[Nola Al'Nysa] Bien loin de chez nous

Les Principautés Frontalières ou les Royaumes Renégats, ont toujours été le théâtre d’innombrables batailles, guerres, conquêtes et défaites. La plupart des habitants des Principautés s’accommodent néanmoins de la situation, dans ces contrées où le moindre manant peut devenir roi en un jour pour connaître une mort ignoble le lendemain.

Les forêts des Principautés Frontalières regorgent de gobelins des forêts, d'elfes sylvains, etc. A proximité se trouve Barak-Varr, et les célèbres Pics Sanglants, remplis d'Orques.

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[MJ] Le Roi maudit
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Re: [Nola Al'Nysa] Bien loin de chez nous

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Jets cachés
Jet d'attaque discrète de Nola : 7, réussie
Jet caché
Nola attaque le marin : 10, elle réussit, et lui retire 29 pv
Sa seconde frappe réussit, 9, et il perd 26 pv
Il réplique et la parade en moins, ça picote. Nola perd 26 pv
Nola attaque, 2, le marin est mort

Le second marin attaque Nola : 14, il échoue
Elle réplique, 2, il perd 20 pv
Sa seconde attaque fait un 20, elle ne pourra pas attaquer au prochain tour
Lui... aussi. On se retrouve dans un duel de boulets.
Jets de force : 18 pour Nola
14 pour le marin,
vous êtes des tanches
Second jets de force : 14 pour Nola
3 pour lui
Il fait un jet pour décrocher la lame : 11 il réussit
Nola frappe de son corps, merci la compétence bagarre : 2, il est à terre.
Le tintamarre s'amplifiait de l'autre côté du navire. Les hommes de Lars se regardèrent, leurs cheveux dégoulinant d'eau froide et crasseuse du port. La pâle lumière des quais et de la lune leur donnaient l'aspect de monstres. Des monstres venus jusque dans leur jungle pour les arracher à leur monde. Et le ramener ici. Dans les enfers.

Avant de grimper le premier, Lars relâcha la hachette de sa bouche avant de souffler à leur petite assemblée amphibie un dernier encouragement : "Comme à Salkalten les garçons. Après, on sera des rois."

Nola lui emboita le pas dans l'ascension de la coque du Sangre Azul. Le raffut ne se calmait pas. Les prochaines secondes seraient les plus cruciales. De grosses gouttes lui tombèrent sur la face, amplifiant les trainées noires sur les pommettes. Dans un silence digne d'une rôdeuse de la jungle, Lars enjamba le bastingage, sa hache de matelot en main, elle-même avait ses lames. Et ils fondirent sur l'équipage. Dans un craquement sinistre, le fer de hache s'enfonça dans la nuque d'un marin, son comparse n'eut pas le temps de battre des cils qu'une main de femmes aux doigts noueux se plaqua sur sa bouche et qu'un sabre lui déchira le cœur en lui chatouillant les côtes. La curée commença. Des déchus d'Empire, la lame au clair pour massacrer le quart de nuit. Mais la première salve de sabres enfoncés, les survivants dégainèrent les leurs. La mêlée commencerait... Mais pas avant qu'un Azulien ingénieux n'attrape son pistolet pour tirer. "NON !" hurla Lars en retirant sa hache du crâne d'un matelot, en vain. Le plomb frappa la fonte de la cloche du navire fixée au grand-mat. L'Alerte était donnée. La Bataille allait devoir s'étendre aux quais dans une poignée d'instants. "Toi, toi et toi, suivez-la dans les ponts-inférieurs !"

Nola et trois petites frappes, l'histoire se répétait, mais elle ne venait pas recouvrer les dettes d'un autre, elle venait retrouver une sœur. Si c'était encore possible. Ils enfoncèrent la porte pour disparaitre dans les entrailles du navire. Le premier marin qui remontait, le froc tombant et la gueule enfarinée avait pourtant eu le réflexe de prendre sa lame. Leur duel fut bref, mais le sang coula des deux côtés, sa hanche allait lui faire mal un bon moment. Tandis qu'il s'effondrait dans un gargouillis de sang clapoteux, les autres gaillards se chargeaient de massacrer les marins qui s'étaient tirés de leur hamac au son de la cloche.
Un autre matelot se jeta sur elle, sa lame déchira la toile derrière elle à une distance bien trop déraisonnable de sa gorge. Elle frappa, et frappa à nouveau avec une rage digne des Dieux païens qu'elle priait.
Son cimeterre trancha la chair, mais le second coup se ficha dans le bois de la coque. Coincé ! Il allait la mettre en pièce, mais dans la torpeur d'encre des réveils forcés, il trébucha sur le fer fiché dans le sol, et son sabre vola au loin. Par un réflexe hasardeux, c'est l'Amazone qui le rattrapa. Comme deux danseurs de tango, un tango mortel, ils forcèrent, à celui qui prendrait le dessus sur l'autre. Ce fut elle qui tomba la première, il se plia pour récupérer la lame dans le bois ciré, elle décocha son meilleur coup de pied, le crac sonore d'une mâchoire confirma qu'elle avait touché. Sans perdre un instant, elle rampa jusqu'à lui pour l'achever. À coup de poings, elle lui malaxa la trogne avant de laisser la fureur des Déesses embraser son être. Comme les panthères, elle mordit à la gorge. Elle mordit à déchirer la chair. Elle venait tuer. Tuer tous ceux qui avaient profané son monde, sa jungle, ses sœurs. Le pourpre de l'hémoglobine glissa dans les sillons de son visage crispé et balafré, se mêlant au sel et au henné. Mais les hurlements qui tambourinaient à ses tympans n'étaient pas ceux du marin. Ils venaient d'autour d'elle, dans ces quartiers d'équipage devenus une curée, et au dehors. Elle n'aurait plus beaucoup de temps. Avant la retraite. Le temps ne jouerait pas en leur faveur. Les malfrats ne pourraient encaisser les renforts. Alors, en nage, trempée par la mer et le sang, attrapant ses lames, elle descendit. Seule...

La Cale sentait l'humidité, la pisse des rongeurs et il y faisait noir comme au plein cœur des bois qu'elle avait dû traverser. Son œil unique s'habituait doucement. Sa hanche en feu, le souffle rauque, le bruit des combats sur le bois au-dessus d'elle, le son lourd d'un corps qui tombe. Ses mains parcouraient l'espace pour contourner les barils, les paquets de sel et tout le reste... Un cliquetis métallique. Droit devant. Un autre souffle.
"Qharis de malheur, j'en emporterai au moins un avec moi... dans l'abime de Sotek.
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Nola Al'Nysa
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Re: [Nola Al'Nysa] Bien loin de chez nous

Message par Nola Al'Nysa »

Le calme de la pièce tranchait avec le déferlement de violence qui s’était emparé du reste du navire et que je venais de traverser non sans récolter au passage une vilaine blessure. Je cherchais à reprendre mon souffle, portant une main sur ma hanche et sentis le sang chaud qui coulait le long de mon ventre. J’avais également le goût métallique du sang dans ma bouche et j’eus un haut-le-cœur en pensant à l’homme dont je venais d’arracher la gorge avec mes dents. Je crachais au sol dans une tentative vaine d’effacer ce goût si désagréable et avec l’impression de sentir encore des morceaux de chair et de poils de barbe entre mes dents.
Au loin, les échos du combat me parvenaient comme étouffés et distants, pourtant, je savais que d’ici peu, il me faudrait y replonger. Humide d’eau de mer, de sueur et de sang, j’avançais à taton dans l’espace obscur, buttant contre des objets et me cognant à plusieurs reprises tandis que mon œil s’accommodait peu à peu au manque de lumière.
« Qharis de malheur, j'en emporterai au moins un avec moi... dans l'abîme de Sotek. »

Je me figeais sur place en entendant ces mots prononcés dans ma langue natale. Un frisson d’excitation me traversa l’échine alors que d’une voix basse, dans laquelle perçait une certaine tension, je répondais « tu va pouvoir libérer ta colère ma sœur ». Un petit bruit métallique me parvint depuis les ténèbres et je devinais qu’elle avait dû se fabriquer un surin de fortune pour ne pas se laisser tuer sans combattre.
« Qui es-tu ma sœur ? »
Les contours de la pièce devenaient plus clairs à mesure que ma vue s'habituait à l’obscurité et que je m’approchais. Au fond, je distinguais une sorte de petit cachot de fortune qui était divisé en deux par une grille. Une paille humide jonchait les planches rugueuses du sol. La salle était nue à l’exception d’un grabat et d’une couverture et il y flottait une odeur rance de bois humide, de pourriture et d’urine.
La prisonnière était assise sur sa couche, adossée au mur, les poignets sur ses genoux relevés. Elle n’était vêtue que d’une robe de toile grossière, sale et en partie déchirée. Des plaies et des bleus couvraient ses avant-bras, ses chevilles et ses pieds sales. Longs et crasseux, ses cheveux bruns tombaient devant son visage, pourtant, je devinais deux yeux braqués sur moi dans lesquels brillait une lueur d’espoir et de férocité. Elle avait la peau légèrement plus bronzée que la mienne malgré sa longue captivité et je lui donnais quelques années de plus que moi, mais ne la reconnut pas.

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« Une ancienne captive de ces chiens. Je viens t’aider à te défaire de tes liens » lui dis-je en m’approchant à pas vif. Arrivant à sa hauteur, je m’agenouillais et lui pris le menton entre le pouce et l’index pour, délicatement, lui faire redresser la tête. Les cheveux s’écartèrent, révélant un visage émacié au regard dur et aux traits tirés. C’était le visage d’une femme encore jeune, mais qui avait traversé plus d’épreuves que l’on ne peut en supporter. Des traces de coups couvraient ses joues creuses, une entaille lui barrait le sourcil gauche et ses lèvres étaient sèches. Comme je lui attrapais la main pour la réconforter, je vis les menottes enserrant son poignet. Celles-ci étaient reliées à une chaîne qui était elle-même fixée à un lourd anneau en fer dans la coque.


- « Par Kalith, Sotek et tous les autres... » dit-elle en toussant « es-tu bien réelle ou est-ce une apparition ? » demanda-t-elle d’une voix tremblante.
- « Je suis tout ce qu’il y a de plus réel, je vais te faire sortir de là. » lui répondis-je tout en me relevant pour fouiller du regard la pièce sombre, cherchant un objet dur dont je pourrai me servir pour faire pression contre la chaîne.
- « Où sommes-nous ma sœur ? » reprit-elle alors que je me baissais, ignorant l’élancement de douleur en provenance de ma hanche, pour ramasser un vieux morceau de ferraille à moitié tordu.
- « C’est une trop longue histoire et le temps nous manque » dis-je en revenant vers elle. Bien décidée, j’insérais le morceau de métal dans l’un des maillons de la chaîne, proche de sa prise dans le sol, puis, poussant de toutes mes forces, j’essayais de le faire sauter pour l’arracher du bois. Je luttais quelques longues secondes dans un silence pesant quand, dans un bruit sec, il se déroba et vint me percuter la jambe, me tirant un hoquet de douleur suivi d’une bordée de jurons.


Mécontente, je le remis à sa place dans le maillon qui commençait déjà à être un peu tordu, mais un bruit en provenance de la porte par laquelle j’étais entrée attira mon attention. Lâchant le morceau de fer, je me retournais d’un geste en me redressant et portais une main dans mon dos pour saisir la poignée de l’un de mes deux sabres. Je me retrouvais face à face avec un jeune homme à peine plus âgé que moi de ce que je pouvais en juger. Quelques mètres nous séparaient l’un de l’autre mais nous étions assez proches pour pouvoir nous discerner distinctement. Il se tenait immobile, les yeux fixés sur moi avec un masque de terreur sur le visage. Dans sa main droite, il tenait fébrilement une hachette d’abordage dont il n’avait pas dû se servir bien souvent. Il fit un pas un arrière en même temps que j’en faisais un dans sa direction. Il semblait tétanisé par la peur et cela m’amusa. Il fallait le comprendre, il se trouvait au fond d’une cale sombre nez à nez avec une femme dans le visage, traversé par une balafre, était peint de noir, avec un œil mort et laiteux qui ressortait largement de ce maquillage et la bouche ainsi que le menton couvert de sang qui coulait le long de sa gorge. Mes étranges tatouages, mon accoutrement et mes cicatrices devaient sans aucun doute compléter cette vision effrayante et j’en fus satisfaite. Blanc comme un linge, il trouva néanmoins le courage de lever son arme dans une tentative vaine d’être menaçant. Je lui souris, un sourire carnassier révélant mes dents couvertes du sang de l’un de ses camarades et le peu de courage qu’il avait réussi à rassembler sembla disparaître. Il tourna les talons et partit en courant sans demander son reste.


Je retournais en hâte auprès de ma sœur car dorénavant, je savais qu’il ne me restait que très peu de temps avant de voir de potentiels renforts arriver. Comme je m’emparais à nouveau du morceau de fer pour pousser dessus, elle me dit :
- « Ecoute ma sœur... Si je ne revois pas le ciel bleu ou la cime des arbres... Il.. Il y en a une autre. Dehors. »
- « Dehors ? » demandais-je dans un grognement d’effort.
- « Ils ont parlé... Ces chiens ont parlé d'une autre de nos sœurs. Là-haut... »
- « Je n’ai pas fait toute cette route pour te laisser ici »
Avec un craquement sonore, la chaîne céda enfin sous la pression et la prisonnière put se libérer de ses fers avec mon aide.
Je l’attrapais par l’aisselle et l’aidais à se relever avec autant de délicatesse que le permettait l’urgence de la situation, puis, passant l’un de ses bras par-dessus mes épaules, je me dirigeais vers la sortie. La pauvre semblait souffrir et avançait péniblement, traînant en plus la lourde chaîne toujours accrochée aux fers enserrant ses poignets blessés. Avec une lenteur exaspérante, je remontais au pont intermédiaire, là où j’avais affronté quelques matelots du Sangre Azul lors de ma descente à la cale, mais l’endroit semblait maintenant désert à l’exception des différents corps jonchant le sol. Pendant que nous passions à côté de la dépouille d’un solide gaillard dont le visage était maintenant défiguré par une énorme plaie, ma sœur ralentit le pas et, tournant son visage vers le mort, cracha sur son cadavre avec une moue de dégoût. Elle tourna ensuite la tête vers moi et nos regards se croisèrent. Dans un échange muet, je compris ce que cet homme avait dû lui faire vivre durant sa captivité et je n’imaginais que trop bien la haine qu’elle pouvait avoir contre lui, ayant subi moi aussi de terribles exactions lors de mon voyage entre la Lustrie et le vieux monde.

