Qu’est-ce donc que le verbe ? Qui était Sigmar ?
Et tous les démons forment un cercle autour du prêtre, qui pleure, la tête dans ses mains.
LES DÉMONETTES :
Ce n’était qu’un homme !
LES SANGUINAIRES :
Il en a simulé la passion !
LES HORREURS :
Son âme était l’âme d’un charron !
LES PORTE-PESTES :
Il souffrait de la vérole !
LES DÉMONETTES :
Sa mère, une tisserande de nappes, s’est offerte sur des gerbes d’orge !
LES SANGUINAIRES :
Nous avons des martyrs qui saignent plus que les tiens.
LES HORREURS :
Regarde tous ces papyrus ; Nous avons toutes les révélations du monde, venues et à venir !
LES PORTE-PESTES :
Nos prières sont plus difficiles que les tiennes.
LES DÉMONETTES :
Et nos extases supérieures… »
– Le Liber Malefic.
De là où Rovk se tenait, il pouvait voir son monde. Tout ce qu’il avait jamais connu, et imaginé, en dix-neuf années de son existence dans ce coin de la Norsca. À l’œil nu, on pouvait sans doute y voir une certaine beauté ; d’immenses montagnes déchirant la terre, indomptées par l’Homme ou le Nain, qui se superposaient au-dessus d’une mer agitée, de grosses vagues qui percutaient les récifs pour les creuser lentement, avec chaque millénaire qui passait. Il faisait frais ; c’était une journée d’automne, mais elle était clémente en ce qu’il ne pleuvait pas. Une sacrée brume gênait la vue, empêchait de découvrir l’immense horizon de l’océan, derrière lequel se tenait le Sud que les Norses avaient appris à défier en embarquant sur leurs navires à proues taillées en formes de démons — mais de ce monde-ci, Rovk n’avait eu que des témoignages d’autrui, il n’avait que vu le miel, la myrrhe et la soie que ses aînés avaient arrachés par le fer forgé de haches à des mains plus adroites, mais plus faibles… Là-bas au sud, là où il y avait la terre ferme, ce devait être le pays des Trolls. Là-haut, au nord, devaient encore survivre quelques Nains Norses, des fidèles de Grungni qui, en des siècles et des siècles, n’avaient jamais su trouver la mort, et continuaient de lutter pour leur survie face à tous les serviteurs des Vrais Dieux. Et à l’ouest, c’était là où il devait aller…
Il se reposait sur une corniche, se désaltérait avec une outre d’eau un peu trop fraîche, gardé du vent par son épais pardessus qui virevoltait un peu au gré de la brise sinuant dans les trouées de la roche. Oui, le décor était magnifique, à l’oeil nu — mais Rovk ne regardait pas avec un œil nu. Il regardait avec l’œil d’un homme clairvoyant, qui avait reçu le don des Dieux pour percevoir les flux régnicoles du Chaos ; et en Norsca, ces vents étaient plus forts et plus torturés qu’ailleurs. La magie était omniprésente. Elle était dans la terre, dans la faune et la flore, et même dans les corps des hommes qui y naissaient.
Elle était dans le corps de sa tante, qui observait elle aussi l’horizon.
Ella Grimsdóttir craignait bien moins le froid que son neveu. Toute droite dans sa longue robe crénelée, qui affichait la peau de ses bras, de sa gorge et de ses hanches, elle portait son regard au loin, par-delà des mers et des cieux. Elle semblait songeuse. Au moins, les moments où elle était dans ses pensées étaient des moments où elle épargnait à Rovk quelques tourments, alors, l’occasion était parfaite pour simplement se taire, s’asseoir, et attendre.
Ella grommela quelque chose, et d’une voix un peu rauque, elle souffla quelque chose :
« Observe, là-bas, c’est le pays des Sarls. »
Que désignait-elle, en levant son bras ? Du vide. Des monts escarpés, brumeux. Une immense étendue, lointaine. Et pourtant, elle désignait toute cette terre bien vide, hostile, comme appartenant à une autre nation ;
« Nous le traverserons à pied. Il n’y a pas d’accès depuis la Mer des Griffes ; J’espère que tu es prêt à marcher. »
Rovk était né dans la confédération de ceux qui s’appelaient les Baersonlings. Qu’est-ce que tout ceci signifiait pour lui ? Des rites, des croyances, une langue que lui avait enseignés son oncle devenu tuteur. Il avait connu des clans aux symboles peints sur leurs boucliers ronds, plus-ou-moins différents. Les Norses ne sont pas unis, parfois, il leur arrive de ne pas se comprendre… Mais les Sarls, il savait en tout cas que c’était loin. Que ce n’était pas chez lui.
