putain de merde, t’imagines, passer toute ta journée dans une forteresse pourrie, juste devant les Désolations du Chaos et tout ce que tu imagines se trouver là-bas ? Des heures et des heures à tourner en rond, à en devenir tarée. On en vient à espérer que les Hung nous attaquent, au moins ça occupe l’esprit de devoir flécher leurs culs et leurs chevaux. L’ennui c’est tellement le pire truc à la guerre.

– Faut bien des gens pour garder la frontière.
– Aye, tout à fait, Rekhilve. Enfin, c’était les années les plus insupportables de ma vie, mais c’est un service qui a été grassement payé. Avec ça, je m’étais offerte un petit mari à Hag Graef, mais ce crétin a réussi à se faire tuer en mer, alors je suis rentrée il y a cinq ans seulement avec une sacrée expérience à vendre au plus offrant.
Je suis corsaire, maintenant. Contre-maître, pour être exacte. Sur un navire de Son Éminence Afaryr. »


Hakazin Afaryr. Le Drachau de la ville. Le prince régnant, monarque absolu de Karond Kar.
On n’entre pas facilement dans la maisonnée des Afaryr. Obtenir un mariage avec eux est compliqué : ils font tout de manière consanguine, Hakazin lui-même ayant épousé et fait des enfants à sa nièce. Que Lhunara Lucari ait pu ainsi obtenir une telle charge, aussi importante, sur un navire du Drachau, ne pouvait qu'être une preuve de sa redoutable efficacité.
La petite effrontée en robe qui pleurait dans les bras d’Akisha était devenue une guerrière respectée. Avoir une amie comme ça, ça serait un atout dans sa manche…

« Enfin y en a des putains d’anecdotes à raconter, si tu veux aller dans les détails ! Mais bon, je te sens pressée, et puis, je pense que c’est mieux de le faire avec de l’alcool que du kawa, pas vrai ? »

Le temps qu’elles échangent quelques mots, Lucari finissant son verre, Kehem revenait en trottant sous la fine pluie, un esclave humain courant derrière lui pour péniblement l’abriter sous un grand parapluie. Il ralentit en arrivant sous le porche du café, s’approcha de la table où se tenaient les trois filles, et salua la nouvelle avec une petite révérence.

« Maîtresse Akisha ; J’ai fait monter vos bagages dans une voiture qui est prête à partir.
En revanche, il faudrait, heu… Que vous… Vous occupiez de vos domestiques. »


Sous la pluie, Babille avait arrêté de poignarder le gros humain lobotomisé ; mais maintenant, il s’amusait à prendre des mottes de boue par terre pour lui jeter au visage. Keighi ne réagissait absolument pas. Le Gobelin tira bien sur sa robe pour lui coller de la terre mouillée dans ses braies, mais même ça ne suffisait pas à le faire bouger.

« Tu sais où est le manoir Lucari. J’attends de tes nouvelles avec impatience, Kisha. »

Elle tapota son plastron en guise de salut. Rekhilve demeura silencieuse, mais sembla cesser de bougonner alors qu’ils se séparaient de cette contre-maîtresse. Kehem, qui n’avait rien entendu de la conversation, se contenta de hausser les épaules.

Une fois les deux esclaves engueulés, tout ce beau monde put traverser la rue, et atteindre la voiture. Le conducteur était un Elfe — et pour cause, il portait à sa ceinture une arbalète automatique à main. Les nobles ne payaient pas les transporteurs juste pour le carrosse, mais surtout pour la sécurité… Ce roturier aida Akisha à monter en lui tendant sa main, tandis que deux domestiques qui lui appartenait s’occupaient de manier des parapluies afin de les couvrir de la pluie. C’était l’avantage de Karond Kar. La ville débordait tellement d’esclaves, presque tout le monde en avait un ; il était même normal d’en offrir aux enfants lors d’anniversaires.
Les deux serviles grimpaient derrière le carrosse, en se tenant à l’extérieur par des poignées soudées à l’habitacle. L’intérieur était en revanche fort confortable — sièges en cuir, tablettes en bois d’œuvre. Kehem, Akisha et Rekhilve se tenaient dans la même cabine, tandis que le Gobo sautillait sur les genoux de l’Hung totalement passif, un peu à l’écart. Le conducteur claqua les deux chevaux de l’attelage, et voilà qu’Akisha pouvait profiter du chemin jusque vers les hautes flèches du quartier de l’Esplanade, bien au chaud et à l’abri de l’averse.

Par la fenêtre, elle pouvait redécouvrir sa ville. Cette grande rade pourrie. Ce quartier du Placître avec ses immeubles trop étroits et insalubres. Ces tas d’esclaves enchaînés qui marchaient en file indienne, sous la garde de la milice des portes-chaînes — des Humains et des Nains portant des brassards, et servant à policer eux-mêmes les serfs. Alors que le véhicule prenait de la hauteur, Akisha pouvait deviner l’emplacement de l’Arsenal, là où les Drakilos entretenaient des ateliers pour faire des mâts et des charpentes de navire.
Tout un Empire. Les Drakilos perdaient du terrain. Ils perdaient des hommes. Mais c’était toujours un nom qui commandait énormément de respect. Ce n’était pas n’importe qui qui oserait s’en prendre à eux.

