Une fois n’est pas coutume, le ciel nocturne était clair et les étoiles brillaient de mille feux au-dessus de l’Echine Noire. Du fait de l’altitude, l’air était froid, et l’elfe commençait à sentir poindre l’engourdissement dans ses muscles au bout d’une heure d’attente. C’est alors que deux individus surgirent des ombres environnantes, s’arrêtant à distance respectable d’un Palaën aux abois.
Le premier était un elfe de son âge, probablement encore en cours de formation, ou tout récemment intronisé Autarii. Il portait des vêtements sombres assez atypiques, qui ne couvraient ni son torse ni ses bras, offrant au regard le dessin de ses muscles finement ciselés, et lui donnant d’emblée l’allure d’un elfe vaniteux et imbu de lui-même. Il ne portait pas non plus de capuche, arborant une fière chevelure noire soigneusement entretenue. Pour finir, Palaën remarqua que ce premier individu ne portait pas l’arbalète à répétition, pourtant emblématique des Autarii, mais un arc et des flèches à empennage noir. L’elfe respirait la confiance en soi lorsqu’il s’adressa à lui d’un ton condescendant :
« Eh bien, si ce n’est pas le petit nouveau qu’on nous a annoncé… Je déteste devoir traîner des débutants avec moi, il ne va faire que nous ralentir. » |
Le deuxième arrivant s’était placé un peu en retrait, et les observait depuis un rocher, en position accroupie. Palaën ne put manquer d’être surpris par son apparence, car si le premier elfe était un peu étrange pour un Autarii, celui-ci était carrément inquiétant, et le complet opposé du premier. Vêtu d’une tunique sombre sous un kheitan, un plastron renforcé en cuir, il correspondait davantage à l’image traditionnelle de l’Autarii, armé de la fameuse arbalète à répétition, une épée à sa ceinture. Toutefois, l’individu lui-même dénotait sérieusement avec le tableau : il n’était pas « normal ». Toute sa peau semblait avoir été peinte en noir, et son crâne était rasé de chaque côté du crâne, au-dessus de ses oreilles percées d’anneaux divers. Le peu de chevelure qu’il lui restait, au sommet du crâne, était coiffée vers l’avant, de manière si improbable qu’il valait mieux ne pas chercher à savoir avec quelle substance il les faisait tenir ainsi. Mais le plus perturbant restait son visage, recouvert d’un masque de peinture blanche traversé d’une balafre rouge sur l’œil gauche. Les iris rouges du peinturluré se fixèrent sur Palaën, mais il ne pipa mot, un rictus indéchiffrable se formant sur ses lèvres, dévoilant des dents taillées en pointe.
« … » |
Visiblement agacé que l’attention de Palaën se concentre sur autrui, le premier individu reprit la parole, et sa frustration était tangible dans sa voix tant il transpirait l’animosité.
« Pourquoi ne retires-tu pas ton capuchon en notre présence, la bleusaille ? Il nous tarde de contempler ton joli minois. Allons, je m’en vais découvrir moi-même à quoi ressemble le boulet que nous allons nous coltiner. » |