[Éloi] Princesse de la Foi

La Bretonnie, c'est aussi les villes de Parravon et Gisoreux, les cités portuaires de Bordeleaux et Brionne, Quenelles et ses nombreuses chapelles à la gloire de la Dame du Lac, mais aussi le Défilé de la Hache, le lieu de passage principal à travers les montagnes qui sépare l'Empire de la Bretonnie, les forêts de Chalons et d'Arden et, pour finir, les duchés de L'Anguille, la Lyonnesse, l'Artenois, la Bastogne, l'Aquilanie et la Gasconnie.

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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

« Monsieur de Romulus, vous devez être né sous une constellation charitable !
– Moi ? Sous le fourreau de Grungni.
– C’est ce que je me disais, peut-être à l’intérieur de son fourreau…
– Et pourquoi donc l’avez-vous deviné ?
– Les guerres vous ont tant surmené, monseigneur, vous ne pouvez être né que sous les auspices de Grungni !
– Dans sa prédominance.
– Ou dans son mouvement rétrograde.
– Pourquoi cela ?
– Car vous rétrogradez si bien en combattant ! »

Octave disait au revoir à sa famille. À sa mère castratrice, à son père froid qui ne parle que de chevaux (Histoire de caser quelques jeux de mots sur les montures et les étalons), à sa grande sœur dont il est amoureux — sœur jouée par un homme portant une robe échancrée, dévoilant une jambe musclée mais épilée.
Et alors qu’Octave disparaissait pour rejoindre le Princeps Artasius, le spectateur demeurait à Tylos.

Si le personnage du tyran d’Artasius devait représenter le monarque de Bretonnie, il n’était incarné par aucun acteur, et à aucun moment véritablement critiqué. Il demeurait une présence rapportée par les acteurs.
Alors, pendant deux heures, en l’absence de notre héros et de son suzerain, tout un tas de personnes de la société Tylosi apparaissaient.
Le proconsul monsieur de Romulus ourdissait un grand complot pour prendre le pouvoir en l’absence des combattants traversant la mer pour détruire et violer Nehekhara. Il s’assura pour cela du soutien du père d’Octave, un maître de la cavalerie zoophile, avant d’aller courtiser la grande prêtresse de Myrmidia qui était une femme fort belle et peu vêtue, dotée de pouvoirs magiques. Il négocia avec le tribun de la plèbe, qui accepta de cacher du grain dans des entrepôts pour encourager l’émeute et la révolte. Entre des farces et des plaisanteries destinées à obtenir des rires à gorges déployées de l’assistance, c’est en fait toute la société Bretonnienne qui était passée au crible : Les marchands étaient tous véreux, les plébéiens de Tylos tous lâches, les militaires tous déconnectés du réel, préférant se gaver sur des divans qui étaient installés à l’acte suivant.
Finalement, les esclaves se révoltèrent, et accusèrent l’illustre Artasius pour tous leurs maux. Ils tuèrent la famille du Princeps, et portèrent le bouffon obèse Romulus en triomphe.

Mais Octave revenait, avec son nouveau surnom acquis en combattant sur l’autre continent : Lanius, le boucher. Les prêtresses de Myrmidia allèrent le voir alors qu’il revenait avec les Légions victorieuses. Il annonçait avoir enterré Artasius auprès de Morr, car il avait été tué par une flèche empoisonnée. La jolie prêtresse, qui avait pourtant participé aux complots de Romulus, changea de camp lorsque le proconsul ne respecta son engagement de lui offrir un immense Temple pour elle et ses sœurs.

Alors que toute la pièce n’avait été qu’une vaste farce, les dernières scènes furent étonnamment tragiques. Lanius ramena l’ordre dans le sang, fit clouer les esclaves sur des croix, et tua sa propre famille félonne, avant d’être couronné Princeps à son tour par les Myrmidiennes qui ressortaient grandes gagnantes, car le premier acte du nouveau tyran serait de leur bâtir une cathédrale à la gloire de la Déesse à la lance.



Éloi savait qui était Myrmidia — c’était la sœur de Shallya, selon les légendes Classiques. Une Déesse de la civilisation, fort martiale et urbaine. Peu populaire en Bretonnie, bien que des étrangers comme des militaires passés par des compagnies d’ordonnance se mettaient à l’apprécier et à l’étudier.
Ce qui était certain, c’est qu’Éloi n’imaginait pas le culte féminin de Myrmidia comme un conclave de sorcières intrigantes, à moitié nues, chuchotant dans toutes les oreilles des grands princes, et provoquant des guerres et des rébellions selon leurs propres désirs, sans jamais être remis en question par personne.
En fait, la pièce servait à insulter par un moyen détourné les Damoiselles du Graal. Les servantes de la Dame du Lac, discrètes, travaillant dans l’ombre du pouvoir, jamais présentes dans les chapelles construites pour les héros de Bretonnie ; et qui, pourtant, avaient le pouvoir de sacrer le roy, de renverser tous les ducs, et de déclarer n’importe quel sujet du pays félon.


La pièce devait avoir duré quelque chose comme deux heures. Guido était parti un moment, il avait déclaré s’en aller pisser — on pouvait faire beaucoup de choses en terre consacrée, mais pas uriner. Les deux serviteurs de Shallya étaient donc seuls, tandis que tout le monde, après l’applaudissement dû aux acteurs, se relevait en se plaignant de maux au dos et aux fesses ; c’était un problème commun quand on était juste assis par terre.
Solène était un peu rouge ; elle semblait être légèrement en état d’ébriété. En tentant de se remettre sur ses jambes, Éloi eut le grand déplaisir de découvrir que c’était également son cas. Il se sentait joyeux, et bizarrement souriant, en même temps qu’il avait chaud et suait pas mal sous sa robe.

« Ah là là, ça va être dur de dormir ce soir. »

Solène regarda à gauche, et à droite — il y avait beaucoup de mal, mais aucune trace de leur chaperon.

« Bon sang, il est… » elle eut un hoquet. « Il est parti depuis longtemps, Guido ? »

Il avait filé au moment où la pièce était devenue trop sérieuse ; visiblement, il n’était pas pressé de voir l’épilogue.

« Enfin, c’était une superbe soirée…
Bonne idée que j’ai eu de nous emmener là, pas vrai ? Elle était magnifique la grande-prêtresse, à couper le souffle.
Faudra dire à Sébire de s’habiller pareil, non ? »


Elle offrit un grand sourire carnassier à son collègue.

« Qu’est-ce que tu penserais d’être acteur, Éloi ? C’est un peu ce qu’on va te demander de faire auprès d’une famille de Marienbourgeois. Tu sauras être à l'aise comme ceux sur scène ? T’as peut-être envie d’aller leur demander des conseils en coulisses, tiens ? »

Jet de jugeote d’Éloi : 9, réussite de justesse

Jet de résistance à l’alcool : 15, gros échec. Tu t’es pas jeté sur la vinasse donc t’es pas torché, mais tu es pompette. Tu as déjà été pompette dans ta vie donc tu dois savoir ce que ça fait.
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Frère Éloi
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par Frère Éloi »

Être pompette, c'est un état singulier, un parcours semé d'embûches. C'est comme longer le fossé de l'ivresse en s'efforçant de ne pas chuter. On a le regard hagard, l'esprit brumeux, les pensées confuses, mais l'on reste conscient. Pas de tout, évidemment. Les paupières se font lourdes, l'éclat des braseros agresse les prunelles. Le moindre déplacement provoque des vertiges modérés. Les surmonter procure une certaine satisfaction. On a l'impression de pleinement contrôler ses actions quand on en est loin. On apprécie vaguement les mouvements de son environnement. On comprend tout avec un instant de retard. On réfléchit plus lentement. Malgré tout cela, on demeure confiant, quoique paradoxalement conscient de sa propre ébriété.

Si je distingue assez bien, en me concentrant, le jeu des acteurs sur scène, tout le reste se confond derrière un voile cotonneux. Je ne me souviens plus ce que, ni seulement si, Solène a répondu à ma question quant à ses missions pour la journée de demain. En revanche, je ne suis pas peu fier de ma compréhension du sens caché de la pièce. Je me suis en effet un moment demandé pourquoi les prêtresses de Myrmidia sont représentées complotant à l’oreille des puissants, offrant à voir leurs formes aguicheuses dans les coulisses du pouvoir, avant d’y voir -peut-être à tort- une caricature de l’influence politique des damoiselles du Graal en Bretonnie. Le fait que le tyran de Tylos n’apparaisse jamais dans la pièce me conforte d’ailleurs dans l’hypothèse qu’il s’agit d’une représentation satirique de travers de notre propre société. Sage prudence de la part de la troupe, m’est avis, que de ne pas offenser nommément le duc de céans.

Je ne sais pas depuis combien de temps nous sommes ainsi assis dans l’herbe devant la scène, et j’ai perdu le compte des pichets de vin. Somme toute, cela n’importe que peu, puisque je suis encore bien conscient de mon environnement. D’ailleurs, Guido n’est plus là, comme me le fait remarquer Solène en se relevant. L’imitant péniblement, je vacille un peu sur mes appuis, cherchant mon équilibre. Je me sens somnolent, fourbu, et engourdi par les heures d’immobilité. Le vin me monte à la tête, au nez, aux oreilles, et j’ai la sensation de manquer d’air. Levant le visage vers la voûte nocturne, j’expire et inspire longuement, à plusieurs reprises, cherchant à arracher mon esprit à sa léthargie.
A peine plus lucide, je m’efforce d’offrir un regard attentif à Solène, occupée à faire preuve de mauvais esprit à l’égard de la Révérende Mère. Sa cynique remarque ne manque toutefois pas de peupler mes pensées de coupables images. Un semblant de remontrance me vient spontanément, que j’essaie de faire valoir, butant sur les mots, peinant à articuler.

« C’est-à-dire que... Ce serait inopportun, tu ne crois pas ? »

Remarquant tardivement le grand sourire arboré par mon interlocutrice, je comprends soudain qu’il s’agissait d’une question non seulement cynique, mais aussi rhétorique. Embarrassé par mon propre manque de clairvoyance, je me tiens coi tandis que Solène poursuit, m’assaillant de questions dont je ne saisis pas la finalité. L’esprit embrumé, je soupçonne à défaut quelque sous-entendu malicieux, et demeure sur la défensive, sourcils levés, rétorquant d’une voix sourde et avec grand sérieux :

« Eh bien, pas sur ce genre de scène, je pense. J’imagine que je suis davantage à mon aise dans des situations plus ordinaires. Après tout, c’est ce qu’on m’a recommandé : d’être moi-même, pour l’essentiel.
Et puis, je ne dis déjà pas tout ce que je pense. C’est aussi ce qu’on m’a demandé. »


Quelque chose dans l’attitude de Solène, dans l’expression ambivalente de ses lèvres maquillées, me fait à nouveau penser avoir répondu à côté. On dirait qu’elle attend, gentiment, poliment, que vienne une réponse à sa proposition. Reconnaissant à contrecœur être peut-être plus imbibé d’alcool qu’elle, ou peut-être plus fatigué, je préfère la laisser décider. Aussi, je m’humecte les lèvres, soupire un peu, et poursuit timidement, d’une voix mouillée.

« Tu as raison, c’est une superbe soirée, mais… Qu’est-ce que tu dirais de rentrer bientôt ?
Il fait chaud, et j’ai un peu faim.
On pourrait passer à l’auberge que tu mentionnais sur le chemin ? »
Modifié en dernier par Frère Éloi le 02 mai 2021, 18:40, modifié 3 fois.
Frère Éloi Voie du Prêtre Mystique
Profil : For 9 | End 9 | Hab 8 | Cha 11 | Int 11 | Ini 8 | Att 9 | Par 8 | Tir 8 | Mag 14 | NA 1 | PV 75/75

États temporaires
Une vie de Paix : +1 à tout jet visant à guérir un patient blessé, malade ou empoisonné.
La vie avant tout : doit tenter d'interrompre les affrontements auquel il assiste, à moins que le combat ne soit mené contre des ennemis.

Compétences :
- Maîtrise de l'Aethyr (1)
- Coriace : -1D3 dégâts subis.
- Réflexes éclairs : +1 aux tests d'initiative en situation de surprise.
- Résistance accrue : +1 aux tests d'endurance.
- Sang froid : +1 aux tests de caractéristiques effectués en situation de stress ou tension.
- Volonté de fer : +1 aux tests de volonté.
- Traumatologie : Sait administrer les premiers soins ou favoriser une guérison plus rapide.

