[Erwan de la Rivière] Fils d'infortuné

La Bretonnie, c'est aussi les villes de Parravon et Gisoreux, les cités portuaires de Bordeleaux et Brionne, Quenelles et ses nombreuses chapelles à la gloire de la Dame du Lac, mais aussi le Défilé de la Hache, le lieu de passage principal à travers les montagnes qui sépare l'Empire de la Bretonnie, les forêts de Chalons et d'Arden et, pour finir, les duchés de L'Anguille, la Lyonnesse, l'Artenois, la Bastogne, l'Aquilanie et la Gasconnie.

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[MJ] Le Roi maudit
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[Erwan de la Rivière] Fils d'infortuné

Message par [MJ] Le Roi maudit »

Le réveil se fit sous un soleil radieux qui écrasait de ses rayons la nature autour de lui. Première nouvelle : Il avait survécu à la nuit. Ce n'était pas gagné pourtant. Car comme l'astre au dessus de sa tête rousse, il irradiait. Mais de douleur. La sensation d'avoir été piétiné par un troupeau de bœufs, avec des haches, des lames et des lances les bœufs.
Une main attentionnée avait rafistolé ses plaies, il avait des bandages sur le corps. Le musicien réalisa rapidement qu'il était dans un tombereau. On le déplaçait.

"T''avise pas de nous claquer entre les doigts j'ai eu un mal fou à changer la roue de cette charrette."
"-Un mal de chien oui-da."'

Des voix familières. Au moins ça.

"Par contre va falloir que tu nous expliques ce que tu branlais au milieu des champs en pleine nuit. On t'as retrouvé plus mort que vif, les Gors commençaient déjà à se tailler des côtelettes sur la carcasse."

Le chariot s'arrêta, et tel une mariée avant la nuit de noce, le Bougre souleva dans ses bras épais comme Erwan le barde susnommé.
Luçon dégagea de quoi installer un feu. Léonard apparut alors devant le jeune musicien que le grand benêt avait posé délicatement sur l'herbe sèche.
"Erwan vous êtes en vie. Ne vous en faites pas nous vous conduisons à un temple de Shallya. Louez la Dame et la Colombe. Ils s'apprêtaient à vous achever. Mais nous les avons mis en fuite."

Son surcot avait des déchirures, son armure avait été éraflée. Ils avaient tous les trois l'air exténué. Ils s'étaient battus toute la nuit.

"Les Hommes-bêtes étaient nombreux, très nombreux. Ils ont débordé les troupes du seigneur, celles du régent. Une boucherie. On va s'occuper de vous et repartir. Le chemin sera long. Reposez vous pour l'instant.

Les écuyers s'occupaient du feu. Ils avaient ce regard, celui qui suivait la vue des pires horreurs.
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Erwan
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Re: [Erwan de la Rivière] Fils d'infortuné

Message par Erwan »

Erwan ouvrit lentement les yeux pour s'apercevoir qu'il se trouvait dans l'ombre. Une nuit douce, légèrement bercée par le vent, qui charriait avec lui musiques et chants. Des chants produits par des voix qu'il pensait avoir oublié. Tournant la tête dans tous les sens, il finit par voir une lueur dans le lointain. Une lueur vacillante, la lueur d'un feu de camp. A côté de ce dernier, quelques formes de bois sur roulettes se dessinaient, des formes équines également, mais surtout des formes humaines.

Ces formes dansaient, chantaient, riaient et s'aimaient. Pas de cet amour qui unit un couple, mais de cet amour particulier qui unit les familles qui se forment sur les routes. Les amis ne sont pas que de simples amis, mais des frères et de sœurs sur qui on peut compter. Des personnes à qui on peux confier sa vie, ses secrets, se faire la guerre, déclarer des amours... Une famille qui lui manquait terriblement, au point qu'il sentit une larme couler sur sa joue.

Alors, la lueur commençait à faiblir doucement, les rires et les chants ainsi que les formes commençaient à s'effacer pour rejoindre l'obscurité. Refusant de laisser ainsi son passé et ces personnes si chères à son cœur disparaitre de nouveau, le barde courus et hurla, mais rien n'y faisait. Puis d'un coup, la petite lueur illumina l'obscurité alors qu'il ouvrit les yeux en pleins. Avant de les refermer immédiatement avec un gémissement de douleur. "- Bordel de... Qu'est-ce que..."

