[Régil et Arnaud] La route rend libre

La Bretonnie, c'est aussi les villes de Parravon et Gisoreux, les cités portuaires de Bordeleaux et Brionne, Quenelles et ses nombreuses chapelles à la gloire de la Dame du Lac, mais aussi le Défilé de la Hache, le lieu de passage principal à travers les montagnes qui sépare l'Empire de la Bretonnie, les forêts de Chalons et d'Arden et, pour finir, les duchés de L'Anguille, la Lyonnesse, l'Artenois, la Bastogne, l'Aquilanie et la Gasconnie.

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Régil d’Aquitanie
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Re: [Régil et Arnaud] La route rend libre

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Régil se mit à la tâche sans se plaindre: il avait pleinement conscience qu'il méritait cette punition. Et puis, ce n’était pas comme s’il y avait vraiment matière à se plaindre. Il n’était pas seul, ainsi le travail ne prit pas trop longtemps. Ils eurent même le droit à un panier de nourriture de la part de la recluse. Comme les autres, il tenta d’abord de refuser, mais céda rapidement face aux incitations d’Alix. Le fait que son ventre grondait ne l’aida pas non-plus à lui tenir tête. Après tout, on ne leur avait donné qu’un pauvre quignon de pain dans les geôles.

« Merci ma sœur. Vot’ geste est ben apprécié. Vous avez vraiment l’cœur sur la main. »

Le jeune homme apprécia son casse-croûte en silence, savourant chaque bouchée. Ce n’était pas un repas de roi, mais c’était amplement suffisant pour un ancien serf tel que lui. Il n’était pas en position de faire le difficile, surtout pour quelque chose de gratuit.

Une fois qu’ils eurent tous mangés, ils se mirent à planifier leurs prochaines actions. Après un instant d’hésitation, Régil se porta volontaire pour se mêler aux paysans du coin. Il ne s’étonna pas plus que cela lorsque le plus jeune du groupe se montra interloqué par son choix. Lui-même aurait été un peu perplexe si on lui avait dit qu’un ancien esclave voulait retourner s’échiner gratuitement dans les champs.

« Ben, ça m’enchante pas vraiment Luc, mais j’suis l'un des plus baraqués du groupe. Faut ben qu’il y en ait un qui s’y colle. J’préfère que ça soit moi. Pis, j’ai fait ça toute ma vie, alors je m'y connais un peu. »

Non, ça ne l’enchantait clairement pas. Si cela n’avait pas été pour Rorgues de Vouvent ou pour la sainte Dame, il aurait lâchement remis la tâche à l'un de ses compagnons. Bruno s’occupait d’acheter les vivres, alors autant que ça soit lui.

Une fois leur petite réunion finie, Régil se détacha du groupe et partit en solitaire hors du village castral. Il aurait bien voulu que son frère l’accompagne, ne serait-ce que pour avoir une présence familière à ses côtés, mais il était peut-être mieux de le savoir quelque part où ses talents pourraient être plus utiles au groupe.

Sur la route des fermes, l'esprit du pèlerin se mit à divaguer vers son village natal. Il eut une pensée pour son père, et une autre pensée ensuite, cette fois plus terrible; aurait-il le temps de le revoir avant que Morr ne l'emporte ? Lorsqu’il l’avait quitté, il était déjà très vieux et il ne savait pas vraiment combien de temps son pèlerinage durerait. Avait-il eu ne serait-ce que l’intention de revenir chez lui un jour, lorsqu’il avait quitté le pas de sa porte pour rejoindre la cohorte de pèlerins ? Régil n’y avait pas réfléchi. Tellement de choses s’étaient accaparées de son esprit entre temps. Il espérait seulement que son oncle et ses cousins étaient présents pour l’aider dans ses tâches quotidiennes. Il adressa une prière à la Dame afin qu’elle veille sur lui en son absence, et poursuivit son chemin, l’air bien morose.

Le jeune homme atteint finalement l’orée d’une ferme. Il franchit le muret et s’approcha d’un petit groupe de serfs qui s’attelait à la tâche. Après une brève négociation avec le plus vieux du lot, il put les rejoindre et se mettre au boulot contre un repas. Ce ne serait probablement pas grand-chose, mais au moins il aurait eu l'occasion de manger trois fois en une journée, ce qui était assez rare pour le souligner.
Le travail de la terre n’épargna pas le pèlerin. Ses mains calleuses et ses nombreuses cicatrices en témoignaient, ce n’était pas la première fois qu’il se faisait souffrir dans les champs. À de nombreuses reprises, il s'arrêta pour masser son dos endolori, le front couvert de sueur, avant de reprendre en lâchant un petit grognement. Que cela fasse quelques jours ou plusieurs années qu'un paysan travaillait la terre, il se retrouvait le plus souvent à avoir de la difficulté à suivre. Hélas pour eux, la nature se montrait très peu domptable.

Lors d'une pause, alors qu’il s’était fait assez silencieux jusque là, il se permit d’approcher l’aîné de la famille, celui avec qui il avait parlé en arrivant, pour faire un peu la conversation. Il fallait bien qu’il commence quelque part s’il voulait obtenir les informations tant convoitées par la suivante de Véréna. Il n'était pas garanti que cela donne quoi que ce soit, ce qui serait franchement dommage après s'être cassé dos.

« C’est qu’vous travaillez une belle terre m’sieur. Vous avez fait du bon travail. C’est que j’connais bien ça, aussi. J’étais serf avant, y’a même pas une semaine, avant que la Dame m’amène sur les routes pour répandre sa bonne parole. » Il haussa les épaules. « Si vous avez l’temps, vous pourriez venir à not’ sermon, ce soir, au coucher du soleil. » Il jeta un coup d’œil au champ, l’air pensif. « Mais je comprendrai si vous veniez pas. C’t’une saison difficile ... En tout cas, merci d'm'avoir permis de travailler avec vous. »

Il prit un air innocent et enchaîna, parlant d'un ton détaché.

« Alors ... c’est comment d'vivre sur les terres du comte Desroches ? C’est quand même calme ? Z'avez pas trop d'troubles ? J’sais que mon cousin à moi, y’avait souvent des brigands qui venaient foutre l'bordel dans son village et les environs, alors même qui vivaient à côté d'quelques seigneurs. Même qu'y voyait passer des hommes d’arme parfois pour arrêter l'brigandage. »

Il espérait donner l'impression au paysan qu'il souhaitait simplement se lancer sur une discussion sans intérêt, histoire de passer le temps avant de retourner au travail.

