[Régil et Arnaud] La route rend libre

La Bretonnie, c'est aussi les villes de Parravon et Gisoreux, les cités portuaires de Bordeleaux et Brionne, Quenelles et ses nombreuses chapelles à la gloire de la Dame du Lac, mais aussi le Défilé de la Hache, le lieu de passage principal à travers les montagnes qui sépare l'Empire de la Bretonnie, les forêts de Chalons et d'Arden et, pour finir, les duchés de L'Anguille, la Lyonnesse, l'Artenois, la Bastogne, l'Aquilanie et la Gasconnie.

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Régil d’Aquitanie
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Re: [Régil et Arnaud] La route rend libre

Message par Régil d’Aquitanie »

Régil se sentit mal à l’aise en le voyant rougir. Il n’y avait pas de honte à avoir pour quelque chose sur lequel on n’avait aucun contrôle. Au fond, qu’il n’ait pas été plus loin que son champ ne relevait pas de lui. Peu de serfs avaient vraiment la chance d’échapper à leur vie monotone et brutale. Il faisait partie des quelques choisis, et pour cela il remerciait la Dame chaque jour, même si les circonstances de son départ en pèlerinage étaient, elles, plus sombres.
Heureusement, la conversation ne s’arrêta pas là, et une femme bien costaude intervint rapidement pour répondre à ses questions. Apprendre que Ternant pouvait être à plus d’une semaine de marche le fit tiquer; c’était si loin … Si atteindre un lieu dans son duché pouvait prendre autant de temps, il n’imaginait pas à quel point la Bretonnie devait être vaste. C’était une réflexion qu’il s’était faite à de nombreuses reprises, lors de ses trajets jusqu’aux foires. Est-ce qu’il aurait la chance de découvrir les autres duchés lors de son pèlerinage, en compagnie de Rorgues de Vouvent ? Après tout, la justice du roy ne s’arrêtait pas seulement à l’Aquitanie. En vérité, il n’en savait rien. Son maître était au service du Duc, et celui-ci n’avait pas vraiment d’autorité sur les terres de ses paires.

Toutes ces histoires de guerre entre aristocrates lui passaient au-dessus de la tête. Le jeune pèlerin ne s’y connaissait pas en politique – quel intérêt de s’y intéresser lorsqu’on était serf – ainsi il avait du mal à comprendre quel était le but de ces conflits sanglants. Que cherchaient-ils en se retournant contre leur lige, et en commettant un déshonneur ? N’étaient-ils pas assez riches et puissants ? Ce n’était pas comme s’ils étaient des esclaves dans des champs, prenants les armes pour retrouver leur liberté. De même qu’il avait du mal à concevoir comment on pouvait détester un chevalier du Graal; un saint vivant, sage, puissant et qui avait la justice à cœur. Les seules personnes qui valaient vraiment la peine d'être servi, dans cette mer de gens méchants et corrompus, selon Régil.

Suite à l’échange du couple - en tout cas ils avaient bien l’air d’en être un - le jeune homme aura simplement hoché la tête. Il n’était pas sûr de savoir en quoi cette rumeur pouvait être liée à son enquête. Peut-être que les autres auraient des informations qui pourraient lui prouver le contraire. Malheureusement, ils n’avaient pas le luxe de discuter autant qu’ils le désiraient. Ils avaient un quota à remplir, sans quoi ils risquaient de mettre en colère les mauvaises personnes. En parlant du loup, le bailli se ramena quelques heures plus tard, ses limiers sur ses talons, et les somma de revenir le lendemain.

Régil aida les paysans à ramasser leurs outils et lorsqu’on lui demanda s’il désirait une place à leurs côtés pour cette nuit, il refusa aussitôt.

« Non, j’voudrais pas en plus profiter d’vot’ gîte. Vous m’en offrez déjà assez avec un r'pas. »

Il ne savait pas exactement où ses compagnons prévoyaient de dormir. Il pourrait toujours pioncer à la belle étoile. Après tout, il l’avait fait sur les routes pendant pas mal de temps, sans qu’il n’y ait de soucis. Même qu’il était près du château Desroches, peu de chance donc que des bandits viennent lui demander des comptes - même si pour le guet c'était une haute histoire.

Sur le trajet, le jeune homme eut l'occasion d'observer les possessions des serfs. Même si son visage resta impassible face à cette triste vue, il n'en était pas moins chagriné. Il y avait aussi cette pointe de colère, mais qu'il rangea dans un coin de son être. Ce n'était pas le moment pour se laisser guider par émotions. Son voyage dans les geôles lui avait bien prouvé qu'elles avaient peu de chances de régler quoi que ce soit. Mais quoi qu'il advienne, peu importe où il se rendait, les serfs semblaient toujours avoir la plus petite part du gâteau.
Lui et les habitants de son village avaient eu la chance d'avoir un seigneur peu présent, ce qui leur avait laissé l'occasion de s'occuper davantage de leur plantation et leur bétail. Ce n'était bien sûr pas le cas du comte Manassès. Il était présent, et bien déterminé à user de ses paysans.

Ils arrivèrent finalement aux habitations, et c'est avec un léger sourire aux lèvres qu'il observa les enfants courir dans les bras de leur père. Il ne pouvait s'empêcher de les envier, en se demandant s'il aurait un jour la chance de trouver une femme qui voudrait bien de lui. Une femme qui l'aimerait pour ce qui l'était, et avec qui il pourrait fonder une famille. Ce n'était pas dit. Il avait vu des gens qui auraient dû être ses paires le regarder avec mépris ou peur. Et puis, il n’avait pas grand-chose à offrir. Aucun douaire, aucune terre, seulement une vie sur les routes. En tout cas, jusqu'à ce qu'il retourne chez lui, mais de cela il n'était toujours pas sûr.

Il sentit soudainement une pression au niveau de sa jambe et remarqua une fillette en colère s'y agripper. Il rit en concert avec les autres adultes, avant de répondre à sa question d'une voix amusée.

« Moi j'suis Régil, p'tite ! J'ai aidé ton père aux champs. »

Il lui ébouriffa les cheveux et s'en alla avec les autres autour du feu. Il voulut bien entendu aider les paysans dans leurs tâches, mais fut vite arrêté. Comme la coutume le voulait, il resta en compagnie des plus jeunes et plus vieux en attendant que le repas soit servi. Il put toutefois se distraire en buvant un breuvage pétillant et en ayant une discussion animée avec la petite troupe d'enfants qui s'était rassemblée à ses pieds, désireux de tout connaître de lui. Ils parlaient si vite et tous en même temps que le pèlerin avait du mal à suivre. Était-il vraiment comme cela à leur âge ? Il ne s'en souvenait plus vraiment, cela faisait si longtemps maintenant. Il joua tout de même le jeu, et répondit à leurs questions.