Puis il sentit de nouveau son corps, avant de le regretter. Son corps semblait être passé au battoir avant de servir de tapis sur lequel des dizaines et des dizaines de chevaux fous et enragés avaient galopés à plusieurs reprises. Puis il sentit qu'il tremblait légèrement. Son corps, pour sûr, mais aussi le bruit d'une charrette. On le transportait.

"T''avise pas de nous claquer entre les doigts j'ai eu un mal fou à changer la roue de cette charrette."
"-Un mal de chien oui-da."'

Erwan essaya de recoller les voix qu'il venait d'entendre. La première était moins rauque que la deuxième...

"Par contre va falloir que tu nous expliques ce que tu branlais au milieu des champs en pleine nuit. On t'as retrouvé plus mort que vif, les Gors commençaient déjà à se tailler des côtelettes sur la carcasse."

Luçon, c'était Luçon ! Et le Bougre ! Et ça, là-haut, c'était le soleil ! Et le ciel ! Le barde gémit de douleur quand la charrette fit la rencontre d'une grosse pierre sur la route, mais cela permis au musicien de reprendre son souffle.

"- Excuse-moi Luçon, mais il se trouve que l'auberge était quelque peu bondée par l'arrivée de MONSTRES, et que je ne me sentais pas très à l'aise en leur présence."

Le charriot s'arrêta sans trop de brusquerie et le Bougre arriva avec son air un peu benêt, mais désormais Erwan savait qu'il y avait une intelligence derrière cet air bourru et cet air simplet. "- Merci, le Bougre. Et je ne sais pas lequel de vous deux m'a bandé, mais merci à lui." Dit le ménestrel en se faisant porté telle une mariée à l'autel. "- J'envie la femme que tu auras, le Bougre. Tu es très doux." Dit Erwan avec toute l'honnêteté du monde. Le Bougre pouvait effectivement semblait un peu simple et rude, mais il savait faire preuve d'une gentillesse et d'une délicatesse extrême.

Le Bougre déposa Erwan sur l'herbe, allongé sur le sol. Une autre ombre apparut avant que la silhouette de Sire Léonard n'apparaisse, réjouissant et étonnant le ménestrel. "- Messire Lénoard !" Le regard de ce dernier semblait épuisé et triste, mais une lueur de réconfort apparut malgré tout.

"Erwan vous êtes en vie. Ne vous en faites pas nous vous conduisons à un temple de Shallya. Louez la Dame et la Colombe. Ils s'apprêtaient à vous achever. Mais nous les avons mis en fuite."

"- Oh, vous savez comment parler à un barde, messire, hum ?" Taquina le barde, afin d'essayer de détendre l'atmosphère, mais il semblait que rien n'y faisait...

"Les Hommes-bêtes étaient nombreux, très nombreux. Ils ont débordé les troupes du seigneur, celles du régent. Une boucherie. On va s'occuper de vous et repartir. Le chemin sera long. Reposez-vous pour l'instant."

"- Celles du régent ?!" S'inquiéta le barde. "- Dame Mathilde... Comment va-t-elle ? Et les nobles du château ? Ils ont réussi à s'en sortir... ?"

Le ménestrel était réellement inquiet pour la Dame. Après tout, elle lui avait offert du réconfort, de la gentillesse et un soupçon de protection. "- Au diable les nobles du château, où est Dame Mathilde, Messire Léonard ? Où sommes-nous actuellement ?"
"- Et par mes doigts, faites que mon luth soit entier." Pria le barde.

Alors qu'il posait ces questions, il regardait les alentours, afin de déterminer le paysage.
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Re: [Erwan de la Rivière] Fils d'infortuné

Message par [MJ] Le Roi maudit »

Luçon cracha dans le feu avant de répondre à la remarque du musicien indigné :

"Ouais on est passé à travers le village. La moitié s'en est pas tiré. C'était moche. Je comprends que le taulier avait rameuté ses troupes pour purger les bois vu ce qui en est sorti."

Le berger vint déplier une vieille couverture qui sentait le baudet, au moins c'était plus confortable que l'herbe pour le convalescent.

Le camp monté, la chevaleresque brigade assise, ils se partagèrent du pain dur et de la viande salée, on rinça ça avec du vin fort et âpre.
"Lorsque nous sommes revenus, le château était assiégé. Les Hommes-bêtes s'étaient séparés en plusieurs hardes pour couvrir plus de terrain."
Léonard dégaina son épée pour la nettoyer pendant ses explications.
"Les soldats en déroute, le village en flamme. Et puis vous à moitié mort. Après avoir pourfendu les gors on devait vous sauver la vie. Les murs de Castel-Gîte sont solides, ils ont dû tenir. Lorsque vous serez en sécurité au temple nous y retournerons. Pour la dame."