Nous continuâmes notre progression vers le pont principal d’où le bruit des combats semblait avoir perdu en intensité, bien que quelques cris et coups de feu résonnaient encore par intermittence. Alors que nous arrivions en vue d'un nouvel escalier qui devait nous permettre de retourner à l’air libre, je crus percevoir des bruits de pas précipités en provenance des marches supérieures venant dans notre direction. Je fis rapidement le constat qu’il n’y avait aucune échappatoire et nul endroit où se dissimuler. Lâchant ma sœur qui s’appuya contre la paroie en bois pour rester debout, je m’avançais de quelques pas devant elle et dégainais mes deux sabres, puis je me campais fermement au milieu du couloir afin d’attendre les nouveaux venus, qu’ils soient amis ou ennemis.
Ils apparurent au bout de quelques secondes. Deux gaillards à la mine patibulaire et derrière eux, le jeune homme blond aperçu quelques instants plus tôt. Trois contre un, le combat semblait complexe, surtout avec ma blessure à la hanche, mais l’étroitesse du couloir ne leur permettait pas de m’affronter tous en même temps, ce qui était un avantage. Sans poser de question, les deux hommes s’avancèrent vers moi, l’air bien décidé à m’écarter de leur chemin. Le premier était armé d’un sabre à lame recourbée et sa chemise était tachée d’un sang qui ne semblait pas être le sien. Du sang coulait de son nez qui était tordu dans un angle désagréable, ce qui ne semblait pas le gêner, mais au contraire décupler sa rage. Derrière lui, un colosse à la peau noire s’avançait, pied et torse nus, il ne portait qu’un pantalon de toile et un bandana sur la tête. Armé de la même hachette d’abordage que son compagnon blond, il semblait plus à même de s’en servir efficacement que ce dernier. Sa musculature était bien développée, la ou le premier marin avait plutôt une silhouette bedonnante et une démarche claudicante.

Il ne s'embarrassèrent pas en vaines discussions et, à peine arrivé à ma hauteur, le premier marin frappa de son sabre. Je parais facilement son attaque, puis me reculais pour éviter le coup de hache de son compagnon à la peau d’ébène. Je ripostais en utilisant mes deux sabres contre l’homme bedonnant, ignorant pour le moment la menace du second matelot. L’un de mes coups ouvrit une longue estafilade sur son bras et il poussa un cri de douleur. Je m'apprêtais à porter un coup fatal, mais du coin de l'œil, je compris que son complice tentait de me contourner pour me placer dans une situation inconfortable ou j’aurais un adversaire de chaque côté. Je l'attaquais donc d’un coup de sabre dissuasif pour lui barrer le passage. Il m’envoya un coup de genou violent dans ma hanche blessée qui me plia en deux, puis lança un puissant coup de hache vers ma nuque. Le coup, précis et rapide, m’aurait décapité net si je n’avais pas eu le réflexe de lui donner un méchant coup de coude dans ses parties. Il grogna et ne termina pas son mouvement alors que, dans le même temps, je me redressais et dessinais deux traits sanglants sur son torse musclé.

Comme l’homme était hors de combat pour quelques secondes, je revins vers le premier combattant. Je bloquais du sabre gauche son attaque et m’approchant de lui, je lui envoyais un coup de tête dévastateur dans le milieu du visage, réussissant à faire craquer son nez déjà cassé. Il recula et je posais mon pied sur son ventre pour le repousser en arrière, puis, d’un geste rapide, je lui coupais sa main armée et, alors qu’il regardait avec stupeur son moignon, je lui plantais mon second sabre sous les côtes. Il s’affala au sol dans un bruit mou pendant que je retirais mon arme de son corps. Par un instinct que seuls les guerriers ont, je me baissais, évitant de justesse le coup de hache circulaire de l’homme à la peau noire qui semblait visiblement bien décidé à détacher ma tête de mon cou. Alors que je tentais de me redresser, il me lança un coup de pied dans les jambes qui me balaya, me faisant m’écrouler au sol. Il se jeta en avant sur moi, mais je le frappais au tibia, le déstabilisant. Il réussit néanmoins à se plaquer contre moi et saisissant sa hache à deux mains par le manche, il en plaqua le bois contre ma gorge pour m’étouffer. Lâchant mes sabres, je tentais de libérer mes voies respiratoires mais l’homme était plus fort que moi et pesait de tout son poids contre le manche. Je me tortillais sous son corps pour tenter de le faire basculer ou au moins le faire relâcher sa prise mais il tenait bon et quand nos regards se croisèrent, il eut un sourire mauvais.

Alors que l’air commençait à me manquer, une chaîne apparut de nul part et enserra le cou de mon adversaire, le tirant en arrière. Forcé à se redresser contre sa volonté, il ouvrit involontairement une coupure peu profonde avec le tranchant de son arme sous mon menton. Derrière l’épaule de l’homme, le visage de ma sœur, déformé par la colère apparut, elle maintenait notre ennemi sous son contrôle à l’aide des chaînes qui l’avaient elle-même retenu prisonnière durant des mois et je sentais une certaine jouissance dans le rictus sauvage que dessinait ses traits. Malgré toute sa colère, les privations dont elle avait été victime ainsi que la puissance du colosse ne lui permirent pas de le bloquer plus longtemps mais heureusement, j’avais réagi assez vite pour attraper la hache qu’il avait laissé tomber à côté de moi quand il avait saisit à deux mains la chaîne autour de son cou. Dans le même geste, j’en attrapais le manche et tout en me relevant à la force de mes abdominaux, je frappais de toutes mes forces entre les deux pectoraux saillants de notre ennemi. L’arme s’enfonça de quasiment toute la profondeur de la lame sous la puissance du coup, pourtant, l’homme continua de se débattre, poussant un rugissement de colère. Il rua pour se défaire de la prise de ma sœur et secoua la tête dans tous les sens, projetant du sang qui lui coulait de la bouche dans l’air, puis, il devint calme et fixa son regard dans le mien pendant quelques instants, avant de s’affaler en avant, entrainant ma sœur avec lui.
Je me relevais précipitamment et regardais par-dessus mon épaule, mais le jeune homme blond tournait à nouveau les talons. En quelques bonds, il disparut dans l’escalier et, alors que seules ses bottes étaient encore visibles, une détonation retentit et son corps retomba mollement en arrière, dévalant quelques marches comme un pantin désarticulé. Aidant ma sœur à se relever, je m’avançais avec prudence vers l’ouverture par laquelle je voyais se dessiner le ciel nocturne de Myrmidens.

Comme j’arrivais en haut de l’escalier et que je respirais enfin l’air frais de la nuit, je sentis un objet froid et dur se poser sur ma nuque :
- « C'est pas ma queue que tu sens là ma belle » dit une voix que je reconnus comme étant celle de Lars.
- « Tu m'en vois soulagée » lui répondis-je sans pouvoir retenir un rire nerveux.
Il fit le tour de l’ouverture et me tendit sa main pour m’aider à sortir définitivement des entrailles du navire. Sur le pont, c’était le chaos, mais les impériaux avaient réussi à prendre le dessus et je remarquais avec étonnement que nous étions en train de nous éloigner du quai, les hommes de Lars ayant sectionné les amarres pour empêcher les renforts du Sangre Azul de tenter de monter à l’assaut. Je reportais mon attention sur le chef de la bande d’escrocs quand ce dernier siffla entre ses dents en aidant ma sœur à sortir à son tour de la cale :
- « Je pensais pas qu’il y en avait une deuxième comme toi, Ils l’ont pas loupé ! »
- « Quelqu’un sait ou se trouve Romuald Horstadt ? » lui demandais-je simplement sans prêter attention à ce qu’il venait de dire. Je tournais mon regard vers les quelques marins prisonniers qui attendaient, à genoux et les mains liées dans le dos, de savoir quel sort on leur réservait.
- « J’en ai entendu causer » me coupa Lars alors que je m'apprêtais à me diriger vers l’un des captifs avec la ferme attention de lui soutirer des informations « la mignonne du vieux douanier a été embarquée par mes gars à terre. »
- « La mignonne du vieux douanier ? » répétais-je en haussant un sourcil.
- « Le gars qu’tu cherches quoi ».

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Comprenant que je ne pourrai pas en faire plus pour le moment, je me décidais enfin à relâcher quelque peu la tension qui m’habitait depuis que nous avions lancé l’attaque. Comme Lars s’éloignait pour aller aider à manœuvrer le navire afin de l’éloigner du quai et que ses hommes rassemblaient près des barques de secours les différents trésors qu’ils avaient collecté, je me mis en quête d’une personne pouvant libérer définitivement ma soeur de ses entraves de fer. Finalement, je finis par trouver un homme chauve et à la barbe bien fournie qui accepta de s’en occuper et qui réussit en quelques instants à faire sauter les menottes en fer. Il proposa ensuite de s’occuper de ma blessure à la hanche et je me retins de lui signifier que se faire recoudre par une personne aussi habile à faire sauter des maillons de chaînes n’était pas très engageant. Pourtant, alors que nous dérivions lentement au milieu du port de Myrmidens, il fit son ouvrage avec pour seul éclairage une lampe à huile et, presque sans douleur, il referma la vilaine blessure qui s’avéra être plus impressionnante que sérieuse.
« Ça fera l’affaire pour le moment, mais il faudra s’en occuper plus sérieusement si on réussit à en réchapper ! » conclut-il avant de s’éloigner vers un autre blessé.

Pendant que chacun vaquait à ses occupations, j’entraînais ma sœur avec moi à la découverte de la cabine du capitaine du Sangre Azul. J’avais abandonné la traque de l’autre amazone qui était potentiellement entre les mains de ces chiens de qharis quand j’avais compris qu’elle n’était plus à bord du navire, mais je comptais néanmoins essayer de voir si je pouvais trouver des documents intéressants dans les quartiers du capitaine. Malheureusement, mes fouilles se révélèrent rapidement vaines et il me fallut me rendre à l’évidence, le capitaine du Sangre Azul ou l’un de ses hommes de confiance avait fait le ménage avant de quitter le navire. Fatiguée, mais avec le sentiment du devoir accompli, je retournais sur le pont et, toujours en compagnie de ma sœur, je m’accoudais au bastingage, l’œil fixé sur l’horizon, refusant obstinément de prêter attention aux événements qui se déroulaient dans mon dos, sur le navire et les quais de la ville et je me rendis compte que la mer m’avait terriblement manqué ces dernières semaines, plus que je ne l’aurais jamais cru possible.

« Reverrons-nous un jour notre terre ? » demanda doucement ma sœur à côté de moi.
« Toi oui, j’en fais le serment. Pour ma part, je ne suis plus sûr de rien… » lui répondis-je dans un souffle tandis que la brise marine me caressait le visage, agitant doucement mes boucles brunes et que le parfum iodé emplissait mes narines.
Modifié en dernier par Nola Al'Nysa le 04 avr. 2024, 11:30, modifié 1 fois.
La vie est un chemin qui se parcourt dans un seul sens. On peut choisir sa destination, réfléchir quand on arrive à une intersection, ralentir, accélérer, décider de ne plus refaire les mêmes erreurs, mais on ne revient jamais en arrière.

Nola Al’Nysa, Voie du Forban
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Mon histoire : ici
Quelques récits sur la vie de Nola : ici

Awards :
  • Meilleur PJ - Etoile Montante : 2022
  • Bourrin en chef : 2022 & 2023
  • Incitation aux voyages : 2023


Dessins de Nola Al'Nysa réalisés par NmForka :
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[MJ] Le Roi maudit
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Re: [Nola Al'Nysa] Bien loin de chez nous

Message par [MJ] Le Roi maudit »

"Heureux qui, comme Ulysse,
A fait un beau voyage,
Heureux qui, comme Ulysse,
A vu cent paysages
Et puis a retrouvé
Après maintes traversées
Le pays des vertes années
Par un petit matin d'été
Quand le soleil vous chante au cœur
Qu'elle est belle la liberté,
La liberté !"

Comptine de marins estaliens.

Lars sifflait en barrant. La bouteille de rhum à moitié vidée posée près de lui devait aider. Une fois Myrmidens assez loin pour anticiper tout navire lancé à leurs trousses, ses hommes avaient dépouillé les marins du Sangre avant de jeter les corps à la mer. Leurs compagnons qui étaient tombés avaient été plus cérémonieusement rassemblés et dissimulés sous une voile. Quelle prise. Quelle prise.
L’instigatrice du sanglant abordage s’approcha silencieusement derrière l’impérial. Le maquillage, le sang et l’eau de mer créaient un étrange mélange de teintes sur sa peau faiblement éclairée par la lumière de la lune. Une légère brise marine agitée ses cheveux et le bruit des vagues couvrit son approche. Il sursauta lorsqu’elle dit d’une voix basse « Es-tu satisfait Lars ? »
Le truand tourna la tête en direction de l'Amazone. "Je le serais le jour où je pourrais rentrer au pays sans m'y faire recevoir avec une écharpe en chanvre, mais pour l'heure, c'est un bon début. Comment va-t-elle ?"
« On poursuit tous un rêve impossible » répondit-elle simplement avec un franc sourire tout en saisissant la bouteille que Lars lui tendait.
« Elle se remettra, ces chiens n'y sont pas aller de main morte. » Elle laissa son regard se perdre vers le large, la ou dans l'obscurité, le ciel et la mer fusionnaient, avant de poursuivre :« J'ai une faveur à te demander, j'aimerais pouvoir m'entretenir quelques instants avec Horstadt lorsqu'on sera de retour en ville. »
L'Impérial apparut confus et se frotta le crâne. "Tu m'en vois désolé mais... Pas que ça me dérange, mais je n'serais pas là donc faut que tu vois ça avec la bande avant qu'ils ne le refourguent."
Elle lui jeta un coup d'œil interrogateur : « Tu n'as pas prévu de revenir en ville ? »
"On va refourguer ce bateau dans un port plus loin. Je pensais vous faire accoster en chaloupe toi et... Elle. Plus deux ou trois gros bras pour le trajet. On rentrera que dans plusieurs jours nous. Et à pied."
« Cela me semble juste. Passes le message à l'un de tes hommes, la seule recette que je demande, c'est elle et Horstadt, le reste, je vous le laisse. »
Il opina du chef : "Quand on sera rentré, si tu cherches de quoi faire, tu sais où nous trouver. Si tu t'ennuies, tu sais où me trouver." Et sur un clin d'œil subtil comme une plaisanterie de corsaire, il se reconcentra sur la barre. "Que le vent vous porte sur le bon chemin."