- Alphabétisé : Capable d'écrire et de lire le Bretonnien.
- Langage secret (Classique) : Capable d'écrire et de lire le Classique.
- Législation : Sait manipuler le droit à son avantage.
- Doctrine du Culte (Shallya)

- Cuisine : Se débrouille en cuisine. +1 pour détecter des substances nocives dans la nourriture.
- Empathie
- Affûtage mental
- Incantation - Shallya
- Sens de la magie
Équipement porté sur soi :
8 sous d'argent 8 deniers
- Bâton de marche
- Robe de bure jaunie / Tenue en lin / Ceinture / Sandales
- Grande sacoche contenant couverts, rations diverses
- Livre de prière de Shallya
- Amulette de Shallya
Fiche wiki[Annexe] Brionne et Orléac

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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

« L’auberge ?
Si on va à l’auberge maintenant on en sort pas de la nuit ! Mais allez, je sais où on peut croquer un truc rapidement, et c’est en chemin. Faut juste qu’on retrouve notre Guido ! »


Aussi alcoolisé qu’Éloi, la Solène s’en alla d’un pas fort guilleret. Trottant d’une jambe à l’autre, elle se mit à ricaner en répétant la même phrase que son coreligionnaire avait prononcée au sujet de la grande-prêtresse qu’il faudrait imaginer en robe semi-transparente, couverte de bracelets aux poignets et aux chevilles : « Inopportun… »

Les deux regagnèrent l’allée, grimpèrent les escaliers, où la jeune fille aux pieds-nus de tout à l’heure avait disparue. Treveur, en revanche, se tenait toujours tout droit dans la cour. Un pied sur un parapet, il était en train de parler avec les deux vieilles qui hurlaient de rire à l’une de ses blagues. En voyant surgir les deux jeunes gens, il leur tira une révérence, et s’approcha d’eux d’un pas fort pressé.

« Hé bien hé bien, enfants de la Colombe ! Où allez-vous donc ?! Il faut rester après la pièce ! C’est le moment où on danse et on boit !
– Hé, beau Treveur, on rentre d’une journée en voiture, mon frère a très envie d’un lit confortable…
– Ne t’ai-je pas promis que tu pourrais aller en coulisses, ma sœur ?
– N’insistez pas, voyons.
– Soit, soit, je n’insiste pas ! Mais nous sommes encore au cimetière pour le reste du mois, ce sera un bel été ; si vous revenez la semaine prochaine, notre brigadier voudra peut-être jouer une histoire d’amour au lieu d’une farce !
Peut-être qu’il y aura des blondes, Éloi ! »


Il offrit un clin d’œil au jeune homme. Et il retourna à son poste de garde.

Guido ne fut pas dur à retrouver. En fait, il était en train de descendre dans la traboule. Il eut l’air étonné, et même assez déçu de rentrer si tôt, mais obtempéra malgré tout. Le trio regagna donc les rues de la Gâtine, beaucoup plus fraîches qu’en début de soirée, mais toujours aussi bondée. Ils repassaient dans ces ruelles étroites, remplies de débardeurs et de bourgeois peu fortunés, virevoltant entre les truands collés aux murets et les mendiants qui cherchaient à obtenir l’aumône des gens au cœur doux.
Comme promis, ils trouvèrent à manger. Un petit commerce avec pignon-sur-rue, au rez-de-chaussée d’un immeuble d’habitation, avait une forte odeur et une queue qui circulait rapidement. En posant un sou sur le comptoir, chacun reçut un bol d’une espèce de ragoût de mouton et de légumes, et un petit pichet de vin clairet — moins fort que celui servi au cimetière. Ils se posèrent contre un rouleau de foin pour rapidement se remplir l’estomac, et on n’entendait plus que leurs bruits de succion au milieu du brouhaha d’une ville qui ne connaissait pas le couvre-feu.
C’était bon, même si un peu cher ; Guido se plaignit que pour un demi-sou ils auraient pu avoir des petites tranches de pain fourré à se partager près du port, ou au contraire des petits anchois qui auraient bien suffi à épargner leurs faims. Solène soupira, et dit que si ça dérangeait tant le sergent, elle le rembourserait. Guido en parut outré, et commença à se répandre en explications, que patati, patata, c’était le principe qui le gênait, que lui il aimait pas dépenser de l’argent, puis que pour un sou ils pourraient servir un meilleur vin que celui-ci…
Après cinq minutes de discussion absolument inutile, Éloi put enfin caser un mot. Qu’est-ce que Solène allait faire demain ? Solène commença par répondre honnêtement.

« La grasse matinée, déjà. »

Comme ça c’était clair.

« Ensuite, pendant que t’iras te présenter chez les Adelwijn, je vais continuer à suivre ma piste des Francs-Archers de Bracieux. Identifier le tout premier malade est une affaire importante, mais tous nos efforts ont pas à reposer sur toi.
Ce qui m’intéresse, c’est ce que je t’expliquais dans la voiture : ces journées où ils se rassemblent entre eux en dehors de la ville… C’est sur invitation seulement, c’est très secret, leur fraternité est quasiment occulte. Ils ont des valets, mais ils sont tout le temps dans leur manoir, sur place. Tout le monde du panetier au fléchier est recruté hors de Brionne et bien sélectionné pour sa discrétion.
Y a qu’un genre de personne qui peut entrer là-bas sans avoir besoin d’avoir un pénis, d’être un homme libre pété de thunes, et de prêter serment : Les prostituées.
Je vais essayer de voir comment ils les trouvent, et essayer de convaincre une de m’aider. Ça risque d’être très difficile ; les filles se sentent souvent vulnérables, et les bourgeois riches c’est des gens très dangereux.
Parfois, il y en a qui disparaissent. Et ne compte pas sur le chevalier du guet pour lancer des recherches et les retrouver. Y a des gens comme ça, en ville, ils ne sont pas considérés comme de vraies personnes. »


Elle semblait avoir dessaoulé juste pour dire cette dernière phrase sordide en regardant Éloi droit dans les yeux. Et les quelques instants où ils recommencèrent à manger furent aussi gênants que silencieux.
Pour repartir sur un sujet plus léger, Éloi demanda à Guido s’il avait de la famille à Brionne. Il est vrai que contrairement à Solène, qui avait parlé de son frère dans la marine et de ses parents, Guido demeurait un mystère. Le sergent parut fort étonné qu’on s’intéresse à lui, mais pas outré. Il accepta de raconter un tout petit peu le récit de sa vie.

Sa mère était morte jeune, en couches. Il avait grandi avec son père veuf, qui se remaria bien vite, et il avait beaucoup de famille, deux petites sœurs, un oncle, une tante, beaucoup de cousins un peu partout ; Ils étaient tous des serfs, venus de l’est du duché. Des journaliers qui taillaient des vignes en automne, ensemençaient au printemps, étaient de corvées en hiver, échangés d’une seigneurie à l’autre tous les trois ans, un peu comme s’ils étaient des outils prêtés. Guido ne supportait pas cette vie — il profita que ses proches obtinrent une permission de quitter leur terre pour aller faire un pèlerinage jusqu’au Temple de Sainte-Olinde pour tout simplement fuguer. Il devait être déclaré mort depuis tout ce temps.
Sans un sou, il devint bandit. Un très mauvais bandit, puisqu’un jour, alors qu’il arpentait les routes, il attaqua une diligence seul en croyant que son arc suffirait à terrifier le cocher et les voyageurs — il y avait un chevalier à l’intérieur, en train de batifoler avec sa maîtresse. À son grand étonnement, il ne fut pas pendu ; la femme adultérine implora son amant de ne pas tuer un garçon de seize ans, aussi, l’homme marié proposa au jeune Guido de devenir homme d’armes.
C’était une vie dure, aussi dure que lorsqu’il était serf, et il imagina à nouveau déserter. Mais il y eut des Orques qui quittèrent les monts des Voûtes, et envahirent la Gasconnie, alors Théodoric, qui à cette époque n’était pas encore Duc, appela nombre de chevaliers errants à le suivre pour porter secours à leurs frères du duché méridional, et l’homme marié qui couchait avec d’autres femmes se porta volontaire à l’ost ; Guido partait en guerre. Il s’y comporta bien, ne « chia pas dans son froc » (C’étaient ses propres mots) en découvrant les peaux-vertes, et pour la première fois de sa vie, il acquérait quelque chose qu’on ne lui avait jamais offert, du respect. Le Valère de Malicorne de l’époque, ayant remarqué sa bande d’archers, leur offrit tous une pièce d’argent et un tonneau de vin à se partager ; c’était, aux dires de Guido, le meilleur vin qu’il ait jamais bu. Dès lors, il était devenu accro à la guerre, et avait toujours trouvé un moyen de se vendre en cherchant des capitaines intrépides recrutant des archers d’endenture.
Comble de l’histoire, il apprit à lire et à écrire avec l’argent gagné à la guerre, en payant un scribe de Véréna. Il reprit contact avec la femme qui lui avait sauvé la vie pour la remercier, et entretint une correspondance amicale avec cette dame de petite noblesse. Il servit de porteur de cercueil à son enterrement, sans que jamais personne ne sache pourquoi un petit roturier mercenaire comme lui eut un tel honneur.


À la fin de cette joyeuse histoire, le trio ramena ses bols. Guido failli s’engueuler avec la fille du restaurateur au sujet des prix, mais Solène lui donna un coup de pied dans le mollet pour l’en dissuader. Alors, bien repus, ils purent marcher jusqu’à l’hospice Sainte-Olinde.

On ne lui avait pas menti. Alors que la Gâtine était un quartier chaud et agité, plus ils s’approchèrent de l’asile, plus tout redevenait calme. La nuit était éclairée par des lampadaires, et ils croisèrent un veilleur à torche chargé de les entretenir qui les salua. Désormais, il y avait tellement peu de bruit qu’ils entendirent un chien aboyer, et un bébé pleurer par une fenêtre ouverte.
Devant l’asile, c’était morne. Des grillages en fer délimitaient un jardin très beau. Le bâtiment était bien honorable, de la bonne pierre vaste avec une corniche en modillon ; on ne pouvait vraiment pas dire que l’endroit était glauque ou délabré, il n’y avait pas d’ambiance pesante. Un chemin de gravier entretenu, des jolies fleurs qui poussaient, une serre dans laquelle on devait faire pousser des plantes médicinales, comme à Orléac… C’était parfaitement salubre et serviable, comme hôpital. Et pourtant, malgré la jolie position de l’asile, le quartier dans lequel il avait été bâti rendait le tout assez désolé.
Ici, il n’y avait que des immeubles pauvres. Aucune boutique — quelques fenêtres au rez-de-chaussée étaient même barricadées par des planches en bois. C’était l’endroit le moins plaisant d’Orléac, et au loin, on voyait à travers les lucioles des lampadaires les ombres décharnées d’éclopés qui devaient se réunir dans quelques lieux abandonnés.

Guido s’approcha d’une cloche devant la grille. Il tira sur la cordelette pour faire du bruit. Quelques instants sans réponse. Le sergent recommence ; aussitôt, la porte d’un petit bâtiment en bois, similaire à la cabane de Pierrot le concierge, s’ouvrit tout en grand. Et une grande dame, une très grande dame en robe jaune marcha sur le chemin de gravier tout droit, en portant à bout de bras une lanterne à huile. Une prêtresse assez laide, mince, cheveux roux coupés en carré, joues creuses, qui devait avoir la trentaine. Elle s’approcha du portail en grognant et en parlant toute seule, leva la lanterne, et souffla très fort.

« Sœur Solène ! Avez-vous une idée de l’heure qu’il est ? Si c’est pour vous amuser en ville, vous pourriez aussi passer la nuit dans un autre lit !
– Marcelline, ma chère sœur, nous sommes rentrées au tomber du jour alors qu’il y avait des émeutes à la place Manaan.
– Manaan a bon dos, vous êtes toute rouge ! Est-ce que les émeutiers servaient du vin ?
– Allez, je ne suis pas une de vos aliénées, vous avez pas à me faire la leçon. Ouvrez, maintenant. »

Solène fit un grand sourire provocant à la-dite Marcelline. La portière devint rouge aussi — mais elle, c’était de colère.
Elle attrapa les clés à sa ceinture, ouvrit la serrure et tira la grille. Le trio put rentrer tandis qu’elle claquait et verrouillait derrière eux.

« Qui est ce jeune prêtre avec vous ? »

Éloi se présenta et donna les raisons de sa présence. Marcelline en souffla alors qu’il était encore en train de parler.

« Oui oui, on a préparé une chambre pour un deuxième prêtre, mais je m’attendais à ce que ce soit sœur Yolande. »

Il parlait de l’étrange prêtresse maquillée qui ne s’était pas présentée en arrivant à Orléac.
Celle dont Nathanaèle avait donné le prénom avant de partir.

« Sœur Yolande va rester à Orléac, et c’est ce frère Éloi qui la remplacera.
– Un homme. D’accord.
Bien, frère Éloi, avant que nous entrions, permettez-moi de vous donner quelques règles. »


Guido renifla, et coupa la conversation.

