Cela faisait maintenant quinze jours que j'avais rejoint le clan et pour la première fois, je disposais d'un peu de temps à moi. Notre raid contre la tribu Slaneesh avait été un succès, nos victimes se comptant au nombre de sixante quatre, c'est à dire de huit fois huit, ce qui fut interprété comme un signe d'approbation divine. De notre coté, nous avions cinq morts et trois blessés graves à déplorer. Si le bilan de cette attaque était largement en notre faveur, je m'interrogeais sur la viabilité d'une telle stratégie: une seule recrue pour cinq disparus, jamais le clan ne grandirait en puissance à ce train là.
Je fus soudain très las, éprouvant le besoin de m'assoir. J'allais me poser à coté d'une souche de bois pourri lorsqu'un de ses bouches garnie de crocs tenta de me happer au passage. Je lui brisais les dents d'un revers du coude, puis posais mon arrière train sur le sol de cette terre épuisée. Je poussais un soupir, me rendant compte à quel point j'étais épuisé tandis que les souvenirs de ces derniers jours affluaient en moi. Je me vis sur le drakkar qui m'avait mené ici, constatant chaque matin avec un frisson d'excitation mêlé d'effroi que la mutation qui affectait mon corps avait encore pris de l'ampleur, me dévorant un peu plus chaque jour, jusqu'à ce qu'il ne reste rien de l'humain que je fus jadis.
J'allais tomber dans la nostalgie lorsque je fus pris par le souvenir de ma première victime sur les terres désolées: je l'avais décapitée d'un coup de griffe avant de la scalper pour en dégager le crane de sa ganse de chair, véritable trésor qui devait être ma première offrande au seigneur de la destruction. A l'évocation de ce souvenir, j'aurais été pris d'un haut le coeur si j'en avais été encore capable mais mon organisme refusa de se livrer à cette marque de faiblesse par trop visible. Aussi me contentais je d'être nauséeux et je réalisais à quel point le groupe de guerrier Khornites avait parachevé ma transformation en créature du chaos. En quelques jours, j'avais renié mes valeurs d'antant, ma vie passée et m'adonnais sans limite à la chasse pour la gloire de Khorne, ce dieu qui m'avait sauvé d'une fin humiliante et dont j'étais à présent le débiteur.
J'avais une dette envers le seigneur du Trone et je comptais bien la régler par le sang, les cranes et la gloire; ma petite tribu Khornite devait grandir ou il me faudrait la quitter, car une immense vengeance m'attendait, une titanesque revanche que j'avais à prendre sur le monde et un certain batard qui l'encombrait.
Pris d'un élan de rage à l'idée de ce que j'avais perdu à jamais, je me levais d'un bond et me dirigeais vers la tente du chef du campement. J'avais une idée, et il fallait que je lui en parle.