[Ahmès] La Porte des Esclaves

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Par delà le Grand Océan, bien à l’ouest du Vieux monde, se trouve le continent de Naggaroth, terre des sinistres Elfes Noirs. C’est une région aride et sauvage que les rayons du soleil réchauffent rarement, tant la couche nuageuse y est épaisse, et de terribles tempêtes s’y déchaînent régulièrement.

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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Ahmès] La Porte des Esclaves

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L’accusation que formulait Ahmès à l’encontre de Masthel était gravissime. Les contrats dans la société Elfe Noire ne sont pas l’œuvre de simples coupes-jarrets, et prendre une vie n’est pas que le sordide travail de coupes-jarrets sans cœur. C’est une œuvre religieuse, bénie et sanctifiée par un Dieu qui se repaît du sang. Lorsqu’un noble quémande le service d’un serviteur de Khaine, il est prêt à sacrifier bien plus que de simples souverains d’or, et c’est une tâche qui incombe à des poètes du meurtre.
Vouloir obtenir le nom d’un assassin, ou pire, du commanditaire, est sacrilège. S’amuser ainsi à reconnaître la patte d’un collègue, hasardeux.
Oui. Si Ahmès se trompait, il risquait d’en payer le prix. Et en tant qu’apprenti, Ahmès s’exposait à subir les plus affreuses punitions de la part de Masthel.

Un instant, un tout petit instant, son maître fronça bien de ses sourcils. Papillonna des cils. De minuscules signes qui prouvaient, c’était certain, qu’il semblait décontenancé par la courte tirade de son élève.
Mais cet instant fut bien trop fugace.
Le mentor retrouva bien vite son sourire narquois. Et il se pencha au-dessus d’Ahmès, et sa voix se fit plus rauque, et plus mesurée, tandis qu’il répondait aux suppositions bien aventureuses du jeune homme :

« C’est une hypothèse. Mais si cette hypothèse était vraie, ne devrait-elle pas t’inquiéter ?
Et si Lokhir n’avait engagé des assassins de Khaine que de manière à retrouver la lame qui a égorgé son père ? Et si tout ceci n’était qu’un piège immense ? »


Ses crocs pourraient presque briller. C’était un détail incroyable — l’âge avait touché son visage. Il était laid. Très ridé. Ses cheveux bien gris. Sa face, couverte de cicatrices, résultats de combats de rue forts violents durant lesquels il avait éprouvé sa vie. Ses vêtements étaient certes propres, à cause de la couverture de faux-nobles qu’Ahmès avait souhaité usurpé.
Mais de toute sa dégaine, c’étaient ses dents qui brillaient. Si blanches. Ça lui confiait une aura de prédateur.

« Pourquoi les Alethi ont-ils trahi les Drakilos ? Ça, ça c’est une question à laquelle je n’ai pas de réponse… Mais tu vois, tu me parles d’ambition, d’appétit, de soif de pouvoir — tout ça ne m’impressionne pas. Tous les nobles en ont. Tous les roturiers en ont. Tous, du simple corsaire de fond de ruelle à Sa Majesté Malékith, ils vivent d’ambition.
Et si ce qui avait poussé les Alethi à trahir était plus personnel que ça ? Plus… minable ?
Les Druchiis se donnent des airs de créatures impassibles. Imperturbables. Mais ils restent, derrière leurs jolies parures et leurs visages fermés, des bêtes bien animales, et bien ridicules. Une histoire de coucherie. Une histoire de jalousie. Une fierté blessée. Il suffit de bien peu de choses pour te changer un Elfe.

Oui, Ahmès… Parfois les Druchiis s’attachent à des choses bien ridicules.

Tu en sais quelque chose. »


L’esclave.
Masthel lui avait offert l’esclave.
Elle était jolie. Trop humaine. Elle avait des défauts. Des taches de rousseur. Quelques cicatrices de petite vérole. Mais est-ce que ce n’étaient pas ces imperfections qui avaient attiré l’œil d’Ahmès ?
Il l’avait aimée.
Masthel l’avait saignée au-dessus de lui. Une mort rapide. L’artère fémorale, ça fait pas souffrir — et Masthel savait faire souffrir des êtres. Des fois, des commanditaires le demandaient expressément. Ils ne voulaient pas accorder à leur victime la délivrance d’un simple carreau d’arbalète dans la tête, qu’ils ne pourraient voir venir…
Mais il l’avait violée, aussi. Lentement. En prenant son temps.

Masthel aimait Ahmès. Il ne pouvait pas feindre ces sentiments-là. Il tenait à lui. Il le peignait, l’habillait. Lui avait apprit à lire, et à prier Khaine. L’avait protégé, nourri, logé, soigné, blanchi.
Mais il l’avait aussi torturé. Défoncé à coup de bottes. Et il avait violé et assassiné la femme qu’il avait aimée.
Oui. C’était d’elle qu’il parlait, lorsqu’il disait qu’Ahmès savait ce qu’étaient les sentiments minables.

Mais lui, est-ce qu’il savait ce qu’ils étaient ? Fut un temps où Masthel était jeune. Fut un temps où c’était lui, le loup juvénile qui grimpait sur les toits de Karond Kar, et qui décidait du sort des grandes familles. Elles étaient toujours là, ces grandes familles, aucune n’était tombée, peu importe le nombre de ses membres qui s’étaient vidés de leur sang dans le caniveau.



Ahmès décida de présenter ses hommages au chef de la pègre. C’était une voie comme une autre, et plus originale, il fallait l’admettre, que de se présenter à ses collègues et ses sœurs furies du culte de Khaine. Mais avant de partir, il décida discrètement d’aller gêner la Corsaire qui cherchait on-ne-sait-quoi au fond de son verre.
Il la bouscula, et présenta rapidement ses excuses. Il entendit un râle, et vit un poing se fermer. Et en se retournant, prête au combat, il aperçut mieux le visage de celle qui était prête à l’enfoncer contre le bar pour ronfler.
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Elle était jolie. Plutôt jeune, aussi. De longs cheveux bien entretenus, noués dans son dos — rien que ça c’était assez parlant. Les Corsaires ne sont pas des soldats : alors même qu’ils doivent porter des casques, ils sont souvent assez extravagants pour entretenir de sacrées touffes de cheveux, sans trop prendre gare à la discipline militaire qui règne dans les Affrelances. Elle avait des joues bien dessinées, une peau lisse, et elle pourrait presque passer pour une servante bien désirable, si seulement elle n’avait pas une énorme taillade sous son œil gauche. Si seulement elle n’était pas vêtue d’une mode bien martiale, aussi. Avec son kheitan renforcé, du cuir bouilli épais partout aux endroits tendres où une lame risquerait de l’ouvrir, et un grand cimeterre au fourreau, il n’y avait pas de doute à avoir sur sa profession.

« Mais qu’est-ce tu me… »

Elle regarda Ahmès. L’observa de la tête aux pieds, bien rapidement, lui rendant le même regard qu’il lui avait prêté. Elle écouta bien ses mots, et, au final, se contenta d’un tic des lèvres dédaigneux.
Et un hochement de tête de haut en bas.
Elle approuvait ce qu’il venait de dire, et reprit son verre.

