«Ne me sous-estimez jamais Alak, je sais ce que je fais et je fais avec ce qu'on me donne. C'est comme ça depuis la nuit des temps. Nous allons au devant d'un danger bien plus grand que ce que vous imaginez. Avec ces élites nos chances de vaincre l'ennemie sont plus grandes. Si on vous avait écoutez nous serions arrivé las bas avec de misérables lanciers face à des archers qui repèrent la faille d'une armure à cent mètres. Pourquoi croyez vous que le scribe est tombé malade à l'improviste, il nous fallait un prétexte pour faire une halte dans ce port où j'ai des sources. Les corsaires ne s'arrêtent pas pour rien. Voyez, mener une bataille n'est pas si simple Alak...»
Celle-là était bonne.
Sabre-Sanglant avait effectivement fait appel à Eldir pour chapeauter la mission. Mais Alak n’était pas un soldat, du moins, pas le sien. Il travaillait à son compte maintenant. Et le considérer comme tel était une grave erreur : il était rancunier, fier et avait la mémoire solide. Eldir n’avait pas la moindre idée de ce qu'il imaginait. Il n’avait rien proposé encore et il n’avait donc aucun regret à avoir sur les conséquences de ses décisions. Pire encore ; les misérables lanciers étaient ceux que Sabre-Sanglant avait pu fournir à Eldir. Si on l’avait écouté justement : il y avait Aewen. Si on l’avait écouté, il y aurait au si pas plus de lanciers, d’autres formations combattantes. Si l’on avait écouté, les soldats faibles, malades ou simplement sensibles sur le pont d’un bateau aurait été immédiatement écart(el)és. Cet Eldir lui semblait hautement puissant du haut de sa petitesse ridicule. Un chef de guerre parlait aussi bien mais ne commettait pas les mêmes erreurs. Les failles des lanciers étaient évidentes. Le tout était maintenant de pouvoir en profiter. Des archers ne pourraient rien ou presque tant que les boucliers des lanciers étaient maintenus. D’ailleurs, des lanciers, cette formation n’était efficace qu’en terrain dégagé. Et selon toute vraisemblance, les ombres les attendraient ailleurs pour tirer tout le parti de leur discrétion et leurs arcs. Chacun sait qu’une lance dans une forêt dense ne sert pas plus qu’une formation serrée. Les lanciers seraient tirés comme des faisans coincés dans un tuyau à l’issue duquel un tromblon attendait son heure. Le dynaste avait même évoqué la jungle.
Eldir avait parlé de bataille. Là, c’était le summum. Les ombres. Rien qu’à leurs noms, on pouvait comprendre que l’ostentatoire, l’ouverture et la clarté n’était pas leur élément. Au contraire, ils agiraient plus que probablement dans l’ombre, dans des terrains chargés pour profiter de leur discrétion et de leur furtivité. Ce ne serait donc clairement pas une bataille rangée classique mais au contraire, un système de guérilla, de tirailleurs et de harcèlement. A moins de choisir le moment ou le lieu, une bataille en terrain découvert était impossible. Et puisque les ombres étaient là-bas comme chez elles, ils faudrait les chercher ou les attirer hors de chez elles. A défaut d’avoir un moyen de les extirper, Alak concevait parfaitement la chasse à celles-ci.
Soit Eldir lui réservait une belle surprise et il en doutait. Soit Alak lui réserverait une belle surprise et il n’en douterait pas. Dans tous les cas, Alak retint ses mots et grava en sa mémoire le nom, le visage, le ton et les phrases utilisées.
Alak n’y trouva fort peu à y redire. Seulement un
Je fais également avec ce qu’on me donne. Et la seule chose que j’ai pu emporter était ma personne. Je n’ai pas eu le loisir de recevoir des soldats comme vous. Vos lanciers qui ne vaudront peut-être pas grand-chose contre des tireurs si vous n’adoptez pas une tactique adéquate où s’ils se mettent à nouveau à vomir sur le terrain d’opérations. Ensuite, puisque cette frêle esquive est dédiée en partie du moins à notre mission, pour sûr qu’un habile mot aurait pu faire comprendre raison au Capitaine et probablement que nous aurions pu faire halte afin de maximiser nos chances de réussites. Seulement, il faudrait d’habiles mots. Peut-être même que d’habiles mots pourraient même étoffer nos rangs de corsaires. Ce sont de bons marins mais également de bons combattants. Et si l’équilibre des forces est tel que je le crois, le moindre coup de main de valeur pourrait faire pencher drôlement la balance en notre faveur.