« J’vais aller me piauter dans le dortoir des laïcs.
Mon frère, mes sœurs, bonne soirée. Éloi, je serai levé tôt demain, venez me voir et je vous accompagnerai chez Adelwijn. »


Il fit une révérence à Marcelline, et partit au loin dans la nuit. La prêtresse donna rapidement quelques instructions au jeune homme.

« Vous êtes ici dans l’hôpital Sainte-Olinde. On vous a dit à quoi il servait ? Nous soignons ici des gens qui ont des troubles très divers, et qu’on ne voit pas forcément à l’œil nu. Il y a une aile pour les femmes, et une pour les hommes. C’est très gênant, car Yolande étant une femme, vous allez être logé chez les dames. Je compte sur votre probité pour ne pas… Profiter de cette situation. Beaucoup de femmes ici ont des rapports au corps assez… Disons, assez étranges pour ceux qui ne s’y attendent pas…
– Oh, vous en faites pas pour ça. Éloi est très probe. Genre, probe comme sa mère l’a fait. »

Solène fit une grimace. Marcelline leva les yeux au ciel et continua comme si on ne l’avait pas interrompue.

« N’ayez aucun contact avec les patientes tout seul. Si vous souhaitez leur parler, faites-le en compagnie d’une prêtresse.
Certaines personnes ici sont dangereuses pour elles-mêmes et pour autrui. Ce sont des malades. Ils ont des traitements pour limiter leurs afflictions. Leur nourriture est surveillée — ils mangent suffisamment, mais c’est surveillé, comme leur boisson. Certains peuvent vous demander de leur apporter de la nourriture ou de la boisson de l’extérieur ; refusez, même si vous pensez leur rendre service. N’invitez personne ici sans me l’avoir demandé avant ; le dortoir des laïcs peut accueillir des gens de passage, mais je souhaite être informée en avance.
Nous avons une chapelle commune où vous pourrez prier demain matin. Un réfectoire, aussi. Il est tard et les patients dorment, aussi je vais vous escorter à la chambre et j’enverrai quelqu’un vous faire visiter tout ça demain. »

Tous ces menus détails rappelés, elle ouvrit la voie aux deux jeunes gens. Elle grimpa des escaliers, ouvrit une porte également verrouillée avec son trousseau de clé, et passa devant une sorte de réception où il n’y avait personne. Et, là encore, une nouvelle double-porte où elle dut enfoncer une clé dans un verrou, et…
…Et en fait, Éloi n’avait jamais vu autant de portes fermées dans un hôpital de Shallya. Jamais. Par tradition, les temples de la Colombe sont toujours ouverts. Tout le temps. À toute heure, en toute circonstance : n’importe qui doit pouvoir y entrer pour demander sauvetage et asile. Pas ici. C’était fermé comme une banque.

Ils entraient dans l’aile des femmes de l’hôpital. Il y avait une grande salle commune, avec un âtre éteint, juste quelques restes de bûches carbonisées au fond. Il y avait des chaises, des tables, des tapisseries au mur représentant des scènes religieuses, une petite bibliothèque, une broderie qui représentait un glorieux chevalier s’agenouillant devant Shallya qui pleurait. Cette grande salle menait à divers couloirs, et un escalier qui s’ouvrait vers un étage et un sous-sol. Marcelline ouvrit la voie à travers une baie vitrée qui offrait une vue magnifique sur la mer, et un grand terrain avec des abricotiers et des pommiers. Vu l’emplacement et le confort de cet endroit, on pourrait penser qu’un noble ne répugnerait pas à faire une villégiature ici.
Mais il y avait encore des cadenas. Marcelline chuchota quelque chose en indiquant une pièce d’où on apercevait de la lumière par une vitre fermée :

« Ici il y a toujours deux prêtresses de garde, même à cette heure ; elles font le tour des cellules, discrètement, et interviennent si l’un d’eux se sent en danger.
Si vous avez besoin de quelque chose ce soir, allez leur demander. »


Elle grimpa à l’étage. Solène tapota l’épaule d’Éloi, et lui dit bonsoir. Elle embrassa aussi la main de Marcelline, et présenta tout de même des excuses pour être venue aussi tard, en la remerciant de sa gentillesse. La prêtresse laide fut un peu surprise, mais eut enfin un sourire sincère.

Seule avec Éloi, elle lui ouvrit la porte d’une chambre. Lui indiqua qu’il y avait un bréviaire dans le tiroir, et que demain, elle lui préparerait une cellule dans l’aile des hommes. Elle alluma une bougie avec sa lanterne, et finalement, s’en alla en lui souhaitant de bien dormir.

Éloi, pompette, était enfin seul dans cette chambre. Une très jolie chambre, en fait. Il y avait un beau lit, fourré, avec des couvertures chaudes. Le bréviaire qu’il tira du tiroir était un livre manuscrit, soigné, avec une écriture élégante. Il y avait une grosse armoire de Lyonnesse, ouverte, à laquelle il jeta un coup d’œil discret.
Il y avait des robes, dedans.
Pas juste des tenues de cérémonie. Des robes de bal. Des coiffes. Et puis, quelques parfums dans une commode, qui devaient coûter fort cher.

Tout s’arrangea un peu dans la tête d’Éloi, et maintenant, ce n’était plus juste une impression, mais une réalité qui semblait le frapper tout entier.
La sœur Yolande était la maîtresse de Sébire de Malicorne. Une jeune fille qui ne devait pas être plus vieille que lui-même.
Et c’était la relation qu’elle devait avoir avec Nathanaèle, avant de rompre avec elle.
Un sou de cuivre retiré pour payer la street food.

Deux petits jets de commérage : 2 et 7, enfin.

Jet d’observation/jugeote : 1, réussite critique.
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Frère Éloi
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par Frère Éloi »

Le ragoût est appétissant, et ne tarde pas à calmer ma fringale naissante. Reste que j’ai la gorge sèche, et que l’arroser au vin clairet n’y change goutte. Heureusement, je n’ai guère besoin d’intervenir, Solène et Guido parlant bien assez pour trois. De fait, ayant fini mon écuelle avant eux, j’interroge Solène au détour d’une gorgée, lui demandant ce qu’elle compte faire de sa journée du lendemain. Sa réponse, d’abord légère, prend rapidement une certaine gravité : elle va tenter de dénicher, en ville, des contacts de la communauté très fermée des Francs-Archers de Bracieux. Reste à savoir si nos missions seront amenées à se croiser. Ce ne serait pas pour me déplaire, songe-je en ramenant mes genoux sous mon menton.

Le récit de Guido est d’autant plus touchant qu’il témoigne d’une forme de détresse ordinaire assez répandue au sein du petit peuple de Bretonnie. C’est l’histoire d’un serf qui, ayant cherché à échapper à cette vie brimée, manqua de se faire occire dès ses premiers larcins, n’eut été la pitié d’une femme dont il croisa le chemin. Ses péripéties ultérieures développèrent son goût pour la guerre, seul domaine qu’il eut trouvé pour se voir parfois témoigner de la reconnaissance. Les années passant, il investit une part de ses économies pour apprendre à écrire, et entretenir une correspondance épistolaire avec la dame au bon cœur. Le dénouement, si dramatique soit-il, aurait pu inspirer une pièce de théâtre, si quelque trouvère trouvait un intérêt à relater la vie de gens du commun. L’essentiel des chansons brionnoises présentent en effet la vie de figures de la noblesse, ne se prenant guère de passion pour l’héroïsme méconnu de roturiers. Pourtant, au fond, la geste de Guido, ça ne sonnerait pas si mal.

Ayant rendu nos écuelles, nous cheminons à travers la Gâtine en vue de gagner l’hospice de Sainte Olinde. Les rues se font plus désertes, moins animées, même un peu désolées. Et bientôt, je découvre au loin l’établissement qui va nous héberger. C’est un beau bâtiment, il n’y a pas à dire, entouré d’un jardin assurément bien entretenu. Mais les grilles sont hautes, et le portail clos, élément assez inhabituel dans la tenue d’un domaine placé sous l’égide de la Colombe.
Guido fait sonner la petite cloche de l’entrée, une fois, deux fois, et déjà la lueur d’une lanterne se dirige vers nous. Une sœur à la silhouette longiligne vient nous ouvrir, s’entretenant assez sèchement avec Solène. La dénommée Marcelline est remarquablement grande, peut-être davantage encore que sœur Nathanaèle. Après nous avoir quelque peu tancé, nous reprochant de rentrer si tard et de nous être divertis, elle s’enquiert non sans étonnement de ma présence, confessant s’être attendue à recevoir sœur Yolande plutôt qu’un jeune oblat. Quelque chose dans son expression et dans le regard de Solène alors qu’elle rétorque me laisse perplexe, avec le sentiment de méconnaître quelque information cruciale. J’acquiesce néanmoins sagement à l’énoncé des consignes : à vrai dire, si les chastes avertissements de sœur Marcelline me semblent aller de soi, ses mises en garde vis-à-vis des contacts avec les résidents de l’établissement me laissent un peu plus interdit. On ne m’a en effet pas appris à entretenir de méfiance envers mon prochain, aussi m’étonne-je quelque peu de ces recommandations de réserve.
Ma gêne grandit à mesure que nous progressons au gré des couloirs, recourant plusieurs fois au trousseau de clefs de sœur Marcelline. Le nombre de portes closes en ces murs a de quoi surprendre : en ce qui me concerne, je n’en reviens toujours pas. Si je devine la raison de telles précautions, celles-ci me semblent en effet contrevenir à la vocation d’ouverture et d’hospitalité des dispensaires shalléens. Si je m’en étonne bel et bien, je n’en dis néanmoins rien à haute voix, devinant qu’un tel questionnement serait peut-être malvenu.

Solène a pris congé, disparaissant derrière une porte à quelques mètres de celle que Marcelline est en train de m’indiquer. Entrant sans me faire prier, je murmure un pudique remerciement, et, déposant ma sacoche au sol, entreprend d’examiner ma chambre pour cette nuit.
C’est bien plus vaste que mon étroite cellule d’Orléac. Et mieux pourvu. Tout cela, du large lit pour deux personnes au contenu de la penderie, est donc préparé pour sœur Yolande ? Si je devais m’imaginer une garde-robe de noble, ça y ressemblerait pour l’essentiel : sont-ce ici des robes de bal, et là, des aromates ? J’éprouve une curiosité croissante pour cette dénommée Yolande, autour de laquelle un faisceau d’indices semble dorénavant se conforter.
A présent seul à la lueur de l’unique bougie, je me demande si toutes ces apparences sont bien réelles : se peut-il vraiment que Sébire de Malicorne vive une aventure avec une sœur si jeune qu’elle pourrait avoir mon âge ? Et puis, la virulente animosité de Nathanaèle envers Sébire à ce sujet cacherait-elle une forme d’affect envers cette même Yolande ? Cela expliquerait nombre des sous-entendus de leur conversation que j’ai surpris par mégarde ce matin.
Il faudra que je demande à Solène d’éclairer ma lanterne à ce sujet. Elle doit savoir, elle. Mais en attendant, il est tard : à genoux devant le lit paré de chaudes couvertures, je récite machinalement quelque prière tirée de l’office des Complies, quoique n’ayant guère notion de l’heure. Imbibé, langue pâteuse, je mâche un peu mes mots, mais l’intention y est néanmoins.
Cela étant fait, j’oscille, vacille, comme attiré par le matelas. Assommé par la fatigue, je me relève en titubant, jaugeant cette couche d’un acabit que je n’ai jamais connu à l’abbaye. Hésitant, j’éprouve un moment la sensation d’usurper la place d’une autre personne. Finalement, terrassé par l’épuisement, je m’étends timidement sur les draps, en marge du centre du lit. Roulant sur mon flanc, je souffle la paisible flamme de la bougie, et tombe presque aussitôt dans le sommeil.



***


Le réveil m’est pénible au petit matin, et je maugrée un peu en roulant hors du lit. Le jour n’est pas encore levé, il doit être avant laudes. Poussé par la routine, je m’étire longuement avant de vérifier le contenu de ma sacoche, tentant machinalement d'y glisser le bréviaire, avant de renoncer, le manuscrit ne rentrant pas. J’expliquerai à sœur Marcelline que j’en ai besoin pour le moment. Ouvrant à nouveau la commode, mon regard tombe sur les parfums laissés là à l’intention de sœur Yolande. Après un instant d’hésitation, sans trop réfléchir à la raison de cette pulsion, je referme le tiroir, non sans en savoir retiré au préalable l’un des flacons. Je n’ai aucune idée de l’usage que je pourrai en faire, ni ne sait d’ailleurs vraiment trop comment cela s’utilise, et dans quelles circonstances, mais mon intuition me souffle que cela peut se révéler utile.

