[Agatha] Vieilles-croyantes

La Bretonnie, c'est aussi les villes de Parravon et Gisoreux, les cités portuaires de Bordeleaux et Brionne, Quenelles et ses nombreuses chapelles à la gloire de la Dame du Lac, mais aussi le Défilé de la Hache, le lieu de passage principal à travers les montagnes qui sépare l'Empire de la Bretonnie, les forêts de Chalons et d'Arden et, pour finir, les duchés de L'Anguille, la Lyonnesse, l'Artenois, la Bastogne, l'Aquilanie et la Gasconnie.

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[MJ] La Fée Enchanteresse
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[Agatha] Vieilles-croyantes

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

« « Les Miracles n’arrivent jamais » — c’est du plein bon sens, si vous italisez au temps présent ; Mais il y a une ancienne réalité, dans les chroniques des moines, lors d’une ère ancienne comme sainte-Pergunda — en ces temps-là, toute la Bretonnie était terre de Miracles. Et dans le grand château de Bastogne, alors que les beaux paladins et les jolies damoiselles festoyaient et dansaient, un sombre vent d’hiver rafala les portes du château ; et entraîné par lui, galopant sur le fil de l’air, un grand géant de vert chevauchait un cheval de Sinople. »

— Sire Thomas Mallory.





Fourdi 13 Nivôse 1534,
Quelque part dans l’ancien duché de Lyonesse.


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Il y eut un temps différent, en Bretonnie. Pas forcément meilleur, mais différent. Il y eut une ère où de la Grande-Tête du Septentrion jusqu’au fort de la Salvegarde, toute la Bretonnie était dirigée par des preux chevaliers. Se blindant d’épaisses armures de plates, ils quittaient leurs châteaux de pierres sous les applaudissements de leurs manants, pour charger lances couchées contre l’Orque, le Rat, et la Bête. Ils respectaient leurs ennemis par l’honneur de la chevalerie, adulaient les femmes par amour courtois, et ils ne vivaient que pour leur Roy et la Dame du Lac. Tout le royaume semblait enchanté ; béni par l’amour du peuple féérique, la Bretonnie semblait plus magique, plus étonnante, et, si de sombres épisodes de crime et de sang secouaient son Histoire, les Bretonniens parvenaient toujours à triompher de l’antipathie et de l’entropie, pour mieux rétablir la morale et cette chose sainte, la vraie foi.


Et puis, tout changea. Les monstres qui arpentaient les routes du royaume commencèrent à se cacher, profondément dans les forêts et les montagnes. L’artillerie passa lentement de la catapulte au trébuchet, du trébuchet à la bombarde, de la bombarde au canon, et alors, les solides murs des donjons commencèrent à devenir de moins en moins protecteurs. Les serfs apprirent des métiers, et constituèrent des guildes et des corporations pour mieux se protéger et réclamer des droits. Le Roi, autrefois le premier des chevaliers, devint le premier des Bretonniens, quels qu’ils soient. Il remplaça son conseil pour contenir moins de paladins ayant bu le saint-Graal, et un peu plus de prêtres, de légistes, de banquiers, qui commencèrent à coucher sur le papier les coutumes ancestrales afin qu’elles soient connues de tous. Et la religion adopta l’écrit, les rites communs, elle commença à perler dans la nature de tous les jours, et c’est ainsi qu’on fit disparaître les exploits des Compagnons dans le mythe, pour ne garder plus que la secte…

Avec le temps, les chevaliers et les damoiselles du Graal paraissaient de plus en plus archaïques. Oh les chevaliers pouvaient encore bien se battre en duel singulier face à quiconque, mais avaient-ils encore leur place dans un monde de princes, de compagnies de gendarmerie, de régiments de fantassins ? Et les damoiselles terrifiaient encore, on les respectait autant qu’on les craignait pour leur connaissance de l’Autre-Monde, « l’Avalon »… Mais on commençait aussi à prendre leurs rituels pour des superstitions, leurs miracles pour de la sorcellerie, et leurs bons conseils avisés, comme de la manipulation…

Il y a cinquante ans, cet anachronisme fut retiré du décor. Un grand procès fut ordonné, sous l’ordre du roi Charles Ier. Les serviteurs du « prétendu Graal » furent accusés de sorcellerie, apostasie, hérésie, paganisme, et aussi de mille autres choses qu’on pouvait rajouter pour allonger la sauce : détournement de fonds, trahison, complot, sodomie, pactes avec des démons, enlèvement d’enfants en vue de les transformer en sorcières… En une année, il n’y eut que des bûchers, des décapitations, des pendaisons. Les chapelles du Graal furent envahies, saccagées, iconoclastées même — les calices en or furent fondus, les vitraux représentant la Fée Enchanteresse brisés, et les bâtiments transformés pour servir de temples à d’autres Dieux, quand on ne les transformait en greniers à blé ou locaux municipaux…

Le Graal n’existait plus. Ne restait que l’Église du Divin Foyer. Unie, indivisible, régnant d’une main de maître sur les vies des millions de sujets du Royaume, du monarque jusqu’au pire marginal, dans un hénothéisme dédié à sainte Myrmidia.



Mais il restait encore des fidèles à l’antique religion. Des païens que le gibet et le bûcher n’avait pas encore su éliminer. Perdu au beau milieu de l’Ormérique, il y avait une colline désolée, où peu de gens se rendaient, si ce n’était les éleveurs de brebis et moutons lors de la transhumance de printemps — c’était le seul moment où ces reliefs escarpés et inhospitaliers étaient bravés par des hommes, mais en ce mois de fin d’automne, l’hiver venant bientôt, on ne croisait plus personne sur les herbages. Tenait alors un temple solitaire, l’ermitage de Gillemont. Une vieille relique histoire, un tas de pierres élevées par le Compagnon du Graal, Thierulf, en l’honneur de la naissance de son fils qui naquît de son union avec la sœur de Gilles le Breton, premier roi des Bretonnis. Le Temple avait servi de refuge à une demi-douzaine de chevaliers et damoiselles durant la Purge, mais quand une centaine de militaires encerclèrent le bâtiment et menacèrent de simplement y mettre le feu, les assiégés décidèrent d’épargner l’édifice dans une charge glorieuse, pour essayer d’emporter autant d’ennemis que possible dans la tombe — les arbalètes et les arquebuses furent plus forts que le Graal, même si l’histoire ne raconte pas combien de soldats furent envoyés à Mórr dans ce baroud d’honneur…
La chapelle du Graal fut iconoclastée, et tous les artefacts et les reliques de l’ancienne religion détruites, ou plus probablement pillées par des mains avides. Il ne restait maintenant plus rien là-dedans, si ce n’était des tombes ouvertes aux cendres disséminées aux quatre vents, des bancs cassés, de vieilles bandes d’étoffes bouffées par les mites et parcourues d’araignées… Et l’esprit. Sinon autre chose, au moins l’esprit.

Il n’y avait plus rien à défendre dans cet ermitage, mais le symbole était trop fort, et les créatures humaines sont faites de symboles.


La damoiselle Claricia était occupée à travailler. La druïdesse du Graal était le genre de personne qui semblait être incapable d’être oisive — l’urgence de la situation l’expliquait pour pas mal, mais il y avait sans doute autre chose de plus, engrainé en elle, qui l’empêchait de simplement s’arrêter pour faire quelque chose qui n’avait pas une utilité… Quand elle ne préparait pas à manger, elle taillait des flèches. Quand elle ne faisait pas l’inventaire des herbes et onguents qui lui restait, elle filait des bandages. Quand elle ne lavait pas ses vêtements, elle aiguisait ses lames. Ses seuls instants de repos, hormis les sommeils légers qui l’appelaient à Mórr, c’était pour prier — mais même sa façon de prier semblait peu reposante. Assise un genou à terre, tête baissée devant l’autel cassé de l’ermitage, elle n’avait pas l’air de se détendre dans une placide méditation — à la place, elle serrait des dents, et des poings, et murmurait pour elle seule d’étranges syllabes en eltharin, une langue qu’elle ne savait pas lire, et dont elle ne savait que chanter quelques paroles qu’une femme plus docte, et plus ancienne qu’elle, avait pu lui inculquer.

Il n’y avait rien à faire aujourd’hui, sinon être sur le qui-vive, alors ça semblait être pour elle une torture. L’arc à la main, le carquois de flèches à son flanc, elle tripotait une à une chacune des flèches, parfaitement taillée, en lançant son regard vers le chemin rocailleux recouvert de brume qui menait tout en bas, jusqu’au reste de Lyonnesse. Silencieuse, la tête reposée sur un pan de la porte à l’entrée, elle faisait tellement peu de bruit que Michel pouvait tranquillement dormir dans un coin, grelottant de froid — craignant que leur invitée n’arrive avec des poursuivants aux trousses, Claricia avait strictement interdit qu’on allume un feu pour se réchauffer. Et elle avait insisté pour garder la porte ouverte…


Après de longues minutes d’attente, elle apparaissait enfin. Une simple silhouette avec un bourdon, qui allait de l’avant à l’aide de grandes enjambées, à peine crevée par le dénivelé. Une vieille femme qui avait encore toute la force d’une jeune, la cause d’une vie passée à errer sur les routes, souvent à grandes foulées, pour ne pas tomber sur la maréchaussée. Elle n’avait derrière elle ni cavaliers, ni intrus, et comme escorte, un duo de rapaces volant au-dessus d’elle dans les airs — ses familiers et ses protecteurs, qui hurlaient pour faire entendre leur présence. Ils signalaient aussi qu’il n’y avait personne dans les parages, avec un cri qui servait de signal caractéristique… Enfin, Claricia sembla se détendre et se détacha du pan de la porte.

« Allume un feu. Il faut l’accueillir au chaud. »

Elle ponctua son ordre lancé à Agatha d’un claquement de doigt. Ce n’était pas la politesse qui l’étouffait. Et le pire, c’est que celle qui allait arriver était à peine plus agréable…
Les chansons racontaient que les damoiselles du Graal étaient les femmes qui incarnaient la perfection féminine dans la société d’amour courtois — elles étaient pleines de grâce et de piété, toujours vêtues de robes blanches, passant leurs journées à parcourir le pays pour y traquer les monstres et mieux diriger les chevaliers vers l’ennemi. Elles étaient discrètes, et secrètes, pleines de mysticisme et de rites rien qu’à elles. Mais jusqu’ici, les deux servantes du Graal qu’avait pu rencontrer Agatha faisaient pas mal mentir la mythologie… Elles étaient sales, hirsutes, parlant vulgairement. Mais personne ne pouvait remettre en doute leur certitude. Difficile de savoir ce qui les avait poussées à rejoindre une religion illégale en perdition… Avaient-elles eu des destins difficiles comme elle ? Claricia, en tout cas, était trop jeune pour avoir été vivante lors de la purge. Difficile de savoir pour leur invitée…

Peut-être fallait-il lui demander.