Si je suis sous vos ordres, n’oubliez pas une chose : je ne suis pas votre soldat. Et puisque vous êtes notre meneur bien malgré moi, faites vos preuves et j’astiquerai bien mes armes. Ne le faites pas et je l’astiquerai avec plus de plaisir. Et si vos croyez que ma mort pourrait vous aider dans votre mission, je ne pense pas que Sabre-Sanglant ne m’aurait pas appelé personnellement et je ne pense pas que cela améliore nos chances de succès.
Être tacticien est une chose, être un meneur en est une autre et être un stratège encore une. Mais si vous manquez de clairvoyance, vous serez seul ou vous serez parmi les premiers tombés. Quant à mes cauchemars, vous n’y étiez pas, pas plus que les ombres ni quiconque sur ce navire. Seul Khaine, notre Roi-Sorcier et ses proches associés m’inspirent la crainte, la fierté et l’honneur. Si vous voulez gagner au moins le respect, se montrer respectable et à la hauteur des attentes est la première étape. Vous voulez faire des exemples ? Commencez par en être un. Mais jouer avec moi les meneurs avec des jolis mots, « preuves envers Khaine », « sang », « prétention », « meneur », « cauchemar », … ça marche avec les ignorants et les faibles d’esprit. Faire ses preuves envers Khaine ne vous sauvera pas plus que ma noblesse, ne l’oubliez pas. Vous croyez m’appendre mon travil ? Je suis là pour tuer des ombres, pas jouer les gardes de sécurité. Mettez-moi à la mauvaise place, je ferai un piètre travail. Donnez-moi l’occasion de briller et je brillerai pour Khaine. A vous de vous montrer fin gérant ou piètre meneur.
Aussi, ne me prenez pas pour l’un de vos vulgaires soldats car je n’en suis pas un. Je vous suis car ce sont les ordres. J’ai le moindre doute quant à vos capacités à accomplir la mission et vous me verrez obligé de prendre la relève comme je viens de le faire. Je suis là dans un seul but et certainement pas dans celui de vous écouter brailler comme un vétéran à qui on ne l’a fait plus car il a réussi à donner à Khaine le sang de vieilles dames ou d’enfants esseulés voire de solides ennemis à qui il manquait les flèches ou le souffle.
Ces lanciers sont sous mon commandement et je suis sous vos ordres. Tels étaient les mots de Sabre-Sanglant, votre dynaste et votre commanditaire également.
Ne me sous-estimez pas non plus car vous ne me connaissez pas. Auquel cas, vous ne m’auriez pas mis à la sécurité pour profiter de mes compétences à préparer certains aspects des combats à venir. Maintenant, je vous suis, vous écoute et vous obéirai. Je n’oublierai pas vos mots et ayez la présence d’esprit d’en faire de même avec les miens.
Il avait donc bel et bien gardé le bateau comme un abruti de service. Alak avait même maudit le nom d'Eldir un bon millier de fois et cela ne suffirait probablement pas. Mais il avait tout dit. Enfin presque car bons nombres de mots lui restaient en travers la gorge tout comme bon nombres coups d'estoc lui restaient dans le fourreau. Toutefois, ce fut plus la curiosité de voir un nouvel arrivant arriver. Il était plus étrange que les autres. Il avait un "je ne sais quoi" qu'on pouvait parfois appeler "malice" dans les yeux ou l'attitude. Une fragilité qui dissimulaient les armes plus sournoises et plus secrètes. En tant que bon Druchii et initié dans les arts de l'intrigue de par un terreau familial fertile à bons nombres de manigances, Alak avait appris très vite que la méfiance envers chacun et une confiance absolue qu'envers certains étaient les armes parfaite pour une longévité maximale. Malékith, leur Roi-Sorcier, en était l'exemple le plus évident. Puisque l'Eldir avait rejoint ses quartiers au pont inférieur, plus proche des rats, le Kulharath décida de rejoindre l'énergumène parmi ces rustres.
Temps idéal pour mourir. De rire ou de dire. Vous ne trouvez pas ?
J'ai cru comprendre que quelques matelots vous avaient fait une "blague". Ils ont un sens de l'humour assez basique mais bon, comprenez-les: ils n'ont pas eu les meilleures modèles de la fine fleur Naggarythe. Si demain on ne s'est pas entretués, on pourra même partir faire la pêche aux moules avec les autres lanciers.