[Éloi] Princesse de la Foi

La Bretonnie, c'est aussi les villes de Parravon et Gisoreux, les cités portuaires de Bordeleaux et Brionne, Quenelles et ses nombreuses chapelles à la gloire de la Dame du Lac, mais aussi le Défilé de la Hache, le lieu de passage principal à travers les montagnes qui sépare l'Empire de la Bretonnie, les forêts de Chalons et d'Arden et, pour finir, les duchés de L'Anguille, la Lyonnesse, l'Artenois, la Bastogne, l'Aquilanie et la Gasconnie.

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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Le bébé était en train de pleurer. Tous les bébés du monde pleurent, mais il y avait quelque chose dans sa voix, dans sa gorge, quelque chose qu’Éloi avait appris à reconnaître ;

C’étaient des sanglots étouffés.

Le bébé était en train de mourir.


Frère Éloi s’était réveillé dans l’hospice de Sainte Gontheuc. Il connaissait le monastère par cœur — chaque alcôve, chaque passage, chaque bâtiment. Il avait connu quelques menus travaux, un aménagement d’une colonne, le passage de maçons à l’âge de dix ans, qui avaient offert un terrain de jeu de cache-cache avec Amandine.
Il savait donc immédiatement d’où les pleurs venaient.

Personne ne se trouvait dans le Temple. Personne dans l’abbatiale. Personne au réfectoire qu’il remontait en dépassant une broderie de la maison de Carqueray, et une grande plaque offerte par les consuls d'Orléac. Personne devant l’escalier, et pas une sœur pour sortir des bureaux de l’étage. Le concierge n’était pas là. Les enfants de chœur ne chantaient pas. Il n’y avait pas âme humaine, et pas un bruit, excepté ces pleurs qui se réverbéraient en un long écho strident à travers l’acoustique du bâtiment.
Éloi voulut ignorer le bébé. Nouveau-né. Les hommes n’assistent pas aux accouchements. Une sœur irait bien s’occuper de lui. Shallya ne laisse pas les enfants souffrir.
Alors, il attendit, patiemment, juste à l’entrée de sa cellule.

Mais le bébé pleurait. Encore, et encore. Et alors, Éloi fut saisi d’une vision terrifiante —

— la statue de Gontheuc était en train de pleurer.

La Défigurée était recouverte de son masque de granit, mais des larmes rouges, en surface, réelles, perlaient le long de ses joues figées. Ça coulait jusqu’à ses lèvres. Jusqu’à son menton.

Éloi devait aller à l’infirmerie. Il devait empêcher un bébé de pleurer.



Le chemin aurait dû être familier. Pourtant, une sorte d’aura lugubre l’encerclait. Il sentait une pression autour de sa gorge, une sorte de violent étranglement qui saisissait jusqu’à son bras. Comme si une sorte de grosse main le pressait férocement.
Les escaliers semblaient plus longs qu’à l’ordinaire. Et le couloir était comme approfondi. Il fatiguait. C’était comme remonter toute la colline du bas-quartier d’Orléac : il grimpait jusqu’à en avoir des douleurs aux genoux.

Il arriva jusqu’à l’infirmerie. Tira sur la poignée de la porte, et tomba sur une scène fort singulière.
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Il y avait un grand lit à baldaquin au milieu de l’infirmerie. Aucun autre meuble, excepté pour les braseros allumés un peu partout dans l’immense pièce, qui produisaient des flammes rouges, alors que dehors, le ciel était d’un bleu aveuglant.
Au milieu du lit, il semblait y avoir une forme allongée.
Et au-dessus, deux femmes portant de grandes robes de prêtresses jaunes, avec le chasuble, le manteau, et le petit pendentif de colombe.
Et elles portaient toutes les deux des masques qui empêchaient de voir leurs visages.

L’une, était Nathanaèle.
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Et l’autre, c’était Clémence.
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À la seconde même où Éloi avait ouvert la porte, les cris de bébé s’étaient éteints. Plus aucun bruit. À croire qu’il n’y avait jamais eu d’enfant ici.

Sans le remarquer, Nathanaèle liait ses mains entre elles, et récitait une prière avec une voix sèche et autoritaire.

« Honneur soit fait à Shallya pour la guérison des plaies et la purification des humeurs. Grande louange à toutes les saintes car leurs larmes apaisent les inflammations et soulagent les assaillis.
Hélas, Shallya aide surtout celles qui s’aident elles-mêmes !
Laisse-moi faire, ô pieuse sœur ; L’enfant est en train de ruer et de l’assaillir. Nous n’avons pas le choix. Il nous faut le réduire pour lui permettre de survivre ! »


Clémence leva un bras en l’air, et serra son poing dans un signe de colère. Et elle tonna, de toutes ses forces, sa voix rendue métallique par la bouche de son masque :

« Non !
Mère-Terre Rhya a fait nos corps, Shallya les a bénis ! La souffrance fait partie de nos vies ! La douleur est en chacun de nous, dans nos chairs et nos âmes !
Shallya ne te laissera pas devenir une meurtrière ! Grande horreur soit réservée aux avorteuses ! Que Véréna leur arrache leurs clitoris et que Morr laisse leurs âmes errer !
Fait donc ton office, ô studieuse sœur ; Arrache le ventre de cette putain, et, à travers son sang, que son fruit puisse mûrir sous les auspices de toutes les divinités et devant tous les protecteurs de toutes les nations ! »


Et alors, la silhouette sur le lit se releva soudainement.
Elle regarda droit Éloi, et offrit à sa vue son masque — car son visage à elle aussi était dissimulé.


C’était sa mère.
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Elle hurla.

Elle hurla d’un hurlement spectral, à en déchirer la gorge, à en résonner dans les tympans d’Éloi.
Elle se tordit de douleur. Tira sur les draps du lit. Agita ses jambes. Elle tentait de se débattre, alors que Clémence lui attrapait son bras droit, et Nathanaèle son bras gauche, afin de solidement la maintenir avec leurs bras de femmes contre le matelas.
Et elle hurlait des mots, avec une voix transie de peur, de pleurs, et de douleur.

« JE VOUS EN SUPPLIE !
JE VOUS EN SUPPLIE ! SUPPLIE ! PAR SHALLYA ! GONTHEUC ! JE VOUS EN SUPPLIE !
JE VOUS EN SUPPLIE ! J’AI MAL ! J’AI MAAAAAAAL ! »


Et au-dessus de ses cris, avec des voix calmes, étrangement audibles malgré ses supplications, les deux sœurs continuaient de débattre.

Nathanaèle la première.

« Ma faute, ma très grande faute, je réclame pitié et miséricorde pour mes péchés ; Je jure que mon cœur est lourd, et impur, mais c’est par service envers la Colombe que je m’exprime. Shallya nous ordonne de soigner seuls ceux qui peuvent être soignés. S’acharner est vice. S’acharner est contre les commandements de la Bienheureuse Pergunda, fondatrice de notre culte.
Si l’enfant est pulvérisé, la mère peut être soignée.
Si je sors l’enfant, il souffrira de tous les maux des nouveaux-nés. Il souffrira des miasmes, de l’infamie, de la malnutrition. Il n’aura pas de sein. Il n’aura que trop peu d’espoir.
Si je dois choisir une vie ou une autre, je préfère sauver celle qui a le plus de chance de survivre. »


Et Clémence la seconde.