"Pour la Dame." répondirent les deux écuyers. Le vin atténua un peu les douleurs du corps mais celles de la tête suivirent. Les songes étranges, les souvenirs d'une vie passé et ceux d'une vie à venir. Tout le temps du monde pour penser. Si il n'était pas enfermé dans une geôle de pierre et de mortier, son corps en était devenu une.

Après deux journées à un rythme lent pour ne pas rouvrir ses plaies, ils arrivèrent en vue d'un village. Et du temple.
Autour des maisons de torchis et de bois, des piques avaient été dressées. Sur certaines on avait planté les têtes de quelques ungors. Des regards bas, des plaques d'herbes noircies. Mais ici on avait survécu. Quelques temps encore du moins. L'Hospice de la Colombe débordait de blessés. Tellement qu'une partie des patients étaient dehors, sous des tentures. Les deux écuyers déposèrent Erwan et une jeune femme arriva. Elle avait l'air contrit de celle qui doit superviser bien trop de choses sans pouvoir s'accorder du repos.

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"Hé bien. Vous êtes arrivés à temps. Si la gangrène s'installait même la Miséricordieuse n'aurait rien pu faire. Détendez vous mon pauvre enfant. Vous êtes entre de bonnes mains désormais.
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Erwan
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Re: [Erwan de la Rivière] Fils d'infortuné

Message par Erwan »

Le ménestrel écouta avec une attention relative l'explication du déroulement des évènements que lui narrait Luçon et Sire Léonard. Relative car d'un côté, il était intrigué de savoir comment le tout s'était passé, d'un autre il aurait surement de quoi chantait et conter pour avoir du pain en bouche, et en dernier il se forçait pour ne pas se laisser aller à la douleur et au sommeil car, même après une petite convalescence, le ménestrel sentait encore les effets de la fatigue, de la douleur et d'un épuisement mental. Finalement, le vin aidant, il sombra dans le royaume des rêves.

Et rêves il eut. Ou plutôt, des souvenirs. Des souvenirs de jours heureux sur les routes, avec des personnes qu'il appréciait et qu'il considérait comme sa famille. Chaque jour était un jour de fête et d'amusement, chaque soir était un agréable moment autour du feu, et chaque matin se faisait avec la surprise mêlée d'émerveillement de ce que la journée proposerait.
Puis des souvenirs plus anciens, surement causés par la douleur, revinrent. Les souvenirs de remontrances, de coups, de hurlements. Chaque jour voyait couler une larme sur sa joue et sur la joue de sa famille sauf d'un. Chaque jour des hématomes et de fins filets de sang coulants de sa bouche.
Enfin vinrent non pas les souvenirs, mais les espoirs. Espoir de simplement pouvoir aller où bon le vent le voulait. Avec ses amis, anciens aux visages clairement visibles, et futurs encore flous et inconnus, tous parcourant les terres du monde dans leurs caravanes, formant une famille qui faisaient rire ceux qu'ils voyaient. Car le monde avait besoin de rire et de se divertir.

Les deux jours de trajet passèrent rapidement, même pour le ménestrel qui avait décidé de faire contre mauvaise fortune bon cœur et de ne pas trop gigoter, préférant s'atteler à la construction d'une petite balade à propos de monstres des bois, d'une charge valeureuse et de l'intervention d'acolytes fidèles. Il demanda souvent son avis à ses sauveurs ce qu'ils pensaient de la balade à en devenir, bien plus pour essayer de leur remonter le moral ou au moins essayer de leur faire oublier qu'ils allaient devoir retourner en enfer.

A l'approche du village, le ménestrel fut surpris de voir que le village tenait encore debout. Lui, le ménestrel qui savait désormais d'expérience, savait que les attaques d'hommes-bêtes étaient toujours signes de désastres, de mort et de destruction. Mais par miracle, à moins que ce ne soit grâce à la force et aux courages des bons fils de Bretonnie, cet endroit avait survécu.
Il ne put retenir quelques frissons et sueurs froides en passant à côtés des piques sur lesquelles étaient fichées des têtes d'Ungors, le souvenir de la bataille encore très frais dans sa tête. Et ce maudit Homme-serpent... De nouveaux frissons sur toute la longueur de son échine le firent frissonner.
Lentement, surement pour ne pas le brusquer, le chariot finit par s'arrêter et Erwan put voir l'Hospice de la Colombe.