« Mais ... J'srais étonné que vous soyez embêté sous le nez du comte, hé ? »

Régil n'était pas de nature très subtile, mais au moins il ne croyait pas avoir dit quoique ce soit de compromettant. Il en venait à se demander s'ils étaient vraiment les mieux placés pour faire de la récolte d'informations. Si Lucie avait confiance en eux, ce n'était peut-être pas pour rien. Ses doutes devaient être infondés ... Depuis son passage aux geôles, son estime de soi en avait prit un coup.
Régil d'Aquitanie, Voie du Pèlerin Bretonnien
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Arnaud d’Aquitanie
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Re: [Régil et Arnaud] La route rend libre

Message par Arnaud d’Aquitanie »

Bruno gardait rancune d'avoir fini dans les geôles pour ses bêtises, ce qu'il comprenait tout à fait. Mais même si le pèlerin émérite lui fit remarquer ce qu'impliquaient ses paroles. Arnaud n'a releva rien. Ils étaient tous puni après tout, et travailler pour soutenir Alix dans ses tâches n'était clairement pas une punition à son goût. Arnaud travailla sans rechigner, et leurs efforts conjoints permirent au pèlerin de finir avec une rapidité exemplaire. Si Rapide qu'ils purent profiter d'un bon repas en la compagnie d'Alix. Le repas était simple, mais l'attention de la recluse du Graal transformait ce simple casse-croûte en festin.

Il ignorait si elle avait préparé ces plats, ou si elles les avaient tout simplement acheté au marché. Mais la simple idée de la savoir derrière cette attention rendait chaque bouchée exquise. Entendre son rire et sa voix de cristal résonner dans sa tête alors qu'il dégustait chaque denrée les rendait presque divines. Il ne put s'empêcher d'avoir un sourire pensif en observant la chapelle, sachant qu'elle se trouvait à l'intérieur, sublimant la sainteté de cette chapelle déjà bénie par la Dame.

Peu à peu, les pèlerins s'organisèrent, échangèrent des idées, des plans, des besoins à remplir. Si Arnaud voulait aider Lucie à enquêter, il valait mieux faire en sorte de connaître l'entourage du comte. Voir même sa famille. C'étaient probablement les rares personnes à en savoir plus sur le comte au-delà du formel. Les pèlerins se dispersèrent un peu partout en ville ou dans les champs. Seul Arnaud restait maintenant aux portes de la chapelle du Graal. Le pèlerin approcha des portes, et posa une main solennelle sur la porte de la chapelle, il remercia encore une fois la Dame, mais aussi Verena et Shallya de lui avoir donné une nouvelle chance de faire son devoir. De pouvoir redresser les torts qui pèsent sur lui, sur son frère ou sur quiconque pourrait être assailli par le mal. Il prit une grande inspiration pour se donner du courage et poussa les portes de la Chapelle. Alix était là bien sûr, sa sainte silhouette magnifique faisant rayonner les murs de cet abri pour les pieuses personnes.

Arnaud ne devait pas oublier sa mission, mais c'est avec un sourire sincère qu'il approcha de la recluse du Graal.


- "Hé Alix... C'est que j'voulais te dire merci pour hier. T'nous écoutes sans relâche... Nous aide a donner et à être le meilleur de nous même... Je..."Arnaud Balbutia, gêné, de savoir comment aborder le sujet. "J'ai réfléchi à ce qu'tu m'as raconté hier... La grange, le feu... L'chevalier... Tu avais dit qu'avais des frères et sœurs et que l'comte il t'as adopté... C'était pas trop dur ? J'veux dire... Les frères et sœurs, ils aiment pas forcément voir débarquer comme ça un nouveau dans la famille. Les rivalités, l'jalousie. Ils peuvent s'montrer méchant et tout..."

Arnaud se tut un instant, cherchant ses mots.

"J'perdu un frère avant de pouvoir construire tout ça... Mais tu pourrais me raconter ? Comment c'était ? Qui ils sont ? Comment t'as vécu ? T'as dit que tu ferais ce qu'il faut pour aider les servants du Graal. Mais j'veux aussi pouvoir t'aider, t'écouter, te soutenir... Te réconforter aussi si besoin... Comme tu l'as fait pour moi. L'preux chevalier, j'pense pas qu'il attende qu'on l'aide ou qu'on lui demande pour donner son aide. J'suis pas chevalier... Mais je marche sur les mêmes idéaux qu'lui... Alors, pt-être que ça compte ?
Arnaud D'Aquitaine, Voie du Pèlerinage Bretonnien
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"…Tu offriras, à ton preux Seigneur le champart qu'il requiert,
Toujours, tu travailleras, hors les jours saints
Tu ne gardera pour toi et les tiens qu'un dixième des fruits de ton labeur
Et réjouis-toi, car un Chevalier de Bretonnie te protégera…"

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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Régil et Arnaud] La route rend libre

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

L’aîné des paysans semblait tout autant souffrir que Régil. Sa chemise moite de sueur, le front perlant d’eau, il semblait souvent souffler, et avait du mal à totalement se baisser pour arracher les vignes. Alors qu’il retirait quelques épines dans sa peau, il coupa le paysan en train de lui parler pour simplement corriger un mot :

« Méééh… M’appelle pas m’sieur, ga’yard. »

« Monsieur ». « Mon sieur ». « Monseigneur ». Le terme était connoté. Si de plus en plus de personnes l’utilisaient pour tout individu plus âgé ou qu’ils respectaient, les nobles n’aimaient pas qu’on s’adresse à un roturier avec le même prédicat réservé aux gentilshommes. Et même si aucun noble ne tendait l’oreille pour ouïr leur conversation, ce serf préférait peut-être ne pas prendre l’habitude…

« Ma foi. C’t’une bonne vie ici. ‘fin. Assez bonne, quoué. Pas trop d’danger, pas d’brigands d’pis aussi loin qu’j’bosse ici.
C’qu’est chiant c’est qu’ces vignes nous appart’en pô. L’comte nous force à bosser ici, alors qu’on d’vrait s’occuper d’nos potagers pour nos fèves — mais hé, la vigne ça s’vend ben. Y va être riche not’ bon comte, avec tout ça ! »


L’aîné grogna, racla sa gorge pour préparer un gros molard, et cracha sur le sol que lui, sa famille et ses voisins s’embêtaient à entretenir.
Heureusement qu’aucun bailli ne le regardait faire.

