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Re: [Régil et Arnaud] La route rend libre

Posté : 20 mai 2022, 01:04
par [MJ] La Fée Enchanteresse
Régil eut beau demander de la miséricorde pour le sort de leurs deux camarades silencieux, Bernard leur intima à eux aussi de s’agenouiller au sol.

« C’est moi le gardien de la paix ici.
On se couche, plus vite que ça. »


Les pèlerins tous ventre à terre, les bourgeois enrôlés de force semblèrent se détendre. Bernard se plaça au milieu de ses nouveaux prisonniers, les surveillant un à un ; loin de faire le fier, le sergent semblait nerveux, aux aguets, prêt à se défendre contre toute soudaine attaque contre lui.

Mais il put enfin se détendre quand les renforts arrivèrent. Le reste du guet de Castel-Desroches arrivait en toute hâte ; il n’y avait que trois autres personnes en uniforme, portant la livrée comtale, mais ils étaient accompagnés d’une demi-douzaine de bourgeois en tenue de travail qui avaient à la hâte jeté des chapels de fer sur leurs têtes. Une troupe fort conséquente, et bruyante avec ça ; si Arnaud voulait des témoins, maintenant il en avait plus que de raison, puisque même les enfants et les vieillards se mettaient à se presser pour voir qu’est-ce qui provoquait tout ce grabuge.
Même la gentille prêtresse de Shallya qui avait prié pour eux il y a quelques heures à peine se trouvait parmi la foule, tenue à l’écart par les guetteurs qui formaient une sorte de cordon.

Un à un, les pèlerins avaient leurs bras recouverts de liens en chanvre dans leur dos. Puis, ils étaient soulevés par le col, mis à genoux, et accrochés les uns aux autres par le nœud d’une grande longe. Comme des ânes, ils étaient mis en rang. Luc, au bord des larmes, le plus petit et le plus inoffensif, fut mis tout devant, alors que le géant Bruno était placé tout derrière.
Quand ce fut au tour de Régil d’être relevé, le sergent ne résista pas à l’envie de lui chuchoter quelque chose dans l’oreille :

« T’inquiètes pas, serf. Je te donnerai ce que t’as réclamé. Toi et moi, tous les deux… »

Et il imita un bisou dans l’air, en bombant les lèvres.

Se relevant, il siffla et héla ses sbires :

« Sitôt arrivés, sitôt embarqués ! Direction le cachot !
Hue-dada ! »




Ils remontaient de là où ils étaient venus, vers le donjon seigneurial. Alors qu’ils repassaient devant le grand arbre, et se dirigeaient autour du grand bâtiment principal, Luc droit devant n’arrêtait pas de pleurer.
L’un des sergents de paix récemment venu ricana, et tapa sur l’épaule du gosse.

« Allons ! Faut pas faire cette tête, petiot !
Vois le bon côté des choses — tu vas visiter un authentique château Bretonnien ! C’est pas une chance géniale ?!
Ce bâtiment, où vit notre seigneur, il est récent ; il a été inventé il y a cinquante ans. Mais vous, vous allez dans la tour la plus ancienne, celle qui a été bâtie il y a plusieurs siècles ! Ah il y fait froid, c’est certain, mais c’est franchement un état de conservation incroyable ! »


Et voilà qu’ils suivaient le sergent transformé en guide touristique jusqu’à une tour carrée, perchée contre le reste du grand château. Accolé devant, il y avait une grande écurie, un petit terrain d’entraînement, et, surtout, le mulet et la charrette qu’avaient laissé les pèlerins sous la garde du comte.

Ils entrèrent dans la tourelle. Il y avait un peu de mobilier à l’intérieur, et une cheminée, mais l’endroit n’avait plus beaucoup de luxe ; si les ancêtres des Desroches devaient vivre là-dedans, aujourd’hui, c’était un baraquement pour leurs hommes d’armes, et peut-être d’éventuels chevaliers errants de passage.
Ils descendaient l’escalier, pour entrer dans la fosse. Les marches étaient hautes, et un peu glissantes, mais ce n’était pas le moment de se rétamer par terre…

Il y avait là un grand couloir, qui servait de débarras, où on trouvait des caisses et des tonneaux. Et à droite et à gauche, deux ouvertures creusées dans la terre, fermées par de lourdes grilles de bois, avec une porte cerclée de fer.

C’étaient des cellules pour deux personnes. Les sergents mirent d’un côté Luc avec Bigleux et Arnaud, tandis que Régil et Bruno occupèrent celle en face. On retira les liens en chanvre aux détenus, et on ferma bien les portes derrière eux.

Bernard le Chauve les renseigna alors à peine sur leur sort :

« Vous passerez devant sa seigneurie le comte dès demain matin. En attendant, les règles ici sont très simples ;
Vous faites pas entendre. Quoi qu’il arrive. Obligez pas l’un d’entre nous à descendre, compris ? »


Les hommes d’armes commencèrent à s’éloigner un par un, mais Bernard et un autre sbire demeurèrent un petit instant, pour vérifier qu’ils étaient bien compris.

Re: [Régil et Arnaud] La route rend libre

Posté : 21 mai 2022, 18:14
par Régil d’Aquitanie
En attendant que le reste du guet arrive, planté là, au sol, à manger la poussière, il avait tout le temps du monde de penser à ce qui s’était passé. Le sergent semblait nerveux, ce qui leur faisait un point en commun. Il n’avait certainement pas le sang-froid d’un chevalier du graal, ainsi il suait à l’idée de devoir passer sa soirée dans des geôles, et potentiellement de passer devant un tribunal. Toute sa vie, la justice n’avait pas été tendre avec lui, alors il ne voyait pas pourquoi cela changerait du jour au lendemain. De plus, les gens qui avaient vu l’altercation ne témoigneraient probablement pas en leur faveur, qu’ils soient en tort ou non. Ça ne l’étonnerait même pas que le bourgeois change de version, et qu’il ravale ses précédents propos. Ils allaient bien voir, mais ça ne risquait pas de leur plaire.

