[Éloi] Princesse de la Foi

La Bretonnie, c'est aussi les villes de Parravon et Gisoreux, les cités portuaires de Bordeleaux et Brionne, Quenelles et ses nombreuses chapelles à la gloire de la Dame du Lac, mais aussi le Défilé de la Hache, le lieu de passage principal à travers les montagnes qui sépare l'Empire de la Bretonnie, les forêts de Chalons et d'Arden et, pour finir, les duchés de L'Anguille, la Lyonnesse, l'Artenois, la Bastogne, l'Aquilanie et la Gasconnie.

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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

La soudaine intervention d’Éloi eut un mérite — empêcher Solène de réagir. Le docteur avait lâché son insulte fort cruelle d’un ton quelconque, avec un simple soupçon de fiel, mais cela empirait même la manière qu’il avait de traiter son jeune patient. La prêtresse, devant telle barbarie, semblait remplie de colère : elle avait agrippé la barre qui séparait les bancs, et serrait si fort sa poigne que les jointures de ses doigts se mettaient à blanchir.

La première réaction du médecin fut de faire les gros yeux, dardés de méchanceté vers Éloi. Mais quelque chose, on-ne-sait-quoi, l’encouragea à se retenir. Plutôt que de sortir une pique, il se mit à lever le menton, à passer une main sur son veston, et à reprendre d’un air pérorant :

« Le laudanum, j’ai dit. C’est le médicament qui est le plus efficace. Je ne pense pas que les hommes du culte de Shallya aient le moindre cours en pharmacie, mais je suis sûr que vous avez bien des idées d'herbes à donner pour ce genre de pathologie. Vous devriez les réciter vous-même, non ? »

Il semblait très prêt à se moquer du peu d’éducation d’Éloi. Manque de pot pour lui, le jeune oblat savait très bien ce qu’était le laudanum.
Le laudanum est un médicament relativement récent — alors qu’on connaît les herbes depuis des millénaires, celui-là était populaire depuis un siècle seulement. Mais c’était déjà un produit miraculeux. L’étymologie même de son nom signifiait « louange » (Sous-entendu, qui en mérite). Il s’agissait d’une teinture alcoolique réalisée à partir du latex qu’exsude le coquelicot du Moot, ou bien, le pavot somnifère, selon comment on le vend. Le laudanum est un analgésique très puissant, qui calme toutes les douleurs. On les offre aux éclopés, aux gens qui ont des myalgies, des douleurs squelettiques, ça soigne aussi la dyspnée. On le recommande même aux femmes enceintes durant l’accouchement. Effet secondaire principal : Nausées et constipation. Le second était un avantage quand on était atteint de diarrhées comme Marc.
Pourtant, le laudanum n’était pas un médicament parfait. Déjà, il coûte cher — son coquelicot est fragile et ne pousse pas partout, il faut le commander aux comptoirs Arabéens, ou bien compter sur les exportations des Halfelins orientaux. Ensuite, certains hygiénistes ont remarqué que les apothicaires ont la méchante tendance à trop en vendre, trop facilement, à trop de gens. Même quand les blessures d’un homme se sont soignées, il a souvent trop tendance à en redemander à son pharmacien.

« Du reste, comme toutes les maladies, ça se transmet par miasmes. Pour cela que je vous oblige tous à porter ce masque vinaigré sur votre visage. C’est l’orthodoxie reconnue par le Culte.
– Il faut aussi passer du vinaigre sur les surfaces qu’à pu toucher le malade, rajouta Solène en soufflant entre ses dents.
– Trop d’hygiénisme peut être dangereux, mais vous ne m’entendrez pas critiquer ces théories. Comme les Anciens, je flambe mes mains.
– Vivement dans deux semaines, quand la foire de Castel-Brionne commencera. »

Guido avait dit ça d’un ton légèrement sarcastique, en restant avachi sur son banc, voulant visiblement se mêler de la discussion des lettrés. Le docteur ne sembla pas s’en formaliser — il n’y avait bien que Marc pour ne pas être intégré à leurs échanges. Le jeune garçon demeurait là, hagard, tremblant comme une feuille, à se tenir les côtes sur sa table d’opération.

« L’avantage de la foire, c’est que le guet aura autre chose à faire que verrouiller ce quartier. La ville va être remplie à ras-bord.
– Il y a de plus en plus de malades, partout, dans chaque quartier. Il faut la faire annuler.
– C’est à Sébire de convaincre. J’aurais bien aimé la soutenir en écrivant une note au Duc…
…Mais enfin, elle m’a remercié, comme vous dites dans ce pays. »


« Remercier quelqu’un » était un de ces euphémismes si Bretonnien pour dire « dégager ». De la même manière que Marc déclarait être un « courtisan », et non… Autre chose.

Solène et Corneille continuaient leur discussion à ce sujet, se renvoyant la balle, tandis qu’Éloi s’occupait du tout jeune patient. Il sembla sursauter un peu alors qu’il le toucha, mais se détendit alors qu’il récitait une prière.

« Vous ne pouvez vous en prendre qu’à vous-même. Nous vous avions dit de ne pas signer cette pétition.
– Elle était très mineure, cette pétition ! Vous savez qu’on doit payer des frais d’inscription, pour entrer ici ? Pourquoi le Duc se gave avec simplement parce que le bâtiment est debout ?!
– L’encre est sèche sur le rapport, Herr docteur ! Interjeta tout fièrement André-René derrière.
– L’argent c’est un problème. Mais vous savez quel est le vrai souci : quand vous dites le mot, « liberté de choisir son programme », vous savez ce que le culte de Mórr entend.
– Vous voulez que je rédige une ordonnance ?
– Les croque-mitaines ! Rugis Corneille en faisant un signe difficile à interpréter à André-René. Comment connaître le corps humain sans autopsie ?! C’est à cause de gens comme eux que votre pays est autant en retard sur tous les sujets ! Bon sang, et je n’imagine pas comment c’est en Tilée !
– C’est heu… C’est un oui… ?
– Il n’y a bien que deux cultes que les nobles de Bretonnie respectent : Shallya et Mórr. Mauvaise idée de mettre l’un des deux en colère…
– Parce que si c’est un oui je peux genre mettre dix gouttes par jour… ?
– Merci sergent Guido ! Toujours là pour rappeler l’évidence ! Qu’est-ce qu’on ferait sans lui ! Ah, on aurait du mal à suivre les intrigues sans sa perspicacité légendaire ! »

Au moins, le temps que tout le monde s’engueule, Marc pouvait répondre aux questions d’Éloi à voix basse.

« Depuis… Depuis dix… Onze jours… Oui, dix jours, je l’ai dis… C’est…
Qu’est-ce que… Je sais pas… Je vois pas… Ce que vous voulez dire ? Quel événement ? Je… J’en ai aucune idée, j’ai rien fait de… J’ai rien fait de bizarre…
C’est dans l’eau ? C’est parce que… J’ai bu de l’eau ? On m’a dit que parfois c’était à cause de l’eau, mais je… Je pense pas que d’autres gens dans mon… Dans ma demeure sont tombés malades, et on buvait la même eau… »
Jet de prière : 16, échec
Jet de charisme : 17, échec
Jet de connaissances (Pharmacie) : 2, réussite
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Frère Éloi
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par Frère Éloi »

Je ne suis guère surpris que l’attitude condescendante du professeur se porte à présent sur moi, et m’y attendais même, au vu de la banalité des questions posées. Mais cette diversion produit néanmoins bien l’effet escompté, à savoir faire cesser l’acharnement verbal de l’érudit sur son patient. Respirant profondément à travers mon masque vinaigré, j’endure donc résolument la leçon, laissant le docteur Corneille pérorer à l’envie. J’écoute ainsi sans rétorquer son exposé des vertus du laudanum, bien que j’en sache déjà un peu à ce sujet, sans être toutefois expert en pharmacopée. Je sais notamment qu’on le prépare à partir de pavot somnifère et de quelque alcool, et que son principal effet thérapeutique est de calmer la plupart des douleurs que peut ressentir un patient. Je sais aussi, parce que je l’ai lu, que cette substance a plusieurs effets secondaires chez le consommateur, dont une tendance à la somnolence, aux nausées, et à la constipation : autant d’inconvénients qui n’en sont pas réellement, en l’espèce, pour mon patient. Je sais, enfin, que l’on dit de cet onéreux produit qu’il doit être consommé avec modération, tant en termes de quantité que de durée du traitement. Si je devais chercher à m’en procurer ailleurs qu’auprès du professeur, nul doute que certains herboristes des beaux quartiers de Brionne seraient en mesure de m’en vendre ; dans le cas contraire, peut-être en trouve-t-on à l’hospice Sainte Olinde. Solène saura certainement. A défaut de laudanum, plusieurs simples relativement courantes peuvent constituer une piste de traitement, comme le rappelle d’ailleurs à l’instant le médecin impérial, avant de m’interroger avec condescendance quant à leur nature précise. Je dois réprimer une impulsive, déraisonnable envie d’abandonner ma comédie, de rétorquer au docteur que je ne suis pas étudiant en ces murs, de lui faire ravaler sa superbe. Mais telles ne sont pas les voies de Shallya. Par ailleurs, j’ai la nette intuition que la question du professeur n’est pas seulement rhétorique ; je suis convaincu qu’il changerait de posture à mon égard si je faisais montre d’érudition. En l’espèce, du fait de l’enseignement de sœurs Michelle et Annabelle, je suis relativement instruit en matière de simples et essences médicinales. Aussi récite-je ma leçon, avant de me diriger vers le patient lorsque Solène s’attire l’attention du médecin.

« Bien sûr, Herr docteur. Plusieurs simples des plus communes ont un effet reconnu sur certains des symptômes que vous relevez
L’angélique, en premier lieu, dont la racine peut apaiser le transit, atténuer les sécrétions.
La pervenche, aussi, dont la préparation contribue à calmer la fièvre.
La feuille de sauge aide également en ce sens, mais lutte aussi contre la nausée.
La plupart peuvent être concoctées en infusions, ce qui présente l’avantage d’inciter le malade à boire en quantité suffisante.
Toutes sont très répandues, et moins onéreuses que le laudanum, quoiqu’au prix d’un effet moins immédiat. »


Le contact avec le patient m’éclaire sur plusieurs points. Au terme de ma prière, je demeure donc concentré, tentant d’ignorer les éclats de voix alentours pour me faire mon propre avis quant au diagnostic. Marc ne semble pas avoir une trop forte fièvre, même si sa température demeure un peu élevée. Je suis plus soucieux quant aux diarrhées, dont l’abondance, la durée, et l’apparence décrites sont éminemment anormales et inquiétantes. D’ailleurs, le pauvre semble s’en trouver considérablement affaibli et amaigri. Enfin, ce que je prenais pour des tremblements liés à l’embarras se révèle en fait bien moins anodin : examiné d’aussi près, mon vis-à-vis vacille, oscille d’un côté ou de l’autre, à intervalles irréguliers, comme en proie à un malaise latent. Mon prochain trouve pourtant la force de me répondre à voix basse, manifestement plus enclin à se confier sans cinq paires d’yeux braquées sur lui.

