[Agatha] Vieilles-croyantes

La Bretonnie, c'est aussi les villes de Parravon et Gisoreux, les cités portuaires de Bordeleaux et Brionne, Quenelles et ses nombreuses chapelles à la gloire de la Dame du Lac, mais aussi le Défilé de la Hache, le lieu de passage principal à travers les montagnes qui sépare l'Empire de la Bretonnie, les forêts de Chalons et d'Arden et, pour finir, les duchés de L'Anguille, la Lyonnesse, l'Artenois, la Bastogne, l'Aquilanie et la Gasconnie.

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[MJ] La Fée Enchanteresse
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[Agatha] Vieilles-croyantes

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

« « Les Miracles n’arrivent jamais » — c’est du plein bon sens, si vous italisez au temps présent ; Mais il y a une ancienne réalité, dans les chroniques des moines, lors d’une ère ancienne comme sainte-Pergunda — en ces temps-là, toute la Bretonnie était terre de Miracles. Et dans le grand château de Bastogne, alors que les beaux paladins et les jolies damoiselles festoyaient et dansaient, un sombre vent d’hiver rafala les portes du château ; et entraîné par lui, galopant sur le fil de l’air, un grand géant de vert chevauchait un cheval de Sinople. »

— Sire Thomas Mallory.





Fourdi 13 Nivôse 1534,
Quelque part dans l’ancien duché de Lyonesse.


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Il y eut un temps différent, en Bretonnie. Pas forcément meilleur, mais différent. Il y eut une ère où de la Grande-Tête du Septentrion jusqu’au fort de la Salvegarde, toute la Bretonnie était dirigée par des preux chevaliers. Se blindant d’épaisses armures de plates, ils quittaient leurs châteaux de pierres sous les applaudissements de leurs manants, pour charger lances couchées contre l’Orque, le Rat, et la Bête. Ils respectaient leurs ennemis par l’honneur de la chevalerie, adulaient les femmes par amour courtois, et ils ne vivaient que pour leur Roy et la Dame du Lac. Tout le royaume semblait enchanté ; béni par l’amour du peuple féérique, la Bretonnie semblait plus magique, plus étonnante, et, si de sombres épisodes de crime et de sang secouaient son Histoire, les Bretonniens parvenaient toujours à triompher de l’antipathie et de l’entropie, pour mieux rétablir la morale et cette chose sainte, la vraie foi.


Et puis, tout changea. Les monstres qui arpentaient les routes du royaume commencèrent à se cacher, profondément dans les forêts et les montagnes. L’artillerie passa lentement de la catapulte au trébuchet, du trébuchet à la bombarde, de la bombarde au canon, et alors, les solides murs des donjons commencèrent à devenir de moins en moins protecteurs. Les serfs apprirent des métiers, et constituèrent des guildes et des corporations pour mieux se protéger et réclamer des droits. Le Roi, autrefois le premier des chevaliers, devint le premier des Bretonniens, quels qu’ils soient. Il remplaça son conseil pour contenir moins de paladins ayant bu le saint-Graal, et un peu plus de prêtres, de légistes, de banquiers, qui commencèrent à coucher sur le papier les coutumes ancestrales afin qu’elles soient connues de tous. Et la religion adopta l’écrit, les rites communs, elle commença à perler dans la nature de tous les jours, et c’est ainsi qu’on fit disparaître les exploits des Compagnons dans le mythe, pour ne garder plus que la secte…

Avec le temps, les chevaliers et les damoiselles du Graal paraissaient de plus en plus archaïques. Oh les chevaliers pouvaient encore bien se battre en duel singulier face à quiconque, mais avaient-ils encore leur place dans un monde de princes, de compagnies de gendarmerie, de régiments de fantassins ? Et les damoiselles terrifiaient encore, on les respectait autant qu’on les craignait pour leur connaissance de l’Autre-Monde, « l’Avalon »… Mais on commençait aussi à prendre leurs rituels pour des superstitions, leurs miracles pour de la sorcellerie, et leurs bons conseils avisés, comme de la manipulation…

Il y a cinquante ans, cet anachronisme fut retiré du décor. Un grand procès fut ordonné, sous l’ordre du roi Charles Ier. Les serviteurs du « prétendu Graal » furent accusés de sorcellerie, apostasie, hérésie, paganisme, et aussi de mille autres choses qu’on pouvait rajouter pour allonger la sauce : détournement de fonds, trahison, complot, sodomie, pactes avec des démons, enlèvement d’enfants en vue de les transformer en sorcières… En une année, il n’y eut que des bûchers, des décapitations, des pendaisons. Les chapelles du Graal furent envahies, saccagées, iconoclastées même — les calices en or furent fondus, les vitraux représentant la Fée Enchanteresse brisés, et les bâtiments transformés pour servir de temples à d’autres Dieux, quand on ne les transformait en greniers à blé ou locaux municipaux…

Le Graal n’existait plus. Ne restait que l’Église du Divin Foyer. Unie, indivisible, régnant d’une main de maître sur les vies des millions de sujets du Royaume, du monarque jusqu’au pire marginal, dans un hénothéisme dédié à sainte Myrmidia.



Mais il restait encore des fidèles à l’antique religion. Des païens que le gibet et le bûcher n’avait pas encore su éliminer. Perdu au beau milieu de l’Ormérique, il y avait une colline désolée, où peu de gens se rendaient, si ce n’était les éleveurs de brebis et moutons lors de la transhumance de printemps — c’était le seul moment où ces reliefs escarpés et inhospitaliers étaient bravés par des hommes, mais en ce mois de fin d’automne, l’hiver venant bientôt, on ne croisait plus personne sur les herbages. Tenait alors un temple solitaire, l’ermitage de Gillemont. Une vieille relique histoire, un tas de pierres élevées par le Compagnon du Graal, Thierulf, en l’honneur de la naissance de son fils qui naquît de son union avec la sœur de Gilles le Breton, premier roi des Bretonnis. Le Temple avait servi de refuge à une demi-douzaine de chevaliers et damoiselles durant la Purge, mais quand une centaine de militaires encerclèrent le bâtiment et menacèrent de simplement y mettre le feu, les assiégés décidèrent d’épargner l’édifice dans une charge glorieuse, pour essayer d’emporter autant d’ennemis que possible dans la tombe — les arbalètes et les arquebuses furent plus forts que le Graal, même si l’histoire ne raconte pas combien de soldats furent envoyés à Mórr dans ce baroud d’honneur…
La chapelle du Graal fut iconoclastée, et tous les artefacts et les reliques de l’ancienne religion détruites, ou plus probablement pillées par des mains avides. Il ne restait maintenant plus rien là-dedans, si ce n’était des tombes ouvertes aux cendres disséminées aux quatre vents, des bancs cassés, de vieilles bandes d’étoffes bouffées par les mites et parcourues d’araignées… Et l’esprit. Sinon autre chose, au moins l’esprit.