L’aile des femmes de l’hôpital est encore bien déserte à cette heure matinale : pas un bruit dans les couloirs, si ce n’est, ponctuellement, l’ombre silencieuse d’une sœur passant son chemin sans m’accorder un regard. Les portes donnant sur l’extérieur sont encore fermées, aussi, ne sachant ni où ni comment m’abluer en ces lieux, je me mets en quête du réfectoire évoqué la veille par sœur Marcelline, supposant qu’il se situe non loin de la jonction des différentes ailes. Je suis bien éveillé à présent, et ai la présence d’esprit, avant d’y pénétrer, de rabattre la capuche de ma robe sur ma tignasse un peu ébouriffée, ne cherchant pas à attirer plus d’attention que nécessaire.
Le réfectoire est désert, à l’exception notable d’une sœur d’un âge certain qui, de l’autre bout de la pièce, me toise d’un regard peu amène, mains jointes devant elle. Elle n’est vraiment pas grande. Son visage est buriné par les années, son teint hâlé, ses joues fripées ici et là de petits plis. M’arrêtant à son niveau, je lorgne un peu sur un plateau de pain tout juste sorti du four, reposant sur un plan de travail juste derrière elle. Recroisant le regard clair de mon aînée, je cherche mes mots, hésitant. Elle doit certainement se demander ce que je fais là, et à en juger par son air peu avenant, il serait peut-être de bon ton de me présenter. Mais finalement, c’est elle qui m’apostrophe la première, d’une voix sèche.

« Vous êtes de passage, jeune homme ?
- Oui Mère, je suis arrivé d’Orléac hier soir.
- Tiens donc. Vous savez que l’aile des laïcs et des hommes, c’était l’autre côté, n’est-ce pas ?
- Eh bien... oui, mais il était tard, et…
- Hmm. C’est fort commode.
- Certes… Puis-je ? » rétorque-je sans tergiverser, ayant l’impression de discuter avec sœur Michelle, pour ma part bassement intéressé par l’objet de convoitise de mon estomac.

La vieille hausse un sourcil, et s’écarte un peu, me laissant saisir une miche de pain sur le plateau. Comme je le supposais, il est encore chaud. Mon estomac indiscipliné ponctue d’ailleurs cette constatation d’une impatiente protestation. Était-elle suffisamment sonore pour être remarquée par la sœur ? Toujours est-il qu’un sourire éclaire bientôt son petit visage ridé.

« Orléac… J’avais un fils là-bas.
- Oh. Et...
- Il danse avec Mórr depuis quelques années maintenant.
- Ah.
- Ne t’en fais pas. C’est comme ça. »

Décidément, j’ai une sacrée veine en la matière. Si un jour Ranald pouvait mettre sur ma route quelqu’un dont la famille n’a pas pris la rose noire d’une façon ou d’une autre, les conversations avec les inconnus en seraient un peu facilitées. Gêné de la tournure de la discussion, je salue poliment la vénérable sœur, et entreprend de battre en retraite, ayant dans l’idée de gagner la grande salle commune de l’aile des femmes, souhaitant trouver un moyen de quitter cette partie du bâtiment pour rejoindre le dortoir des laïcs.

« Rince-toi le visage en passant. Dans le recoin sur ta droite en sortant. »



Le jour n’est plus très loin lorsque je rejoins la salle commune : la nuit commence à s’éclaircir doucement, et on y voit de fait un peu mieux sans devoir recourir à un moyen de s’éclairer. Dans la semi-pénombre de la pièce aux murs drapés de tapisseries, deux prêtresses sont attablées, et se sustentent du frugal contenu de leurs écuelles. Elles doivent peut-être avoir la trentaine ou la quarantaine. L’une d’elle, blonde, a un profil assez élancé, quoique moins grande que sœur Marcelline, et arbore un chignon qui me semble la vieillir considérablement. Lèvres pincées, elle suit mon arrivée d’un œil impavide. L’autre, brune, est de taille plus modeste, plus replète, et présente une mine un peu plus avenante.

M’installant seul à une autre table, je pose mon en-cas et entreprend dans un murmure de remercier Shallya de veiller sur nous au quotidien, avant d’enfin céder aux réclamations insistantes de mon estomac. La mie du pain est chaude ; ce n’est pas toujours donné d’en avoir de tel. Trouvant mon bonheur dans la simplicité de ce modeste plaisir, ce n’est qu’une fois ma pitance ingérée que, me redressant, je me dirige vers la tablée des deux sœurs, les saluant poliment.

« Bonjour mes sœurs. Sauriez-vous où trouver la chapelle ? Je souhaiterais m’y recueillir, avant de gagner l’aile des laïcs. »

C’est la sœur blonde aux traits secs qui me répond, l’air pincé, une moue contemptrice au visage.

« C’est fermé, mais on peut ouvrir. Vous êtes dans la mauvaise aile, mais j’imagine que c’est sœur Marcelline qui vous a ouvert.
Vous n’avez parlé à personne, j’espère ? Parce qu’il ne faut pas. »


Estomaqué par son ton abrupt, je balbutie à grand peine un début de réponse, lorsque la deuxième sœur se lève, et m’invite à lui emboîter le pas.

« Laisse, Margaux. Je reviens. »

La sœur m’accompagne alors dans un couloir que je n’avais pas encore emprunté, déverrouillant au passage une porte dans une grille au détour d’un escalier menant au niveau du rez-de-chaussée. En chemin, elle se présente gentiment : elle s’appelle Hélène, et avec Margaux, elles veillent l’hôpital durant la nuit. La remerciant bientôt pour sa disponibilité et sa patience, je prends soin de vérifier auprès d’elle comment gagner le dortoir des laïcs, car il me faudra ensuite aller quérir Guido. Néanmoins, pour éviter de réveiller le sergent trop tôt, et parce qu’il ne servirait guère de se présenter de façon trop matinale chez maître Adelwijn, je prends place à l’intérieur de la chapelle, et commence à me recueillir.
C’est une journée importante ; la première de ma mission pour Sébire, dont dépend le sort de beaucoup. Aussi, après avoir récité plusieurs psaumes pour apaiser mon âme, je demande à Shallya de m’aider à faire bonne impression, et de me protéger contre la contagion.


J’essaie successivement de lancer Bonté du Cœur puis Résistance à la Maladie, deux prières pouvant faire sens en vue de la matinée qui s’ouvre.

Ensuite, quand il sera une heure raisonnable (après l’aube donc je pense), je vais réveiller Guido, et on pourra aller chez les Adelwijn encore un peu plus tard, quand lui-même sera fin prêt.
Modifié en dernier par Frère Éloi le 05 mai 2021, 21:16, modifié 1 fois.
Frère Éloi Voie du Prêtre Mystique
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États temporaires
Une vie de Paix : +1 à tout jet visant à guérir un patient blessé, malade ou empoisonné.
La vie avant tout : doit tenter d'interrompre les affrontements auquel il assiste, à moins que le combat ne soit mené contre des ennemis.

Compétences :
- Maîtrise de l'Aethyr (1)
- Coriace : -1D3 dégâts subis.
- Réflexes éclairs : +1 aux tests d'initiative en situation de surprise.
- Résistance accrue : +1 aux tests d'endurance.
- Sang froid : +1 aux tests de caractéristiques effectués en situation de stress ou tension.
- Volonté de fer : +1 aux tests de volonté.
- Traumatologie : Sait administrer les premiers soins ou favoriser une guérison plus rapide.

- Alphabétisé : Capable d'écrire et de lire le Bretonnien.
- Langage secret (Classique) : Capable d'écrire et de lire le Classique.
- Législation : Sait manipuler le droit à son avantage.
- Doctrine du Culte (Shallya)

- Cuisine : Se débrouille en cuisine. +1 pour détecter des substances nocives dans la nourriture.
- Empathie
- Affûtage mental
- Incantation - Shallya
- Sens de la magie
Équipement porté sur soi :
8 sous d'argent 8 deniers
- Bâton de marche
- Robe de bure jaunie / Tenue en lin / Ceinture / Sandales
- Grande sacoche contenant couverts, rations diverses
- Livre de prière de Shallya
- Amulette de Shallya
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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Il était difficile pour Éloi de véritablement savoir ce que la Colombe pouvait penser de son entreprise ; Sébire de Malicorne était une prêtresse comme il n’en avait jamais vue auparavant. Couverte de bijoux, cynique, fille de la grande noblesse, elle était à l’opposé de tout ce qu’on imaginait chez la prédicatrice idéale, servante de Shallya.
Et pourtant, après sa trop courte nuit d’ivresse qui lui avait permis de faire plus ample connaissance avec Solène, à présent qu’Éloi se remettait d’une légère gueule de bois et retournait dans ses génuflexions dans la petite chapelle de l’hospice, il pouvait à nouveau sentir la quiétude et la résolution qui lui manquaient depuis son arrivée à Brionne…
Shallya était là, à ses côtés. Il avait une mission. Il partait lutter contre le Seigneur des Mouches. Sans casque, sans glaive, juste avec son cœur. En l’absence de la sœur-prieuse d’Orléac, il ne revenait qu’à Éloi seul de prier pour lui-même, en récitant des psaumes à voix basses déjà connues. Il signa son cœur, implora la pitié pour le monde entier en classique, et lorsqu’il se releva pour se diriger vers l’extérieur, il se sentait beaucoup plus libre et sérieux.

Guido ne fut pas bien difficile à trouver. Malgré l’heure très matinale, le passage par la chapelle semblait lui avoir laissé assez de temps pour se réveiller. Il se tenait au milieu du petit parc de l’hôpital, torse-nu, en train de siroter un verre de jus de fruits. Éloi pouvait observer son corps, bien sec, couvert de cicatrices et de tatouages ; des petites têtes de mort et des haches héraldiques couvraient ses biceps et son torse. Sur son dos, il avait aussi un petit symbole fort étrange : une sorte de tête de Gobelin rieuse aux yeux globuleux.
Le sergent salua le jeune homme.

« Bien dormi, mon frère ?
Les maboules ont de la chance d’vivre ici. Mate un peu la vue. »


En effet, le parc offrait un magnifique horizon sur l’océan et la côte de Brionne, avec ses manoirs, son phare et ses tours bastionnées pour lutter contre la piraterie. Un décor qui aurait pu plaire à un noble.
Le culte de Shallya était riche. C’était franchement ironique pour une religion où chacun fait vœu de pauvreté ; le foncier du Rite devait, mit bout à bout, être capable de rivaliser avec les possessions du Roy lui-même. Mais tous ces domaines ne devaient servir qu’à aider autrui. Ici, les aliénés étaient mieux traités que nombre de gens sains, comme ces serfs qu’on trouvait le long des routes.

« Allez, j’vais m’habiller et t’amener là où tu dois être. J’ai quelques affaires à te remettre, Solène qui me les a filées. »



Une fois Guido nourrit et habillé, les deux hommes marchèrent le long du chemin de gravier qui menait jusqu’au portail. Une prêtresse leur ouvrit la grande barrière et les salua, et les deux se retrouvaient à nouveau dans le quartier de la Gâtine, dans son côté plus désolé et abandonné.
Ils marchèrent ensemble un petit moment, quand le militaire proposa à Éloi de remonter la colline sur laquelle était bâtie la ville par une charrette. Aussi, plutôt que de grimper, ils redescendaient dans les ruelles traversées hier durant le début de la nuit.
L’ambiance était ironiquement plus calme, alors qu’il y avait plus de monde dehors. Moins de cris, moins de rires, les tavernes étaient en grande majorité fermées, avec les rideaux tirés devant les vitres. Ils allaient du côté du port. Et Orléac avait beau être une ville portuaire dynamique, les quais de Brionne n’avaient aucune mesure avec le bourg bien peuplé dans lequel Éloi avait grandi.
C’était géant. On avait coulé des pontons non en bois, mais dans de la pierre, et monté deux écluses en brique. Si on croisait bien à l’horizon des dizaines et des dizaines de petites péniches de pêcheurs, elles étaient concurrencées par des navires de toutes les tailles, dont certains semblaient gros comme des immeubles. Des galions et des frégates, quelques galères à voiles latines triangulaires. On entendait des chants de marins, et des cris de débardeurs, parce qu’Éloi devint le témoin d’une scène bien singulière — l’amarrage d’un grand navire de commerce.
Alors que le rafiot entrait dans une travée étroite, on voyait des enfants courir dans tous les sens, grimper sur les mâts comme des petits singes, et des costauds balançaient d’immenses cordes grosses comme des corps humains, qu’il fallait à toute vitesse enrouler autour de bittes coulées dans le quai. On hurlait, on bougeait une grue en bois, et on faisait rouler des caisses sur une plate-forme qui s’élevait grâce à un ingénieux mécanisme qui ravalait le tout. Tous les ouvriers s’agitaient dans tous les sens, et se coordonnaient par des chants, des caquets, des voix qui hurlaient parfois en breton, parfois en tiléen ; Les enfants portaient des sachets en se voûtant sur leur poids, tandis que les adultes s’occupaient de faire glisser des tonneaux le long de petites planches. Au milieu de ce bazar, un capitaine à la barbe grise et aux vêtements mouillé était en train de signer des papiers qu’un homme, longiligne, à lunettes et en costume, lui tendait.