Il estime l’ancienneté de ses premiers symptômes à une dizaine de jours, soit quasiment une semaine de moins que ce que Main-Ferrée décrivait au Furoncle. Peut-être est-ce toutefois pour une autre raison que Solène l’a amené ici. Peut-être le suspecte-t-elle d’avoir été en contact avec un maillon crucial de la chaîne de contamination sur laquelle porte son enquête. La mine grave, je hoche la tête, tant pour réconforter Marc que pour le remercier de se confier ainsi.

« Difficile à dire, Marc ; les miasmes peuvent circuler dans l’air aussi, c’est pour ça qu’on porte ces chiffons sur le nez.
Avec qui habites-tu ?
Es-tu d’ordinaire amené à... visiter d’autres demeures ? Ça peut être arrivé… enfin, tu vois… en travaillant.
On peut en parler ailleurs si tu préfères. »


Jetant un regard de biais à la conversation animant le reste des occupants du théâtre anatomique, je prête une oreille attentive à la réponse de mon prochain, l’estimant déterminante. En effet, je suis convaincu que Solène ne l’a pas invité seulement pour le faire examiner : elle doit certainement avoir une idée en tête. Peut-être Marc s’est-il trouvé en contact avec des milieux pertinents pour l’enquête. Ou peut-être n’est-il qu’un malade parmi de nombreux autres que l’on hébergerait à dessein en ce Collège en grève. Je pourrais d’ailleurs questionner Solène à ce sujet, si elle ne se trouvait pas empêtrée dans une âpre conversation avec le professeur Corneille et Guido. Pensif, je raisonne à haute voix.

« Tremblements récurrents et incontrôlés, et diarrhée chronique me semblent les symptômes les plus sérieux. Herr docteur… Herr docteur ?
Il convient, je pense, de prioriser ces maux, avec a minima une infusion ou un tonique de sauge et de camomille.
Où peut-on trouver céans les simples et herbacées médicinales ? »


Test de Médecine avec malus (résolution effectuée par la Fée) : 2, réussite automatique. Diagnostic précis débloqué.
Test d’Empathie sur Corneille : 6, réussite. Intuition débloquée.
Frère Éloi Voie du Prêtre Mystique
Profil : For 9 | End 9 | Hab 8 | Cha 11 | Int 11 | Ini 8 | Att 9 | Par 8 | Tir 8 | Mag 14 | NA 1 | PV 75/75

États temporaires
Une vie de Paix : +1 à tout jet visant à guérir un patient blessé, malade ou empoisonné.
La vie avant tout : doit tenter d'interrompre les affrontements auquel il assiste, à moins que le combat ne soit mené contre des ennemis.

Compétences :
- Maîtrise de l'Aethyr (1)
- Coriace : -1D3 dégâts subis.
- Réflexes éclairs : +1 aux tests d'initiative en situation de surprise.
- Résistance accrue : +1 aux tests d'endurance.
- Sang froid : +1 aux tests de caractéristiques effectués en situation de stress ou tension.
- Volonté de fer : +1 aux tests de volonté.
- Traumatologie : Sait administrer les premiers soins ou favoriser une guérison plus rapide.

- Alphabétisé : Capable d'écrire et de lire le Bretonnien.
- Langage secret (Classique) : Capable d'écrire et de lire le Classique.
- Législation : Sait manipuler le droit à son avantage.
- Doctrine du Culte (Shallya)

- Cuisine : Se débrouille en cuisine. +1 pour détecter des substances nocives dans la nourriture.
- Empathie
- Affûtage mental
- Incantation - Shallya
- Sens de la magie
Équipement porté sur soi :
8 sous d'argent 8 deniers
- Bâton de marche
- Robe de bure jaunie / Tenue en lin / Ceinture / Sandales
- Grande sacoche contenant couverts, rations diverses
- Livre de prière de Shallya
- Amulette de Shallya
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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Au descriptif tout complet d’Éloi, Corneille cessa soudain son ton de persiflage habituel. Il prit une voix grave, franche, avec un bel accent impérial — et surtout, il avait l’air de parler avec un peu plus de respect envers le petit oblat.

« Hé bien, si, il semblerait que vous ayez bien révisé votre pharmacopée…
Beaucoup de ces herbes ne sont, lorsqu’elles sont mal administrées, ou en mauvaise quantité, que des remèdes de bonnes femmes, ou de médicastres. Tout le monde connaît ça.
Rappelez-moi quelles sont les quantités nécessaires à quelles infusions ? »


Toutes ces années à écouter les cours de Michelle allaient bien servir à Éloi. Comme s’il était devant un de ses étudiants, Corneille croisa les bras, et hocha la tête pour l’encourager à donner chaque réponse — combien de dés, combien de volumes, le temps de cuisson, ce qu’il ne fallait pas laisser bouillir… Et voilà que le médecin croisa les bras, avant de faire un signe bien solennel du chef.

« Je ne suis pas le pharmacien résident du collège, mais vos proportions sont justes.
Maintenant, le laudanum reste le traitement le plus efficace. Celui du futur. »




Les questions d’Éloi mirent très mal à l’aise le jeune homme — ça se voyait bien dans ses réactions. Il n’était pas seulement faible à cause du mal qui l’assaillait, le traitement que lui avait imposé le docteur l’avait grandement éprouvé. Et il ne cessait de lancer des yeux de chiens battus à Solène. La prêtresse était vissée à sa barrière, et le seul regard compatissant que croisa le jeune prêtre fut celui d’André-René, piégé derrière son pupitre.

Pourtant, le jeune prêtre dût bien se montrer assez doux, et assez prévenant, pour qu’il soit invité à se confier. Il renifla, et, d’une voix tremblante, essaya d’aider un peu l’oblat.

« J’habite… Dans une grande maison… Avec d’autres garçons, et d’autres filles… La Lanterne Rouge. Vous savez bien. Vous voyez bien. »

Il fit un petit sourire crispé.

« C’est… C’est dans la Gâtine… Près de la chapelle Sainte-Lucie… Port, pas loin du port, mais, plus tranquille. Mais pas trop tranquille.
C’est bien situé. C’est un joli quartier, j’aime bien y vivre. Rhya… Rhya nous a laissé des oiseaux, y en a beaucoup, tout autour, et un pommier… »


La fièvre le faisait un peu délirer. Mais au moins, il parlait.

« Sœur Solène est une sainte… Elle vient souvent nous voir, pour nous offrir des herbes, et nous… Nous réconforter… La matrone est bonne avec nous, elle nous protège, mais si on travaille pas… Si on travaille pas, on a plus de raisons de rester…
Je vis avec Luciole, elle est belle… Elle a de grands yeux bleus… Elle va quitter la ville… le dis pas à la matrone, elle est avec un homme qui a le nom d’un fruit… »


Sa respiration devint un peu sifflante.

« Je sors jamais de la maison… Jamais de la maison… On a pas le droit de sortir, sauf quand on va à Bracieux… J’aime tellement aller là-bas, les deux premiers jours…
Je peux… Je peux avoir du laudanum ? S’il te plaît, je… Je… Je ferais ce que tu veux… »


Et il dodelina de la tête de côté, en affichant son cou.

Interrompu dans sa discussion avec la jeune prêtresse, le docteur parut à nouveau agacé — ou bien était-ce la jeune prêtresse qui l’ennuyait ? Il se pinça le nez, et grogna.

« De la sauge et de la camomille, ça se trouve partout ! Il y a au moins quatre apothicaires à Brionne — et toutes les chapelles ont des herboristes, et y en a tellement des chapelles ! Partout !
– Quinze.
– Quinze ! C’est normal d’avoir autant de temples de Shallya dans une seule ville ?!
– Nous avons un grand-temple, un orphelinat, deux hôtels-déesses, trois hospices, quatre oratoires, un refuge pour femmes et un pour hommes, un asile, et un lazaret. C’est le minimum pour une ville de notre taille. Il y a aussi une léproserie qui n’est pas occupée, au cas-où.
Ici ce n’est pas votre Empire, où on enferme les pauvres dans des maisons de travail où ils sont obligés de s’arracher les mains pour leurs soins.

– Ben voyons. En même temps c’est vrai qu’il n’y a pas de pauvres en Bretonnie — les serfs ça compte pas, on est pauvre quand on vagabonde, donc quand on est forcés de rester sur place… »

Et ça allait être reparti pour un tour.
Fort heureusement, ce fut quelqu’un d’inattendu qui vint à la rescousse d’Éloi ; après qu’ils s’étaient tous les deux échangés un pur regard de pitié mutuel, André-René se leva bruyamment en claquant le tiroir de son pupitre, et il reprit à voix très haute :

« Si vous souhaitez traiter le patient avec des herbes, il n’y en aura nulle pénurie ! Brionne est certes une presque-île, plus encore à marée haute, mais nous échangeons beaucoup avec la campagne — il y en a des approvisionnements constants !
En revanche, si vous souhaitez traiter votre patient au laudanum, les choses se compliquent ; seuls les apothicaires en fabriquent régulièrement, pas les herboristes. Ici, au collège, c’était la pharmacienne résidente qui en fabriquait — mais c’est une prêtresse qui a été rappelée auprès de la révérende-mère Sébire de Malicorne !
Son atelier est encore présent, il serait bon, si une épidémie menace, qu’elle retrouve son étude afin de reprendre la formation de ses élèves ! »


Pour une fois, Corneille et Solène avaient l’air tous les deux d’accord avec cette idée. Les deux hochèrent vivement de la tête, en tout cas.

« La sœur Adélaïde est excellente dans la fabrication de drogues. Elle a été formée à Miragliano puis Couronne, une apothicaire accomplie.
– Elle n’a pas cessé le travail. Elle est au grand-temple, où elle fabrique des remèdes. Elle forme certaines prêtresses à cet art, d’ailleurs.
– Elle devrait revenir ici s’occuper des étudiants, elle en a quasiment une vingtaine qui étudiaient auprès d’elle depuis des semestres.
– Ou bien vos étudiants pourraient aller au Temple pour continuer leur apprentissage.
– Oh bah oui, c’est bête, pourquoi on y a pas pensé ? Vous pourriez, genre, aménager une grande pièce dans le temple avec un tableau et des bancs pour qu’ils puissent tous prendre des notes confortablement. Et puis, vous pourriez tout autour acheter des maisons qui leur sont louées afin qu’ils s’installent en ville et puissent venir travailler tous les jours. Vous pourriez même faire reconnaître leurs compétences par un papier officiel avec un sceau qui…
-Ah mince, mais c’est vrai, tout ça ça existe déjà. On appelle ça un collège en fait.