Il n’y avait plus rien à défendre dans cet ermitage, mais le symbole était trop fort, et les créatures humaines sont faites de symboles.


La damoiselle Claricia était occupée à travailler. La druïdesse du Graal était le genre de personne qui semblait être incapable d’être oisive — l’urgence de la situation l’expliquait pour pas mal, mais il y avait sans doute autre chose de plus, engrainé en elle, qui l’empêchait de simplement s’arrêter pour faire quelque chose qui n’avait pas une utilité… Quand elle ne préparait pas à manger, elle taillait des flèches. Quand elle ne faisait pas l’inventaire des herbes et onguents qui lui restait, elle filait des bandages. Quand elle ne lavait pas ses vêtements, elle aiguisait ses lames. Ses seuls instants de repos, hormis les sommeils légers qui l’appelaient à Mórr, c’était pour prier — mais même sa façon de prier semblait peu reposante. Assise un genou à terre, tête baissée devant l’autel cassé de l’ermitage, elle n’avait pas l’air de se détendre dans une placide méditation — à la place, elle serrait des dents, et des poings, et murmurait pour elle seule d’étranges syllabes en eltharin, une langue qu’elle ne savait pas lire, et dont elle ne savait que chanter quelques paroles qu’une femme plus docte, et plus ancienne qu’elle, avait pu lui inculquer.

Il n’y avait rien à faire aujourd’hui, sinon être sur le qui-vive, alors ça semblait être pour elle une torture. L’arc à la main, le carquois de flèches à son flanc, elle tripotait une à une chacune des flèches, parfaitement taillée, en lançant son regard vers le chemin rocailleux recouvert de brume qui menait tout en bas, jusqu’au reste de Lyonnesse. Silencieuse, la tête reposée sur un pan de la porte à l’entrée, elle faisait tellement peu de bruit que Michel pouvait tranquillement dormir dans un coin, grelottant de froid — craignant que leur invitée n’arrive avec des poursuivants aux trousses, Claricia avait strictement interdit qu’on allume un feu pour se réchauffer. Et elle avait insisté pour garder la porte ouverte…


Après de longues minutes d’attente, elle apparaissait enfin. Une simple silhouette avec un bourdon, qui allait de l’avant à l’aide de grandes enjambées, à peine crevée par le dénivelé. Une vieille femme qui avait encore toute la force d’une jeune, la cause d’une vie passée à errer sur les routes, souvent à grandes foulées, pour ne pas tomber sur la maréchaussée. Elle n’avait derrière elle ni cavaliers, ni intrus, et comme escorte, un duo de rapaces volant au-dessus d’elle dans les airs — ses familiers et ses protecteurs, qui hurlaient pour faire entendre leur présence. Ils signalaient aussi qu’il n’y avait personne dans les parages, avec un cri qui servait de signal caractéristique… Enfin, Claricia sembla se détendre et se détacha du pan de la porte.

« Allume un feu. Il faut l’accueillir au chaud. »

Elle ponctua son ordre lancé à Agatha d’un claquement de doigt. Ce n’était pas la politesse qui l’étouffait. Et le pire, c’est que celle qui allait arriver était à peine plus agréable…
Les chansons racontaient que les damoiselles du Graal étaient les femmes qui incarnaient la perfection féminine dans la société d’amour courtois — elles étaient pleines de grâce et de piété, toujours vêtues de robes blanches, passant leurs journées à parcourir le pays pour y traquer les monstres et mieux diriger les chevaliers vers l’ennemi. Elles étaient discrètes, et secrètes, pleines de mysticisme et de rites rien qu’à elles. Mais jusqu’ici, les deux servantes du Graal qu’avait pu rencontrer Agatha faisaient pas mal mentir la mythologie… Elles étaient sales, hirsutes, parlant vulgairement. Mais personne ne pouvait remettre en doute leur certitude. Difficile de savoir ce qui les avait poussées à rejoindre une religion illégale en perdition… Avaient-elles eu des destins difficiles comme elle ? Claricia, en tout cas, était trop jeune pour avoir été vivante lors de la purge. Difficile de savoir pour leur invitée…

Peut-être fallait-il lui demander.

Agatha s’embêtait à essayer d’allumer du bois humide. Encore, et encore, elle tentait de faire scintiller quelques braises afin d’enflammer du petit bois, mais son briquet en amadou devait avoir pris l’humidité, car il n’arrêtait pas de cracher quelques fines étincelles qui mourraient dès qu’elles touchaient le bois. On lui avait dit mille fois de ne pas abuser de son pouvoir… mais Agatha avait pu l’utiliser mille fois sans que rien de mal ne se produise. Ou rien de trop mal. Alors, profitant que personne ne la regardait, elle leva ses mains, et siffla quelques syllabes d’eltharin avec son accent d’humaine à couper au couteau, écorchant sans vergogne la langue du peuple Elfe.
Hélas, rien ne parvint à sortir de ses doigts. Et le feu n’était toujours pas allumé quand Claricia revenait enfin avec leur invitée…

Les deux étaient à peine sur le parvis, que déjà, on les entendait se plaindre :

« Hé ben dites donc, toujours aussi humide par ici ! Ça se voit que vous avez pas à vous plaindre de rhumatismes, vous autres ! Les jeunes ont vraiment plus aucun respect pour les personnes d’un certain âge, tout va à vau-l’eau dans ce pays, c’est ce que me racontait le père Letordu, on a vraiment mal élevé la nouvelle génération je vous le dis… »

Léona Thaas, quand elle marchait sur les routes, était simplement vêtue d’une immense cape de bure avec une capuche sur la tête. C’était une dame aux cheveux gris et avec des rides sur le visage, un œil borgne, qui lui donnait un air fort vilain et qui encourageait souvent des gamins des rues à lui jeter des pierres et à lui cracher dessus… Quand ils n’avaient pas peur de recevoir un maléfice qui les empoisonnerait en vie. Elle savait mettre fin aux harcèlements de jeunes enfants en leur faisant du mal. Une fois, elle avait rendu malade un enfant de dix ans en lui faisant perdre la vue — ses parents étaient venus la couvrir de cadeaux pour qu’elle lève le maléfice, et, sans rancune, elle s’était bien exécutée.
Maintenant qu’elle pouvait se révéler en privé, elle portait un costume bien plus terrifiant, qui suffirait à l’amener sur le bûcher si des inquisiteurs du Foyer Divin la trouvaient ainsi. Elle avait encore une grâce fort inquiétante qui l’entourait, et qui, en fait, ressemblait très, très peu avec les images qu’Agatha se faisait des servantes du Graal — elle aurait sans doute préféré une femme en robe blanche couverte de broderies d’or, ou bien habillée en dame noble d’un siècle passé, avec des étoffes de soie et des chapeaux bouffants… La femme devant elle, tatouée et couverte de rouge, paraissait plus être ce qu’elle était censée être : une sorcière.
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Un poing sur la hanche, Thaas observa Agatha dans le dos, en voyant le feu qui n’était pas allumé. Elle tapa de sa canne, et se plaignit :