Masthel ne semblait pas avoir remarqué ce que son élève venait de faire. Ou, s’il l’avait remarqué, il choisit de ne pas en dire un mot. Les deux hommes marchèrent côtes-à-côtes, traversaient la grande salle remplie de parieurs débauchés. Ils bravaient ensemble les longs escaliers qui menaient aux étages. Bien rapidement, ils tombèrent nez-à-nez sur une armoire à glace. Un gros garde-du-corps, bien plus grand et corpulent qu’eux, ce qui était étonnant de la part d’un Elfe. On aurait dit la stature d’un Bourreau de Har Ganeth, les troupes de choc du culte de Khaine.
Bien poli, Ahmès se pencha et annonça ses intentions au semi-singe pour qu'il les laisses passer. Celui-ci ne leur répondit que d’un rire dédaigneux, et dans un druck eltharin bien laid, comme s’il était parlé par un humain, le gros costaud se contenta de les renvoyer en bas :

« Plein d’gens veulent parler aux Dents-Acérées. Mais si j’me remets pas d’vos têtes, c’est qu’vous valez pas l’coup.
R’venez quand j’aurai vos noms dans le crâne. »


Masthel se mordit la lèvre inférieure. Nul doute qu’il avait eu envie, un instant, de lui rétorquer une vacherie : du style, se demander s’il avait un cerveau suffisamment large pour avoir beaucoup de noms en mémoire…
Heureusement, le mentor resta dans son rôle. Il prit une petite voix, s’inclina légèrement, et renforça le propos d’Ahmès :

« Sauf votre respect, nous venons tout juste d’arriver à Karond Kar, et nous avons entendu dire que monsieur Malsydrior était un homme d’honneur à respecter en ville.
En tant que nouveaux arrivants, nous voulions donc présenter nos hommages, et notre respect. »


Le singe grogna. Il semblait vraiment un peu demeuré. Heureusement, Masthel avait appris à son élève comment mettre à terre quelqu’un de plus grand et plus costaud que lui : lui piétiner le pied, frapper sa rotule, annihiler son allonge le plus rapidement possible… Il y avait des endroits à frapper et écraser pour réduire son avantage à néant.

« Oué, oué, mais quand même, j’vais- »

Un sifflement l’arrêta.
Le gros Elfe se retourna. Malsydrior, l’Elfe avec un anneau dans le nez, s’était un peu élevé dans son divan. Il éloigna la singette peu habillée de ses genoux en lui faisant un signe de main. Et, avec la même nonchalance, désigna Thallan et Narbeth.

« Nutal, laisse-les se présenter. »

Nutal croisa des bras. Montra bien sa présence imposante.

« Zêtes armés ?
– Si nous ne l’étions pas, monsieur Malsydrior nous prendrait-il au sérieux ? »

Le chef de la pègre rit. Alors, Nutal s’écarta un tout petit peu et laissa les deux s’approcher.
D’ici, on dominait le Bréa. On pouvait voir tous les joueurs, tout le bar, toute l’estrade sur laquelle des danseurs ou des musiciens devaient endiabler les soirées. Sur une table devant son divan, on trouvait une pipe à opium, et deux verres d’alcool. La petite singe, une jolie chose rousse à la peau pâle, le cou cerné par un cercle de métal, papillonna de ses grands cils maquillés, et réclama quelque chose avec une voix de gamine dans sa langue de singe — du reikspiel, la langue des singes priant un homosexuel portant un marteau et annoncé par une comète, Sigmar. Malsydrior lui rétorqua quelque chose dans sa langue à elle, et, avec un grand sourire, elle posa la pipe à opium dans sa bouche, qu’elle alluma au nez des deux Elfes.

« Je vous en prie, installez-vous. C’est rare d’avoir des gens qui viennent me présenter leurs hommages… Mais t’as l’air d’avoir une sorte d’air de dandy, l’ancien. »

Masthel sourit et fit un signe de tête, en prenant place sur un bout du canapé. Il laissait à Ahmès le côté juste en face, tout près de la singette peu habillée.

« Pardonnez Nutal. Il fait ça à tout le monde. Pas très futé, mais il est très fort pour buter tous les gens qui s’approchent trop de moi.
Les nobles dans cette ville voyez-vous, ils me pissent à la raie depuis leur esplanade. Mais bizarrement, dès qu’il s’agit de calmer des corsaires, ou de retrouver des esclaves qui s’enfuient, là, ils me donnent du « Môsieur » Malsydrior… Ah là là, putains de Karond Karis…
J’ai l’droit d’insulter Karond Kar, vous venez donc pas d’ici ?

– Clar Karond, monsieur.
– Ah, ah… Faites en sorte que l’archontesse des arènes, cette bonasse de Kheldri, l’apprenne pas. Les gens de Clar Karond c’est ses grands rivaux. Trop de maîtres des bêtes excellents là-bas, vous voyez ? Encore qu'elle est du genre à être tellement en rogne contre ses ennemis, elle peut coucher avec. C'est ce genre de tarée.
Mais je vous en prie, je suis mauvais hôte. C’est quoi votre poison ? Alcool, opium, putes ?

– Verre d’eau pour moi-même. »

Malsydrior papillonna des cils, puis s’esclaffa.

« Ouais, un vrai dandy, bordel.
Et toi le jeune ? T’es son fils ?
Tu dis que tu peux vendre ta lame et que t’as des infos pour moi. Je t’en prie. Dis-moi tout sur toi. »
Jet de charisme d’Ahmès à l’encontre de son mentor (Bonus : +2, Masthel déstabilisé) : 15, pas suffisant. Le vieux mentor est plus amusé qu’intimidé par les paroles de l’élève.

Jet de charisme d’Ahmès sur la corsaire beurrée : 7, ça passe. Pas certain qu’elle soit patiente très longtemps, elle apprécie pas qu’on la dérange pendant qu’elle boit, mais bon, elle trouve Ahmès plutôt mignon…

Jet d’observation d’Ahmès quant à la compagnie du chef de la pègre : 17, pas d’informations supplémentaires.
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LA PORTE DES ESCLAVES


L’Apprenti ne regardait déjà même plus le garde-du-corps qui, les bras croisés, ravala sa langue sans doute pour ne pas remettre en doute les mots de son employeur. Le Druchii ne tarda pas à mesurer le poids que pouvaient avoir les mots du Chef de la Pègre de Karond Kar, siégeant sur son divan du Bréa comme sur le trône de l’infamie. Un seul pas de travers, et le vulgaire singe serait visiblement exécuté et aussitôt remplacé par un autre. Il y avait une hiérarchie et des règles à respecter même dans un milieu aussi sordide, primaire et violent. Des règles que, si bête fut-il, le gaillard avait fini par comprendre ; sûrement parce qu’il les avait fait respecter, ces règles. Et que ceux à qui il les avait apprises n’étaient plus de ce monde pour venir témoigner des risques encourus en cas d’infraction ; ou alors, n’avaient plus la langue qu’il fallait avoir pour raconter à quel point la sanction pouvait être terrible.

L’Assassin ne se laissa pas décontenancer, il glissa sur le divan juste en face de son Maître et près de l’esclave qui avait, sans nul doute, servi d’attraction sexuelle au divin Seigneur du Bas-Monde. Alors, avec une suffisance défiant toute mesure, il lorgna ses invités et leur proposa de s’attarder sur l’une de ses avances, ce à quoi Masthel ne se déroba pas… ou presque.