« Une fois arrivés au palais Drakilos, Sighi demandera forcément à vous voir et vous parler. Lorsque je suis parti en fin de matinée, elle avait rendez-vous avec les Pairs de la cité, elle risque donc d’être particulièrement énervée… »

Kehem parlait en regardant Akisha dans les yeux. Depuis qu’elle l’avait menacé sur le ponton du petit Reaver, il semblait avoir changé d’attitude. Sans dire qu’il avait peur, il était certain qu’il prenait moins ses aises.

« Megeth a pris possession de l’ancien bureau de votre père, si vous souhaitez lui parler en privé avant de voir Sighi. Elle n’a pas touché à ce qui s'y trouvait, elle souhaitait attendre votre retour pour… Pour voir si vous souhaitiez récupérer des affaires, ou des tableaux qui vous tiennent à cœur…
– Oh oui, c’est trop gentil de sa part. Hé, Akisha, en échange d’offrir une virginité à ta sœur, t’oubliera pas de lui demander des affaires à ton propre père, hein ? »

Le cynisme de Rekhilve sembla mettre un peu en colère le secrétaire. Il fronça des sourcils, et pérora. Visiblement, il tenait à défendre l'honneur de la Megeth.

« Inutile de faire du mauvais esprit. Megeth pense au bien de la famille Drakilos. Elle s’est montrée très diplomate. Elle ne voulait même pas du bureau avant la réunion du conseil de famille, c’est Sighi qui a insisté. En fait, Megeth avait même proposé que ce soit Nokhis, votre frère aîné, qui assure l'intérim, la transition d'un héritier à un autre.
Mais voilà, il semble très touché par la mort de votre père. Depuis qu’elle a été annoncée, il ne cesse de passer ses nuits à l’Oisellerie… »


Si Kehem n’était pas le secrétaire privé de Megeth, et s’il n’était pas assez proche d’Akisha pour venir lui dire des secrets de famille chez elle, il était certain qu’on aurait pu prendre sa dernière phrase pour une insulte. Peut-être même l'était-elle.
L’Oisellerie se trouvait être l’endroit le plus mal famé de Karond Kar. Une maison de débauche, quasiment un Temple religieux dédié à la Déesse Atharti. Un véritable palais au milieu du Placître, entouré de fontaines et d’orangeraies, les nobles qui y entraient se livraient à toute sorte de vices. Le lieu, c’était un secret de polichinelle, est constamment sous la surveillance du Temple de Khaine, et les bons aristocrates de Karond Kar n’ont que mépris pour ceux qui se vautrent sur des divans, pour fumer de l’opium et dilapider l’or familial qu’ils reversent à des prostituées.
Mais voilà. L’interdit devait rendre le lieu attirant, et des nobles de la ville n’arrêtaient pas d’y entrer secrètement, par la petite porte, pour aller s’y adonner à Khaine-seul-sait-quoi. Akisha avait toujours eut trop de respect pour elle-même pour oser en passer la porte, et même Megeth, qui pourtant était Megeth, n’était pas connue pour y être déjà allée.
Mais Nokhis… Depuis son handicap, il était devenu un garçon sombre et renfermé. Mais jamais Akisha n’aurait pu songer qu’il oserait souiller son nom dynastique en se rendant là-bas.

« Le conducteur peut s’arranger pour vous faire rencontrer Nokhis, Megeth, ou Sighi en premier. Je pense savoir où chacun se trouve en ce moment, autour du Palais. Il faut juste le prévenir. »

Jet d’intimidation sur Kehem (Bonus : +4. Kehem est une fiotte et ne s’attendait pas à qu’on le découvre) : 3, réussite plus qu’il n’en faut. Considère que Kehem n’ira pas raconter à tout le monde pour toi et Rekhilve.


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Re: [Akisha] Tendresse

Message par Akisha Drakilos »

À l'annonce de Lhunara sur son nouveau titre, je lève mon verre par politesse.

- "Au service du Drachau, rien que ça ! Tu as dû faire forte impression..."

À son adieu, je ne peux m'empêcher de songer : pour des nouvelles croustillantes sur ma personne, la taverne la plus proche fera amplement l'affaire, de quoi éclairer les repas de famille les plus lugubres.
Je hoche malgré tout la tête et réponds de même.

- "Je n'y manquerai pas si j'en ai l'occasion."