« Hé bien hé bien ! Toujours aussi peu dégourdie avec tes doigts boudinés, Artio ! Enfin, si tu es toujours là et tu t’es pas enfuie depuis tout ce temps, peut-être on fera un jour quelque chose de toi… »

Artio, elle n’arrêtait pas d’appeler Agatha comme ça. De ce qu’elle avait expliqué à la jeune femme, Artio était une ancienne déesse, ou un esprit de la forêt, vénéré par les Belthanis, les anciens occupants de ce pays — une ourse possédant d’étranges pouvoirs. Il fallait essayer de le prendre comme un compliment, d’être comparée à une déesse, mais Léona Thaas utilisait probablement le nom simplement pour faire passer Agatha pour une géante pataude et aimant hiberner…

Claricia, bizarrement inquiète, se mit à professer des excuses :

« Je suis désolée, madame, je vais tâcher d’allumer le-
– Rah, laisse donc ça, lèche-bottes ! Je vais m’en occuper. »

Elle ouvrit grand la bouche, et siffla des mots en eltharin d’une façon plus élégante que Claricia, et avec un accent bizarre et impossible à identifier… Et alors, le sol du temple se mit à rougir, et les bûches s’enflammèrent. Michel, qui n’avait plus peur depuis un moment de la magie, courut se coucher au chaud — en signe d’encouragement, Léona lui grattouilla l’oreille.

« Y a quoi à manger ? J’espère que vous avez trouvé autre chose que des herbes, je bouffe tellement de potage ces derniers temps que j’en ai la coulante ! »



Agatha était parvenue à trouver deux lièvres. Elle les avait traqués grâce à Michel, et trouvé jusque dans leur garenne — mais elle avait épargné les lapereaux, ça lui avait semblé plus honnête. C’était la faute au vent qui l’animait. Léona l’avait appelé Ghur en l’encourageant à n’utiliser que lui, à ne chercher à maîtriser que l’Ambre dans le tapis de couleurs étranges que les autres personnes ne semblaient pas pouvoir déceler. Ghur la liait aux animaux, lui permettait de les comprendre, de les suivre, d’avoir une grande empathie pour eux… La chasse était nécessaire pour se nourrir, et même plus honnête, moins répugnant bizarrement, que de manger de la viande bêtement élevée pour sans possibilité de s’échapper. Mais il y avait un équilibre à avoir, et si l’ours, le loup ou le renard ne savaient pas contenir leur faim, seule la précaution étanchant leur appétit, elle avait le devoir de préserver la faune à sa manière. Les lapereaux grandiraient, feraient des enfants, et quand viendrait leur tour, il faudrait aussi épargner leurs petits. Pour ce soir, les pauvres bestioles avaient été soigneusement écorchées pour servir au bouillon. De quoi régaler les trois servantes du Graal qui se réchauffaient autour d’un petit feu, se tournant régulièrement car le dos était humide alors que le devant brûlait à force de rester les fesses assises dans la même posture.


Léona aimait parler. C’était une vraie pipelette. Et Claricia n’étant franchement pas causante, ça faisait qu’on n’entendait plus qu’elle. Elle piaillait de mille sujets, avec une voix qui ne semblait jamais à court de souffle, même après avoir marché on-ne-sait quelques kilomètres… Ses sandales étaient d’ailleurs trouées, et elle se passait un peu de pommade sur la plante ensanglantée de ses pieds.

« Le père Letordu, ça c’est un sacré gaillard ! Je vous ai déjà parlé du père Letordu ? Il est charron, autant vous dire qu’à sa baraque ça moufte pas ! Un honnête homme, oui-da, mais j’pense qu’il a de mauvaises fréquentations, ça file un mauvais coton… D’ailleurs, y a qu’à voir, y me fréquente moi, si c’est pas de mauvaises fréquentations je sais pas quoi dire de plus, haha !
Mais surtout, maintenant, il traîne dans un temple de Réformés… Il sait à peine lire, il croit pouvoir lire les Écritures. Balivernes. Prêtres et pasteurs, c’est la même chose pour moi. Enfin, je lui ai prévenu, ça lui attirera des embêtements, mais il soutient mordicus que c’est ainsi qu’on devient libre. Quelque part, j’admire sa tenacité. Mais bon, si la liberté c’est finir par se peler le cul et bouffer du lapin faisandé dans un bouillon…
Roh, je rigole. Franchement, c’est moins dégueulasse que ce que j’ai mangé jusqu’ici. Une vraie petite femme au foyer, Artio, n’est-ce pas, héhé…
Ce qui me fait penser, bon sang, le mois dernier, figurez-vous mesdemoiselles que j’étais à Guynemer — j’ai mangé du rouget en chausson ! C’était drôlement bon ! Évidemment ça a été toute une histoire pour que je me le fasse payer, parce que même avec la mer à côté on dirait que le cuisinier il brasse plus que le pêcheur qui s’est pourtant bien cassé l’oignon à chercher le rouget… T’as déjà mangé du rouget Claricia ? Hein ? »


Claricia sembla se réveiller. Elle était en train d’engloutir son bol de bouillon de lapin comme si elle n’avait pas mangé depuis des jours, ce qui, en fait, était un peu vrai. C’est la bouche pleine qu’elle répondit :

« Hein ? Heu… Non, je crois pas…
– Et toi Artio, t’as déjà graillé du rouget ? En même temps Merton c’est en bord de mer, alors j’espère que oui, on est pas toutes nées au milieu des moutons comme mademoiselle… »

Ce qui était fascinant avec Léona, c’est qu’elle était incapable de dire plus de trois phrases sans chercher à insulter quelqu’un. Une vraie tête de mule agaçante et insupportable, en plus d’être dangereuse, et tenant souvent des propos limites…
…Elle avait sauvé la vie d’Agatha, plus d’une fois. Nul doute qu’il en était pareil pour Claricia. Cette vieille pie était la chose la plus proche qu’elles aient d’un mentor.