Agatha s’embêtait à essayer d’allumer du bois humide. Encore, et encore, elle tentait de faire scintiller quelques braises afin d’enflammer du petit bois, mais son briquet en amadou devait avoir pris l’humidité, car il n’arrêtait pas de cracher quelques fines étincelles qui mourraient dès qu’elles touchaient le bois. On lui avait dit mille fois de ne pas abuser de son pouvoir… mais Agatha avait pu l’utiliser mille fois sans que rien de mal ne se produise. Ou rien de trop mal. Alors, profitant que personne ne la regardait, elle leva ses mains, et siffla quelques syllabes d’eltharin avec son accent d’humaine à couper au couteau, écorchant sans vergogne la langue du peuple Elfe.
Hélas, rien ne parvint à sortir de ses doigts. Et le feu n’était toujours pas allumé quand Claricia revenait enfin avec leur invitée…

Les deux étaient à peine sur le parvis, que déjà, on les entendait se plaindre :

« Hé ben dites donc, toujours aussi humide par ici ! Ça se voit que vous avez pas à vous plaindre de rhumatismes, vous autres ! Les jeunes ont vraiment plus aucun respect pour les personnes d’un certain âge, tout va à vau-l’eau dans ce pays, c’est ce que me racontait le père Letordu, on a vraiment mal élevé la nouvelle génération je vous le dis… »

Léona Thaas, quand elle marchait sur les routes, était simplement vêtue d’une immense cape de bure avec une capuche sur la tête. C’était une dame aux cheveux gris et avec des rides sur le visage, un œil borgne, qui lui donnait un air fort vilain et qui encourageait souvent des gamins des rues à lui jeter des pierres et à lui cracher dessus… Quand ils n’avaient pas peur de recevoir un maléfice qui les empoisonnerait en vie. Elle savait mettre fin aux harcèlements de jeunes enfants en leur faisant du mal. Une fois, elle avait rendu malade un enfant de dix ans en lui faisant perdre la vue — ses parents étaient venus la couvrir de cadeaux pour qu’elle lève le maléfice, et, sans rancune, elle s’était bien exécutée.
Maintenant qu’elle pouvait se révéler en privé, elle portait un costume bien plus terrifiant, qui suffirait à l’amener sur le bûcher si des inquisiteurs du Foyer Divin la trouvaient ainsi. Elle avait encore une grâce fort inquiétante qui l’entourait, et qui, en fait, ressemblait très, très peu avec les images qu’Agatha se faisait des servantes du Graal — elle aurait sans doute préféré une femme en robe blanche couverte de broderies d’or, ou bien habillée en dame noble d’un siècle passé, avec des étoffes de soie et des chapeaux bouffants… La femme devant elle, tatouée et couverte de rouge, paraissait plus être ce qu’elle était censée être : une sorcière.
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Un poing sur la hanche, Thaas observa Agatha dans le dos, en voyant le feu qui n’était pas allumé. Elle tapa de sa canne, et se plaignit :

« Hé bien hé bien ! Toujours aussi peu dégourdie avec tes doigts boudinés, Artio ! Enfin, si tu es toujours là et tu t’es pas enfuie depuis tout ce temps, peut-être on fera un jour quelque chose de toi… »

Artio, elle n’arrêtait pas d’appeler Agatha comme ça. De ce qu’elle avait expliqué à la jeune femme, Artio était une ancienne déesse, ou un esprit de la forêt, vénéré par les Belthanis, les anciens occupants de ce pays — une ourse possédant d’étranges pouvoirs. Il fallait essayer de le prendre comme un compliment, d’être comparée à une déesse, mais Léona Thaas utilisait probablement le nom simplement pour faire passer Agatha pour une géante pataude et aimant hiberner…

Claricia, bizarrement inquiète, se mit à professer des excuses :

« Je suis désolée, madame, je vais tâcher d’allumer le-
– Rah, laisse donc ça, lèche-bottes ! Je vais m’en occuper. »

Elle ouvrit grand la bouche, et siffla des mots en eltharin d’une façon plus élégante que Claricia, et avec un accent bizarre et impossible à identifier… Et alors, le sol du temple se mit à rougir, et les bûches s’enflammèrent. Michel, qui n’avait plus peur depuis un moment de la magie, courut se coucher au chaud — en signe d’encouragement, Léona lui grattouilla l’oreille.

« Y a quoi à manger ? J’espère que vous avez trouvé autre chose que des herbes, je bouffe tellement de potage ces derniers temps que j’en ai la coulante ! »



Agatha était parvenue à trouver deux lièvres. Elle les avait traqués grâce à Michel, et trouvé jusque dans leur garenne — mais elle avait épargné les lapereaux, ça lui avait semblé plus honnête. C’était la faute au vent qui l’animait. Léona l’avait appelé Ghur en l’encourageant à n’utiliser que lui, à ne chercher à maîtriser que l’Ambre dans le tapis de couleurs étranges que les autres personnes ne semblaient pas pouvoir déceler. Ghur la liait aux animaux, lui permettait de les comprendre, de les suivre, d’avoir une grande empathie pour eux… La chasse était nécessaire pour se nourrir, et même plus honnête, moins répugnant bizarrement, que de manger de la viande bêtement élevée pour sans possibilité de s’échapper. Mais il y avait un équilibre à avoir, et si l’ours, le loup ou le renard ne savaient pas contenir leur faim, seule la précaution étanchant leur appétit, elle avait le devoir de préserver la faune à sa manière. Les lapereaux grandiraient, feraient des enfants, et quand viendrait leur tour, il faudrait aussi épargner leurs petits. Pour ce soir, les pauvres bestioles avaient été soigneusement écorchées pour servir au bouillon. De quoi régaler les trois servantes du Graal qui se réchauffaient autour d’un petit feu, se tournant régulièrement car le dos était humide alors que le devant brûlait à force de rester les fesses assises dans la même posture.


Léona aimait parler. C’était une vraie pipelette. Et Claricia n’étant franchement pas causante, ça faisait qu’on n’entendait plus qu’elle. Elle piaillait de mille sujets, avec une voix qui ne semblait jamais à court de souffle, même après avoir marché on-ne-sait quelques kilomètres… Ses sandales étaient d’ailleurs trouées, et elle se passait un peu de pommade sur la plante ensanglantée de ses pieds.

« Le père Letordu, ça c’est un sacré gaillard ! Je vous ai déjà parlé du père Letordu ? Il est charron, autant vous dire qu’à sa baraque ça moufte pas ! Un honnête homme, oui-da, mais j’pense qu’il a de mauvaises fréquentations, ça file un mauvais coton… D’ailleurs, y a qu’à voir, y me fréquente moi, si c’est pas de mauvaises fréquentations je sais pas quoi dire de plus, haha !
Mais surtout, maintenant, il traîne dans un temple de Réformés… Il sait à peine lire, il croit pouvoir lire les Écritures. Balivernes. Prêtres et pasteurs, c’est la même chose pour moi. Enfin, je lui ai prévenu, ça lui attirera des embêtements, mais il soutient mordicus que c’est ainsi qu’on devient libre. Quelque part, j’admire sa tenacité. Mais bon, si la liberté c’est finir par se peler le cul et bouffer du lapin faisandé dans un bouillon…
Roh, je rigole. Franchement, c’est moins dégueulasse que ce que j’ai mangé jusqu’ici. Une vraie petite femme au foyer, Artio, n’est-ce pas, héhé…
Ce qui me fait penser, bon sang, le mois dernier, figurez-vous mesdemoiselles que j’étais à Guynemer — j’ai mangé du rouget en chausson ! C’était drôlement bon ! Évidemment ça a été toute une histoire pour que je me le fasse payer, parce que même avec la mer à côté on dirait que le cuisinier il brasse plus que le pêcheur qui s’est pourtant bien cassé l’oignon à chercher le rouget… T’as déjà mangé du rouget Claricia ? Hein ? »


Claricia sembla se réveiller. Elle était en train d’engloutir son bol de bouillon de lapin comme si elle n’avait pas mangé depuis des jours, ce qui, en fait, était un peu vrai. C’est la bouche pleine qu’elle répondit :

« Hein ? Heu… Non, je crois pas…
– Et toi Artio, t’as déjà graillé du rouget ? En même temps Merton c’est en bord de mer, alors j’espère que oui, on est pas toutes nées au milieu des moutons comme mademoiselle… »

Ce qui était fascinant avec Léona, c’est qu’elle était incapable de dire plus de trois phrases sans chercher à insulter quelqu’un. Une vraie tête de mule agaçante et insupportable, en plus d’être dangereuse, et tenant souvent des propos limites…
…Elle avait sauvé la vie d’Agatha, plus d’une fois. Nul doute qu’il en était pareil pour Claricia. Cette vieille pie était la chose la plus proche qu’elles aient d’un mentor.

« Madame… Peut-être que vous pourriez nous parler de ce que nous allons faire prochainement ? »

Claricia faisait très attention aux mots qu’elle employait. Il était dangereux d’interrompre madame Léona. Il était rare que la damoiselle emploie autant d’égards quand elle parlait, d’ailleurs… Enfin, Léona but bruyamment sa soupe, avant de poser le bol.

« Ah je vois, la vieille carne vous emmerde alors vous voulez vite abréger, c’est ça ?
Hé bien oui, mesdemoiselles, vous allez partir quelque part. Le Graal s’est révélé à moi, en rêve… La Dame du Lac m’a enfin porté un signe. Un minuscule. Un que j’ai du mal à interpréter… Mais un signe quand même.
Vous allez partir en traque, mes chères limiers. Et c’est à une petite trotte de là, par-dessus la Sélune, alors va falloir vous assurer que vous ayez des bottes neuves… »


Claricia hocha de la tête, l’air solennel.

Léona Thaas avait disparu deux mois entiers, au tout début de l’automne, pour parcourir le Lyonesse. Elle cherchait des signes, des symboles… Ou alors elle voulait juste aller prendre des champignons hallucinogènes et laisser les deux damoiselles ne pas traîner dans ses pattes, difficile de savoir. Mais aussi désagréable et folle qu’elle paraissait, la sorcière n’était pas une menteuse. Si elle disait que la Dame du Lac était venue la voir en rêve, c’est que ça avait un symbole de vérité.

« Il y a… Un autel du Graal, camouflé dans l’Auld Moussillon… Un coffret, qui a survécu à la purge… Une damoiselle, il y a cinquante ans, a camouflé un artefact étrange, qui dispose d’un certain pouvoir… Un miroir entièrement fait d’ambre, qui est capable de révéler bien des choses quand on regarde au travers…
La damoiselle qui a caché cet artefact a été torturée pour en révéler la localisation. Elle n’a pas prononcé un mot et a été tuée d’écartèlement. Une énième horreur dont trop de nos sœurs ont été victimes il y a un demi-siècle. Prions pour elle après le repas… Mais ce miroir a fait naître quelques fantasmes chez des chasseurs de trésors, sans qu’ils en trouvent la trace… »


Elle fit régner un petit silence. Il n’y avait pas grand-chose à en dire. Alors, Léona ricana.

« Cela vous semble bien médiocre, hein ? Vous avez rejoint une sororité mystique qui doit sauver la Bretonnie et honorer la Déesse la plus puissante de cette Terre, et je vous envoie fouiller de vieux endroits à la recherche d’un artefact comme de vulgaires pilleuses de tombes…
Le jeu en vaut la chandelle, mesdemoiselles. Je vous donnerai plus de détail après m’être reposée… Mais retrouver ce que nos sœurs ont laissé derrière elles avant de périr, c’est ainsi que l’on va la servir. »

Elle s’étendit comme un chat. Et fit un signe de tête à Agatha.

« Comment que vous allez, toutes les deux ?
J’ai tellement de choses à vous raconter sur l’Ormérique, mais avant que je vous saoule, parlez-moi un peu de vous deux. »


Claricia et Agatha se regardèrent mutuellement. Que la sorcière s’intéresse à elles deux était… Inhabituel. Trop étrange. Elle avait même plutôt l’habitude de les rabrouer quand elles commençaient à s’égarer à laisser filtrer leurs sentiments personnels…

Jet d’habilité : 11, échec
Jet de magie : 15 et 16, échecs

Jet de ??? de Léona : 10, réussite

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Agatha de Tourraine
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Re: [Agatha] Vieilles-croyantes

Message par Agatha de Tourraine »

Ça faisait plusieurs jours que les deux jeunes damoiselles avaient reçu le message indiquant le retour de leur mentor. Si Claricia avait rapidement démontré une certaine impatience, Agatha en avait grimacé de mécontentement. Elle n'appréciait pas vraiment leur mentor, toujours à piailler, à brailler, à rabrouer et à pointer les défauts plutôt qu'à fournir des conseils utiles. Sans parler de ses nombreuses autres habitudes ou de sa façon de s'habiller. Même Claricia, quand elle s'habillait pour s'entrainer pour économiser les vêtements qu'elle doit porter pour aller dans une ville ou un village, Agatha ne s'y était pas encore habituée. Les deux rassemblaient alors à de véritables sorcières et elle ressentait une certaine chair de poule. Et maintenant qu'elle avait sombré si bas, au point d'embrasser l'ancienne religion bretonnienne toujours persécutée, elle se demandait quand est-ce qu'elle allait aussi devoir porter des trucs du genre.

Pour préparer l'arrivée de leur mentor, Claricia avait décrété qu'il faudrait autre chose que du ragout d'herbe et de racines. Pour Agatha, leur mentor ne méritait pas que des animaux soient abattus pour elle, mais... Claricia avait demandé sur ce ton d'impatience qui lui donnait une tête que certains qualifieraient d'effrayante, mais qui émouvait Agatha.