« J’espère atteindre le monastère avant les premiers flocons. Une fois que l’hiver s’installera, les routes deviendront fort impraticables… Et l’atteindre n’est pas exercice aisé, il est camouflé sur un grand promontoire…
Il ne va pas falloir traîner. Je compte sur toi pour ne pas me ralentir, autrement, je n’hésiterai pas à t’abandonner. »
Elle voulait l’amener au Monastère. D’après ses dires, c’était un magnifique bâtiment, un édifice dédié au Serpent, perdu à la frontière du pays des Sarls ; Là-bas, des jeunes filles et de jeunes garçons vivaient toute leur vie dédiée à Celui-Assoiffé. La plupart des Norses honoraient le Serpent comme ils honoraient tous les autres Dieux — avec un mélange de crainte et d’appétence intéressée. On prie le Dieu comme on prie ses frères, parce que ne pas lui faire des sacrifices réguliers, c’est attirer sa jalousie et son mauvais œil, alors que lui offrir son dévouement, c’était assurer des faveurs particulières à soi, à sa famille et à sa tribu.
Le Monastère, lui, conservait des grimoires et des artefacts qui n’appartenaient qu’au Serpent, et à personne d’autre. Ella lui avait assuré que c’était le meilleur endroit où ils pourraient tous les deux continuer son enseignement, à la condition qu’il se montre utile et volontaire. De toute façon, il n’avait pas forcément le choix. Son sixième sens, la clairvoyance que les Dieux lui avaient accordé, ça hantait ses nuits ; il se savait convoité par ce qu’il y avait dans l’Au-Delà.
En Norsca, on est une proie ou on est un prédateur. Ça, c’était ce que son oncle lui avait inculqué.
Selon Ella, quelques cheftaines de la région s’étaient endettés auprès d’elle. Pour atteindre le pays Sarl, il n’était pas question pour eux d’y aller solitairement. Avec Arkor Grimsson, nul doute que l’exercice serait possible. Le maraudeur était après tout un solide gaillard, habitué à vivre sur le pays, à se contenter de très peu, à dormir dans le froid et l’obscurité pour ne pas attirer un ours ou une meute de loups en allumant un feu. Mais Ella était faite d’une toute autre trempe ; Toujours noble, toujours belle, sa résilience que devait avoir n’importe quelle femme Norse pour survivre dans ce pays s’estompait très vite lorsqu’opposée à son goût du luxe et des cadeaux que lui faisaient des guerriers pour avoir son aide de quelques prières et sortilèges. Si elle avait assuré à Rovk qu’elle l’amènerait au monastère, il était hors de question pour elle de voyager seule avec ses deux petites jambes. Il lui fallait une escorte, des esclaves pour porter les vivres, et peut-être deux ou trois petites choses pour tromper l’ennui les nuits de bivouacs ; si les dettes contractées auprès des seigneurs du coin étaient toujours valables, ils auraient de quoi assurer confortablement le voyage. Il fallait juste aller réclamer aux Norses du coin de se mettre à leur service. Qui refuserait le service du Prince ?
« Allez, debout. La pause est finie. »
Rovk reboucha son outre, et suivant de près sa tante, ils dévalaient leur corniche pour débuter le chemin jusqu’à un petit village pas très éloigné.
Ils marchaient silencieusement dans la steppe. On n’entendait pas les semelles de leurs chaussures sur la tourbe, et Ella se confiait rarement lorsqu’elle marchait. Récemment, ses questions s’étaient faites légèrement ésotériques — à chaque fois qu’il se réveillait tout juste, elle se penchait au-dessus de lui, et lui demandait de quoi il venait de rêver. Elle écoutait rapidement la description de ses songes, hochait de la tête, et, avec toujours la même mine froide, elle reprenait sa vie sans sembler plus s’en occuper, ni expliquer quels enseignements elle en tirait.