« C’pire en d’autres coins d’l’A-qui-tannis. Paraît qu’près du Gilleau y a une sale peste, les gens tombent malades. Pis côté Ternant y a des vôyâgeurs qu’y disent qu’les seigneurs du coin beh même qui font des trucs pô nets, z’ont un pêt-au-casque, d’trucs pô ben ho-no-râbles.
– Pis y a les Arabéens ! »


Un gamin avait dit ça en se mêlant soudain de la conversation de Régil et de l’aîné. Un garçon qui entrait dans l’âge adulte, tout imberbe, joues creuses, menton retroussé. L’aîné souffla en l’houspillant de la main.

« Méééh ! Lui raconte pas d’bobards, toâ !
– C’est vrai ! J’le jure par trois fois, sur la tête à ma biquette !
Paraît, sûr comme qu’le jour c’pô la nuit, qu’le long d’la côte y a des Arabéens qui attaquent des villages pis des marchands ! »


Des Arabéens ? Tout ce que Régil savait des Arabéens, c’est qu’ils vivaient loin et que y a genre on-ne-sait combien d’années, les chevaliers Bretonniens avaient traversé des mers pour aller leur coller une grosse raclée à domicile. À ses yeux, les Arabéens étaient des gens bizarres qui avaient des couleurs marrons ou noires, des tapis volants, et des grands temples en or où on boit du café et on sent l’odeur de la myrrhe — riches, mais décadents.
Bah des Arabéens en Aquitanie, en voilà qui serait une bonne. Le gamin devait délirer complet. C’est que c’était loin, l’Arabie.

« T’passe trop d’temps à la taverne au châtô, toâ !
– Si, si !
Insista le gamin, en se rapprocha des deux hommes. Plusieurs gens m’l’ont dit ! Des voyageurs d’passage, y racontent qu’y z’ont vu des gens en turbans, avec des voiles, sur d’grands ch’vaux géants ! Pis y attaquent au hasard, y kidnappent des femmes pis y tuent des gens ! Pis qu’y criaient qu’y s’battaient pour un Dieu qui s’r’ait l’seul Dieu qu’existe, genre comme s’l’y avait môngé tous les aut’ !
– Rah ! Connerie sur connerie ! Tais-toi donc avant qu’j’t’en colle une ! »




La recluse du Graal était en train de se recueillir devant le gisant du chevalier à l’origine de la chapelle. Elle semblait prier intensément, les mains jointes, alors qu’elle faisait fasse à la dalle de pierre. De nombreuses inscriptions étaient gravées dans la roche — quel dommage qu’Arnaud était analphabète…

Elle releva le museau une fois que, ayant terminé sa méditation, Arnaud lui parla. C’était un peu osé, de discuter avec une nonne de choses aussi privées que la famille ; pourtant, Alix se contenta de lui faire un sourire poli, et se hasarda à répondre à ses questions :

« Je te remercie de ta sollicitude. Mais ne t’inquiète pas — mes demi-frères et sœurs ont toujours été très gentils avec moi. Que nous n’ayons pas la même mère ne les a jamais empêchés de m’accueillir.
En fait, je pense que le fait que je sois une bâtarde a même été un avantage, à leurs yeux. N’étant pas une femme noble, ils n’avaient pas de raisons de me craindre ou de ressentir de la jalousie envers moi. Je n’allais pas avoir un meilleur mariage que mes sœurs. Si je n’étais pas devenue recluse, j’aurais pu choisir l’homme que j’épouse, et il y avait peu de chances pour qu’il soit un aristocrate. »


Elle éloigna un peu son regard, en disant ça, et un énigmatique sourire apparut fugacement sur son visage.

« J’ai trois sœurs, et deux frères. La plus grande est déjà mariée et loin d’ici — elle est dans le duché de Bordeleaux avec son époux. Mon grand frère est dans la gendarmerie royale : il garde la frontière de Gasconnie face aux Orques, il fait la fierté de mon père. Les trois qui restent au château sont plus jeunes que moi, mais eux aussi partiront un jour, parce que Lucain servira à la cour ducale, et mes petites sœurs trouveront un mari.
Un jour, il n’y aura plus que moi qui serai près de mon père. Quelque part, devenir la recluse qui m’occupe de la tombe de son ancêtre me permet de rester proche de lui. Manassès est un homme… Sévère, et dur, mais je sais qu’il a beaucoup d’amour dans son cœur, même s’il le cache.
Je suppose que beaucoup d’hommes sont comme ça. »
Jet de connaissances générales de Régil : 4, réussite. Des Arabéens en Aquitanie ? N’importe quoi. Et pourtant le gars a vraiment l’air sûr de lui-même…

Jet de charisme d’Arnaud : 9, réussite de justesse.
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Régil d’Aquitanie
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Re: [Régil et Arnaud] La route rend libre

Message par Régil d’Aquitanie »

Régil écouta attentivement tout ce que lui dit le paysan, sans toutefois oublier de prendre des pincettes avec les nouvelles qu’il lui donnait. Il ne doutait pas de l’honnêteté du vieillard, mais le plus souvent, les informations auxquelles avec accès les roturiers relevaient plus des ragots de taverne qu’autre chose. Il en savait quelque chose, vu le temps qu’il y avait passé dans son village, et tous les bobards que ses ainés lui avaient fait gober lorsqu'il était plus jeune. Il avait tout de même mentionné des voyageurs, cependant …

Le plus invraisemblable fut la nouvelle du plus jeune. Il ne put s’empêcher de sourire en entendant son histoire. Des arabéens ? Des âneries, sans aucun doute. Comment pouvait-il venir jusqu’en Bretonnie ? Et en Aquitanie en plus de cela ? Le pèlerin n’en croyait pas un mot. Il ne connaissait pas leur position exacte – ce n'est pas comme s'il avait déjà vu une carte – mais il les savait loin. Très loin. Ils habitaient dans une mer de sable, sous un soleil de plomb, dans des cités de décadence. En tout cas, c’est ce qu’on lui avait dit.