– MON FRÈRE, SI VOUS AVEZ BESOIN DE LAUDANUM- je vous conseille l’apothicaire Vincent Bonnepioche, qui est dans ce quartier — l’essentiel de son travail venait du collège, donc il est un peu au chômage en ce moment. Il peut vous vendre le laudanum à huit sous le flacon. Si vous lui dites que vous venez de ma part, et que vous êtes un bon Shalléen, je suis sûr que vous pourriez faire baisser ce prix à six sous. »

Et André-René marcha jusqu’à Éloi, et lui tendit la feuille de papier avec les recommandations de son traitement, et le nom de Corneille dessus.

Petit silence. Marc semblait bien mal au point, et bien ensuqué.

Et c’est Guido, toujours avachi sur son siège, qui finalement se fit entendre. Il posa ses pieds sur la rambarde, et croisa des bras, l’air totalement nonchalant.

« En tout cas, on a bien perdu notre temps. On aurait dû ramener le patient directement à Éloi, ça nous aurait tous arrangés. »

Corneille observa le mercenaire par-dessus l’épaule de Solène.

« Qu’est-ce qu’il dit, celui-là ?
– Que vos discussions à tous les deux c’est très bien, mais enfin si c’était juste pour nous dire que le gars a la chiasse et qu’il faut l’ensuquer au laudanum, je vois pas trop pourquoi je paye des impôts pour que des petits branleurs fassent un blocus et jouent aux petits singes sur une statue de Manaan.
Enfin.
J’dis ça.
J’dis rien, quoi. »


Corneille resta tout droit.
Puis, il expira très, très fort, tout l’air de ses poumons, avant de parler tout seul.

« D’acooord… Trèèès bien… »

Et là, il se mit à dire plein de phrases en reikspiel, grognées, murmurées. Tout un tas de conjonctures et de petits mots bien vilains, soufflés dans la langue des enfants de Sigmar. Et tout en partant dans sa logorrhée hachée, il se mit à trifouiller des outils partout.
Il ramassa des sortes de cotons au bout de petits bâtons blancs, il bourra ses étranges éprouvettes translucides de boules à la texture de nuages, il ouvrit des flacons, dilua des solutions, là au verre, là à la goutte. Et il fit rouler une de ses tablettes mobiles tout en fonçant sur Éloi.

« Attention à vos pieds ! »

L’oblat dût se pousser pour qu’une roulette ne lui écrase pas les doigts de pieds. Et voilà que Corneille se tint devant Marc avec un de ses bâtonnets.

« Tête en arrière ! Pas bouger ! »

Et il lui enfonça en plein dans le nez, très profond.
Guido, médusé, ne put s’empêcher de se lever en faisant les gros yeux.

Le médecin jeta le bâtonnet dans un des tubes, et le referma avec un bouchon en liège. Il attrapa une sorte de petite raclette métal.

« La bouche — grand ouvert. »

Marc obéit. Alors, le médecin ramassa… Quelque chose, en triturant sur son palais. De la salive. Et à nouveau, il mit le tout à l’abri dans un tube, immédiatement refermé.
Il attrapa un petit bocal, et une coupole, qu’il plaça dans les mains du garçon.

« Le verre c’est pour ton urine. La coupole pour tes selles. André-René va te garder en observation et tu vas lui fournir bien gentiment tout ça. Oh, et, pratiquez aussi une légère saignée, je veux voir l’état de ses humeurs.
– Ce sera fait, Herr Docteur.
– Maintenant, les Shalléens et leur bœuf, vous me suivez ! »

Il plaça tous les tubes à essai sur un petit râtelier en bois, qu’il emporta sous son bras, et voilà qu’il remontait en trottant et en grognant en reikspiel toutes les marches de son petit théâtre.
Solène s’approcha discrètement, et posa une main sur le genou du malade.

« André-René est un bon docteur, tu peux lui faire confiance. »

Le malade se saisit de la main de la prêtresse. Pendant un court instant, Solène ferma les yeux, et susurra quelque chose.
Guido continua son chemin comme si de rien n’était, il ne sembla rien remarquer. Mais Éloi pouvait le voir, assez clairement…
Le visage de la jeune fille était en train d’être dessiné. D’une couleur bleu-or, il revoyait les traces des peintures blanches dont elle s’était recouverte la première fois qu’ils s’étaient vus, à Orléac. Et Marc sembla être apaisé. Il cessa de trembler comme une feuille, et inspira avec des poumons qui ne sifflaient plus.

Alors qu’il était un peu médusé par ce spectacle, Corneille avait déjà disparu. Guido tenait la porte tout en haut des marches. C’est donc ensemble qu’Éloi et Solène remontèrent.




L’université était froide, avec ses couloirs longs, sans meubles, et ses grands murs de pierre. Et elle n’était pas très grande. Ils passèrent devant une lourde double-porte, puis, ils s’arrêtèrent devant une seule. Ils entrèrent après que Guido ait toqué, et Éloi entra dans une pièce fort atypique.
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Ils se trouvaient au premier étage de l’université. Dehors, la lumière du jour offrait une vue sur le quartier estudiantin — calme, vide, avec extrêmement peu de badauds, et aucun commerce qui ne tournait vraiment, excepté pour servir des pâtisseries à ces tas de gardes qui semi-bloquaient la voirie. La pièce en elle-même était tout en pierre, ce qui était déjà assez impressionnant pour une architecture Bretonnienne, et il y avait, au-dessus d’un foyer, un écu portant un blason armorié ; quelques plantes séchaient juste en-dessous.

Des tables, sur lesquels on avait posé plein de livres, et aussi des outils inhabituels. Plein de choses en verre, pas forcément incroyable quand on sait que Brionne en fabrique et en exporte à travers le Vieux Monde tout entier, mais certains de ces panneaux en verre contenaient des sortes de tubes brillants avec un aspect grisâtre. Sur une des tables, il y avait un crâne, et des récipients liés les uns aux autres.
Éloi reconnaissait là quelques outils qu’il avait pu voir dans la pièce qu’occupait sœur Nathanaèle. Il savait vaguement que ça servait à faire des décoctions, et transformer les herbes en drogues vraiment plus puissantes.

Corneille n’avait pas perdu de temps. Éloi pouvait mieux comprendre pourquoi il avait toujours l’air voûté comme un bossu : il était quasiment courbé à 80° au-dessus d’une de ses curiosités. Il entretenait un minuscule feu sur un socle de bronze.
Il attrapa un de ces verres, ouvrit une sorte de petite trappe, fit couler une huile à l’intérieur. Il l’enflamma avec le bout d’une allumette, et alors, le tube en métal se mit à s’éclairer tout entier.

On aurait dit une lanterne extrêmement puissante. Un soleil miniaturisé. Éloi n’avait jamais vu une lumière aussi vive et aussi fascinante, encore plus quand Corneille claqua des doigts et donna un ordre à Guido.

« Fermez les volets. »

Il était le premier être humain qu’Éloi entendait demander à ce qu’on lui fasse de l’ombre pour mieux voir. Solène, pourtant, n’avait pas l’air aussi impressionnée que lui : elle était allée s’asseoir sur un tabouret, et se mettait à regarder de manière intense le crâne qui trônait sur une pile de papiers.
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« Tu vois, frère Éloi, les maladies, ce sont un peu comme des… Comme des animaux. Il faut pas les percevoir comme quelque chose d’insaisissable et inerte. C’est vivant, d’une certaine façon. Enfin, qu’est-ce que ça veut dire, être vivant, au fond ? Ne réponds pas en philosophe, mais en pur naturaliste. Être vivant, ça veut dire faire des actions pour assurer sa survie, et sa descendance.
Je pense que les maladies sont des mini-animaux invisibles. Ou du moins, très, très difficilement visible… Il paraît qu’il y a quelques années, un docteur de Miragliano est parvenu à fabriquer une loupe qui grossit les détails de façon si précise et si gigantesque, qu’il a pu apercevoir des choses bouger dans les humeurs humaines. »


Il attrapa l’un des tubes à essai rempli de salive, et très soigneusement, déboucha le bouchon en liège, et glissa une petite pointe fine comme un rasoir et reliée à un réservoir. Corneille tira sur une pompe en bois, et la salive de Marc remplit le réservoir. Il versa le tout dans un réceptacle, qui se mit à chauffer.

« Je vais vous montrer pourquoi la Bretonnie a au moins un siècle de retard sur l’Empire. Et pourquoi les sœurs de Shallya m’ont payé extrêmement cher pour que je vienne dans votre patrie… »

Il recula un peu sur son tabouret, et fit signe à Éloi de s’approcher. Solène, elle, semblait déjà avoir eu les leçons depuis un moment.

« Non seulement la maladie est un animal, mais je pense également qu’il y a plusieurs espèces de maladies, de la même manière qu’une poule n’a pas grand-chose à voir avec un aigle !
Une maladie, tu vois, elle survit grâce à l’être humain. Elle est élevée dans le corps, elle a besoin de lui, de sa chaleur, de son hospitalité, pour parvenir à se reproduire. Certaines maladies existent pour se multiplier très très vite, et très rapidement — mais dans ce cas-là, elle ne peut pas se permettre de tuer son hôte, autrement, elle meurt. Et il y a des maladies qui au contraire, sont plus lentes, mais souvent plus dangereuses, et, heureusement pour nous, plus difficiles à transmettre, tant que les corps humains sont endurants. Il y a aussi, parfois, et ça c’est à débat, des réactions du corps humain qui, pour protéger l’enveloppe, font de gros dégâts, en réagissant trop violemment ; un peu comme si un chevalier de Bretonnie anéantissait un château au trébuchet au lieu de le capturer intact, si tu comprends la différence ?
Ce sont des théories merveilleuses et à débat. Le minuscule est un royaume difficile à conquérir, plus difficile encore que le gigantesque qui fascine les aventuriers et les astronomes. C’est si proche de nous, et pourtant tellement à part… Miragliano, Altdorf, et Couronne, ce sont les trois seules villes du monde où les gens peuvent travailler très activement à dominer et comprendre le corps humain. Et toutes les trois, elles n’arrêtent pas de s’engueuler, d’inventer des théories pour les détruire ensuite aussitôt.
J’espère que j’arrive à agiter ton intellect, frère Éloi — si ça t’intéresse, peut-être que Sébire pourrait payer tes frais d’études, dès que notre doyen aura décidé de rouvrir notre collège ! »


Il ramassa son tube à essai. Il se releva aussitôt, et fonça vers une autre table, où il se mit à effectuer d’autres manipulations. Il attrapa des petits disques translucides, sur lesquels il posa des petites languettes. Il fit couler la solution créée à partir de salive, et voilà que les languettes tournaient violet, ou jaune…

Éloi n’était pas étudiant en médecine, mais il reconnaissait bien là les études des grands physiciens. Le premier art de la médecine, en vraie science, n’a pas été la chirurgie — mais les chirurgiens sont ceux qui ont été les plus puissants, pour se former en guildes et confréries. Guérir des plaies, ressouder des os, trépaner des crânes, et ouvrir la cataracte, tous les gestes, du plus grossier au plus infime, a demandé du travail au final assez proche de l’artisanat, juste en plus précis, et en mieux payé…
Mais Corneille n’était pas qu’un chirurgien, quand bien même il avait déclaré être diplômé dans cette matière lorsqu’il avait résumé avec énormément d’emphase son cursus. Il appartenait à cette trempe de gens, qu’on prenait un peu pour des charlatans, qui essayaient d’équilibrer les humeurs du corps humain, qui cherchaient à théoriser sur l’équilibre de la bile et du sang, qu’il fallait guérir par des ponctions à l’aide de sangsues. Les Shalléennes, en général, rejetaient très fortement les médecins, en même temps qu’elles essayaient d’apprendre d’eux. À Couronne, où sœur Nathanaèle avait passé des années, les prêtresses étudiaient elles-mêmes, avec précautions, et sans jamais savoir trop ce qui relevait du miracle et ce qui n’était que l’œuvre de médicastres fous furieux.