Le reste du guet arriva finalement, commençant sans tarder à leur enfiler des liens aux poignets. Le fait qu’ils prenaient autant de précautions pour des gens sans armes lui aurait fait décocher un sourire dans d’autres circonstances, mais il n'était pas vraiment d'humeur. Ça ne s’améliora pas davantage lorsque le sergent ne put s’empêcher de le provoquer, alors qu’il le relevait. Toujours la bouche close, il lui lança un regard noir en réponse. Jamais il n’avait autant eu l’envie de battre quelqu’un, en laissant toute raison de côté.

De façon assez ironique, leurs geôliers devinrent leur guide au travers des nombreuses infrastructures qui formaient le domaine Desroches, alors qu'ils faisaient trajet vers le donjon. L’un d’eux prit par ailleurs un malin plaisir à torturer Luc, renforçant par le fait même la culpabilité du serf. Les mots n’auraient pas pu décrire à quel point il s’en voulait d’avoir mis un garçon, même pas encore un homme, dans une telle situation. Il avait à peine quinze ans, il aurait très bien pu être son benjamin. Sa place n’était pas parmi eux, une bande de gens dépareillés, en direction d’une cellule froide et sale. Il aurait dû être auprès de ses parents, s’il en avait encore.

Régil ne profita pas vraiment du tour qu’on leur faisait. L’architecture des lieux était la dernière de ses préoccupations. Il garda la tête baissée pour le reste du trajet, non pas en signe de soumission, mais pour s’empêcher d’ouvrir la bouche. Le fait de ne pas avoir le visage moqueur du sergent en vue l’aidait un peu. Juste un peu.
Bientôt, ils purent découvrir leur nouveau chez-soi pour les quelques heures qui restaient avant leur comparution devant le comte. Régil ne fut pas vraiment surpris; c’était exactement l’idée qu’il s’en était fait. Pour une raison ou pour une autre, on avait mis les deux hommes forts de la troupe ensemble. Non pas qu’il allait s’en plaindre. Le jeune homme avait du respect pour Bruno. Il leur avait montré son soutien, malgré les mauvaises décisions qu’ils avaient pris.

Les gardiens restèrent quelques instants pour s’assurer qu’ils se tenaient à carreau, et lorsqu’ils furent partis, Régil se passa les mains sur le visage, en soupirant doucement. Il vint s’asseoir sur le sol, en se tenant la tête. Le silence entre eux était pesant, mais il en avait bien besoin pour rassembler ses pensées. Il réussit finalement à formuler quelques mots au bout d’un instant.

« J’suis désolé … les gars. J’men veux de vous avoir mis dans une telle merde.» dit-il d’une voix hésitante. Le ton assuré qu’il prenait généralement, celui du grand et fort Régil, avait mystérieusement disparu depuis leur arrestation.

Il avait peur, mais surtout il avait honte de ne pas avoir pris ses responsabilités en main, comme son père le lui avait appris. Il avait pensé à son honneur, à son égo, à la Dame, mais il n’avait pas pensé aux gens qu’il mettait en danger par le fait même. Il ne croyait pas que s’opposer aux gens corrompus était une mauvaise idée, mais il y avait certes de meilleures façons de le faire. Il n’était qu’un pèlerin. On ne prêtait pas la même valeur aux sermons d’un vagabond que d’un chevalier du graal.
« J’ai cru qu’on pouvait combattre c’qui pourrissait la Bretonnie d’l’intérieur. J’ai cru puisqu’on était d’fidèles serviteurs d’la Dame, on nous verrait d’un autre œil, qu’on nous respecterait. » Maintenant, il avait eu assez d’exemples pour penser le contraire. Les gens qui le regardaient comme un monstre, le bourgeois, le sergent … « J'ai été trop loin. »

Il se tourna ensuite vers Luc. « Tu d’vrais pas être ici Luc. T’as pas idée comme je m’en veux. T’es l’plus jeune, tu d’vrais pas souffrir à cause d’mes conneries. Je suis désolé … Quand … on va être devant monseigneur le comte, j’assumerai tout. C’est à cause de moi que vous êtes ici. Jamais la Dame ne me permettrait de partager mes fautes avec les autres. » Il se passa une main dans la barbe par réflexe, pour pallier aux nombreuses émotions qui l’assaillaient. « Vous … vous avez déjà vécu quelque chose comme ça, d’puis que vous êtes avec Émile ? Les problèmes d’not’ pays, j’veux dire … vous y avez réagi comment ? » Peut-être que ce n’était pas la première fois qu’ils terminaient dans une cellule. Il en doutait, et ça ne diminuerait tout de même pas sa culpabilité, mais il était malgré tout curieux de savoir comment ils auraient réagi à sa place.

Re: [Régil et Arnaud] La route rend libre

Posté : 30 mai 2022, 10:07
par Arnaud d’Aquitanie
Arnaud s'était étalé face contre terre ses yeux parcourant à toute vitesse la foule. N'y avait-il personne ? Quelqu'un ? N'importe qui qui serait capable de faire cesser cette folie ? Plus la foule s'amassa, et plus elle nourrissait l'espoir du garçon. Quelqu'un allait forcément le faire. Quelqu'un... Quelque chose le poussa à chercher plus fort, comme si son regard pouvait appeler cette intervention désespérée. Peu lui importait qui pouvait le regarder, qui pouvait assister à cette scène. Il s'en sortirait, il trouverait un moyen. Il avait toujours trouvé un moyen, c'était impossible. Pas comme ça. Il n'avait pas fait ce chemin pour finir comme ça à pourrir dans une geôle moisi pour un bain qu'il avait payé.

Arnaud était tiraillé, s'il voulait planter cette vermine, c'était maintenant. Au détriment de la foule, mais en tiendrait-il rigueur ? Elle savait n'est ce pas ? Elle savait qu'il était dans le droit chemin. Que cela aurait été de la légitime défense face à un abus de pouvoir. Ayant dissimulé une petite pierre qu'il jugeait assez pointue pour blesser le sergent, il s'apprêtait à passer à l'acte. Mais Arnaud croisa le regard de la prêtresse de Shallya qui les avait bénis pas plus tard que dans la matinée. Son regard pouvait plonger dans le sien, y sentir la tristesse, la confusion et peut-être la déception.