« Misère soit sur toi, érudite sœur ; Tu saignes mon cœur, là où le tiens est trop froid pour subir la moindre hémorragie. Tu camoufles derrière de savantes conjonctures une réalité bien plus veule que celle dont tu te pares — tu paries. Tu utilises la probabilité. Tu suis l’exemple de Ranald, celui qui a déjà trompé notre Déesse.
Tu n’as pas à choisir entre deux patients comme une chirurgienne faisant du triage de combattants. Tu dois choisir entre deux vies : celle d’une mère, et celle d’un enfant. Celle d’une femme qui donne la vie, et celle d’une âme qui souhaite obtenir la vie. Le miracle de Rhya a donné cet enfant. Il nous faut le sauver. »


« J’AI MAL ! IL ME TUE ! IL EST EN TRAIN DE ME TUEEEER ! »

« Tu me demandes de faire un choix, et de vivre avec la vie d’une femme que je découperais sur la conscience.
– Si tu ne fais pas ça, tu vis avec l’âme de son enfant sur la conscience.
– Et s’il meurt après, alors je serai doublement meurtrière.
– Tu auras tout fait pour le sauver. Les médecins perdent des patients. Verena et Morr te pardonneront.
– Ce n’est pas une femme. Elle sort tout juste de l’enfance.
– Et son enfant n’est même pas né.
– Elle vivra toute sa vie avec cette tragédie.
– C’est une putain. Elle retombera enceinte. Et avortera de nouveau.
– Tu ne peux pas savoir ça.
– Grossesse cachée. Elle est pécheresse dans la tête.
– Tu souhaites la tuer pour ses fautes ? C’est péché.
– Tu ne souhaites pas risquer sa vie pour un enfant ? C’est péché.
– Tu opposes une vie à une autre ? C’est péché.
– Tu paries sur les soins au lieu de croire au miracle de la Déesse ? C’est péché.
– Tu souhaites que je prodigue des soins sans le consentement de la patiente ? C’est péché.
– Tu veux dire qu’une mère ne souhaiterait pas mourir pour son enfant ? C’est péché. »

« PITIE ! FAITES QUELQUE CHOSE !
J’AI TELLEMENT MAAAAAAL ! »


Clémence et Nathanèle remarquèrent Éloi. Elles se regardèrent, mutuellement, puis, agirent de concert.

Chacune tira une bande de tissu, et accrocha un bras de la femme à un des pans des baldaquins.
Elles firent de même, à toute vitesse, avec ses chevilles.
Elle continuait de bouger dans tous les sens, comme une possédée, mais c’était à présent dans une position d’écartèlement, pieds et poings liés.

« Mon frère, nous ne pouvons prendre une décision.
– C’est trop dur pour les femmes.
– Mais les hommes sont sales.
– Cruels.
– Calculateurs.
– Violents.
– Indignes.
– La verge d’un homme a créé cet enfant.
– Et aucun mâle ne se tient pourtant ici pour le réclamer.
– Taal soit maudit…
– Il aurait été mieux que les hommes n’existent pas. »

Et elles s’avancèrent tout droit vers lui.

« Alors l’avis d’un homme est important.
– Que devrions-nous faire ?
– Cette femme va mourir à cause de son bébé.
– Césarienne, nous pouvons sauver l’enfant. Mais elle meurt.
– Opération de la taille. Avec une curette et un pilon, je peux anéantir l’enfant. Et sauver sa vie. »

Et derrière, la femme continuait de hurler à grosses larmes.
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Frère Éloi
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par Frère Éloi »

L’enfant pleure.
De longs sanglots, malheureux, douloureux.
Meurtri, affaibli dans la nuit,
L’enfant pleure car il se meurt.


Poussé par l’urgence, je m’éveille, suffoquant. J’ai besoin d’air, de m’extirper de ce linceul humide qui m’enserre. En nage, transi de froid, je m’extrais à grand peine de l’étreinte morbide de mes draps. Comme mes yeux s’accoutument à l’obscurité ambiante, je distingue mieux les alentours. Le clair de lune se déverse depuis le jour de souffrance, baignant d’une lueur blafarde le nu des murs de ma cellule d’Orléac. Un silence de mort nimbe le monastère, seulement rompu par les pleurs étouffés du bébé. Je frissonne, saisi d’une angoisse dévorante. Haletant, frissonnant d’effroi, j’ai l’intime conviction qu’une chose terrible est sur le point d’advenir.

Errant péniblement tel une âme en peine au gré des couloirs de l’abbaye, je m’efforce à chaque pas d’ignorer la douleur encastrée dans ma poitrine, de m’arracher à cette langueur qui me retient de ses doigts glacés. Prenant appui contre les murs de pierre, je lutte pour gagner l’extérieur, pour m’éloigner de l’origine des cris du nouveau-né. Les hommes n’assistent pas aux accouchements. Mes sœurs sont plus indiquées pour soulager le nouveau-né. Quant à moi, je sais comment m’apaiser.

Cheminant à présent à l’extérieur le long du sentier de gravier, je dirige mes pas vers la dame de granit. Je veux embrasser du regard le visage éploré de la Défigurée, qui d’ordinaire apaise mes doutes et calme mes frayeurs.

Caressant de la paume de ma main la rude surface de la pierre fatiguée par les années, je m’efforce de faire abstraction des sanglots lancinants déchirant la nuit. Mais la pierre est humide sous mes doigts. Levant les yeux vers le visage de la dame de granit, je ne peux réprimer un mouvement de recul à la vue des sillons carmin ruisselant des joues de Sainte Gontheuc.

La lumière de l’astre lunaire révèle, au creux de ma main, une paume maculée de sang.


La dame pleure.
Un flot de larmes coule de ses yeux ;
Son sang ruisselle sans un bruit.
La dame pleure car l’enfant se meurt.


Je reflue en toute hâte vers le dédale de couloirs de l’abbaye, titubant dans ma progression. Je me souviens, maintenant. Le secret de Percefruit. Ma paume ensanglantée, entachée de l’engeance viciée du nouveau-né difforme. La nausée. Le regard d’ambre. La forêt. La peine, déchirante. La vive morsure des regrets. Le refus obstiné d’oublier.

C’est moi qu’il appelle. Je ne sais pas comment l’enfant s’est retrouvé ici, mais je reconnais dans ses cris étouffés la même volonté viscérale de lutter pour sa survie que celle dont la chétive forme faisait preuve dans les langes, au creux de mes bras. Sans en connaître la raison, j’ai l’intuition de devoir le rejoindre, être à ses côtés pour le malheur à venir. Car il y a péril en la demeure. La dame de granit ne saurait pleurer sans raison.

A mesure que j’avance au sein du bâtiment, l’air se fait lourd, pesant, épais. Mon angoisse rampe, matérielle, depuis le plafond et contre les murs, m’entoure et me pourchasse de sa substance éthérée. Suffoquant, je hoquette, submergé par l’angoisse. Les couloirs autour de moi n’en finissent plus de s’allonger à mesure que je les parcours. Plus je cours, moins je semble avancer. Je progresse néanmoins, quoique à grand peine, et parviens exténué aux portes de l’infirmerie.

Les pleurs cessent comme s’ils n’avaient jamais existé alors que je pénètre au sein du dispensaire. Je m’immobilise, détaillant la scène. Plus nulle trace des nombreuses couches meublant d’ordinaire cette salle. La pièce baigne dans la lumière bleutée de la lune, un unique lit en baldaquin trônant dorénavant au beau milieu de l’infirmerie. Deux silhouettes masquées s’affairent au chevet d’une troisième étendue sur le lit. Leurs voix résonnent et se répondent de façon théâtrale, me permettant d’identifier à coup sûr les personnages.

La plus grande des silhouettes est celle de sœur Nathanaèle, comme en témoignent également le masque de porcelaine et les gants recouvrant ses longs doigts. L’autre silhouette porte un masque à bec à l’apparence pour le moins sordide, mais néanmoins finement ouvragé et décoré : j’identifie cette seconde voix comme appartenant à sœur Clémence. Mes deux aînées m’ignorent complètement, trop occupées à tenir conseil quant à la conduite à adopter. Les écoutant discourir, je comprends tout juste l’enjeu de la situation que la troisième silhouette, demeurée silencieuse, se redresse et me dévisage, avant de commencer à hurler d’une voix claire, juvénile.

Comme les deux sœurs poursuivent le cours de leur débat théologique, je blêmis, et porte mes mains à mon visage exsangue, submergé par une horrible intuition, et un torrent d’émotions débridées. Suis-je en train d’assister à ma propre naissance, sorte de souvenir tiré des tréfonds du domaine de Mòrr ? Une violente tempête fait rage en mon for intérieur : je suis tout à la fois chagrin, angoissé, et curieusement amoureux. Est-ce là ma mère, souffrante, gisant sur le lit ?


Maman pleure.
Pas de chagrin, mais bien de douleur ;
Hurlant, souffrant une lente agonie.
Maman pleure car elle se meurt.