"- À chaque ! PUTAIN !! De fois !" S'était-elle entendue penser durant sa chasse aux lièvres avec Michel. "- Qu'est-ce qui va pas chez moi ?! Pourquoi je fais toujours tout ce qu'elle me dit ?! Bordel !"
Lors de la chasse, elle et Michel avaient réussi à trouver deux lièvres, mais aussi leur terrier, où se trouvaient les laperons.
"- La vieille n'aura pas les jeunes. Qu'elle aille se faire scalper l'entre-jambe, elle aura pas les jeunes, même si elle braille !" Avait décrété Agatha face à un Michel qui n'attendait que l'ordre pour faire un carnage.


Elle était revenue la veille et avait déposé les carcasses dans un coin à l'intérieur. Claricia n'avait pas apprécié, ça se voyait sur son visage, mais entre le fait de faire couler du sang animal dans le temple et la possibilité que l'odeur fasse rappliquer quelque chose des bois, elle avait pris sur elle. Et aujourd'hui, elle ne tenait pas en place. Elle aiguisait, elle guettait, elle vérifiait, elle comptait les pierres... Elle n'arrivait pas à rester en place, contrairement à Agatha qui s'était assise sur un banc, à fumer sa pipe. Elle avait bien proposé à Claricia de se calmer et de s'assoir, mais le regard noir qu'elle reçut de sa comparse lui cloua rapidement le bec, et elle retourna dans sa contemplation du lieu.
L'endroit a dû être beau, fut un temps. Ici, on devinait un vitrail, désormais brisé. Là, une statue dont il ne reste plus qu'un socle fendu. Là, au fond, l'autel à présent brisé. Sans parler des bancs dont le bois, ayant pris l'humidité, était presque complètement moisi.

Agatha regardait en direction du vitrail brisé, bien au-dessus de l'autel, et se perdit dans des réflexions qu'elle n'avait pas encore tout à fait l'habitude d'avoir. Elle se questionna sur des points de théologie. Elle. Mais Claricia avait, encore, gagné leurs derniers débats sur le sujet, et elle préparait la réplique. C'était leur principal, et quasiment seul, sujet de conversation depuis qu'elles étaient ici, et leur seul moyen de ne pas tomber dans le mutisme. Ou la folie.
Dans ses réflexions, elle perçut Claricia venir se recueillir devant l'autel, un genou à terre et la tête baissée. La dévotion de sa comparse la frappa encore et elle fut saisie d'une sensation d'inconfort dans sa position, complètement affalée sur son banc, les jambes écartées et un bras allongé le long du fameux banc. Elle fit l'effort de refermer les jambes sous l'effet de la honte, cependant.

Plusieurs instants plus tard, le signal apparut. Ou plutôt se fit entendre. Les corbeaux de leur mentor s'étaient fait entendre. Reconnaitre des corbeaux à la voix était stupide, mais les nombres de croassements et les espaces entre chaque, ça, c'était clairement elle. Agatha se leva alors, éteignit sa pipe et la rangea avant d'aller aux côtés de Claricia pour observer l'être qui sortait du bois. Agatha posa souplement une main sur la garde de son épée pendant que Claricia se raidit aussi quelques instants, dans l'attente de voir si quelqu'un suivait leur mentor. Finalement, rien. Les deux se détendirent et Agatha lâcha le pommeau de son épée.

"- C'te fois, la vieille s'ramène pas avec d'la compagnie. C'est qu'ça change." Railla Agatha pour Claricia. Mais cette dernière coupa rapidement.
« Allume un feu. Il faut l’accueillir au chaud. »
"- Ouais, ok, s'tu veux." Râla Agatha avant de retourner à l'intérieur pour récupérer un peu de ce bois humide.
"- MAIS !! PUTAIN !! ENCORE ! Et j'ai rêvé ou elle m'a claqué des doigts en plus ?!"

Après avoir rassemblé quelques morceaux de bois, Agatha récité mécaniquement la première formule magique que sa mentor lui avait enseignée, censée allumer une petite flammèche. Un sort dont elle se servait plusieurs fois au quotidien pour allumer sa pipe, malgré l'avertissement de sa mentor. Elle lança l'incantation, mais rien ne se passa. Elle n'arrivait pas à se défaire de Claricia dans son esprit, et des sentiments que sa mentor lui provoquait maintenant qu'elle était là. Elle était encore en train d'essayer quand la voix perçante de leur mentor se fit entendre. Agatha en grinça des dents.

« Hé bien, hé bien ! Toujours aussi peu dégourdie avec tes doigts boudinés, Artio ! Enfin, si tu es toujours là et tu t’es pas enfuie depuis tout ce temps, peut-être on fera un jour quelque chose de toi… »

"- Agatha... je m'appelle Agatha, bordel !" Répliqua l'interpellé, pour se faire copieusement snober par Léona.

« Je suis désolée, madame, je vais tâcher d’allumer le-
– Rah, laisse donc ça, lèche-bottes ! Je vais m’en occuper. »

Agatha laissa volontiers la tâche d'allumer le feu à Léona et se dirigea sans attendre dans le coin dans lequel les deux lapins étaient pendus pour commencer à les préparer. Les laisser pendre une journée de plus aurait été un meurtre inutile pour ces pauvres bêtes.

Et évidemment, le repas était agrémenté de nombreuses paroles, soi-disant de sagesse, de leur mentor. Mais Agatha avait pris l'habitude de ne pas y prêter attention. Elle mangeait, appréciait aussi bien le repas que la chaleur du feu dans cette période de froid. Elle ne levait les yeux de son repas que lorsqu'elle était interpellée, comme à l'instant au sujet des rougets au chausson.

"- Hein ? C'est lesquels ceux-là, les machins rouge et rose là ? Ouais, j'crois bien. Pas bon cru, ces merdes. J'préfère la bidoche de toute façon." Et elle planta ses dents dans son repas pour illustrer la chose.

Puis Claricia finit par oser demander ce que leur mentor faisait là. Vraie question, même pour Agatha. Il était rare pour leur mentor de leur rendre visite en personne, et encore moins de ne pas avoir de compagnie aux fesses.

"- C'est vrai qu'ce s'rait pas du luxe d'en savoir un peu plus.
- Ah je vois, la vieille carne vous emmerde alors vous voulez vite abréger, c’est ça ?
- Ouais, c'est ça." Répondit Agatha, récoltant un regard noir et, si elle avait pu, la foudre de la part de Claricia.

Léona leur raconta alors la vision qui lui avait été accordée par La Dame du Lac. À ce moment-là, les deux damoiselles firent très attention aux paroles de leur mentor. Malgré ses nombreux défauts et son caractère éreintant, la mentor n'était pas du genre à mentir et Agatha ne se souvenait pas qu'elle leur ait menti, ne serait-ce qu'une fois. Aussi, les paroles de cette dernière étaient prises très au sérieux, aussi bien par Claricia qu'Agatha.
Plus elle parlait, plus les visages des damoiselles se changeaient pour devenir soit effrayés, soit excités, soit intimidés. Ou peut-être un mélange des trois. Mais elles furent désarçonnées quand leur mentor, connut pour ne pas s'intéresser plus que ça à ses disciples, leur demanda comment elles allaient. Agatha tourna la tête vers Claricia, un sourcil en l'air, alors que l'autre fit la même chose, pour tourner la tête de concert vers leur mentor.

"- Bah... Ça caille. On a pas été encore malade, personne est v'nu nous emmerder depuis un p'tit moment. À part ça... bah on s'fait chier comme des rats morts, donc on s'prend la tête plus souvent que d'habitude. Qu'est-ce que vous voulez qu'on vous dise de plus ? On est dans un coin paumé loin de tout, les seules nouvelles qu'on peut donner, c'est qu'il y a encore du p'tit gibier et qu'on a déjà eu notre période du mois. Sérieux, c'est quoi cette question ? Surtout venant d'vous j'veux dire !"
Agatha de Tourraine, Damoiselle du graal
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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Léona leva les yeux au ciel et ricana à la petite réflexion d’Agatha.

« Hé ben alors ? J’ai pas le droit de m’intéresser à ce que deviennent mes deux filleules ? Ton problème c’est que t’as passé trop de temps de ta vie en ville pour apprécier les belles choses — de mon temps les jouvencelles chialaient quand même beaucoup moins et s’intéressaient beaucoup plus à ce qui les entoure !
Et toi Claricia, comment ça va ?

– Moi ? Oh, je… Ben pour tout dire, tout roule. Tout roule…
– Tsss… Vraiment une lèche-botte celle-là. Je me demande ce qu’il faudrait que je te fasse faire pour que tu te plaignes un jour, va. »

La vieille prophétesse termina de ronger son lapin, puis la voilà qui se remit debout. Michel, le toutou, agita sa queue dans tous les sens en pensant que c’était déjà l’heure de se promener — il faut dire que le vieux cabot vivait pour le coup une vie de rêve, étant presque toujours dehors pour faire peur aux oiseaux et aux lapins qui vagabondaient autour des collines…
…Maintenant debout, Léona s’approcha d’un des murs de la chapelle vide. Les poings sur les hanches, elle regarda tout autour, et commença à pérorer toute seule, en ressassant des souvenirs qu’elle avait en fait déjà évoqué trop de fois, à se demander si elle ne perdait pas la boule…

« Je suis déjà venue ici alors que j’étais encore une enfant… C’était brillant d’or et de cristal, et il faisait chaud et sec grâce au bois brûlant dans l’âtre. Des chevaliers riaient et l’on buvait du vin de Bordeleaux dans des coupes en argent.
Vous ne vivrez probablement pas pour revoir une telle chose, mes filles. J’aimerais vous promettre plus que ce que je peux réellement vous offrir, mais je n’ai pas le cœur à vous mentir — c’est une sale époque que nous vivons, et vous n’avez pas besoin de moi pour vous le répéter. Vous avez eu des existences assez… Difficiles pour vous en apercevoir vous-mêmes. 
»

Claricia fit la moue, et hocha légèrement la tête d’approbation. Léona soupira et offrit un sourire sincère, et bizarrement chaud.

« Mais vous êtes de braves filles, j’ai confiance en vous pour faire ce qui est bon et juste.
– Chercher un miroir, c’est-à-dire ?
– Ah, voilà Artio qui déteint sur toi ! Oui — chercher un simple miroir. Un artefact qui a appartenu autrefois à de belles sœurs, que vous auriez adoré connaître… Avec, j’aurai de quoi faire beaucoup en cet endroit. Cette chapelle pourrait bien redevenir quelque chose de noble et pure, et plus un simple squat humide…
…Il faudra quand même que vous fassiez attention. Surtout toi Claricia. Ce n’est pas vêtu comme ça que tu vas te faire beaucoup d’amis… »


Vêtue en chamane d’un autre temps, plus archaïque, la jeune damoiselle avait de quoi attirer les regards. Elle hocha de la tête.

« Cela était certain. Mais nous serons discrètes et prudentes.
– L’Ormérique est dangereuse. Pas simplement parce que nous pratiquons une religion prohibée — les temps changent. Le pays est déchiré entre les Orthodoxes, qui croient toujours dans les balivernes de l’Église, et les Réformés, qui deviennent de plus en plus importants dans les villes et parmi la noblesse. Les gens sont devenus méfiants. Rajoutez à cela qu’en ce moment-même, des agents du fisc parcourent le pays pour lever la taille et les impôts, alors que nous sommes au commencement de l’hiver, et vous avez la recette parfaite pour l’horreur…
…Je n’ai pas de doute sur le fait qu’Artio pourra survivre sur le pays, endurante comme elle est, mais toi-même est plus maigrelette et bien faible, Claricia. À l’inverse, tu maîtrises bien mieux tes pouvoirs que notre ourse… Il faudra que vous collaboriez ensemble, et cette fois-ci, je ne serai pas là pour vous protéger.
Vous êtes à la hauteur de cela ? »


Léona se pencha. Le vent de Ghur semblait danser tout autour d’elle — elle avait beaucoup en commun avec Agatha. Elle appela Michel en lui faisant un geste que seul le canidé pouvait comprendre, et voilà qu’elle le couvrait de caresses.