Peut-être que Corneille lui-même ne savait pas vraiment ce qu’il faisait. Il avait prêté un serment de servir Shallya, de respecter une éthique, et les patients. Mais vu comment il avait traité Marc comme un objet, il semblait ignorer ces enseignements.

Du reste, de savoir si Corneille était un fou dangereux, ou un génie qui incarnait le futur, ce n’était qu’à l’oblat lui-même de porter son jugement.

« Je reconnais votre maladie.
Nurgle est fourbe et ingénieux — mais pas si ingénieux que ça ! »


Nurgle.

La simple mention du nom, à voix haute, provoqua un reflux gastrique au fond du ventre d’Éloi. Il n’était normalement pas malade en entendant des euphémismes qui renvoyaient à l’idée d’un être intelligent qui « cuisinait » des maladies — Le Pestilent, le Seigneur des Mouches, le Sonneur de Cloches, le Roi-Lépreux… On aimait bien lui faire référence de manière détournée, même si on avait toujours ce portrait d’un gros monsieur grégaire et heureux qui était l’ennemi éternel de Shallya.
Aucun paysan n’ose prononcer un nom maudit à voix haute. Comme si simplement le faire sortir de ses lèvres, c’était attirer le mauvais œil sur soi. Qu’importe. Le mot du docteur avait soudain fait du mal à Éloi.
Et visiblement, à Solène aussi, qui s’était retournée avec un mauvais regard.

« Pour faire simple, il n’y a pas énormément que je puisse vous apprendre : Cette espèce de maladie est une commune, une du genre à se transmettre très rapidement mais à ne pas être très dangereuse. Si elle touche des nourrissons ou des personnes âgées, en revanche, la donne change, et la mort approche bien vite.
Solène a eut raison de le faire remarquer tout à l’heure — Marc est… Trop malade, étant donné son âge et sa constitution. Je dois reconnaître que… »


Le mot lui-même mit du temps à sortir, tellement ça avait l’air de lui en coûter.

« …que j’ai jugé la situation trop vite.
Votre Marc n’est pas juste tombé malade. Il a subi la maladie de plein fouet. C’est un peu, comme… Comme les Shalléennes qui sont lourdement infectées car elles passent leurs journées avec des infectés. Mais ça ne peut pas être le cas du garçon.

– C’est criminel. Il a été infecté volontairement.
– …Peut-être. Oui, c’est fort possible.
– Je m’en doutais, et maintenant, vous me le confirmez.
Est-ce que vous pouvez rédiger tout ça ? Ce sera important pour la révérende-mère. »


Corneille approuva, en hochant de la tête.

Solène se leva toute droite, et regarda Éloi.

« Ici est un endroit parfait pour travailler, et recouper nos informations.
Que penses-tu, de tout cela ? »


Jet d’interrogatoire d’Éloi (CHAR+INT/2) : 1, réussite critique, il était temps, bordel de merde.

Jet de charisme de Guido : 3, géniale réussite.

Prière de Solène, « Guérison des Maladies » : 6, réussite.

Jet de connaissances (Médecine — Outils) d’Éloi : 17, large échec

Jet d’intelligence (Médecine — Histoire) : 8, réussite

Jet de médecine de Corneille : 10, réussite.
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Frère Éloi
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par Frère Éloi »

Ce n’est qu’à force de patience, d’empathie et de compassion que je parviens finalement à inciter Marc à se confier davantage. Mais les réponses apportées, quoique éclairantes à certains égards, laissent toutes place à leur lot d’interrogations afférentes. Pour commencer, je n’ai pas connaissance du lieu qu’il évoque : la Lanterne Rouge ne doit donc pas être située dans la partie de la Gâtine que j’ai déjà eu l’occasion d’arpenter depuis mon arrivée. Des dires de Marc, je comprends que ce doit être une sorte de maison close, intuition confortée par les explications suivantes. Hagard, il dit ensuite vivre avec une dénommée Luciole -certainement de même condition- dont la relation avec un autre homme l’amènera bientôt à quitter Brionne. L’énigmatique anecdote quant au nom de l’inconnu ne m’évoque personne en particulier, mais je suis bien plus alarmé par l’hypothétique chaîne de contamination entre Marc, Luciole, et l’amant de cette dernière ; car quitter la cité en ce moment, c’est contribuer, même à son insu, à propager la contagion. Je le sais, mais ne me tient pourtant coi, car il n’est rien que je puisse faire pour l’empêcher, alors même que la propagation de ce mal est déjà actée. Je fais bien, car les dernières paroles de Marc, murmurées du bout des lèvres comme il s’affaisse sur lui-même, somnolent, sont éminemment liées à notre enquête en ville. Je voudrais le solliciter davantage, rebondir sur ses déclarations, mais je le vois vaciller, tête penchée, manifestement épuisé ; aussi me détourne-je, silencieux, songeur.

Je ne suis pas certain du sens à donner aux paroles du patient, qui ouvrent davantage de questions qu’elles n’en closent. Marc et ses colocataires se sont rendus à Bracieux, le domaine de l’association des Francs-Archers éponymes ; et ce, plus d’une fois, semble-t-il. Mais à quelle fréquence ? Et pour combien de temps ? Qu’entend-il par « les deux premiers jours » ? Etant donné l’antériorité de la circulation de l’épidémie au sein de la confrérie de Bracieux, on peut raisonnablement penser que Marc et ses compagnons de misère ont effectivement contracté, une semaine ou l’autre, le mal sévissant parmi la fraternité de bourgeois. En revanche, ces éléments nouveaux ne font qu’expliquer les modalités de circulation du mal, sans nous aiguiller vers sa racine.

Avant que nous ne quittions le théâtre anatomique, survient un curieux phénomène que j’ai déjà observé. Comme je suis encore absorbé par mes déductions lacunaires, Solène s’en vient toucher la main de Marc. C’est très bref, un effleurement, une caresse, tout au plus, mais quelque chose se produit. Autour de Solène, un liseré de lumière évanescente se profile, comme un délicat halo nimbant la silhouette de ma consœur. L’espace d’un fugace instant, son visage s’illumine des signes rituels qu’elle arborait lors de notre première rencontre. Ruisselant sur son front, son nez, ses joues, des filaments de lumières se font jour avant de disparaître presque aussitôt. L’arête de mon nez me démange ; perplexe, je m’aperçois que Guido, pourtant tout proche, n’a pas réagi, et s’apprête à quitter l’amphithéâtre à la suite du docteur Corneille. C’est donc l’esprit préoccupé que je prends sa suite.

***

La pièce à laquelle nous conduit Herr Corneille est située au premier étage du vaste bâtiment. S’il s’agit d’une étude privée, je l’estime spacieuse, à moins qu’il ne s’agisse en réalité d’une salle d’expérimentations, à en juger par le matériel disposé sur les meubles. Reculant d’un pas jusqu’à me trouver dos à la cheminée de pierre, j’embrasse du regard les alentours, relevant la présence de tout un tas d’ustensiles et outils divers dont je ne sais la nature. Au centre de la pièce, penché sur une table supportant un appareil de verre alambiqué, le médecin impérial s’affaire au chevet d’une toute petite flamme dans un curieux creuset de bronze. A la périphérie de mon champ de vision, Guido passe devant chaque fenêtre, prié par Corneille de clore les volets, nous plongeant dans une pénombre rompue par la source de lumière centrale, juchée sur son étrange piédestal. A la lueur du tube de lumière, le visage de l’érudit se tourne vers moi, m’invitant à approcher. Le professeur me parle longuement de théories médicales dont j’ignore l’existence, arguant notamment que les maladies constituent des organismes vivants, quoique invisibles du fait de leur taille minuscule ; que de tels maux vont et viennent par le biais des miasmes, infestant les corps tels mouches et parasites sur les animaux de bât. Il explique que tous les maux n’ont pas vocation à tuer leur hôte, ni même nécessairement à lui faire du mal, car leur reproduction en dépend également. Ces éléments de connaissance sont neufs pour moi, et singulièrement novateurs de surcroît. Ce n’est pas le genre de savoir que l’on diffuse au sein de traités shalléens ; cette hypothèse fait toutefois sens d’un point de vue théologique, en ce que les maux répondent aux motivations viciées du…

Un reflux de bile secoue mes entrailles, et je titube en avant, nauséeux. M’efforçant de déglutir pour surmonter les relents afférents, je tourne instinctivement mon regard vers Solène, qui fixe le professeur d’un regard noir. Accaparé par ses expériences et son discours plein d’emphase, le médecin impérial a prononcé le nom honni du Seigneur des Mouches. De tous les noms que l’on donne au répugnant dieu charogne, celui-là est le pire, dont l’usage veut que l’on évite de le prononcer ; on dit que sa simple mention attire le mauvais œil, et porte malheur. L’évocation malvenue du Pestilent m’emplit d’une sensation de malaise à laquelle je peine à me soustraire. Des images défilent derrière mes paupières pourtant closes, sordides souvenirs de mon mauvais rêve de la veille. Je revois le repoussant visage de l’homme-charogne ; la chaleur de son souffle infect ; le son visqueux de ses pas sur le sol de l’abbaye. Pris d’une sensation de répugnance viscérale, je me signe de deux doigts sur le cœur, réprimant une moue de dégoût.