Une douleur indicible cisaille ma poitrine, et je porte vainement la main à mon cœur, la petite colombe de bois au cœur de mon poing. Une souffrance insoutenable, pulsatile, en émane, menaçant de me terrasser. Je titube, estomaqué, le souffle court, peinant même à respirer.
C’est moi, là-dedans, ruant, grattant. C’est moi, le malheur imminent. C’est moi, le monstre rampant.

Ma mère va mourir, là, comme ça, toute jeune, toute seule, par ma faute. Elle ne verra jamais le visage de son fils, ni lui le sien. A cause de moi.
Je vous en prie. Faites que ça s’arrête. C’est trop dur. Je ne peux pas vivre avec ça. Je ne veux pas vivre avec ça.


Je pleure.
Le cœur de la dame est vide.
Le mien saigne, de peine et de malheur.
Je pleure car Maman se meurt.


L’espace d’un fugace instant de lucidité, je remarque que les deux sœurs attendent mon verdict. Elles ont toutes deux raison : il n’y a pas d’issue évidente, il faut faire un choix.
C’est vrai, il n’y a pas plus grand péché que de prendre une vie. Mais je dispose librement de la mienne.

« Sauvez la, ma sœur. Je vous en donne pleine licence. »

Mòrr, je t’en conjure, laisse-moi voir son visage.
Frère Éloi Voie du Prêtre Mystique
Profil : For 9 | End 9 | Hab 8 | Cha 11 | Int 11 | Ini 8 | Att 9 | Par 8 | Tir 8 | Mag 14 | NA 1 | PV 75/75

États temporaires
Une vie de Paix : +1 à tout jet visant à guérir un patient blessé, malade ou empoisonné.
La vie avant tout : doit tenter d'interrompre les affrontements auquel il assiste, à moins que le combat ne soit mené contre des ennemis.

Compétences :
- Maîtrise de l'Aethyr (1)
- Coriace : -1D3 dégâts subis.
- Réflexes éclairs : +1 aux tests d'initiative en situation de surprise.
- Résistance accrue : +1 aux tests d'endurance.
- Sang froid : +1 aux tests de caractéristiques effectués en situation de stress ou tension.
- Volonté de fer : +1 aux tests de volonté.
- Traumatologie : Sait administrer les premiers soins ou favoriser une guérison plus rapide.

- Alphabétisé : Capable d'écrire et de lire le Bretonnien.
- Langage secret (Classique) : Capable d'écrire et de lire le Classique.
- Législation : Sait manipuler le droit à son avantage.
- Doctrine du Culte (Shallya)

- Cuisine : Se débrouille en cuisine. +1 pour détecter des substances nocives dans la nourriture.
- Empathie
- Affûtage mental
- Incantation - Shallya
- Sens de la magie
Équipement porté sur soi :
8 sous d'argent 8 deniers
- Bâton de marche
- Robe de bure jaunie / Tenue en lin / Ceinture / Sandales
- Grande sacoche contenant couverts, rations diverses
- Livre de prière de Shallya
- Amulette de Shallya
Fiche wiki[Annexe] Brionne et Orléac

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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Derrière leurs masques de cuir ou de porcelaine, il était impossible de lire la moindre émotion sur le visage des deux sœurs. Leur posture, de même, était anormalement figée ; les deux lui faisaient face avec les mains pliées devant le bassin, comme s’il s’agissait de deux sosies, deux statues jumelles qui ne faisaient qu’imiter la nature humaine. Avec leurs longues robes jaunes, pas un pouce de peau n’était dévoilé.
C’est dans la voix, pourtant, qu’Éloi pouvait entendre une réaction.

« Pleine licence ? »


Répéta Nathanaèle.

« Est-ce ainsi que tu comptes te dédouaner ? »

Demanda Clémence, sur un ton plus interrogé que vraiment accusateur.

« Ne trouves-tu pas cela trop facile ?

– Il est aisé de prier Shallya quand on abhorre le sang.
– Et la merde.
– Et la bile.
– Et le cérumen.
– Et les larmes. »


Clémence tendit sa main ; elle était recouverte d’un épais gant de cuir. Elle attrapa le poignet d’Éloi, et serra assez fort pour marquer sa peau.
Nathanle tendit sa main ; elle était recouverte d’une fine toile de lin. Elle serra sa poigne, assez pour l’irriter de rouge.

« Puisque tu veux tuer-
– C’est à toi de le faire-
– Et si tu veux vraiment faire ce qui est juste-
– Apprends à arracher la vie. »


Éloi était un homme, et les deux sœurs deux femmes. Elles n’avaient ni une grande carrure, ni la force de la taille ou de l’âge ; il aurait dû être aisé pour le jeune frère de se débattre et de s’échapper.
Et pourtant, leurs mains paraissaient assez puissantes pour le forcer à être tiré. Pour le faire s’avancer tout droit, alors que ses sandales claquaient au sol, manquaient de le faire trébucher chaque fois qu’il traînait.
Elles l’approchaient tout droit devant le lit, et la pauvre femme ligotée, qui agitait ses membres dans tous les sens, prise de spasmes qui la faisaient contracter le corps tout entier.

« Abstiens-toi de tuer.
Ne refuse jamais de soigner un suppliant. »

Clémence tira la main du jeune homme contre elle, et lui ouvrit ses doigts afin de dévoiler sa paume.
Nathanaèle ramassa, sur le côté du lit, un couteau de cuisine qu’elle lui enfonça dedans.
Clémence lui referma ses doigts, et poussa afin que l’initié colle la lame contre sa propre gorge. Afin que le bout s’enfonce contre sa pomme de Taal.

« Elle est morte à cause de toi. »

Clémence relâcha très lentement son emprise. Et elle laissait le couteau là, avec Éloi à sa propre merci.

Une cloche sonna.
Un son familier. À Brionne, comme à Orléac, comme dans toutes les villes du Vieux Monde, les cloches sonnent pour indiquer des horaires. La tourmente lors des tempêtes ou des orages, tout au long de l’intempérie, pour que les navires et les voyageurs se dirigent vers un endroit protégé. Le tocsin lors des incendies. La volée pour le mariage ou les messes.
Mais ici, c’était un tintement lent. C’était une cloche de glas.

La mère d’Éloi cessa de hurler et de se débattre. Elle se détendit, s’allongea au fond du lit, et, si on l’entendait encore respirer, si on voyait encore sa poitrine se gonfler et se dégonfler avec sa respiration saccadée, elle semblait apaisée.
Le glas sonna sept fois. D’où la cloche sonnait ? Elle était si sonore, si puissante, qu’on aurait dit qu’Éloi se trouvait juste en dessous du clocher de l’abbaye.
Mais au septième coup, une silhouette entra dans la pièce. Une silhouette grande, lourde, et imposante, avec un bruit gluant, comme des semelles humides qui couinaient.
Clémence et Nathanaèle s’agenouillèrent. Lièrent leurs mains au-dessus de leurs têtes, comme si elles étaient en pleine adoration.

L’homme puait. Il puait une odeur de charogne faisandée. Il posa des mains couvertes de verrues sur les baldaquins du lit, et, alors, Éloi vit son visage.
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Un gros œil déluré le dévisageait. L’autre était à moitié fermé par une paupière gonflée. Une sorte de bout de bois lui traversait le front et lui servait de corne. En ouvrant la bouche, une langue violette dévoila des centaines d’asticots qui glissaient ruisselaient sur sa mère.

« Salut salut ! J’crois qu’tu reconnais qui j’sers, hein ? Héhé. »

Tout sympathique, il avait une voix aussi grave qu’affable. Il avait la voix d’un homme ayant une pneumonie. Éloi cherchait dans ses souvenirs quels fragments il pouvait rattacher à ce ton. Est-ce que c’était quelqu’un qu’il connaissait ?

« On a déjà gagné tu sais. C’pas moi qui vais te l’apprendre. Tu l’sais, tu l’as vu à Percefruit de tes propres petits yeux. Tu l’as vu dans la gueule que Nathanaèle planque sous son masque.
Je sais que tu m’poursuis. Tu crois qu’ça m’fait peur ?
Non. Tu vas pas m’faire de mal. Parce que j’peux t’aider. »


Il posa sa main dégoûtante sur le corps de sa mère. Et agrippa ses doigts sur son masque.
Et comme pour accéder au désir d’Éloi, il commença à le retirer, afin de dévoiler son visage.