Si la ville ne s'embrase pas d'ici là. Par-dessus les relents de merde habituels au Placître, je sens comme une odeur de tension, d'excitation et de crainte sourde flotter dans l'air. Comme si tout le monde jouait sa partition, faisant semblant de mener son train-train quotidien, tout en guettant l'étincelle qui allumerait ce tonneau de purin qu'est Karond Kar.
Je ne peux m'empêcher un soupir lorsque Kehem attire mon attention sur Babille, encore à embêter Keighi. Bien sûr. C'est un gobelin. C'est dans sa nature d'être un emmerdeur.
Ayant brandit le bâton il y a peu, je passe à la carotte. La promesse qu'on lui dénichera un vrai rat vivant, pas en peluche, à martyriser une fois arrivé à la résidence familiale pour peu qu'il se tienne tranquille semble suffire.

Une fois dans le coche, je regarde quelques instants à l'extérieur. Nous passons un bref moment devant nos chantiers navals, qui grouillent d'activité. Probablement qu'ils seraient en train de flamber à l'heure qu'il est, tout ça pour une malheureuse histoire de bague perdue.
Puisqu'il n'y a pas grand chose d'intérêt à observer, en dehors des cohortes d'esclaves qui se surveillent mutuellement - que la bourbe reste en sa propre compagnie ! - je recentre mon attention sur Kehem, qui en bon secrétaire dresse mon emploi du temps des prochaines heures. Plus professionnel que dans ma vieille bicoque pleine de couinements. Un je-ne-sais-quoi plus intimidé et respectueux, ce qui me convient très bien.

Après que Rekhilve ait pris la parole pour lancer une pique, je réponds du tac-au-tac.

- "J'avais en tête d'autres affaires." répondis-je, exaspérée, en m'accoudant sur le côté, main sur le front.

Franchement, tu ne me mérites pas, Rekhilve. Ce réalisme et cette franchise toute tribale est ce pour quoi je l'apprécie tant, mais parfois, juste parfois, j'aimerai vraiment qu'elle la boucle. Dans ce jeu de dupes qu'est la noblesse Druchii, et plus encore de Karond Kar, les apparences sont parfois plus importantes que la réalité-même, et remuer le couteau dans la plaie n'est bon qu'à s'attirer la rivalité d'aigris gorgés d'un honneur factice, qu'ils tiennent pourtant tout prix à défendre.
La suite du propos de Kehem m'en bouche un coin.

- "L'Oisellerie..." répètes-je, stupéfaite.

J'ai beau répéter, secouer ma tête, impossible de m'y faire. Mais que pourrait-il bien foutre à l'Oisellerie alors qu'il n'est plus capable de gonfler ses voiles ? Est-il vraiment devenu à ce point dépravé ? Je ne m'attendais pas à ce qu'il fasse concurrence à Megeth.
Quand à la proposition de Megeth... Oui, beau geste, sachant très bien que Sighi ne pourrait certainement pas accepter, Nokhis étant ce qu'il est : un infirme.

- "Je dirai à Megeth à quel point tu la défends bien," dis-je en reniflant à Kehem. "Proposer Nokhis en tant que remplaçant, c'est vraiment s'acheter une image d'humble servante à peu de frais. Bien joué, j'en conviens, mais seul le dernier des imbéciles aurait sérieusement pu s'attendre à ce que notre matriarche donne la régence à Nokhis."

Je secoue vaguement la main à son adresse, quant à sa dernière proposition.

- "L'entrevue avec Sighi va probablement être éprouvant, mieux vaut que je parle avec Megeth au préalable. Je dirai aux gardes à l'entrée que je vais me changer avec une vraie robe de noble avant de voir Sighi, je sais à quel point elle peut parfois être tatillonne sur les apparences. Megeth devra me rejoindre dans ma chambre pendant que je me change, cela évitera d'éveiller les soupçons." Je tire légèrement les rideaux. Les pointes du Palais Drakilos commencent se distinguer dans le ciel. "Les dieux savent à quel point cette foutue masure à des yeux et des oreilles partout."
Akisha Drakilos, Voie du Noble Aristocrate
Profil: For 8 | End 8 | Hab 10 | Cha 11 | Int 9 | Ini 11 | Att 11 | Par 9 | Tir 9 | Foi | Mag | NA 1 | PV 8/55
Lien Fiche personnage: wiki-v2/doku.php?id=wiki:fiche_akisha_drakilos
Compétences :
Alphabétisation (E)
Diplomatie (B)
Acuité Visuelle (B)
Vision Nocturne (E)
Navigation Maritime (A)
Langage Secret - Jargon des Marins (E)
Autorité (B)
Mort Silencieuse (B)
Déplacement Silencieux (B)
Survie en Milieu Hostile (B)
Canotage (B)

Équipement :
- Cimeterre de Rue (1 main ; 18+1d8 dégâts ; 10 parade ; Rapide. Discret (Pas de suspicion quand l'arme est rangée sur soi) )
- Tenue de Matelot (1 de protection Torse, Bras, Jambes)
- Robe d’Aristocrate (non-portée)
- Masque d’Or (3 de protection au visage) (non portée)
- Remède de Magnouvac (Poudre à inhaler. Permet d'ignorer la Toux, la Dyspnée, la Fièvre et frissonnements durant END/2 heures. Effet secondaire : Provoque une somnolence, qui s'aggrave avec les doses. Effet secondaire grave (18+) : Inconnu. Risque de dépendance : Rouler un jet de VOL (INT+END)/2+6 toutes les deux semaines)
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Kehem, dit "Karond & Shoulders", traducteur du Karybde
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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Akisha] Tendresse