« J'suis Régil et j'viens d'un p'tit village pas loin d'ici. Et si je suis aussi grand c'est qu'j'ai mangé tout ce que mes parents m'donnaient. Oui, même les horribles navets ... Si 'voulez aider vos vieux plus tard, va falloir ben manger, hé ! »

Il fit mine de réfléchir en se caressant la barbe. « Si j'peux vous porter ? » Il prit les deux concernés entre ses bras et les leva dans les airs, tout en essayant de ne pas grimacer de douleur; oh que ça faisait mal ! Tout ce travail ne l'avait pas épargné. Il lâcha finalement un long soupir exagéré et les déposa au sol « C'est que j'me fais pas tout jeune, moi ! J'suis sûr que vous êtes ben plus fort qu'le vieux Régil. » Il leur fit un clin d’œil.
Régil d'Aquitanie, Voie du Pèlerin Bretonnien
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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Régil avait beau être costaud, une mauvaise nuit et du travail éreintant avaient bien endommagés sa stature ; tous ses muscles semblaient plus secs, comme une porte dont on aurait pas bien graissé les gonds, et il regretta bien vite son entreprise de porter des gosses. Ses lombaires faisaient un mal de chien, et il dut se réinstaller au sol plus rapidement que de raison, alors que les gosses se mettaient à le houspiller de manières bien turbulentes ;

« T’es grand mais t’es pô cost’ô !
– Allez, allez, r’porte moé ! »

Leur entrain trop pressant sembla finir par agacer l’un des vieux. Un bon vieillard, avec un gros nez, un béret sur la tête, et un cheveu sur la langue, tapa fortement sa canne sur le sol.

« Allez, allez ! Canailles ! Cessez d’l’houspiller l’invité ! Nan mais ! Bande d’mal élevés ! Qu’est-ce zont va dire sur nous, hé ?! »

Certains gamins tentèrent bien de répondre, mais la plupart eurent la sagesse de s’asseoir par terre et d’arrêter d’embêter Régil. D’autres s’enfuirent en trottant pour aller faire un autre jeu — ou pour aller embêter leurs parents en se foutant dans leurs jambes.

Le vieillard tapota ensuite le mollet de Régil avec le bout de sa canne.

« S’cusez-les, c’est d’rester tous seuls sans rien faire toute la bonne journée ! Ça fait qu’y tiennent pu en place !
Il est bon l’cidre, mh ? »


Au moins le vieillard n’était pas dur d’oreille — voilà un gros avantage pour tenir une conversation.

Alors que Régil discutait gentiment avec le petit vieux, une dame de l’âge d’être sa mère, qui avait travaillé aux vignes s’approcha du pèlerin, en le zieutant des pieds à la tête.

« Comment qu’tu tiens, frère ! T’as pas l’air ben ! Mal au dos ?
S’tu veux, t’peux aller voir l’herboriste, l’est pô loin d’ici. »


Une herboriste ? Une rebouteuse, plutôt. Il y en avait beaucoup à la campagne. Des vieilles mégères qui vivaient à l’écart des villages, et qu’on allait chercher quand une femme enceinte allait mettre au monde. Elles inquiétaient ces rebouteuses, parce qu’elles ressemblaient à d’horribles sorcières — beaucoup de gens allaient les voir pour obtenir des potions ou de mauvais remèdes, et on avait enseigné toute sa vie à Régil que s’il avait un souci de santé, il valait mieux qu’il aille jusqu’au prochain temple de Shallya, car elle était une vraie Déesse avec un bon clergé sérieux.

Mais hé, on ne change pas les serfs.

« J’te jure, elle va t’filer un p’tit r’montant, t’iras mieux. Sans elle, ça f’rait d’pis longtemps qu’nous tous on s’rait ben à manger les pissenlits, et par la racine j’veux dire. »

Castel-Desroches accueillait une bourgade castrale qui était prospère, et on le mesurait au fait qu’elle n’avait non pas une, mais deux tavernes. Quel luxe improbable ! Arnaud avait bien de quoi être perdu : normalement, un bourg, ça avait un seul débit de boissons, contrôlé par le seigneur (Évidemment) qui y écoulait en échange d’argent le produit de ses propres récoltes, histoire d’être deux fois gagnants. Comment allait faire Arnaud à présent qu’il avait du choix ?

Errant un peu en étant guidé par ses souvenirs des quelques foires menées dans ce château, il tenta sa chance à un petit relais avec une enseigne devant — ne sachant pas lire, il ne connaissait pas le nom du commerce, mais il y avait un petit dessin de cheval au galop qui tirait une petite charrette derrière lui.

Devant la-dite taverne, il y avait un abreuvoir pour chevaux, et quelques-uns des-dits chevaux qui étaient attachés à une barrière. C’étaient de belles bêtes, de grands chevaux harnachés, excepté pour l’un qu’un garçon était en train de brosser.

Arnaud grimpa les marches de la terrasse de l’auberge, et ouvrit la porte. Il se retrouva face à un décor assez atypique : il y avait bien un comptoir, des chaises devant, et des tables au fond, exactement comme une taverne ; mais à droite, il y avait également un tas de sacs, d’outils, de contenants et de paillasses en tout genre. Quelques sacs en jute étaient jetés par terre. Au fond, il y avait un escalier, qui devait mener à des chambres.
Arnaud était entré dans une auberge-relais, le lieu où les messagers et les cochers s’arrêtent pour se restaurer et changer leurs bêtes.

Derrière le comptoir, un grand monsieur très musclé, avec une élégante moustache, remonta ses manches et offrit un grand sourire à Arnaud ; il lui parla avec une belle voix bien mélodieuse, celle d’un homme bien-né.

« Salut à toi, l’ami. Nos chambres sont complètes. Mais si tu veux boire quelque chose, acheter du matériel, ou envoyer une lettre, t’es au bon endroit. »

À sa gauche, dans la salle commune, Arnaud pouvait comprendre pourquoi les chambres étaient complètes. Trois tables étaient occupées ; une l’était par des hommes solides, avec des chapeaux et des manteaux bruns, des armes posées à côté de leurs gamelles dans lesquelles ils avaient déjeuné — c’étaient sûrement des cochers en train de se reposer.