« Meh. Tu d’vrais écouter ton vieux. Faut pas qu’tu commences à crier ce genre de bêtises sur tous les toits, hé. Et même si c’était vrai, et qui s’ramenaient sur leur tapis volant, not’ bon roy Louen les renverrait aussitôt dans leur bac à sable, comme au bon vieux temps. » Il renifla bruyamment et lâcha un rire gras à cette pensée. Même s'il ne prêtait pas beaucoup de crédit à cette affaire, il était tout de même en mission, ainsi il fit un effort pour poser une question, sans grande conviction, toutefois. « Mais bon. On va dire que j'te crois, gamin. Tes gars au dieu unique, là, qui veut tout bouffer, y z'attaquent seulement les côtes d'not' duché ? » Un dieu unique, hein ? Ça lui semblait invraisemblable que l'on puisse vénérer une seule divinité, et non pas un panthéon. Son panthéon. Qui s'occupait de les guider au jardin de Morr ? Qui s'occupait de la fertilité de leur récolte ? Des blessés, et des souffrants ? Il n'y comprenait décidément rien.

Excepté cette idée saugrenue de pilleurs en turbans venus du sud, un détail l’avait interloqué dans le discours de l’aîné.

« Z’avez dit que l’bon comte y vous obligeait à couper l’vignes au lieu d’vous laisser vous occuper d’vos fèves. C’est nouveau ça ? J’veux dire, c’est déjà arrivé avant, ou c’est propre à cette année ? »

Régil n’y connaissait rien en logistique militaire, mais il était de connaissance commune qu’une guerre pouvait coûter la peau des fesses. Il serait logique que le comte mette ses serfs au travail dans les plantations les plus fructueuses en prévision d’une guerre.

« Il n’aurait quand même pas aussi augmenté les taxes, l'champart, si ? »

Il fallait bien nourrir les troupes, alors c’était une idée. Si Desroches organisaient une offensive sur son rival du nord, alors les paysans avaient forcément leur rôle à jouer dans cette opération. Il fallait seulement en trouver des traces.
Modifié en dernier par Régil d’Aquitanie le 25 juil. 2022, 05:55, modifié 1 fois.
Régil d'Aquitanie, Voie du Pèlerin Bretonnien
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Arnaud d’Aquitanie
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Re: [Régil et Arnaud] La route rend libre

Message par Arnaud d’Aquitanie »

Arnaud est un paysan. Un Paysan niais. Les douces paroles de la recluse du Graal lui donnèrent du baume au cœur. Elles allumèrent même quelques étincelles d'espoirs quand à ses chances potentielles. Arnaud certes un paysan stupide, terre-à-terre et benêt, mais son instinct le rattrapait souvent avant de commettre de graves erreurs. La bouche entrouverte, ses lèvres se refermèrent telles les portes imprenables d'une forteresse, laissant les mots : "Je vous aime." s'écraser contre les remparts de sa bouche comme de l'eau contre la roche.

Elle n'avait d'yeux que pour ce chevalier qui l'avait tiré des flammes ce soir-là. Si la recluse ne lui avait pas confié cette histoire la veille. Il serait bêtement tombé la tête la première dans ce tort. Il endossa un sourire sincère, aussi sincère qu'il était persuadé qu'il n'avait aucune chance contre ce chevalier du Graal qui illuminait son cœur comme un phare éclaire la plus sombre des nuits, aussi sincère qu'au fond de lui, son amour désirait le bonheur de la recluse, même si elle devait se passé de lui. Qui était-il après tout ? Un simple cul-terreux sorti de nulle part se vantant d'avoir passer sa première nuit dans les geôles de la ville pour des valeurs que tantôt, il croyait, tantôt désapprouvait tellement ses applications et ses retours de bâton étaient injuste.

Arnaud se remémora sa mission et continua sur Desroches et son conseil.


- "J'sais pas s'il a été sévère comme mon tonton Bernard... Parfois, J'me demande pourquoi nos vieux ils sont si sévères avec nous... J'pense que c'est parce qu'ils veulent not'bien. Qu'on dvienne meilleur qu'eux." Arnaud se retint de faire un commentaire pour dire qu'au final Tonton Bernard n'avait bien que de quatre mains de plus pour travailler à la ferme, mais ce n'était ni le moment, ni ce qu'il fallait dire pour en apprendre plus. Je suis passé devant ton père à cause de ma prise de tête avec le sergent corrompu. Il m'avait l'air dur, mais pas méchant. Faut être rigoureux pour diriger j'suppose. C'est pas un travail qui s'improvise... J'étais passé devant pas mal de nobles, mais y en a une d'elle qui m'a interloquée... Elle m'paraissait triste, elle avec une grande robe blanche avec des roses et des cheveux roux orné avec une tiare de roses aussi. En fait je l'ai remarqué parce qu'elle ne portait pas de voile comme la plupart des autres femmes. Elle était aussi avec des enfants qui jouaient avec une balle et des sortes de manches, ils avaient l'air de s'amuser ! Maintenant qu'j'y pense, c'étaient peut-être des amis à toi. Y a plein de choses que je veux découvrir dans c'te monde, La dame m'a permis de me donner une chance de les découvrir. Tu penses que tu pourras m'apprendre ?

Arnaud eut un sourire en imitant le jeu des enfants en faisant des grands gestes de mains, peut-être qu'il était déjà tombé sur la fratrie d'Alix sans le savoir. Peut-être même pouvait-il espérer s'introduire auprès d'eux pour en savoir plus, mais c'était là un plan particulièrement osé. Et que penseraient Lucie et Emile s'ils le trouvaient ainsi à fricoter avec les enfants de Desroches ? Surtout après ce fameux procès d'autant plus. Peut-être Arnaud devait-il consulter la prêtresse d'abord, après tout, il avait aussi une faveur à lui demander.
Arnaud D'Aquitaine, Voie du Pèlerinage Bretonnien
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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Régil et Arnaud] La route rend libre

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Le gamin sembla tout chafouin que Régil ne le croit pas sur parole ; il posa une main sur son cœur, alors qu’il insistait sur la véridicité (Est-ce que ce mot existait?) de ses ouï-dires.