Arnaud laissa tomber la pierre et se laissa soulever. Le pèlerin se sentit abbatu par ce qu'il aurait pu devenir, plongé dans la confusion et dans la perte de ses repères. Qu'est-ce qui était juste ? Tout lui hurlait de se défendre, de lutter contre cette injustice. Mais au prix de passer pour un hors-la-loi auprès de tous ?

Qu'aurait fait Rorgues de Vouvent ? Question stupide ! Il se serait interposé ! Il aurait fait jouer son statut ! Il... Aurait fait briller son serment de pureté ! Il aurait manifesté la véracité de ses propos par sa stature irréprochable ! Il...

Arnaud marqua un temps pour réaliser les choses. Un véritable gouffre séparait Rorgues de Vouvent de lui. Un gouffre monumental, infranchissable où Arnaud et Rorgues se trouvaient à deux extrémités.

La noblesse.

La bordel de putain de noblesse.

Quelle farce.

Tout ceci avait-il véritablement un sens ? Y aurait-il véritablement un pardon ? Peut-être pas. À moins de finir noble... Ou de devenir autre chose...

Si Arnaud et son frère n'avaient pas un moyen de contrebalancer la justice et la corruption de la Bretonnie. Ils finiraient inévitablement écrasés par cette dernière.

Qu'ils soient maudits. Qu'ils soient tous maudits. Les serfs, les vilains, les nobles... Tout ces gens qui participent à rendre cette belle Bretonnie plus sombre, plus misérable... Comme une plaie s’infectant pour former un bubon.

Les gardes leur firent visiter le château et les installèrent dans de petites geôles pour comparaître le lendemain face au Comte. Bah. Qu'est-ce qu'il allait bien faire ce comte félon de toute façon ? Quel intérêt avait-il à épargner des miséreux comme les pèlerins du Graal ? Non. Ce qui était sûr, c'est qu'il pourrait soutenir le regard du comte. Mais Arnaud ignorait encore s'il avait le courage de faire face à celui de sa fille. La recluse Alix. A peine une après-midi en ville pour finalement finir aux geôles. Pour un bain qu'ils avaient payé ! Qu'est-ce qu'elle pensera de lui ? Pensera-t-elle qu'Arnaud lui avait menti tout du long ?


- "T'vas assumer rien du tout. On est innocents, et on va se battre pour le faire savoir. Même si s'kon doit tous s'pointer sur l'échafaud. C'est ce k'que la dame voudrait... J'suppose."

Que savait-il de la volonté de la Dame après tout ? Si elle avait permis aux pèlerins d'en arriver là. Alors peut-être que la dame n'interviendrait pas non plus pour le procès. Peut-être même que la dame s'en fichait.

Re: [Régil et Arnaud] La route rend libre

Posté : 01 juin 2022, 20:58
par [MJ] La Fée Enchanteresse
Les sergents avaient mal séparé les pèlerins — ou peut-être que justement, ils y avaient parfaitement réfléchi, peut-être est-ce que ces hommes de loi avaient rapidement compris les dynamiques au sein du groupe ; Alors que Régil jouait la détente et la diplomatie, il était enfermé avec le gros Bruno qui grinçait des dents comme jamais. À l’inverse, un Arnaud prêt à en découdre devant le comte, devait gérer le petit Luc qui pleurait à chaudes larmes, et un Bigleux qui regardait dans le vide, l’air peiné.

Pressé contre la grille de sa cellule, Régil tenta de calmer le plus jeune de la bande. Il n’obtint que des hochements de têtes du garçon en face, qui continuait malgré tout de se rouler en boule en tenant ses genoux.

À sa question, Bigleux mit un moment à répondre ; peut-être moins par réflexion que par tentative de retrouver ses nerfs.

« Des soucis avec les sergents ? Oui-da.
Mais balancés en cellule ? Jamais. D’ordinaire, on s’disperse quand on veut pas d’nous. On leur ti’nt pas tête. »


Il était évident qu’il y avait un reproche passif-agressif dans sa voix. Surtout qu’il lança un regard noir au frère de Régil.

Les propos plus résolus d’Arnaud, eux, recueillirent les applaudissements de Bruno dans la cage d’en face. Perché au-dessus de l’aîné des frangins, il souffrit en utilisant sa voix lente et sifflante pour lancer quelques mots :

« On ira pas… Jusqu’à… L’échafaud… Paria…
Mais je… Me baisserai pas… Devant ce sergent… »


Sur ce, Bigleux, probablement plus courageux à présent que Bruno ne pouvait pas physiquement l’impressionner avec sa grande taille, bondit sur place, en se mettant à crier ; même si cela risquait d’attirer l’attention de leurs geôliers.

« T’veux nous mettre dans la merde, oui ?!
Faut qu’on sorte d’là le p’us vite possible et qu’on suive notre m’sieur de Vouvant !

– La rousse… Nous fera… Sortir…
– T’as envie d’tester cette théorie ?! Bordel, y peuvent nous coller aux travaux forcés ! On peut être coincés là pour des mois !
On plaide coupable et on présente nos z’excuses — tous les cinq ! Là on aura ben une chance ! »


Bruno cracha par terre, un gros mollard qui se colla à côté de Régil. Puis, le muet agrippa les barreaux de la cage, et planta son regard directement dans celui du loucheur.

« J’ai offert… Ma vie… Mais pas… Ma queue…
Aucun d’nous… S’excuse… On plaide tous… Non-coupable… L’comte s’ra… Dans l’embarras… Y nous passera même pas… En procès…
Et si tu… Ouvres… Ta… Gueule…
Je te jure, Bigleux…
Tu souhaiteras… Que je t’aie laissé aux orques… »


Bigleux observa Arnaud, qui était à côté de lui.
Et, prit d’un élan de courage, il tapa contre la grille.

« On est p’us à Cuilleux, ici ! Et Desroches c’pas un Orque !
Les peaux-vertes ont p’têt trop cogné sur ta tête, mais ici c’lui la loi ! Et les deux frangins nous ont tous ben foutus dans la merde à insulter un sergent d’loi ! »


À l’insulte, Bruno se contenta d’offrir un pur sourire sadique, parfaitement terrifiant.

