Orak était chanceux aujourd'hui. Lui et le groupe de mineurs avec lequel il travaillait habituellement était tombé sur une veine de minerais de fer particulièrement riche, et cela faisait plusieurs heures maintenant que, insensibles à la fatigue, ils creusaient la montagne pour lui arracher ses trésors métalliques. Les tonnes de roches ainsi dégagées avaient été peu à peu nettoyées par les apprentis, qui, de leur coté, récupéraient toutes traces de minerai, pour le diriger vers les énormes fonderies du Karak.Alors, quel film? Réponse dans mon sujet only, please.
Ils avaient déjà chargé une grande partie de leur butin minéral dans les chariots et, petit à petit, la fin d'une dure journée de travail s'approchait, une journée à l'issue de laquelle ils pourraient fièrement aller boire quelques pintes dans une des tavernes, pour se vanter de leur bonne fortune et se moquer de leurs collègues moins chanceux.
S'arrêtant quelques instants pour essuyer son front couvert de sueur, Orak posa sa pioche à coté de lui, puis en profita pour engloutir une gorgée de bière fraiche. L'ardeur du travail avait été telle qu'ils en étaient presque à la dernière gourde. Une raison de plus pour rentrer. La gourde circula de main en main, puis, une fois vidée, un des mineurs du groupe la lança à l'apprenti le plus proche, en lui ordonnant d'aller la ranger avec les autres.
Obéissant sans discuter, il ramassa l'outre et s'engagea dans la galerie pour la mettre à sa place. Il fut le premier à mourir.
L'instant d'avant, il marchait, insouciant. L'instant d'après, il s'écroulait dans un gargouillis ensanglanté, une longue lance noire figée dans la gorge. Durant un temps infime, qui parut durer une éternité, rien d'autre ne se passa que ce corps déjà mort s'écroulant au sol en répandant à gros bouillon un sang rouge vermeil, les yeux de l'apprenti affichant une incompréhension terrifiée.
Puis, tout sembla se dérouler en même temps, comme un miroir qui se brise et reflète mille fois la même action. De la galerie jaillirent des silhouettes vêtues de noires, hurlant et gesticulant mortellement. Les trois gardes qui se tenaient près de l'entrée de la galerie n'eurent même pas le temps de saisir leurs armes que leurs corps percés de coups s'écroulaient à leur tour au sol, et pendant que leurs bourreaux s'acharnaient sur leurs corps, de nouvelles silhouettes encapuchonnées sortaient de la galerie, en un nombre toujours croissant, tombant sur les apprentis, qui n'avaient que leurs minces couteaux pour se défendre. Pour ce que cela aurait changé...
Les gobelins - car, une foi passé l'effet de surprise, il était évident qu'il s'agissait d'une de ces infâmes tribus de Gobelins de la Nuit, ne leur laissèrent pas la moindre chance. Les lames rougies du sang de leurs victimes, ils poussèrent plus en avant. Mais l'effet de surprise était désormais passé et, bien que n'ayant pu s'organiser comme il convenait, au moins le restant du groupe était-il désormais près à combattre. De plus, ils furent rapidement rejoint par les trois gardes qui se situaient de l'autre coté de la galerie. Mais ils étaient dans une mauvaise situation. Le tunnel minier dans lequel ils se trouvaient était un cul-de-sac, sa seule issue donnant dans la galerie qui avait été aussi férocement conquise par les grobis.
Mais ce n'était pas de nature à arrêter la robustesse naine, et c'est avec la vengeance au cœur et la colère aux lèvres qu'ils se ruèrent en avant, bien décidés à faire payer chèrement leur affront aux gobelins. Le combat s'engagea, violent, dur, sanglant. De part et d'autres, les coups pleuvaient, lames aiguisées croisant pics rouillés, armure de cuir détournant les pointes acérées. De chaque coté, les corps tombaient, toujours plus nombreux. Mais, petit à petit, ils furent acculés à l'arrière du tunnel, reculant pas à pas sous la fureur de l'assaut des peaux-vertes.