"- Par les dieux..." Fit Erwan, estomaqué.

Estomaqué par le spectacle qu'offrait l'entrée du temple. Des blessés partout, tout autour du temple, souffrants, gémissants, certains avec des membres en moins... Mais quelque chose en lui, surement sa fibre de ménestrel, préféra ne pas s'arrêter sur cela. Il vit une nuée de blessé. Il vit des survivants. Il vit des braves qui avaient combattus pour leurs femmes, leurs enfants, leur terre... Leur honneur. A cette pensée, il sentit une puissante bouffée de respect pour tous ces braves entassés.

Erwan fut déposé et il vit l'une des sœurs arriver avec hâte vers lui. Il dut grandement serrer les dents pour ne pas être lui-même et lâcher un commentaire de son cru. La femme semblait être assez sur les nerfs sans avoir à subir ses paroles. Il savait qu'il avait le don d'énerver.

"- Salutations, ma Soeur." Adressa faiblement le ménestrel avec une marque de respect. "- Je suis entre de bonnes mains depuis que Sire Léonard et ses écuyers, Luçons et le Bougre, m'ont sauvé des monstres des bois. Merci de vous occuper d'un barde, alors que d'autres ont surement plus besoin de vous que moi." Puis il se tourna vers ses amis.
"- Si vous repartez à Castel-Gîte, et si Dame Mathilde..." Il se tut, ne voulant prononcer ces mots. "- Dans sa chambre, sous son lit, se trouve mon luth. Si vous pouviez me le ramener, je considérerais avoir une immense dette envers vous."
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Re: [Erwan de la Rivière] Fils d'infortuné

Message par [MJ] Le Roi maudit »

Léonard posa sa main sur l'épaule du jeune musicien.

"Nous ferons le nécessaire. Ne vous en faites pas. Nous devons repartir maintenant."

La sœur s'avança et inspecta les bandages d'Erwan avec une moue contrite. "Il va falloir laver ça... Resserrer ici. Là recoudre oui..."
Tout en interpellant une novice pour l'assister, elle répondit aux remarques du rouquin : "Shallya pleure pour tous, barde comme chevalier, empereur comme indigent, vertueux comme serviteurs du farceur. Vous êtes ici pour être soigné. Maintenant avalez ça."

C'était une fiole d'un liquide douceâtre qui laissa sa langue pâteuse. En quelques minutes, ses soucis se firent plus lointain, ses idées plus troubles. Il ne s'endormit pas mais en même temps il ne sentait plus le mal qui avait déchiré ses chairs, la brûlure du soleil sur les plaies. Il était bien. Flottant entre deux eaux de pensée pendant que des mains expertes s'affairaient sur ses blessures.

Encore dans de sirupeux songes il fut placé parmi les convalescents. Plus tard dans la journée, on lui apporta une soupe de lentilles et de la bière. Depuis sa paillasse, il pouvait observer les autres patients. Il s'agissait surtout d'hommes d'armes, de paysans levés sur l'instant. Le combat avait du être terrible au vu de la dévastation aux alentours du village.

Un gaillard qui tenait autant de Luçon que du Bougre tourna sa tête emmaillotée de bandages vers l'énergumène flamboyant à ses côtés.
"Hé bah mon gars, ils t'ont pas loupé. Je t'ai pas vu lors de l'attaque, des cheveux comme ça j'aurais reconnu. Tu nous viens d'où comme ça ?"
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Re: [Erwan de la Rivière] Fils d'infortuné

Message par Erwan »

Erwan regarda ses sauveurs repartirent dans le sens du Castel, une lueur d'espoir dans les yeux, rapidement remplacée par une étincelle plus malicieuse et fougueuse quand la sœur de Shallya se rapprocha de lui. Ses vêtements un peu en sang étaient peu ragoutants, mais sa peau ivoire, ses doigts fins et délicats ainsi que son regard sur son corps étaient aussi agréables que ce qu'il voulait lui faire. Enfin, qu'il voulait leur faire puisque la sœur en appela une autre, alors ainsi soit-il. Il avait déjà survécu à des nuits plus chaleureuses que ça, et son sourire grandis autant que sa fierté quand la sœur lui donna une fiole à boire. Pas bien bonne, mais elle avait le mérite de le plonger assez rapidement dans un état second, dans lequel il ne se souvenait que peu de ce qu'il avait pu dire, en dehors de quelques ricanements quand la sœur lui chatouilla le ventre. A moins que ce ne fut quand il lui recousu les entrailles... En tout cas, ça chatouillais doucement.