Jet de charisme de Régil (Bonus : +2) : 14, échec
Jet de charisme d’Arnaud (Malus : -2) : 5, réussite


Re: [Régil et Arnaud] La route rend libre

Posté : 03 juin 2022, 18:11
par Régil d’Aquitanie
Ce n’était pas la lâcheté qui le motivait à l’instant, lui qui avait pourtant rarement une position diplomatique, mais bien ce qui pouvait arriver au plus jeune du groupe. Il ne pouvait pas s'empêcher de se sentir responsable de sa sûreté. Si cela n’avait pas été pour Luc, Régil aurait probablement été aussi combattif que son frère et Bruno. Il comprenait parfaitement ce qu’ils ressentaient. Ses insultes n’avaient pas été jetées en l’air, et il pensait tout ce qu’il avait dit au sergent - même s’il aurait mieux fallu qu’il se taise après mûre réflexion. Sa grande gueule le rattrapait trop souvent, et même l’idée de faire la courbette face à Bernard le révoltait. Jamais il ne s’était abaissé à un tel niveau, et il espérait qu’il n’aurait pas à le faire le lendemain, devant le comte. Il verrait bien.

Trouver un terrain d’entente semblait difficile. Cela se confirma quand Bigleux et Bruno se lancèrent dans une guerre d’opinion, saupoudrée de menace du côté du muet, et de cris de celui du loucheur, ce qui eut pour effet de faire serrer les dents au serf, alors qu’il jetait un regard vers l’entrée des donjons d’où était sorti le sergent quelques instants plus tôt. Il ne manquerait plus qu’il descende.

Régil fronça les sourcils aux paroles de son frère. « Si tu veux allez sur l’échafaud, alors là c’est ton problème. J’pourrais pas t’en empêcher. J’compte pas merder au point d’en arriver là. Mais t’as raison sur un point, c’est qu’on est pas coupable. En tout cas, on n’est pas coupable d’avoir forcé l’entrée des bains, mais les injures … bon. Et qu’on soit bien d’accord, Arnaud, il l’avait bien cherché c'corrompu, mais même si tu considères qu’on est innocent, ça va être difficile à défendre vu l’nombre de témoins.» Toujours assis au sol, contre les barreaux de sa cellule, il soupira avant de reprendre. « Ça m’semble normal d’assumer » Il le pointa du doigt. « Et toi aussi. On a tous les deux merdés, et la moindre des choses, ça serait d’laisser les trois autres en dehors de tout ça. » Il jeta un regard aux membres du groupe. « Si on est incapable de s’mettre d’accord sur la marche à suivre, j’suis d’accord pour en arriver jusque-là. » Il lançait la proposition. Ils pouvaient, si son frère se joignait à lui, endosser la faute. Et ce n'était pas complètement faux. C'était eux, et eux seuls, qui avaient créé cette situation.

Les paroles de Bruno lui avaient donné un peu d’espoir. Il faisait partie du groupe d’Émile depuis un bon moment. S’il avait survécu aussi longtemps à la vie dangereuse d’un pèlerin, ce n’était pas pour rien. Il prêtait du crédit à ses paroles.

« J’la connais pas autant que toi la prêtresse de Véréna, Bruno, alors j’me demande qu’est-ce qui t’fait dire qu’elle va prendre le risque d’nous sortir de là ? Elle a pas mieux à faire ? » Il pensait notamment à sa mission. Peut-être que s’avancer pour eux viendrait compliquer ses plans, et à cause de cela ils ne passaient probablement pas en priorité. « Aussi, j’ai du mal à comprendre pour ça l’mettrait dans l’embarras. On l’a bien vu, on n’est pas des saints, mais juste des vagabonds, des indésirables. Ils s’en foutent qu’on suive not' seigneur de Vouvent. »

Il avait besoin d’explications, de quoi le rassurer. Au fond, il aimerait bien qu’on démente ce qu’il venait de dire. Il était tiraillé. Le fait de devoir s'excuser lui donnait l'envie de vomir, alors qu'il avait pensé chaque mot. D’un autre côté, si Bruno avait tort, qui sait ce qui pourrait arriver ? Des travaux forcés étaient envisageables et pour de nombreux mois selon Bigleux. Il n’avait pas vraiment envie d’y envoyer un enfant de quinze ans. Il se demandait si le choix lui était vraiment donné. Bruno était beaucoup plus ancien. Il était le bras droit d’Émile, leur chef, et en plus il ne semblait pas ouvert aux avis divergents. Il attendait une réponse, de quoi se décider, même s'il était déjà tenté de suivre le muet.

Re: [Régil et Arnaud] La route rend libre

Posté : 11 juin 2022, 22:52
par [MJ] La Fée Enchanteresse
Régil ne semblait avoir qu’une seule personne à convaincre : Arnaud. Tout comme c’étaient les deux frères qui avaient débuté cette situation, il était peut-être à eux de l’achever.
Mais Bruno aussi avait sa part de responsabilité. Et le grand bonhomme bien terrifiant ne fut pas vraiment ravi de répondre aux questions du pèlerin plus jeune ; Pas tant parce que ses questions étaient bêtes, que parler semblait être très difficile, voire même terriblement douloureux chez lui.
Il attrapa sa gorge alors qu’il prononçait quelques mots.

« La dame… Déchaînée… A besoin… De… Nos yeux… Et bras…
Elle va être… Très… En colère… Elle n’aime pas… Perdre son temps…
Mais… Elle nous fera… Juste payer… Plus… Tard…
Quant… Au… Huuuuuuh »
, il siffla en prenant une grande respiration, tout en crispant tous les muscles de son visage, « …Comte… Il… A… à perdre… et… à… Gagner… Auprès… De… Vouvant… »

Quoi donc ? Bruno ne le précisa pas. Il se contenta de faire un signe de main très agacé à Régil, l’air de lui dire de se taire.

Bigleux, lui, sautillait sur place.

« J’suis d’accord avec ton frère Arnaud… C’t’à toi d’te dénoncer. »

Bruno releva l’œil. Il foudroya le plus lâche du groupe avec un regard sacrément violent.