« Hormis ce que vous pouvez porter et vous vêtir, vous n’aurez pas grand soutien… La chapelle où je vous envoie n’est pas si loin, mais il faudra bien cinq ou six jours pour y aller, et cinq à six jours pour en revenir… Les routes ne sont pas toutes sûres. Et les gens de Loi ne seront probablement pas plus fréquentables que les brigands…
Que pensez-vous faire ? Suivre les routes avec les auberges, et vous faire passer pour d’autres ? Ou bien tenter de traverser par le pays ? Généralement, se déguiser en pèlerins marche plutôt bien, pour être tranquilles. »
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Message par Agatha de Tourraine »

La réponse de Léona pris Agatha par surprise. Bien trop habituée à des discussions qui finissaient en pugilat, la réponse posée et calme du mentor désarçonna la jeune damoiselle qui resta muette pendant le reste du repas. Puis quand Léona repartit dans un de ses discours sur le temps d'avant, Agatha réalisa qu'elle avait réagis un peu trop violemment à une demande visiblement gentille. Elle n'était pas habituée à la gentillesse, elle n'a que trop rarement connue cela pour s'en être rendue compte. Et maintenant que c'était chose faite, elle se sentait honteuse, presque humiliée par son propre comportement. Son visage perdit de sa superbe, elle ramena ses jambes à son torse et les entoura de ses jambes avant de murmurer une excuse à Léona alors que celle-ci n'avait pas finis son récit sur ce qu'était ce temple auparavant.

"- Oui — chercher un simple miroir. Un artefact qui a appartenu autrefois à de belles sœurs, que vous auriez adoré connaître… Avec, j’aurai de quoi faire beaucoup en cet endroit. Cette chapelle pourrait bien redevenir quelque chose de noble et pure, et plus un simple squat humide…"

"- Et en faire quoi ? A moins qu'il soit en or massif incrusté de joyaux pour le revendre, j'ai du mal à voir à quoi un miroir sera si utile. Désolé si j'ai pas encore le réflexe de saisir tout le côté magique, tu sais que j'comprends mieux les trucs terre à terre et palpable, Léona."

Léona va tiquer des lèvres. "- L'argent ne nous mènerait pas bien loin de toute manière, quand bien même il nous en faut pour survivre et prospérer - soi-dit en passant, il vous sera nécessaire de vivre sur le pays, et vous devrez acquérir du métal et des ressources comme vous le pouvez, même s'il faut parfois errer du côté de l'illégalité...

...Le miroir lui-même recèle, comme je l'ai dis, d'un grand pouvoir. Il permet de... Sonder le passé, et des événements qui ont déjà eu lieu, afin de les revivre avec plus de précisions. Il me sera utile pour retrouver et protéger certaines de nos autres soeurs, et éventuellement, obtenir des moyens de lutter contre les princes d'Armorique, et de reprendre grâce auprès d'eux. J'ai un certain nombre de projets pour lesquels l'artefact me sera utile. Mais vous risquez de ne pas être les seules à le convoiter."



Si Agatha haussa un sourcil circonspect quand la mentor parla de voir le passé grâce au miroir, elle fit cependant aucune remarque. Sa mentor ne mentait pas sur ces choses là, mais elle avait encore du mal avec cette nouvelle chose qu'était la magie. Contrairement à Claricia, qui avait l'air de saisir la puissance de ce miroir.


"- Il faudra quand même que vous fassiez attention. Surtout toi Claricia. Ce n’est pas vêtu comme ça que tu vas te faire beaucoup d’amis."

"- Ouais bah elle au moins elle a le choix des vêtements, miss bourge." Piqua Agatha à sa comparse qui avait deux ou trois tenues en tout, alors qu'elle même tournait à uniquement une seule tenue, ce qui se révélait peu plaisant quand il fallait attendre qu'ils sèchent.

Claricia va lever un sourcil, visiblement un peu circonspecte. "J'appelle pas avoir une tenue de voyage être un choix."


Quand finalement Léona leur demandera comment elles comptaient voyager, Agatha fit signe à Claricia de commencer à donner son avis, ce qu'elle fit sans se faire prier. "- Je pense que l'idée de se déguiser en pèlerins est très bien. On peut prétendre aller vers un des sanctuaires de Taal dans le Moussillon, et s'habiller avec des tenues de paysannes et un bourdon. Je préfère voyager sur les routes que risquer les horreurs de la forêt."

Agatha acquiesça légèrement. "- Bien d'accord avec toi sur les horreurs de la forêt. Mais les horreurs des hommes sont souvent pires encore. En passant par la forêt on pourrait peut être gagner un peu de temps, et on saura d'office que tout ce qu'on croisera voudra nous trancher la gorge ou autre. C'est plus simple que de se demander comment on va se faire manger quand on va s'arrêter dans une auberge. Puis surtout on risque pas de croiser d'prêtres ou d'fanatiques dans la forêt, puis on pourraient même gagner du temps.
Agatha de Tourraine, Damoiselle du graal
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Re: [Agatha] Vieilles-croyantes

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

À la dernière remarque d’Agatha, Claricia ne put s’empêcher de tiquer des lèvres. Elle leva la main comme à l’école, avant de lancer sa propre opinion :

« Dire qu’il n’y a pas de prêtres ou de fanatiques dans la forêt est faux. Il y a de nombreux Réformés qui se rendent dans des clairières ou des sentiers montagneux pour participer au culte du désert. »

La prophétesse ricana en mettant sa main sur ses hanches.

« Un culte du désert ? Ma puce, on est en Bretonnie ici, y a pas beaucoup de déserts !
– C’est… C’est une expression. C’est parce que comme ils savent qu’ils ne peuvent pas se réunir en ville ou dans des lieux publics, de crainte d’être traqués par l’Inquisition, les Réformés se réunissent hors des lieux civilisés, pour y entendre leurs prêches et rendre hommage aux Dieux sans prêtres et sans religion organisée.
Les Réformés ne sont pas de mauvaises gens, ils aspirent à la liberté de conscience et l’égalité… Mais ils haïssent toutes les superstitions, et surtout, ils ont une sorte de crainte pathologique pour la sorcellerie. Ils risqueraient de ne pas apprécier notre présence. »


Léona fit la moue. Agita la tête de gauche à droite, puis, finalement, décida de trancher :

« J’aurais également pensé qu’il serait plus prudent que vous suiviez la route…
…Mais le truc, ma chère Claricia, c’est que je fais plus confiance à Artio que toi pour survivre sur le pays. Tu es peut-être plus expérimentée qu’elle pour honorer la Dame, tu as fait partie du culte plus longtemps, et je ne doute pas que tu saches te battre et te débrouiller si tu es dos au mur, mais pour ce qui est des questions très pratiques de survivre dans le froid et chercher à éviter les rondes de gendarmes, notre nouvelle recrue est déjà entraînée.
Si Artio dit que vous pouvez passer à travers le… désert, alors c’est ce que vous ferez. Et je compte sur toi pour lui obéir. »


La jeune damoiselle hocha de la tête respectueusement, mais regarda en coin sa partenaire.
Visiblement, l’ordre de Léona ne semblait vraiment pas lui plaire.

« À Minieuc, il y aura un village de pêcheurs qui vous permettra de travers le fleuve de la Sélune. C’est le grand fleuve qui marque la démarcation entre l’Ormérique et l’Auld-Moussillon… On reste officiellement dans le même duché, mais c’est déjà un autre monde. Si vous pouvez rester sur vos gardes tant qu’on est en Ormérique — du moins, autant en garde que doivent l’être deux jeunes femmes seules sur les routes — il faudra employer bien plus de précaution quand vous serez de l’autre côté.
Je resterai ici en attendant pour garder l’ermitage et préparer votre retour. Avec mes petits moyens, j’espère rendre l’endroit plus vivable. »




La soirée se termina bien. Le bois brûlant permit de chasser un peu l’humidité, et surtout, repousser le froid en dehors. Le maigre repas fit beaucoup de bien au moral de Léona, et, après quelques longues heures d’une veillée, tandis que dehors le soleil était entièrement couché et ne régnaient plus que les abysses, l’acariâtre prophétesse eut une surprise dans son paquetage :

Elle sortit une magnifique bouteille de vin pleine. Pas un grand crû, mais de la bonne piquette bien tachante qui avait le mérite de venir de Bordeleaux. Voilà qui allait tout de suite rendre l’agacement de la conversation de Léona plus tolérable — la méchante pie fit sauter le bouchon à la main, mit le goulot à sa bouche, et englouti bien quatre gorgées avant de tendre la bouteille à Claricia :

« Voilà qui devait bien vous manquer, tiens ! Vous avez vu que je pense à vous ! »

Claricia leva la main pour refuser son tour. Léona fronça des sourcils et gronda :

« C’est un ordre, jeune fille !
– Oh, heu… »

Elle attrapa la bouteille, fit la grimace, et se força à boire une gorgée. La vieille Léona éclata de rire avant de faire un signe à Agatha.

« Non mais t’as vu ça ? Tu lui dis que c’est un ordre et elle le fait. Vraiment une lèche-bottes ! »

Y avait des sourires dans ses reproches. La jeune damoiselle tendit vite la bouteille à Agatha, alors que la prophétesse reprenait.

« Pirieuc est un trou à rat, mais ils arrivent à échanger par bateau pour avoir de la vinasse, et ils font du confit de canard… ça c’est savoir bien vivre. Comme quoi y en faut pas beaucoup pour faire un monde.
Vous vous en sortirez bien, toutes les deux. Mais je veux quand même vous mettre en garde sur quelque chose : L’artefact que je vais vous envoyer chercher, nous le Graal ne sommes pas les seuls à vouloir l’obtenir… Quelques forces… Mauvaises, sur lesquelles je vous ai déjà mis en garde, pourraient être en concurrence envers vous.
Vous êtes deux sœurs qui devrez être soudées envers et contre tous, mais vous devrez vous méfier de quiconque offrirait son aide. »
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Agatha de Tourraine
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Re: [Agatha] Vieilles-croyantes

Message par Agatha de Tourraine »

Après avoir finis son discours, Agatha s'était tût et écouta les réponses de sa consœur et de leur mentor. La damoiselle de Ghur ne put s'empêcher de pouffer de rire en entendant parler d'un "culte du désert" de la bouche de Claricia. Elle savait vaguement ce qu'était un désert, une grande vallée avec du sable et sans eau, et en Bretonnie il n'y avait pas de ça. Et elle approuva sa mentor d'un signe de tête vigoureux d'approbation avant que Claricia ne précise ses pensées. La frustration et la légère panique dans ses yeux et la voix de Claricia agita quelque chose dans l'esprit d'Agatha, qui fit au mieux pour réprimer cette étrange sentiment qui n'avait pas lieu d'être.

Quand Léona donna son avis, Agatha haussa les sourcils, proprement étonnée. Elle répliqua à Claricia tout en fixant Léona. "- Les Réformés sont pas ordonnés, comparés aux prêtres. Si on s'accrochent avec un groupe de Réformés, on a moins à craindre d'un autre groupe. Mais pas chez les prêtres des villes." Puis elle s'adressa à Léona. "- Léona, c'est moi ou tu viens de nous complimenter toutes les deux sans nous enfoncer juste derrière ?"

Elle écouta ensuite attentivement les indications de Léona. "Minieuc. Village de pêcheurs. On traverse. Après avoir traversées, on fait encore plus gaffe. Pas d'autres points pour traverser ? T'as des contacts qui pourraient être utiles dans ce village, comme un passeur idéalement, ou quelqu'un qui nous donneraient le gite pour une ou deux nuits ? Et vu que t'as voyagée plus que nous, y'a des nouvelles qui devraient nous concerner pour le voyage ? Une nouvelle chasse aux sorcières ouvertes, un prêtre bien zélé ou quelque chose ?"

Si une chose aurait pu choquer Claricia, surement que cette chose venait d'arriver. Agatha n'était pas du genre à être particulièrement active ou même rassurante, parfois même défaitiste ou fataliste, ce qui contrastait avec Claricia dans nombre de leurs conversations, mais Agatha venait de recevoir une mission, et même son commandement. Elle venait de retrouver un sentiment, une place, qui lui était quasiment familière, et savait ce que cette place impliquée. Si quelque chose foirait, ça lui retomberait dessus. Et le temps passée avec sa bande de coupe-gorges l'avait bien formé à analyser et prévoir les imprévus et à s'inquiéter de ce qui ne semblait pas grand chose. Agatha garda un petit œil sur Claricia, dans l'espoir de provoquer, pour une fois, autre chose que de la désapprobation, du rejet ou autre, et espérait y voir de la surprise, voir même de l'approbation.

Mais la majorité de son attention restait sur Léona et les réponses qu'elle pourrait lui apporter. Chaque information serait importante pour la suite. Chaque nom, indispensable pour survivre. Chaque lieu, utile pour se reposer ou établir la suite de l'opération.