Quand on retrouvait l'âpre, mais plaisant pont d'un navire, les chaloupes avaient de quoi laisser pantois. Les trois bougres avec elles aussi. Loin des gamins cyniques à l'esprit vif ou du caractère vipérin du chef, ils avaient tout du bœuf. Placide, épais et affuté comme un boulet de canon. Le Funeste vaisseau s'éloignait peu à peu de leur champ de vision réduit à mesure que les deux bateleurs ramaient. Puis une fois à terre, une lanterne, un adieu et c'en était fini.

Chuji, car c'était ainsi que l'appelaient ses sœurs, ne lâchait pas Nola d'une once. Les meurtrissures de son corps et de son esprit la rendaient vulnérable comme l'enfant. Mais sa colère et sa défiance pour les Qharis étaient dignes d'une Mère-Immortelle. Les trois gros-bras marchaient devant eux d'un pas de soudard, lourd, mais en cadence, elles trainaient derrière, ce qui laissait le temps de parler dans la langue de la jungle. Une langue que Nola n'avait pas pu pratiquer depuis longtemps.
Bien que rouillée, la parole de Kalith revint peu à peu et elle put en apprendre davantage sur Chuji. Sa tribu était située bien plus au sud que la sienne. Dans des territoires que les Qharis n'avaient pas encore exploré. Mais très rapidement, ils étaient venus. Et en armes. Dans leurs carapaces de fer, avec leurs engins de mort et de fumée. Au premier assaut, les pertes des Conquistadors avaient été terribles et Kalith, Sotek et tous les dieux avaient ris tandis que leurs dépouilles étaient immolés. Mais ce qu'elles n'avaient pas anticipé, c'est que d'autres suivirent. Les Guerrières n'avaient pas pu déplacer le village entre les deux attaques et ils en avaient tiré bien des leçons. Et bien des Sœurs périrent aussi. Les huttes en flammes, les Amazones en déroute, c'est là que Chuji fut capturée.
Elle fut parquée à fond de cale avec d'autres, de différentes tribus, entre l'or des temples, les bêtes rares dont ils avaient pris les peaux et tout le reste. C'était la jungle qu'ils écumaient, et elles en étaient le joyau.
Ce qu'elle raconta ensuite, Nola ne l'avait que trop bien vécu. Elles furent revendues et dispersées. Trainées ici et là comme des jouets. Jusqu'à atterrir dans cette maudite ville. Quant à l'autre ? Chuji n'en savait rien si ce n'étaient les racontars des marins. Arrivée là dans une précédente razzia. Ramenée... Au palais. Lequel ? C'était difficile de savoir. Mais elles avaient une sœur. Toute proche, mais pourtant si loin d'elles.

L'aube serait là dans une heure environ quand ils arrivèrent en périphérie de la ville. Là où les fermes s'étaient endormies pour la nuit et encore loin de la puanteur des taudis. Les trois hommes de Lars partirent en reconnaissance. Elles s'assirent là, contre une barrière. Chuji en vint même à plaisanter un peu : "Là où on va, j'espère qu'il y a de quoi manger. J'ai assez faim pour engloutir un sang-froid !"
Pourtant, elle retourna à sa position quasi prostrée quand ils revinrent. Il en faudrait du temps pour aller de l'avant. Bien du temps.
Il avait été convenu d'un point de chute dans les taudis pour la troupe de Lars. Quand ils arrivèrent, personne. Puis une silhouette menue, mais familière émergea entre deux cahutes miteuses. Rovel, l'un des trois fripons avec qui elle avait découvert le métier fabuleux de recouvreuse de dettes, apparut et regarda les cinq lascars. L'ordre était simple : Dispersion. Des gardes écumaient toute la ville, y compris ses sous-sols. Alors tout le monde était en planque, le temps que les choses se calment. Quel beau ramdam ils avaient causé !
Quand Nola en vint de la question du Douanier, le garnement inclina la tête sur le côté.
"Romuald Horstadt ? On a suivi les ordres. Pieds et poings liés chez la Gantière."
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Nola Al'Nysa
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Re: [Nola Al'Nysa] Bien loin de chez nous

Message par Nola Al'Nysa »

J’avais récupéré mon grand manteau de cuir lors de notre brève halte au repaire des impériaux et m’en étais servie pour couvrir Chuji qui grelottait de froid. Après avoir pris congé de la poignée d'hommes qui avaient rejoint la ville avec nous, je m’élançais à travers le dédale de ruelles de Myrmidens pour rallier la boutique d’Alessandra avant que le jour ne se lève. Les premières lueurs du soleil commençaient déjà à colorer le toit des maisons bordant la rue pavée que nous remontions et, même si les rues étaient encore désertes, je me doutais qu’après les événements de la nuit, un certain nombre de personne devait nous épier derrière le couvert de leurs volets.

Nous marchions toutes les deux aussi rapidement que le permettait l’état de santé de ma sœur et seul le bruit de nos pas et de notre respiration haletante venaient perturber le silence étrange qui s’était emparé de la cité. À cette heure en général, la ville grouillait déjà de gens s’en allant travailler ou vaquant à leurs occupations matinales, pourtant, dans la lueur du petit jour, tout était calme. Pendant que nous avançions, j’essayais de faire le tri dans mon esprit et de rassembler les différentes informations collectées au cours de la soirée pour les mettre en ordre. D’après ce que m’avait dit Rovel, les hommes de Lars avaient déjà livré Romuald Horstadt chez la gantière, ce qui voulait dire qu’elle connaissait Lars et qu’elle s’était bien gardée de me le dire.

Un frisson d’inquiétude me parcourus alors que nous bifurquions à l’angle d’un carrefour, pénétrant dans la rue ou se trouvé l’échoppe d’Alessandra. Quelles étaient ses intentions au final ? Pourquoi m’avait-elle caché son lien avec Lars ? Heureusement, il me restait une carte à jouer en la personne de Kidd qui, fidèle à lui-même, avait respecté mon ordre et était resté en planque devant la petite échoppe durant la nuit. Il attira mon attention par un sifflement bref et sonore lorsqu’il me reconnut et je le rejoignis en hâte sous un porche, à l’abri des regards, soutenant toujours Chuji d’un bras. Il me regarda avec des yeux ronds en découvrant mon état, puis ses yeux firent plusieurs aller-retour frénétiques entre moi et ma compagne. Il ouvrit la bouche, la referma, puis la rouvrit pour parler mais aucun son ne franchit ses lèvres. Son attitude dessina un sourire sur mon visage et je me rendis compte qu’il m’avait manqué :
- « Kidd, voici Chuji, elle est de mon peuple, d’une tribu différente de la mienne, mais de mon peuple. » dis-je en aidant cette dernière à s'asseoir sur une marche.
- « Hé beh » dit-il en sifflant entre ses dents « t’as réussi Nola ! T’en a sauvé une putain »
- « Une sur combien ? » dis-je sur un ton défaitiste. Puis, reprenant dans ma langue natale pour m’adresser à Chuji « Voici un ami, il n’est pas comme ces chiens de qharis qui t’ont retenu prisonnière, il est là pour nous aider » mais malgré ces paroles, elle continua de le fixer avec un regard froid.
- « T’es blessée Nola ? » demanda Kidd en désignant du doigt la plaie sur ma hanche.
- « Ce n’est rien, la nuit a été agitée, une simple blessure est un faible prix à payer. Il y a eu du mouvement du côté d’Alessandra ? »
- «Non la nuit a été calme, jusqu’à il y a deux heures environs, des hommes sont venu déposer un prisonnier avec un sac sur la tête puis sont repartis. » m’expliqua-t-il en regardant en direction du magasin.
- « Bien, je vais aller voir ce qui se trame. Reste ici avec Chuji, je vous ferai signe si je ne vois aucun danger ».

Sans leur laisser le temps de protester, je traversais la rue à grandes enjambées jusqu’à atteindre la porte de l’échoppe. Les volets étaient clos et lorsque je collais mon oreille contre le battant, aucun bruit ne me parvint de l’intérieur. Je toquais trois coups puissant et après quelques secondes, la porte s’entrouvrit, laissant apparaître le visage d’Alessandra, habillée et apprêtée pour la journée malgré l’heure matinale. Elle me regarda des pieds à la tête avec une grimace, s’attardant sur ma gorge et mon menton couvert de sang, puis s’écarta pour me laisser entrer avant de refermer la porte derrière moi.

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Comme je regardais d’un oeil alerte l’intérieur de la boutique, cherchant la moindre source de danger, elle vint s’adosser contre le comptoir de bois ou elle tenait ses comptes et, après m’avoir laissé examiner les lieux un long moment, elle demanda :
- « Avez-vous trouvé ce que vous cherchiez sur ce navire ? En tout cas, j’ai bien reçu votre colis ce matin, je suis contente que vous ayez tenu votre part du marché. »
- « En partie oui... Dites-moi, qu'est que Romuald Horstadt représente pour vous ? Après tout, ce n'est qu'un simple exécutant à la solde de Schloesing »
- « Pour moi, rien » dit-elle tandis qu’un sourire se dessinait sur ses lèvres fines « Pour nous, c'est une garantie. Après votre fulgurance sur le Sangre Azul, il fallait être certain que Schloesing ne puisse pas envoyer un contingent de gardes vous arrêter, vous torturer, et vous laisser mourir à petit feu dans les cachots de la vieille ville. Avec Horstadt dans nos filets, il y réfléchira à deux fois »
- « Ça fait longtemps que vous travaillez avec Lars et sa bande ? Pourquoi ne pas me l’avoir dit plus tôt ? » demandais-je d’une voix calme et sans aucune agressivité.
- « Vous n'êtes pas très curieuse. Un groupe vous rencontre peu après votre arrivée dans les souterrains. Un groupe prêt à vous suivre dans l'entreprise folle d'attaquer un navire sous la protection des Douaniers que je vous ai fait rencontrer juste avant. Vous commencez à aligner les choses dans votre esprit ? »
- « Boarf, il paraît que le hasard fait bien les choses » dis-je en haussant les épaules, vexée par le ton qu’elle employait « cela ne m’explique pas quel intérêt vous trouvez dans tout cela. Je ne crois pas que vous poursuiviez les mêmes objectifs que Lars et ses gars. »
- « Lars n'est qu'un exilé parmi tous les autres dans cette ville. Je lui ai donné du travail. Mes intérêts ? Comme je vous l'avais dit. Je mène mes affaires. Et l'un de mes principaux concurrents est désormais mains-liés ce matin. Alors à ça... Nous devrions trinquer. » conclut-elle en se dirigeant vers un meuble en bois sombre avec de jolies ferrures et dont elle sortit une bouteille de liqueur et deux verres joliment décorés.
- « Quelle est la position de Hordstat dans l'organisation de Schloesing ? » demandais-je en portant le verre de liqueur amère et forte à mes lèvres « Je pourrai le voir ensuite ? »
- « Ce qui importait, c'était ses relations avec. On remplace plus vite un douanier qu'un amant » dit-elle avec un sourire espiègle par-dessus son propre verre « si vous voulez le voir, il est à la cave, mais ne voudriez-vous pas vous débarbouiller avant ? »

Finissant mon verre d’un trait, j’ouvris la porte pour faire signe à Kidd et Chuji de venir. Il y eut un moment de flottement dans la pièce quand tous le monde fut enfin à l’intérieur, mais avec son flegme habituel, le gamin roux se chargea d’expliquer à Alessandra qui était la nouvelle venu tandis que je rassurais ma sœur et lui promettais de revenir vite m’occuper d’elle.
Une fois que tout le monde eut trouvé sa place, Alessandra ouvrit une trappe dissimulée sous un tapis et permettant d’accéder à la cave dont j’ignorais l’existence jusqu’alors. Je descendis lentement l’échelle de bois permettant d’y descendre et me retrouvais dans une pièce humide et fraîche dont les murs de pierres nues formaient un carré quasiment parfait. Alessandra me fit passer une lampe puis referma la trappe au-dessus de ma tête, me laissant dans une demie obscurité.
« Qui est là ? » demanda d'une voix gémissante. Je dirigeais ma lampe dans sa direction et découvris un homme assis sur une chaise en bois, les mains attachées dans le dos, les pieds liés et une cagoule sur le visage. En parcourant du regard le reste de la cave, je trouvais deux autres petites lampes accrochées aux murs et je les allumais, permettant à la pièce de se révéler dans son ensemble sous une lumière tamisée mais stable. Contre un mur, une table avait été rangée ainsi que plusieurs chaises. Je m’en saisis d’une et la posais face au prisonnier qui j’étais des coups d'œil aveugles en tous sens, cherchant à deviner ce qui se passait autour de lui.

Sans un bruit, je me dirigeais dans sa direction, puis, le contournant, je posais mes mains sur ses épaules et en approchant ma bouche de son oreille, je dis d’une voix basse et calme :
- « Schloesing, ton protecteur, est à l’origine d'un trafic lucratif entre la Lustrie et le vieux monde, je me trompe ? Dis-moi, quels sombres petits secrets un proche collaborateur comme toi connait-il ? »
- « Cette... Cette voix. Tu es la fille de la Corne d'Or ?! Mais qu'est-ce que je t'ai fait bon sang ? » glapit-il d’un ton plaintif.
Je restais un moment silencieuse suite à sa réponse, maudissant mon manque d’attention et de mémoire alors que je me rappelais soudain ma première rencontre avec le maître des douanes et surtout, le jeune homme discret qui l’accompagnait et qui répondait au nom de Romuald. Comment avais-je pu l’oublier et ne pas faire le rapprochement avec celui qu’Alessandra m’avait demandé de capturer ?

Puisqu’il me connaissait, il était désormais inutile de lui laisser son sac en jute sur la tête et je lui enlevais donc d’un geste violent mais rapide après m’être déplacée face à lui. Ses yeux s’écarquillèrent de terreur à la vue de mon visage et de mon corps couvert de sang et de peintures, mais aucun son ne franchit ses lèvres. Comme je lui souriais, il chercha du regard une échappatoire ou une personne moins effrayante dans la pièce et l'abattement fut lisible sur ses traits lorsqu’il parvint à la conclusion que nous n’étions que tous les deux dans la cellule.
- « À moi, rien. En revanche, tu t'es associé à des personnes qui m'ont fait du mal. Je veux savoir tout ce que tu sais sur l'organisation de Schloesing et Felipe Ravera del Cruz et leurs affaires dans le nouveau monde. Tu m'as vu dans la jumelle, tu sais donc que j'aime cogner, alors je te conseille de ne pas jouer au bon soldat, personne ne viendra te chercher ici. »
- « Je ne sais quasiment rien. Schloesing travaille ici depuis des décennies. L'autre ? Je l'ai à peine croisé je... » répondit-il en tremblant.