« On se revoit très vite, petit asticot. »


Mais il se ravisa.



Éloi s’était réveillé plus tôt que d’ordinaire — même avec l’été, il faisait encore nuit noire dehors. Il ne trouva pas l’apaisement nécessaire pour se rendormir, aussi, il était temps de profiter de sa matinée en avance, en allant prier Shallya et les saintes, se laver rapidement, et prendre un petit-déjeuner.

En sortant de sa cellule et en passant dans la grande salle commune de l’aile des hommes, pourtant, Éloi fut obligé de s’arrêter. Un homme se tenait en plein milieu, une personne barbue, pleine de rides, les cheveux très noirs, avec une maigreur parfaitement remarquable : il avait les joues bien creuses et les bras fins, anguleux. Il portait comme simple vêtement une grande robe brune sans ceinture autour de la taille.
C’était un patient. Et voilà qu’il sifflait et pointait Éloi du doigt.

« Hé, mais j’t’ai jamais vu toi ! »

Il s’approcha à grands pas, les mains nouées dans le dos, les épaules voûtées en avant, comme s’il était une poule.

« Toi aussi tu couches avec la mère Marcelline ?! Ah vous couchez tous avec, je le sais, tous ! Faut pas faire comme si j’étais pas au courant, moi je sais ce que vous faites, hein ! Ça y est, ça voit un con, ça se jette à quatre pattes devant le con !
Moi je le dis parce que je le sais ! Tous y couchent avec ! Tu le savais qu’ils couchaient avec ? Bien sûr que tu sais, toi tu le fais ! Rah là là, incroyable ! Et après c’est moi le dégoûtant ! Je suis pas aussi dégoûtant que vous autres ! Dégoûtant ! »


Au bout du couloir, un homme en robe jaune passa dans une pièce. Puis revint vite sur ses pattes, en arrière. Il fit un signe de main, et s’avança d’un pas vif.

« Mais qu’est-ce que tu fous là, toi ?! »

Le patient se retourna, les poings fermés sur les hanches.

« Comment ça qu’est-ce qu’j’fous là ?! J’me balade, c’est ça qu’j’fous là !
– C’est pas l’heure de la promenade, t’es censé être dans ta chambre ! Allez, on retourne au lit, en avant, en avant.
– Et toi c’est une heure pour quoi, gros costaud ?! Ah la mère Marcelline elle aime les gros costauds, ça lui rentre bien dans sa chatte les gros costauds ! Pas vrai gros costaud ! Ah, quel goût il a son con, hein ?! Quel goût il a ?! »

L’infirmier agita la tête avec un sourire crispé. Sans user de violence, il poussait le dos du malade, qui continuait à se répandre en vulgarités tandis qu’ils remontaient ensemble le couloir jusqu’à la-dite chambre de laquelle il n’était pas censé être sorti.



Les prières et la toilette effectués, comme hier, Éloi retrouva Guido à l’entrée. Les deux se saluèrent et échangèrent de nouvelles banalités et choses à discuter entre eux. Et comme hier, ils allèrent vers le port, trouvèrent un colporteur qui remontait la ville, et celui-ci accepta de les faire monter tous les deux au milieu de ses cagettes. Ils grimpèrent ensemble, et Guido reprit un peu de sérieux pour donner des nouvelles à son comparse.

« J’ai reçu un mot de Solène hier soir. Fort laconique, comme à son habitude.
Apparemment y a de nouveaux malades dans la Gâtine. Assez pour l’inquiéter. Elle risque de prendre contact avec le collège de médecine dans les jours qui suivent, faudra que tu ailles la voir.
Le souci, c’est que le collège de médecine, bah en ce moment, il est censé être fermé. Blocus et tout. Les étudiants ont foutu des chaises et des meubles pour en barrer l’entrée, alors que les sergents du guet sont tout autour.
J’devrais pouvoir nous y faire entrer discrètement. Mais voilà, garde en tête que c’est ça le contexte actuel. »




Comme hier, Éloi alla sonner à la cloche devant la grille du manoir cerné de fer. Et comme hier, il fut accueilli par des aboiements de chiens, Kristof qui cria pour qu’il se taise, et qui, en voyant le prêtre avec ses bouquins, fit un simple :

« Ah, c’est vous. »

Il sortit le trousseau de clés pendant à sa ceinture, ouvrit, et, d’un ton gêné, fit un :

« Ermpf… Pourriez-vous… »

Et il indiqua le paillasson pour que Éloi retire la poussière de ses sandales.

Ils entrèrent ensemble. Éloi retrouvait cet étrange tableau austère d’un homme et d’une femme tirant la gueule.
Cette fois-ci, par contre, on ne laissa pas le petit prêtre tout seul. Une petite dame trentenaire, joufflue et vêtue d’une robe de bourgeoise en lin, avec un gilet vert autour de son buste, s’approcha avec un bol rempli de petits gâteaux crénelé de myrtilles. Avec un grand sourire, et un fort accent Westerlander, elle proposa :

« Bonjour mon frère ; Voulez-vous des muffins ? Un verre de lait frais ? »

Et ce moustachu de Kristof de rajouter :

« Maîtresse Joséphine sera à vous dès neuf heures. Je vous ai préparé du papier, de l’encre et des plumes dans l’étude à côté. Vous êtes libre de vous y installer comme vous le souhaitez.
Si vous avez besoin de quoi que ce soit, il y a une clochette sur le bureau. »


Il était neuf heures moins-le-quart. Éloi avait donc un bon quart d’heures pour se préparer.

L’étude se situait au rez-de-chaussée. C’était une sorte de grande pièce, qui servait visiblement de lieu de lecture assez confortable. Il y avait de grandes vitres en verre de Brionne, colorées, qui donnaient sur le jardin Bretonnien de l’arrière-cour. Un chien mâchonnait son jouet, tandis qu’un jeune homme s’amusait avec une pelle à planter des plans de coquelicots. Dans la pièce elle-même, avec ses gros murs en bois noble, on découvrait une bibliothèque, qui fourmillait d’ouvrages imprimés — tous étaient écrits avec un titre soit en Classique, soit en Reikspiel. Le temps qu’Éloi zieute rapidement les collections, il ne trouva pas un seul ouvrage écrit en Breton. La plupart de ces livres étaient des recueils religieux, des bréviaires, mais il y avait aussi un atlas et un ouvrage d’aventurier.
Derrière une armoire verrouillée avec une vitre, Éloi put découvrir des petites maquettes de bateaux, et des soldats en bois portant des petits drapeaux finement peints. Voilà certainement le hobby de quelqu’un dans la maison Adelwijn.
Sinon, on pouvait voir quelques bouteilles rangées dans une armoire, et de grands fauteuils posés sur un tapis brodé. Que du mobilier qu’on ne trouvait que dans de riches maisons bourgeoises.

Ce n’est pas à neuf heures précises et exactes, comme le souhaitait Thierry, qu’Éloi dût se mettre au travail. Mais c’est à neuf heures six (Si le cadran de cette pièce était bien à l’heure) qu’on toqua à la porte. Kristof ouvrit sans attendre de réponse, inclina la tête, et voilà qu’une jeune fille entrait à l’intérieur.

C’était une jeune fille de son âge. Absolument commune et peu remarquable. Pas de maquillage, très peu de bijoux, excepté pour une broche en or avec une pierre probablement semi-précieuse au milieu, qui servait à boucler ses cheveux blonds qu’elle nouait sous un semi-voile dévoilant le sommet de son crâne. Longue robe, de la gorge jusqu’aux chevilles, avec du vert-jaune autorisés par les lois somptuaires. Elle avait un visage brillant, de l’acné, un menton fuyant comme Thierry, ce qui n’était peut-être pas un beau trait à hériter. Un léger embonpoint, remarquable chez les riches.
C’est comme si on avait tout fait pour que la gamine soit aussi « banale » que possible.

Kristof souhaita un bon travail à Éloi, et ferma la porte. La gamine se tint tout droite, avec un sourire timide.