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

L’Esplanade noble n’était pas qu’un quartier — c’était une citadelle. Une ville bastionnée sur une butte escarpée, truffée de flèches noires qui tentent de rivaliser entre elles. Le Temple de Khaine, comme il sied à une cité Elfe Noire, doit être visible depuis la rade ; à présent, la colonne aux milliers de marche de l’autel sacrificiel était si imposant qu’il projetait son ombre sur la voirie. Les essieux de la voiture roulaient maintenant sur du beau pavé bien aligné, symétrique, millimétré, le travail de centaines d’esclaves employés par le Drachau de la cité. À chaque carrefour, à chaque virage, on croisait un poste de garde tenu par des arbalétriers aux couleurs du prince. À chaque bifurcation de l’attelage, on découvrait les remparts d’hôtels particuliers, et des grillages qui délimitaient d’immenses jardins aux arbres fruitiers que des serfs étaient en train d’entretenir. Et sur les toits, il y avait ces Harpies ; ces satanées Harpies qui se collaient entre elles, observant les humains de corvée dans les villae, chacune prête à descendre en piqué pour se nourrir d’un esclave qui se serait trop éloigné de ses compagnons…

L’Esplanade était à peine Karond Kar. On aurait dit une autre cité. Par deux fois, la voiture dut s’arrêter pour être contrôlée par un militaire des Sombretraits ; les arbalétriers prirent l’identité du cocher, tirèrent le rideau de la fenêtre, et saluèrent bien militairement Akisha Drakilos avant de la laisser passer. Qu’est-ce que ces garnisons craignaient ? Ce n’étaient pas les révoltes d’esclaves — il y en avait beaucoup trop à Karond Kar. Ce n’étaient pas des drakkars Norses qui s’infiltreraient par la mer — la cité était entourée de redoutes épaisses et truffées de balistes pour former une enceinte. En réalité, les militaires de l’Esplanade craignaient d’autres Elfes. Ils craignaient la pègre, les corsaires, les arrivistes qui étaient prêts à tout pour mériter de grimper en haut.
Mais il y avait aussi, régulièrement, des familles nobles qui tombaient en bas. Car telle est la société chez les Elfes Noirs.

C’était toujours mieux qu’être un Elfe d’Ulthuan.



Rekhilve avait parlé de sa sœur. C’était le service qu’elle avait demandé à Akisha, en échange de toute l’aide qu’elle lui avait offerte jusqu’ici. Secourir une Asur était un crime immense, mais le plus important était de ne pas se faire prendre.
Il était évident que la petite Ombre n’aimait pas trop parler d’elle, et surtout, de l’époque où elle était enchaînée. Mais elle était parvenue à retrouver son ancien maître, avant de découvrir qu’il avait vendu son esclave à une autre famille. Puis une autre. Tout ce que Rekhilve savait, c’est qu’elle était certaine que celle qu’elle cherchait était bel et bien présente sur l’Esplanade, ici-même, derrière les larges murs de ces maisons.
Elle avait donné, et c’est beaucoup plus important, un nom.
Sa sœur s’appelait Cyssa.



Le manoir Drakilos était un des plus grands palais parmi les Bancs des Pairs de Karond Kar — celui des Uroxis, dans lequel Akisha allait souvent au temps de sa mère, était plus massif encore, et il était difficile de ne pas s’imaginer que la jalousie avait joué un rôle dans l’audace architecturale… Qu’importe. Le cocher passa un long moment devant d’épaisses grilles qui ceinturaient un grand terrain, au point où on pouvait légitimement se demander si tel palais pouvait encore être considéré urbain. Après une nouvelle vérification d'identité, cette fois par la milice privée de la mesnie Drakilos, on ouvrit en grand des barrières hautes comme cinq Elfes, et ainsi, il fallait remonter un long chemin de gravier, couvert par des platanes, tandis qu’un quatuor de gardes à cheval ouvraient la voie pour indiquer le chemin au cocher — il ne fallait pas qu’il se perde en allant dans un endroit ou l’autre du château, car le Palais Drakilos, comme tout bon domicile de nobles tout-puissants, était une ville dans la ville.

L’attelage s’arrêta dans l’entrée. Les deux esclaves du cocher sautèrent à terre en descendant des supports de l’habitacle, et, par réflexe, s’avançaient vers la porte pour ouvrir à Akisha et lui permettre dignement de sortir. L’un des humains n’eut pas le temps de poser sa main sur la poignée de la porte, qu’un guerrier Elfe le ceintura, écrasa sa gorge avec son bras, et l’envoya s’écraser au sol à côté.
Un esclave n’a pas à ouvrir la porte à l’arrière-petite-fille Drakilos.
C’est un Elfe, un militaire à l’armure impeccable, qui lui ouvre. Et c’est aussi un roturier de mesnie qui s’avance avec un parapluie, pour la couvrir de la pluie. Et tous, sur son passage, la saluent en se frappant le plastron et en lui accordant une révérence.