« Pour sûr frère ! Y’z’attaquent des gens qui voyagent sur l’long d’la côte !
– En bateau, donc ?
Demanda le vieux en agitant la tête, comme s’il n’en revenait pas d’ainsi donner libre cours à l’imagination du plus jeune.
- Hé, non ! À ch’val, pas en bateau !
– Beh y sont pô v’nus d’Arabie à la nage !
– Je… Beh. Ah, j’en sais rien ! J’dis juste c’que j’ai entendu, hein, moé ! Les gens z’avaient pas l’air d’mentir, y z’étaient couverts d’bleus pis avec des sales regards d’gens crevés, pis sans leurs charrettes en plus ! »


L’aîné refusait d’y croire. Mais si le petit disait vrai, il devait forcément y avoir une trace quelque part. Peut-être que c’était utile à raconter à Lucie. Après tous, les gens comme elle aimaient bien la paperasse.

« Rah, ferme-la, vindiou. »

En tout cas, l’intuition de Régil était bizarrement bonne — il aurait été aisé pour un paysan de juste voir dans le travail des serfs une énième corvée comme les gueux devaient toujours faire pour leurs seigneurs. Mais demander la confirmation de si c’était habituel, ça, ça ne mangeait pas de pain.
Et en effet, l’aîné se mit à avoir un petit instant de réflexion, alors que son fils s’éloignait et retourner bosser.

« Nouveau… Ouép, on peut l’dire qu’c’est nouveau.
D’habitude en c’mois-ci, l’comte nous laisse pénards — on s’occupe d’nos pôtagers, et les corvées qu’on lui doit y les réserves pour d’aut’ travaux. Pour sa vigne, y paye des journaliers, d’voyageurs qui restent quelques s’maines et qu’y vendent leurs bras.
Mais c’t’année, j’sais pô quel diable l’a pris, p’têt juste l’a-va-rice, mais v’là que beh qu’y a que’ques jours, son bailli s’ramène avec des sergents ! Pis qu’y disent, violents, qu’on va bosser comme que la cou-tu-me d’mande ! Nan nan, c’pas normal, c’pas normal ! J’l’imaginais pas pince comme ça, not’ comte !
On fait ben not’ boulot, donc, mais on cherche à s’grouiller, pa’ce qu’là y a doub’ peine, t’sais, on s’crève l’dos et on s’ouvre les mains à sa vigne et après faut quand même qu’on prépare les pois et les fèves pour bouffer l’an. »


La corvée était une taxe exigible en nature par les seigneurs sur leurs serfs ; au lieu de demander du numéraire ou une part de la récolte, il exigeait des jours de travail à ses dépendants, pour s’occuper d’entretenir un champ, une route, un fossé, ou d’autres choses de ce genre. Les durées de corvées variaient de seigneurie en seigneurie ; dans le village où Régil avait grandi, la vie était plutôt facile, le seigneur plutôt absent, et ils ne devaient qu’un jour de travail par semaine — souvent mobilisé à l’automne pour curer des fossés et dégager de la voirie.

Il n’était pas rare que les seigneurs abusent de leurs droits et reviennent sur les usages. Généralement, les paysans devaient juste se taire et ne pas se plaindre. Mais parfois, ils pouvaient avoir recours à l’aide de prêtresses de Shallya pour les défendre. Il était rarement dans l’intérêt d’un seigneur de trop abuser de ses serfs.
Que le comte Manassès Desroches décide soudainement, sans prévenir, de mobiliser tous ses paysans pour travailler sur la vigne, à une période si décisive de l’année, c’était carrément suspect. Oui, peut-être que Manassès avait des raisons de vouloir épargner de l’argent sur les gages de journaliers. Ou d’accélérer la mise en valeur de sa vigne. Les soldats ne mangent pas de raisins, mais le vin, ça se vend.

« ‘fin, évidemment, toussa, ça reste ent’ nous. J’veux pô soucis avec l’bailli moé. Il est ben cap’ d’être un sale con s’il veut. »

À ses divagations sur « Tonton Bernard », Alix se contenta de répondre par un sourire très poli, et un court hochement de tête. Puis elle continua d’observer le gisant du grand chevalier qui devait avoir vécu il y a très longtemps de ça.
Elle ne semblait pas trop l’écouter. Pourtant, quand il se mit à décrire la jeune femme qu’il avait croisée dans le château, elle se mit à froncer des sourcils, rapidement. Puis, alors qu’il se mettait à imiter le jeu bizarre qu’il avait vu, elle força son sourire qui ne paraissait plus aussi naturel.

« Ah oui, le jeu de paume. C’est un jeu populaire chez les aristocrates. »

Elle eut l’air songeuse, un instant.

« La jeune femme que tu as vu, c’est Aliénor Desroches, ma demi-sœur. Elle est en effet avec d’autres enfants de seigneurs du coin, qui vivent sous le toit de sire Manassès.
Je crains de ne pas pouvoir t’apprendre comment on joue à la paume. C’est un jeu de garçons. »


Elle avait prononcé cette dernière phrase assez solennellement, comme si elle parlait de tas d’autres choses qui étaient naturellement prohibées aux femmes — comme porter des armes, par exemple.
Jet d’intelligence de Régil (Bonus : +2) : 9, réussite

Jet de charisme d’Arnaud : Caché
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Arnaud d’Aquitanie
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Re: [Régil et Arnaud] La route rend libre

Message par Arnaud d’Aquitanie »

Arnaud avait visiblement touché une corde sensible. Hélas, le pèlerin était bien incapable de savoir s'il commençait à trop s'engouffrer dans la vie privée de la recluse ou s'il avait réveillé en elle les souvenirs d'une relation plutôt houleuse. Alix faisait des efforts en tout cas pour ne pas le montrer. Au fond de lui, Arnaud se sentit mal de réveiller en elle ces sentiments, même s'il ignorait leur nature exacte. Etait-elle en colère contre lui ? Ou contre sa demi-soeur ? Le pire scénario selon Arnaud aurait été que la sœur en question soit une Demoiselle du Graal. Il les craignait, comme l'orage et la foudre vengeresse fendant les arbres dans sa chute brutale.