Quant à Luc, le petit cessait de pleurer, et se contentait de rester là, hagard, les lèvres un peu tremblantes.

Re: [Régil et Arnaud] La route rend libre

Posté : 21 juin 2022, 11:10
par Arnaud d’Aquitanie
Arnaud allait peut-être se retrouver à trancher sur la marche à suivre... Le cadet d'Aquitanie n'était pas pour bêtement se soumettre à un jugement qui ne les concernait pas. Mais peut-être avait-il forcé dans son élan d'héroïsme la situation. Peut-être que l'humilité aurait permis au groupe de s'en sortir plus facilement. L'humilité... Que veut dire être humble ? Accepter de se faire marcher dessus par les autres pour permettre de garder le statut quo ? Accepter de subir pour que d'autres ne puisse souffrir de ces atrocités ? Ou bien être conscience de ses faiblesses pour au contraire mieux les combattre et les redresser ?

Le monde ne se résumait pas à sa simple personne. Et son acte certes chevaleresque avait aussi précipité les autres dans cette geôle moisie.

Arnaud était tiraillé. Qu'est-ce que la chevalerie devait lui commander de faire ? Se battre coute que coute pour son honneur, ou trouver un moyen de sauver ce qui pouvait l'être. Quitte à se sacrifier ? Avait-il le courage de se sacrifier pour eux ? Méritaient-ils qu'il se sacrifie pour eux ? Quelle valeur aurait son sacrifice au yeux de la Dame et de ses suivants ?

Une chose lui paraissait sûre au moins. C'était à lui et à Régil de protéger Luc, Bigleux et Bruno.


- "Humpf... Ouais. On a tout les deux insulté le garde. On assumera. C'est qu'on dira aussi qu'il a tenté de nous brigander. On est allé trop loin et loin et on s'excusera pour notre comportement. Mais il s'ra hors de question qu'on plaide coupable pour un crime qu'on a pas commis. "

Re: [Régil et Arnaud] La route rend libre

Posté : 24 juin 2022, 02:02
par [MJ] La Fée Enchanteresse
Bon gré, mal gré, les pèlerins allaient bien devoir se résigner à se taire et dormir — trop s’agiter, c’était risquer le retour des sergents, probablement plus désagréables que tout à l’heure… Chacun se trouva un coin dans lequel se poser, et ils n’avaient plus qu’à attendre.

C’était long. Mais pas forcément un calvaire non plus. Si les oubliettes étaient bien en sous-sol, et qu’il faisait frais, ce n’était pas non plus un dépotoir immonde : pas de cafards, pas de rats, pas d’asticots grouillants. Le sol était dur et irrégulier, mais ce n’était pas pire que s’asseoir à même le sol. En fait, après des jours entiers passés sur la route, on pouvait presque considérer cette cellule comme une chambre d’hôtel.
Presque.

Alors que le soleil commençait à se coucher, il y eut du bruit depuis la porte qui menait à l’escalier coulissant. Un sergent arriva avec deux petits seaux : dans l’un, il y avait de l’eau du puits, et il offrit à chacun des pèlerins un verre pour se désaltérer. Dans l’autre, il y avait des morceaux de pains frais. Ça allait être leur seule collation. Trop léger, mais au moins ça se mangeait. Puis on les laissa à nouveau seuls, avec juste leur isolement et une poterie qui servait de pot-de-chambre dans chaque cellule.

Finalement, Luc proposa à Arnaud et Bigleux de jouer à des jeux pour passer le temps — celui de penser à quelque chose, et les deux autres devaient deviner de si c’était un animal, un végétal ou un minéral. Ensuite, ils firent un concours de blagues. Puis pour conclure, ils se mirent chacun à prier la Dame du Lac dans leur coin.



Ils furent réveillés le lendemain matin par des roulements de charrettes, et des bruits de pas qui venaient d’en haut — la cité castrale s’éveillait, et les gens allaient vivoter dans la basse cour. C’est peut-être sur les coups de dix heures, soit bien tard après le lever, que quelqu’un se rappela qu’ils existaient : le sergent de la dernière fois était de retour, pour offrir un petit déjeuner (Pain et eau, le menu n’avait pas été modifié), qu’ils purent engloutir en dix minutes, avant que Bernard le Chauve n’arrive avec un petit papier à la main. Il s’arrêta en plein milieu de l’allée, dégagea bruyamment sa gorge, et le lit à voix haute.

« Oyez, oyez.
Sur ordre de sa seigneurie Manassès Desroches, comte de Desroches, sire de Villers-Ducey, et maréchal d’Aquitanie, les personnes appréhendées par son ban sont citées à comparaître pour répondre des méfaits suivants :
Trouble à l’ordre public, outrage à un sergent dépositaire du ban.
Ces méfaits relèvent du droit de basse-justice du seigneur, qui peut vous instruire et vous porter sentence de plein droit en tant que délits à la loi du royaume.

Vous allez donc venir avec moi. »


Il claqua des doigts, et alors deux sergents armés de bâtons s’approchèrent d’une cellule, puis d’une autre ; ils avaient l’air plus tranquilles qu’hier, et moins nombreux surtout. Mais il n’était pas certain qu’une tentative d’évasion maintenant soit une bonne solution. Bizarrement, aussi, on ne les lia pas entre eux avec des cordes ou des menottes, et ils demeurèrent sans entraves, simplement pressés par les hommes d’armes.

Et ainsi, les pèlerins purent remonter, traverser la cour devant le grand arbre que Régil observait hier, jusqu’à ce qu’ils se dirigent vers le grand palais Desroches, une bonne bâtisse moderne et fort jolie, même si ni Régil ni Arnaud n’avaient les connaissances en architecture pour en reconnaître le style.

Ils passèrent dans une grande salle d’apparat, couverte partout de broderies, de râteliers d’armures, de drapeaux armoriés accrochés aux murs. Quelques serviteurs étaient en train de récurer le sol à la brosse et à l’eau, et firent semblant de ne pas être curieux du petit groupe de crasseux qui laissaient de la saleté derrière eux.