« C’est… Vous mon nouveau précepteur ?
Je vous imaginais plus… Vieux. »


Elle regarda ses pieds. Puis le jardinier dehors. Puis une maquette. Tout ça à toute vitesse. Elle se dégagea la gorge, et se présenta.

« Jozefien Adelwijn. Je… Dois vous appeler mon frère, c’est ça ? »
Jet de résistance mentale : 17, échec.
Et ainsi sonne le glas.

Jet de connaissances générales : 19, échec.
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Frère Éloi
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par Frère Éloi »

Les deux silhouettes se sont figées, comme surprises par ma réaction. Quant à moi, interdit, désemparé, je reste là, trop faible pour bouger. L’air est lourd, épais, étouffant. Le silence, pesant. La tête lourde, j’inspire péniblement l’air âcre de la pièce, lardé d’élancements au thorax. Les secondes passent, puis les deux sœurs aux allures de statues s’avancent de concert. Elles viennent à moi d’un même pas, me jaugent derrière leurs masques, me saisissent conjointement, m’assaillent en cœur de leurs sentencieux sermons.
Leurs reproches me troublent, sèment le doute en mon esprit malmené. N’ai-je pas pourtant fait un juste choix ? Affaibli, lesté par une langueur moite qui me colle à la peau, je n’oppose guère de résistance comme elles m’entraînent en direction du lit, les poignets meurtris par leur poigne d’airain. L’approche se révèle interminable, chaque pas se révélant plus lent que le précédent. Je peine à respirer : j’ai comme une boule au fond de la gorge, qui ne fait que grossir, qui ne cesse d’enfler. C’est Maman, là, gisant sur le lit, agonisant à grands cris. C’est moi qui lui fait mal, qui lui ôte la vie.

On libère ma main droite, me glisse dans le poing un couteau de boucher. Interloqué, je suffoque, rebuté par le contact de l’acier contre ma gorge nue. La vile lame est froide contre ma peau blême, son impitoyable tranchant tourmentant ma pomme de Taal. Un voile de larmes trouble mon champ de vision. J’ai le souffle court, je me sens chavirer. Un lourd sanglot me secoue enfin, pressant contre le fil d’acier, crevant l’abcès de mon angoisse. Submergé par la peine, j’épanche sans un mot mon chagrin, bouleversé par le dilemme imposé.

Au-dessus de nous retentit le triste glas d’une cloche, sonore, vibrant, ses lents tintements égrenant les secondes avant le drame à venir. Noyé par l’émoi, je retarde vainement l’inéluctable choix, dans l’espoir puéril que le geste à accomplir se fasse plus indolore avec les secondes.


Il viendra, vers la septième heure ;
Il viendra, pèlerin, marcheur ;


Au septième coup, le temps s’est comme arrêté. Maman a cessé de crier. Les deux sœurs se sont immobilisées, agenouillées. L’atmosphère a changé.

Un homme entre dans la pièce, imposante silhouette née de la pénombre. Plus grand que Nathanaèle. Plus large que Centule. Une chaleur moite le précède comme il s’avance pesamment, un son visqueux, spongieux, accompagnant chacun de ses pas. Un dégoût viscéral me retourne les entrailles, et ce avant même que l’odeur fétide de charogne faisandée, de chair putréfiée, n’assaille mes narines.

L’inconnu s’avance enfin dans la lumière, révélant un visage immonde, ravagé, une peau bubonique, nécrosée. Son œil enflé luit d’un éclat enjoué, tandis qu’il prend appui de ses mains révoltantes sur le chevet du lit, à deux doigts du visage masqué de Maman.

L’homme-charogne me parle d’une voix grave, rauque, grouillante, mais néanmoins joviale, me témoignant une familiarité que je peine à concevoir. Ce-faisant, une longue langue violacée s’agite dans sa gueule édentée, déversant une pluie de minuscules asticots sur Maman.
Une colère sourde s’éveille en mon for intérieur comme les larves blanchâtres rampent sur le lit. La mâchoire serrée, je lève la tête vers l’immonde colosse, pour river mon regard à son œil globuleux, tandis qu’il m’interpelle d’un air rigolard.


Apaiser tes pleurs, corrompre ton cœur ;
Attiser tes peurs, tourmenter tes sœurs ;


Il me parle de Percefruit. Se targue d’avoir « gagné ». Me provoque, goguenard. Prétend pouvoir m’aider, posant son immonde paluche sur le visage masqué de Maman.
J’éprouve une aversion viscérale, instinctive, pour ce mystérieux personnage. Mais pour autant, je me tiens coi, chancelant, le toisant d’un regard noir alors que mes membres me semblent toujours aussi gourds, comme inanimés.
L’espace d’un instant, l’homme-charogne fait mine de saisir le masque, comme hésitant à révéler le visage de Maman, une lueur torve dans son œil boursouflé.
L’espace d’un instant, j’oscille, entre révulsion et curiosité passionnée.


Il viendra, le porteur de malheur.


***


La pâle lumière de l’astre lunaire perce mes paupières closes, dardant de sa lueur importune la malheureuse prunelle de mes yeux. M’éveillant brusquement d’un sommeil douloureux, je m’agite un moment, luttant vainement contre l’étau humide de mes draps qui m’enserrent de toutes parts. Lorsqu’enfin passe ce moment de panique, je me détends progressivement, fixant à travers la pénombre ambiante le lointain plafond de la cellule, dont la voûte me contemple en retour. Mon cœur bat encore à tout rompre au sein de ma poitrine, et j’ai le souffle court. Les questions se bousculent au sein de mon esprit perplexe.

Qu’est-ce qui est réel, de tout ça ? Est-ce que je dois en parler ? A qui ?

Un coup d’œil à l’extérieur me confirme qu’il est encore très tôt. Mortifié par l’expérience vécue, je ne souhaite pas chercher à me rendormir : le sommeil ne serait pas très rassérénant, et… je n’ai pas envie d’y retourner. Je sors donc me dégourdir les jambes le long des couloirs de l’aile des laïcs de l’hospice. L’esprit accaparé par la teneur de mon songe, je remarque à peine le vieux patient en excursion qui, se dandinant curieusement, les mains dans le dos, me tourne un moment autour, manifestement très curieux -et quelque peu irrévérencieux- à mon endroit. Sauvé de cette étonnante confrontation nocturne par un soignant de passage, je vaque à mes occupations, perturbé, jusqu’au petit jour.


Discutant avec Guido sur le chemin au petit matin, prenant des nouvelles de Solène, j’acquiesce, songeur, à ses propos tandis que la charrette nous emmène vers la ville haute. Je ne lui ai pas parlé de mon rêve -à quoi bon ?- quoique j’aimerais trouver un confident à ce sujet. Il s’agit typiquement du type de conversation que je souhaiterais avoir avec Amandine, si je logeais encore à Orléac. Ou avec sœur Annabelle. A défaut, je ne sais trop vers qui me tourner : ma dernière confidence à Solène a tourné court, et la Révérende Mère Sébire a d’autres sujets à traiter. Il y a pourtant quelque chose dans ce songe qui m’interpelle : une forme de lucidité qui, contrairement à des songes plus communs, ne m’a pas quitté tout du long. Le simple fait que je me souvienne de ce rêve comme de l’après-midi d’hier suffit à m’intriguer. Peut-être un prêtre de Mòrr pourrait-il m’aider à déterminer la véracité, ou la signification de cet épisode nocturne.

« C’est inquiétant, en effet. Peux-tu convenir avec elle d’une heure de rendez-vous ?
Je ne travaille ni demain, ni après-demain. »


Pour cette deuxième visite à la demeure des Adelwijn, peu de surprise, une forme de routine semblant déjà se profiler. Après les aboiements des chiens, appelés au calme par Kristof, le majordome surgit, m’invite à le suivre, sans oublier de m’essuyer les pieds sur le paillasson. En somme, très procédural, comme escompté lors de ma première visite. Une fois entré, je fais néanmoins la connaissance d’un autre membre de la maisonnée, une femme à l’accent impérial, qui me propose une pâtisserie en souriant. La remerciant courtoisement, j’obtempère avant de réfléchir, écoutant intuitivement l’appel de mon estomac plus que la raison pure et dure que prônerait Clémence. Me laissant guider par Kristof, je découvre « l’étude », une vaste pièce aux allures de bibliothèque, avec une fenêtre donnant sur le jardin d’agrément de l’arrière-cour. Il y a vraiment de tout dans cette pièce étonnante ; certainement de quoi en apprendre quelque peu, le temps aidant, quant aux intérêts de Thierry Adelwijn, outre la réussite de sa propre famille.