Dans cet état second, dans lequel ses songes et ses ennuis se firent plus lointain, comme moins importants, il avait eu l'impression d'être passé par la tristesse, la joie, l'excentricité, un mutisme ainsi qu'une retentissante déclaration à l'une ou l'autre sœur, à moins que ce ne soit les deux, avant d'avoir eu l'impression d'exploser de colère contre quelqu'un qui, dans son état, semblait avoir la même chevelure flamboyante que lui, mais en plus âgé. Toutes ces émotions passées avaient eu raison du ménestrel qui se sentit à peine être déplacé, avant qu'une des sœurs ne lui apporta une soupe. Difficilement, il pris le bol dans ses mains tremblantes et fournis des efforts colossaux pour ne pas renverser le tout à cause de ces tremblements que son état engendrait. Il refusa la bière proposait, il savait qu'il ne l'apprécierait pas à sa juste valeur dans son pitoyable état, et préféra qu'elle soit donnée à quelqu'un d'autre.

Quand il tourna légèrement la tête pour voir alentours, il vis nombre de blessés, héros de guerre dont personne ne parlerait ni ne chanterait. Quelle mauvaise fortune pour eux, quand à ses yeux ils méritaient tous un titre de noblesse pour avoir défendu leurs terres. Il finit par tourner la tête vers l'énergumène qui l'apostrophait depuis quelques instants et avait eu assez de conscience pour comprendre ce qu'il disait. Devant le regard de cet homme, et au milieu de tous ces gens en proie au doute, au désespoir et au mal, il ne put s'empêcher d'arborer un sourire rayonnant et s'imagina un chapeau qu'il ôta de sa tête avant de se présenter.


"- Que cette journée vous soit plus favorable que la nuit passée, mon brave... Castel-Gîte est la ville d'où je viens, et je suis navré de constater que l'endroit est dans le même état que celui-ci... Pas moins de trois flèches... et une abomination à tête de serpent pour me mettre dans cet état... alors que je n'avais même pas de quoi me défendre, moi un pauvre ménestrel ambulant... Mais excusez, je ne me suis pas... présenté. Erwan de la rivière, ménestrel ambulant, et fier enfant de Bastogne. A qui ai-je l'honneur de parler, mon brave ? Et... d'ailleurs, où suis-je... ?" Le barde avait fait preuve d'une grande volonté pour parler malgré ses coutures à peine faites et les souvenirs de l'attaque encore très fraiche. Mais il se refusait de s'abandonner au mal, quand celui-ci était aussi présent.
Modifié en dernier par [MJ] Le Roi maudit le 28 nov. 2021, 22:20, modifié 1 fois.
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Re: [Erwan de la Rivière] Fils d'infortuné

Message par [MJ] Le Roi maudit »

Le convalescent lâcha un sifflement de surprise en fixant le rouquin de son œil valide.
"Hé boh. T'ont pas raté ces engeances. Tu peux r'mercier les Dieux de t'avoir accordé du temps en rab' dans ce pauvre monde."
Il gratta son bandage au bras avant d'ajouter : "C'est Gaspard. Gaspard le grand. Pour différencier de Gaspard le petit qui habite de l'autre côté du village."

Une novice de Shallya apporta un cruchon de vin, du bon vin bleu de paysan qui laissait un gout de tanin dans la bouche et le ventre un peu plus chaud. Gaspard trinqua avec le musicien avant de poursuivre. "C'est Boiceau ici, pas une grande ville. C'est le temple qui maintient la vie par ici. Les Hommes-bêtes ne leur laisse pas une minute de répit. "

Un petit village, des combattants blessés, des dévotes débordées. Ainsi, le nouveau paradigme du musicien était bien étrange. La première journée se passa de façon assez monotone. Les shalléennes venaient nettoyer ses blessures, on le nourrissait, il discutait avec les voisins de chambrée. Il y avait Gaspard mais aussi André et Renaud, ce dernier excepté, ils étaient laboureurs. La Harde avait forcé toute la région à prendre les armes. Et si le gros des forces du mal avait percuté les osts des seigneurs, il restait toujours des bandes à marauder autour des villages.
Au bout du troisième, le musicien pouvait se déplacer en béquilles. De quoi prendre l'air et le soleil. Les convalescents se retrouvaient ainsi sur le perron du temple à dégourdir ce qui leur restait de jambes, à fumer et à boire. Certains venaient embrasser femmes et enfants, d'autres discutaient des affaires du village avec le doyen.