Lorsque j’ouvre les yeux, Solène est levée, et s’est rapprochée de la table. Son visage est empreint d’une expression grave, tandis qu’elle échange brièvement avec le docteur Corneille. Lorsqu’elle se tourne vers moi, me questionnant quant à mon ressenti, je me redresse, et observe un instant de silence, tâchant de remettre de l’ordre dans mes pensées. Enfin, je m’essaie, d’une voix sourde, à recenser les éléments dont j’ai connaissance.

« Commençons par rappeler la temporalité des évènements. Il y a près d’un mois, les premiers membres des Francs-Archers de Bracieux tombent malade ; initialement limité, le nombre de malades au sein de cette communauté augmente rapidement au cours de la quinzaine qui suit. Les bourgeois circulent ; tous ne restent pas à Brionne.

Il y a seize jours, les premiers cas de contamination sont constatés au sein du Furoncle, avec des symptômes similaires. On m’a rapporté que la situation est allée de mal en pis, de sorte que le quartier est aujourd’hui en suspens, pour éviter les ravages de la maladie.

Il y a dix jours, Marc tombe malade, après plusieurs visites au domaine de Bracieux, avec d’autres résidents de la Lanterne Rouge.

Si l’on admet le postulat selon lequel le malade initial, victime ou vecteur volontaire, se trouve parmi les Francs-Archers de Bracieux, alors la chaîne de contamination semble claire, sous réserve d’informations complémentaires. »



Je m’autorise une poignée de secondes de réflexion, tâchant d’insuffler à mon exposé une certaine rigueur déductive.

« Si l’on écarte cette hypothèse, il se peut que la communauté de la Lanterne Rouge soit à l’origine de la contamination de celle de Bracieux ; toutefois, dans ce cas, Marc ne serait pas le premier malade de l’établissement. J’écarte pour l’heure cette possibilité, car les incertitudes sont trop nombreuses.

Si l’artisan de la contagion compte en revanche parmi les Francs-Archers, nous manquons -je manque- pour l’heure d’indices concordants pour l’identifier. Ce pourrait être n’importe qui ayant intérêt à agir.

En ce qui concerne les Adelwijn, maître Thierry était en pleine forme il y a quelques jours encore. Si je soupçonne l’existence de quelque tension entre lui et son fils, il se montre très protecteur envers sa fille. Rien de probant. »



Plongeant mon regard dans celui de Solène, j’achève de raisonner tout haut, espérant que quelque certitude puisse ressortir de la confrontation de nos approches.

« Si la contamination de Marc est intentionnelle, elle peut provenir de la Lanterne Rouge comme de Bracieux. Elle est en tout état de cause ultérieure, sauf indication contraire.

Je ne pense pas qu’il soit complice ; peut-être a-t-il été amené à … être exposé… à plusieurs clients contaminés, ou à plusieurs reprises auprès du même individu. Comment savoir ?

Et toi, que penses-tu ? »
Frère Éloi Voie du Prêtre Mystique
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États temporaires
Une vie de Paix : +1 à tout jet visant à guérir un patient blessé, malade ou empoisonné.
La vie avant tout : doit tenter d'interrompre les affrontements auquel il assiste, à moins que le combat ne soit mené contre des ennemis.

Compétences :
- Maîtrise de l'Aethyr (1)
- Coriace : -1D3 dégâts subis.
- Réflexes éclairs : +1 aux tests d'initiative en situation de surprise.
- Résistance accrue : +1 aux tests d'endurance.
- Sang froid : +1 aux tests de caractéristiques effectués en situation de stress ou tension.
- Volonté de fer : +1 aux tests de volonté.
- Traumatologie : Sait administrer les premiers soins ou favoriser une guérison plus rapide.

- Alphabétisé : Capable d'écrire et de lire le Bretonnien.
- Langage secret (Classique) : Capable d'écrire et de lire le Classique.
- Législation : Sait manipuler le droit à son avantage.
- Doctrine du Culte (Shallya)

- Cuisine : Se débrouille en cuisine. +1 pour détecter des substances nocives dans la nourriture.
- Empathie
- Affûtage mental
- Incantation - Shallya
- Sens de la magie
Équipement porté sur soi :
8 sous d'argent 8 deniers
- Bâton de marche
- Robe de bure jaunie / Tenue en lin / Ceinture / Sandales
- Grande sacoche contenant couverts, rations diverses
- Livre de prière de Shallya
- Amulette de Shallya
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

« Vous pouvez rouvrir la fenêtre, Guido.
Le reste de mes recherches demandera un peu plus de temps. »


Le sergent s’exécuta comme s’il était un laborantin sous les ordres du docteur, et ainsi, Corneille put éteindre la petite flammèche d’huile de baleine, tandis que le soleil mourant du crépuscule Brionnois illuminait de nouveau la pièce.

Éloi commença un résumé fort docte et exhaustif de ses derniers jours, et de ses premières théories. Le vieux docteur écouta en se tournant avec une main sur le dossier de son assise, Solène posait ses mains sur ses genoux dans une attitude studieuse, tandis que Guido prenait une chaise à l’envers pour se poser dessus.

Il y eut un court silence, vite brisé par le médecin, qui ricana.

« J’ai un tableau et de la craie, on va mettre tout ça au clair. »

Et ce faisant, il s’exécuta en allant au bout de la pièce. Il donna un coup de pied dans une caisse remplie de flacon qui gênait sur le chemin, et se mit à gratter sur le tableau avec un bâton blanc, afin de noter rapidement tout ce que le jeune initié venait de résumer, en mettant au passage des petites flèches pour lier des noms et des dates.
Il était sûrement le genre d’homme qui réfléchissait mieux en mettant tout par écrit. Une habitude universitaire pour faire fonctionner sa cervelle.

« La révérende-mère avait reçu des rapports de malades du Furoncle dès notre retour ensemble d’Orléac, mais comme il y en a dans absolument tous les quartiers de la ville. Je n’imaginais pas la situation si hors de contrôle que cela…
Tous les quartiers c’pas totalement vrai. On en a aucun chez les aristocrates, me semble ?
– Si un courtisan du duc était tombé malade, il se serait présenté ici, et, ironiquement, notre situation se serait améliorée.
– En tout cas, il y en a partout dans le Gâtinais. Sur le port, le long des Cent-Tilleuls, la place Derringer… Comme une épidémie de courante, mais plus dévorante. »

Petite pause, mais pas de silence cette fois-ci : on entend Corneille gratter son tableau avec sa craie.

« Une maladie, c’est un peu comme une formule mathématique.
Tu aimes les maths, Éloi ?

– Personne aime les maths.
– J’avoue. »

Solène leva les yeux au plafond tandis que les deux bonhommes souriaient, tout goguenards.

« Une épidémie fonctionne selon une croissance exponentielle. Si une personne malade transmet ses miasmes à trois personnes à un jour 1, cela veut dire que ces trois personnes vont chacune infecter trois autres personnes au jour 4, si l’on pense que la durée d’incubation est de trois jours. C’est pour cela que les hommes comme Corneille sont essentiels dans la lutte contre la maladie : il faut la découvrir, la déceler, comprendre quel est son vecteur, sa rapidité pour se transmettre et le temps que ça prend pour se rétablir.
– Et je me mets au boulot tout de suite !
– Nous, Shalléennes, avons un rôle prophylactique. La révérende-mère a la responsabilité la plus importante, et c’est pour ça que nous t’avions demandé des documents des archives d’Orléac au moment de notre arrivée — le rôle de dame Sébire, c’est de réduire le plus possible ce facteur mathématique que j’ai donné dans mon exemple, les trois personnes infectées. En forçant les gens à rester chez eux, à éviter les brassages et les mouvements de population, on peut vaincre la maladie en la forçant à se tuer elle-même, parce que la courbe de croissance est réduite.
Le début de la foire à Castel-Brionne est pour moi une preuve que le début de la contamination a été volontaire. La date n’a pas été choisie au hasard. Tous ces marchands qui bougent vont infecter tout le duché — et au-delà, et c’est ainsi qu’une maladie peu grave va faire beaucoup de dégât. »


Corneille arrêta d’écrire à la craie, et se retourna en fronçant les sourcils.

« Comment vous savez que la contamination est criminelle ?
– …Parce que je…
Je l’ai senti.

Senti ? »

Solène grimaça, et haussa les épaules, ce qui provoqua un froncement de sourcil encore plus appuyé de la part de Corneille.

« Enfin ce n’est pas seulement ça. Nous avons aussi relevé des dessins à Clermont-d’Aquitanie, que j’avais présenté à frère Éloi. Des graffitis, découverts sur certains murs.
– Ah, oui, d’accord, je comprends…
Mais Clermont, c’est à des journées de marche d’ici. Quel est le rapport avec Bracieux ? »


Et pour tenter de suivre les événements, le docteur rajouta encore des flèches.

« Les marchands, et uniquement les marchands. C’est eux qui connaissent les dates des foires, c’est eux qui voyagent entre ces terres, et surtout, c’est eux qui fréquentent les prostituées.
Marc a été un client récent des Franc-Archers. Je pense, avec quasi-certitude, que c’est l’un d’eux qui l’a infecté avec assez de force pour que vous découvriez son état actuel. Il a servi à infecter d’autres bourgeois, puis, peut-être, ses « collègues » de la Lanterne Rouge. Il est une étape importante dans le cheminement de la maladie, mais pas le patient zéro.

– Le « patient zéro » c’est le tout premier à avoir été infecté, précisa Guido à Éloi.
– Bien. Vous semblez avoir absolument tout en main. Dans ce cas, la messe est dite.
Qu’est-ce qu’on fait, alors ? Enfin, moi je sais ce que je dois faire, mais pourquoi vous en discutez dans mon bureau ? »


Solène pinça ses lèvres, et ensuite, elle regarda Éloi tout droit.
Et elle se mit à lui parler directement, comme s’il n’y avait plus que lui qui importait.

« Il faut que tu me pardonnes, Éloi.
Comme tu le vois, entre moi, Guido, et le docteur Corneille, nous avons déjà une équipe très compétente. Nous savons comment enquêter et agir, nous avons le matériel et les documents, l’influence, l’infrastructure et l’argent.
Si nous t’avons ramené d’Orléac, ce n’est pas pour que tu contribues à quoi que ce soit de tout cela. C’est plus… Intime. Et compliqué. »

Guido se pencha un peu plus sur sa chaise, tandis que Corneille avait lâché son bâton de craie pour se rapprocher.

« Tu m’as dit, dans le théâtre anatomique, que tu avais fait un rêve. En fait, je crois que c’est un peu plus que ça. Je crois que, depuis que tu es enfant maintenant, tu as souvent des épisodes de… Transe, ou de joie, ou des rêveries prémonitoires. C’est ce que m’a raconté la sœur prieuse Clémence. Et aussi… Amandine. »

Elle se mordit les lèvres après avoir prononcé ce prénom, comme si elle le regrettait déjà. Comme si elle craignait d’avoir touché une corde sensible.