Guido alla à la rencontre de charretiers qui attendaient sur le quai. Sans qu’Éloi ne comprenne la discussion, il le vit s’éloigner d’un premier, puis d’un deuxième, avant de tomber sur un troisième qui hochait plus sérieusement de la tête ; Alors, Guido siffla et fit signe à Éloi de le rejoindre.

« Mon frère, j’te présente Xavier.
– Oï.
– Il va livrer des fruits et des légumes frais là-haut, et il a de la place pour qu’on grimpe.
– Oué.
Shallya m’garde, m’frère. »


Xavier était un homme chauve, laid, une boucle d’oreille dorée sur son lobe gauche, et une lèvre malformée qui affichait une fente. Il était en train de chiquer du tabac en restant adossé à la roue de sa charrette, si bien que ses dents bien visibles avaient une teinte noire. Il tendit sa boîte pour en proposer aux deux, mais ils refusèrent poliment.
Derrière lui, des débardeurs du gros navire amarré ramenaient des caisses débordantes de nourriture — des choux, des carottes, navets et radis. Tout de quoi faire des bouillons et des soupes, à la fraîcheur assez exceptionnelle. On aurait dit que ces légumes avaient été cueillis il y a moins d’une semaine, et c’était bien possible que ce soit le cas. Alors que les débardeurs empilaient les caisses dans la charrette, l’homme longilline avec des lunettes s’approcha, sa pile de papiers sous le bras, et siffla :

« Une minute avant de partir ! J’ai des comptes à faire ! »

Guido leva les yeux au ciel. Il fit signe à Éloi de le suivre, et les deux contournèrent l’attelage constitué d’un seul mulet pour grimper derrière.
Le notaire nota un tas de chiffres en zieutant parfois au-dessus de ses lunettes ce qu’il y avait dans les caisses. Les débardeurs, gênés par la pause de leur travail, restaient là à se tourner les pouces en grognant.
Puis, finalement, le capitaine qui était en train de discuter avec ses quartiers-maîtres plus loin décida d’approcher.

« Y a un problème, maître ?
– Les denrées ne correspondent pas à celles sur votre manifeste.
– Heu… Ah ?
– Il y a des oranges et des citrons. Vous êtes allés les chercher en Estalie ? Les fruits et légumes qui ne viennent pas de Bretonnie font l’objet d’une assiette différente.
Je vais avoir besoin que vous déchargiez tout ça pour que je recompte. »


Le capitaine éclata de rire et passa une main dans ses cheveux. Il soupira si longuement qu’il retirait tout l’air de ses poumons.

« D’accord, d’accord… J’ai compris. »

Le capitaine s’éloigna pour retrouver ses contre-maîtres. Ils chuchotèrent ensemble, à voix basse, et, posant chacun leurs mains sous leurs manteaux, commençaient à s’échanger quelque chose.
Au bout de quelques instants, le barbu revenait, et tendait discrètement une bourse au bigleux. Alors, il arrêta d’écrire, attrapa l’escarcelle, et déchira le papier qu’il était en train de remplir.

« Des navets et des choux — ce sont de bons produits locaux. »

Ce léger contretemps réglé, les débardeurs cessèrent de ne rien faire et terminèrent de remplir la charrette à toute vitesse.



Plus la charrette remontait Brionne, plus le décor changeait. Les pavés étaient plus droits, les maisons moins penchées, l’odeur était plus agréable, et moins chargée de sel marin. En cette matinée au ciel bleu, on sentait une brise océanique qui balayait des rues qui s’élargissaient progressivement.
Le mulet dépassa une grande statue qui représentait la Dame du Lac tenant le Graal. Alors, il y eut un passage devant une porte à la herse relevée ; quelques hommes d’armes se tenaient en faction ici, devant des meurtrières. Il était certain que, durant un siège, tous les quartiers pouvaient être isolés les uns des autres et transformés en fortins indépendants. En Bretonnie, même dans les grandes villes, on dirait que tout a été tracé et imaginé comme un château-fort.

« On est pas tout à fait dans la cour ducale ; mais ici, c’est plus la Gâtine non plus.
La classe moyenne qui vit là. Y a beaucoup de marchands et d’ateliers. Ici, ce n’est pas René le Borgne qui fait la loi, mais le guet, le vrai. »


Ils passaient devant une grande place faite de terre ; probablement une halle-aux-viandes certaines journées. Il y avait des entrepôts, et des immeubles plus larges mais avec moins d’étages — peut-être des entrepôts, ou des lieux où on confectionnait de la laine. On entendait les souffles de verriers, et on voyait, dans le ciel, certaines cheminées recracher de gros nuages noirs.

« Mâcons, verriers, joailliers, bouchers, boulangers… Les métiers ont tous leurs représentants qui font la queue devant le Duc pour faire des génuflexions et obtenir des privilèges. Mais les artisans ont beaucoup moins de pouvoir que les marchands — c’est ceux que t’as vu au port, qui contrôlent les charretiers, les débardeurs, tous les emplois liés au commerce, quoi.
Au milieu de ce tableau, y a une troisième catégorie. Ceux qu’on a croisé hier. Les étudiants. »


Guido se leva sur le banc de l’attelage, et pointa du doigt une sorte de grosse flèche qui apparaissait au loin.

« T’vois ce truc, là-bas ? Le collège. Des prêtres de Véréna, qui ont fondé ce truc. Y a une faculté de décrets qui forme les juristes, où on voit quelques petits nobles qui sont trop gauches, lâches ou handicapés pour faire chevaliers errants comme tout le monde. Une faculté d’arts libéraux, qui sert beaucoup aux marchands, parce qu’ils apprennent la géométrie et les maths, et quelqu’un qui sait compter et tracer sur du papier c’est rare en Bretonnie. Y a aussi une petite faculté de médecine, mais ils ont juste un bureau, la prédécesseure de dame Sébire qui l’a fondée. Et pis ils ont aussi des peintres et des sculpteurs qui donnent des cours.
Pendant longtemps, le collège était imaginé comme une succursale du Duché. Une garderie géante pour caser des nobles et des roturiers riches, afin qu’ils se forment mieux en attirant des gens très intelligents d’autres pays ; presque tous les maîtres sont ou Tiléens, ou Estaliens, ou Impériaux, et c’est autour du collège qu’on voit le plus de maisons étrangères. Y a même un p’tit autel de Sigmar pas loin !
Mais les choses changent, et maintenant, les étudiants, au lieu d’être les fidèles serviteurs du duché, ils sont devenus les plus casses-couilles. Y remettent en question plein de traditions, ils veulent plein de privilèges… Peu de gens les soutiennent. Mais comme c’est tous des biens-nés, ils peuvent pas être juste bastonnés à coup de matraques.
Enfin, pour l’instant. Parce que Théodoric a plus envie d’aller casser leurs mâchoires et fermer le collège plutôt que de leur accorder la moindre demande. »


Au bout d’un moment, la charrette emprunta un virage. Alors, Guido tapota sur l’épaule de Xavier, lui remit une pièce, et le charretier ralentit sa bestiole pour que les deux puissent descendre au vol.

« J’ai d’jà repéré la maison Adelwijn. C’est pas loin. »

En chemin, ils passèrent devant une petite orangeraie. Guido en profita pour faire tomber la besace qui était derrière son épaule, et il l’ouvrit pour montrer son contenu à Éloi.

« Tiens, v’là, céti tout ça que Solène voulait te refiler. »

Il y avait tout d’abord un gros livre ; Un bréviaire de Shallya rédigé en langue classique, avec, à l’intérieur, quelques psaumes et courts récits hagiographiques. Dans les premières pages, on trouvait un alphabet, et quelques exemples de grammaire et de conjugaison.
C’était avec ce genre de livre qu’Éloi avait appris à lire, et bien lire. Un parfait outil pédagogique, pile ce qui lui fallait.
En plus de ce gros volume, en l’ouvrant, Éloi trouva une enveloppe cachetée, signée par Sébire de Malicorne et marqué d’un sceau à colombe. C’était probablement sa lettre de recommandation qu’il devait remettre au maître de maison. Il y avait également des feuillets de brouillon pliés, quelques encriers bouchonnés et des outils scripteurs un peu variés. À l’exception du livre, tout pouvait rentrer dans la sacoche à Éloi sans trop de souci.

« Ah non, elle m’a aussi donné ça, mais heu, elle m’a dit que tu d’vrais cacher ça sur toi. J’sais pas pourquoi. »

C’était un livre bien moins épais. En fait, Guido ne pouvait pas comprendre, mais Éloi devina tout de suite le pourquoi de la mise en garde.
C’était son ouvrage en langue vulgaire, La Geste de Beauclerc et Violante.

« Je t’attendrai dans ce parc à cinq heures pour te raccompagner — j’vais te servir d’escorteur pendant quelques jours, le temps que tu prennes tes marques. Mère Sébire dit qu’c’est plus prudent.
En revanche, j’entrerai pas avec toi chez les Adelwijn. Un sale gars à la sale trogne, c’est pas ce qu’ils s’attendent à recevoir. »


Il indiqua une grande maison juste devant le-dit parc : c’était ici. Il était arrivé.

Ça ne ressemblait pas à un hôtel nobiliaire ; les demeures nobles sont souvent bien plus larges, tout en pierre, bâties à s’y méprendre à la manière d’une courtine fortifiée, à l’exception du fait qu’il y a du lierre et des roses sur les murs, et beaucoup de personnages sculptés.
Pourtant, ça ne ressemblait pas à un immeuble de petites gens non plus. Pas tout à fait. Rien n’était en pierre — la faute aux lois somptuaires qui la réserve strictement aux demeures nobles. Mais c’était du très beau bois, recouvert de plâtre pour lui donner cet aspect très blanc qui piquait les yeux, omniprésent dans cette ville scintillante. On avait rempli le hourdis de briques (En tant que terre cuite, c’était un matériau permis), et formé un panneautage en losange. Les grandes fenêtres étaient en verre poli et teinté, le tout qui devait coûter une immense fortune. Il y avait des petits grillages en bronze verdit autour d’un peu de verdure, mais sans commune mesure avec les grilles de l’hospice Sainte-Olinde où Éloi avait passé sa nuit. Au-dessus de la grande porte, on découvrait une enseigne sur la devanture — il représentait l’emblème d’une sirène aux seins nus, et on avait écrit en lettres d’argent, « Huis Adelwijn ». Tout l’immeuble faisait cinq étages, même s’il devait y en avoir un ou deux fait de combles ; probablement de quoi loger une bonne dizaine de personnes dans un très beau confort.

Éloi s’approcha du portillon. Il y avait là une boîte aux lettres, et une clochette. Éloi sonna, et pour réponse immédiate, il y eut des aboiements de chiens. Sortant du jardin de l’autre côté de la maison, deux chiens tout noirs, qui ressemblaient à des lévriers, arrivèrent pour aboyer sur l’intrus. Un homme arriva alors en criant dans une voix étrangère.

« Stilte! Laag! »

L’homme surgit. Un petit bonhomme, âgé, grassouillet, avec une longue moustache blonde, une grosse calvitie au sommet du crâne. Bien habillé, même si c’était un costume d’un noir fort triste auquel on était peu habitué ; d’ordinaire, en Bretonnie, tout le monde cherche à être coloré, surtout les bourgeois riches qui cherchent à approcher dangereusement des limites des ordonnances somptuaires.
Éloi avait entendu dire que les Marienbourgeois avaient ce style vestimentaire ; alors qu’ils sont riches, très riches, leurs élites préfèrent se vêtir comme la nuit, avec de gros chapeaux et des collerettes blanches.

« Oui mon frère ? C’est pour quoi donc ? »

Éloi se présenta et donna l’objet de sa visite. Alors, le petit homme gras sourit et hocha de la tête.

« Ah ja, oui oui ! Mon nom est Kristof, je suis le concierge.
Faites pas attention aux chiens, ils crient mais ils sont adorables, adorables ! »


Il s’approcha du portillon et lui ouvrit. Et en effet, il ne mentait pas ; alors que les deux lévriers aboyaient à tue-tête de l’autre côté de la barrière, ils se mirent à baisser les oreilles et à devenir peureux sitôt qu’Éloi entrait.
Kristof laissa le jeune homme marcher sur les dalles qui indiquaient le chemin. Ils allèrent tous les deux dans la porte d’entrée, et le concierge maniaque ne put s’empêcher de sortir :

« S’il vous plaît, veuillez vous frotter les chaussures sur le paillasson. »

Il baissa les yeux. Éloi n’avait ni poulaines, ni bottes aux pieds, mais des sandales bien pauvres qui découvraient ses pieds nus. Kristof fit la moue, et un petit bruit de gêne.