« Madame… Peut-être que vous pourriez nous parler de ce que nous allons faire prochainement ? »

Claricia faisait très attention aux mots qu’elle employait. Il était dangereux d’interrompre madame Léona. Il était rare que la damoiselle emploie autant d’égards quand elle parlait, d’ailleurs… Enfin, Léona but bruyamment sa soupe, avant de poser le bol.

« Ah je vois, la vieille carne vous emmerde alors vous voulez vite abréger, c’est ça ?
Hé bien oui, mesdemoiselles, vous allez partir quelque part. Le Graal s’est révélé à moi, en rêve… La Dame du Lac m’a enfin porté un signe. Un minuscule. Un que j’ai du mal à interpréter… Mais un signe quand même.
Vous allez partir en traque, mes chères limiers. Et c’est à une petite trotte de là, par-dessus la Sélune, alors va falloir vous assurer que vous ayez des bottes neuves… »


Claricia hocha de la tête, l’air solennel.

Léona Thaas avait disparu deux mois entiers, au tout début de l’automne, pour parcourir le Lyonesse. Elle cherchait des signes, des symboles… Ou alors elle voulait juste aller prendre des champignons hallucinogènes et laisser les deux damoiselles ne pas traîner dans ses pattes, difficile de savoir. Mais aussi désagréable et folle qu’elle paraissait, la sorcière n’était pas une menteuse. Si elle disait que la Dame du Lac était venue la voir en rêve, c’est que ça avait un symbole de vérité.

« Il y a… Un autel du Graal, camouflé dans l’Auld Moussillon… Un coffret, qui a survécu à la purge… Une damoiselle, il y a cinquante ans, a camouflé un artefact étrange, qui dispose d’un certain pouvoir… Un miroir entièrement fait d’ambre, qui est capable de révéler bien des choses quand on regarde au travers…
La damoiselle qui a caché cet artefact a été torturée pour en révéler la localisation. Elle n’a pas prononcé un mot et a été tuée d’écartèlement. Une énième horreur dont trop de nos sœurs ont été victimes il y a un demi-siècle. Prions pour elle après le repas… Mais ce miroir a fait naître quelques fantasmes chez des chasseurs de trésors, sans qu’ils en trouvent la trace… »


Elle fit régner un petit silence. Il n’y avait pas grand-chose à en dire. Alors, Léona ricana.

« Cela vous semble bien médiocre, hein ? Vous avez rejoint une sororité mystique qui doit sauver la Bretonnie et honorer la Déesse la plus puissante de cette Terre, et je vous envoie fouiller de vieux endroits à la recherche d’un artefact comme de vulgaires pilleuses de tombes…
Le jeu en vaut la chandelle, mesdemoiselles. Je vous donnerai plus de détail après m’être reposée… Mais retrouver ce que nos sœurs ont laissé derrière elles avant de périr, c’est ainsi que l’on va la servir. »

Elle s’étendit comme un chat. Et fit un signe de tête à Agatha.

« Comment que vous allez, toutes les deux ?
J’ai tellement de choses à vous raconter sur l’Ormérique, mais avant que je vous saoule, parlez-moi un peu de vous deux. »


Claricia et Agatha se regardèrent mutuellement. Que la sorcière s’intéresse à elles deux était… Inhabituel. Trop étrange. Elle avait même plutôt l’habitude de les rabrouer quand elles commençaient à s’égarer à laisser filtrer leurs sentiments personnels…

Jet d’habilité : 11, échec
Jet de magie : 15 et 16, échecs

Jet de ??? de Léona : 10, réussite

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Agatha de Tourraine
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Re: [Agatha] Vieilles-croyantes

Message par Agatha de Tourraine »

Ça faisait plusieurs jours que les deux jeunes damoiselles avaient reçu le message indiquant le retour de leur mentor. Si Claricia avait rapidement démontré une certaine impatience, Agatha en avait grimacé de mécontentement. Elle n'appréciait pas vraiment leur mentor, toujours à piailler, à brailler, à rabrouer et à pointer les défauts plutôt qu'à fournir des conseils utiles. Sans parler de ses nombreuses autres habitudes ou de sa façon de s'habiller. Même Claricia, quand elle s'habillait pour s'entrainer pour économiser les vêtements qu'elle doit porter pour aller dans une ville ou un village, Agatha ne s'y était pas encore habituée. Les deux rassemblaient alors à de véritables sorcières et elle ressentait une certaine chair de poule. Et maintenant qu'elle avait sombré si bas, au point d'embrasser l'ancienne religion bretonnienne toujours persécutée, elle se demandait quand est-ce qu'elle allait aussi devoir porter des trucs du genre.

Pour préparer l'arrivée de leur mentor, Claricia avait décrété qu'il faudrait autre chose que du ragout d'herbe et de racines. Pour Agatha, leur mentor ne méritait pas que des animaux soient abattus pour elle, mais... Claricia avait demandé sur ce ton d'impatience qui lui donnait une tête que certains qualifieraient d'effrayante, mais qui émouvait Agatha.


"- À chaque ! PUTAIN !! De fois !" S'était-elle entendue penser durant sa chasse aux lièvres avec Michel. "- Qu'est-ce qui va pas chez moi ?! Pourquoi je fais toujours tout ce qu'elle me dit ?! Bordel !"
Lors de la chasse, elle et Michel avaient réussi à trouver deux lièvres, mais aussi leur terrier, où se trouvaient les laperons.
"- La vieille n'aura pas les jeunes. Qu'elle aille se faire scalper l'entre-jambe, elle aura pas les jeunes, même si elle braille !" Avait décrété Agatha face à un Michel qui n'attendait que l'ordre pour faire un carnage.


Elle était revenue la veille et avait déposé les carcasses dans un coin à l'intérieur. Claricia n'avait pas apprécié, ça se voyait sur son visage, mais entre le fait de faire couler du sang animal dans le temple et la possibilité que l'odeur fasse rappliquer quelque chose des bois, elle avait pris sur elle. Et aujourd'hui, elle ne tenait pas en place. Elle aiguisait, elle guettait, elle vérifiait, elle comptait les pierres... Elle n'arrivait pas à rester en place, contrairement à Agatha qui s'était assise sur un banc, à fumer sa pipe. Elle avait bien proposé à Claricia de se calmer et de s'assoir, mais le regard noir qu'elle reçut de sa comparse lui cloua rapidement le bec, et elle retourna dans sa contemplation du lieu.
L'endroit a dû être beau, fut un temps. Ici, on devinait un vitrail, désormais brisé. Là, une statue dont il ne reste plus qu'un socle fendu. Là, au fond, l'autel à présent brisé. Sans parler des bancs dont le bois, ayant pris l'humidité, était presque complètement moisi.