Les deux autres étaient, elles, occupées par des gens fortement atypiques.

Il y avait un groupe de gens plutôt bien habillés, avec plusieurs couleurs, et d’élégants couvre-chefs sur leurs têtes. On aurait dit des bourgeois, mais de bons bourgeois, bien riches, pas juste des habitants d’un bourg — des marchands. Des gens qui avaient des raisons de voyager. Ils portaient beaucoup de rouge et du bleu, ce qui était bizarre, car c’étaient là des tenues réservées aux nobles, or, ils n’avaient pas du tout l’air de nobles, car ils n’avaient pas d’épées à leurs ceintures.

L’autre groupe était fait de gens aussi bien habillés, mais pas parce qu’ils étaient riches. Plutôt parce qu’ils étaient originaux. Il y avait une femme au visage poudré qui portait un corset, un homme en chemise avec les avants-bras couverts de tatouages, et puis, il y avait un enfant, avec une tête d’adulte… Un…
Un Halfelin ! La dernière fois qu’Arnaud en avait vu un, il avait dix ans, c’était durant un Solstice d’Été très joyeux.
Jet de connaissances de Régil : 8, réussite

Jet de perception d’Arnaud : 12, moué
Jet de mémoire : 3, réussite
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Régil d’Aquitanie
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Re: [Régil et Arnaud] La route rend libre

Message par Régil d’Aquitanie »

Le paysan leva la main face à l’houspillage du vieillard comme pour dire que le comportement des enfants ne le dérangeait pas. Ce fut tout de même avec libération qu’il accueillit leur départ. Il était fatigué et peu motivé à occuper la jeunesse du village.
Les gamins étant hors de ses pattes, il se permit de montrer sa douleur, grimaçant de plus bel. Il se massait doucement les lombaires, comme si cela pouvait régler quoi que ce soit.

Face à la question du vieux, Régil hocha doucement la tête, tout en prenant une gorgée.

« Ouais, il est bon vot’ cridre. » Il s'essuya la bouche avec la manche. « Vous manquez pas d’hospitalité non-plus, et c’est ben gentil d’vot’ part.»

À partir de là, le pèlerin se mit à discuter avec le vieillard. Rien qui n’avait vraiment de rapport avec son enquête, puisqu'il ne croyait pas qu'il pouvait lui en apprendre plus que l'aîné qu'il avait rencontré dans les champs. Il voulait simplement parler avec une tête amicale, de quoi se reposer l’esprit. Il avait besoin de dire des banalités, faire des remarques sur le temps, comme tout bon paysan qui se respectait, car bientôt il aurait besoin d’aborder de choses beaucoup plus sérieuses avec ses compagnons. Quelques minutes plus tard, une femme qu’il croyait avoir aperçue travailler avec eux plus tôt ce matin l’aborda, visiblement soucieuse de sa posture. Elle lui proposa d’aller voir l’herboriste du coin, idée qu’il accueillit avec une légère moue.

« Mouais ... mouais, p't'être que j’devrai y faire un tour. » dit-il en hésitant fortement.

Superstitieux qu’il était, Régil craignait de vexer la Colombe en allant voir une telle personne, et de recourir à ses traitements douteux, au lieu de s’en remettre aux membres de son clergé. Mais il avait si mal, et avec la douleur qui lui lacérait le dos, le village lui semblait bien loin. Même qu’il devrait monter cette foutue motte, et il doutait en être capable. Et puis, il n’avait pas envie devenir un poids mort pour les quelques jours suivants, alors que son groupe avait besoin de lui sur ses deux jambes.

« 'Croyez qu'vous pourriez me montrer l'chemin ? »

Il ne faisait déjà pas confiance à cette rebouteuse, ainsi il irait tout de même faire un passage au temple plus tard pour être certain. Son père avait bien été catégorique sur ces personnes; il valait mieux faire confiance aux dieux qu'à une vieille mégère dans les bois. Ironie de la chose, il comptait s'en remettre à l'une d'entre elles. Cependant, à moins de vouloir se retaper tout le trajet jusqu'au village castral et potentiellement aggraver sa condition, il ne croyait pas avoir d'autres choix que d'essayer l'un de ses remèdes, ne serait-ce que pour apaiser un peu la douleur.
Régil d'Aquitanie, Voie du Pèlerin Bretonnien
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Arnaud d’Aquitanie
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Re: [Régil et Arnaud] La route rend libre

Message par Arnaud d’Aquitanie »

Le pèlerin avait trouvé un endroit afin de faire la conversation, mais l'idée de prendre un verre pour écarter ses mauvaises pensées à propos d'Alix le motivait d'autant plus. Le pèlerin força un sourire fatigué et commanda, tentant de s'adapter au ton poli de son hôte.

- "Salut à vous, j'aimerai en faire vous commander une bière, la journée a été longue..."

Arnaud soupira en attendant sa bière, observant d'un œil curieux les différents groupes qui profitaient tous de leurs boissons et repas. Si le premier groupe n'attira pas spécialement son attention, le groupe des nobles et du Halfelin avait clairement attiré son regard, cela faisait des années qu'il n'avait pas vu un semi-homme. C'était si étrange, de voir ainsi un homme dans un corps d'enfant. Le fait de revoir un semi-homme l'obnubila, le pèlerin n'hésitant pas l'observer plus en détails, fasciné.

Lorsque sa boisson arriva, le pèlerin se permit un instant pour observer les bourgeois en rouge et en bleu, des couleurs très atypiques. Peut-être des bourgeois se faisant passer pour des nobles ? Quels intérêts pouvaient-ils avoir à le faire ? L'argent ne leur permettait déjà pas d'avoir assez de pouvoir et de contrôle sur leurs vies ? Rien qu'avec une dizaine de Couronnes d'or, Arnaud s'imaginait tellement riche... Si riche qu'il ne pourrait sans doute jamais dépenser autant d'argent.

Arnaud tourna son regard vers l'hôte qui lui avait servi son verre.


- "Vous z'en avez des chouettes clients... Ça fait bin longtemps qu'j'suis pas revenu dans l'coin. Vous accueillez une nouvelle foire à Castel-Desroches ?"
Arnaud D'Aquitaine, Voie du Pèlerinage Bretonnien
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"…Tu offriras, à ton preux Seigneur le champart qu'il requiert,
Toujours, tu travailleras, hors les jours saints
Tu ne gardera pour toi et les tiens qu'un dixième des fruits de ton labeur
Et réjouis-toi, car un Chevalier de Bretonnie te protégera…"

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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Régil et Arnaud] La route rend libre

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Le tavernier moustachu eut des yeux gros comme des soucoupes quand Arnaud décida de commander une bière.

