Le calme de la pièce tranchait avec le déferlement de violence qui s’était emparé du reste du navire et que je venais de traverser non sans récolter au passage une vilaine blessure. Je cherchais à reprendre mon souffle, portant une main sur ma hanche et sentis le sang chaud qui coulait le long de mon ventre. J’avais également le goût métallique du sang dans ma bouche et j’eus un haut-le-cœur en pensant à l’homme dont je venais d’arracher la gorge avec mes dents. Je crachais au sol dans une tentative vaine d’effacer ce goût si désagréable et avec l’impression de sentir encore des morceaux de chair et de poils de barbe entre mes dents.
Au loin, les échos du combat me parvenaient comme étouffés et distants, pourtant, je savais que d’ici peu, il me faudrait y replonger. Humide d’eau de mer, de sueur et de sang, j’avançais à taton dans l’espace obscur, buttant contre des objets et me cognant à plusieurs reprises tandis que mon œil s’accommodait peu à peu au manque de lumière.
« Qharis de malheur, j'en emporterai au moins un avec moi... dans l'abîme de Sotek. »
Je me figeais sur place en entendant ces mots prononcés dans ma langue natale. Un frisson d’excitation me traversa l’échine alors que d’une voix basse, dans laquelle perçait une certaine tension, je répondais
« tu va pouvoir libérer ta colère ma sœur ». Un petit bruit métallique me parvint depuis les ténèbres et je devinais qu’elle avait dû se fabriquer un surin de fortune pour ne pas se laisser tuer sans combattre.
« Qui es-tu ma sœur ? »
Les contours de la pièce devenaient plus clairs à mesure que ma vue s'habituait à l’obscurité et que je m’approchais. Au fond, je distinguais une sorte de petit cachot de fortune qui était divisé en deux par une grille. Une paille humide jonchait les planches rugueuses du sol. La salle était nue à l’exception d’un grabat et d’une couverture et il y flottait une odeur rance de bois humide, de pourriture et d’urine.
La prisonnière était assise sur sa couche, adossée au mur, les poignets sur ses genoux relevés. Elle n’était vêtue que d’une robe de toile grossière, sale et en partie déchirée. Des plaies et des bleus couvraient ses avant-bras, ses chevilles et ses pieds sales. Longs et crasseux, ses cheveux bruns tombaient devant son visage, pourtant, je devinais deux yeux braqués sur moi dans lesquels brillait une lueur d’espoir et de férocité. Elle avait la peau légèrement plus bronzée que la mienne malgré sa longue captivité et je lui donnais quelques années de plus que moi, mais ne la reconnut pas.
« Une ancienne captive de ces chiens. Je viens t’aider à te défaire de tes liens » lui dis-je en m’approchant à pas vif. Arrivant à sa hauteur, je m’agenouillais et lui pris le menton entre le pouce et l’index pour, délicatement, lui faire redresser la tête. Les cheveux s’écartèrent, révélant un visage émacié au regard dur et aux traits tirés. C’était le visage d’une femme encore jeune, mais qui avait traversé plus d’épreuves que l’on ne peut en supporter. Des traces de coups couvraient ses joues creuses, une entaille lui barrait le sourcil gauche et ses lèvres étaient sèches. Comme je lui attrapais la main pour la réconforter, je vis les menottes enserrant son poignet. Celles-ci étaient reliées à une chaîne qui était elle-même fixée à un lourd anneau en fer dans la coque.
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« Par Kalith, Sotek et tous les autres... » dit-elle en toussant
« es-tu bien réelle ou est-ce une apparition ? » demanda-t-elle d’une voix tremblante.
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« Je suis tout ce qu’il y a de plus réel, je vais te faire sortir de là. » lui répondis-je tout en me relevant pour fouiller du regard la pièce sombre, cherchant un objet dur dont je pourrai me servir pour faire pression contre la chaîne.
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« Où sommes-nous ma sœur ? » reprit-elle alors que je me baissais, ignorant l’élancement de douleur en provenance de ma hanche, pour ramasser un vieux morceau de ferraille à moitié tordu.
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« C’est une trop longue histoire et le temps nous manque » dis-je en revenant vers elle. Bien décidée, j’insérais le morceau de métal dans l’un des maillons de la chaîne, proche de sa prise dans le sol, puis, poussant de toutes mes forces, j’essayais de le faire sauter pour l’arracher du bois. Je luttais quelques longues secondes dans un silence pesant quand, dans un bruit sec, il se déroba et vint me percuter la jambe, me tirant un hoquet de douleur suivi d’une bordée de jurons.
