Eva inclina la tête et joint ses mains contre elle en signe de soumission. “Madame a-t-elle bien dormi ?”
"Une très bonne nuit, un réveil plus agréable encore et ma foi, il ne tient qu’à toi de rendre cette matinée mémorable."
L’elfe esquissa ce qu’un observateur aguerri aurait pu prendre pour un fin sourire, mais rien n’était moins sûr avec une Druchii.
Eva sourit à son tour. “Que désirez-vous ? Monseigneur Nahtrelor m’a demandé de subvenir à tous vos besoins.”
Lelith désigna de sa main les draps de soie dans lesquels elle était allongée, nue. Elle les ouvrit, invitant l’humaine à la rejoindre.
Elle vint la rejoindre docilement, un peu nerveuse. Pour sûr, ce n'étaient pas les filles expertes de la Lune d’Atharti. “Vous n’avez pas faim ? Mon maître les a fait préparer pour vous… ”
"Si, évidemment… " L’elfe se glissa doucement sur l’humaine, la frôlant de sa peau tandis qu’elle s’étirait pour atteindre le plateau de nourriture. Elle fourra l’un des biscuits exotiques dans sa bouche, savourant la délicieuse explosion sucrée et épicée.
Eva sourit avant de se blottir contre l’elfe. “Vous êtes gentille avec moi maitresse. Je ne le mérite pas.”
"Peut-être… j’ai toutefois apprécié ton service l’autre jour. Tu me rappelles ma Bretonnienne."
“Et pourtant. Je viens de Marienburg. Votre Bretonnienne n’est pas auprès de vous ?”
"Elle est avec ma sœur. Où, je ne sais pas."
La Druchii prit l’une des infusions qu’elle porta à ses lèvres, les réchauffant grâce au breuvage ambré qu’elle avala. Elle vint ensuite poser ses lèvres contre la nuque de l’humaine, humant sa peau légèrement parfumée, susurrant à ses oreilles.
"Et que savent faire les femmes de Marienburg ?"
Ses longs cheveux noirs tombaient en cascade, enfermant dans une cage soyeuse le visage des deux femmes.
“Ce que leurs maitres attendent d’elles et même plus encore.” Elle laissa glisser ses mains le long du corps sensuel de la Druchii. Un en-cas bien plus appréciable que les pâtisseries.
"Montre-moi … "
Les humains avaient pour eux qu’ils offraient une surprenante sincérité dans leurs paroles, leurs actes et leurs gestes. Une fois écrasé l’instinct de rébellion, les plus serviles comme la jeune femme avait tout pour plaire. De leurs hésitations aux actions les plus osées. La noble en eut pour son compte. Le mieux étant qu’elle ne devait rien. Et le temps fila, fila comme la vie d'un humain, si éphémère mais tellement riche en passion pour compenser les années.
Le jour, du peu qu’il était visible sur les terres glacées de Naggaroth tombait déjà. Lelith, assise confortablement, vêtu d’un simple peignoir de soie douce et écarlate, fixait d’un regard doux, le plus doux qu’une elfe noire était capable, la jeune humaine tandis que cette dernière s’occupait des soins pédicures de sa maîtresse. Onguents, huiles, vernis. Eva s’afférait, dans son plus simple appareil, au milieu de la salle de bain encore prise des vapeurs parfumées des bains.
"Je dois avouer que c’est en effet un cran au-dessus de ma Bretonnienne."
“Content de vous satisfaire. Je suis ici pour cela. Servir les Elfes.”
"Tu as d’autres talents ?" Elle esquissa un sourire.
"J’ai été formé à énormément de choses, Dame Dar’Khan. La poésie. La conversation. La broderie, la cuisine."
"Le combat ?"
"Pas vraiment. J’étais domestique de foyer.”
"Je vois… J'aimerais te mettre à mon service, j’en parlais à Nahtrelor. D’ailleurs où est-il ?"
"Avant de partir, il m’a dit qu’il devait régler quelques affaires en lien avec votre nouveau navire. Et d’un témoin gênant. Mais… Je ne suis pas sûr qu’il voudra que je parte avec vous.”
"Oh je pourrais sans doute arranger cela."
“Réellement.” Elle hésita, il était dur de dire non à un maitre. Une Druchii un peu plus mal lunée l’aurait déjà fait écorcher vive. “Il tient à moi depuis des années.”
"Ça ne fait rien … A-t-il prévu de revenir ici ce soir ?"
Par un de ces retournements comme seul Loec avait le secret, on toqua à la porte et l’une des esclaves alla ouvrir. L’Hôte des lieux vint à pas mesurés jusqu’à la salle des bains.
“Dame Lelith. Toutes mes salutations.” Il tourna la tête vers la servante. “Eva.” Elle s’inclina par automatisme.
"Bonsoir Nahtrelor, la journée vous fût favorable ?"
L’elfe n’éprouvait pas la moindre gêne à être surprise ainsi, si peu vêtue aux mains de la petite humaine.
“Les affaires, comme toujours. Mais l’enregistrement d’un nouveau Reaver me confirme comme armateur. Et Melkiel est toujours ravi d’avoir une nouvelle distraction pour son Hydre.” Il ricana tandis que deux esclaves vinrent lui retirer sa veste. “Et pour toi Lelith ? La convalescence de ta blessure n’est pas trop dure à vivre ?” Un petit sourire s’esquissa.