« Heu… D’accord ? »

Il avait l’air de prendre le pèlerin pour un demeuré, ou un homme de mauvais goût. Il est vrai que la bière était une boisson quelque peu mal estimée en Bretonnie, pays du vin et du cidre ; on l’associait aux arriérés et aux étrangers. Mais enfin, Arnaud eut ses souhaits — un joli verre d’une boisson tiède, plate, et noire comme la nuit, sans même de la mousse.

« Une longue journée ? Bah dites donc mon garçon, l’après-midi est même pas entamée ! »

Tout en prenant sa serviette pour nettoyer le bar, le tavernier sembla accepter la conversation d’Arnaud.

« Encore un peu trop tôt pour la foire, non. Mais oui, mes affaires sont pleines.
Les types là, qui ont réservé toutes les chambres… Marchands. Impériaux. Ils viennent du pays de Sigmar. Me demandes pas ce qu’ils foutent ici — je parle pas leur langue et leur interprète prend très mal mes questions, même juste pour discuter. Je crois qu’ils attendent une entrevue avec le comte, je ne suis pas certain de pourquoi.
Ils sont richement habillés, mais ils avaient pas grand-chose avec eux — pas de voiture, pas de charrette, ils partageaient des chevaux qui sont dans ma grange juste derrière… Ils ont l’air crevés et agités. Alors forcément… »


Le pèlerin put échanger un regard avec les clients. Ils regardaient en effet dans le fond de leurs assiettes vides, un peu tristes pour certains, en colère pour d’autres.

« Eux par contre ils m’ont l’air sorti d’un cirque. Ce qui est bizarre, vu que bah, il y a pas de cirque dans le coin. Ils me disent qu’ils sont venus chercher un ami à eux qui est ici, et le reste de leur bande est plus loin sur la route, vers Fluvia. Curieux personnages… Mais ils ont payé d’avance, alors je les laisse crécher ici.

Et toi ? Juste un verre, besoin de rien d’autre ? »

On encouragea Régil à partir tout de suite chez la rebouteuse ; selon la femme, il y avait juste à suivre tel chemin et quitter la seigneurie, et il en avait pour à peine une heure de marché — mais ça serait plat, et donc, plus court et moins mouvementé que de devoir faire tout le chemin en sens inverse pour grimper la butte Desroches et aller faire la queue chez les Shalléennes.

Déjà, ça sentait un peu moins bon que ce qu’il espérait. Mais enfin, les paysans semblaient encourageants, et comme ils avaient été gentils avec lui tout l’après-midi, il était difficile d’imaginer quoi que ce soit de mal de leur part…


Ainsi donc, Régil commença à partir en suivant le sentier qu’on lui avait indiqué. Il ne lui fallut pas longtemps pour quitter les barrières et les clôtures des champs bien délimités du seigneur Desroches, et se retrouver à errer sur les terrains communaux. Du moins, il l’espérait — quitter la sécurité d’un village, c’était toujours risqué. On pouvait à tout moment tomber au milieu d’une forêt faisant partie de la réserve du seigneur, les bois où il chasse le gibier, et où on attrape les braconniers pour leur arracher quelques doigts. Et évidemment, ils ne prenaient pas la peine d’indiquer par des bornes qu’est-ce qui leur appartenait et ce qui appartenait aux Dieux…


Petit à petit, l’horizon de Régil se changeait. Il n’y avait plus de grandes terres en jachère, mais des arbres. Et pas de jolis pommiers bien ordonnés, ou des chênes parfaitement espacés, le genre d’arbres plantés par l’homme pour sa production et son utilité personnelle ; il voyait là des saules et des pins un peu bordéliques. Pourtant, il avait parfaitement suivi les indications des paysans, il avait continué de suivre une ligne tracée dans le sol par des passages répétés de gens foulant la terre et la retournant avec les semelles de leurs sabots. Il avait tout fait correctement, mais est-ce que si un homme d’armes du sire Desroches le trouvait comme ça, il ne risquait pas de finir à nouveau en prison ? C’était ça, la douleur d’être un paysan en Bretonnie — l’impression de faire quelque chose de mal chaque fois qu’on sortait de son rang.

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Des souvenirs de début du voyage remontaient à Régil. Au milieu de ce sous-bois, il voyait un filet d’eau, comme là où il avait rempli sa gourde pour l’offrir au chevalier du Graal — transformant sa gourde en artefact sacré ! Bizarrement, il repensait aussi à ce trou dans la terre où Rorgues de Vouvant s’était arrêté un instant, et où Beau-Sourire s’était mis à raconter des histoires de fantômes.
En l’occurrence, Régil trouvait une sorte de grosse croix en pierre, qui ne ressemblait pas tellement à un ouvrage religieux, en tout cas, pas l’un d’un Dieu qu’il connaissait. Il y avait des choses dessinées dessus, des traits, et une figure qui faisait vaguement penser à un animal avec des cornes. Taal ? Le Dieu-ermite des chasseurs, que les gens de son village priaient quelques fois pour bénir les bêtes, et demander le retour de la belle saison. Un Dieu sauvage, libre, aimé des paysans, même s’ils n’avaient que peu l’occasion de l’honorer ; c’était un Dieu pour les alleutiers, c’est-à-dire les paysans propriétaires de leur ferme, qui portaient un arc et pouvaient aller chasser eux-mêmes. Hélas, Régil était serf…

Un peu plus loin, il croisa une hutte. Une sorte de petite maison minuscule, ronde, qui devait être tout juste assez grande pour une pièce. Pas de fenêtres, un toit avec un trou pour faire passer de la fumée. Il y avait un cheval devant, qui n’était accroché à rien du tout, et pourtant, il n’essayait pas de s’enfuir. C’était un sacré beau cheval — tout blanc, racé, élancé, en fait, il ressemblait un peu au cheval de Rorgues… La bête leva le museau alors qu’elle mâchait de l’herbe verte, et observa Régil d’un air sournois.
Autour de la butte, il y avait des plantes, des buissons, de la terre retournée. Une sorte de petit potager. Et bizarrement, alors que l’endroit était très fleuri et très joli, avec des pétales de toutes les couleurs et des arbustes à fruits, il y avait soudain, un peu plus loin de la maison, une sorte de « ligne de coupure » — la terre avait été brûlée tout autour, pour former une sorte de grand cercle, une ligne grise qui formait un périmètre tout autour de la hutte et des plantations associées à la hutte. Il y avait même des restes de cendres, prouvant que quelqu’un avait volontairement fait brûler quelque chose soigneusement ici. On aurait dit une croyance de grand-mère. Ou de la sorcellerie. Les deux choses se mélangeaient.
Enfin, ça sentait très bon. Humide et frais. C’était une sensation agréable, dans les narines de Régil. Difficile à expliquer.