Malsydrior riait, et sa maîtresse du jour cessa même de tirer sur l’opium, béate de stupeur devant la demande du Maître d’Ahmès. De l’eau. Le Maître Assassin, déguisé en Narbeth, demandait toujours de l’eau. Il faisait cela parce qu’il savait trop bien quelle stratégie on pouvait avoir à semer le doute et la confusion dans l’esprit d’un être à amadouer ; il ne se laisserait pas prendre au piège. A moins qu’il se soit déjà pris les pattes dans le filet, par le passé ? A bien des égards, cela pouvait autant être une forme de sagesse que de provocation. Une façon de remettre en doute ce que le tenancier avait à leur offrir ; une façon de lui dire qu’il ne boirait pas de ce poison. L’Apprenti eut alors une légère crainte. Et si Masthel trahissait leur vrai visage en demandant de l’eau ?

Par chance, Malsydrior prit cette dérobade à la légère, étiquetant le pseudo-Narbeth du sobriquet de « dandy ».

Ahmès l’observa. Et si le Maître avait dit vrai ? Si Lokhir employait effectivement des Assassins pour retrouver le meurtrier de son père ? Et si tout cela était un piège ?

Se plongeant dans une réflexion personnelle, le Druchii sonda encore une fois les possibilités complotistes maquillées derrière le fard de la dualité clanique. Le terrain était fertile, oui. Le terrain était magnifiquement fertile et à chaque heure, de nouvelles données se posaient sur la table. De nouvelles cartes à jouer, engendrant de nouvelles règles. Et si Masthell avait volontairement mis Ahmès sur l’affaire pour ne pas être pris au piège lui-même ? Et si Ahmès, croyant avoir négocié un juteux contrat, n’avait-il guère été le dindon de la farce, l’opportunité parfaite d’une esquive rondement menée par son Maître pour ne pas être en contrat direct avec le Patriarche des Fellheart ?

« Alcool. Léger, de préférence. Je préfère que ma lame trouve toujours son chemin, si vous voyez ce que je veux dire. »

Il avait besoin de souffler. Il ne le disait guère, mais l’espace d’un instant, son esprit avait divagué. Le mensonge lui sembla de plus en plus gros. Ahmès n’était que le résidu d’un astéroïde que Masthel et Lokhir s’étaient renvoyés. Un jeu de duperie auquel chacun d’eux avait probablement joué. Il n’était pas question des Alethi, des Lucari, ou des Fellheart. Il était question d’une somme de doutes entre Lokhir et Masthel : deux éminences sur les bords d’un volcan.

Mais peut-être que le Maître avait fait une grave erreur. Ahmès était trop jeune, à n’en point douter, pour être l’Assassin du père de Lokhir. Et la façon dont Masthel avait cherché à se dérober à l’emprise du Kraken avait un quelque chose de suspect. Peut-être s’était-il trahi. Et sous le déguisement d’un enseignement qu’il poursuivait, il guidait Ahmès vers ses propres intentions : celles de se laver de tout soupçon, ou de se détacher de cette poursuite que Lokhir avait pu lancer contre lui.

Cette situation était exquise. Ahmès jeta un œil dans la salle. Il vit que la Corsaire était toujours là, attablée, enfilant ses chopes. Il vit le gaillard qui protégeait Masthel. Il sut à cet instant qu’il était un peu comme ce ventripotent qui protégeait Dents-Acérées. Un débile au service d’un plus perfide, seul vrai Maître. Un pion sur l’échiquier ; peut-être un cavalier, à la rigueur. Mais il était loin d’être le Roi.

L’Apprenti en avait déjà trop dit à son mentor sur ses réflexions. Il avait trahi ses doutes. Son Maître savait ses intentions parfois malsaines. Il savait à quel point son Apprenti voulait s’attirer ses faveurs, mais aussi se venger de lui. Il prenait des risques modérés, mais des risques tout de même. Ahmès serait peut-être son dernier Apprenti. Le plus long à la détente, peut-être le moins habile ; mais peut-être aussi le plus perspicace. Masthel le savait, car Masthel l’avait forgé tel qu’il voulait qu’il soit. Le couteau de la félonie avait volé l’amour d’Ahmès ; cette esclave humaine que son Maître lui avait offert, avant de lui reprendre de la façon la plus odieuse qui fut. Mais tandis que l’âme de la sacrifiée s’était envolée, le cœur de l’Apprenti, lui, s’était enfoncé dans la noirceur. Masthel le savait.

Il avait créé son propre assassin.

« Moi ? Oh, j’ai une histoire bien moins palpitante que celle de celui que vous avez deviné comme étant mon père. Bravo pour votre clairvoyance. »

Déclara le prétendu Thallan dans un mensonge qu’il souffla comme un soupir. Un mensonge pour flatter Malsydrior Dents-Acérées. Un mensonge pour le rendre plus grand qu’il ne l’était réellement. Ahmès était tel un loup qui s’allonge et montre son ventre en guise de soumission, et laisse l’Alpha se placer en souverain. Paraît-il que c’est là que sa gorge est la plus accessible.

« Moins de femmes dans mon lit, moins de sujétions aux délices de l’existence… moins de débordements que mon père, hein, vieille raclure ? D’après vous, pourquoi boit-il de l’eau ? »

Il ria pour accompagner Malsydrior, se joua du personnage incarné par Masthel. La comédie commençait. Et dans la façon qu’il avait de procéder, il signifiait une chose à son Maître : trop rarement il s’était joué de l’un des personnages incarnés par le mentor. Cette fois, c’était de la provocation. Comme un art de dire : tu ne me possèdes plus.

Il se focalisa toutefois sur leur hôte.

« Mais parlons de choses plus sérieuses. Les renseignements que je peux vous donner concernent justement Dame Kheldri, que j’ai espionné dans le Colisée. Elle évoquait un Champion, et des tensions entre les familles nobles de Karond Kar. Semblerait-il que quelque chose l'attire. Qu'elle veuille, à certains égards, profiter des incendies allumés. Je ne sais comment on pourrait qualifier cela mais... ne serait-ce pas une forme de triche organisée par la dirigeante actuelle de l'Arène ? Un complot, oui oui oui. Pour son profit personnel, bien entendu. Qu'en dirait la famille détentrice de ce Champion s'ils apprenaient que Dame Kheldri, en secret, aspire à de bien sombres choses contre eux, au service de leurs rivaux... Oh, et bien sûr, je sais à qui elle compte faire appel pour cette félonie. Combien ? »

Il tendît sa main. Toute information était payante.
Ahmès Rahadriel Rohomir | Voie de l'assassin elfe noir
Profil : For 8 | End 10 | Hab 10 | Cha 10 | Int 8 | Ini 10 | Att 10 | Par 10 | Tir 10 | Foi | Mag | NA 1 | PV 16/55
Fiche personnage : Lien

États Temporaires
* Exsangue : Après avoir perdu beaucoup trop de sang, tu es anémié. Tous les efforts physiques se font avec un malus de -1.