Parfois, le soir, elle prenait son grimoire et essayait d’apprendre les runes à son neveu. Mais elle était une institutrice fort peu patiente ; si Rovk se mettait à traîner sur une seule prononciation, elle se mettait à maudire son demi-frère qui avait été proprement incapable de bien élever le garçon, puis passait bien vite à autre chose.
Il devait être l’après-midi, lorsqu’ils approchaient enfin de simples masures de bois sur lesquels s’étaient établis une bande de Norses.
L’endroit n’avait vraiment pas l’air fameux. Cinq pontons, quelques petites barques de pêcheurs, un seul vrai navire qui devait appartenir à des baleiniers ; un tas de cabanons à une seule pièce, sur lesquels on avait accroché des filets et mit des barriques à poisson qui saumuraient. Une seule construction de pierre – une petite tour à feu pour être vu la nuit, et ne pas être balayé par une quelconque côte lorsqu’on affronte les vagues agitées de la Mer des Griffes.
Il n’y avait pas de défenses autour de ce village. Pas de palissade de bois, pas de miradors. Pour se garder d’éventuels intrus, une seule sentinelle : Un solide gaillard vêtu de peaux de bêtes, portant une longue haches à deux mains contre son corps, se tenait droit debout sur le chemin. Rovk l’avait aperçu de loin ; il n’était alors qu’une ombre, qui ne semblait pas alerté par la présence de deux simples voyageurs qui marchaient bien droit au milieu de la Norsca. Peut-être qu’il aurait été plus inquiété par un convoi plus massif, ou des cavaliers, ou des Bêtes.
Lorsqu’il fut à portée de voix, le maraudeur se contenta de hausser une main afin d’afficher sa paume. C’est là que Rovk aperçut un peu mieux l’état de ce guerrier : il était borgne, et il lui manquait trois doigts à sa pogne.
« Salut à vous, grogna-t-il avec une petite voix. Je te reconnais comme Ella, servante du Serpent ; En quoi l’humble village de Maskaur peut rendre service à Celui-Assoiffé ?
– De nombreuses façons, enfant de Norsca, affirma en retour une Ella qui levait le menton avec arrogance, car je viens exiger certaines choses à ton chef.
– Ah, d’accord, grimaça le maraudeur avec une lueur d’inquiétude dans le regard. Je crains qu’on ait peu à offrir, servante du Serpent ; La saison a été maigre en pêche, et pauvre en chasse, nous ne-
– Ce n’est pas à toi d’en discuter avec moi, coupa sèchement Ella avec un air de persiflage. Je n’ai pas à faire les comptes de ton bled, debout les pieds dans la boue. J’ai froid, j’ai faim, et j’exige l’hospitalité que me doit ce minable endroit. »
Le maraudeur présenta ses excuses. Il se tourna à toute vitesse, et fit signe aux deux de le suivre, en les assurant que le chef allait certainement les recevoir, qu’on leur verserait de l’hydromel et qu’ils auraient l’hospitalité ; Ella ne le remercia pas. Elle se contenta de le foudroyer du regard, et lorsqu’il bougea enfin ses fesses, elle parla à voix haute à son neveu :
« Voilà ce que sont devenus les fiers Norses, depuis que la horde noire d’Archaon a échoué à conquérir le monde ; Une bande de pleurnichards. Fut un temps où l’on m’offrait du miel sans que j’aie à le réclamer à un simple portier… Le Serpent n’aime pas avoir à réclamer des cadeaux. »
Le long du chemin, ils attirèrent les regards de quelques curieux. Une toute petite fille par terre nouait du fil pour préparer des pièges à poisson, une dame devant un moulin à main écrasait du seigle pour préparer le pain noir, un vieillard à la jambe manquante jouait du couteau pour décapiter des morues qu’il balançait dans un seau. Tous écarquillaient les yeux en découvrant les deux sorciers qui marchaient bien droit, fièrement, épaules en arrière – Ella avait appris à Rovk à marcher comme si le monde lui appartenait, et corrigeait régulièrement sa posture en lui écrasant le bout du pied sous sa botte si elle le surprenait à trop courber l’échine. Ils devaient bien faire de l’effet, car tous sur leur passage inclinaient la tête, regardaient le sol, sauf la petite fille qui se contentait d’ouvrir grand la bouche, sans trop comprendre qui étaient ces gens.