Le quatrième jour alors qu'ils patientaient dehors, une colonne en arme traversa le village. Il y avait ce regard qu'il avait pu voir sur Luçon ou Léonard. Ces hommes d'armes éreintés, boueux. Les piques avaient servi. Du misérable archer aux grognards armés d'un gambison, ils marchaient vers l'Est. Vers Gîte-au-Breton. Les blessés les fixaient, comme autant de reflets. Le combat avait été rude mais ici le village avait tenu. Des sergents montés gueulaient des ordres, les plus craints de tous.
Jet d'intelligence : 18, échec
Dans tout ce fatras humain qui sentait fort la sueur, la boue et les boyaux d'hommes-bêtes, il y avait un des cavaliers qui s'approchait bien vite. Sur un balourd au corps trapu, il n'était pas en reste sous sa cuirasse éraflée. Il s'arrêta devant notre musicien embéquillé, ses moustaches blanches et son air bourru ne lui sautèrent aux yeux que maintenant. C'était Ronçard le maître d'arme du château.

"C'était donc là que vous étiez terré ? Le Régent Hugues a pourtant fait remuer ciel et terre pour vous retrouver."
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Erwan
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Re: [Erwan de la Rivière] Fils d'infortuné

Message par Erwan »

Erwan discutait de tout et de rien avec son nouveau compagnon de chambrée Gaspard, mais surtout des attaques des hordes infâmes sur la région. Sa curiosité presque morbide titillait sa fibre de barde, un récit de plus à ajouter à son répertoire commençait à se faire dans son cerveau somme toute en meilleur état que le reste de sa pauvre carcasse. Il apprécierait bien un

"- Tenez, pour vous aider à vous remettre. Et pas trop, d'accord ?" Dit la novice de Shallya en apportant le saint vin aux deux nouveaux compagnons.

"- Ma sœur, vous illuminez ma journée !!" Dis Erwan en prenant doucement la main de la femme pour la remercier avant de se tourner vers Gaspard avec un grand sourire. "- Allez Gaspard, j'crois que c'est l'heure de voir si le bateau coule." Et il partagea son vin avec son camarade, en essayant d'être le plus drôle possible, en lui racontant ses anecdotes les plus récentes, comment il s'est retrouvé seul dans une chambre remplie de femmes ne désirant qu'une chose de lui, comment il avait rendu folle furieuse une noble au point qu'elle perde contenance, et d'autres anecdotes plus anciennes encore. Lui-même ria plusieurs fois, essayant de chasser un peu la morosité du lieu qui avait besoin d'attention mais aussi de divertissement.

Tout culotté qu'il était, Erwan savait qu'il valait mieux ne pas se mettre les prêtresses de Shallya à dos quand vous aviez besoin d'elles, aussi fut il le plus doux des agneaux pendant la première journée, alors que toutes ces femmes passaient devant lui, changeant ses bandages, vérifiant qu'il allait bien etc. Mais il ne serait pas Erwan de la rivière s'il ne glissait quelques commentaires sulfureux, quelques regards provocateurs et que ses mains ne s'égarent par-ci par-là. Il ne regretta aucunement ses actions et ses dires. Même quand l'une des sœurs le gifla. Ou quand l'autre appuya légèrement plus sur sa blessure. Il ne regrettait rien. Et cela faisait bien rire ses compagnons de chambrée, Gaspard bien sûr, mais il y avait aussi André et Renaud. Ils étaient les uns à côté des autres dans le temple, et si chacun y allait pour paraitre fort et ne pas se laisser abattre, Erwan aimait à penser que le peu de divertissement qu'il offrait était suffisant pour ces pauvres gars.

Le deuxième jour, toujours prostré dans le temple pour guérir au mieux, Erwan tenait difficilement sur place. Lui qui avait l'habitude d'être toujours en mouvement, même blessé, avait du mal à rester cloitré ici, d'autant que le souvenir des geôles était encore frais. Alors il exerça son art de la chanson par de multiples petites chansons paillardes comme "La fille du fossoyeur", ou "Chevaliers de la table ronde", il chantait ce qu'il pouvait avant qu'une sœur n'arrive et trouve la chambrée silencieuse avec des grands sourires de la part des membres de cette chambrée.