Akisha sortit à l’extérieur, suivie par Rekhilve et Kehem qui n’étaient eux pas couverts de la pluie — il y eut bien un serf pour venir offrir une ombrelle au secrétaire, mais c’était après qu’il eut déjà fait cinq pas sur le gravier. L’Ombre ne sembla pas s’émouvoir du manquement protocolaire à son égard ; elle aimait bien la pluie, elle.

Le trio, tout pressé de toute part par des militaires et des domestiques, grimpa de longues marches en marbre qui donnaient sur un promontoire couvert de banc, et décoré d’une immense statue de Harpie ouvrant sa gueule en albâtre. Devant cette statue, se tenant les mains dans le dos, sous une bâche portée par un être humain, Akisha reconnaissait un membre important de la maison.
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Il s’appelait Gilerien, et il avait la charge de « Isaltau ». « Isalt », un mot Eltharin, qui désignait la marque de Ladrielle, une Déesse très peu populaire chez les enfants de Khaine. Mais la rune Isalt servait à désigner les gardes, ceux qui surveillent les secrets, qui servent diligemment. L’Isaltau était une sorte de grand laquais, un camérier en charge de l’entretien de la maison, du bon état des pièces, de l’approvisionnement en nourriture. Mais l’Isaltau n’est pas qu’un valet avec du galon, il est un officier important, celui qui s’occupe de surveiller le sommeil et l’intimité de ses maîtres, ce qui, dans une société paranoïaque, n’est pas confié à n’importe qui.
Cela faisait trois siècles que Gilerien servait les Drakilos. Il n’avait jamais échoué. Il était là alors qu’Akisha était bébé, peut-être serait-il encore là après sa mort. C’était un Elfe sévère, froid, toujours bien vêtu et les oreilles décorées de boucle d’oreilles, et surtout, absolument dévoué à Sighi. Tellement dévoué, qu’il dormait aux pieds de son lit, enroulé dans un sac de couchage par terre. Peut-être rêvait-il d’être enterré de la même manière.

« Bienvenue chez vous, maîtresse Akisha. »

Il fit une longue révérence fort élégante. Puis, d’un mauvais regard, il observa la voiture en contrebas.
Babille était en train de jeter du gravier sur l’esclave humain du cocher, qui avait été mis à terre.

« Votre retour n’était pas attendu si tôt, mais en prévision, j’avais tout de même mis en place votre chambre.
Je vais m’occuper de vos bagages et de vos serviteurs. Si vous désirez un rafraîchissement, je peux vous installer dans le salon Opale, ou bien l’anti-chambre du Calvaire… »


Akisha indiqua qu’elle préféra se changer avant d’aller voir Sighi. À cette affirmation, elle ne put s’empêcher de noter un sourire pointer chez Gilerien ;
En tant que laquais, il n’avait jamais aimé qu’Akisha se balade avec des vêtements de matelot dans le manoir. Il devait croire qu’elle s’était ressaisie.

« Mais tout naturellement. Je vais faire monter la couturière, et je peux vous faire amener quelques choix dans la garde-robe familiale.
Quant à votre invitée, je vais lui préparer une pièce dans-

– Je me détache pas d’Akisha. »

Alors que Gilerien semblait sourire, il retrouva son perpétuel froncement de sourcil et sa grimace.

« Il n’est pas de bon goût de refuser l’hospitalité d’une maison honorable comme la nôtre.
– Vous m’avez très mal comprise ; Je suis sa garde du corps. J’en ai peut-être pas l’habit, mais considérez-moi comme tel. »

L’Isaltau tiqua des lèvres. Puis, haussa des épaules.

« Soit. Je ne conteste pas, alors.
Si vous voulez bien suivre. »


Kehem, sa serviette sous le bras, et un esclave portant une ombrelle derrière, salua Akisha une dernière fois — il partait surtout prévenir Megeth.
Gilerien, lui, indiqua du bout de la main une femme humaine connue d’Akisha, bien, bien mieux habillée que la plupart des esclaves qu’on croisait à Karond Kar. On devinait que c’était une femelle à ses courbes marquées sous un beau doublet avec cravate, mais elle avait en fait les cheveux coupés court comme un garçon. Elle fit une révérence plus basse que tous les Elfes, et claqua le sol avec des souliers vernis.
Et alors, elle escorta la noble chez elle.