Je l'interrompis d’un geste du doigt avant de m’avancer dans sa direction et de m'asseoir sur ses cuisses, face à lui, nos visages à quelques millimètres l’un de l’autre, ma poitrine serrée contre son torse et mon ventre touchant le sien. Je passais une main dans ses cheveux derrière sa nuque en murmurant :
- « Chuuuuut, calmes toi mon beau, tant que tu te montres coopératif, tu ne risques rien avec moi. »
- « Pitié, je le jure, je ne sais rien qui pourrait t’intéresser… » sanglota-t-il le visage dans mon cou alors que je me pressais encore plus contre lui, bougeant mon corps lentement afin de le déboussoler totalement. Malgré sa situation périlleuse, je sentis son entrejambe réagir quelque peu et cela me tira un rire sarcastique.
- « Hé bien, visiblement il n’y a pas qu’offrir ton cul au vieux Schloesing qui t’excite » dis-je en descendant ma main jusqu’à son sexe pour en éprouver la raideur.
- « Je t’en supplies, relâches moi je ne dirais rien à qui que ce… »
Je l'interrompis d’un coup de tête en plein visage qui le laissa sonné alors que du sang coulait de son front.
- « Ecoutes moi bien enfant de putain, tu va finir par parler, sinon je te garanti que je te ferai sauter tes quatre dents de devant, au moins ça te sera utile pour continuer d’avaler des queues ! » Explosais-je tout en lui envoyant un revers de la main dans la joue. Je me redressais alors que la colère s’emparait de moi, enflammant mon corps. Cet enfoiré finirait par parler, j’en étais sûr, même s’il semblait pour le moment avoir encore assez d’espoir ou de force de caractère pour résister. Je savais pour l’avoir subi dans la cale du navire qui m’avait arraché de ma terre natale que l’on pouvait tenir longtemps sous la torture. Une des astuces consistait à se concentrer sur ce qu’on veut bien dire, plutôt que sur ce que l’on refuse de révéler. J’avais entendu parler d’hommes qui continuaient de répéter sans cesse la même phrase, bien longtemps après qu’ils n’aient plus étaient en état d’entendre les questions. En se focalisant sur ce qu'on accepte de dire, on a moins de chances de laisser échapper ce qu'on ne veut pas avouer.

Le pauvre Romuald Horstadt était maintenant prostré sur sa chaise, la tête penchée vers le sol tandis qu’un filet de sang coulait par terre. Avec de l’élan, je lui envoyais un coup de genou dans le ventre, lui coupant le souffle, puis en poussant du pied sur son épaule, le fit tomber sur le côté, entraînant la chaise avec lui. Il remua et réussit à se mettre sur le dos et je vins m'asseoir les jambes autour de son cou, mon ventre et ma poitrine dominant son visage tuméfié.
- « Je… je suis en enfer ? » couina-t-il lamentablement.
- « C’est à ça que ça ressemble l’enfer pour toi ? » demandais-je en me penchant sur lui.
Alors qu’il ne s’y attendait pas, je l’embrassais avec fougue, puis, mordant sa lèvre, j’en arrachais un morceau de chair en lui tirant un cri de douleur. Crachant le petit morceau de peau un peu plus loin, je me léchais les lèvres pour me débarrasser du sang chaud qui coulait dessus, puis je me redressais et, après un dernier coup de pied dans les côtes, je m’éloignais en le laissant par terre, lançant par dessus mon épaule :
- « La nuit a été courte, prends quelque temps pour réfléchir, je reviendrai te voir demain et j’espère que tu seras prêt à répondre à mes questions. »
- « Sorcière ! SORCIERE !! » cria l’homme dans le noir pendant que je grimpais l’échelle me ramenant vers la surface.

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Modifié en dernier par Nola Al'Nysa le 04 avr. 2024, 11:31, modifié 1 fois.
La vie est un chemin qui se parcourt dans un seul sens. On peut choisir sa destination, réfléchir quand on arrive à une intersection, ralentir, accélérer, décider de ne plus refaire les mêmes erreurs, mais on ne revient jamais en arrière.

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Re: [Nola Al'Nysa] Bien loin de chez nous

Message par [MJ] Le Roi maudit »

Il leur fallut bien la journée pour se remettre de tout ça. L'épuisement des combats, les blessures, tout le reste... En quelques jours, l'Amazone avait mis son corps à rude épreuve. Sa comparse était, elle aussi, épuisée. Les stigmates à ses poignets étaient encore rouges, ceux de son esprit, encore vifs. Le soir venant, c'était avec une faim d'ogre qu'elle dévora la maigre collation que leur apporta Kidd. Puis, pensive, elle regardait la ville et ses faubourgs dans la nuit, avec les milliers de torches pareilles aux lucioles de la jungle. Ce qu'elle avait connu de ce nouveau monde, c'était la violence de la captivité, l'abus et la misère. Mais ce soir, elle le découvrait d'un oeil nouveau.

Désireuse de se dégourdir les jambes malgré sa hanche encore douloureuse, Nola descendit à l'étage d'en dessous. La Gantière coupait des légumes. Leur propre repas ayant déjà été servie, elle pouvait en déduire que c'était pour l'invité du sous-sol. Ce fut l'Amazone qui rompit le silence :
"Je pense avoir dévoilé beaucoup de chose à mon sujet et vous avoir prouvé ma fiabilité Alessandra. Avant de vous dévoiler mes projets, j'aurais besoin d'en savoir plus sur vous, quel rôle jouez-vous dans cette cité ? Quel est votre vraie activité ? Et ne me parlait pas de la vente de gants, je ne vous ai pas vu à votre atelier une seule fois depuis mon arrivée à Myrmidens !"
La Tiléenne ne put s'empêcher une pique, amusée : "Il faut dire qu'en journée, vous dormez ou courrez les bas-fonds. Mais comme je vous l'avais dit. Je mène mes affaires. Et comme toutes affaires, j'ai des rivaux, des partenaires, des alliances à nouer ou à délier."
Appuyant ses deux mains sur le plan de travail et plantant son regard dans celui de leur logeuse, Nola lui adressa un petit sourire, visiblement amusée par son humour acide "pourquoi ne pas cesser ce petit jeu ? Ce que je veux dire, c'est qu'une association nous serait bénéfique à toutes les deux. Arrêtez de vous cacher derrière votre masque mystérieux, vous n'avez rien à craindre de moi."
"Nous sommes déjà associées. Vous m'avez permis de mettre Schloesing dans une position plus qu'inconfortable, ses meilleurs douaniers gisent aux jardins de Morr ou à l'infirmerie, un des navires de la guilde des Marchands a été dérobé avec les dernières richesses de Matorca et..." Elle fendit un navet en deux. "Nous avons un otage. En contrepartie, vous avez eu votre vengeance et votre amie."

Nola posa une main sur le poignet d'Alessandra, un geste d'une douceur dont elle ne faisait que très rarement preuve. Il y avait chez la gantière quelque chose qui l'intriguait et lui donnait envie d'en savoir plus. Une force de caractère qu'elle devinait être le fruit de dures épreuves et de profondes blessures ainsi qu'une intelligence doublée d'un tempérament réfléchit qui faisait d'elle quelqu'un de charismatique. "Justement, n'est-ce pas l'occasion de pousser notre avantage ? Vous vous mettez définitivement vos ennemis hors d'état de nuire, moi, je détruis jusqu'à la racine le trafic de Schloesing et ses amis entre Myrmidens et ma terre."
Elle prit le temps de la réflexion. "Cela engage des forces qui nous dépassent. Schloesing n'est pas l'autre joueur dans cette partie d'échecs, il est une des pièces maitresses, mais ceux d'en face. Ils sont puissants. Plus puissants que cette ville même."
Hochant les épaules et libérant le poignet de la vendeuse pour attraper un morceau de légume cru et le porter à sa bouche, l'amazone se contenta de dire "c'est vous-même qui disiez qu'un grain de sable pouvez enrayer une machine aussi puissante soit-elle." puis se détournant pour regarder par la petite fenêtre les gens qui défilaient dans la rue, elle ajouta : "Si vous ne voulez pas m'en dire plus sur vous, je le respecte."
Tandis que Nola découvrait le plaisir du panais cru, Alessandra regarda à la fenêtre à son tour. "Qu'avez-vous en tête pour enrayer la machine de guerre ?"
Sans se retourner, la jeune guerrière lança par-dessus son épaule "je comptais sur votre aide et vos connaissances pour mettre sur pied un plan digne de ce nom, mais comment se fier à quelqu'un dont on ne connait rien sinon quelques bribes de son passé."
"Cela ne m'a pas dérangé pour le faire avec vous." Elle se retourna, un air supérieur sur le visage, avant de développer. "Que voulez-vous savoir de plus ? Vous connaissez mon passé, mes associés. Mon rival. Vous logez chez moi."
Se retournant brusquement, Nola se laissa emporter "Est-ce vraiment cela votre but ? Développer votre entreprise, vaincre vos rivaux ? Et rester seule, recluse dans une boutique de gants de Myrmidens ? Je pensais qu'au fond de vous, la flamme de la vengeance brûlait encore, que ce que vous faisiez, c'était pour venger votre bien-aimée, votre Hélène. Que vous recherchiez toujours l'homme au pistolet jumeau de celui que vous possédez ici même ! Je pensais que c'était simplement cela qui vous avez conduite à Myrmidens et à faire toutes ses intrigues." Comme elle s'arrêtait pour reprendre son souffle et se calmer, elle conclut simplement "Je croyais que tout cela était plus qu'une simple guerre de territoire entre rivaux, mais j'ai dû me tromper..."
"La vie est souvent décevante. Nous grandissons, bercées par les exploits des héros de jadis. On écoute ceux qui scandent un monde meilleur, un monde plus juste. On se berce et on espère, on espère, on espère jusqu'à ce que tout se ramène à la morne réalité de notre quotidien. Alors, on se contente de sauver ce qui peut l'être. Il est trop tard pour Hélène. Mais il n'était pas trop tard pour votre amie. Et il est peut-être encore temps de mettre une grosse poignée de sable dans les rouages. Qu'en dites-vous ?"
"J'en dis qu'à nous deux, nous allons mettre à genoux ces chiens." s'exclama Nola avec un sourire glacial "Et surtout, qu'il n'est pas trop tard pour votre vengeance."


Ce fut dans la matinée du lendemain qu'elle retourna à la cave. Romuald était toujours là. Toujours enchainé. Il leva péniblement la tête. "Toi..."
"... Moi." dit-elle simplement en s'avançant vers lui dans la semi-pénombre de la pièce. L'homme semblait avoir bénéficié de soins sommaires depuis sa dernière visite, mais ses traits étaient tirés par l'angoisse et la fatigue. S'arrêtant devant la chaise ou il était attaché, l'amazone sortie sa dague d'un geste nonchalant et fit mine d'en examiner le tranchant "As-tu réfléchi depuis notre dernière rencontre ? Est-ce que tu te sens enfin prêt à me donner des informations ? Je demande cela pour ton bien évidement."
Il opina du chef, elle ne bluffait pas, il le sentait.
« Dernière chance » dit-elle en raffermissant sa prise sur le doigt « Qui tire les ficelles du trafic que le vieux Schloesing fait tourner à Myrmidens ? Combien de navires font les aller-retour entre ici et le nouveau monde ? Où sont stockées les marchandises avant d’être vendu ? »
Il déglutit "Des gens haut placés, je ne les connais pas mais... Mais ils ne vivent pas ici. Ils sont en Estalie, en Tilée. Mais pas, pas ici. Les navires, y en a. Pas mal. Mais il y a eu une tempête y a deux ou trois ans. Plusieurs ont coulé. Les marchandises étaient à la cale ou sur les quais. Je sais rien de plus. Sauf... Si. L'un des grands chefs s'appelle Felipe Ravera del Cruz."
Elle appuya plus fort sur son arme, faisant couler un très mince filet de sang le long de l'index sale de son prisonnier "Tu vois quand tu veux. Et ce Felipe, tu sais où l'on peut le trouver ? D'ailleurs, on a découvert une jeune femme d'origine étrangère dans les cales du Sangre Azul. Tu sais s'il y en a d'autres ici à Myrmidens ?"
"Felipe n'est pas ici. Il est reparti il y a quelque temps. Mais il a des amis dans la vieille ville." Il hoqueta un peu. "Des filles ? Y en a tout plein qui passe. C'est un port. Il y a de tout ici. Des Estaliennes, des Tiléennes, des Impériales. Y a même une Arabéenne à la Corne d'Or."
Visiblement satisfaite de ces réponses, elle se redressa, libérant du même coup le doigt de l'infortuné Romuald de la menace de son couteau, puis, elle s'approcha de lui et lui ébouriffa les cheveux d'un geste anormalement amical. "Tu vois quand tu veux..." dit-elle avant de se détourner vers le petit escalier menant à l'extérieur de la cave exigüe. Alors que son pied était déjà posé sur la première marche, elle se retourna une dernière fois pour demander "Au fait, connais-tu quelqu'un qui se fait appeler l'homme doré ?"
"Va... Au... Diable."
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Nola Al'Nysa
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Re: [Nola Al'Nysa] Bien loin de chez nous

Message par Nola Al'Nysa »

Je passais les jours qui suivirent à tourner en rond, comme une panthère en cage. Une fois passé les deux premières journées à profiter d’un repos amplement mérité, l’inactivité commença petit à petit à me rendre folle et le plaisir que semblait prendre mes amis à cette longue période de calme ne faisait qu’augmenter mon inconfort et ma frustration. Par trois fois, je descendis trouver Alessandra pour lui exposer des plans d’actions afin de mettre la main sur Schloesing, mais à chaque fois, elle m'opposa un refus ferme et catégorique de mettre le nez dehors.

Je lui proposais d’organiser une rencontre avec le maître des douanes afin de lui échanger notre captif contre des informations, mais elle se contenta de me rire au nez, arguant que Romulad Horstadt était notre seule garantie de ne pas subir de perquisition de la part des sbires du vieux Schloesing. Je lui proposais alors de simplement le rencontrer seule, avec la garantie qu’il n’oserait rien faire contre moi tant que son petit protégé était en notre possession, mais à nouveau, elle refusa net, car elle n’avait pas confiance en l’homme et redoutait ses ruses. J’eus beau argumenter, m'énerver, menacer de sortir de force, rien n’y fit et Kidd vint se ranger à son avis, achevant de m’exaspérer.