"Je ne la sens déjà plus. Eva en a pris bien soin. Ainsi, ce petit désagrément est derrière nous. Parfait."
“Encore une chose rondement menée à ce que je vois. Mais prends garde. Tu vas finir par y prendre gout à cette charmante jeune femme.”
"Je crois que c’est déjà trop tard pour cela. J’ai pris goût à sa douce compagnie. Au point que je souhaiterais vous la demander." Elle adressa un sourire charmeur à Nahtrelor.
“Et en quel honneur je vous prie ?” Il haussa un sourcil intrigué avant d’enfiler un peignoir et de rejoindre l’elfe et l’humaine.
"Et bien, Günter, malgré toutes ses qualités évidentes, n’est aucunement capable d’apporter cette touche de féminité et d’attention. Il serait dommage de paraître négligée."
“Certes. Mais on peut dire que j’accorde une certaine valeur sentimentale à cette douce enfant.” Il vint effleurer la joue de son esclave avec une tendresse dont il n’avait fait preuve qu’à la Druchii jusqu'alors. “Tout homme a des faiblesses. Même les elfes.” Et d’ajouter. “J’ai cru comprendre que pour toi, c’était la famille.” Les cartes arrivaient sur la carte. Il n’avait pas un ton méchant ni même inquisiteur. Il demandait. Avec ces yeux dorés. Les mêmes que son cousin. Sur le sable de l’Arène.
"Oui, ma sœur et ma mère ont disparu, avec deux de nos esclaves. Mais, vous le saviez déjà."
“Et les hommes du très peu regretté Vanthief ont un lien à voir avec ça, même ténu je suppose.”
"Vous êtes très perspicace."
Lelith réfléchit un instant. Nathrelor lui avait raconté son histoire, du moins une partie. Si elle voulait que cette alliance, arrangement, appelé le comme vous désirez fonctionne, elle devait lui en dire aussi. Du moins une partie. La Druchii lui expliqua alors le conflit qui l’opposait à Lunenoire, résumant le tout en omettant quelques détails, comme celui où elle se débarrassait elle-même de son père. Elle se contenta de lui narrer le fait que Khael l’avait trompé, volé sa fortune et la chassait désormais, de même que sa mère et sa sœur, seule survivante avec elle. Survivantes et potentielles menaces.
Il l’écouta avec une attention accrue. Oublié le temps de ses paroles le jeune elfe espiègle qui paradait le long du comptoir. C’était le marchand, l’agent de change de deux grandes familles de la ville qui était là. “Je vois. Une noble déchue et fugitive. Trahie par un amant.”
Nahtrelor s’approcha et se laissa choir à ses côtés. “Marienburg se serait embrasé pour voir ça joué sur les scènes des théâtres de rues.”
Son prochain geste fut une étreinte. Un bien curieux geste. Bien trop sincère. Ou bien trop calculé. “La Famille hein. Toujours et encore notre faiblesse.”
"Ça dépend de quel membre… Enfin voilà… C’est aussi pour cela que je souhaite qu’Eva m’accompagne. La compagnie de Günter n’est pas des plus amusante. Et la savoir prêt de moi m’apporterait un peu de réconfort."
“Puis je te faire une nouvelle confidence ?” Devant son approbation, il poursuivit. “Quand j’ai quitté Marienburg. Ou plutôt lorsque l’en on m’a chassé, je n’ai pas pu prendre grand-chose de mon ancienne vie. Un peu d’or, quelques marins fidèles, mes souvenirs et mes rancœurs. Mais aussi…. ” Il désigna Eva avec tendresse. “Un dernier lien avec l’Asur que j’étais. Alors si tu la désires tant… ” L’elfe songea. “Jure-moi de la chérir et d’en prendre soin.”
"Je suis curieuse de savoir. Eva ? … Que penses-tu ?"
Prise au dépourvu, l’esclave qui semblait décidée à se faire la plus petite possible ouvrit de grands yeux. “Et bien… Si maitre Nathrelor vous n’y voyez pas d’inconvénient…” Elle vint passer une main dans ses cheveux. “Après toutes ces années… Et bien soit.”
"Et, à moins qu’il ne comptait se débarrasser de moi, je n’avais pas pour projet de quitter ses côtés pour l’instant."
“Je me suis presque attaché à toi tu sais.” Il sourit. “Mais sache Lelith. Ce ne sera ni gratuit, ni facile, ni rapide. Mais si tu le désires tu peux me le demander.”
"Trouver ma famille ou t’attaquer à l’une des Grandes Maisonnée de Har Ganeth ?"
“La première. La première. Les Grandes Maisonnées jouent à leurs propres jeux. Nous sommes tous dedans mais pour l’instant. Nos forces sont restreintes. Mais j’ai des contacts qui pourront glaner des renseignements. Voir si les Dieux le veulent, les mettre à l’abri.”
Lelith posa son regard droit dans celui de Nahtrelor, le fixant un long moment.
"Il n’est pas vraiment dans les habitudes des gens d’ici d’aider son prochain ainsi. Pourquoi ferais-tu une telle chose ?"
“Ce n’est pas tant de l’aide qu’un échange de bons procédés. Tu as et auras encore ton utilité pour mes affaires. Surtout une fois sur l’Arche.”
Il s'étira avant de poser son regard sur les deux femmes. "Car après tout, nos ennemis sont proches. Bien plus proches que ce que l'on peut l'imaginer."