- "Ton père accueille des enfants d'autres seigneurs sous son toit ? Cela doit faire beaucoup d'enfants à gérer... Il doit surement faire comme l'ancien d'mon village. Il avait souvent pour coutume de rassembler les jeunes, leurs raconter des histoires sur l'Aquitanie, sur la Dame, comment bien s'tenir, honorer nos seigneurs. Ça doit être un gros honneur d'avoir un comte pour nous apprendre tout plein de choses."

Arnaud laissa planer un silence et jeta un regard rapide vers le gisant du chevalier. En évitant de croiser son regard, il parla sur un ton désolé, continuant de fixer le gisant.

- "Désolé... J'voulais pas t’embarrasser avec tout ça..." Nouveau regard vers Alix. "Hé Alix... Ce Chevalier qui t'as sauvé des flammes ce soir là... T'as jamais eu envie de... Partir ? De prendre la route pour le retrouver... Lui dire merci, c'que tu ressens quoi. J'trouve ça triste de me dire que tu pourrais rester ici pour toujours et que pt-être que t'auras plus jamais la chance de pouvoir le revoir, lui dire ce qu'tas sur le coeur... J'pense que j'aurai essayé, même si ça reviendrai à me perdre sur toute les routes de Bretonnie pour l'retrouver.
Arnaud D'Aquitaine, Voie du Pèlerinage Bretonnien
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"…Tu offriras, à ton preux Seigneur le champart qu'il requiert,
Toujours, tu travailleras, hors les jours saints
Tu ne gardera pour toi et les tiens qu'un dixième des fruits de ton labeur
Et réjouis-toi, car un Chevalier de Bretonnie te protégera…"

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Régil d’Aquitanie
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Re: [Régil et Arnaud] La route rend libre

Message par Régil d’Aquitanie »

Même si l’histoire du plus jeune ne faisait pas vraiment de sens aux yeux du pèlerin, toute information était bonne à prendre. Ce serait à la prêtresse de Véréna d’en faire le tri; c’était elle l’experte après tout. Et puis, elle était aussi la plus éduquée des deux. Il espérait seulement qu’elle ne le regarderait pas avec les mêmes yeux que lors du tribunal, au moment où il lui rapporterait ces nouvelles sur les arabéens. Mais il en doutait. Il rapportait tout de même les paroles d’un enfant qui cherchait désespérément de l’attention …

Le vieux paysan put par la suite confirmer ses soupçons - ou plutôt en partie. Quelque chose se tramait. Déplacer tous ses serfs durant une telle saison pour les faire travailler sur une autre terre que leur propre plantation, c’était osé. C’était à cette période qu’ils en profitaient pour refaire leur réserve pour le prochain hiver. C’était aussi de risquer de se retrouver avec une main-d’œuvre fatiguée et épuisée, et donc moins productive. Le comte Manassès n'était certainement pas stupide. Il devait avoir ses raisons, et de ces raisons il avait une petite idée. Il devrait tout de même en parler aux autres pour voir ce qu'ils en pensaient.

Il tenait quelque chose, et c’est ce qui l’étonnait le plus. Lui, mener une enquête, et trouver une piste ? C’était une chose que son malin de frère aurait pu faire, mais certainement pas lui. Il ne put s’empêcher de sourire bêtement, devant l’aîné, avant de se reprendre rapidement.

« Ça reste ent’ nous. Y’a aucun intérêt à ce que je vous pourrisse la vie. Vous avez pas b’soin plus de problèmes.»

Il observa un peu le champ devant eux, laissant planer un silence quelques instants, avant de reprendre.

« S’cusez, z'avez parlé d'Ternant. C’est où ça ? » Il se caressa la barbe, l’air de réfléchir. Il ne savait même pas si on parlait d'un village ou d'une ville. C'est pour dire à quel point il n'y connaissait en vérité rien sur son duché, et la Bretonnie en général. Son interlocuteur avait probablement plus voyagé que lui, au vu de son âge. Pas bien loin, bien sûr, il restait un serf après tout.

Cette histoire d’épidémie dans le coin du fleuve Gilleau avait aussi le don de l’inquiéter. Un évènement aussi funeste dans un lieu aussi sacré, il y avait de quoi froncer les sourcils.

« Si vous pourriez m’en dire plus, j’srai bien intéressé. Vous avez piqué ma curiosité avec ces seigneurs qui manquent d’honneur. Ben … si z'avez des trucs en plus à me dire, bien sûr. »

Qu’il lui ait partagé ces informations ou non, le jeune homme aura proposé qu’ils retournent au travail, avec une petite tape dans le dos qui se voulait encourageante. Le paysan attendait avec impatience son repas. Tout ce labeur lui avait bien travaillé l’estomac, et son corps aurait besoin d’un coup de pouce pour régénérer tous ces muscles endoloris qui le pinçaient de partout. Il faudrait cependant attendre encore un peu, puisqu'ils leur restaient beaucoup à faire. D'ici là, il pourrait réfléchir à d'autres questions et les poser autour d'un bon repas.
Régil d'Aquitanie, Voie du Pèlerin Bretonnien
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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Régil et Arnaud] La route rend libre

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Alix sourit, à nouveau. Mais les mots qui sortirent de sa bouche, presque tout de suite après le long laïus d’Arnaud, étaient teintés d’une froideur glaciale.

« Vous êtes de bon conseil. Je me demande comment j’ai fait toutes ces années avant de vous rencontrer. »

Elle était repassée au vouvoiement. Et elle avait dit ça avec un énorme sarcasme qui sonnait pourtant monotone.
Quoi qu’Arnaud ait dit, c’était la pire chose possible à dire, dans cette situation, à ce moment là, de la façon dont il l’avait formulée.

« Aviez-vous besoin d’autre chose, frère ? Je dois m’occuper de la chapelle. »

L’aîné rougit un peu quand on lui demanda où se trouvait la Ternant. Un rougissement de honte.