Agatha regardait en direction du vitrail brisé, bien au-dessus de l'autel, et se perdit dans des réflexions qu'elle n'avait pas encore tout à fait l'habitude d'avoir. Elle se questionna sur des points de théologie. Elle. Mais Claricia avait, encore, gagné leurs derniers débats sur le sujet, et elle préparait la réplique. C'était leur principal, et quasiment seul, sujet de conversation depuis qu'elles étaient ici, et leur seul moyen de ne pas tomber dans le mutisme. Ou la folie.
Dans ses réflexions, elle perçut Claricia venir se recueillir devant l'autel, un genou à terre et la tête baissée. La dévotion de sa comparse la frappa encore et elle fut saisie d'une sensation d'inconfort dans sa position, complètement affalée sur son banc, les jambes écartées et un bras allongé le long du fameux banc. Elle fit l'effort de refermer les jambes sous l'effet de la honte, cependant.

Plusieurs instants plus tard, le signal apparut. Ou plutôt se fit entendre. Les corbeaux de leur mentor s'étaient fait entendre. Reconnaitre des corbeaux à la voix était stupide, mais les nombres de croassements et les espaces entre chaque, ça, c'était clairement elle. Agatha se leva alors, éteignit sa pipe et la rangea avant d'aller aux côtés de Claricia pour observer l'être qui sortait du bois. Agatha posa souplement une main sur la garde de son épée pendant que Claricia se raidit aussi quelques instants, dans l'attente de voir si quelqu'un suivait leur mentor. Finalement, rien. Les deux se détendirent et Agatha lâcha le pommeau de son épée.

"- C'te fois, la vieille s'ramène pas avec d'la compagnie. C'est qu'ça change." Railla Agatha pour Claricia. Mais cette dernière coupa rapidement.
« Allume un feu. Il faut l’accueillir au chaud. »
"- Ouais, ok, s'tu veux." Râla Agatha avant de retourner à l'intérieur pour récupérer un peu de ce bois humide.
"- MAIS !! PUTAIN !! ENCORE ! Et j'ai rêvé ou elle m'a claqué des doigts en plus ?!"

Après avoir rassemblé quelques morceaux de bois, Agatha récité mécaniquement la première formule magique que sa mentor lui avait enseignée, censée allumer une petite flammèche. Un sort dont elle se servait plusieurs fois au quotidien pour allumer sa pipe, malgré l'avertissement de sa mentor. Elle lança l'incantation, mais rien ne se passa. Elle n'arrivait pas à se défaire de Claricia dans son esprit, et des sentiments que sa mentor lui provoquait maintenant qu'elle était là. Elle était encore en train d'essayer quand la voix perçante de leur mentor se fit entendre. Agatha en grinça des dents.

« Hé bien, hé bien ! Toujours aussi peu dégourdie avec tes doigts boudinés, Artio ! Enfin, si tu es toujours là et tu t’es pas enfuie depuis tout ce temps, peut-être on fera un jour quelque chose de toi… »

"- Agatha... je m'appelle Agatha, bordel !" Répliqua l'interpellé, pour se faire copieusement snober par Léona.

« Je suis désolée, madame, je vais tâcher d’allumer le-
– Rah, laisse donc ça, lèche-bottes ! Je vais m’en occuper. »

Agatha laissa volontiers la tâche d'allumer le feu à Léona et se dirigea sans attendre dans le coin dans lequel les deux lapins étaient pendus pour commencer à les préparer. Les laisser pendre une journée de plus aurait été un meurtre inutile pour ces pauvres bêtes.

Et évidemment, le repas était agrémenté de nombreuses paroles, soi-disant de sagesse, de leur mentor. Mais Agatha avait pris l'habitude de ne pas y prêter attention. Elle mangeait, appréciait aussi bien le repas que la chaleur du feu dans cette période de froid. Elle ne levait les yeux de son repas que lorsqu'elle était interpellée, comme à l'instant au sujet des rougets au chausson.

"- Hein ? C'est lesquels ceux-là, les machins rouge et rose là ? Ouais, j'crois bien. Pas bon cru, ces merdes. J'préfère la bidoche de toute façon." Et elle planta ses dents dans son repas pour illustrer la chose.

Puis Claricia finit par oser demander ce que leur mentor faisait là. Vraie question, même pour Agatha. Il était rare pour leur mentor de leur rendre visite en personne, et encore moins de ne pas avoir de compagnie aux fesses.

"- C'est vrai qu'ce s'rait pas du luxe d'en savoir un peu plus.
- Ah je vois, la vieille carne vous emmerde alors vous voulez vite abréger, c’est ça ?
- Ouais, c'est ça." Répondit Agatha, récoltant un regard noir et, si elle avait pu, la foudre de la part de Claricia.

Léona leur raconta alors la vision qui lui avait été accordée par La Dame du Lac. À ce moment-là, les deux damoiselles firent très attention aux paroles de leur mentor. Malgré ses nombreux défauts et son caractère éreintant, la mentor n'était pas du genre à mentir et Agatha ne se souvenait pas qu'elle leur ait menti, ne serait-ce qu'une fois. Aussi, les paroles de cette dernière étaient prises très au sérieux, aussi bien par Claricia qu'Agatha.
Plus elle parlait, plus les visages des damoiselles se changeaient pour devenir soit effrayés, soit excités, soit intimidés. Ou peut-être un mélange des trois. Mais elles furent désarçonnées quand leur mentor, connut pour ne pas s'intéresser plus que ça à ses disciples, leur demanda comment elles allaient. Agatha tourna la tête vers Claricia, un sourcil en l'air, alors que l'autre fit la même chose, pour tourner la tête de concert vers leur mentor.

"- Bah... Ça caille. On a pas été encore malade, personne est v'nu nous emmerder depuis un p'tit moment. À part ça... bah on s'fait chier comme des rats morts, donc on s'prend la tête plus souvent que d'habitude. Qu'est-ce que vous voulez qu'on vous dise de plus ? On est dans un coin paumé loin de tout, les seules nouvelles qu'on peut donner, c'est qu'il y a encore du p'tit gibier et qu'on a déjà eu notre période du mois. Sérieux, c'est quoi cette question ? Surtout venant d'vous j'veux dire !"
Agatha de Tourraine, Damoiselle du graal
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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Agatha] Vieilles-croyantes

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Léona leva les yeux au ciel et ricana à la petite réflexion d’Agatha.