Lorgnant avec curiosité sur la gourmandise offerte par la gouvernante, je saisis le petit gâteau entre mes doigts, l’observant de plus près. Elle a appelé ça un muffin. On dirait une sorte de pâtisserie aux fruits, du genre que l’on ne trouve pas dans les commerces de quartiers populaires. A vrai dire, je n’ai jamais vu ça sur les devantures des commerces de bouche et autres boulangeries d’Orléac ; ce doit être un met réservé à une certaine élite, ou une spécialité locale de Brionne. Toujours est-il que ça a l’air goûteux : je me risque donc à en avaler une bouchée.

Guigne de Ranald oblige, c’est sur ces entrefaites que l’on toque à la porte. Jetant un coup d’œil à la pendule tout en finissant précipitamment d’ingurgiter la friandise, je constate, confus, qu’il est déjà neuf heures passées. Je n’ai pas sitôt fini de mâcher qu’une fille entre, et que l’on referme la porte derrière elle. Jozefien Adelwijn a seize ans, soit sensiblement mon âge, ce qu’elle ne manque pas de constater à haute voix d’un air candide, souriant timidement. L’objet de ma gourmandise ingurgité, je m’empresse de rétorquer, d’un air aussi austère que possible, n’étant pas certain d’avoir été surpris en train de me goinfrer.


« Mes respects, Maîtresse Joséphine. En effet, je suis oblat au temple de Shallya d’Orléac.
Frère Éloi fera l’affaire. »


Pour une quelconque raison, je peine à poser ma voix, peu coutumier de la posture d’autorité que je dois endosser. En plus, je ne suis pas bien grand, alors on a presque la même taille ; ça n’aide pas. Continuant néanmoins de jouer le rôle que l’on m’a confié, je désigne vaguement les fauteuils proches de la petite table en bois, restant quant à moi debout, près de la bibliothèque, tout en enchaînant, une once bien timide de fermeté dans la voix.

« Prenez place, je vous prie, où vous le souhaitez. Vous êtes en retard. »


Voilà pour les présentations. Ce n’est pas fameux, je le concède. Il s’agit maintenant d’essayer d’en savoir davantage quant à la fille de Thierry Adelwijn. M’avançant de quelques pas tout en parlant, je viens me poster face à la table -ou au bureau, selon son choix- pour y déposer le Bréviaire prêté par Sébire. Je l’ouvre aux premières pages, qui comprennent des bases de grammaire, conjugaison, déclinaisons, pour commencer l’apprentissage. C’est avec un bréviaire similaire que j’ai appris le classique ; nul doute que cela puisse aider.
Je poursuis donc, soignant mon langage.


« Votre père souhaite parfaire votre apprentissage du classique. J’ai cru comprendre que vous avez déjà eu l’occasion d’étudier les rudiments de cette langue ?
Pourriez-vous m’éclairer quant à vos connaissances en la matière – par exemple, voyez ces premières pages. Elles recensent plusieurs principes élémentaires, et se veulent pédagogiques.
Sont-ce là des connaissances dont vous disposez déjà ? Pouvez-vous m’éclairer quant à votre familiarité actuelle en la matière ?
Avez-vous, peut-être, déjà assisté à des offices célébrés en classique ? »


La laissant répondre, je détourne délibérément le regard, évitant de la toiser directement, ne l’observant qu’à la dérobée, ou du coin de l’œil. Je cherche à la mettre en confiance, mais aussi à suivre son propre regard, en quête d’éléments dans la pièce pouvant retenir son intérêt. Par ailleurs, Sébire et Solène ont insisté sur l’intérêt de plaire à la fille Adelwijn pour cette mission de renseignement.

« Si vous avez déjà certaines bases, nos exercices n’en seront que plus stimulants. Intellectuellement, s’entend. »


L’idée est de faire usage d’Empathie pour relever, le cas échéant, des signes d’intérêt ou de désintérêt de la part de Jozefien : si son regard se perd par la fenêtre, si elle semble intéressée / curieuse à l’égard d’Éloi, si elle lorgne vers certaines parties de la bibliothèque ou de la vitrine… Pour s’appuyer là-dessus ultérieurement et essayer de l’intéresser au cours.

En termes de programme, si elle n’a pas de bases, ou très fragiles, on peut partir sur l’étude des pages introductives pédagogiques du Bréviaire, en guise de révision.

Si elle a déjà des bases solides, j’aimerais mettre en place au fil des séances une espèce d’alternance entre exercices « classiques » (cours magistral sur la structure du classique, étude de textes religieux, de lois, etc) et d’exercices plus « intéressants » (rédaction de correspondance, visite de pièces de la demeure Adelwijn en traduisant les objets rencontrés en classique, lecture d’écrits de la bibliothèque ou répondant à ses intérêts éventuels… que sais-je). Ces derniers exercices visant, à terme, à servir de support à une possible complicité / jeu entre les personnages.
Modifié en dernier par Frère Éloi le 10 juil. 2021, 15:21, modifié 1 fois.
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États temporaires
Une vie de Paix : +1 à tout jet visant à guérir un patient blessé, malade ou empoisonné.
La vie avant tout : doit tenter d'interrompre les affrontements auquel il assiste, à moins que le combat ne soit mené contre des ennemis.

Compétences :
- Maîtrise de l'Aethyr (1)
- Coriace : -1D3 dégâts subis.
- Réflexes éclairs : +1 aux tests d'initiative en situation de surprise.
- Résistance accrue : +1 aux tests d'endurance.
- Sang froid : +1 aux tests de caractéristiques effectués en situation de stress ou tension.
- Volonté de fer : +1 aux tests de volonté.
- Traumatologie : Sait administrer les premiers soins ou favoriser une guérison plus rapide.

- Alphabétisé : Capable d'écrire et de lire le Bretonnien.
- Langage secret (Classique) : Capable d'écrire et de lire le Classique.
- Législation : Sait manipuler le droit à son avantage.
- Doctrine du Culte (Shallya)

- Cuisine : Se débrouille en cuisine. +1 pour détecter des substances nocives dans la nourriture.
- Empathie
- Affûtage mental
- Incantation - Shallya
- Sens de la magie
Équipement porté sur soi :
8 sous d'argent 8 deniers
- Bâton de marche
- Robe de bure jaunie / Tenue en lin / Ceinture / Sandales
- Grande sacoche contenant couverts, rations diverses
- Livre de prière de Shallya
- Amulette de Shallya
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Toute obéissante, Jozefien se dirigea vers l’un des fauteuils et s’assit dedans, sans véritablement prendre ses aises ; les mains sur les genoux, les fesses au bord du coussin, elle regardait tout droit l’oblat, et dégagea tout de même sa gorge pour balbutier une modique excuse, au sujet de son retard.

« Pardonnez-moi, frère Éloi, je n’avais pas vu l’heure… »

Il y avait un cadran dans cette pièce, une horloge dans le petit salon, des aiguilles dans le bureau de son père, qui lui-même devait bien avoir une montre à gousset accolée à son veston ; ce bourgeois de Thierry dépensait des sommes folles en horlogerie, aussi, le motif du retard de Jozefien était peut-être le moins crédible au monde.

Éloi commença par quelques questions, invitant donc à la jeune fille de parler d’elle-même. Elle cessa bien de le zieuter, et à présent, elle n’osait plus trop regarder son « professeur » dans les yeux. Marmonnant un peu à voix basse, c’était parfois un peu compliqué de comprendre ce qu’elle disait.

« Des offices en classique ? Oui, bien sûr, j’ai déjà suivi des… Des offices…
J’apprends cette langue depuis… Depuis quatre ans maintenant, oui. Je connais déjà beaucoup de règles, la grammaire, des… Des règles mnaoménotiques… »


« Mnémotechniques ». Jozefien avait beau converser dans un breton qui, somme toutes, était fort compréhensible, elle butait à chaque fois qu’elle sortait un mot de vocabulaire avec plusieurs syllabes.
Toute gênée, elle passait ses mains l’une sur l’autre.