Toute cette maison, Akisha la connaissait par cœur. Elle connaissait les pièces, les statues, les tableaux. Elle savait l’organisation des salons, des antichambres, des pièces, de la grande salle d’apparat — elle savait même où était le pigeonnier, les celliers, les râteliers d’armes des portiers internes. Elle connaissait presque tous les esclaves par cœur — au moins ceux assez beaux et polis pour mériter d’être des valets d’intérieur, ou assez doués et costauds pour travailler à l’écurie, à l’atelier ou dans la buanderie ; les serfs qui servaient à entretenir les arbres fruitiers et les chemins du terrain, eux, on les faisait tourner régulièrement avec l’arsenal, par convoi, et ils n’avaient aucune importance.
Akisha reconnaissait les endroits où elle avait joué en courant dans tous les sens. Les visages des beaux soldats de maison qui se tenaient aux portes, en soulevant leurs lances au passage. Elle reconnaissait le bureau dans lequel elle avait appris ses lettres, et, le long d’un chemin de pierre, elle savait où se rendre jusqu’à une petite chapelle de Morai-Heg, qui avait une importance particulière aux yeux de la famille Drakilos.
Elle reconnaissait les tableaux. Les peintures de ses ancêtres. Devant l’escalier le plus important du bâtiment, il y avait une Elfe gravée dans de la pierre, portant une armure et une arbalète contre son épaule — Traith « Noiretombe » Drakilos, ancienne cheffe de famille il y a neuf générations, réputée pour avoir tué un commandant de la Garde Phénix d’un carreau en plein visage. Pour sa précision, elle avait reçu un baudrier et une arbalète flambant neuve de Malékith lui-même, les deux artefacts à présent conservés dans un présentoir sous une vitre fermée.

L’humaine aux cheveux courts s’arrêta devant la chambre d’Akisha. Elle déverrouilla la porte, ouvrit, puis, en se retournant, remit la clé à la noble.
Tout était dans l’état où Akisha l’avait laissé, excepté les draps qui étaient propres, le papier du bureau qui avait été changé pour lui permettre d’écrire, les bougies qui avaient été remplacées. L’humaine baissa des yeux et resta toute droite, à la disposition de sa maîtresse.
Rekhilve, elle, alla se poser sur un fauteuil dans un coin. Elle croisa ses jambes en regardant sa maîtresse.

« Alors, c’est ici que t’as grandi ?
On peut dire que… ça te ressemble. »


Est-ce qu’elle disait ça comme une insulte, ou comme un compliment ? La paranoïa naturelle des Druchii devait laisser penser que c’était la première.
Akisha avait-elle seulement invité quelqu’un ici, dans sa vie ? Elle avait bien eu des petits amis ; c’était une femme sévère, mais pas invertie. Pour autant, tout le monde l’avait toujours mis en garde sur les relations. Ça peut faire une brèche dans sa personne.
Rekhilve avait l’immense honneur d’être la première à découvrir ainsi l’intimité de son amante.

« Enfin, je vais être chanceuse, je vais pouvoir te voir en robe, j'ai très hâte.
Ses yeux à elle, ça te dérange pas ? »


Elle fit un signe de tête vers l’humaine qui se tenait toute droite. Elle ne parlait pas un mot de druck eltharin ; c’était toujours plus simple, pour éviter que leurs oreilles soient trop curieuses.
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Akisha Drakilos
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Re: [Akisha] Tendresse

Message par Akisha Drakilos »

Le premier contrôle marque l'entrée dans l'Esplanade. Le cadre de toute ma vie. J'y suis née, j'y ai grandie. Naïve que j'étais, je pensais dans ma jeunesse que j'y mourrai, avant de comprendre que le prestige exigeait que le linge sale se règle en extérieur. Non pas que l'Esplanade soit moins dangereuse qu'un autre quartier de Karond Kar, mais l'on préfère éclabousser le carrelage des voisins, quitte à attendre un jour de plus.

En observant les palais et les visages des patrouilleurs, un douloureux constat s'impose : rien n'a changé. Mon père est mort, j'ai l'impression qu'une éternité s'est écoulée depuis notre départ pour la Norsca, mais rien n'a bougé. J'ai bien pu frôlé une bonne demi-douzaine de fois la mort, et des dizaines de citoyens ont bien pu la trouver définitivement, Karond Kar ne s'arrête pas de tourner pour si peu. La présence ou l'absence de la Marque, une simple et obscure bague, a plus de poids que la vie de centaines de Druchiis, même les plus hauts.
Il n'y a bien que Malékith et sa mère qui peuvent se targuer d'avoir plus d'importance par eux-mêmes que par les objets qu'ils possèdent. Mais ils ont en commun de maîtriser la magie. Foutue magie. Non content de transformer ses utilisateurs en connards imbus d'eux-mêmes, elle fausse les règles du jeu. Qu'ils aillent voir au Mirai si j'y suis.
Je referme le rideau jusqu'à mon arrivée.