Les pèlerins furent invités à suivre un couloir crénelé de jolies fenêtres en verre décorées de fleurs. certaines étaient ouvertes malgré le petit vent frais, et à leur droite, ils entendaient de l’eau ruisseler — il y avait là un grand jardin intérieur, avec une orangeraie, des oiseaux qui pépiaient, et des jeunes gens assis sur des bancs en grès.
Arnaud attarda son regard : il reconnut cinq aristocrates, tous bien habillés, hommes et femmes mélangés, les femmes ne portant aucun voile pour camoufler leurs cheveux — une faute grave à la pudeur. Il y avait parmi eux la jeune fille d’hier, celle au regard sévère, vêtue d’une grande robe blanche et qui se tenait auprès du comte Desroches ; Arnaud ne savait pas pourquoi, mais elle était assise un peu à l’écart, les mains sur ses genoux.
Elle avait l’air… Triste ?

Là, dans le palais, ils croisèrent des gardes, portant la livrée de la maison Desroches, cet étrange squelette assis sur un caillou. L’un se tenait devant une grande porte, qu’il ouvrit. Et alors les pèlerins purent entrer dans la cour seigneuriale.

Ça ressemblait à une très grande étable, mais propre. Les murs ici n’étaient pas chargés, mais tout blancs, exceptés pour des petites fleurs et des figures géométriques dessinées le long d’un liseré. Il y avait tout au bout de « l’étable » une estrade, avec dessus une grande chaise, sur laquelle Manassès Desroches était assis, et à sa droite une chaise plus petite, où était assis Rorgues de Vouvant, l’air impavide.
Juste devant l’estrade, en contrebas, une table, avec deux scribes attablés en face de papiers et d’encriers — ils reconnaissaient Lucie Deschesnêts et sa chevelure rousse semi-cachée, et à côté d’elle un gros monsieur bien habillé, qui devait être le clerc du seigneur.

Tout à gauche, il y avait une clôture, avec un banc où des gens étaient assis. Immédiatement, tout le monde put voir Émile Beau-Sourire, qui s’était fait tout beau : il avait troqué sa grosse brigandine pour un vêtement simple de bourgeois, et il avait peigné ses cheveux et sa moustache — il paraissait pour un gendre idéal, rien à voir avec sa dégaine habituelle de pèlerin bien dangereux. Mais il n’y avait pas de quoi se réjouir : il fronçait fort des sourcils, et semblait essayer de tuer ses subalternes avec ses yeux.
À sa droite, une jeune femme en robe jaune, toute recouverte excepté le visage : c’était une prêtresse de Shallya, elle en avait la tenue et la broche sur sa poitrine était un petit bijou représentant une colombe.
Encore à gauche d’elle, il y avait Bagnier, le propriétaire des bains : il semblait mal à l’aise. Il avait une jeune fille (Voilée aussi) à côté de lui, et enfin, tout au bout du banc, il y avait un bourgeois que Régil crut reconnaître ; c’était peut-être un des citadins qui avaient participé à leur arrestation à tous.

Bernard le Chauve invita les pèlerins à entrer un par un dans un box (Il n’y avait pas d’autre mot) à droite, soit à la gauche du seigneur et du chevalier du Graal. On referma le box, et alors Bernard le Chauve traversa la salle, et alla se mettre en face avec Émile, la prêtresse, et les autres.

Sur ce, le scribe grassouillet plaça des petites lunettes sur ses yeux, et se leva, en lisant lui aussi à voix haute ses papiers — quel étrange usage pour des paysans qui ne savaient pas lire, de voir l’importance que les gens puissants accordaient à des choses couchées sur du papier !

« Nous sommes le jour d’entame 21 du mois du Tournant de l'An 1551, afin de recevoir les dépositions d’un certain nombre de personnes citées à comparaître pour trouble à l’ordre public et outrage, sous le régime de la basse justice de sa seigneurie Manassès Desroches. Cette comparution a lieu en présence de sa seigneurie, de sa grâcieuse seigneurie Rorgues de Vouvant, de l’honorable sœur Deschesnêts prêtresse de Véréna, de moi-même maître Raoul Froqué, avoué, et de divers témoins s’étant manifestés pour participer à l’instruction du dossier. »

Il posa le papier, dépassa la petite table, et se présenta dans le grand vide devant le box où se tenaient les pèlerins. Les mains jointes, très sérieusement, il commença une petite lecture.

« Messieurs, vous êtes cités à comparaître, car vous avez été saisis par le sergent Bernard le Chauve en flagrance — cela veut dire que la loi est intervenue directement après que les faits ont été constatés, et vous êtes donc temporairement séquestrés le temps de votre instruction. Cela ne veut pas dire que vous êtes punis, ni que votre punition sera décidée aujourd’hui — cela veut dire que aujourd’hui, nous sommes ici, pour savoir si le sire Manassès doit vous poursuivre pour un crime, ou s’il doit procéder à une sentence sur vos déclarations, ou si au contraire l’affaire est rejetée — on appelle ceci un non-lieu. »

Tout ce qu’il disait était fort compliqué. Régil n’était vraiment pas sûr d’être en mesure de tout comprendre, même si monsieur Froqué avait l’air très gentil et très patient.
On avait l’impression de rejouer la scène du jugement d’Arnaud. Sauf que Rorgues de Vouvant, c’était plus simple, plus franc, c’était une justice villageoise. Mais là, le preux chevalier du Graal était assis sur ses fesses, le menton relevé, à faire subir son regard aux pauvres pèlerins tremblants épaules contre épaules.

« Vous n’êtes pas forcé de répondre à mes questions, car il n’y a pas encore de mesure inquisitoire à votre encontre. Vous avez le droit d’être représenté par un avoué qui vous défendra et vous conseillera, si vous en connaissez un. »

Sur ce, Arnaud put voir Lucie jeter un petit regard, qui était dirigé vers Bruno. Il n’était pas sûr de savoir comment l’interpréter — peut-être pouvaient-ils jeter la patate douce à cette pauvre prêtresse de Véréna ? C’était après tout le plan de Bruno, hier.