« Je crois que… Qu’il me manque beaucoup de… De mots, de vocabulaire. Et puis, je sais lire le classique, mais j’ai du mal…
J’ai du mal à le parler, vous voyez ? Enfin, personne ne parle classique, enfin, si, enfin, comme vous dites, les Shalléennes chantent le classique, et font des sermonts en classique, mais… Mais entre vous, vous parlez toutes — tous, pardon — breton, non ? »


De ce qu’Éloi savait, la langue commune des prêtresses était, à l’origine, le tiléen ; mais depuis près de 80 ans, le culte avait déménagé à Couronne, et les Shaléennes de Bretonnie étaient devenues les plus puissantes politiquement. Dans la capitale du Royaume, le breton semblait être devenu la langue usuelle, au grand dam des officiantes de l’Empire et du Sud qui travaillaient auprès de la Matriarche.
Le classique était bien une langue faite pour parler entre personnes — une langue commune qui traverse toutes les frontières. Mais il n’y avait bien que des clercs pour continuer à utiliser cette langue à l’oral, que des serviteurs de Shallya, Véréna ou Mórr ; tous les laïcs l’avaient abandonnée.

Par chance, Éloi avait eu grâce à Clémence une solide éducation. Il était lui capable de communiquer en classique, et pas un classique de cuisine comme le font de nombreux avocats-oblats de Véréna pour impressionner leurs employeurs.

« Je parle très bien le tiléen aussi. Ça y ressemble beaucoup, non ? »
Jet d’empathie : 20, échec critique.
Comme je peux interpréter un échec critique d’empathie ? Non mais y a que toi pour faire des critiques sur des jets comme ça :orque:

Jet d’intelligence : 19, échec large.
Oui, ok, d’ac.

J’en fais un deuxième quand même parce que tu veux peut-être avancer : 18, mouiii.

→ Mais c’est quoi ces jets ? :orque:

Bon, résumé de la situation : Tu sens la Jozefien toute gênée et toute timide. Et toi-même, tu as du mal par où commencer en faisant de la lecture et des lettres.
Mais l’idée de déambuler dans la baraque en lui faisant dire des mots est excellente, c’est une très très bonne initiative et tu peux le faire ; Dans la rédaction de ta réponse, n’hésite pas à venir me piailler en MP si tu veux que je te décrive un peu la baraque. Tu peux même sortir du manoir, son papa n’est pas là y a juste les deux domestiques (Kristof et la dame aux gâteaux) ; pendant les prochaines heures, la petiote est entièrement à toi.
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par Frère Éloi »

J’ai beau chercher, rester attentif, je ne parviens pas à déceler quoi que ce soit d’insolite dans le comportement de Joséphine Adelwijn. Mon interlocutrice se comporte de façon très convenable, éduquée, policée, sans faire montre de quelque trait de caractère remarquable -non qu’une personnalité ordinaire constitue en soi un défaut. En un sens, cela m’arrange même, rendant le dialogue plus aisé, et me donne le temps dont j’ai besoin pour m’habituer à ce rôle de précepteur auquel je ne suis pas préparé. Demeuré debout pour me donner bonne contenance, je donne donc un moment la réplique à une jeune femme aux manières empruntes d’une certaine timidité, la questionnant quant à sa maîtrise du classique. La réponse à ces questions m’importe en effet, dans la mesure où Sébire souhaite que je me rapproche autant que possible de Joséphine Adelwijn. Pour les besoins de mon enquête en ces murs, mais aussi pour toute investigation future, il convient d’ores et déjà de m’efforcer de connaître celle qui constitue mon ancrage en ces lieux. Las, je suis très néophyte en matière de manipulation, après avoir passé ma vie au service d’autrui : je ne sais donc pas comment procéder pour lui plaire. Je ne peux guère que tenter, par le truchement de nos cours, de l’intéresser à cette activité ; d’être à l’écoute de ses aspirations ; en somme, de me servir de notre temps partagé pour accéder à des informations qui seraient sinon plus ardues à obtenir.
Et le temps presse ; Guido l’a rappelé tout à l’heure. Je dois m’y atteler dès aujourd’hui.

Je ne peux réprimer un sourire gêné à la candide remarque de Joséphine quant au classique, et à sa comparaison au tiléen. Fronçant les sourcils, faisant mine de réfléchir un instant, je sonde ma mémoire, à la recherche des bribes de tiléen glanées au gré de mon éducation. A vrai dire, c’est vite fait, je n’y connais goutte. Je sais comment ça sonne, tout au plus. Une furieuse envie de me gratter la nuque sous le coup de l’embarras m’envahit, mais je me fais violence pour rétorquer, et transformer cette déconvenue en opportunité.

« A dire vrai, le Classique est bien langue parlée, certes par les érudits, mais aussi dans les milieux les plus éduqués de ce monde. On peut l’utiliser comme langue commune pour échanger, pour entretenir une correspondance épistolaire…

Le tiléen ? Je ne saurais dire, ne le parlant pas moi-même. Mais si vous le souhaitez, nous pouvons en faire usage au cours de votre apprentissage. Lorsque nous aborderons du vocabulaire nouveau, je vous en donnerai la traduction en classique comme en breton, et vous nous instruirez quant à la version tiléenne du terme.

Ainsi, nous pourrons répondre ensemble à cette question. »


Afin que cette suggestion d’apprentissage ludique et réciproque ne reste pas lettre morte, je ne tarde pas à lui proposer une première activité dont l’idée m’est venue la veille. Il s’agit, guidé par Joséphine, de déambuler de pièce en pièce au sein de la demeure des Adelwijn, en nommant en classique, breton, et tiléen, les lieux traversés comme les éléments de mobilier rencontrés. L’intérêt de cette manœuvre est double, me permettant d’une part de visiter la majorité de la maison sans éveiller de soupçon, et d’autre part, je l’espère, d’impliquer voire, pourquoi pas, intriguer Joséphine par cet exercice auquel elle ne s’attendait manifestement pas.

Je profite de disposer de la parole pour lui parler subrepticement de moi, par le biais d’une innocente anecdote. Cela aussi, j’y ai réfléchi en amont : dans l’hypothèse où je parviendrais, lors de futurs cours, à amener Joséphine à se prendre aux jeux proposés, et peut-être même, selon son sentiment à mon égard, à se confier quelque peu, il est important qu’elle en sache un peu me concernant. Que cela fonctionne ou pas à terme, ça ne fait pas de mal aujourd’hui.

« L’expérience montre que l’on se souvient aisément de ce que l’on répète. Mieux encore, il existe des moyens mnémotechniques ludiques pour acquérir et mémoriser du vocabulaire.

Lorsque j’apprenais le classique, à l’abbatiale d’Orléac, il m’est souvent arrivé d’associer à divers lieux, mobiliers, objets, les vers d’une prière, ou d’un psaume particulièrement difficile à retenir. Ce-faisant, j’étais en mesure de me remémorer plus aisément les termes mémorisés, en évoquant en pensées l’itinéraire associé.

Je vous propose, s’il vous sied, de procéder ainsi en vue de diversifier votre vocabulaire en classique, dans un premier temps pour acquérir des mots correspondant aux objets et lieux désignés. »


Je suis relativement surpris que Joséphine accepte l’activité sans broncher, mais suis toujours incertain quant à la raison de cette apparente docilité. Est-ce qu’elle adhère à mon explication, ou qu’elle est simplement trop timide, ou bien éduquée, pour laisser paraître une moue peu convaincue ? Toujours est-il que nous passâmes l’essentiel des trois heures et demie restantes à faire précisément cela : déambuler au sein de la maisonnée en quête de vocabulaire. A chaque fois que nous parvenions à une pièce, nous en passions en revue les principaux éléments, les nommant successivement en breton, classique, voire tiléen si Joséphine se prêtait au jeu. A chaque fois, j’ajoutais une phrase simple en classique, en guise d’illustration, vérifiant ensuite consciencieusement avec mon élève qu’elle en comprenait a minima le sens. Des fois que cela suffise à amorcer une conversation.