Compétences
  • Combat
    • Ambidextrie (A)
    • Acrobatie de combat (A)
    • Esquive (A)
    • Parade (A)
    • Tir à déclenchement rapide (B)
  • Perception
    • Acuité visuelle (B)
    • Lecture sur les lèvres (E)
    • Vision nocturne (E)
    • Sixième sens (B)
  • Adresse
    • Déplacement silencieux (B)
    • Mort silencieuse (B)
    • Escalade (B)
    • Camouflage (B)
    • Vol à la tire (B)
  • Physique
    • Résistance accrue (B, Spécialisation : Poison)
  • Connaissances
    • Préparation de poisons (E)
    • Piégeage (A)


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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Ahmès] La Porte des Esclaves

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

« Alcool léger. »

Le chef de la pègre répète la commande d’Ahmès d’un simple hochement de tête. Il s’étend dans son divan, et siffle à l’intention d’un de ses nombreux sbires — pas Nutal, un autre à la dégaine plus svelte et moins trapue :

« Va demander à quelqu’un de chercher une bouteille, mon grand.
Et un verre d’eau. »


Le sbire approuve sans un mot et sans un signe, et s’éloigne pour aller chercher un esclave qui pourra se déranger à aller descendre derrière le comptoir.
En fait, en regardant derrière lui, Ahmès pouvait voir de façon flagrante qu’un grand nombre d’armoires à glace l’observaient distraitement… Mais pas tout à fait distraitement non plus.
Malsydrior avait des hommes à tous les étages, gardant toutes les portes, surveillant la moindre table de jeu. Il avait beau été capable de rentrer et de s’installer juste en face des Dents-Acérées sans avoir été fouillé, ni avoir son identité confirmée par quiconque, cela ne voulait pas dire qu’il allait être facile à atteindre. Un seul couteau dégainé, et Ahmès pouvait être certain que s’enfuir du Bréa allait être un combat immensément difficile…

Tous les Druchiis sont paranoïaques. Alors un Druchii puissant qui laisse un parfait inconnu s’asseoir devant lui était ou suicidaire, ou avait de très bonnes raisons d’être sûr de lui-même.

En tout cas, ce fut l’heure pour Ahmès de parler. Masthel décidait enfin de se taire, après avoir assez joué de son charme pour aider son apprenti. Et voilà qu’il était insulté par son élève, qui lui aussi était bien capable d’incarner un rôle. Le mentor ne dit rien ; il se contenta de hocher la tête au « vieille raclure », et s’efforça de plisser ses lèvres gercées en une espèce de sourire bien amical.
Malsydrior écouta, toujours aussi avachi dans son siège, tandis que l’esclave lui fumait son opium au visage. Lorsque Ahmès eut fini, il claqua des lèvres.

« Ha… Donc vous allez bien me parler de Kheldri…
C’est donc ça, votre histoire ? Seriez-vous des maîtres des bêtes qui veulent chier dans les bottes de notre archontesse ?
J’ai bien peur, malheureusement, que je ne sois pas le bon client pour ça. Je n’ai aucune hostilité envers Kheldri, et j’ai assez de jugeote pour ne pas m’en prendre aux grandes familles de cette ville. »


Il tiqua des lèvres. L’humaine crachait sa fumée près de sa bouche. Ça semblait l’embêter.
Il leva bien sa main et claqua la joue de la jeune fille. Foudroyée, les yeux de l’humaine furent écarquillés, et légèrement humide. Un mot en reikspiel sifflé entre les dents serrées du mafieux, et voilà qu’elle se levait en reposant la pipe sur la table, avant de partir aussitôt.
Petit silence gênant. Masthel bomba sa bouche.

« Donc… Vous nous envoyez chier ?
– J’ai pas dit ça non plus. J’ai juste dit que je vous donnerai pas un gros prix pour ça. Mais c’est pas pour autant qu’on ne puisse pas s’arranger. »

À présent débarrassé de l’humaine, il sembla se redresser. Il décolla son dos du canapé, posa ses bras sur ses genoux, et, s’avança au-dessus de la table basse, il regarda Ahmès droit dans les yeux.

« C’est pas faire chier Kheldri ou des nobles qui me rend curieux — je m’en carre totalement. Mais c’est la manière dont vous avez pu obtenir l’information qui m’intéresse…
J’aime les gens compétents. Je peux bosser avec eux.
Alors voilà ce que je vous propose : vous m’expliquez tout, gratuitement, et à partir de là je vois ce que je peux faire avec vous.
Ça vous convient comme arrangement ? »


Il regarda son Bréa en tournant un peu la tête. Et il sourit de côté.

« Enfin, gratuitement
En échange d’une bonne bouteille, disons ! »
Jet de charisme d’Ahmès (Décidément c’est une stat qui te sert beaucoup) : 11, échec, mais de 1 seulement ; Malsydrior est un peu crispé et méfiant, mais ça va, il va pas te balancer hors du Bréa non plus.

Jet d’intelligence de Malsydrior : Effet caché.
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LA PORTE DES ESCLAVES


« Un secret contre un secret. »

Ahmès eut, au moment où le Prince du Dessous se railla de lui et montra les signes d’une possible animosité à son égard, une certaine crainte. Elle habilla son regard tandis qu’il zieutait tout autour le lot de sbires à la solde de Malsydrior. A huit-clos, dans le terrain de son vis-à-vis, il avait toutes les chances de lacérer quelques jugulaires et d’ôter le crâne de plusieurs rachis ; et toute confiance en son Maître pour l’assister dans cette tâche. Mais il savait tout particulièrement qu’au vu du nombre de valets présents, et dans un endroit duquel il n’était pas familier, il n’avait presque aucune chance de s’en tirer vivant. Pas plus qu’il n’était envisageable pour lui de compter sur la protection de Masthel lorsqu’il s’agissait tout simplement de survivre. Les assassins étaient des égoïstes. Ils tuaient selon leur gré et surtout ne s’handicapaient guère de leurs sentiments lorsqu’il s’agissait de sauver ses propres viscères de la promesse d’un bestial étripage.

Tout à coup, l’atmosphère pour lui devint moins confortable, plus glaçante, et l’incertitude germa dans son cœur au rythme des palpitations qui s’accélérèrent pour faire croître une sorte d’angoisse secrète, qu’il tenta au possible de ne pas dévoiler, mais que ses yeux ne purent dissimuler dans les mouvements rapides et fréquents qu’il jeta pour étudier la pègre de ce chef du dessous.

Il tenta, malgré tout, ce coup de bluff. Un secret contre un secret. La phrase put paraître un peu naïve, mais elle avait un sens tout particulier dans cette scène de plus en plus électrique. Ahmès refusait d’offrir gratuitement des informations sur ses capacités. Tout accepter revenait à se soumettre à l’autorité de Malsydrior, ce à quoi il se refusait. Un contrat juteux ne pouvait être négocié que s’il montrait lui-même qu’il n’était pas si facilement domesticable.

« Voici le mien… »

Il retira la main qu’il avait tendu, s’adossa et tira son genou sur le divan pour croiser sa jambe par-dessus l’autre, ses doigts entremêlés servant de force de traction au niveau de sa rotule pour maintenir sa jambe suspendue à l’équilibre. Il montrait qu’il n’était pas pressé, et tenta d’instiller un faux sentiment d’assurance. Il n’était guère aussi confiant qu’il n’y paraissait ; mais au moins pouvait-il essayer de faire semblant.

Il attendit avant de continuer la phrase entamée. Ses yeux plongeaient littéralement dans ceux de Dents-Acérées, et y sondaient jusqu’au moindre tressaillement. Lui-même ne put réellement camoufler son stress, mais il continua d’attendre encore avant de révéler ce qu’il avait à dire. Faire naître l’impatience. Susciter le désir. C’était là encore une façon de séduire.