J'apprends l'arrivée du carrosse au manoir lorsque le dernier contrôle est fait par des membres de ma Maisonnée. D'autres visages, que je reconnais. Eriat, Relsi et Ganavar à l'entrée. Si mon hideuse blessure à la joue les émeuve, ils le cachent très bien. Plus loin, patientant sur le gravier, Sheada et Milnoc, dans leur splendide armure d'apparat de plaques blanches à jointures dorées, faisant écho aux statues d'albâtre visibles ça et là, notamment la plus massive, la harpie sur le promontoire d'accueil. Une idée du successeur de la fondatrice de notre maisonnée : le blanc est peu utilisé chez les Elfes Noirs, il rappelle trop nos cousins d'Ulthuan. C'était à l'époque un moyen facile de se distinguer des autres familles, et la tradition est restée. À Karond Kar, le blanc est la couleur des Drakilos et de ses partisans. Nous avons toujours dédaigneusement ignoré les accusations de connivences avec les Asurs, et plus personne ne nous ennuie depuis la montée en puissance de Sighi, la puissance faisant force de loi.
Les cavaliers qui nous escortent jusqu'au bout du parcours portent, en plus des mêmes armures ouvragées, des capes pourpres tombant jusqu'à la croupe de leur monture. On peut y distinguer en blanc l'héraldique Drakilos : une arbalète déployée, avec pour carreau un dragon, dont les ailes épousent les courbes de l'arc. Malgré tous les travers que j'ai subi au nom de ma famille en Norsca, je ne peux m'empêcher de sentir une certaine fierté à voir le prestige familial s'étaler aussi orgueilleusement à la vue de tous.

Accroché au dessus de la porte d'entrée, un vaste étendard aux motifs similaires, mais aux couleurs inversées claque lourdement contre le mur, gorgé d'eau par la pluie. L'ouvrage est massif, faisant bien dans les six mètres sur douze.
Le débarquement est quelque peu gâché par la maladresse de l'un des esclaves du cocher, qui par habitude descend pour m'ouvrir la porte. Milnoc a tôt fait de lui faire comprendre les codes en vigueur, avant d'ouvrir lui-même la porte.

- "Milnoc, je suis heureuse de te revoir," fis-je en saisissant avec un sourire la main pour m'aider à descendre.

Je salue de même Sheada qui accourt avec un parapluie pour m'abriter du déluge. Les habitudes reviennent sans même que j'ai à y penser. C'est comme se glisser dans de vieilles bottes usées et confortables, celle de la noble Drakilos autour duquel gravite une palanquée de serviteurs et de gardes.

- "Milnoc, un demi-Souverain au cocher pour son esclave, tu l'as amoché. Qu'il l'utilise pour parfaire son dressage. Il ne sera pas dit que les Drakilos sont radins." Les mots viennent tout naturellement, tant je connais mon rôle dans ces situations.

Je me dirige sans attendre vers le promontoire, dépasse la massive statue et arrive devant le comité d'accueil, sagement aligné sous une bâche. Et qui d'autre, évidemment, que Gilerien, l'illustre Isaltau du manoir ?
Gilerien fait partie de ces énigmes que je ne résoudrai probablement jamais. Trois siècles d'une fidélité ininterrompue chez les Drakilos, sans, à ma connaissance, la présence d'une goutte de notre sang dans ses veines. Aussi farouchement loyal à Sighi qu'un canidé, le costume et les boucles d'oreille en plus.

- "Merci de ta prévenance, Gilerien. Je vais passer dans ma chambre me changer avant de voir mon arrière-grand-mère. Tu peux y envoyer les rafraîchissements directement là-bas.

Le plaisir de voir payer des années de réprimande silencieuse est trop évident dans le regard de l'Isaltau. Tant mieux. Qu'il croie ce qu'il désire.

- "Oh, il faudra également donner un rat à Babille, en récompense pour son bon comportement sur la route. Je sais combien il est difficile d'en trouver, étant donné votre... Méticulosité, mais je vous fais confiance ! ponctué-je d'un sourire.

Après m'avoir exposé par le menu le programme des prochaines minutes, je lui indique d'un mouvement de main mon accord.
Immédiatement, une esclave à la tenue et aux manières impeccables prend la relève et me dirige jusqu'à ma chambre - moins par besoin que par prestige, je connais déjà le chemin. J'observe l'esclave de dos sur la route, songeuse. C'est bien là que brille l'excellence de notre modèle. La plupart des mon-keighs sont trop têtus pour leur bien, et ne comprennent que le bâton. Mais les plus malins et les plus talentueux saisissent très bien la carotte. Il n'y a qu'un système esclavagiste qui puisse mener les plus doués à un tel stade de perfection dans ces services que la plupart des Druchiis dédaignent, mais ne peuvent se passer.

Mon attention se reporte sur mon environnement. Rekhilve semble en prendre plein les mirettes. C'est certainement la première fois qu'elle entre dans un véritable palais noble, je ne peux pas lui en vouloir. Habituée que je suis, je dénote de nombreux détails, infime pour autrui, et probablement sans importance pour eux.
Une paire de lances qui se soulève à mon passage un quart de seconde trop tard. Quelques grains de poussières en suspens sur un coin de vitrine. Une chaise légèrement espacée au lieu d'être collée à la table. Un chandelier un chouïa désaxé par rapport à son voisin.
Des détails. Des minuscules détails, qui ferait ricaner Rekhilve comme elle sait si bien faire, en m'accusant au passage de maniaquerie. Et pourtant, ils en disent long, ces détails.
La Maisonnée Drakilos se ramollit. L'absence de mon père le temps d'un raid a suffit, me dis-je. Et cela ne va pas s'arranger, maintenant qu'il ne reviendra pas.