« Err… Ja… »

Il ouvrit la porte d’entrée, et Éloi put découvrir l’intérieur de la maison.

C’était beau. Il faisait chaud. Il y avait une cheminée pas trop loin. Beaucoup de pièces, avec des portes partout. Un grand tableau peint dans l’entrée, mais un tableau de style très particulier — au lieu de représenter une scène de bataille, ou une scène religieuse, comme les rares peintures qu’Éloi avait pu voir dans la rue, cette peinture ne représentait qu’un couple d’un homme et d’une femme qui se tenaient sobrement, presque au garde-à-vous, debout côtes-à-côtes devant la fenêtre de leur maison. Ils étaient habillés en noir, et avaient tous les deux une tête d’enterrement.

« Je vais prévenir maître Thierry de votre arrivée. Veuillez attendre dans le salon je vous prie. »

Éloi entra dans le-dit salon, avec la grande cheminée et le grand tableau. Il y avait un large canapé, quelques fauteuils, un large tapis brodé sur le sol. Alors qu’Éloi réfléchissait à où il allait s’asseoir, Kristof désigna une simple chaise en bois d’un air autoritaire.

« Ici, s’il vous plaît, mon frère. »

Éloi s’assit comme s’il était au coin. Et alors, Kristof disparut dans une petite pièce à côté. Il se mit alors à parler avec quelqu’un, une voix de femme, dans le dialecte de Marienburg. Le prêtre de Shallya n’avait qu’à attendre bêtement, dans un silence qui n’était brisé que par le « tic-tac-tic-tac » répétitif d’une grosse horloge juste devant lui.
Au bout de cinq minutes, il entendit quelqu’un descendre les marches de l’escalier. La voix de Kristof discuta avec cette nouvelle personne, et au bout de quelques instants, on le découvrait entrant dans le salon.
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C’était un grand monsieur, avec un embonpoint certain. Il avait de grosses joues, et un ventre bedonnant qui s’affichait sous ses vêtements. Une grosse barbe blonde avec des teintes de brun, des lunettes rouges sur un nez écrasé, on lui aurait donné quelque chose comme une quarantaine entamée. Ses habits n’étaient pas si différents de ceux de Kristof, sobres, unicolores, excepté que cette personne-là avait un collier autour du cou, une grande chaîne avec quelques symboles : des sirènes à la poitrine nue, et des tridents.
L’homme salua Éloi, et s’approcha pour lui serrer la main. C’était là un usage assez peu habituel. D’habitude, en voyant Éloi, les gens se signent le cœur.

« Bonjour à vous. Je suis maître Thierry Adelwijn.
Vous avez un mot de la part de Sébire ? »

Éloi lui tendit la lettre. Alors, Thierry se retourna, et Kristof lui parla.

« Stuur ik Tatjana voor wijn en koekjes?
– Nee. Het is een jongen. Ik stuur hem waarschijnlijk snel weg. »


Le marienbourgeois était une langue qu’on entendait que trop peu en Bretonnie. Il fallut qu’Éloi se concentre un peu pour comprendre la teneur de l’échange. Si la grammaire était très inhabituelle à ce que le prêtre connaissait, il arrivait à raccrocher certains termes de vocabulaires à son esprit pour deviner de quoi ils parlaient…
Visiblement, Thierry n’était pas satisfait qu’Éloi soit un jongen. Un garçon. Il demandait à Kristof de ne pas s’embêter à aller chercher du wijn.
Il avait prévu de le foutre dehors très vite.

Thierry amena Éloi à l’étage. Ils grimpèrent dans ce petit escalier qui craquait sous leurs pas, jusqu’à arriver au premier étage où se trouvaient plein de portes, dont l’une ouverte. Une étude. À l’intérieur, il y avait ce qu’on s’attendait à trouver dans une étude : une grande fenêtre qui avait une vue sur le jardin et des bâtiments derrière. Des armoires à vitre, remplies de livres et de papiers. Un globe terrestre. Un bureau avec des tas de feuillets, des encriers un peu partout, des documents reliés entre eux, quelques tampons avec la cire à chauffer à côté.

« Asseyez-vous, je vous prie, mon frère. »

Thierry ferma la porte, puis alla s’installer derrière le bureau. Il y avait deux fauteuils en face ; cette fois, on n’indiqua pas à Éloi où poser précisément ses fesses.
Le gros Marienbourgeois décacheta l’enveloppe. Il la tira, et, pendant quelques minutes, il ne fit que lire la recommandation de la prêtresse. Là aussi, dans cette pièce, il y avait une pendule. Et toujours ce tic-tac, donc.
Quand il eut terminé sa lecture, il posa la lettre, mit ses coudes sur le bureau, et lia ses mains devant lui.

« Bien.
Parlez-moi un peu de vous. D’où venez-vous ? Quelles sont vos motivations pour cet emploi ? »


Deux jets de Foi : 5 et 9, les deux prières passent. STONK.

Jet d’observation : 8, détails supplémentaires débloqués

Jet de compréhension : 9, réussite de justesse.
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Frère Éloi
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par Frère Éloi »

La demeure des Adelwijn est un impressionnant édifice, d’une indéniable opulence, quoique drastiquement différente des hôtels privés de la noblesse de Bretonnie. En effet, si les demeures nobiliaires de Brionne font grand usage de pierre et de marbre, comme les lois somptuaires leur en donnent le droit et l’apanage exclusif, les résidences de la bourgeoisie fortunée rivalisent avec leur faste par le bais de matériaux ingénieusement détournés. Ainsi l’immeuble est-il plutôt bâti, pour ce que je peux en distinguer, de brique et de bois enduit, et de tant d’autres matériaux au prix faramineux. L’enseigne au-dessus de la grande porte représente une femme dévêtue, dont les jambes se fondent en une étonnante nageoire, et dont je m’efforce de ne pas trop contempler les courbes, préférant déchiffrer l’inscription juste en dessous. Huis Adelwijn. Nous y voici donc : bréviaire sous le bras, je m’avance pour sonner.

Si je n’ai pas à patienter longtemps pour que l’on vienne m’ouvrir, je suis encore étonné de la sobriété vestimentaire du concierge. Le dénommé Kristof semble également tenir la fonction de majordome, et j’ai un peu de mal à le cerner. Il semble relativement avenant au premier abord à l’extérieur, mais sitôt parvenu au perron, et a fortiori dans le salon une fois à l’intérieur de la maison, fait preuve de manies bien autoritaires. Peut-être est-il juste très préoccupé par la propreté des lieux ?
Je n’ai jamais vu de tableau pareil à cette grande peinture au mur du salon. Le couple à l’expression austère qu’elle dépeint m’intrigue d’autant plus que l’illustration ne me semble pas bien s’accorder avec le symbole de la devanture de la maison. Mais il y a certainement une raison qui m’échappe. Ça doit être la nervosité.
Le son régulier, répétitif, des aiguilles de la grosse horloge qui me fait face m’agace un peu. Cela fait quoi, une minute qu’il est parti maintenant ? Pour m’occuper, je vérifie que rien, et notamment pas la coupable lecture de Solène, ne dépasse de ma sacoche. Enfin, je me remémore les enjeux et objectifs de cette mission, ainsi que les recommandations formulées par Sébire au cours du voyage. Quoi qu’il arrive, je me dois de demeurer simple, sans sophistication suspecte : on m’a conseillé de ne pas me montrer trop mielleux vis-à-vis de Thierry Adelwijn. Ce-dernier se méfie en effet des gens trop intéressés. Je me souviens aussi que je dois mentionner ne pas venir de Brionne même, et ne pas me montrer trop enthousiaste, de peur de le conforter dans sa méfiance.

Je me lève sans attendre lorsque se présente le maître des lieux, mais évite de parler avant d’y avoir été invité : ce me semble être une marque de politesse élémentaire. Quelle n’est pas ma surprise néanmoins lorsque le bourgeois bedonnant s’en vient sans ambages me serrer la main, alors que je suis quant à moi sur le point de lui adresser un gentil salut shalléen !

« Bonjour, mon frère. En effet, le voici. »

Il prend la lettre de recommandation de Sébire, mais ne la lit pas de suite. Plus étonnant, il échange d’abord quelques mots dans un dialecte peu intelligible avec son majordome, avant de m’inviter à le suivre à l’étage. Lui emboîtant le pas sans me faire prier, j’emprunte à mon tour un escalier dont je veux croire que les marches protestent davantage sous son poids plutôt que le mien. Pensif, je repense à l’échange entendu, dont je crois bien avoir reconnu quelques mots en marienbourgeois : je suis persuadé d’avoir entendu Thierry Adelwijn dire à son homme de main qu’il n’est pas nécessaire d’amener de collation, qu’il n’attendait pas un homme pour ce boulot. A vrai dire, plus j’y songe, plus cela fait sens : Sébire avait même prévu que maître Adelwijn ne serait pas content en me découvrant.
Il n’y a pas à dire, il cache bien son jeu : après m’avoir courtoisement invité à m’asseoir, il a même pris le temps de consulter la missive de Sébire. Bien plus longtemps, en fait, que ne le ferait un homme d’ores et déjà sur le point de rejeter une candidature. Le fait-il exprès ? Sébire a-t-elle glissé un argument en ma faveur particulièrement convaincant ?
Interrogé quant à mes motivations, il serait facile de mentir avec application, de vraiment chercher à me faire embaucher. Mais je décide de faire confiance à Sébire de Malicorne : elle est mon aînée, ma supérieure, et a commandité la présente mission. Et elle m’a mis en garde : je dois lui faire confiance, la laisser gérer la candidature, et quant à moi, ne pas me montrer trop intéressé par la tâche. Ne pas éveiller ses soupçons.
Et pour ça, une idée m’est venue dans l’escalier. Mais il faut du cran.

« Je m’appelle Éloi, et je viens d’Orléac.
La Révérende Mère m’a expressément fait venir à Brionne hier pour que je me présente à vous ce jour.
Alors… me voici. »


Un silence. A l’abri derrière ses petites lunettees, maître Adelwikn me jauge sans mot dire. J’expire par le nez, et me gratte la nuque, feignant sans mal un air gêné dont je suis très coutumier.

« Pardonnez-moi, mon frère, mais j’ai cru comprendre tout à l’heure que je ne ferai pas l’affaire.
Or… votre temps est sûrement précieux, et vous avez certainement mieux à faire en ce début de matinée.
Quant à moi, si je fais diligence, je peux encore être rentré ce soir. »


Tout y est ; je suis assez satisfait. L’habile homme aura compris que je fais référence à son échange en aparté : d’ailleurs, son regard a changé, même s’il s’en défend. Cet aveu, quoique risqué, est tout à mon bénéfice : je fais preuve de franchise alors qu’il attend un mensonge, lui coupant l’herbe sous le pied.

Toutefois, j’ai l’intuition, fugace, que ce n’est pas assez. Aussi, je me force à rajouter à la surprise, me laissant aller à une moue désabusée, suivant jusqu’au bout la partition confiée par Sébire, jouant au tire-au-flanc :

« Est-ce que vous pourriez néanmoins… vous voyez… rédiger un mot à l’intention de la Révérende Mère, expliquant que je me suis bien présenté, mais que je ne conviens pas à vos attentes ?

Ce serait très aimable.

Quelque chose comme… physiquement inapte à l’exercice ? »

Je reste attentif si possible aux éventuels signes d’évolution de son humeur, via Empathie, pour calibrer le juste niveau de désinvolture en termes d’expression faciale.
Frère Éloi Voie du Prêtre Mystique
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États temporaires
Une vie de Paix : +1 à tout jet visant à guérir un patient blessé, malade ou empoisonné.
La vie avant tout : doit tenter d'interrompre les affrontements auquel il assiste, à moins que le combat ne soit mené contre des ennemis.

Compétences :
- Maîtrise de l'Aethyr (1)
- Coriace : -1D3 dégâts subis.
- Réflexes éclairs : +1 aux tests d'initiative en situation de surprise.
- Résistance accrue : +1 aux tests d'endurance.
- Sang froid : +1 aux tests de caractéristiques effectués en situation de stress ou tension.
- Volonté de fer : +1 aux tests de volonté.
- Traumatologie : Sait administrer les premiers soins ou favoriser une guérison plus rapide.

- Alphabétisé : Capable d'écrire et de lire le Bretonnien.
- Langage secret (Classique) : Capable d'écrire et de lire le Classique.
- Législation : Sait manipuler le droit à son avantage.
- Doctrine du Culte (Shallya)

- Cuisine : Se débrouille en cuisine. +1 pour détecter des substances nocives dans la nourriture.
- Empathie
- Affûtage mental
- Incantation - Shallya
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Équipement porté sur soi :
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Thierry prit une mine de mépris. Il releva le museau de ses mains liées, et fronça les sourcils derrière les verres de ses épaisses lunettes. D’un ton sec, il se mit à pérorer d’un air sarcastique.