Et…

Et c’était tout. Il ne restait plus qu’à Régil de toquer à la porte de la hutte, s’il l’osait.
Jets de commérages d’Arnaud : 4, réussite


Jet d’orientation de Régil : 18, échec
Jet d’endurance : 12, ouïlle, t’as mal et t’es fatigué. Mais ça va, rien de dramatique.
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Arnaud d’Aquitanie
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Re: [Régil et Arnaud] La route rend libre

Message par Arnaud d’Aquitanie »

Le pèlerin acquiesça aux dires de l'aubergiste, la foire était loin, et la présence des marchands impériaux dans le coin pouvait représenter une information intéressante. Il ignorait en quoi cette information seule pourrait l'aider, mais peut-être que les autres pèlerins pourront l'aider à y voir plus clair.

Les gens en habits de nobles lui paraissait plus de faux nobles, ou des vilains qui semblaient chercher à se donner une image en portant des tenues qu'ils ont payés rubis sur l'ongle. L'autre groupe continuait de l'intriguer, surtout à cause de la présence de ce semi-homme. Il but quelques gorgées de sa bière, subissant les regards du tavernier à cause de son choix. Arnaud soupira, à la remarque à propos de la longueur de la journée. Inutile de dire qu'il avait commencé sa journée dans les geôles du comte et d'attirer encore plus de soupçons sur lui.


- "C'est compliqué... Il y a cette fille que j'aime et j'crois qu'je me suis pris comme un manche. J'voulais la réconforter et lui proposer de partir à la poursuite d'ses rêves et tout. J'ai dit un truc qui lui a franchement pas plu. Du coup, bah j'essaye d'lui laisser le temps, le temps pour s'remettre quoi. Du coup, j'suis venu chercher d'quoi penser à aut' chose, d'm'aérer quoi."

Arnaud termina sa bière, passant d'un ton morne à un autre plus enjoué.

- J'peux vous commander une tournée de cidre pour moi et les gens d'la table avec le semi-homme ? Ça fait près de 10 ans que j'en ai pas vu, j'aimerai bien faire connaissance. Ils ont l'air d'avoir de bonnes histoires à raconter.

Le pèlerin attendit les verres de cidres et la bouteille sur un plateau. Il récupéra cette dernière pour demander à s'installer à la table des originaux, les saluant d'un signe de tête, plateau entre les mains.

- Héla à vous, j'peux vous offrir la tournée ? J'avoue que vous m'intriguez et surtout vous... Arnaud appuya son regard vers le semi-homme avec un regard plein de curiosité.- La dernière fois que j'ai vu un Halfelin, c'était il y a 10 ans, j'étais un gosse qui courait encore dans les champs de mon tonton. Qu'est ce qui vous amène dans le coin ? La foire de Castel Desroches n'est pas encore pour maintenant. J'm'appelle Arnaud, j'suis de passage aussi dans le coin.
Arnaud D'Aquitaine, Voie du Pèlerinage Bretonnien
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"…Tu offriras, à ton preux Seigneur le champart qu'il requiert,
Toujours, tu travailleras, hors les jours saints
Tu ne gardera pour toi et les tiens qu'un dixième des fruits de ton labeur
Et réjouis-toi, car un Chevalier de Bretonnie te protégera…"

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Régil d’Aquitanie
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Re: [Régil et Arnaud] La route rend libre

Message par Régil d’Aquitanie »

Régil hocha la tête et remercia chaleureusement la femme. Il partit sans tarder, souhaitant en finir au plus vite et éviter des douleurs pour le restant de la journée. Il aurait espéré avoir l’un des paysans sur ses talons pour lui montrer le chemin, mais il comprenait tout de même pourquoi personne ne s’était proposé : ils avaient encore pas mal de travail devant eux. Et puis, le pèlerin était un grand garçon, il saurait trouver sa route. En tout cas, il l’espérait. Ce serait bête de se perdre en forêt maintenant.

Heureusement, il n’était pas trop de dur de manœuvre sur le sentier, et pour cela il en remerciait les dieux. Voyager sur un chemin plus difficile aurait rapidement eu raison de son dos. Ça ne l’empêcha toutefois pas de s’arrêter parfois pour se masser dos et souffler un peu. Tout seul dans les bois, il était moins gêné de montrer ces moments de faiblesse et de jurer à profusion sur ces foutus champs.

La douleur n’était pas la seule chose qui le préoccupait. Le regard du jeune homme se sera fait assez alerte, à la recherche d’un quelconque symbole, ou d’une borne. Il dut rapidement se rendre à l’évidence que la forêt n’était pas vraiment marquée, et qu’il était possible de se retrouver à n’importe quel instant au beau milieu de la réserve de chasse du comte. C’était une chose qui l’effrayait davantage que la perspective de devoir se plier en deux pour les prochaines semaines. Il pouvait y perdre beaucoup plus, telle qu’une poignée de doigts. Définitivement, les nobles trouvaient tous les moyens possibles pour les embêter. Le pèlerin repartit de plus bel sur une série de jurons, tandis qu’il continuait son chemin.

Son humeur ne s’arrangea pas plus lorsqu’il eut l’impression de s’être perdu. Aucun signe des champs, ni des terres en jachère. Tout semblait beaucoup plus sauvage avec ces sauges disposées de façon plus naturelles. Il s’arrêta un instant pour écouter son environnement, craignant d’entendre des sabots ou des voix. Il n’était pas à l’abri de tomber sur une patrouille.

« Hé merde, p’tain d’forêt d’mes deux. » Il tapa vaguement sur le vol pour se calmer un peu les nerfs, envoyant des feuilles valsées.

Pourtant il y avait ce sentier. Ce serait peu probable qu’il se soit égaré, ou alors cela voudrait dire que les paysans passaient régulièrement sur les terres privées de leur seigneur.
Non. Il ne les s’imaginait pas se mettre en danger aussi bêtement pour aller voir une vieille femme dans les bois. Il devait être sur la bonne voie.