« Je ne suis pas Morrienne. Mais je ne suis pas pétrie uniquement de rationalité très Vénéréenne comme notre bon docteur non plus.
– Tsss.
– Si tu as quitté Orléac, c’est parce que c’est… Cette part de toi qui est importante.
Alors, s’il te plaît… Détaille-moi un peu plus ce rêve. Si c’est trop sensible, on… Peut se mettre dans une pièce à part, tous les deux. »


Et les deux vieux messieurs se regardèrent mutuellement, interdits.
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Frère Éloi
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par Frère Éloi »

Rivé au regard de Solène, je me tiens coi, écoutant ses clarifications quant au fonctionnement de l’épidémie, lorsque un air grave se fait jour sur son visage. Et elle s’adresse à moi d’une voix égale, introduisant avec précaution son propos, dont les termes détournent substantiellement la tonalité de notre conversation. Elle m’annonce ainsi sans guère d’ambages que ma mission au service de la Révérende Mère ne constitue en réalité qu’une aide accessoire, un prétexte commode, sans rapport avec l’utilité que l’on me trouve. D’abord surpris, je me raidis quelque peu, en proie à un sentiment d’incompréhension teinté d’appréhension. A la faveur des silences ménagés par le discours de ma consœur, je m’évertue d’une part à intégrer la teneur de ces révélations, et d’autre part à en démêler les conséquences sur l’écheveau de mes émotions. Au-delà de la vague de stupeur, ce sont bien les remous tourmentés de ma fierté malmenée qui agitent mes pensées. On m’annonce en effet, sans autre forme de procès, que l’on m’a menti, ou à tout le moins pas dit l’entière vérité. Mais il y a plus, derrière cet état de fait : on ne m’a donc pas retiré d’Orléac, ni ôté ma vie bien rangée pour les raisons initialement avancées. Qu’est-ce à dire exactement ? Que sous couvert de tirer parti de mes compétences, et de m’associer à l’investigation en cours, on m’a en fait utilisé, manipulé, tel un vulgaire pion sur un échiquier. Dépité, c’est au prix d’un effort conséquent que je m’échine à me départir de mon ego blessé, tâchant de voir dans la confidence volontaire de Solène une marque de confiance après de nécessaires mensonges. Ma déception péniblement jugulée, c’est toutefois mon appréhension qui revient au galop, comme Solène revient sur mon songe de la nuit dernière. Un tempétueux océan d’émotions déchaînées me submerge toutefois à la mention d’Amandine, me laissant hébété, sous le coup d’une violente surprise, ballotté par les réactions successives de mon esprit abasourdi.

Vient d’abord le déni, sur fond de stupéfaction. Non, elle ne peut pas être au courant de ça. Comment le serait-elle ? Elle ment, encore, c’est certain. Elle ment forcément. Personne ne sait. Personne, à l’exception de…

Vient ensuite le ressentiment, avivé par les braises d’une sourde colère. Elle n’a pas le droit de savoir ça. C’est privé, personnel, secret. Un fragment de mon intimité qu’il me révolte de voir ainsi violé.

Vient enfin la douleur de la trahison, vectrice de défiance. Mes entrailles sont comme nouées en une boule d’amertume, de résignation, et de rancœur. Un fossé béant de méfiance m’entoure, insondable, grandissant, dévorant. Un doute vorace me ronge, comme je peine à accepter cette divulgation non consentie. Ça fait mal, de voir sa confiance trahie. C’est comme un déchirement intérieur ; ça abîme, froisse, écorne l’âme.

***

La dame veille.

Son granit est dur, brut, contre ma joue. Blotti à ses pieds, j’étreins de mes petits bras sa robe de pierre. Grelottant sous la pluie battante, j’ai froid. Déterminé à rester éveillé, je scrute avec elle l’entrée du domaine, et son portail grand ouvert. J’ai peur que quelque chose n’émerge des ténèbres de la nuit, et ne passe outre la vigilance de la dame de granit. Collé à la pierre, je tends l’oreille, jurant l’avoir entendu soupirer. Mais c’est à l’autre oreille que se fait entendre un murmure.
« Éloi, il faut retourner au dortoir. Tu vas prendre froid. »

Je me crispe, bel et bien transi, et rétorque péniblement, entre mes dents serrées, d’une voix juvénile.
« Non ! Gontheuc a besoin d’aide. »

Patiente, la voix persévère.
« Allons, Éloi. Sainte Gontheuc protège cette abbaye depuis des siècles. A-t-elle vraiment besoin de la compagnie d’un enfant de onze ans ?
- Oui. »

Un silence, seulement ponctué par les sons de pluie le long de l’allée.
« Pourquoi cela ? »

Je grimace dans la nuit, la mâchoire serrée, et marmonne.
« Elle est en danger. Il va venir.
- Qui donc, Éloi ?
- Le sonneur de glas. Je l’ai vu, le lépreux sur le seuil. »

Le visage soucieux d’Amandine emplit mon champ de vision. Elle m’adresse un sourire triste, avant de m’enlacer, m’éloignant doucement de la statue. Frigorifié, les yeux noyés de larmes, je m’agrippe à sa robe à mon tour, y enfouissant mes doigts gourds. Rechignant à m’éloigner de la statue, je me plonge un moment dans son regard plein de compassion, m’efforçant d’émerger de mon rêve éveillé.
« Oh, Éloi… Il y a d’autres moyens de soutenir les saintes de la Colombe que de passer la nuit sous la pluie. Sainte Gontheuc nous a légué une prière pour ça. Si tu rentres maintenant, je veux bien te l’apprendre. »

Reniflant piteusement dans les plis de sa robe, j’acquiesce sans mot dire, secoué d’un lourd sanglot.
« Là, ça va aller. Répète après moi.
Je ne craindrai pas les terreurs de la nuit... »

* * *

L’oiseau pleure, il va se noyer ;
Embourbé, les ailes engluées,
Pris au piège du malin bourbier.

Un silence pesant tombe sur le confessionnal de l’abbatiale, faisant suite à mes confidences. A cette heure de la nuit, il n’y a personne d’autre aux alentours de la nef de l’abbatiale. A genoux dans la loge latérale, je serre entre mes doigts ma petite colombe de bois, m’efforçant de contenir mes larmes, de réprimer mes sanglots. Des cernes de fatigue bordent mes paupières closes : j’ai encore rêvé de la colombe embourbée ; c’est la septième fois ce mois-ci. Le décor peut changer, mais certains éléments du songe sont intangibles : il y a toujours une blanche colombe, prise au piège d’un gluant cloaque. L’oiseau s’agite, paniqué, ne parvenant qu’à s’enliser davantage. Quant à moi, je suis aussi présent, parfois loin, parfois plus proche, mais toujours rivé au sol par quelque noire fange entravant mes mouvements. Comme l’oiseau se noie, j’ai moi-même l’impression d’étouffer, angoissé, comme pris à la gorge par quelque étau d’airain, jusqu’à ce que la panique me réveille en sursaut.
« Est-ce tout ? »

La voix impassible de Mère Clémence retentit depuis la loge centrale, de l’autre côté du rideau de persiennes ne laissant entrevoir que sa vague silhouette. Ayant constaté mon récent manque de sommeil, la prieuse de l’abbatiale a instauré ce rituel de confidence systématique, souhaitant que je lui rapporte la teneur de mes songes agités. Elle se contente d’ordinaire de m’écouter narrer avec difficulté les détails de ce rêve récurrent. Mais parfois, comme à l’instant, elle pose une question, parfois précise, parfois vague, avant de prendre congé.
« Non, Mère. Il est toujours là.
- Développe. »

Je m’humecte les lèvres, réticent. C’est comme les autres fois ; pourquoi veut-elle spécifiquement que je décrive cet oiseau de malheur, encore et encore ?
« Il y a un oiseau noir, plus gros, qui observe.
- Corbeau ou corneille ? »

Je serre les dents, pris de vertige, et vient apposer mon front contre le mur de la loge.
« Bec effilé. Corneille.
- Épiant la colombe ? »

Je laisse échapper, malgré moi, un sanglot étouffé. J’en ai assez de revivre ce songe de bout en bout. Faites que cela cesse ; j’ai besoin d’une infusion de sauge. Je frémis, pris d’un rire amer.
« Non. Il me regarde moi. »

***


Je reviens à moi dans un silence pesant. Une lueur crépusculaire baigne la pièce d’une riche lumière orangée. Solène me fait toujours face, la mine grave, tandis que les deux autres nous toisent, un peu en retrait.

La colère a disparu ; la douleur s’est estompée ; ne reste plus qu’une angoisse lancinante à l’idée de partager mon dernier songe. Ce que Solène me demande là, c’est de narrer quelque chose d’intime. Or, je ne suis pas certain de pouvoir le faire. Se mettre à nu devant quelqu’un, ça demande une confiance inébranlable envers cette personne ; la certitude qu’on ne vous jugera pas. Avec Mère Clémence, j’étais obligé, je n’en dormais plus. Avec Amandine, c’était différent, on pouvait tout se dire. Mais là, présentement, je ne suis ni contraint, ni en confiance. Pourquoi consentirais-je à m’exposer ainsi ?

La réponse me vient après une longue exhalaison. Amandine n’aurait jamais confié nos secrets à quelqu’un en qui elle n’avait pas confiance. Faire confiance à Solène, malgré les mensonges, c’est en définitive avoir confiance dans le jugement d’Amandine.

Expirant longuement, j’entreprends de relater mon plus récent songe, la voix chancelante, le regard rivé à celui de Solène, narrant le rêve comme si j’y étais.

« Je suis à l’hospice d’Orléac. Je m’y suis rendu parce que j’ai entendu un bébé pleurer.
Mais quand j’arrive, pas de bébé.
Il y a un seul lit, au milieu de la pièce, avec deux sœurs masquées au chevet de Maman. »


Ma voix se mouille à la mention de ce dernier mot ; un voile de larmes brouille ma vision. Je ventile un peu. Mais je m’efforce de poursuivre, mot après mot, resserrant mes doigts sur la petite colombe de bois contre mon cœur.

« Elle pleure. Elle hurle. Elle va mourir, je lui fais du mal.
Je demande qu’on la sauve. »


Je serre la mâchoire, tendu, revivant le déchirement de l’instant. Ma voix se fait sourde ; je poursuis dans un murmure susurré entre mes dents serrés.

« Le glas sonne. L’homme-charogne s’avance.
Il… la touche.. et… il me parle. »


Un rictus de dégoût tord mes lèvres au souvenir de sa main purulente sur le visage masqué de Maman. Je gémis, haletant, regrettant amèrement d’avoir convoqué ces images d’indicible horreur. Mais le plus difficile à rapporter reste encore à venir. Jamais auparavant le sinistre observateur ne m’avait adressé la parole en songe.