Certain désormais que l'heure de la mort était proche, les nains raidirent encore leur résistance. C'est à cet instant qu'Orak se rendit compte que, bien que le nombre de gobelins qui arrivaient dans la galerie principale était à chaque instant plus haut, aucun d'eux ne s'engageait plus dans le tunnel minier pour aider ceux de leur congénères qui s'y battaient. Bien au contraire, ils courraient tous dans la galerie principale, et dans une direction bien précise. Vers le coeur du Karak.
Ne recevant plus aucun renforcement, petit à petit, le nombre des gobelins qui leur faisait face s'amenuisa. Orak était presque prêt à crier victoire lorsqu'il se rendit compte que seulement trois autres nains se battaient encore à ses cotés. Et encore, l'un d'eux semblait-il sérieusement blessé au bras, incapable désormais de se battre autrement qu'en maniant maladroitement un marteau de guerre de la main gauche. Sous ses yeux, un large cimeterre s'enfonça profondément dans le ventre du mineur situé à sa droite. Hurlant une malédiction, il abattit sa pioche déjà couverte de sang gobelinoïde sur le crane du responsable, qui éclata littéralement sous l'impact.
L’instant d'après, un coup violent sur son flanc gauche le fit basculer en arrière, sa pioche lui échappant des mains. A terre, désorienté, désarmé, il se prépara à recevoir le coup de grâce. Qui ne vint jamais.
A la place, un bruit de course et, l’instant d'après, ils étaient seuls dans un tunnel emplis de cadavres. Une large main calleuse le saisit par le col, le redressant vigoureusement, tandis qu'une voix caverneuse lui dit soudain:
"Redresse toi, mon ami, et reprend ton arme"
***
Celui qui avait parlé était un nain à la carrure large, un des gardes, son armure maculée de sang gobelin. Appuyé sur le mur, un peu plus loin, un second garde, le bras droit visiblement fort abimé par un coup d'épée. Et plus la moindre trace de gobelins. Du moins, si l'on faisait abstraction des corps étalés un peu partout.
"Vite, il faut partir. Nous ne devons qu'à la chance d'être encore en vie".
Le blessé répondit:
"La chance? Un foutu miracle, oui. Jamais entendu dire que des gobs entrain de gagner soient partis sans achever les survivants. On est des foutus miraculés, oui".
"Non. Ils n'en avaient pas après nous. Je ne sais pas si l'un de vous s'en est rendu compte, mais, en réalité, ceci n'est pas une attaque sur le Karak. En fait, ces saletés de peaux-vertes étaient morts de trouilles. Ils sont occupés à fuir à toute berzingue un truc dans les tunnels là-plus loin, et on était juste dans leur chemin. Et ce qu'ils fuient doit être une véritable horreur, si cela les amène à foncer droit sur Karaz-A-Karak. J'ai même pas envie d'imaginer ce que cela peut bien être."
"Bon, je vois, on se tire d'ici en vitesse. Et on va où? La galerie est le seul foutu chemin vers le Karak, et elle est pleine de foutus grobis. On fait comment pour rejoindre le Karak?"
"On le rejoint pas. Ou pas directement, en tout cas. On a pas vraiment le choix, on doit contourner. Et le seul moyen, c'est de passer par là d'où viennent ces gobs."
"Là où se trouve le foutu truc qui fait pétocher toute une tribu de gobs au point qu'ils foncent droit sur un karak?"
"Ouais, là-bas exactement. reste plus qu'à espérer qu'on parviendra à se faufiler sans se faire chopper".
Soupirant, il ramassa un sac, puis avança vers la galerie, suivit de son compagnon blessé. Après une demi-douzaine de pas, il se retourna vers Orak:
"Ramasse tes affaires, mon gars, et dépèche toi de nous suivre, si tu veux vivre"
Puis, il se remit en route, s'enfonça dans les tunnels obscurs d'où les gobs avaient débouchés...