Après avoir entendu les informations, Agatha se cala un peu plus contre le pilier qui lui servait de dossier et ralluma sa tabatière pour réfléchir à tout ça. Cependant toute sa concentration vola en éclat quand elle entendit un "PONF" caractéristique d'une bouteille, et vit celle que Léona venait de sortir. Un sourire qui lui allait d'une oreille à l'autre se colla sur son visage. "Mais non !! J'y crois pas ! Hey hey, gardes-en pour nous, soiffarde !"
Quand elle vis comment Léona forcer Claricia à boire ce qui devait être la première gorgée d'alcool de cette dernière, elle lança un petit : "- 'C'est un ordre.', j'm'en souviendrai d'celle-là. Maintenant fais péter, j'ai l'gosier sec." Et elle descendis trois bonne gorgée avant de pousser un soupir d'aise et de laisser le reste de la soirée se faire dans un esprit plus détendu.

Entre Léona et Agatha, la bouteille ne tenu pas longtemps, mais les deux étaient encore lucides, et Léona réitéra ses mises en garde. Agatha les entendit, et cette fois-ci au lieu de s'adresser à Léona, elle s'adressa directement à Claricia.

"- Clari, j'te fais confiance pour plein de choses. J'te fais confiance pour tout ce qui touche à la magie que la Dame nous a donnée et enseignée par ses textes. J'te fais confiance pour me filer tes impressions et tes avis. J'te fais confiance pour plein d'choses. Mais comme Léona l'a ordonné, c'est moi qui décide à la fin. On est soeurs devant la Dame, et j'écouterai ce que t'auras à m'dire. Mais quand je te demande de faire quelque chose, tu le fais. Que ce soit courir, te cacher, faire l'idiote... ou trancher la gorge de quelqu'un. J'sais pas si t'as déjà fait ça, mais rentre toi bien dans la tête que c'est toujours une possibilité. Et que si tu hésites, selon la situation, ça peux rapidement partir en couille. J'te le répète, j'te fais confiance. J'te demande de m'faire confiance en r'tour pour la mission, et de faire ce que j'te dit. La prochaine fois, ce sera p'tet toi qui m'donnera des ordres, et j'ferai tout c'que tu m'diras à c'moment là. Tu penses que tu peux faire ça, Clari ?"

Le ton d'Agatha était doux et calme, surement grâce au vin de Léona, et elle retrouva même son langage châtié de son temps de coupe-gorges. Mais elle demeurait lucide, et espérait apaiser Claricia qui avait espérait mener cette mission. Si elle n'en avait rien dit, ses réactions en disaient assez longs pour Agatha pour reconnaitre quelqu'un qui souhaite faire ses preuves.
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Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

La manière d’Agatha de présenter les choses fit faire la moue à Claricia. Bien moins prête à dégommer une bouteille que ses deux coreligionnaires, la voilà qui levait haut le menton et retroussait les lèvres, d’une façon bien mauvaise, et hautaine — on devinait là ses origines nobles, qu’on ne faisait que soupçonner en temps normal.

« Cela dépend de si les ordres semblent permettre de nécessiter la survie. »

Léona leva la main et fit signe à Agatha de la lui jeter. C’était un vin âcre, et qui tapait sur le système — il n’était pas spécialement mauvais, mais il aurait été plus acceptable qu’avec un repas fait de lapins bouillis. Ayant reçu la vinasse à son tour, elle mit vite fin à l’objection de sa damoiselle :

« On est pas des protestants, on fait rien de manière collégiale, comme on dit. T’obéiras à Agatha parce que je l’ai dit, et puis c’est tout.
Ne me faites pas de manières, jeunes filles. Je vous adore et je ferai tout pour vous protéger, mais il faut acter sur ses responsabilités. »


Elle dégomma trois gorgées, fit un petit rot, puis retendit la bouteille à celle qui n’avait pas envie de boire pour qu’elle participe. La voix un peu enrouée par l’alcool, elle répondit à toutes les questions d’Agatha :
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« Je n’ai pas de contacts à Minieuc — mais je recommande le village parce qu’il est discret. C’est des gens qui gardent juste la tête basse et font pas de chichis, surtout si tu craches quelques pièces. Le genre de gens qui deviennent rares de nos jours… Si c’est pas eux que tu choisis, faut descendre beaucoup plus au sud, à Pirieuc — 20000 habitants, la deuxième ville d’Ormérique après Merton. Je sais que t’es habituée aux villes, alors peut-être que ça te plaît plus, prépare quand même une… Tenue différente si tu veux aller là-bas. Enfin, il y a aussi la bifurcation vers le nord, y a un pont à Léraut. Mais j’aime moins cette région là-bas, parce que j’ai entendu dire qu’il y avait des Réformés dans le coin, surtout à la frontière avec l’Artenois. Qui dit Réformés dit Inquisiteurs, forcément.

Au niveau des nouvelles, hé bien hé bien, que dire que dire… Les choses semblent être habituelles et constantes. On est bientôt en hiver, on vit les derniers jours d’automne, donc c’est plus le temps des foires et des grands événements… Mais ça va bientôt être la saison des fêtes avec la fin des travaux aux champs, quelque part, l’arrivée d’Ulric a parfois du bon ! Les récoltes n’ont pas été très bonnes cette année et les taxes royales n’ont pas baissé, même si beaucoup de seigneurs vont réduire leurs prélèvements pour soulager la paysannerie et empêcher le plus dur des heurts.
J’ai entendu dire que le comte de Pirouse, qui est le territoire où se trouve la cave avec l’artefact que je veux, souhaitait prendre pour épouse la fille du baron de Dullé, là où on se trouve. On vit à une époque où la féodalité est en train de petit à petit disparaître, mais ça empêche pas les seigneurs d’encore vivre et agir comme des chevaliers d’antan. J’espère que ça provoquera des réjouissances. Le peuple en a besoin.

L’Ormérique est une terre de conflits religieux. Entre les Focalistes orthodoxes et les Réformés qui veulent prier les Dieux eux-mêmes avec leurs bouquins imprimés, il y a des tensions, mais pour l’heure, ceux qui protestent contre le clergé sont encore protégés par l’État, et le duc-pair de Lyonesse, il paraît, aime s’entourer de pasteurs qui écrivent en langues vulgaires et d’humanistes rationnels venus de l’Empire… Tout ceci ne nous concerne pas trop, bonnes femmes de la campagne que nous sommes. Mais on verra bien ce que tout ceci entraîne.

Enfin, j’parle beaucoup, il en reste ou pas ? »


Elle demanda à nouveau la bouteille. Petit à petit, les trois commencèrent à devenir toutes rouges et hoquetantes. Et c’est là que Léona, avec un grand sourire étrangement carnassier, lança :

« Vous avez bien gardé ma viole à l’abri ?
Cela vous dit un peu de musique ? »


Elle demanda à la jeune Claricia d’aller fouiller dans ses affaires. Derrière la chapelle, camouflé sous une planche, il y avait des vieilles caisses sommairement protégées de l’humidité, sous une charpente couverte de moisissures. Et là, on trouvait, au fond d’une cage en osier, quelques effets personnels — dont une viole soigneusement protégée de l’eau et de l’usure. Elle était cassée — mais Léona avait acheté du cordage à Pirieuc. Alors, malgré le début d’ivresse, elle tira du fil avec ses dents, et passa de longues, longues minutes à la redresser et la raccorder, tandis que les deux jeunes femmes terminaient leur repas.

Puis, voilà que la prophétesse mit l’instrument à son épaule. Et, le visage un peu rouge de vinasse, elle lança :

« Je suis un peu rouillée, mais, y a une chanson que j’avais apprise y a…
Roh je radote, vous la connaissez, en plus. »


Une petite mélodie de farandole, de la chanson de paysans, faite pour une danse populaire toute bête. Une chanson que tous les Bretonniens connaissaient absolument par cœur, puisqu’on la répétait dans les auberges et les tripots mal famés, autant que sur les lices des tournois de chevalerie : « La brebis et le loup », une chanson paillarde masquée par des métaphores connotées, afin que les enfants puissent la chanter eux aussi sans se rendre compte de ce qu’il y avait d’embusqué derrière les paroles — ou, tout du moins, pour donner confiance aux parents…

Un instant de joie simple, qui rappelait de meilleurs moments à Léona. Celle-ci fermait les yeux en offrant de quoi danser à ses filles.




Il fallut se lever relativement tôt le lendemain matin. La route promettait d’être longue et légèrement épuisante. Pas particulièrement dangereuse, c’était juste le comté d’à côté, et on était au cœur de la Bretonnie… Mais tout de même, de quoi fatiguer. Léona avait tout préparé : leurs paquetages, quelques rations, de l’eau propre qu’elle était allée chercher au ruisseau bien stockée dans des gourdes, du petit-bois pour la chauffe, et des friandises pour le chien. Avant qu’elle ne parte, Léona offrit une bénédiction : les deux damoiselles s’agenouillèrent devant l’autel de la vieille chapelle, et la Prophétesse chanta d’une voix rauque en eltharin quelques prières envers la Dame et les esprits de la forêt, des marais et du pays, afin qu’ils soient accueillants envers les deux visiteuses.
Puis, il fut l’heure de se dire au revoir, une énième fois. Et enfin, les deux damoiselles purent affronter la grande route.
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Agatha de Tourraine
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Re: [Agatha] Vieilles-croyantes

Message par Agatha de Tourraine »

Agatha prêta bien plus d'attention à ce que lui répondait Léona que ce que lui disait Claricia. Elle s'attendait à ce que de toute façon sa consoeur fasse des manières vu qu'elle s'est faite damer le pion dans son envie de montrer ses capacités. Agatha assimila les informations que lui donnait Léona et réfléchis à un plan, puis à un autre, et encore un autre tout en tirant sur sa tabatière et en faisant des ronds de fumée. Elle sortie de son début de réflexion quand elle entendit des notes grincées. En tournant un peu la tête, elle vit que Léona était en train de remettre en état sa viole et elle esquissa un petit sourire. Elle n'avait pas l'oreille musicale, mais entre le bruit de rien et un peu de musique, le choix était vite fait. Elle fut nouvellement contente d'entendre, en plus, un air qu'elle connaissait fort bien : La Brebis et Le Loup. Après avoir laissé joué quelques notes, Agatha se joignit à la musique en y mettant les paroles :

La brebis, douce et frêle, aux pâturages s'en allait,
Dans la fraîcheur d'un bosquet, son doux pelage brillait.
Le loup, rôdeur solitaire, s'approchait doucement,
D'un sourire carnassier, il murmurait tendrement :

"Oh, ma brebis, laisse-moi donc te conter,
Les plaisirs des prairies où l'on peut s’égarer.
Sous la lune complice et les étoiles jalouses,
Je te montrerai des jeux qu’on dit bien doux."

La brebis rougissait, mais d’un œil curieux,
Regardait le loup, ce maraud malicieux.
"Ma laine est douce, messire, mais gare à vos dents,
Car le berger veille, tout près du torrent."

"Oh, ma brebis, laisse-moi donc te conter,
Les plaisirs des prairies où l'on peut s’égarer.
Sous la lune complice et les étoiles jalouses,
Je te montrerai des jeux qu’on dit bien doux."

Mais la brebis s’approcha, craintive et charmée,
Par les promesses du loup et son air assuré.
Dans l’ombre des fougères, nul n’entendit leur jeu,
Si ce n’est le vent discret, complice des amoureux.

"Oh, ma brebis, laisse-moi donc te conter,
Les plaisirs des prairies où l'on peut s’égarer.
Sous la lune complice et les étoiles jalouses,
Je te montrerai des jeux qu’on dit bien doux."

Au matin le loup partit, dans les bois disparut,
Et la brebis songeait, les joues toutes émues.
Dans le village on chuchote, des rumeurs ont fleuri,
Mais nul ne saura jamais ce qu’a fait la brebis.



"- Chanceuse c'te brebis. J'aimerais bien croiser un loup, perso." Pensa Agatha après avoir chanté gaiement de son mieux. Puis, après ces petites festivités, le temps d'allez se reposer arriva. En tout cas pour les autres. Agatha, elle, resta éveillée plus longtemps. Elle était allez s'assoir sur les marches du temple, enveloppée dans ses tissus pour échapper au mieux au froid de la nuit, Michel à ses côtés, et ses yeux observant les bois alentours sous le voile de la nuit parsemé d'étoiles. Elle réfléchissait, essayant de prévoir des plans et des alternatives.