J’essayais donc de m’occuper l’esprit par tous les moyens que m’offrait cette convalescence forcée dans la petite maison d’Alessandra. Avec la gantière, Chuji, Kidd et Romuald dans la cave, la bicoque pourtant agréable et confortable semblait étroite et c’est finalement notre prisonnier qui s’en sortait avec le plus d’espace pour vivre, bien que le confort ne soit pour lui pas au rendez-vous.
Les journées se déroulaient toutes selon le même planning, me rappelant par certains aspects les longues semaines de traversées, le roulis des vagues en moins. Chaque matin, nous nous levions avec les premiers rayons du soleil. J’occupais avec Chuji un lit simple mais plutôt confortable tandis que Kidd dormait sur un matelas à même le sol, en chien de fusil devant la porte du petit débarras nous servant de chambre. Au début, ma sœur avait eu du mal à trouver le sommeil avec un qharis dormant dans la même pièce que nous, mais elle avait finalement fini par relâcher sa vigilance après les deux premiers jours. Nous faisions ensuite un brin de toilette sommaire avant d’aller déjeuner en compagnie d’Alessandra dans la petite pièce à vivre cachée derrière un rideau dans le fond de sa boutique. Ensuite, Kidd aidait la gantière à tenir sa boutique pendant la matinée tandis que Chuji poursuivait sa convalescence, me laissant seule pour me trouver de l’occupation. Je commençais donc toujours par descendre apporter un maigre repas à Romuald, repas qu’il prenait en silence, sans oser me regarder. Puis, je profitais que tout le monde soit occupé pour faire une à deux heures d’exercice, alternant les étirements, les phases de gainage et les mouvements de renforcement musculaires. Je ne m'arrêtais pas tant que je n’étais pas couverte de transpiration et essoufflée.

Ensuite, après m’être lavée, j’aidais à la préparation du repas de midi, puis venait le moment de la journée que je préférais. Vers le début d’après-midi, quand Kidd et Alessandra étaient accaparés par l’affluence la plus importante de la journée, je trouvais un moment de sérénité dans la petite cuisine ou, par la lucarne perçant le plafond, le soleil venait réchauffer le centre de la pièce. Allongée sur une chaise, les pieds sur la table, je m’accordais une sieste aussi superflue qu’agréable. Puis j’occupais la fin de journée à discuter avec Chuji de notre pays natal, de nos tribus respectives et à faire des plans sur le meilleur moyen de retourner chez nous. Une fois, la conversation dériva jusqu'au capitaine Merker dont elle apprit avec un grand plaisir le sort que je lui avais réservé après qu'elle ait elle-même tenté de le tuer quelques semaines plus tôt. Le soir, je jouais aux dés et aux cartes avec Kidd et Alessandra. Dans ces moments, la gantière laissait parfois tomber son masque de sérieux et en de trop rares occasions, un sourire franc et magnifique se dessinait sur ses traits, avant de disparaître presque aussi vite. Le quatrième jour, je décidais d’enseigner à mes compagnons le jeu des cailloux que m’avait montré dame Mathilde lors d’une soirée pas si lointaine, et qui me paraissait pourtant dater de plusieurs années, dans le château du Duc D’Ambrandt. Si Kidd était un bon joueur, Alessandra se révéla rapidement être une adversaire redoutable à la logique implacable et, si je remportais les premières parties grâce à mon instinct de guerrière, elle prit vite le dessus et je ne réussis plus jamais à la battre, au point que, boudeuse, je finissais parfois par aller me coucher en laissant le jeu en plan.

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Alessandra et Kidd
La plupart des gens auraient apprécié cette vie simple que nous menions, mais pour un esprit libre et sauvage comme moi, l’inaction était comme un poison qui me rongeait de l’intérieur. Un soir, alors que j’étais occupée à découper ce qui semblait être un gros navet, une question anodine de Kidd demandant à quel jeu je voulais que nous jouions après le dîner me fit exploser. Pivotant sur moi-même, je projetais le couteau avec lequel je découpais le légume dans une poutre en bois ou il se planta à quelques centimètres du visage du gamin. Ce dernier devint si blême qu’on aurait dit que sa chevelure rousse était en feu et il déguerpit de la cuisine en moins de temps qu’il n’en fallait pour dire “abordage”. Alors que je luttais pour retirer l’arme plantée dans le bois, Alessandra entra dans la pièce, les pommettes rouges de colère :
- « Qu’avez-vous fait à ce pauvre gamin ? » siffla-t-elle entre ses dents.
- « Un simple accident » dis-je en marmonnant « le couteau m’a échappé des mains »
- « Le couteau vous a… » elle se campa devant moi, les deux bras croisés sur sa poitrine « tu te moques de moi Léna ? »
- « Je n’oserai pas » dis-je avec un ricanement.
- « Il est peut-être temps de t’accorder une sortie, avant qu’il y ai un vrai accident » poursuivit-elle l’air pensive, sans tenir compte de mon intervention « tu disais que Horstadt avais évoqué une arabéenne œuvrant à la corne dorée c’est bien ça ? Pourquoi ne pas aller constater cela par nous-même ? »

Cette proposition eut raison de ma colère et je commençais immédiatement à réfléchir à la proposition de mon associée. Se rendre à la corne dorée était certes tentant, car je devais reconnaître que la tentation d’éclaircir cette piste était grande, mais ce n’était pas sans risques, bien au contraire. C’était dans cet établissement très prisé de la petite bourgeoisie de Myrmidens que j’avais rencontré Schloesing la dernière fois, et le risque que lui ou l’un de ses hommes s’y trouve et me reconnaisse me faisait hésiter sur la marche à suivre.
- « Ce serait un peu comme se jeter dans la gueule du loup non ? » dis-je en réfléchissant à haute voix.
- « Rien ne t’obliges à entrer, tu peux guetter les sorties… »
Elle avait raison, il fallait que j’en aie le cœur net. Je décidais donc qu’après le repas, j’irais jusqu’à la corne dorée avec Kidd et que, tandis que je me dissimulerai dans le noir à proximité de la taverne, le gamin irait jeter un œil à l’intérieur pour voir s’il reperait quelqu’un susceptible de correspondre à une femme de mon peuple. Avant cela en revanche, j’avais besoin de m’entretenir avec Romuald au sous-sol, afin d’avoir quelques informations complémentaires. Cela faisait un moment que je n’avais pas eu à l’interroger, mais lorsque j’allumais la lampe à proximité de lui, je me rendis compte que nos récentes entrevues ne l'avaient pas laissé indemne. Ses lèvres étaient fendues, sanguinolentes, ses flancs marbrés de contusions en train de bleuir, sa tête ballottait d'un côté à l'autre et son visage boursouflé était méconnaissable. Bref, il ressemblait à un homme prêt à parler. Une grande gifle le tira de sa torpeur :
- « Toi qui est un habitué des lieux, dis m’en plus sur l’arabéenne de la corne dorée. »
- Il poussa un grand cri. « Mais j'ai déjà tout dit bon sang... » Le pauvre douanier puisa cependant dans sa mémoire. « C'est une grande brune avec des boucles. Des fois elle chante dans sa langue mais souvent elle fume avec des officiers. Je l'ai juste croisé quelques fois... »
- M'essayant sur ses jambes, face à lui, je sortis ma dague et la plaçait juste sous son œil, enfonçant légèrement ma dague contre sa paupière inférieure « Elle est là-bas tous les soirs ? Qui est son maître ? Tu connais son nom ? »
- Un second cri, de peur. Les pas précipités d'Alessandra en approche. « Je n'sais pas ! Je n'sais pas ! C'est... C'est. Yasmina. Oui. Yasmina ! »
- « Brave bête » dis-je en lui caressant les cheveux avant de déposer un baiser sur ses lèvres blessées.
Je me relevais et croisais le regard désapprobateur d’Alessandra tandis que je rangeais mon arme et me dirigeais à pas tranquille vers la sortie.

Quelques heures plus tard, je sortais enfin à l’air libre, par une nuit fraîche mais claire. La lune était bien ronde et de nombreuses étoiles brillaient dans le ciel nocturne. Accompagnée de Kidd, je pris la direction de la corne dorée. Pour l’occasion, nous avions habillé le jeune garçon comme un vrai petit notable et il semblait aussi mal à l’aise dans cette tenue que je ne l’avais étais lors du banquet au château du Duc. Pour ma part, j’avais revêtu ma tenue habituelle et, armée de mon arc, j’essayais au maximum d’éviter d’attirer l’attention, ce qui était simple au vu de l’activité qui régnait dans les rues par cette belle nuit. Dans l’avenue menant à la corne dorée, de nombreux établissements plus modestes s'alignaient, laissant sortir de leurs entrailles des odeurs de bières et de nourriture ainsi que des cris et des chants. Dehors, assis sur des longs bancs de bois et fumant la pipe, des badauds poursuivaient leurs conversations à la fraîche. Des marchands à l'air grave se querellaient avec leurs collègues sur le prix des marchandises et les taux de crédit. Des marchands à l'air moins grave pinçaient le postérieur des filles qui distribuaient la bière et la liqueur. Les imbéciles des quartiers pauvres feignaient d'être bien informés sur les derniers ragots. Les putains cherchaient à plaire aux hommes qui avaient de l'argent, et à décourager ceux qui n'en avaient pas. Charretiers, ouvriers, artisans et pêcheurs buvaient comme si l'interdiction de cultiver le houblon devait être publiée dès le lendemain.

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En arrivant en vue de la grande porte surveillait par deux gardes, je saisis Kidd par l’épaule pour l’attirer sous un porche et je lui murmurais :
- « Une fois à l’intérieur, fais pas de conneries, cherche à voir Yasmina de tes propres yeux, et si jamais tu arrives à lui parler, dis lui ceci : agahe minoka bea »
- « Qu’est-ce que ça veut dire ? » fit-il en répétant plusieurs fois la phrase pour la mémoriser.
- « Salutation fille de la jungle »
- « Et comment je peux la reconnaître ? » demanda le gamin
- « On se ressemble toute à notre manière, essayes de penser à moi et… »
- « … ça je peux le faire sans mal ! » me coupa-t-il avant de s’empourprer.
Je lui mis une claque derrière la tête avant d’ajouter :
« Je vais me poster sur un toit, ne te fais pas repérer, ressors si tu n’arrives pas à la trouver ou à entrer en contact avec elle. Je te couvrirai de là-haut. En revanche, une fois à l’intérieur, tu es seul... »
Modifié en dernier par Nola Al'Nysa le 04 avr. 2024, 11:32, modifié 1 fois.
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Re: [Nola Al'Nysa] Bien loin de chez nous

Message par [MJ] Le Roi maudit »

Perchée sur les toitures rapprochées et hasardeuses des vieux quartiers populaires de la ville, l'Amazone eut tout le temps du monde pour penser. À sa vie dans la jungle, à sa vie avec Syrasse. À ces dernières semaines si intenses et terribles. Combien de morts ? Combien de vivants ? Combien d'inconnus dans l'équation qu'elle devait résoudre ? Trop, tellement trop. Et il n'en manquait qu'une.

Les dernières lueurs du jour cédèrent leur place à celles de la nuit. Les flammes des torches, des lanternes, le bruit de l'huile, du bois, de tout ce qui se consume pour séparer les hommes de leur plus grande peur : Les Ténèbres.
Et le ciel fut noir, noir comme au cœur de la jungle quand Kidd réapparut. Même Nola avait commencé à dodeliner de la tête. Silencieuse comme une ombre, elle l'accompagna de là-haut. Jusqu'à s'assurer qu'aucun indésirable ne soit dans son sillage. Avec précaution, elle le rejoignit pour un compte-rendu :
"Mauvaise pioche. Yasmina est bien Arabéenne."
Elle resta un moment interdite, le temps de digérer cette désillusion, puis elle demanda « au moins, nous en avons le cœur net. As-tu entendu parler du Sangre Azul ou de quelque chose susceptible de nous intéresser ? »
"Ils ont surtout parlé de l'attaque sur les quais. Mais je pensais, en trainant l'oreille. Et ce que je sais. Si l'une de tes sœurs est en ville. Elle a de la valeur. Non ?" Il désigna du coude l'ombre de la vieille ville plus loin, juchée sur Myrmidens comme le joyau d'une bague en toc. "Et où l'on mettrait un objet de valeur ?"

L’air sombre, elle hocha la tête « c’est ce que je voulais éviter. Là-haut, ce n’est pas notre monde, et y pénétrer sera difficile. Et ensuite ? Par où commencer ? On ne va pas fouiller chaque maison de chacun de ces culs dorés… »
"Je ne sais pas trop. Il faudrait voir avec Alessandra. C'est elle qui vit ici. Elle doit avoir quelques cordes à son arc pour titiller de l'Aristo'."
Un chat sorti de nulle part les fit sursauter lorsqu’il traversa la rue dans un feulement. Personne ne semblait encore avoir remarqué l’étrange duo discutant à voix basse dans la petite rue sombre.
« Dans ce cas, rentrons avant d’attirer l’attention, nous verrons bien ce qu’en dira Alessandra. »
Sur le chemin du retour, ils purent constater quelque chose. La nervosité des passants qui se pressaient de rentrer, et la tension palpable dans les airs. Depuis le coup d'éclat du Sangre Azul, le Guet avait du faire preuve, peut être pour la première fois de l'Histoire de la région, de zèle. Cela n'incitait personne à s'attarder plus que de raison dans les principales rues de la ville. Pourtant, les dieux aidant ou simple coup de chance, aucune patrouille pour les interpeler. Ils rentrèrent à la boutique où leur logeuse nettoyait les plaies en cours de cicatrisation d'une Chuji toujours un peu revêche.
"Alors, cette excursion a été concluante ?"
Déposant avec douceur son arc contre le mur de la petite pièce, Nola se laissa lourdement tomber sur le banc de bois à côté de sa sœur. Attrapant à son tour un morceau de tissus humide, elle entreprit d’aider Alessandra à laver les blessures terribles qu’avaient laissées sur Chuji les longs mois de mauvais traitement.
« On a perdu notre temps. » déclara-t-elle tout en appliquant avec délicatesse le linge humide sur une plaie particulièrement vilaine « Cette cité est pleines de mystères mais leurs clés à tous semble se trouver dans la ville haute, là où les gens comme nous ne peuvent pénétrer. »
Le contact de sa peau sur le corps de sa sœur ainsi que le son de sa voix sembla l’apaiser, même si cette dernière ne comprenait pas l’échange qui se tenait au dessus de sa tête.
Poursuivant dans sa langue natale, sous le regard ébahi de Kidd qui n’en manquait pas une miette, elle demanda à Chuji « Tu es sûr de m’avoir tout dit au sujet de l’autre captive du Sangre Azul ? Rien ne t’es revenu en mémoire ces derniers jours ? »

L'autre amazone prit un air désolé et secoua la tête. Ses propos étaient la même qu'au premier jour. Les Marins du navire avaient parlé d'une autre fille dans leur genre. À Myrmidens. Rien de plus.
Dépitée, Nola se mordit l’intérieur de la joue pour ne pas laisser percevoir son découragement à sa compatriote.
Elle sentait qu’elle touchait enfin au but de sa quête, que son objectif était à porté de main, et pourtant, dans une cité aussi retorse que Myrmidens, trouver quelqu’un pouvait s’avérer être une mission impossible.
Elle releva son regard froid au couleur de l’océan pour croiser celui d’Alessandra, en quête d’une nouvelle positive.
"Si tu dois te rendre dans la Ville haute il te faut être citoyenne de la ville, ou du moins avoir un laisser-passer produit par un citoyen.Et aussi faire quelque chose pour... Enfin. Voilà." Elle désigna l'Amazone des cheveux aux orteils. "Je dois pouvoir trouver quelqu'un qui te le fournira. Il faudra jouer de prudence et te... Conformer un peu mais au moins tu auras du temps, du temps très précieux et compté, pour fureter là haut."
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Nola Al'Nysa
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Re: [Nola Al'Nysa] Bien loin de chez nous

Message par Nola Al'Nysa »

Il fut donc décidé que je me rendrai dans la haute ville dès le lendemain en compagnie d’Alessandra afin d’y rencontrer l’un de ses clients qui, d’après ses dires, serait en mesure de me fournir les documents nécessaires pour pouvoir y déambuler librement. Après avoir terminé de soigner les blessures de Chuji, notre hôte se prépara à ouvrir son commerce tandis que je me dirigeais vers ce qui nous servait de chambre afin de récupérer de cette sortie nocturne.