Un peu plus tard, le jeune homme croisa un autel, ce qui le rassura dans l'idée qu'il n'était pas complètement perdu. En l’étudiant des plus près, il en vint la conclusion qu’elle était probablement destinée au dieu Taal. Régil fronça les sourcils après ce constat. Ce n’était pas vraiment un dieu qu’il arborait dans son cœur. Il ne le détestait pas – comme s’il avait vraiment l’audace de clamer qu’il méprisait un dieu – mais il n’avait jamais eu de raisons le vénérer sérieusement. Il était serf après tout. Toute cette liberté que Taal représentait avait le don de le … de le frustrer ? À quoi bon vénérer une divinité qui mettait en avant le fait de chasser librement, et de parcourir les étendus sauvages comme on l’entendait. Lorsqu’il était encore installé sur sa ferme, il avait à peine le droit de déféquer sans devoir demander la permission de son seigneur. Tout cela, ce n’était simplement pas pour lui. Il adressa tout de même une brève prière, et poursuivit son chemin. Taal avait le pouvoir de l’embêter s’il ne lui montrait pas le respect qu’il lui était dû. C’était un dieu, après tout.

Le sentier le mena finalement à sa destination, ou en tout ça en avait bien l’air. La première chose qui attira son regard fut le bel étalon; comment cette femme pouvait en posséder un aussi joli ? Il s’imaginait sans mal un noble se déplacer sur une telle monture. Peut-être même son maître. C’est qu’elle devait en avoir les moyens, ou alors elle l’avait trouvé dans la nature. L’avait-elle-même dompté ? Il avait l’air dressé. Pas mal de questions se bousculaient dans sa tête. Il en vint même à se demander s’il était au bon endroit.
Toutefois, le cercle autour de la hutte put effacer ses doutes. On aurait dit un genre de rituel. Un sortilège. Un truc de sorcière en somme. Il sentit les poils de son dos se dresser, alors qu’il s’approchait. Le jeune homme fit quelques pas vers le cercle, essayant de le tâter du bout du pied, de peur de s’attirer un mauvais sort s’il n’était pas la bienvenue. Il avait entendu de nombreuses histoires sur ces sorcières. Même qu’on disait qu’elle pouvait changer un homme en grenouille. Il espérait seulement qu’elle ne le prendrait pas pour un intrus.

Après un effort certain, Régil put surmonter ses craintes, et franchit le cercle de cendres. Tout en jetant un regard à cet étrange étalon, il alla toquer à la porte, en essayant de prendre une voix sûre, mais pas trop irrespectueuse pour ne pas irriter la propriétaire des lieux.

« Y’a quelqu’un ? On m’a dit qu’vous pouviez m’aider pour mes douleurs de … de dos.»
Régil d'Aquitanie, Voie du Pèlerin Bretonnien
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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Régil et Arnaud] La route rend libre

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Les peines de cœur d’Arnaud eurent le mérite de faire ricaner le solide tavernier moustachu. Que ce soit parce qu’il souhaitait être plaisant avec la clientèle, ou qu’il soit d’un naturel sympathique, le voilà qui hochait solennellement de la tête en y allant de son opinion :

« Ah bah les femmes de toute façon, ça se vexe pour un rien. Et tant que c’est pas ton épouse t’es obligé de ravaler ce que tu penses vraiment. Va, elle fait ça pour faire la belle, ou parce que c’est ses menstrues, n’en pense rien. »

En voilà un homme avec une opinion raisonnable des femmes — pour un Bretonnien.


Après avoir aligné les pièces pour payer une tournée, Arnaud put rejoindre la salle. Les marchands Impériaux levèrent tous leurs museaux fatigués pour observer le pèlerin, et, de façon étrange, mirent un moment à cesser de le dévisager — avec son sang chaud, il aurait été aisé pour Arnaud d’interpréter ça comme une grossière insulte. Est-ce que c’était par méfiance, ou parce qu’ils n’aimaient pas l’arrivée d’un nouveau dans la salle ? En tout cas, ils étaient cinq, quatre hommes et une femme, avec leurs chapeaux et leurs habits colorés.
Posé à côté d’une assiette, Arnaud remarqua même un petit bâton de fer, avec une crosse ; peut-être un de ces engins permettant de tuer de loin, dont il avait entendu parler ?

Si les marchands mettaient mal à l’aise, le trio avec le Halfelin avait l’air beaucoup plus sympathique. Après s’être présenté et avoir parlé du semi-homme, les gens du trio s’observèrent l’un après l’autre, comme s’ils échangeaient une conversation silencieuse.
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Le Halfelin fancy


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La femme au corset


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L’homme aux tatouages


Le plus petit de la bande, le Halfelin, portait un joli costume bouffant, et avait un teint bien hâlé, celui de quelqu’un qui passait sa vie sur les routes. La femme était une très jolie dame, aux cheveux blonds coupés courts, qui apparaissaient sous un chapeau masculin — mais elle était autrement vêtue d’une longue robe cintrée par un grand corset autour de ses hanches. Quant à l’homme, il était le seul à avoir une apparence un peu plus pouilleuse ; sa chemise était déchirée de part en part, et laissait apparaître des avants-bras bien taillés qui arboraient des tatouages dont Arnaud ne comprenait pas la signification ; des cercles, des anneaux, et un « X » bien dessiné à l’encre.

Après un petit moment de silence, le Halfelin réagit en tapotant une partie de la table autour de laquelle ils étaient installés :

« N’importe qui peut nous payer à boire, l’ami ! Prends un tabouret, et viens donc ! »

Arnaud se retourna pour aller chercher un tabouret sur la table des gens venus du pays de Sigmar. Mais l’un des Impériaux posa son sac sur le seul qui était libre, comme s’il avait parfaitement compris ce qu’allait faire le pèlerin. L’impolitesse des étrangers provoqua un lourd silence dans la salle, alors qu’Arnaud était obligé de faire le tour pour aller récupérer un autre siège pour rejoindre la table de ces étranges personnages.

Le tavernier ne mit pas longtemps à surgir de derrière son comptoir avec un plateau. Il posa un nouveau verre devant les quatre convives, et une cruche contenant un joli cidre bien frais.

« Moi mon nom c’est Arnold. Le gaillard tout fin au bouc que tu vois là, c’est Silvio. Et la jolie pépéte, tu peux l’appeler… Hmmm…
Comment tu te fais appeler aujourd’hui ?