« Avant toute chose, je dois m’assurer que vous êtes en mesure de répondre de vos actes.
Pour cela, je vais vous demander de jurer sur votre honneur de dire la vérité, avant de me parler, puis j’ai besoin que vous vous présentiez tous, en répondant à trois questions :
Vous devez me donner votre identité, c’est-à-dire : Comment vous appelez-vous, et d’où venez-vous ?
Ensuite, vous devez me donner votre statut, j’entends : êtes-vous des hommes-libres ou des serfs ? Des nobles ou des roturiers ? Des hommes ou des femmes ? »


Le petit Luc ne put s’empêcher de ricaner, mais il se tut bien vite quand Bigleux lui jeta un mauvais regard.
Il y avait souvent des femmes qui se faisaient passer pour des hommes en Bretonnie, dans les contes au moins. C’est que la question ne devait pas être anodine.

La réponse des pèlerins était simple, pour ne pas mentir : Ils étaient pèlerins. Il fallait l’assumer, à voix haute. C’était ce qu’ils étaient, aujourd’hui.

« Enfin, vous devez me signifier toute incapacité qui vous empêcherait d’être jugés — cela veut dire, trouvez-vous quoi que ce soit à dire, qui interdirait à toute personne rendant justice de vous considérer comme justiciables… »

Le clerc devait comprendre qu’il n’était pas clair du tout. Alors, il grogna quelque chose, tripota ses doigts, et réexpliqua :

« Un seigneur n’a pas le droit de punir toute personne qui a une irresponsabilité pénale : par exemple, si vous êtes aliénés par une maladie de la tête et que vous n’avez plus de discernement, si vous possédez une immunité de notre roy Louen, si vous prétendez être victime d’une erreur de droit, ou encore si vous déclarez que vous êtes actuellement ici sous la contrainte ou la menace de quelqu’un.
Enfin
, se rattrapa-t-il soudain en pleine hésitation, à part la contrainte du sergent Bernard, qui est légale, mais je veux dire, la contrainte de quelqu’un d’autre
Vous… Vous comprenez, oui ? »

Le pauvre avoué essayait de parler aux pèlerins comme s’ils étaient demeurés. Il avait l’air gentil, oui, mais parfaitement condescendant. Et maintenant, il regardait le groupe, comme les gens en face les regardaient, comme le seigneur et le chevalier du Graal, et comme la rousse.

Personne n’osait parler en premier. Mais enfin, ils allaient bien être tous obligés d’y passer…
À moins qu'ils ne décident tous d'invoquer leur droit de garder le silence. Dans ce cas, ça allait être une matinée trèèès longue.

Jet de perception d’Arnaud : 8, réussite
Jet de connaissances de Régil (-4) : 15, échec.
Jet de perception d’Arnaud (-2) : 3, réussite

Re: [Régil et Arnaud] La route rend libre

Posté : 27 juin 2022, 18:20
par Arnaud d’Aquitanie
Arnaud avait réfléchi tout le long de sa traversée pour atteindre la cour de tribunal organisé au sein de la cours du seigneur Desroches. En soit, les raisons qui les frappaient était anecdotiques au plus, avec les bons témoins et les bonnes interventions, il était totalement possible de retourner le discours de Bernard le chauve contre lui. Le fait de reconnaître plusieurs témoins parmi la cour lui donnait un peu d'espoir, car même si ces derniers avaient été réquisitionnés par cette stupide loi de conscription, ils pourraient sûrement attester que cette conscription était principalement motivée par la menace du sergent.

Le jeune pèlerin croisa du regard une femme qu'il avait déjà vu quelque part. Une proche du comte sans doute, même s'il n'arrivait pas à mettre le doigt dessus. Même s'il ignorait les raisons de sa tristesse. Il y avait un regard parmi tous qu'il espérait ne pas avoir à soutenir : celui d'Alix. Cette peur le motiva ironiquement à la chercher dans la foule, il trouva surtout le regard furieux d'Emile Beau Sourire. Ça lui faisait une belle jambe tiens. Déjà qu'il avait tendance à le traiter comme un moins-que-rien. Maintenant, il avait une bonne raison de lui en faire plus baver. Avec un peu de recul, Arnaud se rendit compte que sa relation avec lui serait sûrement inchangée.

Arnaud fit face aux déclarations du scribe qui enchaînait plusieurs tournures de phrases compliquées, heureusement, ce dernier avait la présence d'esprit de s'adapter à son niveau intellectuel. Cela dépassait le concept d'un jugement de rue, beaucoup de formel, de procédure, d'étiquette et de tournures de phrases complexes. En soi, même si l'attitude du scribe pouvait apparaître complètement condescendante, Arnaud fut toutefois satisfait de pouvoir prendre à peu près conscience de la situation et des charges qui pesaient cette fois sur lui et sur ses compagnons. Il fallait donc leur résumé qui ils étaient et d'où ils venaient... Mieux valait éviter d'aborder l'histoire du jugement de rue qui les avait conduits à devenir Pèlerin, cela pourrait jouer en leur défaveur d'avouer un passé criminel à la cour.


- "Je m'appelle Arnaud... Arnaud d'Aquitanie. Je suis pèlerin du Graal, comme tous mes compagnons à mes côtés. Je suis roturier, et je suis un homme. "

Arnaud tourna le regard un instant pour chercher celui de son frère. La prêtresse de Véréna et le chevalier du Graal étaient tous les deux présent eux aussi à cette session. Ce qui était à la fois une bonne et une mauvaise chose. Peut-être pouvaient-ils les aider à se sortir de ce mauvais pas ? Il pouvait aussi sentir leur déception sur lui comme un poids titanesque l'écrasant. Si fort que leur simple regard aurait pu faire craquer le sol sous ses pieds sous le poids de leurs seuls sentiments. Arnaud évita de croiser leurs regards le plus possible. Mais la prêtresse pouvait les aider, après tout, c'était la seule à connaître la loi, Bruno l'avait souligné. Mais... Et si elle refusait, ou que les nobles la rejetait pour son statut de femme ? Il chuchota à son frère.


- "Euh... T'penses que la prêtresse pourrait nous défendre ? J'sais qu'on f'sait ça pour elle à la base... Mais j'sais pas si elle acceptera...