Comme les journées précédentes, celle-ci se déroula dans une monotonie accablante et les heures s’égrenèrent avec une lenteur exaspérante. En fin d’après-midi, la gantière s’absenta pour aller régler quelques détails, sans nous donner plus d’informations. Pourtant, quand l’heure du dîner arriva, elle n’était toujours pas rentrée et c’est dans une atmosphère tendue que je m’installais avec Kidd et Chuji autour de la petite table de bois où nous avions l’habitude de prendre nos repas. Enfin, alors que je terminais mon bol de soupe de légumes agrémentée de quelques morceaux de lard en guettant par la fenêtre le retour d’Alessandra ou l’approche de personnes suspectes, celle-ci finit par revenir, les joues rougies par le vent frais du soir mais un sourire sur les lèvres.

Elle s’assit à table et attrapa le bol que Kidd lui tendait, puis, se tournant vers moi, elle déclara :
- « C’est arrangé Léna, demain matin je te conduirais aux portes de la vieille ville pour que tu rencontres l’un de mes clients. Il est peintre et… » elle s’interrompit alors que Kidd pouffait dans son bol « il cherche de nouveaux modèles. Si tu arrives à le convaincre, cela te donnera accès à la cité haute durant plusieurs jours. »
- « Des gens vivent de la peinture ? » demandais-je interloquée.
- « Disons qu’il a les moyens de vivre de ce qui lui plait. Mais il a du talent, enfin tu verras. Après le repas, je m’occuperai de t’arranger un peu. Tu ne vas pas débarquer là-bas dans cette tenue et avec cette tignasse hirsute. » dit-elle en riant.
La fin du repas se déroula dans une ambiance plus détendue. Le petit groupe commençait à bien se connaître et à s’apprécier. Même Chuji qui ne parvenait à comprendre que certaines bribes de conversation se fendit d’un ou deux sourires qui me firent chaud au cœur.

Après avoir terminé de manger, je me dirigeais vers la réserve, emmenant avec moi plusieurs seaux d’eau que j’avais fait chauffer pendant le repas et les déversais dans le grand baquet en bois installé là. Je m’immergeais dans le bain fumant avec un soupir de satisfaction en sentant mes muscles se détendre au contact de l’eau chaude. Sortant ensuite mes jambes pour les laisser dépasser en dehors de la grande bassine, je plongeais mon buste, mes épaules et ma tête sous l’eau. Je restais de très longues secondes ainsi, retenant ma respiration et écoutant les sons déformés qui me provenaient de la rue. Faisant le vide dans ma tête, je me laissais bercer par le bruit sourd des battements de mon cœur qui résonnait à mes oreilles.

Alors que le souffle commençait à me manquer, mais que, par pur défi, j’essayais de prolonger encore un peu mon apnée, quelque chose de froid me toucha un pied avant de se refermer doucement sur ma cheville. Me redressant vivement, dans un mouvement de panique, j’essayais d’essuyer l’eau qui me rentrait dans l'œil afin de voir ce qui était à l’origine de cet étranger contact. D’un bras, je ramenais la masse de mes cheveux en arrière pendant que de l’autre, je m’appuyais sur le rebord de bois du baquet pour me redresser quand je reconnus Alessandra. Je m'arrêtais dans mon élan, à moitié debout dans mon bain, de l’eau jusqu’aux genoux et lui lançais un regard interrogateur :
- « On est nerveuse ? » me demanda-t-elle en riant, tout en déposant la serviette et le savon qu’elle tenait dans ses mains sur un petit meuble d’appoint.
- « Tu m’as fais peur ! » répondis-je avec une moue boudeuse en me rasseyant dans la bassine d’eau chaude.
- « Je suis venu t’aider à te préparer pour demain. Il faut que tu sois impeccable si tu veux pouvoir résider quelque temps la-haut. » dit-elle tout en nouant ses cheveux en chignon sur sa tête.

Alors que je me détendais, elle contourna le baquet pour s’agenouiller derrière moi. Un savon dur dans une main, elle mouillait mes cheveux et les frottait, avec douceur et régularité, pas découragée par la masse de boucles noires qui s’offrait à elle. À un moment, elle commenta à voix basse pour elle-même : « une chevelure superbe mais qui ne supporte pas d’être domptée ».
Ensuite, elle me frotta le dos avec une brosse à poils durs tandis que je faisais de même avec mes bras et mes jambes. Attentive au moindre détail, elle examina mes ongles et mes oreilles, à tel point que j’avais l’impression d’être une jument de belle lignée qu’on préparait pour une vente aux enchères. Enfin, bien après que l’eau du bain ne soit devenue froide, elle sembla satisfaite. Rangeant ses affaires, elle passa près de moi et laissa ses doigts fins courir le long de ma cuisse. Avec un petit sourire en coin, elle dit « comment une personne avec une vie aussi chaotique peut-elle avoir une peau aussi belle et douce ? » murmura-t-elle.

Comme je sortais de l’eau et entrepenais de me sécher, elle attrapa une robe simple, mais qui me semblait de bonne facture et s’approcha de moi. Tendant le vêtement devant elle à bout de bras, son regard fit plusieurs aller-retour entre moi et la tenue, son œil expert sembla mesurer les retouches potentielles à faire. D’une belle couleur ocre, la robe légère avait un style original. Sans manche, elle venait s’enrouler autour du cou tandis qu’un large losange laissait la poitrine libre. Étant pourtant peu amatrice de ce genre de tenue dont je ne comprenais pas l’intérêt, je fus pour le moins charmée par la simplicité et la beauté du vêtement : « cela fait longtemps que je ne l’ai pas portée » dit Alessandra, l’air songeuse « tu une poitrine moins généreuse que la mienne, mais tes épaules et ton dos sont plus musclés » poursuivit-elle en tournant autour de moi « comme tu n’es pas beaucoup plus grande que moi, quelques retouches devraient suffire pour que cela t’ailles à merveille ! ».

Une fois les derniers détails réglés, elle quitta la pièce et j’en fis de même quelques instants plus tard. Je dormis bien cette nuit-là bien que je me sois déjà reposée une bonne partie de la journée et le petit matin me trouva en forme et volontaire, prête à attaquer cette nouvelle journée et la plongée dans l’inconnu qui allait avec. Après un solide petit déjeuner, je montais retrouver ma sœur pour lui expliquer que je risquais d’être absente quelque temps et qu’elle ne devait pas craindre de s’en remettre à Kidd et Alessandra. Peu emballée par le projet, elle eut néanmoins le bon goût de ne pas faire d’histoire, comprenant que je faisais cela pour essayer de découvrir si une autre amazone était retenue captive près d’ici. Ensuite, je retrouvais Alessandra qui s’évertua pendant de longues minutes à coiffer mes cheveux pour leur donner un aspect plus conventionnel, puis qui m’aida à enfiler la jolie robe ocre aperçue la veille. En complément, elle me laissa porter mes bottes de cuir habituelles, ce qui me rassura un peu dans la perspective d’une fuite potentielle. Après une bonne heure de préparatifs qui mit mes nerfs à rude épreuve, la gantière sembla enfin satisfaite du résultat et me libéra de ses griffes.

Sans plus attendre, je sortis dans la rue en compagnie d’Alessandra, sous le regard inquiet d’un Kidd vexé d’être laissé en arrière. Nous avions rendez-vous avec un homme de confiance du client de la gantière à l’entrée de la haute ville et, n’étant pas en avance, je dus presser le pas pour suivre le rythme imposé par ma guide. Les rues étaient encore assez peu remplies à cette heure matinale et nous progressions avec un bon rythme, remontant des rues de plus en plus larges, bordées de maisons de plus en plus luxueuses en direction de la grande muraille de pierres claires qui entourait la vieille ville de Myrmidens. Après une bonne demie heure de déambulation dans des artères de la cité que je ne connaissais pas encore, Alessandra s’arrêta en vue d’une grande porte dont la herse était baissée et que gardaient deux soldats à l’allure endormie. S'arrêtant sous un porche, elle me saisit le bras et me dit « Je ne vais pas pouvoir t’accompagner au-delà de cette porte. Une fois que tu seras dans la ville, prends sur toi pour te plier un peu aux convenances, évites d’attirer l’attention, et comporte toi avec l'humilité qu’on est en droit d’attendre de quelqu’un comme nous. Derrière ce mur, tu es seule Léna. »

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Elle continua à me prodiguer des conseils alors que nous attendions que les portes de la vieille ville ouvrent enfin. Finalement, dans un bruit de ferraille qui souffre, la herse se leva péniblement, centimètre par centimètre. Alors que nous approchions du corps de garde, emboîtant le pas à la petite foule de personnes ayant patienté tout comme nous jusqu’à l’heure de l’ouverture, un groupe de soldats se positionna au milieu du passage et commença à contrôler chaque personne souhaitant accéder à la ville haute. Alors que nous faisions la queue, Alessandra me glissa « tu me laisses parler d’accord ? » et j'acquiesçais d’un signe de tête imperceptible. Quand enfin notre tour arriva, celui qui semblait être le commandant des gardes nous demanda d’un ton bourru :
- « Faites voir vos documents. »
- « Nous n’en avons pas » répondit Alessandra avec son plus beau sourire « nous avons rendez-vous avec un serviteur de Gianni di Pontereschia ce matin. »
- « Si vous n’avez pas les documents, vous n’entrez pas. Mettez vous sur le côté vous retardez les honnêtes gens. »
- « Je m’en occupe sergent » le coupa une voix nasillarde derrière l’homme d’arme. « Dame Léna je présume ? Veuillez me suivre s’il vous plaît. »
Je lançais un coup d'œil interrogateur au militaire, mais ce dernier semblait s’être désintéressé de moi dès que l’autre homme était arrivé. Après avoir brièvement serré Alessandra dans mes bras, j’emboîtais le pas au petit homme richement vêtu et dont le crâne dégarni brillait de sueur sous le soleil déjà chaud de la matinée.

Il me guida à travers un dédale de riches demeures joliment décorées, sur des rues en dalles blanches, parfaitement régulières et bien entretenues. Il me fit traverser une place bondé de commerçant aux étales chargées de produits magnifiques en tout genre sans arrêter de me parler mais, entre le bruit de la foule, les aboiements des compagnies de la milice qui sillonnaient le vaste échiquier de la place et le bruit des drapeaux qui surmontaient les différents petits palais et dont les plis claquaient au vent, c’est tout juste si je parvenais à entendre la voix frêle de mon guide. L’homme entra ensuite dans un parc verdoyant ou d’étranges oiseaux se pavanaient mollement sans prendre peur lorsque nous passions à côté. Après un enchaînement de jardins, d’escaliers et de petites places ombragées, nous arrivâmes devant une bâtisse qui à mon sens tenait plus du palais que de la simple demeure. Passant devant les soldats qui en gardaient l’entrée sans leur jeter un regard, le petit homme me précéda dans un nouveau dédale de pièces richement meublées et de couloir couvert de tapis épais et moelleux. Enfin, après avoir traversé plusieurs vestibules, il s’immobilisa devant une porte de bois sculptée dont les motifs représentaient diverses créatures que je ne reconnaissais pas. Il me fit signe de rester là où j’étais puis entrouvrit la porte et disparut derrière.