Puis vint enfin le jour béni où on dit à Erwan qu'il pouvait sortir avec des béquilles ! Ce jour-là était attendu par tous, aussi bien Erwan que les sœurs de Shallya. Il fallait avouer que les pitreries et tentatives de drague plus ou moins directes du ménestrel avait fait le tour du temple, si bien que certaines sœurs furent plus qu'heureuses de ne plus avoir le barde dans les pattes. Enfin, c'est ce qu'elles croyaient, car le rouquin ne pouvait pas allez bien loin avec ses béquilles, donc il restait sur les marches du temple. Et il composait. Quand il voyait un couple s'embrasser, il chantait l'amour. Quand il voyait une réunion heureuse faites de larmes nerveuses, il chantait la passion. Et quand il voyait des visages tristes et sombres comme la mort, il se refusait au chant, disant qu'il n'osait pas chanter ce genre de choses à des gens qu'il ne connait pas. La mort est pour tous, une affaire intime. Et même Erwan respectait cette intimité-là.

Le quatrième jour changea totalement des précédents par la présence d'une colonne de soldats en arme. Erwan les observa avec ses compagnons avec un verre de vin à moitié vide à la main. Ils étaient épuisés, physiquement et mentalement, il suffisait de regardait dans leurs yeux. Ils avaient combattu longtemps et ardemment, les blessures dont certains souffraient et les armures cabossées d'autres parlaient pour les soldats. Erwan posa son verre sur la marche et se redressa de son mieux sur ses béquilles pour mieux voir les soldats, car ces derniers se dirigeaient vers Castel-Gîte. Avec un peu de chance ils ne sont pas...

"- Oh, fait chier, par Ranald..." Injuria le ménestrel flamboyant quand il vit se planter devant lui un cavalier à la moustache blanche dont le visage, et le nom, ne lui revinrent que maintenant.

"C'était donc là que vous étiez terré ? Le Régent Hugues a pourtant fait remuer ciel et terre pour vous retrouver."

"- Oh vous savez, je ne suis ici que depuis quatre jours. Mais je me demande ce qui prime chez vous, le devoir de faire ce que le régent vous a ordonné, à savoir me retrouver et m'éliminer pour avoir rappelé qui était l'héritier du Castel ? Ou bien le devoir qu'a tout noble de Bretonnie, en plus Bastonnois, et d'aller chasser les monstres de la forêt ?" Erwan regarde le village autour de lui ainsi que les gens proches. "- Car, de ce que moi j'en vois, vous ne faites pas très honneur à la mémoire de Gilles le Breton, loué soit son nom, comparés à d'autres de ma connaissance."

Erwan tenait difficilement sur ses béquilles, et savait très bien qu'il n'échapperait pas au maitre d'arme. Il avait peu d'options, alors il avait fait le choix qui lui paraissait, sur l'instant, le meilleur. Avec la mine espiègle, un sourire provocateur et une attitude presque décontractée du fait qu'il avait accepté les faits, son regard était pourtant du plus sérieux. Qui était-il, ce maitre d'arme au service d'un noble, pour faire passer les besoins et les envies égoïstes d'un bâtard de noble, avant les besoins et nécessités des gens et de sa terre ?
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Re: [Erwan de la Rivière] Fils d'infortuné

Message par [MJ] Le Roi maudit »

Le vieux maitre d'arme soupira en retirant ses gantelets, sauta de cheval et asséna une claque à Erwan qui, si elle n'était pas très forte, lui rappela sans peine l'époque bénie du giron familial et de la discipline maternelle.
Les sœurs présentes protestèrent en voyant ainsi le rustre abimer le patient qu'elles avaient patiemment recousu ces derniers jours. Les autres patients commencèrent à entourer nos deux interlocuteurs. Erwan n'était pas seul.

"Pardonnez moi, mais après tout ce temps à combattre des gors, faut se relâcher un peu. Vous saurez, ménestrel, que j'ai passé les dernières semaines à tuer tout ce qui rôde dans ces foutus bois." Il cracha par terre. "Votre conflit de coqs avec le régent je m'en moque. Je sers... Je servais le seigneur de Bouvrois. Désormais je ramène ses hommes à la maison. Les Hommes-bêtes attaquent les villes. Après avoir écrasé son ost. Sans leur seigneur, il ne reste que les murailles et les piques pour les protéger."