« Il… me… dit…
Qu’il a déjà gagné.
Que... je n’y peux rien.
Qu’il … peut… m’aider... »



Le goût salé de mes propres larmes perle à la commissure de mes lèvres. Je vois Solène réfléchir, songeuse, la mine grave, comme un silence accablant tombe sur la pièce. Pris d’un sentiment diffus de honte, je me refuse à détourner le regard vers Guido ou le docteur Corneille. Ce que j’ai dit, je l’ai dit pour Solène. C’est elle que je voudrais entendre réagir. Parce qu’Amandine lui a fait confiance.

D’une voix mouillée, quoique un peu plus stable, je marmotte, comme pour m’en convaincre :

« Ce n’était pas un simple rêve ; c’était comme les autres fois.
Comme une provocation. »
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États temporaires
Une vie de Paix : +1 à tout jet visant à guérir un patient blessé, malade ou empoisonné.
La vie avant tout : doit tenter d'interrompre les affrontements auquel il assiste, à moins que le combat ne soit mené contre des ennemis.

Compétences :
- Maîtrise de l'Aethyr (1)
- Coriace : -1D3 dégâts subis.
- Réflexes éclairs : +1 aux tests d'initiative en situation de surprise.
- Résistance accrue : +1 aux tests d'endurance.
- Sang froid : +1 aux tests de caractéristiques effectués en situation de stress ou tension.
- Volonté de fer : +1 aux tests de volonté.
- Traumatologie : Sait administrer les premiers soins ou favoriser une guérison plus rapide.

- Alphabétisé : Capable d'écrire et de lire le Bretonnien.
- Langage secret (Classique) : Capable d'écrire et de lire le Classique.
- Législation : Sait manipuler le droit à son avantage.
- Doctrine du Culte (Shallya)

- Cuisine : Se débrouille en cuisine. +1 pour détecter des substances nocives dans la nourriture.
- Empathie
- Affûtage mental
- Incantation - Shallya
- Sens de la magie
Équipement porté sur soi :
8 sous d'argent 8 deniers
- Bâton de marche
- Robe de bure jaunie / Tenue en lin / Ceinture / Sandales
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- Livre de prière de Shallya
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

À nouveau, un silence de tombe. Éloi avait choisi de raconter ses souvenirs devant les deux hommes, qui avaient tout deux écoutés. Guido lança un regard au sourcil froncé à une Solène qui demeurait toute stoïque et muette, tandis que Corneille, lui, soupira.

« Je vais voir comment va votre patient.
Vous fermerez la porte de mon bureau en partant. »


Et en disant ça, il envoya la clé en l’air pour que le mercenaire s’en saisisse au vol, avant de quitter le laboratoire sans une explication.

Solène exhala tout l’air de ses poumons, et pianota sur ses genoux. Elle claqua sa langue, un son qui trahissait son agacement, avant d’enfin parler.

« Le domaine des rêves est très difficile pour moi à appréhender. Un serviteur du culte mortuaire serait probablement bien plus apte que moi à ce sujet.
Mais ce qui est certain, en tout cas, c’est que… Ce n’était pas juste un cauchemar. Les songes ont une… Force, si je puis dire, assez particulière. »


Le mercenaire grogna. Et, étonnamment, eut également un commentaire à faire :

« Le père Galceran pourrait peut-être aider. Si on lui met la main dessus.
C’est un augure du Veilleur. Une sorte de mystique, un vieillard dont on dit qu’il peut prévoir l’avenir par l’étude des rêves. Le problème… C’est qu’il n’est plus à Brionne. Il était à la cour il y a trois ans, lorsqu’il a soudainement disparu sans une seule explication. On pourrait en demander au clergé.

– Je… Je me souviens de lui, oui. J’étais juste une jeune initiée alors. Le père de Théodoric appréciait ses conseils, et Galceran aurait très bien pu devenir aumônier du duché si Sébire n’avait pas assuré sa place.
Le culte de Mórr est une religion qui aime ses secrets. Les approcher peut être difficile. Mais pas impossible. Tu le sais, car nous sommes allés à ce cimetière ensemble tous les trois. »


Guido se leva, et s’étira.

« Dans quatorze jours, ce sera le début officiel de la foire de Castel-Brionne. Si la maladie met plusieurs jours à se révéler dans le corps de quelqu’un, cela nous laisse juste un tout petit peu plus d’une semaine pour mettre la main sur le patient zéro.
Si nous sommes certains que la personne à l’origine de cette épidémie est un serviteur d’un Dieu noir, ça peut rendre notre tâche plus aisée. Mais il va falloir faire des choix. On ne va pas pouvoir se dilapider. »


La jeune prêtresse approuva d’un hochement de tête.

« Mes soupçons portent encore et toujours sur les Adelwijn. Ceci n’a pas changé.
Continue ton œuvre, Éloi. Il faut que tu approches la fille, les domestiques, la famille. Il faut que tu les surveilles, que tu observes leurs horaires, leurs correspondances, où ils se rendent, quelles sont leurs relations… Le moindre détail, aussi minuscule soit-il, sera important.
Je vais moi-même continuer d’interroger Marc. Trouver qui a bien pu le rendre malade comme ça…

Est-ce que tu as d’autres questions ? Ou besoin d’aide pour quelque chose ? Si tu as besoin que le culte t’offre des biens ou je-ne-sais quoi, on peut pourvoir. »
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Frère Éloi
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par Frère Éloi »

Reprenant peu à peu contenance tandis que la parole tourne, je déglutis péniblement, m’efforçant de m’affranchir de mes présentes émotions pour retrouver une mine attentive et concentrée. Cela n’est toutefois pas chose aisée, car je suis bel et bien dissipé, plusieurs réflexions simultanées suivant leur cours dans mon esprit à la dérive.

Il y a certes mon interrogation persistante quant aux tenants et aboutissants de l’enquête diligentée par la Révérende Mère Sébire : Solène m’exhorte à persister dans mon entreprise d’infiltration de la maisonnée des Adelwijn, et ce alors même que le temps joue contre nous. Il ressort de son discours que je vais devoir montrer davantage de hardiesse, et amender mes plans en fonction de ce calendrier très contraint. En effet, suivant l’estimation de Guido, je ne dispose de guère plus de quatre cours de classique auprès de Joséphine Adelwijn pour enquêter avant qu’il ne soit définitivement trop tard pour agir en ce sens.

J’ai aussi en tête la promesse faite à Main-Ferrée de me mettre en quête de son comparse Simon et de sœur Coline, la prêtresse shalléenne disparue depuis près d’une semaine. S’il me reste deux jours avant le prochain cours à donner en la demeure Adelwijn, je ne peux passer ce temps à rechercher uniquement les deux individus. Je dois en effet également préparer et apprendre plusieurs éléments de langage pour tenter d’établir une forme de complicité avec Joséphine Adelwijn, puisque le temps manque. Malgré tout, je tiens à faire de mon mieux pour honorer ma parole.

Mais je suis surtout bien préoccupé par la teneur de mes songes. Mon angoisse ravivée par mon pénible récit, je me sens chavirer, mon for intérieur en proie à un violent tumulte d’émotions changeantes. Ce n’est d’ailleurs plus la stupeur, ni l’appréhension qui dominent ce vacarme intérieur, mais bien une masse sourde, tonnant, grondant depuis le creux de mes entrailles où elle semble lovée. Cette émotion primaire, viscérale, salvatrice embrase mes veines, avive mes nerfs d’une douce chaleur à fleur de peau. Séchant mes larmes d’un revers de manche, je le constate sans rien pouvoir -ni vouloir- y faire : Shallya me pardonne ; je fulmine ; je suis en colère.

C’est d’une voix rapidement redevenue assurée que je rétorque à Solène, ma réserve coutumière incapable de contenir le poids des griefs qui me taraudent et me pèsent sur le cœur. En quelques instants, un inexorable flot de doute et d’interrogations se fraie donc un chemin jusqu’à mes lèvres.

« Oui… Oui, j’ai une question. Plusieurs, en fait.

Pourquoi ? Pourquoi est-ce que je rêve de…lui, parfois, comme ça ? J’ai pourtant toujours suivi les préceptes de la Colombe… Ai-je offensé le Veilleur, pour qu’il le laisse me tourmenter ainsi ?

Pourquoi m’avoir choisi, si c’est… ça qui importe à la Révérende Mère ? Si mon rôle chez les Adelwijn est la plus accessoire de mes contributions, j’aimerais savoir quel est l’intérêt principal.

Pourquoi ai-je l’impression que tu en sais plus à ce sujet que tu ne m’en dis ? Qu’est-ce que tu as senti exactement ? »



Je m’interromps un instant, troublé par le tremblement que je surprends dans ma voix. Ce ne sont pas des sanglots, cette fois, mais une vibrante protestation dans laquelle je ne me reconnais pas. Fronçant les sourcils, le visage fermé, je prends une longue respiration, et d’une voix sourde, pose la question qui me tient peut-être le plus à cœur :

« Pourquoi avoir mêlé Amandine à tout ça  ? »


Rongé par mon énervement, je reste un moment là, à fulminer, désormais drapé dans un mutisme lourd de sous-entendus. Mon regard ne quitte pas Solène, car c’est d’elle que peuvent venir les réponses que j’attends. Mais en dépit de toute la frustration que j’éprouve en cet instant, je suis au fond de moi soulagé de constater que mon émoi n’est pas dirigé contre quiconque. D’ailleurs, est-ce vraiment du ressentiment, plus que du désespoir que j’éprouve en cet instant ?

A la longue, l’ire pulsatile battant mes tempes en vient à décroître, s’amenuisant jusqu’à ne plus guère représenter qu’un lit de braises rougeoyantes au fin fond de mon for intérieur. La douleur est toujours présente, quoique moins vivace ; cet instant de confession a purgé une bonne part du doute vicié qui me rongeait jusqu’alors. Lorsque je reprends enfin la parole, bien plus tard, c’est d’une voix substantiellement plus mesurée, posée, apaisée, tâchant vainement d’éloigner la conversation de mes abruptes confidences :

« Au Furoncle, j’ai rencontré un groupe de suivants de Ranald -des amis de Tréveur. Un des leurs, Main-Ferrée, m’a fait part de la disparition récente d’un de ses acolytes, et de sœur Coline, de notre ordre. Il semble que tous deux sont partis pour le Collège de médecine, et n’ont plus donné de nouvelles. J’ai promis de me mettre à leur recherche. Ont-ils été admis ici ?