« Hé ben alors ? J’ai pas le droit de m’intéresser à ce que deviennent mes deux filleules ? Ton problème c’est que t’as passé trop de temps de ta vie en ville pour apprécier les belles choses — de mon temps les jouvencelles chialaient quand même beaucoup moins et s’intéressaient beaucoup plus à ce qui les entoure !
Et toi Claricia, comment ça va ?

– Moi ? Oh, je… Ben pour tout dire, tout roule. Tout roule…
– Tsss… Vraiment une lèche-botte celle-là. Je me demande ce qu’il faudrait que je te fasse faire pour que tu te plaignes un jour, va. »

La vieille prophétesse termina de ronger son lapin, puis la voilà qui se remit debout. Michel, le toutou, agita sa queue dans tous les sens en pensant que c’était déjà l’heure de se promener — il faut dire que le vieux cabot vivait pour le coup une vie de rêve, étant presque toujours dehors pour faire peur aux oiseaux et aux lapins qui vagabondaient autour des collines…
…Maintenant debout, Léona s’approcha d’un des murs de la chapelle vide. Les poings sur les hanches, elle regarda tout autour, et commença à pérorer toute seule, en ressassant des souvenirs qu’elle avait en fait déjà évoqué trop de fois, à se demander si elle ne perdait pas la boule…

« Je suis déjà venue ici alors que j’étais encore une enfant… C’était brillant d’or et de cristal, et il faisait chaud et sec grâce au bois brûlant dans l’âtre. Des chevaliers riaient et l’on buvait du vin de Bordeleaux dans des coupes en argent.
Vous ne vivrez probablement pas pour revoir une telle chose, mes filles. J’aimerais vous promettre plus que ce que je peux réellement vous offrir, mais je n’ai pas le cœur à vous mentir — c’est une sale époque que nous vivons, et vous n’avez pas besoin de moi pour vous le répéter. Vous avez eu des existences assez… Difficiles pour vous en apercevoir vous-mêmes. 
»

Claricia fit la moue, et hocha légèrement la tête d’approbation. Léona soupira et offrit un sourire sincère, et bizarrement chaud.

« Mais vous êtes de braves filles, j’ai confiance en vous pour faire ce qui est bon et juste.
– Chercher un miroir, c’est-à-dire ?
– Ah, voilà Artio qui déteint sur toi ! Oui — chercher un simple miroir. Un artefact qui a appartenu autrefois à de belles sœurs, que vous auriez adoré connaître… Avec, j’aurai de quoi faire beaucoup en cet endroit. Cette chapelle pourrait bien redevenir quelque chose de noble et pure, et plus un simple squat humide…
…Il faudra quand même que vous fassiez attention. Surtout toi Claricia. Ce n’est pas vêtu comme ça que tu vas te faire beaucoup d’amis… »


Vêtue en chamane d’un autre temps, plus archaïque, la jeune damoiselle avait de quoi attirer les regards. Elle hocha de la tête.

« Cela était certain. Mais nous serons discrètes et prudentes.
– L’Ormérique est dangereuse. Pas simplement parce que nous pratiquons une religion prohibée — les temps changent. Le pays est déchiré entre les Orthodoxes, qui croient toujours dans les balivernes de l’Église, et les Réformés, qui deviennent de plus en plus importants dans les villes et parmi la noblesse. Les gens sont devenus méfiants. Rajoutez à cela qu’en ce moment-même, des agents du fisc parcourent le pays pour lever la taille et les impôts, alors que nous sommes au commencement de l’hiver, et vous avez la recette parfaite pour l’horreur…
…Je n’ai pas de doute sur le fait qu’Artio pourra survivre sur le pays, endurante comme elle est, mais toi-même est plus maigrelette et bien faible, Claricia. À l’inverse, tu maîtrises bien mieux tes pouvoirs que notre ourse… Il faudra que vous collaboriez ensemble, et cette fois-ci, je ne serai pas là pour vous protéger.
Vous êtes à la hauteur de cela ? »


Léona se pencha. Le vent de Ghur semblait danser tout autour d’elle — elle avait beaucoup en commun avec Agatha. Elle appela Michel en lui faisant un geste que seul le canidé pouvait comprendre, et voilà qu’elle le couvrait de caresses.

« Hormis ce que vous pouvez porter et vous vêtir, vous n’aurez pas grand soutien… La chapelle où je vous envoie n’est pas si loin, mais il faudra bien cinq ou six jours pour y aller, et cinq à six jours pour en revenir… Les routes ne sont pas toutes sûres. Et les gens de Loi ne seront probablement pas plus fréquentables que les brigands…
Que pensez-vous faire ? Suivre les routes avec les auberges, et vous faire passer pour d’autres ? Ou bien tenter de traverser par le pays ? Généralement, se déguiser en pèlerins marche plutôt bien, pour être tranquilles. »
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Agatha de Tourraine
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Re: [Agatha] Vieilles-croyantes

Message par Agatha de Tourraine »

La réponse de Léona pris Agatha par surprise. Bien trop habituée à des discussions qui finissaient en pugilat, la réponse posée et calme du mentor désarçonna la jeune damoiselle qui resta muette pendant le reste du repas. Puis quand Léona repartit dans un de ses discours sur le temps d'avant, Agatha réalisa qu'elle avait réagis un peu trop violemment à une demande visiblement gentille. Elle n'était pas habituée à la gentillesse, elle n'a que trop rarement connue cela pour s'en être rendue compte. Et maintenant que c'était chose faite, elle se sentait honteuse, presque humiliée par son propre comportement. Son visage perdit de sa superbe, elle ramena ses jambes à son torse et les entoura de ses jambes avant de murmurer une excuse à Léona alors que celle-ci n'avait pas finis son récit sur ce qu'était ce temple auparavant.

"- Oui — chercher un simple miroir. Un artefact qui a appartenu autrefois à de belles sœurs, que vous auriez adoré connaître… Avec, j’aurai de quoi faire beaucoup en cet endroit. Cette chapelle pourrait bien redevenir quelque chose de noble et pure, et plus un simple squat humide…"

"- Et en faire quoi ? A moins qu'il soit en or massif incrusté de joyaux pour le revendre, j'ai du mal à voir à quoi un miroir sera si utile. Désolé si j'ai pas encore le réflexe de saisir tout le côté magique, tu sais que j'comprends mieux les trucs terre à terre et palpable, Léona."

Léona va tiquer des lèvres. "- L'argent ne nous mènerait pas bien loin de toute manière, quand bien même il nous en faut pour survivre et prospérer - soi-dit en passant, il vous sera nécessaire de vivre sur le pays, et vous devrez acquérir du métal et des ressources comme vous le pouvez, même s'il faut parfois errer du côté de l'illégalité...