Il retourna à son cheval non sans ajouter : "Un conseil, Erwan de la Rivière. Fuyez loin de tout ça. Les forces à l’œuvre ici sont déjà déchainées."

Alors que la colonne de soudards se remit en route, les boicins ronchonnèrent. "Car nous on s'est pas battu p'tet ?" "Ils auraient mieux fait d'attendre les monstres ici qu'aller faire mumuse dans les bois." "D'façon là bas à Gite-au-Breton ils ont toujours été bizarre d'ailleurs ma tante..."

Gaspard se ramena près de notre rouquin et demanda : "Du coup tu comptes faire quoi quand les soeurs te laisseront partir ?"
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Re: [Erwan de la Rivière] Fils d'infortuné

Message par Erwan »

La claque du maitre d'arme était à l'image de son épée : Dure. Erwan eut l'impression de se prendre une porte en fer sur la mâchoire et sa tête fit un 90° surprenamment vite qui envoya le ménestrel boiteux sur le sol en lui tirant une exclamation de douleur. Dévisageant le maitre d'arme d'un mauvais œil et en essayant de se relever, il l'écouta attentivement. Chose assez simple, le maitre d'arme dominait pratiquement toute la place par sa prestance, si ce n'était pas sa fonction. Et c'est là que plusieurs choses se mirent en branlent dans le cerveau du barde.

"- Le seigneur de Bouvrois est mort." C'était cette révélation qui avait entrainé la cascade de pensée accélérée d'Erwan. Ses pensées allèrent à une allure si vive que même un destrier bretonnien n'aurait pas pu allez aussi vite. Il resta assis, pantois et pensif sur le parvis de la chapelle de Shallya, le regard lointain dirigé vers Castel-gîtes. Ses pensées allés pour le Sire Léonard, Luçon et le Bougre, mais également à Mathilde. Même s'il aimait le premier trio et avait certaines... envies pour la dernière, ils ne risqueraient pas sa vie pour eux, d'autant qu'il ne leur serait d'aucun secours et même un poids. Il ne savait pas dans quel état était le Castel ni ses alentours, il ne savait s'ils étaient encore en vie et il ne savait pas si Mathilde elle-même était encore dans le château.

"Du coup tu comptes faire quoi quand les sœurs te laisseront partir ?" Lui demanda Gaspard qui se mit à côté de lui.

"- Ce que je vais faire ? Je vais te le dire ce que je compte faire." Le barde se releva assez lamentablement, la douleur de la gifle encore sur la joue, comme s’il n’avait pas encore assez mal comme ça. "- Quand on me laissera partir, je vais retourner Castel-gîtes, Gaspard. Par les dieux je vais y retourner. Mais pas pour me battre. J'y retourne parce que j'ai laissé quelque chose là-bas, et je refuse de laisser un héritage familial si proche de ces abominations." Il tourna son regard assuré vers Gaspard. "- Je possède très peu de choses en ce bas monde, Gaspard, mais la fierté d'un barde repose dans son instrument de musique. Et quoi qu'il m'en coûte, je récupérerai ma fierté. Foi d'Erwan de la rivière. Foi d'un fils de Bastogne. Et par les doigts de Ranald, je vais le faire ou caner en essayant." Avait-il déclamé, sans vraiment remarquer que certains pouvaient l'entendre.

Il se tourna ensuite vers Gaspard, un léger sourire aux lèvres. "- En tout cas Gaspard, si j'en reviens pas, sache que j'ai été content du temps passé ici, en si chaleureuse compagnie. Maintenant, excuse-moi mais je dois allez parler à Renaud. HEY RENAUD !!" Appela le barde en cherchant ce dernier.

"- Ah, te voilà !" Fit-il après avoir passé une dizaine de minutes à chercher son camarade de chambrée. "- Renaud, j'aurais besoin de tes quelques connaissances des bois. Je ne pense pas que la colonne de soldat veuille accueillir un ménestrel un peu boiteux, et j'ai besoin de retourner à Castel-gîtes pour récupérer un héritage familial au château. Sois rassuré, je ne te demande pas de venir risquer ta vie pour un inconnu." Dit-il en riant franchement. "- Juste des indications, et je saurais trouver mon chemin. Surement."
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