« … mes yeux lisent sur les lèvres. Ils sondent les cœurs et ne ratent que rarement leur cible. Vous le comprendrez, mon talent ne vient pas de ma force, mais de ma précision. Sur les Arches Noires, j’ai très souvent été guetteur, sentinelle, et parfois j’ai mis mes pupilles au service de riches conquérants pour étudier la qualité de la bijouterie qu’ils avaient pu obtenir. Mes flèches et mes lames ont, quant à elles, souvent trouvé le chemin de leur cible. La vision est un instrument formidable pour qui sait s’en servir à bon escient. »

Il attendit encore un instant, tentant de lire à travers le regard de Malsydrior.

« A mon tour. Vous êtes le propriétaire du Bréa. Vous paraissez régner sur ce quartier et vous êtes muni de nombreuses lames, assez pour couper la langue de deux visiteurs impromptus si vous les estimiez dérangeants. J’ai vu vos fidèles, répartis dans la pièce. Dîtes-moi, cher Prince… »

Ahmès jeta un bref regard à son Maître, puis revint aussitôt à son interlocuteur privilégié en éclairant son faciès d’un large sourire teinté de convoitise et habillé d’un voile de malveillance.

« … quel est votre rêve le plus fou ? »
Ahmès Rahadriel Rohomir | Voie de l'assassin elfe noir
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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Ahmès] La Porte des Esclaves

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

« Mon… Mon rêve ? »

Malysdrior prit ses aises. Il croisa une jambe au-dessus de l’autre, et posta bien ses bras de chaque côté du canapé. Et, en regardant Ahmès tout droit, un immense sourire s’étira d’une oreille à l’autre.

« Vous êtes fraîchement débarqués à Karond Kar. Vous venez jusqu’ici en entrant dans mon palais… Et vous me demandez c’est quoi mon rêve ?
Bordel…

…Vous êtes sacrément géniaux, à Clar Karond. »


Il tapota nerveusement sur son canapé. Et puis, soudain, il se leva tout droit. Il contourna la table basse, Masthel devant éloigner ses jambes pour le laisser passer. Le mafieux alla devant la rambarde de l’étage, et se pencha au-dessus de son club privé.

« Y a un truc que vous avez pas encore compris, par contre, maître Thallan ; Je ne règne pas sur un simple quartier. Je règne sur Karond Kar tout entier.
Bien sûr si notre Drachau nous entendait, peut-être que l’envie lui prendrait soudainement de m’apprendre le respect. Mais c’est la vérité.
Imaginez que Karond Kar est un corps ; Les nobles seraient la tête — parce que bien sûr c’est comme ça que ces bâtards de sang-bleus s’imaginent le monde — et les corsaires les membres. Mais moi, je tiens cette ville par les couilles. »


Et comme pour bien imager sa comparaison fort paillarde, il ferma très fort son poing.

« C’est moi qui possède son bas-ventre, et qui tient ses instincts. Si vous saviez les choses que j’ai vu en une vie, Thallan — des fils de grandes maisons qui passent leurs journées à dégueuler sur leurs propres fringues tellement ils ont d’opium dans la gorge. La fille d’une aristocrate qui lâche toute la thune qu’elle a volée à sa fratrie pour la risquer sur un jet de dés. Des agioteurs qui se bagarrent à mains nues, qui se tuent en s’enfonçant des doigts au fond des yeux, comme des chiens enragés, parce que j’ai promis que je ne rachèterai une cargaison d’esclave qu’ils ont perdu qu’à un seul d’entre eux…
J’ai besoin ni d’une couronne ni d’un sceptre. Je suis le Roi de Karond Kar parce que cette ville je la fais tourner en lui claquant les fesses. »


Il s’assit à moitié sur la rambarde, en croisant ses bras sur son torse.

« J’ai pas de rêve, parce que je vis déjà un rêve. J’ai tout ce que je veux, juste en claquant des doigts. Ça a pas été facile pour arriver à ma place. J’ai tué un putain de paquet de gens. Mais maintenant, j’ai donné une bonne raison à tous les enculés de cette ville à réfléchir à deux fois avant de manipuler un poignard contre moi.
S’il y a une émeute en ville, le Drachau envoie quelqu’un pour venir me parler à moi. Même l’Aragne et la Marâtre, ces deux enfoirés avec qui j’ai partagé mon Royaume, ils savent qu’il vaut mieux ne pas s’en prendre à mon Cartel. »


Le temps qu’il termine son exposé, son homme de main était remonté en portant deux cruches à la main. Il posa un verre qu’il remplit d’eau pour Masthel, tandis qu’il versa un liquide carmin dans deux autres. Malsydrior tendit la main, et on vint lui apporter le vin qui était également offert à Ahmès.

« Alcool de Bretonnie — contrebande. Un cadeau de paix de l’Aragne. C’est lui qui l’amène dans mes entrepôts, c’est moi qui l’écoule. Un duo gagnant. »

Masthel tordit ses lèvres. Des siècles maintenant que cette maudite Aragne échappait au temple de Khaine et exerçait une concurrence déloyale en offrant ses espions et ses voleurs aux nobles de la ville… Le découvrir ainsi pactisant avec la Pègre devait être une bonne douche froide.

« Bien. Maintenant Thallan… Ce que vous m’avez dit sur vous, ça m’intéresse beaucoup.
Parce que voyez-vous, je veux pas faire de mauvais esprit…
Mon intuition me dit que c’est pas chez les Corsaires qu’on apprend à lire sur les lèvres. »


Son sourire déluré regarda Masthel. Le dandy ne dit rien, et se contenta de siroter son verre d’eau.

« Vous êtes ici pour quelque chose. Pas juste pour me présenter vos hommages.
J’ai toujours besoin de gens compétents, surtout si c’est des compétences qu’on trouve pas chez mes hommes.
Alors dites-moi tout : Qu’est-ce que Malsydrior, le Roi de la ville, peut faire pour vous ? Ensuite, je vous dirai ce que vous pouvez faire pour moi. »


Jet de charisme (Bonus : Bagout criminel, +2) : échec de 2
Jet d’intelligence de Malsydrior : Caché

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Re: [Ahmès] La Porte des Esclaves

Message par Ahmès »

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LA PORTE DES ESCLAVES


Les iris dorées de l’Apprenti suivirent religieusement les mouvements de Malsydrior. S’inscrivit alors, sur le film de la rétine de l’observateur, la fresque d’un portrait haut en couleurs : Ahmès vit en cet homme un Roi qui n’en était pas un, mais se considérait comme tel. L’avarice possédait l’animal et s’il eut le toupet de se prétendre présomptueusement presque supérieur à tous, il livra entre les mains sanglantes de l’Assassin en devenir les deux bouts de corde avec lesquels il pourrait soit le menotter, soit l’étrangler.

Mais il ne suffisait pas d’avoir une corde pour devenir maître de quelqu’un. D’un mouvement vif, les orbes fauves d’Ahmès se tournèrent vers ceux de son Maître. Une fraction de seconde durant, les esprits convergèrent vers raison commune. Les ambitieux étaient les grands favoris des Assassins. Le Kraken avait été le premier. Le Prince du Dessous serait le second.

Les yeux du mal retrouvèrent leur cible initiale. Déliant la langue de son mutisme, il revint sur la remarque sujette à interprétation que Malsydrior avait émis quant à ses réelles capacités, à la lumière de quelques doutes qui avaient toute raison d’être. Il n’existait pas meilleure méthode, à cet instant, que d’appuyer sur la possible ignorance du chef de la pègre au sujet des Arches Noire pour continuer de mettre un voile sur les statuts réels du Maître Assassin et de son Apprenti ; sans doute le Prince du Dessous n’avait-il essentiellement connu que Karond Kar.