Re: [Régil et Arnaud] La route rend libre

Posté : 28 juin 2022, 01:53
par Régil d’Aquitanie
Alors que dans l’autre cellule son frère et les deux pèlerins faisaient de leur mieux pour se divertir, lui et Bruno restèrent bien silencieux. Ils n’avaient pas grand-chose à se dire, et dans tous les cas le balafré avait de sérieux problèmes pour communiquer. Ça ne le dérangeait pas plus que cela. Le pèlerin n’était pas d’humeur, ayant besoin de temps pour lui pour se préparer mentalement à ce qui allait suivre le lendemain. Régil se doutait qu’il devrait être jugé devant Émile, ainsi que le chevalier du Graal. Encore que le regard du premier était à peu près supportable, mais celui du dernier serait un véritable supplice.

Comme ses compagnons d’en face, il se mit à genoux dans un coin de la cellule et se mit à prier à voix basse la Dame. Les prières, martelées dans son esprit par son père plus jeune, lui venaient naturellement. Il fit ce qu’il put, en y mettant toute sa foi et sa volonté, demandant – suppliant - que sa déesse lui accorde pardon et protection. Ils en auraient bien besoin devant le comte, mais elle seule pouvait déterminer s’il était digne de ses faveurs. Une chose était sûre, quoiqu’il arrive après tout cela, sa foi en la Dame ne faillerait pas, qu’il soit condamné à rester en cellule ou même à s'échiner aux travaux forcés.
Régil eut beaucoup de mal à dormir, incapable de penser à autre chose que ce qui l’attendait. Son sommeil se sera fait assez épars, se réveillant à de nombreuses reprises, toujours en soupirant et en se massant les yeux. Il fixait le plafond et laissait son esprit dérivé, en attendant patiemment que Morr le guide jusqu’au monde des songes pour se réveiller inévitablement une heure ou deux plus tard.

Le Régil qui sortit le lendemain des geôles était fatigué et particulièrement irrité. Il n’était pas au meilleur de sa forme, mais il se sentait tout de même prêt. Il suivit le sergent en silence, non sans lui lancer quelques regards assassins, même si ça devait l’amuser plus qu’autre chose. Il était en bonne position et il le savait. Après tout, ce n’était pas lui qui allait à un tribunal pour se faire juger, escorté par des gardes. Ses mains et ses pieds n’étaient pas attachés, ainsi il aurait très bien pu se déchainer, mais son petit doigt lui disait que ça n’aurait pas très bien terminé.
Plus que jamais, il devait bien se tenir, montrer qu’ils n’étaient pas les trouble-fêtes en haillons qu’ils étaient censés être. Il y avait eu une injustice, et il ferait son possible pour le prouver. Le souci c’est qu’ils avaient très peu de moyens pour appuyer leurs dires, et leur rang jouait contre eux. La journée allait être éprouvante.

Comme hier, le groupe eut le droit d’observer l’architecture locale, même si du côté du jeune homme cela ne présenta pas beaucoup d’intérêt. Il fit bien attention de fixer son regard sur ce qui lui faisait face, sans le laisser trainer du côté des nobles devant lesquels ils passaient, de peur de croiser le regard d’une femme. Une femme sans voile était une grave faute à la pudeur, et un grand danger pour n’importe quel roturier qui souhaitait garder sa tête sur ses épaules.

Au moment d’entrer dans la cour seigneuriale, le pèlerin aspira une bonne bouffée d’air avant de légèrement bomber le torse. Il ne voulait pas avoir l’allure d’un condamné qu’on amenait à l’abattoir. Comme il s’y attendait, son chef était présent, la prêtresse aussi, ainsi que le chevalier du graal. Il eut du mal à garder sa contenance en croisant son regard de fer. De tous les regards de l’assemblée, il était le plus décontenançant. Il était lourd. On aurait dit qu’il avait une présence physique, qu’il pesait sur ses épaules et l’empêchait de respirer. Régil déglutit et suivit son groupe jusqu’au box qu’on avait aménagé pour eux.

Régil écouta avec attention les paroles du scribe, fronçant de plus en plus les sourcils tandis qu'il avançait dans sa lecture, essayant de comprendre le charabia qu'on lui sortait. Il jeta un rapide coup d’œil à ses compagnons, pour s’assurer qu’il n’était pas le seul dans le flou.

Il prit la parole à la suite de son frère, s’efforçant d’atténuer son accent de paysan. « Je jure sur mon honneur que je dirai la vérité. Je suis Régil d’Aquitanie. Je suis aussi pèlerin. Et euh … un homme. » Il se sentait complètement stupide de devoir le préciser. Mais bon, sur l’instant, il était prêt à se plier à n’importe quoi.
Alors que son frère lui parlait, il pencha légèrement la tête dans sa direction, répondant à voix basse. « J’pense que oui. Bruno avait dit qu’elle pourrait nous sortir de là .» Il s’adressa ensuite à Bigleux. « On va d'mander l’aide d’la prêtresse, d’accord ? Si ça ne mène à rien, moi et Arnaud on va aller de l’avant. Est-ce que ça t’va ? » Il avait besoin que tout le monde soit sur la même longueur d’onde. Ce n'était pas le moment pour qu’ils se permettent d'avoir des plans différents.

« Bah... Ben sûr qu'ça m'va. Enfin, faut que tu lui d'mandes, et qu'elle soit d'accord... »

Il hocha la tête et prit son courage à deux mains pour s’adresser au scribe. Le loucheur avait raison, il fallait encore qu’elle accepte. « Euh, oui, maître Froqué. » Il n'était pas sûr de l'étiquette d'un tribunal. C'était comme cela qu'il devait l'appeler ? Ou alors devait-il l'appeler monsieur le scribe ? Les gens de la justice portaient des noms bien étranges. « On aimerait avoir un avoué. » Il jeta un coup d’œil à la rousse. « Ce serait soeur Deschesnêts. » C'était une femme, certes, et dans d'autres circonstances il aurait préféré qu'une femme ne lui vienne pas en aide, mais il n'avait pas vraiment le luxe de faire le difficile. Ce n'était pas comme si elle n'était pas compétente, et Rorgues la tenait en haute estime. Il prit tout de même la peine d'ajouter ; « Si la prêtresse l'veut bien. » Il adressa une dernière prière mentale à la Dame.