"- L'objectif, c'est d'arriver vite fait à l'objectif. Cet ancien temple du Graal dans l'Auld. Le plus rapide, ça va être de couper en passant par le sud-est jusqu'à Minieuc.
Problème : On a se faire voir, c'est sur. Mais on va juste passer par des petits villages, voir juste des hameaux. Comment justifier que deux donzelles se balladent comme ça ? Hum...
Léona a mentionné un seigneur qui souhaite se marier, non ? Avec une noble du coin. J'pense que si on nous posent des questions, on va jouer c'te carte. Claricia, la noble et future épouse, et moi la mercenaire pour l'escorter. C'est logique, on va pas envoyer un homme pour veiller sur une donzelle noble futurement mariée. Trop dangereux pour la donzelle. Pour les bouseux ça pourra passer, je pense.
Pour ceux qui sont un peu plus informés, c'est moins sur. Mais c'est gens-là, on les trouvent pas par où on va passer. Normalement. Et de ce que Léona dit, tout est normal. On pourrait peut être même se faire inviter à dormir dans une chaumière avec c'plan en plus. Oh le rêve !

Mais bref, ça c'est que la première partie. Après, faut qu'on trouve comment passer la rivière. Si ce que Léona a dit est vrai, ça devrait pas être trop difficile avec un peu d'argent. Mais le soucis, c'est qu'il faut compter plus si on veux rester discrètes. Dans le pire des cas, si on a pas d'argent, faudra trouver un autre moyen de paiement. Le paiement en nature me dérangerait pas, mais Claricia va faire sa difficile donc ça va tomber à l'eau. Faudra faire attention aux pièces, et si on en a plus à Minieuc, faudra s'en procurer ou trouver une autre méthode.

Après... On sera dans l'Auld. J'connais rien du coin, mais s'il y a des montagnes, c'est par là-bas qu'il va falloir allez. Ou vers une forêt, si c'est sur la route. Si on se fait courser, on aura plus de chances de se faire oublier par ces chemins là. Même si y'aura surement du danger. Le pire, ce serait de tomber sur un convoi de chasseurs de sorci... de chasseurs de nous, avec des inquisiteurs. Ou des trucs semblables. C'est surement là-bas qu'on va perdre le plus de temps, alors on a intérêt à cravacher tant qu'on est dans l'Ormérique.

Du coup, c'est Claricia qui va monter sur le canasson. Ça fera plus noble, elle se plaindra moins, et on ira plus vite. Bon, elle se plaindra surement d'avoir mal au cul, mais elle a un p'tit cul bien rebondis, ferme, et surement..."


Agatha se surpris à rougir, alors que des pensées et des images envahir son cerveau. Elle eut du mal à retrouver ses esprits pendant de longues minutes solitaires, mais son esprit réussit à revenir à son plan.

"- Bon, j'disais. Après tout ça, va falloir trouver l'endroit, mais ça devrait être facile. Le plus grand inconnu c'est ce qui va se passer dedans. Une fois là-bas, c'est clairement Clari qui va prendre la direction. Ça m'a fait grincer des dents, mais Léona a raison. J'suis moins douée qu'elle pour le don. Et à mon avis, on va avoir besoin de ça là-bas.

Et après, faudra repartir... Et là, c'est l'brouillard. Selon comment les choses se sont passées sur l'allez, faudra aviser une fois tout fait pour le retour. Le meilleur des cas, ce serait de pouvoir prendre le même chemin au retour qu'à l'allez. Mais ça, c'est seulement si la Dame le veux. Et si elle veux pas, on l'aura dans l'os. Plus ou moins fort."

Elle continua à réfléchir, à imaginer différents scénarios et à essayer de trouver une solution à chacun tout en caressant distraitement Michel, qui avait finis par s'endormir aux côtés de sa maitresse. C'est après 2 heures de réflexions qu'Agatha alla se coucher à l'intérieur, en offrant une prière à la Dame pour la réussite de leur mission qu'Elle leur avait confié. Elles allaient en avoir besoin, à n'en pas douter.

Le lendemain matin, Agatha et Claricia firent leurs affaires et offrirent une prière à la Dame, sous la direction de Léona, pour la sécurité du voyage et la réussite de leur quête. En descendant les marches du temple, Agatha alla détacher le cheval qu'elle avait volé lors de sa fuite, et s'approcha de Claricia.


"- Tu vas monter le canasson pour la route, Clari. Je sais pas m'battre à cheval et on ira plus vite. Et... j'ai réfléchis hier soir. On va passer par le sud-est. C'pas vraiment de la forêt, et y'a pas vraiment d'villages, c'est des bocages."

"- Je pense qu'on irait beaucoup plus vite en étant à deux sur le cheval. On est assez légères pour."

"- C'est sur, mais ça mettrait à mal la couverture. Léona a parlé d'un seigneur dans l'Auld qui veux se marier une noble d'Ormérique. J'me suis mis à la place des spectateurs qu'on va croiser, et ils vont surement se demander ce que font deux jeunes femmes sur des routes pas ou peu empruntés. La noble dame et la mercenaire d'escorte. Pourquoi une femme pour escorter la dame ? Trop dangereux pour la chasteté de la dame si c'était un homme."

Pour une raison incompréhensible, Claricia se mit à faire la moue. "- Plein de gens pauvres peuvent monter à deux à cheval. Si nous étions des bonhommes costauds, j'aurais mal pour la monture, mais on a peu de matériel et nous ne... Mangeons pas beaucoup, si tu me comprends. Cela ménagera nos jambes et nous permettra d'aller plus vite."

"- Hum, pas vraiment faux. Mais au moins pour le premier jour, tu seras seule sur le canasson. J'ai juste peur qu'à nous deux, même si on est en poids plume, on doivent faire plus de pauses que nécessaire." Puis Agatha va un peu froncer les sourcils. "- Attends... est-ce que... est-ce que tu sais monter à cheval ?"

"- Si tu aimes tant que ça marcher, je ne vais pas t'en priver." Répondis Claricia, avant de continuer sur un petit et un peu hautain : "- Oui, je sais faire de l'équitation."

"- Alors vas-y, monte. J'te regarde." Agatha regarda Claricia monter, et se prépara à la rattraper si jamais elle venait à tomber. "Donc. Direction le sud-est et ses bocages jusqu'à Minieuc. Léona a dit qu'on trouverait facilement de quoi passer si on alignent la monnaie. T'as combien sur toi ?"

Claricia arriva sans soucis à monter sur le cheval. En vérité, elle le fit avec vivacité et efficacité, et s'assit en amazone sur le cheval. "- Suffisamment."

"- Hum. Eh bah c'est sur que t'es noble maintenant. Tu vas te défoncer l'arrière train comme ça." Dis Agatha en montant en cavalier derrière Claricia. "Sans parler du risque de tomber. On va pas faire une petite ballade. Accroche toi bien, ok ?"

Claricia va hausser un sourcil et relever le menton, avec son air légèrement hautain habituel. "- Je pense savoir mieux monter à cheval que toi, pour le coup, et pas que pour la ballade. Ma manière de monter en selle est confortable, même si la selle n'est pas faite pour."

"- Alors utilise tes réflexions pour préparer des phrases de noble à adresser aux gens qu'on va croiser sur la route, demoiselle de Dullé et future comtesse de Pirouse. Si t'as son nom à la vraie, hésite pas à le sortir parce que moi, aucune idée." Agatha tourna la tête quelques instant pour gueuler un bon "MICHEL !! Aux pieds !" pour que le chien arrive, et commença à faire avancer le cheval.

Le chien arriva promptement, alors que Claricia donna un petit coup sur les rennes pour faire avancer doucement le cheval. "- S'il y a une de nous deux qui fait des réflexions, ce n'est point moi. Mais enfin - elle se prénomme Hortense. Et pas certain qu'elle épouse celui qu'on lui a promit - elle n'aime pas le comte de Pirouse. C'est un vieux projet que j'entends parler depuis bien longtemps..."

Agatha va couper Claricia dans son explication en posant ses mains sur celles de Claricia. Cette dernière, surprise et quelque peu gênée, va se tourner vers sa consoeur. "- Qu'est-ce que tu fais ?"

"- Je prends les rennes. Faudrait pas que tes mains de nobles deviennent rêches, pas vrai ? Allez, lâche."

Claricia va lever les yeux au ciel mais finira par lâcher les rennes. Agatha les prendra alors à pleine main et guida la monture vers le sud-est. Vers Minieuc.


Ainsi, le voyage commença. Sur leur pauvre monture de fortune, accompagnées par un chien montrant facilement les dents, avec l'une en amazone telle une vraie dame, et l'autre en cavalier derrière elle, le voyage commença. Le tout sous un ciel grisâtre, menaçant mais sans pluie aucune. Le genre de départ dont on ne parlent pas dans les histoires, c'est sur. Le paysage se déroula lentement pendant qu'elles avançaient, alternant entre montée, descente, petit plat, et recommençait. Si Agatha n'était dérangée de rien et avec le regard focalisait sur la route, Claricia finit par se blottir contre sa soeur, tremblottant de froid sous ses vêtements, pendant qu'elle commençait à somnoler en regardant le paysage. Agatha, se raidit en sentant Claricia ainsi blottit contre elle. Elle sentit une étrange chaleur monter en elle, quelque chose qui n'était pas naturel de ressentir. Aussi, autant par curiosité que par envie de faire disparaitre cette sensation, elle engagea la conversation, sortant par la même Claricia de sa somnolence.

"- Dis, j'me demande. T'avais surement la belle vie avant. Pourquoi rejoindre le culte ? J'veux dire... y'a surement de meilleures perspectives pour une p'tite noble, alors pourquoi ?"

Se réveillant légèrement à cause la question, Claricia mis quelques instants à répondre, peut être en réfléchissant, ou peut être en n'ayant compris que la moitié des mots. "- Être née noble ne veut pas dire avoir la belle vie. Mais je n'ai pas réellement choisi de devenir une Damoiselle. J'ai été trouvée par les Fées. C'est devenu une vocation. Difficile de vivre normalement quand on... Voit ce que les autres ne peuvent pas voir."

A cette réponse, Agatha eut les yeux qui s'agrandir et une excitation enfantine fit surface. "- Nan sans déconner ? Elles existent pour de bon ? Même dans les pages qu'on a à la planque, j'pensais qu'c'était des métaphores, ou des trucs comme ça. Elles sont comment ?"

Tournant la tête vers Agatha en fronçant les sourcils , sa consoeur lui répondit. "- Elles sont étranges. Et terrifiantes. Elles parlent peu et échangent peu avec nous autres. Mais notre culte a encore des alliés très puissants, dans la terre et parmi les esprits. Pour cela que l'Inquisition nous poursuit encore très activement, après toutes ces années..."

La réponse plongea Agatha dans une certaine perplexité. Mais ce qu'elle en retint lui fit froncer les sourcils en posant les yeux sur Claricia. "- Mauvaise expérience, on dirait. Juste flippantes, ou c'est des connasses ?"

Claricia se fendit d'un sourire. "- Étranges. Elles sont étranges. Elles parlent à peine notre langue, et semblent avoir des buts qui sont difficiles à comprendre. Elles manquent d'empathie, mais pas par méchanceté - on dirait vraiment, alors qu'elles ressemblent à des êtres humains, qu'elles ne sont pas comme toi et moi."

"- Humm... mouais. On a les alliés dont on a besoin, pas qu'on a envie d'avoir, j'imagine." Elle va laisser un moment flotter avec de reprendre. "- Et sinon... tu vois quoi ? J'te l'ai jamais demandé parce que je pensé que c'était un peu trop de curiosité, mais... j'suis curieuse."

"- C'est-à-dire ? Avec le... Sens que ne semblent pas avoir les autres gens, tu veux dire ?"

"- Ouais. Moi j'me sens juste un peu mieux avec les bestioles et je crois que j'ai un meilleur odorat et une meilleure vue depuis que je suis arrivée, mais... surement pas un truc comme toi tu dois avoir, j'pense."

"- Tu l'as depuis ta naissance, même si tu ne t'en rendais pas compte. Une manière d'agir, ou de te comporter, ou de faire avec les autres qui te désignait comme quelqu'un de... bizarre. Je sais que souvent, j'entends de la musique alors qu'il n'y a aucun instrument autour de moi, et je vois des fleurs pousser alors qu'on est en plein hiver. J'ai appris pendant longtemps à ne pas en parler, et à renier ce que j'ai comprends comme existant en parallèle, mais ce n'est vraiment pas facile."