« Pas chez les Corsaires, non. Je ne peux que vous donner raison. Mais les Arches Noires ne sont pas peuplées que de Corsaires. Il existe d’autres guerriers, bien plus terribles que les Corsaires, et qui occupent parfois des quartiers privilégiés dans les cales des navires. Des Ombres. Des Assassins. Je ne sais si vous avez beaucoup voyagé en dehors de Karond Kar, Roi du Dessous. Mais vous savez sûrement, de réputation, que les Arches Noires sont parfois aussi peuplées et dangereuses que certaines forteresses. On y apprend des choses que l’on n’enseigne pas sur les continents. C’est la raison pour laquelle je peux sans pâlir vous assurer que ma lame ou mes yeux sauront vous rendre service, moyennant un petit coup de main en retour. Un prêté pour un rendu. »

La main d’Ahmès se libéra de son immobilisme. Bientôt ses doigts se délitèrent pour s’accrocher aux parois translucides du verre rempli de la vermeille ambroisie.

Il se leva et hissa son verre au-dessus de sa tête, l’analysa du dessous. Il montra qu’il s’intéressait à son contenu, comme s’il tentait d’y voir les particules d’un poison caché. Sa confiance n’était pas acquise et par cette posture, il montra au Roi du Dessous qu’il n’était pas dupe ; une façon, également, d’essayer d’acheter l’aval de son Maître. En fin analyste, tandis qu’il étudiait la lie de cet alcool carmin de Bretonnie, il présenta ses intentions.

« Je veux que vous réunissiez Lunara Lucari et Skaris Fellheart au même endroit, à la même heure, sans que nul d’entre eux ne sache que l’autre est convié. Nul témoin ne doit assister à la conversation que je veux entretenir, et je souhaite être assuré de n’être dérangé par personne. Je veux mettre une lumière sur certaines zones d’ombres qui obscurcissent mes doutes et mes pensées. Je me doute que le Roi de Karond Kar doit savoir rassembler ses convives, n’est-il pas ? En échange, je suis votre humble serviteur. »

Ses lèvres se dilatèrent. De la bouche d’Ahmès naquît un sourire léger, aussi mesuré qu’il pouvait l’être. Ses yeux, néanmoins, trahirent toute sa malveillance tandis qu’il brandissait son verre comme pour trinquer à un accord.
Ahmès Rahadriel Rohomir | Voie de l'assassin elfe noir
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Re: [Ahmès] La Porte des Esclaves

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Malsydrior ne remarquait à peine qu’Ahmès jouait à l’œnologue. Masthel, en revanche, ne put s’empêcher de faire un très subtil mouvement de la tête très approbateur. Certes, ils n’avaient pas donné de raisons à Dents-Acérées d’empoisonner leurs verres, mais c’était le genre de petit détail sur lequel le Maître avait constamment enseigné à son apprenti de demeurer vigilant.

Le mafieux, lui, se contenta d’agiter bêtement sa tête. D’un geste de la main, il approuva les paroles d’Ahmès. Mais une fois qu’il crachait finalement sa requête, le chef des truands sembla soudain changer d’expression. Il haussa un sourcil, et son sourire suffisant s’estompa pour reprendre une mine grave.

« En voilà une requête étrange, à faire à Malsydrior. Surtout pour deux jeunes aristocrates fraîchement débarqués. D’où connaîtriez-vous les Lucari ? »

Masthel posa son verre.

« Mince. Ce n’est pas dans vos cordes. Tant pis… »

Dents-Acérées claqua des doigts et se mit à rugir en pointant le vieil Elfe du doigt :

« Garde tes fesses assises sur ce putain de fauteuil, dandy. Je t’interdis de te relever. »

Le truand se détacha enfin de sa rambarde, et, bien debout, s’approcha du siège de Thallan. Mains sur les hanches, il profitait de sa taille et de sa corpulence pour impressionner Ahmès avec.
Dans une telle posture, il serait sans doute aisé pour l’assassin de lui ouvrir la cuisse à la pointe d’une dague…

« Malsydrior peut faire beaucoup de choses. Il peut même s’arranger avec des nobles ! Mais si Malsydrior causait la mort de sang-bleus bien-nés, sous ses auspices, alors il finirait assassiné dans la rue.
Je ne peux pas t’accorder toutes tes conditions, Thallan, et tu m’insulterais bien à en exiger autant. Cependant, il se trouve que je connais bien Skaris Fellheart. Je te propose donc un autre accord. »


Il regarda à droite, à gauche. Sembla réfléchir. Puis, avec cyclothymie, il passa de la colère à la joie, car il recommençait à ricaner.

« On fait des parties privées sous le Bréa. Des jeux de cartes. Skaris vient souvent jouer, il est complètement accro. Je peux m’arranger pour qu’il soit à la même table que Lhunara — elle n’a pas la fièvre du Fellheart, mais je serai convainquant. Tu seras invité, je suis sûr qu’un aristocrate comme toi peut poser vingt souverains d’or comme mise de départ…
Je sais que les nobles adorent la discrétion. Et je sais aussi qu’ils aiment se sentir en sécurité. C’est donc ça que je te propose. Une partie avec eux deux. Tu pourras leur raconter tout ce que tu veux, sans aucune oreille indiscrète. Mais tu ne seras pas armé. Tu ne pourras pas toucher à un cheveu de leurs têtes. Si tu leur cherches des noises, tu les suivras dehors après la partie, et tu t’arrangeras avec leurs gardes du corps.
En échange de ce grand service que je te rends, tu me rendras un service dans les semaines à venir — un contrat pour lequel tu seras payé, en plus. Comme je t’ai dit, je cherche des gens compétents pour quelques boulots.
C’est ça mon marché. Et je te proposerai pas mieux. Qu’est-ce que t’en dis ? »
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Re: [Ahmès] La Porte des Esclaves

Message par Ahmès »

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LA PORTE DES ESCLAVES


D’un léger mouvement, il fit monter le récipient contenant l’ambroisie bretonnienne un peu plus en l’air, en guise d’étendard de solennité ; à défaut de pouvoir trinquer avec Malsydrior, il trinqua avec les esprits des vents en se jurant que s’il était trahi, il s’arrangerait pour que Dents-Acérées ne revoit jamais la lumière du jour. Puis, prestement, il replongea vers son assise en abaissant son visage, faisant poindre sur le haut de son faciès obscur les deux orbes dorés qui jetèrent, dans toutes les palettes de leur teinte glaçante, des éclairs de pulsions meurtrières.

« J’en dis que c’est un accord conclu. »

Les jeux n’étaient pour ainsi dire pas son domaine de prédilection ; toutefois, il savait habiller le vide de mots plaisants, et s’il sut qu’il n’aurait guère de chance de l’emporter face à de vrais joueurs, il se conforta néanmoins dans l’idée qu’il en apprendrait certainement plus sur sa cible ; du reste, il n’avait que faire de s’attirer les foudres de Malsydrior. Son objectif immédiat résidait non pas dans l’espoir de tuer la Lucari, mais dans celui d’être adoubé par son Maître. S’il fallait, à ce sujet, mettre les voiles sitôt qu’il aurait hérité de son titre, il saurait embarquer sur la première embarcation vers d’autres cités, plus accueillantes pour ses déloyaux services que pouvait le devenir Karond Kar si par aventure le guet devenait un guêpier.