« Heu… Beh… En fait…
J’sais pô trop. »


Les serfs n’ont pas le droit de quitter leurs terres. Simplement partir dans le village d’à côté pour épouser une femme se fait après d’âpres négociations — et le versement d’un formariage punitif. Le trajet jusqu’à la foire, nécessaire à la réussite économique de tout village, était réservé à quelques heureux élus, dont Régil avait pu faire partie. Enfin, il restait bien le pèlerinage religieux pour quitter légalement sa terre — ça, les seigneurs n’avaient pas le droit de tous les refuser, et partir se faire soigner à une source sacrée de Shallya était un motif légitime pour quitter les siens et tenter d’échapper à son destin… Au risque de finir hors-la-loi.
Le résultat de tout ça, c’est que nombre de paysans n’avaient aucune connaissance de leur pays au-delà d’une semaine de marche. Et dire que certaines personnes vivaient sur la route ! Que leur toit, c’était le ciel au-dessus de leurs têtes ! Des gens comme le saltimbanque qu’Arnaud avait sauvagement poignardé.

Fort heureusement, les paysans étaient des grosses pipelettes. Parce qu’après le fils qui s’était mêlé d’une conversation qui ne le regardait pas du tout, c’était au tour d’une femme de le faire — une dame âgée, une petite quarantenaire toute solide et musclée, qui railla avec une voix de poissonnière :

« Ternant céti à l’ouest d’ici, frère ! En p’ein milieu du duché, ben pu d’une s’maine d’marche, au moins !
C’est terres d’seigneurs libres, l’duc fait plus-ou-moins sa loi, d’c’qu’on en sait. »


Sa formulation était bizarre. Y avait-il des terres en Aquitanie où le duc ne faisait pas sa loi ? Ça agaça l’aîné, en tout cas :

« Parle pô d’chose qu’tu connais pô, Martine.
– Beh si j’connais, j’discute moé en sortant d’la messe à Shallya !
Vois-tu, frérot, en not’ bon duché, l’duc est ben fort — mais il est lô d’pis tellement pô longtemps, que’ques années même pô. Il est l’ptit frangin d’l’ex-duc, qu’s’est fait tuer dans une guerre privée. »


Régil en avait vaguement entendu parler. Il y a trois ans, l’ancien duc d’Aquitanie avait en effet été tué au combat, pas contre des orques, ou des hommes-bêtes, ou des choses terribles venues de la mer (Comme des Arabéens) ; il avait été tué par des chevaliers censés être ses vassaux, une faction féodale qui avait levé une bannière au nord. Quel désastre et quelle honte pour leur pays… Mais Régil venait du sud de la province. Son seigneur à lui, il ne lui semblait pas qu’il avait été coupable de telle honte.

« Et du coup beh, dans not’ duché, l’duc fait pô confiance à ses seigneurs — y en a que’ques qui sont ben puissants, mais y se haïssent entre eux. Y a que que’ques familles qui sont costaud, et des coin où y en a pô. »

Des familles comme les comtes Desroches. Ou les comtes Fluvia, qui, d’après Lucie, étaient leurs grands ennemis.
En fait, maintenant que Régil y réfléchissait, les seigneurs, c’était un peu comme un gâteau de mariage, un croquembouche ; le roi Louen, c’était le chou tout en haut, et en bas il y avait ses ducs ; mais les ducs eux-mêmes se reposaient sur des grands seigneurs, et plus on tombait en bas, plus il y avait de petits choux. Nul doute qu’en Aquitanie, y devait y en avoir beaucoup, vu comment il y avait des guerres tout le temps.
À penser à des gâteaux de mariages, Régil se mit à avoir très faim.

« Et puis qu’tu sais tout, pour-qué qui manquent d’honneur les ch’valiers d’Ternant ? demanda le fils qui levait son museau de la vigne. Y veulent tuer un aut’ duc ? Mais céti un chevalier du Graal l’nouveau duc !
– Oh ça ; à la taverne on entend les rumeurs des gôrs à not’ comte Manassès — les écuyers pis les ch’valiers errants qu’y viennent bouffer. Y z’aiment pas Ternant, passque j’crois qu’Ternant aime ben l’duc, just’ment. Alors oué, ‘bligé, quand un ch’valier aime pô un aut’ ch’valier y dit qu’l’aut’ a pas d’honneur pis y z’inventent des histoires ; Bidule a cogné la dame à Machin, Machin a volé la poularde à Bidule — ‘fin y s’battent pas pour des poulardes mais voyez l’genre. C’qu’est vrai c’qu’est faux, on sait pô trop.
– Et pis ça nous r’garde pô, conclut l’aîné d’un air plus pessimiste. Un ch’valier céti un ch’valier, pour c’que ça change à nos vies. »

Le garçon et la fille ne surent pas quoi répondre. Alors qu’ils étaient tout guillerets à l’idée de parler de complots de nobles, ils se turent tous les deux et prirent un regard défait.
C’était vrai. Les fortunes et les échecs des nobles ne changeraient rien à leurs existences.



On était en fin d’après-midi. Le soleil était encore levé, mais il périclitait vers le crépuscule. Un cavalier avec des chiens de chasse approcha ; tous les paysans retirèrent leurs couvres-chefs et baissèrent les yeux — c’était le bailli. Un bourgeois très bien habillé, avec un chapeau à plume sur la tête et une cape sur le dos, seules ses immenses bottes crottées qui montaient jusqu’à ses genoux trahissait la bassesse de sa mission : il était une petite brute chargé de s’assurer que les paysans bossent. Il fit rapidement le tour du muret en pierre qui délimitait le vignoble, puis, il héla les paysans ;

« Vous avez fait un travail satisfaisant, manants !
Soyez de retour ici quand la cloche du château sonnera sept heures, demain ! »

Et le cavalier reparti avec sa meute de lévriers. C’est seulement une fois qu’il était tout petit à l’horizon que les paysans remirent leurs chapeaux sur la tête, crachèrent presque tous un mollard par terre, puis commencèrent à se diriger en groupe au loin, d’un pas lent — ils étaient tous las et détruits.

L’aîné tapa dans l’épaule de Régil.