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Après plusieurs minutes, il réapparut et ouvrit grand les deux battants de bois puis il m’ordonna de le suivre. Je pénétrais donc dans un salon dont la taille était si grande qu’on aurait sans aucun doute pu y loger tout l’équipage de l’Aslevial sans aucune difficulté. D’épais coussins étaient disséminés un peu partout, entre des banquettes à l’allure confortable au milieu desquelles trônaient des pichets de vin dorés. Une large baie vitrée offrait une vue imprenable sur la ville de Myrmidens et de lourdes tentures colorés étaient pendus sur ses deux côtés. De majestueux meubles en bois laqués ornaient les murs de la pièce et un grand chevalet était installé en son centre. Au fond de la salle, plusieurs grands fauteuils étaient disposés en cercle et sur l’un d’eux, le maître des lieux était assis, me regardant avancer vers lui avec un sourire mystérieux. C’était un homme imposant vêtu de velours noir, ceinturé de fils d’or tressés. Il avait le visage pommelé et de longs cheveux qu’il lissait en arrière. La trentaine passée, il était très beau et imposait un respect naturel que seuls certains hommes ont. En revanche, mon regard fut attiré par ses jambes dont la droite était sectionnée au niveau du genou. Le serviteur trop zélé me fit sursauter lorsqu’il annonça d’une voix forte : « Messire Gianni "Il Basilio" di Pontereschia ».
- « Merci Blaise » dit celui-ci avec un sourire, puis captant mon regard vers sa jambe « vous m’excuserez de ne pas me lever pour vous accueillir comme il se doit madame. »
- « Si vous lui convenez, le Maître vous conviera ici à la même heure chaque jour » poursuivit le petit intendant.
- « Tu peux disposer Blaise » le congédia le dénommé Il Basilio. Puis se tournant vers moi il dit « mettez-vous à l’aise madame, un peu de thé peut-être ? » Sans dire un mot, je me servis une tasse de thé fumant puis je m’assis dans un fauteuil en face de lui. « savez-vous comment cela va se passer ? » demanda-t-il. Je hochais la tête en signe de dénégation « Je vais chercher une posture, une allure qui me plait, et ensuite je coucherai cela sur ma toile. Alessandra n’avait pas menti, vous êtes bien différentes des femmes que j’ai l’habitude de peindre. Il est rare que les femmes d’ici arborent des tatouages, encore moins de si imposant. Et votre cicatrice à l'œil ? Comment est-ce arrivé si ce n’est pas indiscret ? »
- « Un malheureux accident quand j’étais jeune. » dis-je simplement « et votre jambe ? »
- « Un malheureux accident quand j’étais jeune » dit-il avec un clin d'œil. « Léna, vous semblez être une beauté sauvage comme je n’en ai jamais vu. Je sens qu’avec vous, l’inspiration va me venir facilement ! Mais dites-moi, êtes-vous à l’aise dans cette tenue ? »
- « Autant que l’on peut l’être dans un vêtement si peu pratique »
- « Hé bien, je vous en prie, mettez-vous à l’aise, ainsi, je pourrais étudier la proportion entre le modèle original et la toile à décorer, mélanger les couleurs, mettre les dessins à l'échelle…. »
- « Qu’attendez-vous exactement que je fasse ? » demandais-je perplexe.
- « Que vous vous mettiez à nu pour moi, que je puisse sonder votre corps et votre esprit. Rien qu’à voir le bleu intense de vos yeux et la langueur de votre sourire, les poils de mes bras se dressent et un frisson me parcourt. »
- « Vous voulez que je mette nu devant vous ? Il y a erreur je crois, je ne suis pas une catin dont vous allez pouvoir profiter si facilement. » lui lançais-je froidement.
- « Léna, Léna… » me coupa-t-il en riant « Peindre est un acte de possession. La même sensualité attentive devra être accordée à chaque détail, si humble soit-il. Tous sont égaux aux yeux de l'artiste qui peindra avec autant d'amour le galbe d'un pichet que le sein d'une femme. L'amour du peintre est impartial, ne soyez donc pas gênée de vous dévoiler dans votre intimité devant moi. Car c’est les yeux de l’artiste qui vous contempleront et non ceux de l’homme. »

Surprise dans un premier temps, je captais la lueur de défi dans son regard. Après une nouvelle gorgée de thé, je me levais puis, desserrant le nœud derrière ma nuque qui retenait ma robe, je la laissais tomber en cercle autour de mes pieds. Je me retrouvais alors totalement nue devant l’homme, sans en ressentir la moindre gêne, car j’avais toujours fait de ma nudité une force et je connaissais l’attraction que mon corps exerçait sur les qharis.
- « Oh, ce que je vois me paraît encourageant » commenta Gianni en me scrutant avec une lueur de convoitise dans le regard « pouvez-vous vous approcher un peu et tourner sur vous-même ? Ces courbes, mon dieu, décollez les bras de votre corps, parfait ! Ces cicatrices sous votre sein et en bas de votre ventre, encore des accidents de jeunesse ? Cette cuisse musclée, ces pieds délicats… je vois déjà l’inspiration venir en moi. Ramenez vos cheveux en arrière s’il vous plaît, oh… je n’ai pas l’habitude de voir des femmes si musclées, pourtant si sensuelle, qu’elle est votre profession Léna ? Mettez-vous de profil, très bien. Vous êtes différentes de ces femmes fades de la petite noblesse qui veulent se faire tirer le portrait mais ne supportent pas qu’on peigne la réalité. Avec vous, je suis sûr de faire un chef d'œuvre. Tenez, la ! Ne bougez plus ! Vous êtes la couleur qui attend d'être mélangée, la toile qui attend d'être peinte, une scène qui attend d'être immortalisée sous un vernis brillant. Cette petite chaîne à votre oreille, c’est ravissant. Et ces clous dorés qui percent vos seins ? Est-ce une tradition chez les femmes là d'où vous venez ? »


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Je le laissais poursuivre son monologue tout en le scrutant moi aussi. Le bel homme semblait bien à l’aise malgré l’étrangeté de la situation. J’étais sûr qu’il était du genre qui aimait les femmes, leurs courbes, la douceur de leurs peaux. Un homme qui adorait tenir dans ses paumes des seins ronds et lourds. Agripper des hanches généreuses et des tailles fines. Le type d’homme riche et puissant qui voulait culbuter sauvagement ses modèles dans son atelier après avoir passé des heures à les coucher avec ferveur sur ses toiles. Pourtant, jamais je ne baissais le regard et j’étais convaincu que mon assurance devant lui et son œil scrutateur le rendait perplexe, voir même, le perturbait, au moins un court instant. Le soleil provenant de la baie vitrée caressait ma peau d’une agréable manière en faisant briller les petits poils blonds le long de mes jambes et de mes bras. La fraîcheur du carrelage sous mes pieds nus me donnait envie de me déplacer vers l’épais tapis qui agrémentait le sol au centre du salon. Le calme qui régnait dans la pièce créait une ambiance détendue et presque relaxante et je me laissais aller à cet étrange exercice sans vraiment comprendre ce que cela pourrait m’apporter.
Modifié en dernier par Nola Al'Nysa le 04 avr. 2024, 11:33, modifié 1 fois.
La vie est un chemin qui se parcourt dans un seul sens. On peut choisir sa destination, réfléchir quand on arrive à une intersection, ralentir, accélérer, décider de ne plus refaire les mêmes erreurs, mais on ne revient jamais en arrière.

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Re: [Nola Al'Nysa] Bien loin de chez nous

Message par [MJ] Le Roi maudit »

Il Basilio commença dès lors des croquis préparatoires, ne s'adressant à l'Amazone dénudée que pour corriger sa posture. Le temps passa, au son des grattages de parchemin. À un moment, tandis qu'il raffutait ses roseaux, il demanda à la jeune femme : "J'espère que vous ne vous ennuyez pas trop. Les premières étapes sont certes passionnantes pour moi, mais pour le modèle cela reste ennuyeux."
Nola, dont le regard semblait s'être fixé sur un point invisible depuis de longues minutes, fut tirée de sa méditation introspective par la question du peintre. Elle qui était habituée à l'action avait eu dans un premier temps beaucoup de mal à respecter les consignes de Il Basilio et à garder la pose qu'il lui demandait, avant de finalement se réfugier dans son esprit. Sans bouger pour ne pas mécontenter l'artiste, elle esquissa néanmoins un petit sourire "je ne doute pas que cela soit passionnant pour vous" puis, sur un ton plus sérieux, elle demanda "Vous faites cela depuis longtemps ?"
"Mes Précepteurs ont bien tenté de m'y initier dans ma jeunesse, mais j'avoue ne m'y être vraiment plongé qu'à la suite de... Ceci."
D'un geste, il désigna sa jambe droite ou ce qu'il en restait. "J'ai encore tout à apprendre pour approcher le début des talents d'un véritable maitre, heureusement, du temps, j'en dispose. Beaucoup de temps." Son léger soupir fut un peu trop sincère.
Pour une amazone, se dénuder à la demande d'un homme était quelque chose d'inenvisageable. Pour Nola qui commençait à bien connaître l'ancien monde, cela n'était qu'une manière comme une autre d'approcher sa cible et de parvenir à ses fins. Bien que la situation la mettait mal à l'aise, elle l'acceptait sans émotion particulière. Agitant légèrement l'un de ses pieds nus pour éviter qu'il ne s'engourdisse, elle répondit à son interlocuteur d'un ton neutre "Et si vous me racontiez la façon dont cela est arrivé ? Ainsi le temps me paraitrait moins long… "
Gianni afficha un air crâneur : "Vous me parlerez de votre œil à une autre occasion alors. Pour mon cas. Autant remonter aux bases. En ancien tylosi, Basilio veut dire le Roi, le dirigeant, l'Empereur. Cela vous laisse discerner les modestes ambitions de mon illustre famille pour mon avenir." Il recommença à esquisser le corps en tension de "Léna" tout en poursuivant ses explications : "Ma famille, a son influence sur les deux flancs des Appucinis. De Pavona à ici. Mon père, de la branche principale à Pavona donc, a veillé avec mon grand-père et tous les autres à ce que sa progéniture soit digne de son rang, et qu'elle le surpasse, même. Et j'étais doué. Très doué. Un jour, pour nous former à guerroyer, nous avons été envoyés chez nos parents de ce côté-ci. Imaginez la liberté qu'on peut ressentir loin du petit monde citadin de notre foyer. Ici, nous ne faisions que festoyer avec l'Aristocratie de Myrmidens et des autres cités de l'Ouest des Frontalières. Des jeunes loups pleins d'ambitions. Nous chargions l'ennemi à cheval, tous bardés d'acier. Rien à envier aux chevaliers bretonniens dont parlent les bardes. Hélas. À guerroyer." Son regard se perdit au loin, comme s'il repensait à ces champs de bataille que seul son esprit visualisait. "Nous faisions face à quelque troupe. Comme l'idiot aux rêves pleins d'or et de couronne que j'étais, j'ai chargé. Un de leurs hommes a abattu mon cheval, j'ai été culbuté comme un fétu de paille avant de m'écraser. Et là, on m'a brisé la jambe à la masse. On a survécu pourtant, mais de là... Fracture ouverte. Gangrène. Et depuis, mon père m'a laissé au bon soin de notre famille éloignée en espérant bien que jamais, jamais, je ne retourne réclamer quoi que ce soit de l'autre versant des Montagnes."

Nola se mordit l'intérieur de la joue pour se retenir de rire. Cet homme, né avec une cuillère en or dans la bouche, espérait-il l'apitoyer avec son récit ? Elle avait côtoyé des forbans qui continuaient d'écumer les mers et de se battre par nécessité, pour survivre, alors qu'ils étaient encore plus amochés que ce bellâtre qui peignait des femmes nues dans un palais somptueux pour occuper ses journées. Si elle avait appris une chose depuis qu'elle avait été arrachée à sa terre, c'était qu'ici, la flatterie et les faux-semblants régnaient en maître. C'est pourquoi, après avoir ravalé son rire, elle dit d'une voix détachée : " On cache la brebis galeuse du troupeau là où personne ne peut la voir. Il doit être difficile de passer de jeune loup à... ça."
"Oh, ce n'est pas difficile. Je dirais bien que c'est dans l'intérêt général de tout le monde. J'aurais été un ignoble dirigeant. J'aurais suivi les consignes et les actes de mes prédécesseurs. J'aurais écrasé la plèbe sous ma botte sans rien comprendre au monde. Je ne pense pas plus le comprendre désormais, mais m'être fait raboter une jambe m'a inculqué une leçon primordiale : L'Humilité. Regardant ses ocres et ses pigments, il ajouta : "Les Nobles, les Princes, les gens comme je l'ai été et comme je le resterais toujours. Nous ne comprenons rien. Parlez à tous ceux-là mêmes qui vivent ici. Ils ne savent même pas que la moitié de Myrmidens crève la gueule ouverte. Je ne sais rien de vous au-delà de ce que révèle votre corps et votre caractère. Pourtant, et je l'affirme sans aucun doute : vous avez bien plus souffert que moi. Peut-être même autant qu'Alessandra."
Malgré le dégoût qu’elle avait pour ce genre d’hommes, Nola devait reconnaître que celui-ci se montrait plus lucide que ses congénères et que sa conversation était intéressante.
"Chacun fait ce qu’il faut pour survivre, Alessandra et moi avons connu notre lot d’épreuves et de souffrances, mais nous avons su, tout comme vous, nous relever."

Elle hésita sur la suite à donner à la conversation puis se lança : "À quoi occupez-vous vos journées à part la peinture ? Vous ne prenez plus part à aucune entreprise locale ?"
"Je discute avec les notables de la ville, j'essaye de convaincre Blaise de me laisser redescendre voir Myrmidens et la mer, car je suis certes amoindri, mais pas non plus un nourrisson. Je lis aussi. Mais je l'avoue, la plupart des gens de la Vieille Ville sont aussi inintéressants que moi. Si ce n'est plus. Et s'ils sont libres de leurs mouvements, leur tête est coincée dans la cage dorée qu'ils sont heureux d'avoir comme exclusivité."
Elle profita de cette discussion pour changer quelque peu sa position afin de détendre ses muscles tendus par l’immobilité forcée à laquelle la contraignait la position demandée par Il Basilio. Pourquoi fallait-il que ce soit si inconfortable ? Comme il fronçait les sourcils et la voyant modifier sa posture, elle enchaîna : "Moi je pourrai vous emmener voir la mer, elle et moi sommes de bonnes amies. Mais dites-moi, qu’est-ce qui empêche un homme aussi riche de se faire obéir ?"
"Je ne le cherche plus. Je cherche de la sincérité, du vrai. Ici, c'est un monde de masques. De faux semblants. Ce n'est pas pour rien que le théâtre et le bal sont si adorés. Ils aiment l'exotisme, le nouveau, pour se dédouaner de tout ce qu'ils ignorent ici même. Les gens comme vous."
Reprenant sa posture initiale, la jeune femme dit d’un ton provocateur "Vous avez l’air d’apprécier le nouveau et l’exotisme actuellement vous aussi. Mais en fait, quels sont vos liens avec Alessandra ?"
Il leva les bras en rigolant. "Vous marquez un point. Touché ! Je me rends. Il est bien dur d'échapper à sa nature décidément. Puis, un peu plus sérieux : "Elle m'a confectionné quelques pairs de gants. Puis en discutant, nous nous sommes échangés des confidences. Elle connait ce monde mieux que personne et pourtant. Elle fait tout pour ne pas y sombrer. Elle a dû vous raconter pourquoi."
"Oui, plus ou moins, elle n’est pas du genre à s’épancher sur sa vie. Dites, vous recevez souvent des jeunes femmes comme moi dans votre salon privé ?"
"Au risque de vous surprendre. Non." ll haussa les épaules. "Peindre les princesses pourries-gâtées des autres palazzi ne m'intéresse guère. Il faut trouver un modèle qui parle. Qui plait. Qui donne plus que le simple résultat de la peinture sur la toile."