– Fabienne, fit-elle avec un sourire ravageur qui fit apparaître une lignée de dents blanches.
– Fabienne ! »

Silvio, le type aux tatouages, se saisit de la cruche, et servit tout le monde, en commençant par Arnaud. Quand bien même il avait un air patibulaire, avec ses haillons, son visage émacié et ses cheveux gras noués en une natte, il connaissait au moins la base de la politesse.
Silvio… Son prénom sonnait Tiléen. Et il avait d’ailleurs un accent assez chantant, alors que c’est lui qui prit la suite de la conversation :

« Une foire n’est pas la seule raison d’entrer dans une bourgade, Arnaud. Et merci pour le cidre.
– Il dit ça parce que t’as une sale gueule, mon Silvio, une qu’on mate pas d’ordinaire quand on est dans une auberge ! Cria à moitié le Halfelin avec un grand sourire espiègle. Sérieux, Arnaud, il a pas une bouille à faire s’évanouir une bourgeoise ? Héhéhé !
Nous sommes des… Prestidigitateurs d’un cirque. La Troupe de la Belle Andromaque ! Nous allons à travers la Bretonnie, en offrant aux gens des bourgs des spectacles et des jeux.
Mais nous n’avons pas tout notre cirque avec nous ce moment — nous trois faisons juste un détour à Castel-Desroches pour voir une amie qui a élu résidence ici, depuis quelques années maintenant. Un petit coucou en passant, après quoi nous irons revoir notre famille ! »


Arnaud connaissait très bien ces cirques, qui allaient de lieu en lieu avec leurs grandes caravanes, en montant des planches à chaque étape pour offrir du divertissement aux gens en échange de quelques pièces.
Il les connaissait très bien, parce qu’il avait sauvagement assassiné un troubadour Gascon, qui chantait la beauté de la Fée.

« Et toi donc, mon Arnaud ? Tu n’as peut-être plus l’âge de courir dans les champs de ton tonton, mais tu m’as l’air d’être bien solide ! Est-ce que tu es venu jusqu’ici en courant, héhé ? »

Fabienne, la jolie blonde, fit tournoyer son cidre dans son verre.

« À quoi veux-tu trinquer, mon brave ? »

Après avoir toqué à la porte et s’être annoncé, le pauvre Régil resta planté devant la petite hutte. Le cheval continuait de le regarder très intensément, ayant même arrêté de mâchonner son herbe. On aurait que le cheval fronçait des sourcils, comme s’il était un concierge qui épiait avec suspicion un nouveau-venu ; ça n’avait pas de sens bien sûr, le pèlerin devait se faire des histoires tout seul, mais tout de même, ce cheval beaucoup trop blanc et beaucoup trop beau avait le don de paraître vexant.

Pas de doute, c’était un cheval de noble.

En tout cas, Régil resta planté devant la porte, cinq, dix secondes. La hutte n’étant pas grande, il imaginait mal que quiconque à l’intérieur puisse mettre du temps à venir ouvrir. Peut-être n’y avait-il personne ? Mais c’est au moment où il commença à hésiter à retoquer une seconde fois, que la simple bobinette en étain de la planche de bois qui servait de porte tourna, et que celle-ci s’entre-baillait légèrement.
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Derrière se trouvait une femme, plus petite que lui, et portant un étrange costume, fait d’une sorte de bustier en bois, et avec des crânes qui lui servaient d’épaulières. Ses cheveux mi-longs étaient décorés de baies, et elle avait un collier de petits ossements autour du cou. Ses bras, qui paraissaient sous sa tunique, étaient couverts de coupures et de petites cicatrices — tout comme son buste d’ailleurs, mais c’était assez impoli de trop louvoyer sur la poitrine d’une femme, quand bien même celle-ci ne se gênait pas pour assez bien la découvrir. Enfin, elle avait un vilain poignard à la ceinture.

La femme semblait très remontée. Elle tendit un bâton en bois au bout duquel pendouillait une lanterne ; avec, elle donna un petit coup dans l’épaule de Régil, pour l’intimer de se pousser. Elle fit un pas dehors, sembla surveiller au loin, derrière la petite croix de Taal, comme si elle s’inquiétait qu’il y ait quelqu’un d’autre. Puis, elle se tourna pour faire face au pèlerin, le regarda de la tête aux pieds, et tiqua des lèvres.

« Je te connais pas toi. Vous allez être nombreux dans votre trou à tous venir me voir un par un, oui ? »

Elle avait une jolie voix. Claire, avec une bonne diction, quand bien même ses mots n’étaient pas jolis. Elle avait une voix de seigneuresse.

Elle se retourna à nouveau, et donna un coup de bâton dans sa porte pour l’ouvrir en grand. Ainsi, Régil découvrit son chez elle ; juste une pièce unique avec de la terre en guise de sol, où on trouvait une paillasse, un plan de travail avec des tiroirs, et au centre, une marmite suspendue au-dessus d’un foyer actuellement éteint. Beaucoup de vaisselle, des fioles, un tonneau dans un coin. Oh, et surtout, un agneau — un tout petit agneau par terre, qui était en train de se lever ; il était chancelant, une de ses pattes était meurtrie. Le petit être poussa un « bêêêêêh » curieux en apercevant Régil, alors, la dame lui fit une petite caresse sur la tête.

« Mal de dos… Un grand gaillard comme toi, à ton âge, il vient pleurer parce qu’il a mal au dos. Et tu veux quoi, un massage ? C’est fou, mal au dos… »

Elle attrapa son agneau, et alla s’installer par terre sur sa paillasse, en le mettant sur ses genoux. Vu qu’elle avait laissé sa porte grande ouverte, ça devait dire qu’elle autorisait Régil à rentrer.

« Et donc ? Tu m’amènes quoi en paiement ? »

Là par contre, c’était surprenant. Aucun des serfs que Régil avait aidé n’avait précisé qu’il fallait payer quoi que ce soit.
Arnaud :
– Retrait de 2 deniers de bronze pour sa bière
– Retrait de 8 deniers de bronze pour la tournée de cidre

Jet de résistance à l’alcool : 4, tranquille, ça c’est du Bretonnien costaud.

Jet de charisme (Bonus : +6, offre de l’alcool) : 13, réussite de 2
Jet de connaissances générales : 19, un détail qui passe à la trappe
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Arnaud d’Aquitanie
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Re: [Régil et Arnaud] La route rend libre

Message par Arnaud d’Aquitanie »

Le pèlerin écouta ainsi les différents membres du cirque se présenter les uns les autres. Il y avait une complicité évidente entre eux, Arnaud les enviait, libre comme l'air, à pouvoir vivre de leurs talents. La vie de serf ne lui avait pas donné cette opportunité, et regretta d'autant plus son geste qui l'avait poussé à prendre le chemin des routes en tant que pèlerin. Si les baladins et les troubadours étaient tous ainsi, alors il avait surement privé le monde d'une bonne personne. Une personne qui aurait fait sans aucun doute plus de bien que lui.