« ‘vint donc, ga’yard. J’peux pô t’payer, comme j’ai dis, mais t’as ben mérité pitance — pis gîte aussi, s’tu veux. »


Ils marchèrent tous une bonne vingtaine de minutes, pour retrouver des champs bien différents de ceux appartenant au comte Manassès ; ici, il n’y avait aucune clôture, ni enclos, ni bocage. Les champs étaient bien ouverts, parce que les serfs partageaient tout. C’étaient des champs plus en pagaille, plus délabrés, mal labourés — la faute à un manque de temps et de matériel. C’était une mauvaise terre, les nobles s’étant évidemment réservés celles les plus productives. Un sol fait pour faire pousser du sarrasin, et surtout, des potagers pour les légumes et les fèves.
Il y avait plein de petites chaumières regroupées ensemble. De simples demeures en torchis, bâties dans une sorte de cercle. Quelques animaux traînaient là : des poules, et des ânes qui broutaient dans un champ en jachère un peu plus loin. Il y avait surtout beaucoup de vieillards et beaucoup d’enfants, qui avaient dû passer toute la journée tous seuls ; une masse de petits chiards de toutes les tailles se mirent à sortir des maisons pour se ruer vers leurs parents, et Régil vit des papas soulever leurs gosses pour les placer sur leurs épaules, alors que ça se répandait en chahut et en conversation de toutes sortes.

Évidemment, le gros monsieur barbu finit par attirer l’attention. Quelques-uns des gosses avaient peur, alors que d’autres étaient curieux. Une petite fille tira sur son pantalon en demandant d’un ton un peu autoritaire :

« Hé, mais t’es qui tôa ?! Hein ?! »

La petite colère d’une fille de quatre ans fit mourir de rire les adultes qui voyaient ça. Elle était beaucoup trop mignonne pour paraître dangereuse.

Dix minutes plus tard, et on avait insisté pour que Régil s’installe auprès d’un feu en plein air avec les vieux — il avait le luxe de s’asseoir sur un tapis, et non directement sur la poussière. On lui mit une chope dans la main, et on lui servit un petit cidre tiède, mais encore gazeux, ce qui était sympathique. Malheureusement, il finit assez vite tout seul ; à peine rentrés chez eux, les femmes devaient préparer le repas, tandis que les hommes devaient préparer leurs outils pour demain. Quand bien même ils étaient exténués, le travail ne s’arrêtait pas.
Pourtant, on interdit formellement à Régil d’aider — il en avait bien assez fait, et il était un invité. L’hospitalité est sacrée en Bretonnie, même quand on est paysan.

Donc, voilà que Régil se retrouvait entouré de vieux et de gosses. Rapidement, une douzaine de petits enfants s’assirent en tailleur devant lui, en le harcelant de questions.

« Mais t’es qui ?
– Pourqué t’es si grand ?
– Tu v’ens d’où ?
– Faut t’raser, t’es pô beau.
– T’as l’air trop costaud ! T’crois qu’tu peux m’porter ?
– Tu crois qu’tu peux porter deux d’nous, un sur chaque bras ?! »
Arnaud : Échec automatique.

Régil :
Connaissances générales : 17, échec
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Arnaud d’Aquitanie
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Re: [Régil et Arnaud] La route rend libre

Message par Arnaud d’Aquitanie »

Le pèlerin réalisa bien que trop tard l'absurdité de sa déclaration. Les paroles d'Alix l'assassinèrent sur place, le visage d'Arnaud devint pâle, comme s'il avait vu le chevalier de Sinople lui même l'avait menacé de son épée. Il resta bouche bée quelques instants, ne sachant quoi dire pour rattraper sa flagrante erreur.

Détourner l'attention ? Changer de sujet ? Il passa rapidement en revue les idées potentielles, mais à l'heure actuelle, la meilleure solution était encore d'accepter son erreur et de ne pas chercher à s'enfoncer plus.


- "Je... Euh... Désolé. C'tait stupide de ma part... J'aurai pas du te dire ça sachant tout ça.Le pèlerin baissa la tête vers le sol un instant.Oui, tu as raison, j'vais te laisser, désolé et... Merci de m'avoir écouté.

Arnaud se redressa et quitta la chapelle. Une fois la porte refermée derrière lui, il se laissa tomber contre le mur de la chapelle, poussant un long soupir. Il avait inconsciemment retenu sa respiration tout du long jusqu'à la sortie et s'était finalement soustrait à cette présence terrifiante qui l'écrasait. Ou peut-être avait-il fuit ? Il avait fui sûrement, mais qu'aurait-il pu dire d'autres pour se rattraper ? Il l'ignorait, mais ce qui était dit était dit. Le regard du pèlerin se perdit sur le sol.

- "Fais chier. Ta grande gueule là..."

Murmura le pèlerin, se redressant pour récupérer ses affaires. Il n'avait pas toutefois fait entièrement chou blanc. Il avait rencontré certains des Enfants de Desroches, le comte accueille des enfants d'autres nobles pour faire leur éducation et il avait une idée de l'entourage du Comte dans sa famille. L'image d'Aliénor Desroches lui revint en tête tandis qu'il marchait en ville, barda sur le dos. Il y avait une fascination étrange qui le poussait en savoir plus, quelque chose qui lui laissait sous-entendre qu'elle n'était pas une noble ordinaire. Il en était convaincu, mais impossible de l'approcher comme ça. Peut-être pourrait-il en savoir plus en croisant ses sources avec son frère et Lucie Deschenets.

En-tout-cas, Arnaud eut envie de prendre l'air, d'échapper à la sainteté de la Chapelle du Graal. Peut-être par superstition, par peur de prendre un nouveau retour de bâton ou tout simplement pour échapper à la colère de la recluse du Graal. Laisser les choses se tasser, c'était ce qui lui semblait être la meilleure idée. Passer dans une taverne pour prendre un verre lui ferait du bien, il pourra sûrement se renseigner un peu sur la situation en ville, les prochains évènements ducaux, et le passage potentiels de mercenaires.
Arnaud D'Aquitaine, Voie du Pèlerinage Bretonnien
Profil: For 9 | End 9 | Hab 9 | Cha 9 | Int 8 | Ini 10 | Att 10 | Par 9 | Tir 8 | Mag 0 | NA 1 | PV 65/65
Lien Fiche personnage: wiki-v2/doku.php?id=wiki:fiche_arnaud_d_aquitaine

"…Tu offriras, à ton preux Seigneur le champart qu'il requiert,
Toujours, tu travailleras, hors les jours saints
Tu ne gardera pour toi et les tiens qu'un dixième des fruits de ton labeur
Et réjouis-toi, car un Chevalier de Bretonnie te protégera…"

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