Mécontente, je le remis à sa place dans le maillon qui commençait déjà à être un peu tordu, mais un bruit en provenance de la porte par laquelle j’étais entrée attira mon attention. Lâchant le morceau de fer, je me retournais d’un geste en me redressant et portais une main dans mon dos pour saisir la poignée de l’un de mes deux sabres. Je me retrouvais face à face avec un jeune homme à peine plus âgé que moi de ce que je pouvais en juger. Quelques mètres nous séparaient l’un de l’autre mais nous étions assez proches pour pouvoir nous discerner distinctement. Il se tenait immobile, les yeux fixés sur moi avec un masque de terreur sur le visage. Dans sa main droite, il tenait fébrilement une hachette d’abordage dont il n’avait pas dû se servir bien souvent. Il fit un pas un arrière en même temps que j’en faisais un dans sa direction. Il semblait tétanisé par la peur et cela m’amusa. Il fallait le comprendre, il se trouvait au fond d’une cale sombre nez à nez avec une femme dans le visage, traversé par une balafre, était peint de noir, avec un œil mort et laiteux qui ressortait largement de ce maquillage et la bouche ainsi que le menton couvert de sang qui coulait le long de sa gorge. Mes étranges tatouages, mon accoutrement et mes cicatrices devaient sans aucun doute compléter cette vision effrayante et j’en fus satisfaite. Blanc comme un linge, il trouva néanmoins le courage de lever son arme dans une tentative vaine d’être menaçant. Je lui souris, un sourire carnassier révélant mes dents couvertes du sang de l’un de ses camarades et le peu de courage qu’il avait réussi à rassembler sembla disparaître. Il tourna les talons et partit en courant sans demander son reste.
Je retournais en hâte auprès de ma sœur car dorénavant, je savais qu’il ne me restait que très peu de temps avant de voir de potentiels renforts arriver. Comme je m’emparais à nouveau du morceau de fer pour pousser dessus, elle me dit :
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« Ecoute ma sœur... Si je ne revois pas le ciel bleu ou la cime des arbres... Il.. Il y en a une autre. Dehors. »
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« Dehors ? » demandais-je dans un grognement d’effort.
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« Ils ont parlé... Ces chiens ont parlé d'une autre de nos sœurs. Là-haut... »
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« Je n’ai pas fait toute cette route pour te laisser ici »
Avec un craquement sonore, la chaîne céda enfin sous la pression et la prisonnière put se libérer de ses fers avec mon aide.
Je l’attrapais par l’aisselle et l’aidais à se relever avec autant de délicatesse que le permettait l’urgence de la situation, puis, passant l’un de ses bras par-dessus mes épaules, je me dirigeais vers la sortie. La pauvre semblait souffrir et avançait péniblement, traînant en plus la lourde chaîne toujours accrochée aux fers enserrant ses poignets blessés. Avec une lenteur exaspérante, je remontais au pont intermédiaire, là où j’avais affronté quelques matelots du Sangre Azul lors de ma descente à la cale, mais l’endroit semblait maintenant désert à l’exception des différents corps jonchant le sol. Pendant que nous passions à côté de la dépouille d’un solide gaillard dont le visage était maintenant défiguré par une énorme plaie, ma sœur ralentit le pas et, tournant son visage vers le mort, cracha sur son cadavre avec une moue de dégoût. Elle tourna ensuite la tête vers moi et nos regards se croisèrent. Dans un échange muet, je compris ce que cet homme avait dû lui faire vivre durant sa captivité et je n’imaginais que trop bien la haine qu’elle pouvait avoir contre lui, ayant subi moi aussi de terribles exactions lors de mon voyage entre la Lustrie et le vieux monde.
Nous continuâmes notre progression vers le pont principal d’où le bruit des combats semblait avoir perdu en intensité, bien que quelques cris et coups de feu résonnaient encore par intermittence. Alors que nous arrivions en vue d'un nouvel escalier qui devait nous permettre de retourner à l’air libre, je crus percevoir des bruits de pas précipités en provenance des marches supérieures venant dans notre direction. Je fis rapidement le constat qu’il n’y avait aucune échappatoire et nul endroit où se dissimuler. Lâchant ma sœur qui s’appuya contre la paroie en bois pour rester debout, je m’avançais de quelques pas devant elle et dégainais mes deux sabres, puis je me campais fermement au milieu du couloir afin d’attendre les nouveaux venus, qu’ils soient amis ou ennemis.
Ils apparurent au bout de quelques secondes. Deux gaillards à la mine patibulaire et derrière eux, le jeune homme blond aperçu quelques instants plus tôt. Trois contre un, le combat semblait complexe, surtout avec ma blessure à la hanche, mais l’étroitesse du couloir ne leur permettait pas de m’affronter tous en même temps, ce qui était un avantage. Sans poser de question, les deux hommes s’avancèrent vers moi, l’air bien décidé à m’écarter de leur chemin. Le premier était armé d’un sabre à lame recourbée et sa chemise était tachée d’un sang qui ne semblait pas être le sien. Du sang coulait de son nez qui était tordu dans un angle désagréable, ce qui ne semblait pas le gêner, mais au contraire décupler sa rage. Derrière lui, un colosse à la peau noire s’avançait, pied et torse nus, il ne portait qu’un pantalon de toile et un bandana sur la tête. Armé de la même hachette d’abordage que son compagnon blond, il semblait plus à même de s’en servir efficacement que ce dernier. Sa musculature était bien développée, la ou le premier marin avait plutôt une silhouette bedonnante et une démarche claudicante.