« Oh oui, oui, très aimable de votre part de faire attention à mon emploi du temps. »

Mais lorsqu’Éloi décida d’aller plus loin, le marchand parut abandonner le sarcasme pour lui préférer la colère. Le voilà qui tapota méchamment un doigt sur la table, tout en grondant.

« Physiquement inapte ?! Et, comment ça, dites donc ?! Qu’est-ce que c’est que ces histoires que j’entends ?! »

Et le voilà qui se mit à grommeler mille phrase dans sa barbe en bas-reikspiel. Il soupira, ou plutôt, il souffla très fort, avant de zieuter à nouveau la lettre de Sébire qu’il avait posé sur le bois de son bureau. Il se dégagea la gorge, et reprit son air suffisant et plus flegmatique qu’il arborait plus tôt.

« Pour commencer, j’apprécierais que vous m’appeliez par le titre de maître, on a pas gardé les cochons ensemble à ce que je sache, et j’ai acheté une charge ducale pour avoir cette titulature !
Ensuite, je vous avoue que quand bien même être ici vous embête, ce n’est pas totalement mon problème ; j’ai demandé à votre grande-prêtresse, votre supérieure de me confier un tuteur pour ma fille, c’est pour une raison. Maintenant, si ça vous emmerde tant, hein, d’accord, vous prenez la porte, merci, au revoir ! »


Si Éloi n’avait pas été assuré par Sébire que sa manière de faire était la bonne manière, il aurait pu jurer qu’il venait, en deux phrases, de compromettre tous ses ordres.
Mais en réalité, tout se passait exactement comme prévu ; en choquant Thierry Adelwijn, il assurait en fait un peu plus ses chances d’être bien accueilli dans le manoir. Car, en tout cas, le gros monsieur barbu à lunettes restait bien collé à sa chaise, et ne mit pas Éloi dehors.

« Bon, je dois avouer… Je m’attendais à ce que la révérende-mère m’assigne quelqu’un d’autre… Mais bon, c’est plutôt urgent et oui, comme vous dites, je suis un homme très occupé et je n’ai pas le temps de démarcher des écoliers pour l’emploi que je veux pourvoir. Surtout étant donné les écoliers moyens qu’on croise à Brionne.
Vous étiez à la place Manaan hier soir ? Voilà à quoi sont bons les étudiants ici, foutre le bordel. Et dire que mon fils aîné est dans ce collège ! Quelle honte ! »

Il chassa l’air avec sa main, et grogna encore un peu.

« La maison Adelwijn est une grande maison commerciale originaire du Jutonesryk. Vous seriez chargé de parfaire le classique de ma fille, Joséphine, qui a seize ans. Elle n’est pas destinée à demeurer trop longtemps à Brionne, elle rentrera l’année prochaine à Marienburg pour épouser quelqu’un. C’est une mauvaise ville, surtout pour les femmes, c’est pour ça que je souhaitais un maître qui ne vienne pas d’ici.
Je suppose que si Sébire vous a choisit, c’est qu’elle n’a, disons… Pas de doute sur votre morale… Sur vos, disons… Votre manière de vivre… Vous pourriez… Me… Rassurer sur ce point, mon frère ? »


Concrètement, il voulait savoir s’il pouvait laisser sa fille toute seule avec lui. Peut-être que la recommandation de Sébire suffirait sur ce point.
Ou peut-être était-elle un piège, justement. Peut-être Éloi pouvait-il trouver un moyen plus original de convaincre ce bon Thierry qu’il n’était pas du genre à pourchasser les femmes… Un peu à la manière de ces acteurs hier soir…

« Peut-être avez-vous aussi des questions à me poser. Sur vos indemnités, sur votre logement… Sur ma fille… ? »

Il semblait en attendre. Ne pas poser de questions, ça serait peut-être le convaincre qu’il n’était vraiment pas intéressé par le poste. Tout le jeu étant de doser.
Jet de charisme (Bonus : +1, bonté du cœur, +2, a suivi les conseils de Sébire) : 12, ça passe-t-il
Jet d’empathie : 5, réussite. Bonne analyse des pensées du Marienbourgeois. Détails ajoutés dans la narration.
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par Frère Éloi »

Je dois l’avouer, l’espace d’un instant, j’ai eu un peu peur d’avoir dépassé les bornes. Si la hardiesse de ma réponse visait bien à provoquer une réaction contraire de la part de Maître Adelwijn, son agacement manifeste me fait un moment douter d’avoir bien fait. Le notable grommelle face à moi, et un orage couve dans son regard tandis qu’il martèle le bois du bureau avec insistance du bout de son index. Fulminant derrière ses petites lunettes rondes, le patriarche récrimine successivement contre les différents motifs de provocation jalonnant mes récentes répliques. Tandis qu’il tempête froidement, je suis progressivement rassuré de constater qu’il mord pour ainsi dire aux hameçons déployés. Si je tire de cette observation une certaine satisfaction, et un réel soulagement, loin de moi l’idée néanmoins de m’en féliciter, car l’ensemble de ce stratagème a été ourdi par Sébire de Malicorne. Je n’en suis que l’humble instrument, exécutant ses directives, apprenant sur le tas à jouer la comédie au gré des desseins de la Révérende Mère. J’espère de tout cœur que Shallya me pardonne ces mauvaises actions perpétrées en Son nom.

J’esquisse sans peine une moue boudeuse, empreinte d’une once de vexation, en réaction au sermon dont je fais l’objet. Non que je sois un grand comédien, mais en l’occurrence, cette expression de mon ego contrarié se prête bien à la comédie que je mène, et constitue une posture crédible tandis que je me fais rabrouer. Je tique un peu plus à la mention des cochons, et tente poliment de répliquer, avant de battre en retraite lorsque le corpulent bourgeois menace de me congédier.

« C’est-à-dire que… Je ne garde pas non plus de…
Loin de moi cette intention… Maître. »


Fut-ce par essoufflement de son agacement, ou du fait de le prompt emploi de la juste titulature, Thierry Adelwijn semble se calmer quelque peu, poursuivant d’un ton apaisé le temps de quelques phrases… avant de s’emporter de plus belle dans un sanguin sursaut. Je m’efforce quant à moi de respirer et d’expirer aussi lentement que profondément, tâchant de maîtriser la tension de la situation. Attentif au discours du notable, je prends bonne note du plus grand nombre de détails possiblement exploitables pour notre enquête. Peut-être ferai-je prochainement un rapport à Sébire et Solène, pour faire sens de mes observations.

Maître Adelwijn a manifestement placé son fils aîné au collège de Brionne. Celui-là même dont Sébire m’a expliqué que l’administration ducale tire une bonne partie de ses fonctionnaires. Ce même collège, aussi, dont les étudiants récriminaient hier sur la place Grand Manaan, réclamant une évolution de l’institution à la façon des universités impériales, beaucoup plus indépendantes du pouvoir ducal. De ce détail d’apparence anodine me viennent à l’esprit deux hypothèses : d’une part, à en juger par l’agacement de Maître Adelwijn, il est permis de penser que père et fils ne s’entendent guère. D’autre part, il est assez manifeste que Thierry Adelwijn est très attentif à l’image de sa famille, ce qui n’est point surprenant et tendrait à confirmer le portrait qu’en faisait la Révérende Mère.

L’homme en vient à parler de sa fille, et son discours se fait plus protecteur, quoique cela ne rende pas le personnage du patriarche plus sympathique. Fidèle à la tradition des bonnes familles bretonniennes, et manifestement marienbourgeoises, Maître Adelwijn se montre calculateur, discutant sans ambages du futur mariage stratégique de sa fille comme il le ferait du futur placement d’un pion sur un échiquier. J’ai beau savoir que c’est là pratique courante, et ne pas m’en étonner, le discours tenu retient toute mon attention. Bien m’en prend, d’ailleurs, car survient une question à laquelle je ne suis guère préparé, Adelwijn me demandant de professer ma probité.
Interloqué, j’hésite quelques secondes, prenant le temps de river mon regard au sien. Je sais que je ne dois pas trop tarder, je rétorque donc spontanément, en substance, l’un des premiers versets d’un psaume ascète que Mère Clémence, très tôt durant mon noviciat, me faisait régulièrement réciter, m’exhortant à la distanciation vis-à-vis de mes sœurs.
Je doute que mon interlocuteur connaisse le psautier dont ce vers est tiré, d’autant plus que je le lui énonce en langue vernaculaire plutôt qu’en classique, le visage marqué de ce même sérieux froid que j’avais coutume d’adopter en le récitant.

« Je m’attache, Maître, à mener une vie de rectitude, de rigueur et de raison. »

Lèvres pincées, je manque d’ajouter quelque chose, mais me ravise, estimant le message suffisamment éloquent en l’état. Amandine me disait que ces psaumes ne font pas partie de la liturgie ordinaire, et s’étonnait qu’on me les inculque, car elle-même n’en avait pas connaissance. Lorsqu’on en discutait, elle se montrait critique quant à la teneur de ces vers. Elle les jugeait frigides. Frigide. Si ça ne rassure pas Adelwijn, je ne sais pas ce qui le fera.

Néanmoins, pour faire bonne mesure, je m’empresse de poursuivre, abordant les questions que je suis invité à poser. Mais là encore, je me méfie. Il y a comme une curieuse étincelle dans le regard attentif d’Adelwijn, dont je suis bien incapable de deviner la raison. Je commence donc par le terrain le moins ardu pour poser ma voix, comptant sur ma concentration pour conserver une attitude détachée, sans toutefois paraître nonchalant. En cela, je crois appliquer encore les recommandations de Sébire, car tout est une question d’équilibre. En employant la juste titulature, en posant des questions comme j’y suis invité, je fais en effet montre d’une certaine ouverture, afin que mon attitude équivoque ne soit pas contre-productive.

« Certainement, Maître.
Je n’ai pas connaissance du montant des indemnités que vous évoquez, mais votre généreuse considération soutient directement le culte. »


Le temps d’énoncer ces quelques mots, j’ai d’ores et déjà les idées plus claires quant à la question du logement. Je viens en effet de me souvenir d’un détail évoqué par Solène hier dans la voiture, à savoir que la présence de l’hospice de Sainte-Olinde au sein de la ville déplaît fortement à Thierry Adelwijn. Il semble, de fait, peu opportun de faire toute la lumière quant à mon hébergement actuel. Mais c’est là un bien modeste mensonge, dont je m’accommode aisément, prenant aussi soin d’employer le conditionnel, évitant de paraître trop confiant.

« Je loge présentement au temple de Brionne, mais suis naturellement ouvert à tout avantage que vous jugeriez approprié.

A cet égard, peut-être pouvez-vous également clarifier les horaires que je me devrais d’honorer, le cas échéant ? J’imagine en effet que votre fille suit d’autres enseignements au quotidien. »


Un silence, le temps de considérer la pertinence de questions concernant la fille d’Adelwijn, Joséphine. Là encore, je tâche de conserver une certaine réserve, limitant mes interrogations à la plus stricte bienséance, estimant qu’Adelwijn est plus susceptible d’excuser un excès de discrétion que de curiosité. Aussi, joignant paisiblement les mains devant moi, levant les yeux pour aller chercher le regard du patriarche derrière ses lunettes, je m’efforce de rebondir sur ce dernier point.

« J’ai cru comprendre que votre fille a déjà, en d’autres circonstances, bénéficié d’une initiation élémentaire au classique ?

Souhaitez-vous que l’apprentissage mette l’accent sur un lexique particulier ?
Si vous souhaitez porter à ma connaissance quelque élément subsidiaire ou trait de caractère que vous jugeriez utile à la bonne tenue de cet enseignement, soyez enfin assuré, Maître, de ma discrétion. »
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La vie avant tout : doit tenter d'interrompre les affrontements auquel il assiste, à moins que le combat ne soit mené contre des ennemis.

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- Sang froid : +1 aux tests de caractéristiques effectués en situation de stress ou tension.
- Volonté de fer : +1 aux tests de volonté.
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- Alphabétisé : Capable d'écrire et de lire le Bretonnien.
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- Législation : Sait manipuler le droit à son avantage.
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- Empathie
- Affûtage mental
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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Thierry lia ses dix doigts entre eux et les posa sur la table. Il semblait définitivement calmé. Ou alors était-ce le fait qu’on parlait argent, parce qu’il prit une voix plus docte et posée pour commencer à détailler très précisément le salaire d’Éloi.