Le pèlerin suivit la discussion avec enthousiasme. Il y avait ce genre de franchise terre-à-terre entre les gens du peuple, des gens qui vivent pour se faire plaisir et profiter du prochain moment. C'était une vie à laquelle il aurait aspiré si la servitude en tant que serf ne l'avait pas coincé dans les terres de son seigneur.


- Des cirques passaient dans mon p'tit village, j'me rappelle que des fois ils nous lisaient des livres avec beaucoup d'images qui racontaient plein d'histoires et de légende de la Bretonnie. J'ai jamais pu apprendre à lire, mais j'ai toujours été curieux de pouvoir savoir ce que racontait les petites lignes qui accompagnait ces images.

A la question du d'Arnold le halfelin à propos de comment il était venu. Il eut un petit rire amusé.

- Courir sur un si long trajet ? Shallya l'en est remerciée, heureusement que non. J'ai marché jusqu'ici en compagnie de mon frère et de quelques compagnons, mon village est à une semaine de marche d'ici. Alors, ça fait une petite trotte ! J'me suis jamais senti aussi libre qu'en prenant c'te route. Être serf dans un village, c'pas une vie ! Au bout d'un moment, faut sortir, faut chercher de nouvelles choses, faut casser l'quotidien avec la découverte, l'aventure ! Haha !

Il passait vraiment un bon moment, peut-être le rare moment de sa nouvelle vie qui lui donnait une impression de liberté, de pouvoir dire ce qu'il voulait, comme il le voulait, d'imaginer ce qu'il voulait. Arnaud leva son verre.

- "A la liberté, A l'aventure et à la découverte et à la bonne santé de votre amie !"

Arnaud but en leur compagnie, puis chercha un nouveau sujet de conversation, bien qu'il voulait amener le sujet à propos de cette femme qu'ils avaient mentionné, sa première idée ne lui paraissait pas bonne. Après tout, les femmes lui menait la vie dur, et ces gens n'étaient peut-être pas Bretonniens, qui sait

- "C'est pas banal de faire c'genre de détour pour quelqu'un, J'suis sûr que ça lui fera plaisir. C'est une amie de longue date à vous ? Peut-être même une noble... Z'avez franchement la classe pour jouer pour des nobles !
Modifié en dernier par Arnaud d’Aquitanie le 21 août 2022, 20:52, modifié 1 fois.
Arnaud D'Aquitaine, Voie du Pèlerinage Bretonnien
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Lien Fiche personnage: wiki-v2/doku.php?id=wiki:fiche_arnaud_d_aquitaine

"…Tu offriras, à ton preux Seigneur le champart qu'il requiert,
Toujours, tu travailleras, hors les jours saints
Tu ne gardera pour toi et les tiens qu'un dixième des fruits de ton labeur
Et réjouis-toi, car un Chevalier de Bretonnie te protégera…"

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Régil d’Aquitanie
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Re: [Régil et Arnaud] La route rend libre

Message par Régil d’Aquitanie »

Il eut presque été soulagé lorsque personne ne répondit à la porte. Cela lui aurait fait une raison de déguerpir sans remords, et de faire la route jusqu’au temple de Shallya – même s’il aurait beaucoup souffert.
Toutefois, son attente ne fut pas bien longue puisqu’une femme à la drôle allure lui répondit. Pas de toute, de son point de vue de paysan, il avait bel et bien affaire à une sorcière. Même qu’elle portait des crânes sur ses épaules, ce qui eut le don de le faire déglutir un peu trop bruyamment. On aurait dit des … crânes humains ? Il avait du mal à trouver ça de bon goût. Il détourna vite le regard, de peur qu’elle remarque son inquiétude.

Le plus étonnant était probablement l’arme qu’elle portait à la ceinture, chose rare pour une femme. En d’autres circonstances, il aurait probablement désapprouvé ouvertement. Le problème, c’est qu’il avait face à lui une personne qui pouvait lui faire subir à peu près toutes les sévices qu’il était capable d’imaginer. Encore que … ce n’était pas une épée.

Lorsqu’elle le poussa avec son bâton, il recula, mettant ses mains devant lui pour lui signifier qu’il n’était pas devant sa chaumière pour lui causer des problèmes. Le jeune homme remarqua au passage son accent beaucoup trop clair. Il aurait imaginé une recluse parlée avec la même élocution que les serfs du coin. Mais non. Il avait l’impression d’avoir en face de lui une noble qui s’était travestie en ensorceleuse aux airs bourrus. Même qu’elle avait un magnifique étalon; peut-être l’avait-elle volée ?

« Ben, c’est qu’j’suis pas du coin. J’suis un pèlerin et les paysans m’ont juste assurés qu’vous pouviez p’tête m’aider. C’est qu’je reprends bientôt la route, vous comprenez … » En effet, c’est ce qu’on lui avait dit. Ils ne semblaient pas non plus en avoir eu peur lorsque l'un des serfs avait abordé le sujet. Il n'y avait probablement rien à craindre. En tout cas, c’est ce qu’il se disait pour se rassurer. Il avait beau être bien bâti, un grand gaillard superstitieux comme lui savait se montrer prudent face à tout ce qui touchait à la sorcellerie.

Elle le laissa finalement entrer, lui laissant découvrir l’intérieur, ainsi que le petit agneau à la patte blessée. Il la regarda avec intérêt s’approcher de la bête et la prendre entre ses bras, un peu comme une mère le ferait avec son enfant.

Régil sut se taire face à la pique qu’elle lui envoya. Pleurer … Elle ne semblait pas bien familière avec le travail dans les champs. Il avait vu des garçons plus jeunes que lui avoir des douleurs au dos, et divers autres problèmes, la plupart irrémédiables. On lui avait apprit très tôt, lorsqu'il était jeune, à ne pas prendre ses douleurs à la légère, surtout si cela pouvait réduire ses performances et ralentir les autres.

« Je sais pas trop c’que vous acceptez comme paiement … des pièces ? » Ça lui semblait le plus logique. Peut-être qu’elle cherchait des choses de valeur. Elle risquait d’être déçue, il n’avait rien de tout cela sur lui.
Régil d'Aquitanie, Voie du Pèlerin Bretonnien
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