Agatha écouta la réponse avec attention, véritablement intriguée par la façon dont on pouvait voir le monde différemment de ce qu'il était. "- Huh. Ça a l'air d'être un monde sympa qu'tu vois et entends. Même si avoir de la musique dans les oreilles pendant qu'tu dors, ça doit pas être sympa. Le réveil en fanfare !" Elle ria de sa plaisanterie, mais ria seule. Claricia se contenta de faire la moue.

"- Tu en as une jolie vision, oui. Ce n'est pas toujours facile, surtout de devoir constamment faire semblant pour ne pas passer pour une aliénée... Même si je suis techniquement une aliénée. Les Fées m'ont appris à mieux percevoir le matériel de l'immatériel, mais ce ne sont jamais deux limites dures et solides... Je suppose que c'est un peu pareil pour toi."

Agatha va ricaner un peu. "- Toi ? Une aliénée ? Coincée et précieuse, j'dis pas. Mais aliénée ? Si tu veux une vraie déglingos, t'en as une devant toi. Si mon don m'a suivis depuis ma naissance, alors c'est à lui que j'dois d'avoir passé une vie d'chien dans les caniveaux." Elle va pousser un petit soupir. "- Non Clari. Je vois les choses telles qu'elles sont, en tout cas pour l'instant. Mais s'il y a quelque chose que j'ai tiré d'mon don, j'dirais que c'est ma capacité à survivre. C'pas tout les mioches des rues qui survivent plusieurs jours d'affilés sans avoir leur mère qui viens leur donner à manger."

Un nouveau sourire fleurit sur le visage de Claricia. "- Nous répondons à la définition d'aliénées, au sens strict. Je veux dire, voir des gens qui ne sont pas là, entendre des sons qui n'existent pas, ou agir de manière... Primitive. Le don a dû agir sur ta vie de manière insidieuse, il peut expliquer beaucoup de choses. Mais je ne vais pas présumer connaître ton existence mieux que toi même, je sais que j'ai horreur de quand les gens font ça à mon sujet."

"- Bah. De nous deux, t'en sais plus que moi sur le sujet du don. Ton avis m'intéresse toujours, même si j'ai beaucoup de mal à me persuader d'ça. Mais ce qui fais que j'finisse par te croire, c'est parce que t'as aucune raison d'me mentir. On est soeur, et par les temps qui cours, faut se serrer les coudes entre nous. Mais si tu vois un parterre de belles fleurs sur la route, on pourra y faire une p'tite pause. Ça te va ?"

Le ricanement fut une agréable note dans le silence de la lande que les deux jouvencelles étaient en train de traverser. Elle accompagna son ricanement par un petit hochement de tête de négation. "- Tu essayes d'être gentille, même si tu es vraiment très bête. Mais effectivement, je n'ai pas de raisons de te mentir."

Agatha va avoir un sourire un peu triste en la regardant. "- J'essaye. J'ai jamais eu l'occasion d'être... gentille avant. Mais je vais pas plomber l'ambiance en racontant ma vie. Ça risquerait de faire chialer les cieux." Et elle va ricaner.

Avec une moue qui lui est familière, et avec une voix sarcastique qui, elle, ne le lui est pas, répliqua à sa consoeur. "- Oooh, la pauvre hommesse sauvage au passé triste et larmoyant... On me l'a vraiment jamais faite..."

Agatha va faire une petite moue. "- Hum... Bon d'accord... tu m'as donné un peu, ce s'rait pas correct de rien te dire. Vas-y, pose deux questions."

Claricia va pencher la tête de côté, et regarde Agathar en ayant le crâne qui bascule en arrière. "- Je suis sûre que tout ce que je veux savoir sur toi, tu me le donneras sans que j'aie trop besoin d'insister. Ce n'est pas un jeu très équitable. Toi, pose-moi deux questions." Conclut-elle avec un sourire espiègle.

Agatha ne réfléchira pas très longtemps avant de poser ses questions. Elle en avait beaucoup, mais n'avait jamais vraiment trouvé l'opportunité de les poser à Claricia. "- Comment t'as rencontré Léona ? Et..." Elle va aussi prendre un sourire espiègle en la regardant. "- Y'a un mec qui fais battre ton petit coeur ?"

A la première question, Claricia haussera les épaules en répondant. "- Léona m'a trouvée, plus que l'inverse, pour être honnête... Après que les Fées m'aient... Détournée, près de l'Aquitanie, elles m'ont rapidement confié à elle. C'était déjà la femme que tu connais, même si j'ai eu l'occasion de passer beaucoup plus de temps avec elle que toi... Enfin, j'imagine. Elle ne m'a pas dit grand chose sur votre relation à toutes les deux. Juste, elle est assez secrète." La deuxième question cependant, la fera ricaner. "- Plus depuis que je suis damoiselle. Plus personne ne fait battre mon coeur depuis. Pas trop le temps. Ou l'occasion."

"- A ton tour, jeune dame. Je t'écoute."

Le visage de Claricia va avoir l'air de se transformer à cause de son sourire jusqu'aux oreilles, faisant apparaitre ses dents blanches, le tout lui donnant un air de chat qui joue avec une souris. "- Mais enfin, je ne sais pas si m'intéresser à ta vie me passionne tant, très chère sœur..."

"- Menteuse. T'as ton air de chat affiché sur le visage. Allez vas-y."

"- Mon air de chat ?" Fait-elle en haussant un sourcil. "- Tu continues à te faire du théâtre, ma chère soeur. C'est toi qui n'a qu'à me révéler quelque chose pour susciter ma curiosité."

"- Hum... que dire... ah oui. J'ai fait peur à un prêtre en pleine procession dans mon bled. Et la statue qu'il trimballé s'est fracassé au sol. Ha ! Je l'avais presque oubliée celle là tiens."

Claricia se contentera de faire un petit bruit d'assentiment pour faire comprendre qu'elle a entendue, mais aucune autre réaction.

"- Quant à Léona, un peu comme toi c'est elle qui m'a trouvé. Elle a eu la sympathie de me laisser finir mon affaire dans la douve avant de se présenter."

Là, elle va hausser un sourcil, avec un air d'incompréhension. "- Une affaire dans les douves ? Quoi, une agression ?"

Agatha se met à réfléchir pour penser ses prochains mots en essayant de cacher son amusement. "- Hum... Comment dire... Ah, je sais. Le loup a mangé la brebis dans les douves avant que maman brebis ne descende dans les douves."

Claricia va réfléchir. Puis se mettre à rougir de plus en plus jusqu'à ressembler à une tomate. "- Oh. Oh. D'accord."

Agatha va rire franchement devant la rougeur de Claricia. "- Quoi, tu vas me dire que t'as jamais... ?"

Claricia va avoir l'air outrée, et froncer des sourcils en étant rouge : "- Pas dans les douves, c'est certain !"

"- Oh ça va ! L'important c'est que j'ai rencontré Léona ce jour-là. Elle m'a même tendu la main pour m'aider à sortir des douves. Mais plus important. C'était qui le p'tit chanceux, hein ? Un serviteur j'parie." En souriant, toutes dents dehors, très amusée par la situation.

Elle va hocher négativement de la tête, en restant toujours rouge. "- Pas avec des laquais, non. Un écuyer, pour ce qui compte du côté des hommes, si tu es si curieuse d'aussi peu."

"- Ohohoho. D'aussi peu ? Ah non non ma grande. Madame Coincée l'est finalement pas tant que ça, j'vais creuser l'filon. Et comment ça 'Du côté des hommes' ?"

Elle va tiquer des lèvres. "- Si coincée est une insulte pour toi, c'est peut-être aussi parce que tu ne sais pas trop t'y prendre pour avoir une autre réaction de ma part."

"- J'ai du mal avec d'autres approches, mais j'vais faire un effort là." Agatha se râcle la gorge. "- Dame Claricia, accepteriez-vous de converser, avec votre consoeur ci-présente, sur le sujet intime du loup et de la brebis afin d'étancher une envie d'apprendre à mieux vous connaitre ?"

Claricia va faire la moue. "- Nous pouvons aussi cavaler en silence, mademoiselle."

"- Ah, mais je n'apprécierai guère imposer ainsi un silence à notre conversation, mademoiselle. Aussi, je vous assure que si notre conversation se meurt sur l'instant, vous entendrez de ma part des chansons de ma composition, de ma voix rauque et presque cassée, mais assurément presque fausse comme vous avez pu le constater hier au soir, mademoiselle." Répondit Agatha en tapotant le nez de Claricia, un grand sourire aux lèvres.

Claricia va rester muette et se renfermer. Puis soupirer. "- Ta vie ne doit vraiment pas si être intéressante que ça, pour cancaner pour si peu. Ou tu dois avoir du mal à te contrôler, simplement."

Agatha va ricaner. "- Non, j'aime juste te charrier. T'es la seule personne qui se rapproche un tant soit peu de ce qu'on peux appeler une amie que j'ai jamais eu. On est très différentes, ne serait-ce que nos origines, et je sais que je peux être une vraie connasse. Mais c'est juste que je pense pas que t'as envie de savoir que ma mère ne me nourrissait qu'une fois par semaine jusqu'à mes 6 ans, qu'elle est morte quand j'étais jeune sans que j'en éprouve plus d'émotions que ça, et que j'ai vécu dans les rues d'un bidonville à côté de Merton quasiment toute ma vie, et que le fait de tuer quelqu'un m'est devenu naturel à l'âge de 15 ou 16 ans. C'est juste... que c'est pas une vie de damoiselle à raconter, alors j'aime pas trop en parler. Le repas que je connais le mieux, c'est la soupe d'ordure avec un supplément de mollard. Même la boue a meilleure goût, et ça tu peux me croire." Ne sachant pas vraiment pourquoi elle avait dit cela, Agatha se sentit cependant, et bizarrement, bien. Comme si avoir parler de ça lui faisait du bien.

De son côté, si Claricia fut surprise par cet épanchement soudain, elle se garda d'en montrer la moindre réaction. Elle en écouta cependant chaque mot, et osera un regard de compassion envers Agatha dans un silence lourd après cette tirade. Et ce n'est qu'après quelques minutes de ce silence lourd, qu'elle reprendra d'elle même la conversation, presque comme si rien ne s'était passé. "- Tu as vraiment le chic pour tenir des conversations salaces, dites donc."

"- C'est pas faux. Mais au moins je tourne pas autour du pot. Sauf quand je dois faire des efforts de ronds de jambes pour que mademoiselle daigne dialoguer avec le petit peuple que je représente dans notre duo."

"- Le petit peuple n'a pas besoin de savoir grand chose. Sauf s'il trouve le moyen de me faire m'intéresser."

"- J'essaie de trouver, mais c'est pas bien simple. En tout cas pour moi. J'sais pas c'qui pourrait être intéressant sur moi, à part que j'ai le don, que j'suis la disciple de Léona, et que j'ai une consoeur dont je sais qu'elle me mentira pas. Du reste... c'est pour ça que j'préfère qu'on m'pose des questions..." Dit-elle en baissant un peu les yeux, un peu morose.

"- Et qui va dans les douves..." Conclut-elle en souriant tout en regardant le paysage au loin.

"- Y'a moins d'paille que dans une écurie, pas vrai." En relevant un peu la tête, essayant de saisir l'occasion tendue par Claricia pour enchainer sur autre chose.

"- Certes." Répondit-elle en un sourire pincé.

"- Et... tu l'as revu ? Ou t'as envie de le revoir cet écuyer ?"

"- Oh, que non. Il n'était pas méchant, mais je suis passée à autre chose."

"- Bourreau des coeurs, va. J'suis sur qu'il s'en mords les doigts."

Claricia va de nouveau ricaner. "- Non. Je pense que j'étais très oubliable, pour le coup. L'amour jeune est ingrat."

"- Toi ? Oubliable ? J'crois pas non. Entre ton caractère et le reste, j'pense pas que lui t'ais oublié."

"- Je ne parlais pas de ce point là. Tu fais une mauvaise ingénue, ma soeur."

"- Huh. Au moins j'aurais essayé. Et tu as dis 'Du côté des hommes' tout à l'heure. Là j'ai vraiment pas compris."

"- Là aussi, je pense que tu as compris." Lança Claricia avec un sourire.