Il y a aussi cet homme, Ambroise de Carantilly, qui prêche dans les rues, incitant à la révolte populaire, attisant les braises de la misère pour créer un trouble qui ne peut que peiner Shallya. Je ne l’aime pas, mais serait bien en mal d’expliquer pourquoi. Une intuition quant à ses motivations. »
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

La première série de questions ne concernait pas tellement Guido ; cela n’empêcha pas le sergent, maintenant debout, de se retourner et de semi-s’asseoir sur le bout d’une table, croisant ses bras devant son poitrail, sa tête passant de la direction du jeune homme à celle de la jeune femme tandis que la sœur répondait.

Au début, Solène approuva de très légers hochements de tête. Mais ensuite, elle se mit soudain à froncer les sourcils, à devenir bien plus figée, et, pour une fois… Un peu moins accorte qu’à l’ordinaire.

« Je n’ai pas mêlé sœur Amandine à tout cela », rétorqua-t-elle avec un persiflage qu’on aurait bien entendu dans la bouche de Sébire. « La sœur prieuse nous avait informés à ton sujet, je me suis renseignée, auprès d’elle et auprès d’autres Shalléennes d’Orléac. Il n’y a rien de secret là-dedans.
Je te l’ai dit, je ne suis pas Morrienne, je suis incapable de répondre à tes questions là-dessus. Je n’ai aucun moyen de t’aider quant à tes songes. Peut-être que c'est une punition du Veilleur, ou peut-être est-il innocent dans ces cauchemars ; les mauvais rêves peuvent être provoqués par les mauvaises forces.
Ce dont je suis certaine, c’est que de toutes les clercs de l’abbaye, tu as toi reçu une… une faveur, de Shallya, qui te permettra de très rapidement identifier quel est le mécréant qui gangrène la maison Adelwijn. Tu n’as peut-être pas l’éducation d’un limier, mais je t’assure que tu comprendras ce que je veux dire lorsque le moment sera opportun. »


Aux questions suivantes, Solène reprit une voix plus gentille. Elle fit la moue à la mention du Furoncle, et haussa des épaules.

« Il… ne m’a pourtant pas semblé qu’il y avait d’autres patients en arrivant ici… Je vais demander à André-René des informations à ce sujet. La sœur Coline, ce sera aisé pour moi de me renseigner, je demanderai à la révérende-mère, ou plutôt sa secrétaire, tu sais, la jeune noble qui était avec nous dans la voiture…
As-tu le nom de cet acolyte, une description, ou est-ce un secret ? Je peux m’en charger, ou bien, tiens, tu pourrais aller lui demander toi-même — tu es rentré ici avec lui sans que je n’aie eu besoin d’intercéder, c’est que ce bon étudiant doit un peu t’apprécier. »


Pour une étrange raison, ce commentaire la fit sourire.

Lorsque le sujet d’Ambroise fut mis sur le tapis par l’initié, ce fut le sergent qui réagit au quart de tour. Le voilà qui ricana gras, et, coupant toute réponse à la prêtresse, il ne put s’empêcher de se fendre d’un commentaire :

« Ambroise de Carantilly prêche dans la rue, maintenant ?! Incroyable cette affaire ! Pour un Dieu ? Il s’est fait prêtre ? Ou il fait le politicien ?
Sacré grand garçon, celui-là ! Qu’est-ce qu’il racontait de beau ? »


Solène leva ses deux sourcils, visiblement intriguée.

« Son nom me rappelle quelque chose, tiens. Oui… J’étais toute jeune fille, mais c’était un homme de la cour… non ?
– Ambroise de Carantilly était un petit seigneur, mais c’était le favori du duc… Mais l’ancien, le papa, Théodoric le quatrième !
Un homme très beau, très calme, très discret, habillé tout en noir au lieu d’être bleu-blanc-rouge comme le reste des aristocrates — il servait de chambellan, et son but était de tisser une jolie toile d’espionnage pour rivaliser avec celle des Malicornes qui ont pris le parti du fiston. Ambroise était un tout jeune blanc-bec, avec trop de pouvoir pour un gosse de moins de trente piges ; le Duc lui a offert une jolie femme, des terres, des titres, et le trimballait partout avec lui !

– Et il a perdu toute faveur ensuite ?
– Quand Théodoric le cinquième est revenu pronto à la mort de son paternel, il s’est bien vengé d’Ambroise. Il lui a piqué sa femme — elle est devenue une de ses maîtresses — et s’est approprié ses terres en toute illégalité ! Ambroise a porté plainte devant le Parlement — mais Théodoric V a obtenu la majorité au Parlement, alors les poursuites se sont toutes finies en non-lieu ! Il paraît qu’Ambroise était tellement remonté, écœuré, qu’il a juré qu’il allait à la cour itinérante de Louen, le Roy en personne, pour obtenir justice !
Il est con s’il a vraiment fait ça. Louen aime les gens de bien, preux, chevaleresques — Ambroise n’a jamais été chevalier errant, même pour de faux, même avec juste des lices de tournoi à son actif. Il sait pas tenir une épée !
On a dû le voir comme un bourgeois qui déshonorait son rang. Et Louen, il est prêt à dédommager des bourgeois qui ont été spoliés ; je pense pas qu’il soit prêt à dédommager un faux-noble sur des griefs nobiliaires.

– Comment es-tu au courant d’autant de choses ? Je t’imaginais pas aussi intrigant.
– Parce que ce crétin d’Ambroise en pinçait pour Sébire ! Il était fou amoureux d’elle, et malheureusement pour lui, quand bien même il est très beau et il se parfume, Sébire n’est pas du genre à… Apprécier les beaux garçons. Il en est devenu un peu mauvais, et une fois, j’ai eu le plaisir de l’attraper par le col, je lui ai donné un pain, et je l’ai balancé hors du Temple de Shallya !
Pauvre Sébire a été obligé de re-consacrer le parvis que j’ai profané avec ma violence juste ensuite ! Mais il le méritait, vous inquiétez pas mes amis ! »

Jet d’empathie sur Solène : 16. Tu as l’impression qu’elle est plutôt sincère.
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par Frère Éloi »

La subite raideur affichée par Solène me refroidit dans mon émoi, et me laisse surpris, interloqué, pantois. L’attitude de la sœur au cours de la conversation ne laissait pas présager un si rapide retour à une rigoureuse bienséance, dont la soudaine irruption me prend au dépourvu : je n’avais pourtant pas le sentiment de pécher par excès de familiarité, mais bien de faire preuve d’honnêteté comme on m’y avait invité. Mon ego désormais froissé par ce revirement de posture de la part de mon interlocutrice, je me tais, et détourne mon regard du sien, fuyant l’intransigeante réprobation que je soupçonne au fond de ses prunelles. Il ne lui a pas fallu plus de quelques secondes pour adopter des airs distants que je connais d’ordinaire à la Révérende Mère. Elle a beau rapidement adoucir à nouveau son ton, l’instant me reste encore en travers de la gorge, de sorte que je me drape dans un mutisme amer, honteux de m’être ainsi exposé. J’ai manqué de réserve ; je le vois désormais.

L’histoire contée par Guido a le mérite de détourner l’attention de Solène, de m’accorder quelque répit pour ruminer mes propres pensées, mais aussi de donner du sens aux motivations du dénommé Ambroise. Le passé malheureux de ce nobliau au chemin pavé d’embûches éclaire en effet d’un jour nouveau son discours de tout à l’heure. Lésé par l’actuel Duc, il prône la révolte populaire en instiguant le peuple de la Gâtine à se défier du conseil ducal. Éconduit par Sébire de Malicorne pour les raisons que l’on sait, il intrigue pour noircir encore sa réputation ambivalente en ville, et attiser la méfiance du peuple à son égard. Mais au fond, de ce que semble narrer -un peu crûment- l’ami sergent, Ambroise de Carantilly est avant tout un pauvre hère victime des aléas de la politique régionale.

La longue narration de Guido, ponctuée de répliques de Solène, m’ayant écarté du centre de la conversation, je prends donc congé sur ces entrefaites, ne souhaitant pas épiloguer, drapé dans une réserve songeuse.



Errer sans guide au sein du bâtiment de l’académie de médecine se révèle une entreprise des plus hasardeuses ; je me méprends, et, désorienté, m’égare le long de couloirs dont je pense à tort qu’ils mènent à l’amphithéâtre. Bel et bien perdu, je erre quelques minutes tel une âme en peine, avant d’oser aborder un étudiant gréviste qui passe par là, lui demandant mon chemin. Plutôt que de demander la direction du théâtre anatomique, je sollicite plutôt le chemin de ce qui tient lieu céans de dispensaire. Non sans m’avoir toisé des pieds à la tête, l’air incrédule, mon interlocuteur -un garçon trapu au visage constellé de tâches de rousseur- a néanmoins l’amabilité de m’orienter.

C’est en suivant ses indications que je trouve mon chemin jusqu’à une salle d’hôpital aux murs nus et austères teintés de la lumière désormais bien déclinante de l’horizon orangé. Huit lits meublent l’endroit, disposés en deux rangées bien ordonnées se faisant face de part et d’autre de la pièce. Comme je m’avance vers une silhouette seule me tournant le dos, au chevet d’un patient alité, je reconnais André-René, qui m’intime le silence d’un geste de la main. Baissant les yeux sur le seul lit occupé du petit dispensaire, je suis étonné de trouver marc assoupi, plongé dans un sommeil manifestement paisible à en juger par le rythme de sa respiration. Le patient avait pourtant acquiescé lorsque le professeur Corneille l’interrogeait quant à de possibles insomnies ; le voir maintenant aussi serein est éminemment surprenant. Curieux, j’interroge à mi-voix André-René quant à la nature du remède utilisé, mais celui-ci hoche pensivement la tête de droite à gauche, ne cachant pas sa perplexité. Parvenu au niveau du lit, je demeure un moment songeur, contemplant la tranquillité du dormeur ; avant de relever la tête vers le grand étudiant.

« Merci pour l’invitation, et la leçon. Ça doit être stimulant, la mise en application de toutes ces connaissances. »

Petit silence, du genre de ceux qu’on n’aime pas laisser durer. Les lèvres pincées entre les dents, je renonce à chercher une amorce de conversation valide, et en vient au fait, parlant sans détour.

« Comme je l’ai dit dehors, je suis à la recherche d’une de mes sœurs, et d’un malade du nom de Simon. La quarantaine, et probablement les mêmes symptômes que Marc. Ça te parle ? »

Une idée ressurgit dans mon esprit, amenant une autre question, que j’entends lui poser après coup :

« Combien ça coûte ? Je veux dire... D’étudier la médecine dans une prestigieuse université ? »
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- Affûtage mental
- Incantation - Shallya
- Sens de la magie
Équipement porté sur soi :
8 sous d'argent 8 deniers
- Bâton de marche
- Robe de bure jaunie / Tenue en lin / Ceinture / Sandales
- Grande sacoche contenant couverts, rations diverses
- Livre de prière de Shallya
- Amulette de Shallya
Fiche wiki[Annexe] Brionne et Orléac

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