« L’emploi que je vous propose serait indemnisé à la hauteur de trois deniers d’argent et six sous de cuivre par jour de travail, à raison de quatre journées de travail par semaine, pour des horaires qui seraient de quatre heures à chaque fois — le jours de labeur, de levée, des fournées et du roi. L’emploi que je pourvoie vous demande votre présence à Brionne pour huit semaines, plus une semaine de congé au milieu à l’occasion de la Nuit des Mystères, durant laquelle vous ne serez pas rémunéré. Huit fois quatre égale trente-deux, soit un salaire total de cinq écus d’or et douze deniers d’argent à la fin de ces deux mois d’emploi.
L’astreinte de ces quatre heures d’études seraient la matinée, de neuf heures à treize heures, précises, SAUF le jour des fournées où cela aurait lieu l’après-midi de quinze heures à dix-neuf heures. Précises, toujours, il va de soi.
Je peux, au choix, prendre en charge votre transport depuis le Temple de Brionne, mais j’exigerai de parler avec le cocher que vous prenez chaque matin, afin d’enregistrer la somme, ou bien, je peux prendre en charge votre logement dans un lieu plus proche de mon manoir — je dispose d’un hôtel privé où loge mon personnel non loin d’ici, qui offre le souper et le petit déjeuner en plus du lit et du linge.
NÉANMOINS, ces frais sont déductibles de votre paye. Je propose généralement le prix de huit deniers d'argent pour la semaine de huit jours, soit un denier d'argent par jour ce qui vous en conviendrez est très généreux pour être logé, blanchi et nourri au Parvis.
On dort mieux ici qu’avec les ordures de la Gâtine, je vous l’assure ! »


Il se releva, et contourna son bureau. Il s’approcha du globe terrestre qu’il y avait au milieu de la pièce de l’étude.
Il fit tourner le globe, et, lentement, fit pivoter le gros cercle de bois peint.
En fait, le globe ne servait pas qu’à représenter le monde connu ; il servait à cacher quelque chose. Il ouvrit le globe en deux, et derrière, on découvrit un tout petit coffre. Thierry l’ouvrit à l’aide d’une clé qui était cachée sous sa chemise, pendant autour du cou par un collier.
Il déverrouilla le-dit coffre, et sorti une petite escarcelle. Piocha un peu d’argent. Et, tout soigneusement, referma la bourse, le coffre, et le dissimula à nouveau sous le globe.

« Ma fille — d’ailleurs j’y pense, elle vous dira peut-être qu’elle s’appelle Jozefien, mais j’insiste sur Joséphine, on est en Bretonnie ici, on parle breton, elle utilisera le prénom qu’elle veut une fois rentrée au pays — a déjà une connaissance élémentaire du classique, grammaire, conjugaison, vocabulaire. Je pense que vous découvrirez son niveau de vous-même lors de vos premières séances. Il est évident que si vous avez besoin de louer des livres à la bibliothèque, ou d’acheter du matériel, des cahiers ou de l’encre, ce sont des dépenses qui ne sont pas déductibles de votre salaire. L’homme en bas, il vous a dit son nom ? Kristof, il s’appelle, il est chargé des achats de la mesnie, il sait écrire et tenir les comptes.
D’ailleurs, mon frère, ça fait du bien de pouvoir parler à quelqu’un qui sait écrire et signer. C’est tellement dur à trouver dans ce pays. Bon sang, tellement de Bretonniens n’apprennent jamais à écrire, ça me… ça me rend fou ! »


Tout en parlant, et en se perdant en conjectures, il revint derrière son bureau. Il posa dessus trois pièces d’argent au blanc très brillant et très pur — pas du tout des pièces rognées comme on avait l’habitude d’en croiser, elles semblaient avoir été frappées tout juste hier. Il rajouta également trois sous de cuivre, bien plus communs.

« Qu’est-ce que je peux vous dire… Qu’est-ce que je peux vous dire…
Hé bien, je ne sais pas, je… je veux juste parfaire son classique. Non non, je ne vois pas trop quoi améliorer chez elle… Oui… Heu… »


Alors que Thierry avait été capable de parler très précisément d’indemnités et de frais déductibles, la dernière question d’Éloi lui posait une colle.
Il voulait éduquer sa fille. Mais il était incapable d’expliquer pourquoi ou en quoi il voulait l’éduquer.
Est-ce qu’il savait seulement son niveau ?

« Bon… Vous me précisez un peu tout, sur ce que vous souhaitez, votre logement et cætera. C’est que l’heure tourne, à midi je dois déjeuner avec le sire connétable de Brionne ! »

Jet d’évaluation d’Éloi (Pour le lol) : 14, échec de 5. Tu ne saurais pas dire avec certitude, mais le salaire que te propose Thierry ne semble pas génial pour ce qu’est censé gagner un scribe.

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Frère Éloi
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par Frère Éloi »

Maître Adelwijn semble manifestement calmé ; le plan de Sébire a fonctionné, car je suis sur le point d’être embauché. Cela n’aura pas été très difficile : en vérité, je n’ai eu qu’à suivre les instructions et conseils prodigués en amont de cet entretien. Tandis que le marienbourgeois tire quelques pièces d’un coffre caché, je ne peux m’empêcher de songer que l’emplacement de cette cachette représente assez bien l’image que Maître Adelwijn donne de lui-même : celle d’un homme pour qui le monde tourne littéralement autour de l’argent et de l’influence. Secouant brièvement la tête pour m’ôter ce cynisme de l’esprit, je réfléchis aussi rapidement que possible aux considérations matérielles exposées à l’instant par le notable.

Je ne suis pas marchand, et à dire vrai, je n’ai aucune idée de la réelle valeur du service que je m’apprête à rendre. Je n’ai jamais possédé grand-chose, d’ailleurs, en accord avec les préceptes shalléens enseignés depuis mon entrée à l’orphelinat. Le seul pécule que j’ai pu mettre de côté l’a été par accident, ou ne m’appartient pas vraiment. Frère Centule m’a un jour donné quelques deniers, sans trop m’expliquer à quelle fin, et Roscelin a parfois fait de même : cet argent-là, je n’en suis jamais que le dépositaire temporaire, afin de mieux servir Shallya le cas échéant. Mais il y a aussi, au fond de ma sacoche, dans une petite bourse que je garde close, plusieurs écus dont je ne sais trop que faire. Ils m’ont été donnés un jour par la veuve Flochard, la tenancière quinquagénaire d’une ancienne draperie, intra muros, à Orléac. Une dizaine d’années que je passe régulièrement chez elle à sa demande pour diverses commissions ; je crois que je lui rappelle quelqu’un. Elle m’a dit qu’ils étaient pour moi, quoi que ça puisse vouloir dire, et je n’ai jamais trop su quoi en penser. Pour être honnête, je n’y ai jamais vraiment réfléchi. Je ne suis pas certain d’en avoir envie.

Revenons à nos moutons, car Thierry Adelwijn se retourne maintenant vers moi, m’interrogeant quant à mon choix parmi ses propositions dûment calculées, minutieusement chiffrées. De son offre d’hébergement, je n’ai pas nécessairement besoin, d’autant que contrairement à ce qu’il semble penser, je n’ai aucune idée de la valeur de l’opportunité proposée. Il en va de même pour l’offre de transport, à dire vrai. Arrachant mon regard du globe terrestre je me lève pour répondre, devinant que l’on ne tardera pas après cela à me signifier mon congé.

« Je vous remercie pour votre prévenance, Maître, mais cet argent revient au Temple de Shallya.
Je ne saurais en disposer, si généreuses que soient les accommodations proposées. »


Sur cette pieuse réplique, je me laisse docilement rémunérer, congédier, et reconduire par le dénommé Kristof, tout en songeant déjà à ma première leçon. Aujourd’hui, c’est jour des comptes, et donc demain, jour du Roi. Autrement dit, ma mission débute demain, de neuf heures à treize heures. Viendront ensuite deux jours -jour d’entame et jour des Dieux- sans donner cours à la Joséphine Adelwijn : ce sera l’occasion de m’aventurer au sein de la Gâtine, à la rencontre de ce peuple de Brionne dont je ne sais que peu, avant de reprendre les cours coup sur coup les jours suivants, jour de labeur et des levées.

Cette esquisse de calendrier en tête, je dispose donc en toute liberté de ma matinée, l’occupant sans trop y penser selon ma routine développée à l’abbatiale. Je me rends en premier lieu au Temple de Shallya pour y suivre l’office de sexte, dans quelques heures. J’en profite pour déambuler au sein des rues pavées des quartiers privilégiés de la ville, ne manquant pas de remarquer le caractère ostentatoire des vitrages colorés des façades alentours. Les rues sont naturellement très passantes, quoique plus ordonnées que dans la Gâtine. Les commerces aussi sont différents, en écho à leur clientèle bien plus aisée.

L’office de sexte passe bien vite, similaire à s’y méprendre aux célébrations de l’abbatiale d’Orléac, si ce n’est qu’ici, je ne connais aucune des célébrantes. Ce n’est guère surprenant : je ne m’étonne même pas que Sébire, étant donné son caractère, ne soit pas présente. Ainsi esseulé au milieu de tant de sœurs anonymes, j’en viens à me recueillir plus profondément que je n’ai pu le faire depuis plusieurs jours. Participant sans peine aux prières scandées, je prête ma voix au chœur collectif, priant de tout cœur que Shallya en perçoive quelque écho.
La chaleur de l’air extérieur de l’après-midi étant très dissuasive, je demeure encore quelques heures à l’abri des épais murs de pierre. Ainsi prostré au pied d’une statue auréolée de la lumière teintée des vitraux, au creux d’une petite chapelle circulaire, je prie encore plusieurs heures la Colombe, l’implorant de me conforter dans ma détermination, de m’assister en mes investigations.

Rentré le cœur plus léger à Sainte-Olinde, je demande à sœur Marcelline de m’indiquer la direction de ma nouvelle cellule, dans l’aile dédiée au dortoir des laïcs. Pénétrant dans la pièce, je constate que le mobilier y est moins faste que celui de la cellule de la nuit dernière : si penderie, bureau et lit y sont également présents, les draps sont bien plus sobres que ceux initialement préparés pour Yolande. Sans trop me formaliser de ces différences de traitement, je note du coin de l’œil que le Bréviaire m’a néanmoins suivi dans cette nouvelle piaule, de même que mon linge, et que le bourdon de marche de Pierrot, déposé contre le mur de pierre.
Dans un élan de lassitude, je fouille un instant dans ma sacoche, avant de la laisser glisser jusqu’au sol au pied du lit. Songeur, je scrute un moment le petit flacon resté entre mes doigts. Le liquide à l’intérieur est clair, et odorant : une sorte d’eau de parfum, je crois, du genre dont les élites s’enduisent pour conforter leurs opérations de charme, j’imagine. Je l’avais pris ce matin sur l’étagère de la chambre de Yolande. Hésitant quant à l’usage que je pourrais en faire dans le cadre de ma mission, je m’approche du bureau, et range l’objet dans un petit tiroir, presque au niveau du sol.

Contournant ensuite le lit pour m’y asseoir dans un soupir, je déballe le reste de mes maigres affaires : si je dois résider en cette pièce pour les deux mois à venir, autant y entreposer ce dont je n’ai pas l’usage lors du moindre de mes déplacements, comme les huit écus de la veuve Flochard, qui finissent eux aussi dans le petit tiroir du bas.

Maintenant étendu de tout mon long sur les draps, je fixe le plafond d’un œil absent. Demain, je rencontre Joséphine Adelwijn. Demain, mon rôle sur l’échiquier de Sébire commence réellement.
Frère Éloi Voie du Prêtre Mystique
Profil : For 9 | End 9 | Hab 8 | Cha 11 | Int 11 | Ini 8 | Att 9 | Par 8 | Tir 8 | Mag 14 | NA 1 | PV 75/75

États temporaires
Une vie de Paix : +1 à tout jet visant à guérir un patient blessé, malade ou empoisonné.
La vie avant tout : doit tenter d'interrompre les affrontements auquel il assiste, à moins que le combat ne soit mené contre des ennemis.

Compétences :
- Maîtrise de l'Aethyr (1)
- Coriace : -1D3 dégâts subis.
- Réflexes éclairs : +1 aux tests d'initiative en situation de surprise.
- Résistance accrue : +1 aux tests d'endurance.
- Sang froid : +1 aux tests de caractéristiques effectués en situation de stress ou tension.
- Volonté de fer : +1 aux tests de volonté.
- Traumatologie : Sait administrer les premiers soins ou favoriser une guérison plus rapide.

- Alphabétisé : Capable d'écrire et de lire le Bretonnien.
- Langage secret (Classique) : Capable d'écrire et de lire le Classique.
- Législation : Sait manipuler le droit à son avantage.
- Doctrine du Culte (Shallya)

- Cuisine : Se débrouille en cuisine. +1 pour détecter des substances nocives dans la nourriture.
- Empathie
- Affûtage mental
- Incantation - Shallya
- Sens de la magie
Équipement porté sur soi :
8 sous d'argent 8 deniers
- Bâton de marche
- Robe de bure jaunie / Tenue en lin / Ceinture / Sandales
- Grande sacoche contenant couverts, rations diverses
- Livre de prière de Shallya
- Amulette de Shallya
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