Dire qu’elle comprenait les paroles du peintre en devenir aurait été mentir, elle n’avait jamais eu le luxe de pouvoir s’intéresser à l’art de prêt ou de loin et y était insensible. Néanmoins, elle comprenait que, d’une manière détournée, l’homme la complimentait, ce qui, bien que n’enlevant rien à la mauvaise opinion qu’elle en avait, la flattait quelque peu. En revanche, elle n’était pas sûre de savoir comment appréhender ce bel homme estropié issu d’une famille noble. Quels étaient ses liens avec ses ennemis ? Ou bien était-il au-dessus de tout cela ? Quoi qu’il en soit, elle savait que ses charmes ne pourrait pas la protéger de tout danger, quand bien même, ils semblaient à l’heure actuelle avoir envoûté son hôte.
"Je n’ai pas eu l’occasion de croiser les princesses et les filles de bonnes familles. Dans la cité, les plus belles femmes sont soit des prostitués que les hommes puissants se gardent sous le coude, soit des esclaves étrangères qui sont vendus entre les murs de la vieille ville pour assouvir les envies de vos amis de la noblesse."
Elle espéra, un peu tard peut-être, que Il Basilio ne percevrait pas la tension rageuse dans sa voix et elle lui adressa un sourire charmeur pour adoucir ses propos.

Le visage du noble se décomposa, comme s'il venait de boire un jus particulièrement amer. Il reposa son matériel de peinture avant de soupirer. Puis, prenant ses béquilles, il se redressa, attrapant le manteau d'intérieur qui trainait sur le sofa le plus proche, il tituba jusqu'à l'Amazone. "Enfilez-ça, j'ai assez des croquis pour cette séance. Asseyez-vous, vous l'avez mérité." Il regarda la pièce autour d'eux, puis s'arrêta sur Léna : "Nous ne venons pas du même monde. Je sens votre appréhension. Elle est naturelle et qui suis-je pour vous dire de ne pas vous méfier ? Le monde est dangereux, votre monde est dangereux. Myrmidens est dangereux. Mais je vous prie de me croire sur ça : Je vous assure que je n'ai aucune intention hostile à votre égard. Vous n'êtes ni une catin ni un jouet. Ces hommes... Ces hommes existent. Tout autour de nous. Surtout entre les murs de la Vieille ville. Alessandra vous le confirmera. J'ai été une mauvaise personne. Je le suis probablement encore. Mais je ne suis pas ce genre d'individus là."
Après avoir jaugé son interlocuteur une poignée de secondes, l’amazone enfila le vêtement offert, sorte de robe de chambre en tissus doux et soyeux et se dirigea vers un canapé, attrapant au passage quelques dattes dans un saladier en argent finement décoré. Elle se laissa tomber nonchalamment sur l’épaisse banquette et s’adossant à l’accoudoir, elle répondit : "Loin de moins l’idée de vous associer à de tels personnes, seigneur Basilio. En revanche, j’imagine qu’un homme comme vous connaît toutes les ficelles de la politique de Myrmidens et le rôle que chacun y joue, je me trompe ?"
Il vint s'assoir près d'elle. "Pardonnez-moi. Ma Jambe." Posant ses béquilles. "Je ne peux pas vous garantir que je sache les moindres potins des Grands de cette ville mais je pux toujours laisser échapper quelques informations de ma connaissance. Pour passer le temps, durant les séances de peinture."
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Nola Al'Nysa
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Re: [Nola Al'Nysa] Bien loin de chez nous

Message par Nola Al'Nysa »

Après avoir enfilé de nouveau ma robe, non sans quelques regards appréciateurs de Il Basilio, je pris congé du maître des lieux et suivis de nouveau le serviteur nommé Blaise dans le dédale de couloirs du petit palais. À la différence de l’aller, celui-ci se contenta cette fois de m’emmener jusqu’à la sortie du bâtiment, me laissant ainsi retourner jusqu’au corps de garde par mes propres moyens.

Sans me faire prier, je laissais le petit homme derrière moi et pris la direction du mur d’enceinte de la vieille ville sans un regard en arrière. Contrairement à ce que devait s’imaginer mon guide, je n’avais nullement l’intention de me rendre directement à la sortie, mais comptais bien mettre à profit le temps libre qui m’était accordé pour découvrir les mille merveilles que semblait contenir cette petite ville au cœur de Myrmidens. Une fois hors de vue de la riche demeure de l’aspirant peintre, je décidais d’explorer la ville ruelle après ruelle afin de cartographier au mieux les environs. Pour ce faire, je procédais avec méthode, descendant la grande artère sur laquelle j’étais engagée et m’engouffrant dans chaque rue perpendiculaire qui se présentait sur ma droite.

J’étais resté plus longtemps que je ne le pensais à me faire tirer le portrait et je jugeais d’après la position du soleil dans le ciel qu’il ne devait pas être loin de midi. Cette observation était corroborée par la lourde chaleur qui régnait, même dans les rues ombragées que je parcourais. Je traversais des jardins bien entretenus et agrémentés d’espèces de fleurs aussi éclatantes qu’odorantes qui m’étaient inconnues. Parfois, les petites ruelles que je suivais s’étalaient de manière sinueuse entre les hauts murs des propriétés privées avant de se terminer sur des petites places calmes et protégées du soleil par des pergolas recouvertes de plantes grimpantes. Des fontaines plus ou moins modestes trônaient au milieu de ces petits espaces, augmentant encore plus la sensation de fraîcheur du lieu. Les rues étaient couvertes de pavés blancs et réguliers, rendus glissant par l’usure, rendant parfois la descente des escaliers périlleuse.

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À mesure que je m’éloignais de la demeure somptueuse de Il Basilio, les palais laissaient place à de magnifiques maisons. Elles étaient souvent faites de pierre blanche ou bien de briques recouvertes d’enduits de couleur orange ou jaune pâle, donnant un aspect chaleureux aux quartiers auquel elles appartenaient. Je m'émerveillais de voir autant d’arbres et de buissons sortir de nul part au milieu des constructions et être pourtant en si bonne santé et je devinais qu’ici l’entretien des rues et des espaces verts devait être fait de manière quasiment journalière par des centaines de petites mains invisibles même si pour l’heure, j’étais quasiment seule à déambuler de ce splendide labyrinthe. Je me rendis soudain compte que tout à mon plaisir de découvrir ces lieux charmants, j’en avais presque oublié le but de ma venue ici. La rencontre étrange mais finalement plutôt agréable avec Il Basilio et la visite de cette riche cité intérieure faisait de cette journée une parenthèse de paix et de tranquillité dans mon quotidien si difficile et violent.

Alors que je pénétrais à nouveau dans une rue sur ma droite, celle-ci m’emmena sur une nouvelle artère de la ville. La suivant quelque temps, je débouchais sur une grande place couverte d’une mosaïque de dalles noires et blanches formant d’étranges motifs. Au centre de l’esplanade trônait un somptueux monument que je devinais être un temple, supposition confirmée quelques instants plus tard lorsqu’un binôme de soldats me doubla en se félicitant de devoir uniquement patrouiller autour du temple de Myrmidia. D’épaisses colonnes de marbre blanc supportait un toit triangulaire ornait de fresques représentant certainement des éléments propres au culte de cette divinité. Évidemment, j’avais déjà entendu parler de cette déesse, mais mes lacunes étaient immenses à son sujet et la trop grande présence de gardes et de badauds me dérangeait trop pour que je ne m’attarde plus longtemps ici. Je fis demi-tour pour repartir sur mes pas et, comme je croisais une jeune fille à l’allure timide qui marchait seule, je lui demandais le chemin vers la grande place en espérant qu’elle ne me désignerait pas le lieu que je venais de quitter. Pour mon plus grand plaisir, elle m’indiqua la route à suivre et quelques carrefours et embranchements plus tard, j’arrivais sur un lieu ouvert encore plus grand que la place où se tenait le temple de Myrmidia.

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Je restais un moment stupéfaite au milieu de la petite avenue qui m’avait amené jusqu’à la place rectangulaire que j’avais sous les yeux. Depuis la cité de Myrmidens, il était impossible d'imaginer que la vieille ville était aussi grande et imposante. Autour de l’immense étendue pavée, plusieurs palais se dressaient fièrement, exposant leurs façades décorées de sculptures, moulures et dorures, comme dans un futile concours pour savoir lequel serait le plus tape à l'œil. Il y avait aussi de nombreux temples magnifiques et si richement décorés que je me demandais s’il leur restait un peu d’argent de leurs fidèles pour faire autres choses que de parader. Enfin, dans l’angle du fond, un bâtiment d’une taille si énorme qu’il me semblait que même le château du Duc d’Ambrandt était plus modeste attira mon regard. Fendant la foule nombreuse qui allait et venait, je me frayais un passage jusqu’à l’entrée de l’imposante construction. Comme des gens semblaient entrer et sortir sans difficultés et poussée par la curiosité, je m’avançais vers les gardes en faction comme si de rien était avant de me rendre compte au dernier moment que chaque homme entrant dans l’édifice montrait un document avant qu’on ne le laisse passer.

Rebroussant chemin, j’avisais un marchand ambulant avec son chariot à quelques mètres de là. Une agréable odeur s'élevait de son étale et c'est en salivant que je lui commandais quelques friands à la viande. Alors qu’il préparait rapidement mon repas, je lui posais la question qui me brûlait les lèvres :
- « Quel est ce bâtiment immense ? »
- « Ah vous n’êtes pas du coin à c’que je vois. » dit l’homme rondouillard avec un sourire « c’est le palais de la bourse, la ou les hommes les plus fortunés se retrouve pour… faire fortune. »
- « Je vois, donc personne ne peut y entrer sans y avoir été invité ? »
- « Sûrement pas ! C’est ici que le gratin se réunit pour diriger la ville, alors vous imaginez bien qu’ils n’ont pas envie que des oreilles indiscrètes viennent y traîner »
Satisfaite des réponses obtenues, je m’éloignais pour m'asseoir sur un banc de pierre non loin de cet imposant palais et mordis à pleine dent dans la délicieuse pâtisserie fourrée à la viande. La garniture était savoureuse et juste chaude et un peu de jus coula sur mon menton. Je l’essuyais de justesse avant qu’il ne tâche la précieuse robe d’Alessandra et portais les doigts à ma bouche pour ne pas en perdre une miette. Je terminais mon repas en observant les va-et-vient d’hommes pressés portant dans leurs bras de gros livres de compte et qui se saluaient en se croisant, comme autant d'entités appartenant à un petit monde et vivant en autarcie complète. Je m’interrogeais sur les raisons qui poussaient le peuple de Myrmidens à tolérer un tel étalage d’opulence et de richesse alors qu’eux-même crevaient la gueule ouverte et vivaient d’un salaire de misère. Comment des hommes pouvaient-ils vivre dans un tel luxe sans se soucier de leurs semblables incapables de nourrir leurs enfants ? Dans mon peuple, la hiérarchie était primordiale, mais au contraire des hommes, plus quelqu’un était important, plus il était au service de la communauté et devait des comptes à ses subordonnés. Ici dans le vieux monde, c’était tout l’inverse, plus on était important, plus on devenait intouchable. Chez moi, si un ennemi se présentait, c’était toujours la cheffe de la tribu qui se lançait au combat en première ligne. Parmi les hommes de l’Ancien Monde, j’avais déjà compris depuis longtemps qu’on envoyait plus volontiers l’homme qui se trouvait en bas de l’échelle se faire trouer la peau pour s’assurer que jamais les culs dorés n’aient à se mouiller. Je serrais le poing de rage et crachais par terre de dégoût.
- « Hé vous là ! Vous vous croyez où ? » m’interpella un homme qui passait non loin.
- « Ah… euh… pardon, j’ai avalée de travers » dis-je penaude tandis que l’individu me jetait un regard noir avant de s’éloigner.

Finalement, je jugeais qu’il était temps pour moi de reprendre le chemin de la demeure d’Alessandra afin de raconter à mes amis l’étrange journée que je venais de passer. Je me levais et quittais donc l’immense place en direction des portes de la vieille ville, bien décidée à y revenir tôt ou tard. En chemin, je croisais une patrouille de gardes dont certains regardèrent avec un air suspicieux l’imposant tatouage sur mon bras. Je crus d’ailleurs que l’un d’eux allait m’arrêter pour me poser des questions, mais un aboiement de son sergent le fit entrer dans le rang et je hâtais le pas pour me mettre hors de portée de son regard. Après avoir marché encore un moment, j’atteignis enfin la grande porte toujours aussi bien gardée. Je passais devant les hommes en faction sans que ceux-ci ne daignent m’adresser la parole et je plongeais à nouveau dans la puanteur et la crasse que j’avais toujours connu depuis mon départ de la jungle. L’odeur ambiante m’emplit les narines et je constatais que je m’y étais habituée ces derniers jours, oubliant presque à quel point elle était désagréable. Haussant les épaules avec un soupir, je me mis en route pour rejoindre la boutique de la gantière. J’y arrivais une grosse demie heure plus tard après m’être trompé de chemin à plusieurs reprises. Quand j’y entrais, Alessandra était là, occupée avec un gros bonhomme et suivie par Kidd, les bras couverts de divers vêtements de tissu. Tous, le client y compris, se retournèrent à mon arrivée et je leur fis simplement un signe de tête avant de filer me réfugier dans la chambre que je partageais avec ma sœur.

J’occupais les heures suivantes à converser avec elle, changeant en même temps ses bandages avec précautions et douceur, lui racontant ma journée en omettant volontairement certaines parties, en particulier celle ou je m’étais mise à nu devant un qharis à sa demande, sans rien exiger en retour. Enfin, j’entendis Alessandra saluer son dernier client et tourner la clé dans la serrure de son magasin et, attrapant Chuji par la main, je sortis de la petite chambre pour retrouver Kidd et notre hôte dans la pièce à vivre ou nous avions l’habitude de prendre nos repas. Ce soir-là, notre petit groupe passa un excellent moment, se racontant des histoires plus ou moins crédibles et riant des blagues loufoques de Kidd. Quand vint l’heure d’aller se coucher, Alessandra me retint par le bras et je restais seule avec elle dans la petite cuisine : « Alors ? » me demanda-t-elle.
Modifié en dernier par Nola Al'Nysa le 04 avr. 2024, 11:34, modifié 1 fois.
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Nola Al’Nysa, Voie du Forban
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