...Le miroir lui-même recèle, comme je l'ai dis, d'un grand pouvoir. Il permet de... Sonder le passé, et des événements qui ont déjà eu lieu, afin de les revivre avec plus de précisions. Il me sera utile pour retrouver et protéger certaines de nos autres soeurs, et éventuellement, obtenir des moyens de lutter contre les princes d'Armorique, et de reprendre grâce auprès d'eux. J'ai un certain nombre de projets pour lesquels l'artefact me sera utile. Mais vous risquez de ne pas être les seules à le convoiter."



Si Agatha haussa un sourcil circonspect quand la mentor parla de voir le passé grâce au miroir, elle fit cependant aucune remarque. Sa mentor ne mentait pas sur ces choses là, mais elle avait encore du mal avec cette nouvelle chose qu'était la magie. Contrairement à Claricia, qui avait l'air de saisir la puissance de ce miroir.


"- Il faudra quand même que vous fassiez attention. Surtout toi Claricia. Ce n’est pas vêtu comme ça que tu vas te faire beaucoup d’amis."

"- Ouais bah elle au moins elle a le choix des vêtements, miss bourge." Piqua Agatha à sa comparse qui avait deux ou trois tenues en tout, alors qu'elle même tournait à uniquement une seule tenue, ce qui se révélait peu plaisant quand il fallait attendre qu'ils sèchent.

Claricia va lever un sourcil, visiblement un peu circonspecte. "J'appelle pas avoir une tenue de voyage être un choix."


Quand finalement Léona leur demandera comment elles comptaient voyager, Agatha fit signe à Claricia de commencer à donner son avis, ce qu'elle fit sans se faire prier. "- Je pense que l'idée de se déguiser en pèlerins est très bien. On peut prétendre aller vers un des sanctuaires de Taal dans le Moussillon, et s'habiller avec des tenues de paysannes et un bourdon. Je préfère voyager sur les routes que risquer les horreurs de la forêt."

Agatha acquiesça légèrement. "- Bien d'accord avec toi sur les horreurs de la forêt. Mais les horreurs des hommes sont souvent pires encore. En passant par la forêt on pourrait peut être gagner un peu de temps, et on saura d'office que tout ce qu'on croisera voudra nous trancher la gorge ou autre. C'est plus simple que de se demander comment on va se faire manger quand on va s'arrêter dans une auberge. Puis surtout on risque pas de croiser d'prêtres ou d'fanatiques dans la forêt, puis on pourraient même gagner du temps.
Agatha de Tourraine, Damoiselle du graal
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Re: [Agatha] Vieilles-croyantes

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

À la dernière remarque d’Agatha, Claricia ne put s’empêcher de tiquer des lèvres. Elle leva la main comme à l’école, avant de lancer sa propre opinion :

« Dire qu’il n’y a pas de prêtres ou de fanatiques dans la forêt est faux. Il y a de nombreux Réformés qui se rendent dans des clairières ou des sentiers montagneux pour participer au culte du désert. »

La prophétesse ricana en mettant sa main sur ses hanches.

« Un culte du désert ? Ma puce, on est en Bretonnie ici, y a pas beaucoup de déserts !
– C’est… C’est une expression. C’est parce que comme ils savent qu’ils ne peuvent pas se réunir en ville ou dans des lieux publics, de crainte d’être traqués par l’Inquisition, les Réformés se réunissent hors des lieux civilisés, pour y entendre leurs prêches et rendre hommage aux Dieux sans prêtres et sans religion organisée.
Les Réformés ne sont pas de mauvaises gens, ils aspirent à la liberté de conscience et l’égalité… Mais ils haïssent toutes les superstitions, et surtout, ils ont une sorte de crainte pathologique pour la sorcellerie. Ils risqueraient de ne pas apprécier notre présence. »


Léona fit la moue. Agita la tête de gauche à droite, puis, finalement, décida de trancher :

« J’aurais également pensé qu’il serait plus prudent que vous suiviez la route…
…Mais le truc, ma chère Claricia, c’est que je fais plus confiance à Artio que toi pour survivre sur le pays. Tu es peut-être plus expérimentée qu’elle pour honorer la Dame, tu as fait partie du culte plus longtemps, et je ne doute pas que tu saches te battre et te débrouiller si tu es dos au mur, mais pour ce qui est des questions très pratiques de survivre dans le froid et chercher à éviter les rondes de gendarmes, notre nouvelle recrue est déjà entraînée.
Si Artio dit que vous pouvez passer à travers le… désert, alors c’est ce que vous ferez. Et je compte sur toi pour lui obéir. »


La jeune damoiselle hocha de la tête respectueusement, mais regarda en coin sa partenaire.
Visiblement, l’ordre de Léona ne semblait vraiment pas lui plaire.

« À Minieuc, il y aura un village de pêcheurs qui vous permettra de travers le fleuve de la Sélune. C’est le grand fleuve qui marque la démarcation entre l’Ormérique et l’Auld-Moussillon… On reste officiellement dans le même duché, mais c’est déjà un autre monde. Si vous pouvez rester sur vos gardes tant qu’on est en Ormérique — du moins, autant en garde que doivent l’être deux jeunes femmes seules sur les routes — il faudra employer bien plus de précaution quand vous serez de l’autre côté.
Je resterai ici en attendant pour garder l’ermitage et préparer votre retour. Avec mes petits moyens, j’espère rendre l’endroit plus vivable. »




La soirée se termina bien. Le bois brûlant permit de chasser un peu l’humidité, et surtout, repousser le froid en dehors. Le maigre repas fit beaucoup de bien au moral de Léona, et, après quelques longues heures d’une veillée, tandis que dehors le soleil était entièrement couché et ne régnaient plus que les abysses, l’acariâtre prophétesse eut une surprise dans son paquetage :

Elle sortit une magnifique bouteille de vin pleine. Pas un grand crû, mais de la bonne piquette bien tachante qui avait le mérite de venir de Bordeleaux. Voilà qui allait tout de suite rendre l’agacement de la conversation de Léona plus tolérable — la méchante pie fit sauter le bouchon à la main, mit le goulot à sa bouche, et englouti bien quatre gorgées avant de tendre la bouteille à Claricia :

« Voilà qui devait bien vous manquer, tiens ! Vous avez vu que je pense à vous ! »

Claricia leva la main pour refuser son tour. Léona fronça des sourcils et gronda :

« C’est un ordre, jeune fille !
– Oh, heu… »

Elle attrapa la bouteille, fit la grimace, et se força à boire une gorgée. La vieille Léona éclata de rire avant de faire un signe à Agatha.