Il ne s'embarrassèrent pas en vaines discussions et, à peine arrivé à ma hauteur, le premier marin frappa de son sabre. Je parais facilement son attaque, puis me reculais pour éviter le coup de hache de son compagnon à la peau d’ébène. Je ripostais en utilisant mes deux sabres contre l’homme bedonnant, ignorant pour le moment la menace du second matelot. L’un de mes coups ouvrit une longue estafilade sur son bras et il poussa un cri de douleur. Je m'apprêtais à porter un coup fatal, mais du coin de l'œil, je compris que son complice tentait de me contourner pour me placer dans une situation inconfortable ou j’aurais un adversaire de chaque côté. Je l'attaquais donc d’un coup de sabre dissuasif pour lui barrer le passage. Il m’envoya un coup de genou violent dans ma hanche blessée qui me plia en deux, puis lança un puissant coup de hache vers ma nuque. Le coup, précis et rapide, m’aurait décapité net si je n’avais pas eu le réflexe de lui donner un méchant coup de coude dans ses parties. Il grogna et ne termina pas son mouvement alors que, dans le même temps, je me redressais et dessinais deux traits sanglants sur son torse musclé.
Comme l’homme était hors de combat pour quelques secondes, je revins vers le premier combattant. Je bloquais du sabre gauche son attaque et m’approchant de lui, je lui envoyais un coup de tête dévastateur dans le milieu du visage, réussissant à faire craquer son nez déjà cassé. Il recula et je posais mon pied sur son ventre pour le repousser en arrière, puis, d’un geste rapide, je lui coupais sa main armée et, alors qu’il regardait avec stupeur son moignon, je lui plantais mon second sabre sous les côtes. Il s’affala au sol dans un bruit mou pendant que je retirais mon arme de son corps. Par un instinct que seuls les guerriers ont, je me baissais, évitant de justesse le coup de hache circulaire de l’homme à la peau noire qui semblait visiblement bien décidé à détacher ma tête de mon cou. Alors que je tentais de me redresser, il me lança un coup de pied dans les jambes qui me balaya, me faisant m’écrouler au sol. Il se jeta en avant sur moi, mais je le frappais au tibia, le déstabilisant. Il réussit néanmoins à se plaquer contre moi et saisissant sa hache à deux mains par le manche, il en plaqua le bois contre ma gorge pour m’étouffer. Lâchant mes sabres, je tentais de libérer mes voies respiratoires mais l’homme était plus fort que moi et pesait de tout son poids contre le manche. Je me tortillais sous son corps pour tenter de le faire basculer ou au moins le faire relâcher sa prise mais il tenait bon et quand nos regards se croisèrent, il eut un sourire mauvais.
Alors que l’air commençait à me manquer, une chaîne apparut de nul part et enserra le cou de mon adversaire, le tirant en arrière. Forcé à se redresser contre sa volonté, il ouvrit involontairement une coupure peu profonde avec le tranchant de son arme sous mon menton. Derrière l’épaule de l’homme, le visage de ma sœur, déformé par la colère apparut, elle maintenait notre ennemi sous son contrôle à l’aide des chaînes qui l’avaient elle-même retenu prisonnière durant des mois et je sentais une certaine jouissance dans le rictus sauvage que dessinait ses traits. Malgré toute sa colère, les privations dont elle avait été victime ainsi que la puissance du colosse ne lui permirent pas de le bloquer plus longtemps mais heureusement, j’avais réagi assez vite pour attraper la hache qu’il avait laissé tomber à côté de moi quand il avait saisit à deux mains la chaîne autour de son cou. Dans le même geste, j’en attrapais le manche et tout en me relevant à la force de mes abdominaux, je frappais de toutes mes forces entre les deux pectoraux saillants de notre ennemi. L’arme s’enfonça de quasiment toute la profondeur de la lame sous la puissance du coup, pourtant, l’homme continua de se débattre, poussant un rugissement de colère. Il rua pour se défaire de la prise de ma sœur et secoua la tête dans tous les sens, projetant du sang qui lui coulait de la bouche dans l’air, puis, il devint calme et fixa son regard dans le mien pendant quelques instants, avant de s’affaler en avant, entrainant ma sœur avec lui.