Malsydrior était-il seulement ce qu’il prétendait être ? Le Roi du Dessus ? Ou n’était-ce que le sobriquet ronflant d’un druchii qui se fabulait ? Sans trahir les doutes qu’il pouvait avoir au sujet de la réelle éminence de ce fils des ténèbres et de la malice, il mesura tout le poids que pouvaient avoir ses mots : il craignait de s’attirer les foudres des sang-bleus bien-nés. Si vrai que le Bréa pouvait les accueillir, il apparaissait qu’il n’était guère un bastion donnant une position de force à ce prétendant qui se croyait Drachau à la place du Drachau.

C’était du pain béni. Ahmès sirota encore quelques instants son cocktail, les yeux rivés sur Malsydrior avec un appétit qui en disait long sur le plaisir qu’il pouvait ressentir à cet instant où tout se mettait en branle. Devant son Maître, il venait de dégoter la promesse de rencontrer sa cible dans un lieu spécial, là où il pourrait construire les rouages d’une future embuscade. Comme une araignée commençant à rassembler de la soie sur ses pattes, il sut à ce moment qu’il s’approchait du but.

Ayant terminé de converser avec son hôte, il se redressa, le salua humblement et décida de mettre le voile. Un regard en coin jeté là où il avait croisé la corsaire, il songea à la retrouver au dehors.
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Re: [Ahmès] La Porte des Esclaves

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

« Serre-moi la patte, alors, Thallan. »

Le mafieux tendit sa main. Mais au moment où Ahmès pensait que le truand allait la serrer, Dents-Acérées referma sa poigne sur la sienne, et tira le mercenaire contre lui. Il colla son épaule contre la sienne, et c’est ainsi, bien intimement, qu’ils scellèrent la proposition.

« Bon, vous avez qu’à venir… Quand ça sera organisé. Voyez ça avec Nutal.
– Ce sera fait.
– Oui, oui.
Maintenant, cassez-vous. »


Il enjamba la cuisse de Masthel, s’effondra sur son canapé, et plaça ses pieds sur la table-basse. Il siffla l’un de ses sbires, et ordonna qu’on aille lui rechercher l’humaine qu’il avait pourtant violemment chassée d’une baffe un peu plus tôt.

Les deux assassins quittèrent la petite alcôve. Le gros Nutal se plaça sur leur passage avant qu’ils ne redescendent, et indiqua qu’une soirée privée aurait lieu au Bréa dans trois jours, aux alentours de neuf heures ; il était en revanche nécessaire de se présenter avec une mise de départ de vingt souverains d’or.

Ça laisserait certainement assez de temps à Ahmès de se préparer, d’aller chercher du matériel, éventuellement aller réclamer un peu plus d’argent à Lokhir Fellheart — il est vrai que le Kraken leur devait toujours leur paye pour leur service en Bretonnie… En tout cas, les deux hommes retraversèrent le Bréa, et décidèrent de retourner dehors sur la grande place.
Une fois à l’extérieur, ils purent voir que la journée commençait à s’achever. Masthel, les mains dans les poches, haussa les épaules.

« Bon, je vais retourner à l’appart’. Je vais voir si Cyssa a bien fait les courses. T’inquiète pas, je ne profiterai pas de l’Asur en ton absence ; juste, si on veut bien manger ce soir, faut que je m’y mette tout de suite. J’en profiterai pour faire connaissance avec elle pendant qu’on épluche les légumes.
Je vais aussi profiter de passer par la rade pour acheter un peu de poisson. Je te fais un gratin ? T’aimes toujours ça le gratin ? »


Quelqu’un siffle. Les deux hommes se retournent. C’est la Corsaire ivre de tout à l’heure. Elle est avachie contre un mur, les bras croisés, juste dans l’entrée d’une petite ruelle insalubre.

« …Ou si tu viens pas bouffer à table, préviens-moi, j’ai horreur de jeter de la nourriture en trop.
À toute. »


Petite tape amicale sur son fils adoptif, et le voilà qui s’éloigne, le manteau virevoltant, loin dans les rues du Placître.

Ahmès s’approche de la Corsaire. La jeune femme au visage barré d’une cicatrice est un peu plus petite que lui, et maigre. Un corps filiforme, mais svelte, qu’on découvre bien sous un Kheitan de cuir qui épouse ses formes. Mais Ahmès remarqua alors un tout petit détail : que ses pupilles sont dilatées, et ses yeux un peu rougis — l’alcool ne doit pas être le seul poison dans son estomac. Elle a l’air nerveuse, tapote machinalement un doigt contre son bras. On aurait dit ces aristocrates camés qui partent au quart de tour lorsque quelque chose les énerve.
Elle disposait d'une jolie lame à son flanc. Un cimeterre au pommeau surmonté d'une tête de harpie en argent. Une extravagance qui ne sied pas à ses vêtements bien modestes — peut-être le cadeau d’un seigneur de Karond Kar pour un service honorable ?

« T’as dit que t’avais de quoi remplir ma bourse ? »

D’ici, ils sont suffisamment éloignés pour discuter sans oreilles indiscrètes. Il y a quelques passants qui vont-et-viennent, mais aucun ne prête attention à eux deux.

« Allez, parle. J’ai des choses à faire. »

Jet d’observation du visage de la Corsaire : 1, réussite critique.
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Re: [Ahmès] La Porte des Esclaves

Message par Ahmès »

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LA PORTE DES ESCLAVES


Il se savait interdit de se répandre en émotions positives ; après tout, il était Assassin en devenir et le sang-froid était de mise quelque soit l’ivresse des promesses tendues en même temps que cette main. Pourtant, il eu un mal fou cette pulsion de plaisir et d’euphorie qui le gagna lorsque, devant son Maître, il triompha d’un accord. Un instant, il se sentît si proche de Malsydrior qu’il envisagea de tirer sa dague et de le sacrifier sur place, devant ses propres sbires, comme pour dire qu’il avait été le plus fort, et qu’il venait de le rouler dans la farine ; mais il était encore trop tôt pour se satisfaire de la mort d’un si précieux spécimen. L’art était dans la patience ; méticuleusement, son piège se mettait en place et il lui tardait de faire retomber le couperet sur toutes les têtes qu’il rêvait de voir voler. Toutes celles de ceux qu’il admirait le plus, d’une certaine manière.

Ils furent vigoureusement sommés de disparaître. Nutal leur donna les modalités : trois jours, et vingt souverains d’or. Il opina du chef non sans adresser un regard glacial au forban, et d’un geste de la main sembla presque le congédier alors que la foulée de son Maître épousait la sienne, comme s’il était le chef ; du moins, c’est ce qu’il voulait croire. En réalité, dans la peau d’un Assassin, il valait mieux être celui qui marche derrière.

Quand il étira ses bras, il était enfin débarrassé de la pesanteur qui régnait dans le Bréa ; dans l’immondice de cette bâtisse, il avait vu les elfes noirs lézarder sur les tables en lorgnant sur des choppes d’alcool humain comme s’ils réprouvaient leur propre nature, et cela lui avait poignardé le cœur. Il détestait voir ceux de son espèce se pilonner l’âme de litres de liqueur ; Karond Kar était vraiment un trou-à-rat, un taudis de débauche et de concupiscence où la noblesse trinquait avec de beaux apparats quand bien mêmes leurs bottes pataugeaient dans la fange. Il y avait là un manque cruel d’idéal, de luxure et de raffinement : il se jura de quitter au plus vite l’immonde cité pour s’enquérir de plus nobles terres, où il servirait le sang des sanctifiés à Khaine dans coupes de cristal.

