Aveuglé par sa « juste » colère, William frappa. Son épée de côté était taillée pour la vitesse et passer les gardes, cela rendait les coups de taille sans doute moins puissants, mais tout aussi redoutable sur une personne sans armure comme l’était son adversaire. Le choc fut rude, et lorsqu’il retourna sa monture, le jeune chevalier ressentait une joie sauvage, s’attendant à voir le gueux agonisant… Il n’en fut rien !
Que les autres se soient enfui allait de soi, c’était des paysans sans honneur, mais lui, il se tenait droit, attendant la charge qui l’achèverait. William fut bien prêt de lancer son destrier pour l’occire, malgré qu’il se rende, mais il s’arrêta, sa colère partie aussi vite qu’elle était venue. Comment un paysan pouvait-il être si courageux ? Il voyait presque une aura se dégager de lui.
Alors, il se souvint de ses préjugés, il se souvint de ce qu’il avait découvert dans l’auberge paysanne, qui le poussait à se dire que tout n’était pas forcément comment il l’imaginait. Alors, il fit quelque chose qui le surpris lui-même, il s’approcha du gueux, sa rapière goutant de son sang, puis s’arrêta devant lui.
Tu es courageux, et je vois bien que tu hais les nobles chevaliers, mais pourquoi ? Pourquoi s’en prendre à ceux qui ont juré de te défendre ?
Il me répond non sans une certaine ironie :
Tu préférerais sans doute que je m'en prenne à ceux qui ont le moins ? L'ennui vois-tu, c'est que quand on ne possède rien, on ne fait pas une très bonne cible pour un voleur.
William claqua sa langue en signe d’agacement, l’impertinence de cet homme ! Pourtant il ne pouvait s’empêcher de l’admirer. Il n’était pas sûr qu’il aurait fait preuve d’un tel aplomb si les rôles étaient inversés. Cette réalisation allait à l’encontre de tout ce qu’on lui avait appris. Un paysan n’aurait jamais dû pouvoir faire preuve de tant bravoure. Seuls les fous fanatiques et les chevaliers en étaient capable. Il voulait en apprendre plus, ou plutôt il DEVAIT en apprendre plus.
Ce que je préfèrerai, c’est que tu serves ton seigneur comme il se doit sans t’en prendre aux honnêtes gens.
Ton courage t’as gagné un sursis mais n’en abuse pas ! De tes réponses à mes prochaines questions dépendent beaucoup de choses. Répond sincèrement, la Dame te regarde.
Pourquoi avoir choisi cette vie de voleur ? Elle ne me semble pas bien reluisante.
Et qu’est-ce qui t’as poussé à abandonner tes devoirs ?
L'homme est mal en point, il crache un peu de sang et tousse, puis se met à rire, son rire étant un peu fou, entrecoupé de toux qui projettent un peu de sang par terre. Pourtant, il finit par se calmer et reprendre un air très sérieux et de défi, lorsqu'il prononce ces paroles de réponse en regardant William dans les yeux :
M'en prendre aux honnêtes gens ? C'est l'hospice qui se fout de la charité ! Vous, les seigneurs, vous nous volez, vous violez nos femmes, nos sœurs et nos filles, vous nous tuez lorsque nous avons l'outrecuidance de nous défendre.
Et pour nous apporter quoi ? La sécurité ? Lorsque la guerre s'est pointée à nos portes, c'est nous qui avons été placés en première ligne, sans armures, sans chevaux, sans épées, sans entraînement. Et pour ceux qui sont rentrés, souvent estropiés, blessés, malades, c'est pour retrouver une vie d'esclavage, une fille souillée par quelque jeune nobliau en rut, une femme pendue pour ne pas avoir été capable de fournir seule le dû réclamé pour la terre que son mari ne pouvait pas labourer étant à la guerre.
La vie de voleur ne te paraît pas jolie ? La vie de paysan non plus n'est pas très reluisante... Mais la liberté n'a pas de prix, elle.
Les paroles du voleur eurent une étrange résonance pour le jeune noble. Il pensa à son devoir, à sa sœur, enchaînée par son genre. Il sentit soudain le poids de chaînes qu’il n’avait jamais eu conscience d’avoir. Mais il doutait qu’il puisse s’en débarrasser aussi facilement que ce voleur. En tout cas, le mur qui le séparait de la vérité se fissurait un peu plus. Et il semblerait qu’il existait de nombreuses incompréhensions entre les paysans et les chevaliers, l’image que ce voleur avait des nobles l’attristait. Il y a peu, il aurait juste considéré comme fariboles tout ce que cet homme aux portes de la mort lui avait dit, il croyait au moins en partie ces paroles. Bien sûr, il y avait surement des exagérations. De plus, si certains nobles se comportaient peut-être comme il le disait, et rien que d’y penser donnait la nausée au jeune William, c’était surement très marginal. Après, lui-même était loin d’être parfait, il était redouté parmi les paysans de son domaine pour de très bonnes raisons, et il avait surement contribué à ternir la réputation des chevaliers, mais il cherchait à changer. Et puis, jamais il ne songerait à prendre une ribaude. Une femme devait se faire traiter avec un minimum de respect, fut-elle une simple paysanne.
Qu’il était triste de voir un homme ayant ainsi perdu foi dans les chevaliers. William ressentit un élan de pitié pour cet homme, qui lui semblait désespéré. Mais il était si fier, si droit, qu’il en avait presque l’air noble.
Ce que tu me dis est … troublant. Mais j’ai l’impression que certaines de tes idées sont faussées.
Toi qui tient tant à la liberté, je vais te laisser un choix. Va rejoindre tes… « compagnons », quoi que vu comme ils t’ont abandonné je ne sais pas s’ils méritent ce nom., ils sont surement presque arrivés à Couronne, vu la vitesse à laquelle ils sont partis. Ou, tu peux me suivre dans ma quête, où je cherche justement à défendre la liberté d’une personne qui m’est chère, et je te montrerai ce qu’est la véritable chevalerie. Je ferai au mieux pour prendre soin de toi, mais tu seras sous mes ordres, et ce jusqu’à ce que tu puisses gagner ta liberté, plutôt que la voler.
Après, il faudrait encore que tu survives jusqu’au prochain village, que l’on puisse t’apporter des soins. Mais si la Dame le veut, elle t’accordera son pardon.
Ce qu’il proposait était fort peu orthodoxe, et ne correspondait à rien de réfléchi, plus à une impulsion, comme il en avait l’habitude. Il avait l’impression que s’il tuait cet homme ici et maintenant, cela ne servirait pas la chevalerie, bien au contraire.
Sans attendre la réponse du bandit, le chevalier fit demi-tour partit au pas en direction du chemin pour rejoindre la route. Il profita de passer près d'un chêne très fourni pour attraper quelques feuilles, qu'il utilisa pour nettoyer son arme, avant de les jeter en arrière. Il faudrait qu'il la nettoie mieux au village, mais cela suffirait pour le moment. Malgré ses dires, le jeune chevalier restait sur ses gardes, les fuyards n'étaient peut-être pas aussi loin qu'il l'avait pensé. Il espérait qu'il ne regretterait pas son geste de clémence, et ce, quel que soit le choix du voleur.
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Jet pour reprendre son calme et ne pas occire sur le champ le voleur : 3
Dialogues faits par MP avec le MJ.