Je me relevais précipitamment et regardais par-dessus mon épaule, mais le jeune homme blond tournait à nouveau les talons. En quelques bonds, il disparut dans l’escalier et, alors que seules ses bottes étaient encore visibles, une détonation retentit et son corps retomba mollement en arrière, dévalant quelques marches comme un pantin désarticulé. Aidant ma sœur à se relever, je m’avançais avec prudence vers l’ouverture par laquelle je voyais se dessiner le ciel nocturne de Myrmidens.
Comme j’arrivais en haut de l’escalier et que je respirais enfin l’air frais de la nuit, je sentis un objet froid et dur se poser sur ma nuque :
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« C'est pas ma queue que tu sens là ma belle » dit une voix que je reconnus comme étant celle de Lars.
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« Tu m'en vois soulagée » lui répondis-je sans pouvoir retenir un rire nerveux.
Il fit le tour de l’ouverture et me tendit sa main pour m’aider à sortir définitivement des entrailles du navire. Sur le pont, c’était le chaos, mais les impériaux avaient réussi à prendre le dessus et je remarquais avec étonnement que nous étions en train de nous éloigner du quai, les hommes de Lars ayant sectionné les amarres pour empêcher les renforts du Sangre Azul de tenter de monter à l’assaut. Je reportais mon attention sur le chef de la bande d’escrocs quand ce dernier siffla entre ses dents en aidant ma sœur à sortir à son tour de la cale :
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« Je pensais pas qu’il y en avait une deuxième comme toi, Ils l’ont pas loupé ! »
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« Quelqu’un sait ou se trouve Romuald Horstadt ? » lui demandais-je simplement sans prêter attention à ce qu’il venait de dire. Je tournais mon regard vers les quelques marins prisonniers qui attendaient, à genoux et les mains liées dans le dos, de savoir quel sort on leur réservait.
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« J’en ai entendu causer » me coupa Lars alors que je m'apprêtais à me diriger vers l’un des captifs avec la ferme attention de lui soutirer des informations
« la mignonne du vieux douanier a été embarquée par mes gars à terre. »
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« La mignonne du vieux douanier ? » répétais-je en haussant un sourcil.
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« Le gars qu’tu cherches quoi ».
Comprenant que je ne pourrai pas en faire plus pour le moment, je me décidais enfin à relâcher quelque peu la tension qui m’habitait depuis que nous avions lancé l’attaque. Comme Lars s’éloignait pour aller aider à manœuvrer le navire afin de l’éloigner du quai et que ses hommes rassemblaient près des barques de secours les différents trésors qu’ils avaient collecté, je me mis en quête d’une personne pouvant libérer définitivement ma soeur de ses entraves de fer. Finalement, je finis par trouver un homme chauve et à la barbe bien fournie qui accepta de s’en occuper et qui réussit en quelques instants à faire sauter les menottes en fer. Il proposa ensuite de s’occuper de ma blessure à la hanche et je me retins de lui signifier que se faire recoudre par une personne aussi habile à faire sauter des maillons de chaînes n’était pas très engageant. Pourtant, alors que nous dérivions lentement au milieu du port de Myrmidens, il fit son ouvrage avec pour seul éclairage une lampe à huile et, presque sans douleur, il referma la vilaine blessure qui s’avéra être plus impressionnante que sérieuse.
« Ça fera l’affaire pour le moment, mais il faudra s’en occuper plus sérieusement si on réussit à en réchapper ! » conclut-il avant de s’éloigner vers un autre blessé.
Pendant que chacun vaquait à ses occupations, j’entraînais ma sœur avec moi à la découverte de la cabine du capitaine du Sangre Azul. J’avais abandonné la traque de l’autre amazone qui était potentiellement entre les mains de ces chiens de qharis quand j’avais compris qu’elle n’était plus à bord du navire, mais je comptais néanmoins essayer de voir si je pouvais trouver des documents intéressants dans les quartiers du capitaine. Malheureusement, mes fouilles se révélèrent rapidement vaines et il me fallut me rendre à l’évidence, le capitaine du Sangre Azul ou l’un de ses hommes de confiance avait fait le ménage avant de quitter le navire. Fatiguée, mais avec le sentiment du devoir accompli, je retournais sur le pont et, toujours en compagnie de ma sœur, je m’accoudais au bastingage, l’œil fixé sur l’horizon, refusant obstinément de prêter attention aux événements qui se déroulaient dans mon dos, sur le navire et les quais de la ville et je me rendis compte que la mer m’avait terriblement manqué ces dernières semaines, plus que je ne l’aurais jamais cru possible.
« Reverrons-nous un jour notre terre ? » demanda doucement ma sœur à côté de moi.
« Toi oui, j’en fais le serment. Pour ma part, je ne suis plus sûr de rien… » lui répondis-je dans un souffle tandis que la brise marine me caressait le visage, agitant doucement mes boucles brunes et que le parfum iodé emplissait mes narines.