Là-dessus, Agatha ne dis plus un mot, sujette à quelque chose qu'elle n'avait que trop rarement ressentis pour savoir ce que c'était, et surtout comment le gérer. Le rouge lui montait aux joues. C'est avec une tête rouge qu'elle gardait cependant un semblant de rationalité, et qu'elle put trouver un coin où établir le camp pour la nuit à venir. Elle monta le camp, efficacement et par habitude, en ayant quelques traces encore de ce rouge aux joues. Elle monta sa tente, assez grande pour elle et Claricia, rassembla de quoi faire du feu et alluma le tout avant de poser sa marmite sur le jeune feu.
Agatha de Tourraine, Damoiselle du graal
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Re: [Agatha] Vieilles-croyantes

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

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Le bocage de Lyonnesse avait de quoi impressionner les peintres — ce mélange de pâturages, de sous-bois, de grands champs en jachères séparés de haies et de quelques menues chaumières ça-et-là, dispersées à travers un monde vide d’hommes, mais plein de vaches et d’ânes, avait quelque chose d’apaisant et de bucolique. Mais cela se voyait que les peintres qui venaient en été passer la journée sous un arbre n’avaient pas à marcher à travers ce paysage — avec cette fin d’automne, tout était grisâtre, et une ondée permanente semblait ruisseler sur les corps de ceux qui se retrouvaient dehors. Les chemins se remplissaient vite d’une boue collante, collante aux semelles des bottes et aux sabots de la monture.

Claricia avait préparé une maigre collation pour le petit déjeuner — des noix à croquer sous la dent, du biscuit de guerre cassé et trempé avec de l’eau chaude dans laquelle mademoiselle Dole avait fait infuser quelques herbes et ce qu’elle appelait du « thé » — en fait du thé qui avait déjà servi deux fois précédemment, donc qui n’avait plus beaucoup de théine pour dormir… Et c’était reparti pour une nouvelle journée humide et froide sous la flotte.

Les deux damoiselles eurent une nouvelle journée de marche. Arbres. Buissons. Arbustes. Chaumières isolées devant lesquelles il ne fallait pas approcher, même si la fumée de cheminée qui s’élevait lentement vers les airs semblait bien accueillant quand on avait la peau couverte de chair de poule et les dents qui claquent un peu… À nouveau, Agatha trouva un arbre, les deux firent le campement, discutèrent de tout et de rien… Feu de camp, maigre repas, sommeil léger, à peine entre les bras de Mórr. Et le lendemain, tout remballer, remonter sur le cheval bien crevé et avec le chien aux pieds qui sentait fort le caniche mouillé. On en était au troisième jour de marche.

En fin de journée, les deux damoiselles, un peu assoupies sur leur cheval, croisèrent enfin la route de quelqu’un. Un paysan et un enfant, peut-être son fils ou autre, qui entouraient une charrette tractée par un mulet. Pas utile de faire demi-tour — les deux se redressèrent et eurent un air neutre, même si elles n’avaient pas tellement une apparence qui laissait indifférent…

C’est Claricia qui leva la main en signe de paix et salua les deux :

« La bonne journée à toi, bonhomme. »

Le paysan avait un grand chapeau sur la tête. Il le retira pour dévoiler une tête bien blonde et gardant un reste de bronzage de cet été.

« J’vous souhaiterais ben la belle journée, mesdemoiselles, mais enfin ça s’rait avec peu de chances de se réaliser, eh ?
Où c’est qu’vous allez donc ?

– On cherche la grande route de Pirieuc pour monter jusqu’à Châtelon. Vous savez par où on peut la rejoindre ? »

Elle mentait. C’était intelligent à faire. Il ne fallait jamais révéler tout à fait la vérité quand on rencontrait quelqu’un — si une personne était à leurs trousses, il serait aisé de demander, « Avez-vous croisé deux petites nénettes qui montaient collées ensemble à cheval ? » — et même sans faire exprès, le paysan les mènerait sur la bonne piste.

« Zêtes sur la bonne route j’imagine… Si vous continuez par là vous allez finir par vous arrêter devant la Sélune à un moment ou un autre.
– Merci bonhomme. Où allez-vous vous-même ?
– Moi ? Oh, je fais juste le tour de ma prairie ! Ça va être le moment de ramener pas mal de moutons à l’étable avec l’hiver, je vais avoir de quoi bosser…
Vous avez l’air d’avoir très froid, mesdemoiselles ! Si vous voulez vous reposer, vous pouvez espérer atteindre Minieuc avant la nuit !

– Ce n’est pas sur notre chemin, non… Il y a quelque chose d’intéressant à Minieuc ?
Intéressant… Je sais pas si c’est intéressant, mais c’est des gens qui r’gardent pas ce que le voisin fait et où y a pas de seigneur qui donne d’ordres, c’qu’est plus que ce qu’on peut dire pour le reste de l’Ormérique, n’est-ce pas ?
– Je crois que je comprends. Des choses compliquées dans les parages ? Les-dits seigneurs cherchent des poux ?
– Quelques hommes de la famille du comte de Pirouse ont franchi le fleuve, qu’j’ai entendu — y font une partie d’chasse, y ont que ça à faire… Des nobles garçons, chahuteurs, et visiblement trop ivres pour des gars qui portent des armes. J’accepterais pas leur hospitalité si je les croisais, perso, j’prie pour pas tomber sur eux. Y peuvent être… Canailles.
– Racailles, disons-le. Tant que vous les regardez pas dans les yeux et que vous avez l’air inintéressant, ça le fera…
Merci de nous avoir prévenu, bonhomme.

– Cela le fera, pour vous ?
– Avec le monstre derrière moi ? Je crains rien du tout.
Aide-bien ton père, toi, joli garçon. »


Claricia fit un clin d’œil au paternel, et souffla un baiser au jeune enfant qui se mit à rougir instantanément. Elle n’aidait pas non plus à se rendre oubliable… Mais le cheval pouvait repartir, et, collée à Agatha, mademoiselle Dole complota :

« Minieuc peut donc être atteinte avant la nuit, si on va tout droit… Mais on risque de tomber sur des sangs-bleus.
Je ne sais pas s’ils sont du genre à crécher à la belle étoile, ils vont probablement chercher un logis là-bas eux aussi.
Soit on perd une journée à se cacher au milieu de nulle part, soit y va quand même, donc ? »

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Agatha de Tourraine
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Re: [Agatha] Vieilles-croyantes

Message par Agatha de Tourraine »

Depuis leur départ, il s'était déjà écoulé trois jours et deux nuits. Trois jours et deux nuits sans problèmes en dehors de quelques bestioles rampantes, de rosée du matin aussi agréable qu'une douche froide et d'autres petites bricoles dans le même genre. Mais fort heureusement, rien qui ne put nuire aux deux jouvencelles à proprement parler. Jusqu'à maintenant, elles avaient eu de la chance même si Agatha se disait que son choix de trajet leur avais permis d'éviter certains problèmes. La chance était à remercier, mais son choix aussi visiblement. Ou alors la Dame était vraiment avec elle et avait entendu leurs prières quotidiennes.

La seule chose qu'elles avaient réellement risquées avait été de s'endormir toutes les deux sur la selle à cause de la monotonie du paysage. Claricia, elle, ne s'en était pas privée, s'autorisant quelques siestes en se laissant tomber sur le buste d'Agatha qui, elle, n'arrivait pas à faire de siestes malgré tout. Que ce soit pour veiller sur les alentours, que ce soit pour veiller à ce que le cheval ne dévie pas de la route, ou que ce soit à cause de la conversation qu'elle avait eu avec Claricia la veille qui ne cessait de lui revenir en tête tel un spectre qui avait décidé de la hanter, les siestes étaient proscrites. Fort heureusement, elle ne manquait pas sommeil pour autant. En tout cas pas encore. Elle redoutait ce moment, car elle s'attendait à ce qu'il arrive et savait que, quand ce moment viendrait, elles seront vraiment dans la merde.

Tout à ses réflexions, alors que le soir s'annonçait dans les boccages, elle sentit Claricia bouger, la vis lever la main et saluer quelqu'un. Se réveillant de sa rêverie, elle aperçut sur la route, à quelques dix mètres d'elles, un homme et un jeune garçon, surement son fils, sur le côté de la route avec une charette et un mulet. Agatha fit s'arrêter le cheval à distance raisonnable de la charrette, au cas où. Elles avaient eu de la chance jusque là, et elle préférait rester sur ses gardes. Elle se remis bien sur la selle et adopta bien rapidement et avec grande facilité une attitude neutre tout en faisant redescendre les rennes pour avoir la main plus proche de la poignée de sa lame. Elle n'avait aucun mal à rentrer dans le rôle d'une mercenaire ou d'une guerrière protégeant quelqu'un, et laissa Claricia faire la discussion.

"- J'ai bien fait d'la laisser causer. J'aurais d'mander direct Minieuc comme une conne." Se dit Agatha, puis écouta le reste avec le même air neutre, et jeta quelques coups d'oeil par-ci par-là. A la fin de la conversation, un peu offusqué mais aussi légèrement amusée, elle lâcha un grognement qui aurait pu vouloir dire tout et n'importe quoi, mais elle voulait juste appuyer le côté 'monstre' dont on venait de l'affubler.


« Minieuc peut donc être atteinte avant la nuit, si on va tout droit… Mais on risque de tomber sur des sangs-bleus.
Je ne sais pas s’ils sont du genre à crécher à la belle étoile, ils vont probablement chercher un logis là-bas eux aussi.
Soit on perd une journée à se cacher au milieu de nulle part, soit y va quand même, donc ? »

"- On est allez bien vite, on a pris un jour d'avance j'pense. J'aimerais garder c't'avance mais ces sangs-bleus m'cassent les ovaires. Même si on essayaient, j'pense pas qu'on arriverait à vraiment passer inaperçues. Et l'comble c'est qu'y sont d'la famille de Pirouse."

Agatha pris un certain temps de réflexion sur la question. Soit elle jouait la sécurité mais elle perdait une journée, soit elle prenait le risque mais elles ne passeraient pas inaperçues. Après sa réflexion, elle s'adressa à Claricia à voix basse, au cas où sa voix porterait de trop.

"- La meilleure option ce serait de faire une nuit blanche et traverser en pleine nuit. On pourrait rattraper la nuit en alternant sur le canasson demain ou en se couchant un peu plus tôt demain. On arrivera pas à passer inaperçues avec des sangs-bleus avec nos dégaines, et j'aimerais garder l'avance qu'on a. Tu te sens de te taper une nuit blanche ?"

"- Moi oui. J'en dirais pas autant pour le cheval. On lui en demande beaucoup et il risque de plus pouvoir nous porter longtemps - voire nous suivre longtemps."

"- Pas faux... Vrai qu'il a besoin d'un peu de repos aussi, d'autant que ce serait bien de le garder en vie pour le retour." Elle s'accorda un temps de réflexion supplémentaire, qui cette fois-ci s'avéra plus court. "- Et tu te sens de te taper un sang bleu ? Ce sera plus simple que d'essayer de les esquiver complètement. Et moins bizarre."

Elle hoche de la tête. "Si on se trouve une chambre dans laquelle se coucher, on pourra bien ne pas les croiser du tout."

"- Mouais... pas sur qu'il y ait plusieurs auberges ou tavernes, mais de toute façon on va pas perdre notre avance. On gardent notre couverture de dame et de mercenaire, à moins que tu saches faire de la musique ou du chant et on peux dire que tu vas rejoindre la cour d'un noble. T'es assez belle et t'as les manières qu'y faut pour ça. D'ailleurs ça nous ferait une meilleure couverture maintenant que j'y pense."

Claricia va bizarrement pincer des lèvres. "- Crois-moi, si on tombe sur des nobles qui sont en partie de chasse, tu n'as envie ni d'avoir l'air jolie, ni d'avoir l'air intéressante dans leur proximité."

"- Oh t'en fais pas, je suis bien au courant. Un loup c'est sympa, mais une meute affamée, jeunes, ivres et armés... Toutes les chances de finir dans l'caniveau en très sale état. Bon, dans ce cas, frangine, allons pioncer. La frangine d'une mercenaire, rien de plus ennuyant."

Et sur ces paroles, Agatha fixa l'horizon et vérifia la présence de Michel, comme pour se rassurer.
Agatha de Tourraine, Damoiselle du graal
Profil: For 9 | End 8 | Hab 8 | Cha 8 | Int 8 | Ini 8 | Att 9 | Par 8 | Tir 8 | Mag 9 | NA 1 | PV 65/65
Lien Fiche personnage: https://warforum-jdr.com/wiki-v2/doku.p ... _tourraine

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