Relevant l’impertinence de l’enfant, Ella s’infligea de s’arrêter. Elle lui fit un grand sourire, prit une toute petite voix aimable, et lui toucha le bout du nez :
« Oh, tu es toute mignonne, toi ;
Sache que c’est très impoli de regarder une völva droit dans les yeux ; Elles peuvent t’avaler toute entière durant tes cauchemars ! »
Elle lui afficha tous ses crocs dans un rictus sardonique. La petite fille devint toute rouge et se mit à pleurer.
Ils arrivèrent jusqu’à la grande maison du cheftaine. Une chaumière plus étendue que les autres. Le portier tapa sur la cloison avec l’autre côté de sa hache, afin d’annoncer sa venue. C’est après avoir laissé un instant de battement que la porte se tira derrière. Un esclave tout maigrelet, vêtu de haillons, s’aplatit presque devant eux tandis qu’ils pénétraient tous les trois à l’intérieur.
C’était sombre. Pas la demeure d’un grand jarl très puissant. Il n’y avait qu’un maigre foyer au milieu de la pièce, un tas de bûches qui brûlaient et dont la fumée s’échappait à travers un trou au plafond. Quelques tables, quelques sièges, quatre esclaves mal habillés qui portaient des coupes d’eau et des assiettes d’un côté à un autre, s’agitant pour accomplir leurs œuvres domestiques à toute vitesse.
Et, devant le foyer, deux sièges en bois rembourrés de quelques peaux de loups. Sur celui à gauche, une grande dame assez jeune, blonde, avec des peintures sur le visage, les cheveux noués dans le dos. Sur celui à droite, un gros gamin joufflu, bien grassouillet, qui regardait les deux nouvels arrivants avec un mauvais œil.
Le portier borgne s’avança le premier. Il éclaircit sa gorge avant d’annoncer avec beaucoup d’emphase :
« Ô chef Anud, fils d’Olof, se présente devant vous Ella, noble völva au service du Serpent.
– Oui je sais Oleg, je l’aie reconnue, tout le monde la reconnaîtrait. »
C’était la femme blonde qui avait parlé. Elle fit un petit geste au portier, qui se recula en posant sa hache contre l’épaule. Ella, elle, alla tout droit près du foyer, et observa le gros gamin joufflu qui était posté sur sa chaise, à la regarder tout droit.
Contrairement à la petite fille, elle se retint de lui faire une remarque sur l’impertinence d’ainsi dévisager une sorcière.
« Tu as bien grandi, Anud ; Lorsque je t’ai connu, tu n’étais qu’un tout petit nourrisson minuscule, accroché au sein de ta mère. Et à présent, te voilà tout à fait chef !
Ta sœur te protège bien, j’espère ? »
Le petit bouboule regarda la blonde. Puis il observa à nouveau la sorcière, et lui parla avec une petite voix pré-pubère et timide.
« Que veux-tu de nous, völva ?
– Pour commencer de quoi m’asseoir et de quoi boire, c’est le savoir-vivre le plus élémentaire. Peut-être que si tes crevures de parents étaient encore en vie, ils auraient pu t’apprendre ça ; et peut-être qu’ils t’auraient fait faire un peu d’exercice, et je n’aurais pas à demander ça à un petit qui ressemble à un jambon. »
Elle sourit de plus belle. À la lueur du foyer, ses dents blanches, trop blanches pour être normales, semblaient briller. Ou alors c’étaient ses yeux qui avaient pris une lueur prédatrice.
En tout cas, le pauvre petit sembla s’étrangler. Il déglutit, tandis que sa grande sœur frôla l’acier de sa hache avec le bout de son doigt.
« Thralls, dépêchez-vous d’amener une chaise et de quoi boire à nos invités. »
Tous les esclaves en haillons se mirent en toute hâte. En même pas soixante secondes, on amena deux sièges en bois, puis on posa une coupe en terre cuite sur le rebord du foyer afin de pouvoir leur service un hypocras fort léger et bien sucré.