Nous passons - évidemment, comment l'ignorer à son retour ? - devant le reliquaire de Traith "Noiretombe" Drakilos, fondatrice de notre lignée. J'effectue la respectueuse génuflexion d'usage, eu égard aux hauts-faits de mon ancêtre, puis continue mon chemin sous le regard sévère dans anciens Patriarches et Matriarches des Drakilos. Le Hall des Anciens, comme se plaisait à le nommer mon père.
Finalement, nous arrivons dans la chambre. Ma chambre, soigneusement rangée, comme toujours. La remarque de Rekhilve me fait rire.

- "Me ressemble ? Esthétique, portée sur les apparences, mais creuse, c'est ça ?" ajouté-je avec le sourire. Je m'approche de mon bureau et fait glisser un tiroir. À l'intérieur, un chaos sans nom de papier et de babioles. Je m'approche d'une armoire et expose un fatras de livres lus, survolés ou à lire. "Tiens, jette un coup à l'intérieur et glose autant que tu veux sur leur signification sur ma psyché."

Du pouce, Rekhilve me demande si les yeux de l'esclave me dérange. Non. Et pour lui prouver, je l'embrasse sans gêne.

- "Regarde-la bien, dis-je une fois que nos lèvres se séparent. "Regarde à quel point elle est immobile. C'est ça, l'excellence exigée pour les serviteurs du manoir Drakilos. Être le meuble que l'on attend qu'ils soient. Et quand la couturière aura besoin d'une paire de main supplémentaire, la statue s'animera avant de redevenir de marbre."

Je m'approche de l'esclave, qui ne bouge toujours pas, les yeux rivés au sol. Je lui saisis le menton, la force à lever la tête. Elle évite toujours mon regard. Satisfaite, je la lâche et me retourne.

- "Ils ne comprennent que quelques mots choisis de notre langue. Et quand bien même, ils savent garder un secret. Ou plus exactement, les conséquences d'une fuite sur leur intégrité physique. Non, ce n'est pas d'eux que je me méfierai."

Je rejoins le mur et le tapote de la phalange de mon index.

- "C'est des oreilles pointues qui traînent un peu partout dans le manoir, l'air de rien. J'ose espérer que nous sommes à l'abri dans ma chambre, mais, ah, mieux vaut être prudent, n'est-ce pas ?"

Je m'assois sur la chaise de mon bureau et entreprend de me débotter.

- "Rince-toi les yeux autant que tu veux, je suis aussi maigrichonne que toi ! Mais il est vrai qu'une robe bien taillée peut faire des merveilles qu'on ne soupçonne pas. J'imagine qu'elle devra être blanche, au nom de la tradition..." Me rappelant soudainement d'un élément, je me redresse et regarde Rekhilve. "Quand Megeth viendra, mieux vaut que tu m'attendes dans le couloir. Je ne veux pas éveiller ses soupçons."

Comme Rekhilve hausse un sourcil inquisiteur, demandant plus d'explications, je continue.

- "En échange de mon aide pour lui refaire sa virginité nobiliaire, je vais lui demander de retrouver Cyssa." Comme elle ouvre la bouche et écarquille les yeux, je lève la main et lui coupe la parole. "Je ne lui dirai pas plus de détails que nécessaire. Mais ce sera mon prix. Cyssa, mon esclave personnel, d'une manière ou d'une autre. Cela fait, je l'affranchirai, et vous serez libres comme l'air. Où vous voulez aller ensuite, ça vous regarde, encore que je voudrais dans la limite de mes capacités. Je..."

Je m'adosse au siège de ma chaise, pensive.

- "Je partirai bien avec vous, mais mon destin est ailleurs."

Cette vieille harpie de Morai-Heg me réserve encore quelques tours dans sa besace. Moi qui me pensait bénie par elle, je me demande si je ne suis plutôt pas maudite.
Akisha Drakilos, Voie du Noble Aristocrate
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Équipement :
- Cimeterre de Rue (1 main ; 18+1d8 dégâts ; 10 parade ; Rapide. Discret (Pas de suspicion quand l'arme est rangée sur soi) )
- Tenue de Matelot (1 de protection Torse, Bras, Jambes)
- Robe d’Aristocrate (non-portée)
- Masque d’Or (3 de protection au visage) (non portée)
- Remède de Magnouvac (Poudre à inhaler. Permet d'ignorer la Toux, la Dyspnée, la Fièvre et frissonnements durant END/2 heures. Effet secondaire : Provoque une somnolence, qui s'aggrave avec les doses. Effet secondaire grave (18+) : Inconnu. Risque de dépendance : Rouler un jet de VOL (INT+END)/2+6 toutes les deux semaines)
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