« Non mais t’as vu ça ? Tu lui dis que c’est un ordre et elle le fait. Vraiment une lèche-bottes ! »[/color]

Y avait des sourires dans ses reproches. La jeune damoiselle tendit vite la bouteille à Agatha, alors que la prophétesse reprenait.

« Pirieuc est un trou à rat, mais ils arrivent à échanger par bateau pour avoir de la vinasse, et ils font du confit de canard… ça c’est savoir bien vivre. Comme quoi y en faut pas beaucoup pour faire un monde.
Vous vous en sortirez bien, toutes les deux. Mais je veux quand même vous mettre en garde sur quelque chose : L’artefact que je vais vous envoyer chercher, nous le Graal ne sommes pas les seuls à vouloir l’obtenir… Quelques forces… Mauvaises, sur lesquelles je vous ai déjà mis en garde, pourraient être en concurrence envers vous.
Vous êtes deux sœurs qui devrez être soudées envers et contre tous, mais vous devrez vous méfier de quiconque offrirait son aide. »
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Agatha de Tourraine
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Re: [Agatha] Vieilles-croyantes

Message par Agatha de Tourraine »

Après avoir finis son discours, Agatha s'était tût et écouta les réponses de sa consœur et de leur mentor. La damoiselle de Ghur ne put s'empêcher de pouffer de rire en entendant parler d'un "culte du désert" de la bouche de Claricia. Elle savait vaguement ce qu'était un désert, une grande vallée avec du sable et sans eau, et en Bretonnie il n'y avait pas de ça. Et elle approuva sa mentor d'un signe de tête vigoureux d'approbation avant que Claricia ne précise ses pensées. La frustration et la légère panique dans ses yeux et la voix de Claricia agita quelque chose dans l'esprit d'Agatha, qui fit au mieux pour réprimer cette étrange sentiment qui n'avait pas lieu d'être.

Quand Léona donna son avis, Agatha haussa les sourcils, proprement étonnée. Elle répliqua à Claricia tout en fixant Léona. "- Les Réformés sont pas ordonnés, comparés aux prêtres. Si on s'accrochent avec un groupe de Réformés, on a moins à craindre d'un autre groupe. Mais pas chez les prêtres des villes." Puis elle s'adressa à Léona. "- Léona, c'est moi ou tu viens de nous complimenter toutes les deux sans nous enfoncer juste derrière ?"

Elle écouta ensuite attentivement les indications de Léona. "Minieuc. Village de pêcheurs. On traverse. Après avoir traversées, on fait encore plus gaffe. Pas d'autres points pour traverser ? T'as des contacts qui pourraient être utiles dans ce village, comme un passeur idéalement, ou quelqu'un qui nous donneraient le gite pour une ou deux nuits ? Et vu que t'as voyagée plus que nous, y'a des nouvelles qui devraient nous concerner pour le voyage ? Une nouvelle chasse aux sorcières ouvertes, un prêtre bien zélé ou quelque chose ?"

Si une chose aurait pu choquer Claricia, surement que cette chose venait d'arriver. Agatha n'était pas du genre à être particulièrement active ou même rassurante, parfois même défaitiste ou fataliste, ce qui contrastait avec Claricia dans nombre de leurs conversations, mais Agatha venait de recevoir une mission, et même son commandement. Elle venait de retrouver un sentiment, une place, qui lui était quasiment familière, et savait ce que cette place impliquée. Si quelque chose foirait, ça lui retomberait dessus. Et le temps passée avec sa bande de coupe-gorges l'avait bien formé à analyser et prévoir les imprévus et à s'inquiéter de ce qui ne semblait pas grand chose. Agatha garda un petit œil sur Claricia, dans l'espoir de provoquer, pour une fois, autre chose que de la désapprobation, du rejet ou autre, et espérait y voir de la surprise, voir même de l'approbation.

Mais la majorité de son attention restait sur Léona et les réponses qu'elle pourrait lui apporter. Chaque information serait importante pour la suite. Chaque nom, indispensable pour survivre. Chaque lieu, utile pour se reposer ou établir la suite de l'opération.

Après avoir entendu les informations, Agatha se cala un peu plus contre le pilier qui lui servait de dossier et ralluma sa tabatière pour réfléchir à tout ça. Cependant toute sa concentration vola en éclat quand elle entendit un "PONF" caractéristique d'une bouteille, et vit celle que Léona venait de sortir. Un sourire qui lui allait d'une oreille à l'autre se colla sur son visage. "Mais non !! J'y crois pas ! Hey hey, gardes-en pour nous, soiffarde !"
Quand elle vis comment Léona forcer Claricia à boire ce qui devait être la première gorgée d'alcool de cette dernière, elle lança un petit : "- 'C'est un ordre.', j'm'en souviendrai d'celle-là. Maintenant fais péter, j'ai l'gosier sec." Et elle descendis trois bonne gorgée avant de pousser un soupir d'aise et de laisser le reste de la soirée se faire dans un esprit plus détendu.

Entre Léona et Agatha, la bouteille ne tenu pas longtemps, mais les deux étaient encore lucides, et Léona réitéra ses mises en garde. Agatha les entendit, et cette fois-ci au lieu de s'adresser à Léona, elle s'adressa directement à Claricia.

"- Clari, j'te fais confiance pour plein de choses. J'te fais confiance pour tout ce qui touche à la magie que la Dame nous a donnée et enseignée par ses textes. J'te fais confiance pour me filer tes impressions et tes avis. J'te fais confiance pour plein d'choses. Mais comme Léona l'a ordonné, c'est moi qui décide à la fin. On est soeurs devant la Dame, et j'écouterai ce que t'auras à m'dire. Mais quand je te demande de faire quelque chose, tu le fais. Que ce soit courir, te cacher, faire l'idiote... ou trancher la gorge de quelqu'un. J'sais pas si t'as déjà fait ça, mais rentre toi bien dans la tête que c'est toujours une possibilité. Et que si tu hésites, selon la situation, ça peux rapidement partir en couille. J'te le répète, j'te fais confiance. J'te demande de m'faire confiance en r'tour pour la mission, et de faire ce que j'te dit. La prochaine fois, ce sera p'tet toi qui m'donnera des ordres, et j'ferai tout c'que tu m'diras à c'moment là. Tu penses que tu peux faire ça, Clari ?"

Le ton d'Agatha était doux et calme, surement grâce au vin de Léona, et elle retrouva même son langage châtié de son temps de coupe-gorges. Mais elle demeurait lucide, et espérait apaiser Claricia qui avait espérait mener cette mission. Si elle n'en avait rien dit, ses réactions en disaient assez longs pour Agatha pour reconnaitre quelqu'un qui souhaite faire ses preuves.
Agatha de Tourraine, Damoiselle du graal
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