Son regard fauve se tourna vers Masthel, qui paraissait presque toujours aussi insouciant. Comme s’il refusait de constater l’odiosité de cet endroit. Comme s’il refusait d’admettre qu’ils avaient mis les pieds dans un tourbier et qu’ils n’avaient rien à faire là. Les Arches Noires étaient plus plaisantes que Karond Kar ; mais alors, pourquoi laisser Ahmès prendre son envol dans la fosse des bouseux ? Tandis que l’enseignait se perdait en vagueries culinaires, esquivant le débat, l’Apprenti contempla sa gorge.

Il eut un hoquet. Soudain, qui le prit de court avant de répondre. Cette attitude le dégoûtait. Ce qu’il venait de vivre était odieux, même s’il avait le sentiment d’avoir excellé ; l’orgueil d’un druchii qui refusait d’admettre que sans l’aide de son Maître, il aurait pu y laisser sa peau. Tout cela lui restait en travers la gorge. Pourtant, il continuait de croire en sa supériorité. En sa future supériorité. Un jour, songea-t-il, Khaine le préférerait à son Maître ; alors, il pourrait souiller sa tombe du sang de quelques sacrifiés en bouffant son gratin au poisson, en mémoire à ses carabistouilles.

« Je serais là. Comptez sur moi, Maître. Faîtes que l’asur soit belle ; même s’il est difficile pour cette race d’égaler la superbe des Furies. Dame Trathill doit comprendre que l’on prend soin de son esclave. »

Il eut un sourire en quittant son regard.

« Oh, j’allais oublier. Si vous voulez que je mange, n’empoisonnez pas le plat. Ni celui de l’asur, je vous prie. Elle m’appartient. »


Petite tape amicale sur le dos de son fils adoptif, et il s’éloignait, le manteau virevoltant dans les ténèbres du Placître.

Ahmès se retrouva seul, libéré du contrôle du Maître. Il sut à cet instant qu’il serait potentiellement piégé par ce dernier ; peut-être la mission était-elle trop simple, et allait-elle trop vite. Il se doutait que Masthell n’apprécierait pas de voir une intrigue se développer de façon si linéaire ; alors, pour que le futur assassin soit prêt à vivre un cauchemar permanent, peut-être deviendrait-il son ennemi, par surprise. Une surprise qui, il le savait, pourrait réellement lui coûter la vie. La relation entre les deux Druchiis était particulière ; l’amour y était aussi présent que la mort.

« Purifie-nous et nous purifierons les impurs à notre tour. »

Ses orbes dorés changèrent alors de direction et jetèrent des éclairs vers la corsaire filiforme qui l’approchait. Il l’observa avec une attention toute particulière, ses lèvres se décollant l’une de l’autre pour que sa langue passe subtilement. Sa vision périphérique lui indiqua que personne n’était dans leur champs de vision ; que nul ne saurait ouïr ce qu’il avait à lui dire. La chance lui était donnée de préparer une chose dont son Maître n’aurait nulle connaissance ; un coup monté contre lui, une arnaque, une trahison. La belle représentait tout ce qu’elle pouvait promettre avec une cimeterre et des yeux dilatés à cause de l’alcool et des drogues : une coquille manipulable à souhait, capable de faire mal pour deux sous. La miséreuse faisait peine à voir ; dans l’esprit d’Ahmès, elle était à l’effigie de toute la cité. Une tourbe malsaine, perdue et sans repère.

Il leva une main tendre vers elle, et caressa son visage le long de la cicatrice qui était la sienne. Il avait autant de chagrin que d’amour pour la malheureuse, et dans ses yeux s’imprimèrent presque des marques de compassion. L’atmosphère autour d’elle prit une teinte relativement irréelle, comme si tout à coup il n’existait plus qu’eux dans ce monde : comme si leurs âmes s’enlaçaient dans un ballet spirituel. Mais lorsqu’il ôta sa main de son visage, la chose cessa. Les elfes noirs se méfiaient les uns des autres ; ils étaient tous des félons les uns pour les autres.

Ahmès songea à tout ce qu’il pourrait construire avec elle : en la camant nuit et jour, elle deviendrait servile et il serait aisé d’en abuser à gré. Facile de la féconder puis d’enfanter de petits avortons qu’il jetterait dans le Chaudron de Sang ; qui finiraient par périr si Khaine voulait s’abreuver de leur âme, ou qui finiraient par s’élever au rang d’Assassins comme lui. Mais il avait choisi un Ordre qui n’autorisait pas vraiment à devenir Patriarche. Pour emprunter la voie du foyer, il fallait encore qu’il quitte celle du meurtre. Lentement, il délia ses lèvres pour lui parler, s’interrogeant sur sa faculté à raisonner : la belle était ivre morte.

« Il ne me plaît pas que les talents comme ceux qui doivent être les tiens fassent naufrage dans le Bréa. Je sais ce qu’il faut regarder chez une personne ; je sais que l’apparat n’est qu’un moyen, parfois, de camoufler la médiocrité. Je sais aussi comment distinguer, à contrario, la valeur des gens de notre espèce. Il suffit de regarder ce que les braves portent à leur ceinture. »

Il pointa du doigt l’évidence, sous l’égide d’un splendide cimeterre qui pendait au flanc de la Druchii.

« Suis-moi. J’ai quelqu’un à te présenter, et qui pourra faire bon usage de tes talents. Tu peux oublier tout ce que tu as prévu : il se pourrait que ta vie change drastiquement. Le Dieu aux Milles Visages t’aidera à trouver la voie et te donnera ce que tu mérites. »

Il la séduisait, littéralement. Il fit les premiers pas pour l’emmener vers d’autres endroits, plus secrets, loin de la plèbe qui fourmillait en ces lieux.
Objectif : Ahmès tente de convaincre la corsaire de le suivre. C'est une manigance, et cette initiative est animée des plus mauvaises intentions. Si elle accepte, il la guidera aussitôt vers un lieu plus discret pour profiter du fait qu'elle soit ivre et droguée afin de l'assommer ou, du moins, cherchera à l'incapaciter suffisamment qu'elle ne lui pose plus de problème.
Il ne tentera pas de la tuer, pour l'heure.
Oui, Ahmès est une saloperie.
Ahmès Rahadriel Rohomir | Voie de l'assassin elfe noir
Profil : For 8 | End 10 | Hab 10 | Cha 10 | Int 8 | Ini 10 | Att 10 | Par 10 | Tir 10 | Foi | Mag | NA 1 | PV 16/55
Fiche personnage : Lien

États Temporaires
* Exsangue : Après avoir perdu beaucoup trop de sang, tu es anémié. Tous les efforts physiques se font avec un malus de -1.

Compétences
  • Combat
    • Ambidextrie (A)
    • Acrobatie de combat (A)
    • Esquive (A)
    • Parade (A)
    • Tir à déclenchement rapide (B)
  • Perception
    • Acuité visuelle (B)
    • Lecture sur les lèvres (E)
    • Vision nocturne (E)
    • Sixième sens (B)
  • Adresse
    • Déplacement silencieux (B)
    • Mort silencieuse (B)
    • Escalade (B)
    • Camouflage (B)
    • Vol à la tire (B)
  • Physique
    • Résistance accrue (B, Spécialisation : Poison)
  • Connaissances
    • Préparation de poisons (E)
    • Piégeage (A)


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