Ella s’installa avec aise et flegme. Elle prit bien le temps de croiser ses jambes, de détendre ses épaules, et de fermer les yeux pour savourer l’alcool, sans même prendre gare au fait qu’elle avait raidi tout le monde dans la pièce. Le portier et la grande guerrière tapotaient l’acier de leurs lames, en la foudroyant de leurs prunelles.
Le petit gamin voulu dire quelque chose, tout rouge et en colère. Mais sa sœur l’empêcha en lui pinçant la nuque.
« Qui est le garçon avec toi, völva ?
– Il est la raison pour laquelle je suis venue ici, Vana Olofsdóttir. Ce garçon est Rovk de Sjoktraken, fils de ma défunte sœur. Il a été béni à la naissance par le Serpent, et je désire l’éclairer en l’amenant en pays Sarl, là où j’ai grandi et je me suis révélée.
Pour ce voyage, je vais avoir besoin de vivres, d’esclaves et de gardes. Étant donné que vos deux croupes ne seraient pas sur vissées à ces sièges si je n’avais pas intercédé dans vos affaires, je viens vous réclamer tout cela. »
Vana et Anud se regardèrent. Et ce fut Vana qui répondit :
« Vivres, nous pouvons te les donner. Esclaves, nous pouvons nous épargner d’un ou deux. Mais pour réclamer des guerriers, en revanche, je crains que ce soit beaucoup plus compliqué… »
Ella ricana. Elle posa sa main sur celle de Rovk, et le regarda droit dans les yeux.
« Qu’est-ce que je t’avais dit ? Que des pleurnichards ! Malheureusement ils ne comprennent pas que je ne suis pas venue offrir quelque chose, mais réclamer.
Je te préviens tout de suite, Vana ; Ce que le Serpent t’as bien généreusement donné, c’était uniquement afin de se rétribuer par la suite. Ne me mets pas en colère, tu Le mettrais en colère derrière. »
Alors que Rovk attendait tranquillement, il sentit quelque chose pulser au fond de son crâne. Et soudain, quelque chose sembla s’y serrer. Une violente douleur s’empara de l’hémisphère droit de son cerveau, et pulsa derrière son œil.
Ils n’étaient pas tous seuls. Il y avait un autre mage qui les regardait, et il venait d’écraser l’esprit de Rovk pour le faire souffrir.
Ella sembla avoir remarqué la soudaine horreur de son neveu. Elle lui toucha la main, et la griffa.
« Allons. Je t’interdis de faire l’enfant en public. Un petit sortilège de rien du tout et-
-Oh, me dit pas que tu saignes du nez en plus ! »
Elle sembla presque se préparer à le gifler, mais se ravisa avant d'appeler à voix haute :
« Viens dire bonjour, Erikr, pas besoin de te planquer ! »
De la réserve jouxtant la longue maison, un homme entra. Enfin, il avait une espèce de figure humanoïde, il était bipède et anguleux ; mais il était recouvert des pieds à la tête par une espèce de grand manteau à capuche. Le plus étonnant était avec quoi il masquait son visage – une espèce de visière rougeâtre, qui était ouvragée dans une parodie de couronne.
Il s’approcha tout doucement, dans une série de pas invisibles, car même ses pieds étaient recouverts par l’immense manteau qui tombait au sol. Ses épaules recourbées, il observa de côté, avant de piailler avec une voix nasillarde.
« Je n’ai rien fait. C’est pas ma faute si ton neveu est tout chétif et se met en émoi pour rien du tout.
Peu étonnant que tu souhaites l’emmener en pays Sarl, il a l’air tout maigrichon ! Il faut manger mon petit – tu es bien mignon mais tu n’es pas très vaillant ! »
Et là, il sortit de son manteau une main afin que Rovk la serre — sauf que cette main était la plus immonde que Rovk ait jamais vu. Elle était couverte de pustules, un petit asticot se dandinait, mordant un panaris juteux de pus.
Il était très certainement un fidèle du Vautour, celui qui mange les cadavres et répand les maladies.
« Tout heureux de te rencontrer, mon garçon ; Tu ne me connais pas du tout, mais j’ai la mémoire très très longue, j’ai connu ton père, figure-toi !
Allons, allons, nous sommes tous entre amis ici ! C'est la faute de ta tante, de t'avoir tout volé pour elle-même, la jalouse. J'espère qu'elle t'apprend des choses utiles, au moins ! »