Pour singulier que soit l’exercice auquel nous nous prêtions, sa finalité devait sembler apparente aux domestiques de la maisonnée, car aucun ne vint nous interpeller. Il faut dire que j’y mettais du cœur, appliqué à la tâche, enthousiasmé, attaché, pour une quelconque raison, à ce que Joséphine Adelwijn non seulement comprenne l’enjeu de l’exercice, mais si possible en apprécie aussi la forme. Pour cela, je m’évertuais, dans la mesure du possible, à maintenir un dialogue engageant, à solliciter régulièrement mon interlocutrice, quoique toujours avec l’égard et la mesure convenant à la situation. Je n’osais néanmoins pas, pour cette première fois, lui proposer de nous rendre à l’extérieur.

L’hôtel des Adelwijn est sis au sein d’un vaste jardin -compte tenu de sa localisation en plein Brionne- parsemé de buissons et ceint de haies en dissimulant l’intérieur. Depuis les fenêtres vitrées de la demeure, je crois déceler un pommier, dans un coin, dont le feuillage soustrait également toute une partie du jardin aux vis-à-vis. Et une remise, adossée à la haie, avec un baquet de bois, vide, à côté. Plusieurs parterres d’essences florales et de plantes médicinales agrémentent cet espace extérieur ; lesquelles, difficile à dire de loin, mais l’ensemble me fait penser aux jardins de l’abbatiale où j’ai grandi. Prenant encore mes marques, je constate sans guère de surprise que la déclinaison de jardin –hortus en classique- n’est pas le détail le plus entraînant pour animer notre conversation.

Il y a pour ainsi dire trois étages dans le bâtiment : un rez-de-chaussée, deux étages, un grenier, et un sous-sol. De ce-dernier, impossible de tirer quelque information que ce soit, Joséphine se refusant à en discuter, drapée dans une réserve polie. Sans me démonter, j’insiste un peu, énumérant son hypothétique mobilier en classique, cherchant à la faire réagir -en vain. Constatant mon manque de succès, je meuble alors la conversation jusqu’à parvenir jusqu’au rez-de-chaussée, espérant que le froid ne dure pas.

Le rez-de-chaussée nous occupe un moment, car outre l’étude aux allures de salon et de bibliothèque dont nous sommes partis, se trouvent ici plusieurs autres pièces, dont une vaste cuisine très propre et bien équipée.

Les chambres se situent à l’étage, ainsi que d’autres pièces, dont, assez curieusement, la salle à manger, située au premier, jouxtant le bureau de Thierry dans lequel j’ai été reçu l’autre jour. La langue de Joséphine se déliant quelque peu, je note qu’il s’y trouve aussi une chambre d’amis ainsi que les appartements des deux domestiques permanents de la maisonnée, certainement Kristof et la dame aux muffins -ce qui induit que les autres ne le sont pas.

Au deuxième étage, Joséphine m’indique sans trop se faire prier que l’on y trouve les chambres des membres de sa famille – quatre chambres, une pour elle, une autre pour ses parents, une troisième pour son frère, et une enfin pour son oncle et sa tante. Cet étage ne contenant par ailleurs qu’une salle de jeux -accueillant notamment une table de jeux avec des sphères de bois, et de petites figurines sur des étagères, et un autel de Véréna contre un mur. Je comprends qu’il sera difficile de me rendre à cet étage sans motif soigneusement choisi. J’apprends également, au gré de la conversation, que la mère de Joséphine demeure à Marienburg, ce qui explique peut-être le départ prochain de Joséphine pour la cité marchande bien connue.

Au sommet du bâtiment, sous les combles, accessible par un étroit escalier de bois couronné d’une petite trappe, se situe enfin le grenier. A ma grande surprise, je n’ai pas besoin d’insister pour amener Joséphine à en parler : c’est presque d’elle-même que la fille Adelwijjn évoque les souvenirs de famille que recèlent ces combles. Guère plus de détail, mais suffisamment déjà pour attiser ma curiosité, bien que je voie pas encore le moyen d’y jeter un œil.

« Bien. Nous voici bientôt au terme de ce premier cours. Pour la prochaine séance, je souhaite que vous travailliez le vocabulaire évoqué ce jour. Pour ce faire, vous pouvez réitérer le parcours effectué, en personne ou en pensée. Notez aussi vos questions, ou suggestions, si vous en avez.

La prochaine fois, nous chercherons à composer un récit simple sur la base du vocabulaire en voie d’acquisition, mais toujours à partir d’éléments familiers. »


Au moment de la laisser prendre congé, mettant moi-même de l’ordre dans les parchemins et volumes ayant peu servi aujourd’hui, je l’interpelle néanmoins, levant brièvement le regard vers la porte de l’étude.

« Et… Maîtresse Joséphine… Soyez à l’heure, la prochaine fois, je vous prie. La ponctualité est un gage de considération envers vos interlocuteurs, et une vertu chère à votre père. »


Les actions évoquées ont été validées en amont / les lieux décrits par le MJ.
Test de CHA pour tenter d’inciter Joséphine à en dire davantage par rapport à la cave : 18, échec.
Test de CHA pour tenter d’inciter Joséphine à en dire davantage par rapport au grenier : 8, réussite, Joséphine en parle un peu.
Voilà voilà. Pour la suite :
- Eloi ne bosse pas les deux jours suivants, donc peut-être que Solène voudra faire sa sortie au collège de médecine.
- Dans l’immédiat, l’après-midi de ce jour-ci, je pense me rendre dans la Gâtine, pour essayer de renouer avec le petit peuple (et potentiellement la plèbe) de Brionne. Revoir le gosse de l’autre fois, si je le croise. Retourner dans le coin du théâtre. Me renseigner concernant les éventuels informateurs de ce milieu. Bref, commencer par déambuler dans les rues.
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États temporaires
Une vie de Paix : +1 à tout jet visant à guérir un patient blessé, malade ou empoisonné.
La vie avant tout : doit tenter d'interrompre les affrontements auquel il assiste, à moins que le combat ne soit mené contre des ennemis.

Compétences :
- Maîtrise de l'Aethyr (1)
- Coriace : -1D3 dégâts subis.
- Réflexes éclairs : +1 aux tests d'initiative en situation de surprise.
- Résistance accrue : +1 aux tests d'endurance.
- Sang froid : +1 aux tests de caractéristiques effectués en situation de stress ou tension.
- Volonté de fer : +1 aux tests de volonté.
- Traumatologie : Sait administrer les premiers soins ou favoriser une guérison plus rapide.

- Alphabétisé : Capable d'écrire et de lire le Bretonnien.
- Langage secret (Classique) : Capable d'écrire et de lire le Classique.
- Législation : Sait manipuler le droit à son avantage.
- Doctrine du Culte (Shallya)

- Cuisine : Se débrouille en cuisine. +1 pour détecter des substances nocives dans la nourriture.
- Empathie
- Affûtage mental
- Incantation - Shallya
- Sens de la magie
Équipement porté sur soi :
8 sous d'argent 8 deniers
- Bâton de marche
- Robe de bure jaunie / Tenue en lin / Ceinture / Sandales
- Grande sacoche contenant couverts, rations diverses
- Livre de prière de Shallya
- Amulette de Shallya
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Rabrouée par Éloi, la jeune fille fut comme figée sur place. Bredouillant un peu, le rouge montant soudain sur les joues de son visage qui avait été presque toute la journée impassible, elle se mit à nerveusement triturer un bout de manchette du poignet lors de sa réponse :

« B…Bien sûr, frère Éloi.
Je… Je vous remercie quand même pour votre patience. J’ai hâte de vous revoir. »


Elle fit une minuscule révérence toute polie, en tirant sur chaque côté de sa robe trop sombre et trop mal coupée, singeant peut-être ainsi les nobles dames que son père et son oncle devaient fréquenter au palais ducal. Et, comme si elle se rendait compte qu’elle avait dit quelque chose d’idiot, la voilà qui filait presque immédiatement.

Ramassant ses affaires, Éloi repassa devant la dame aux muffins (Tatjana, un prénom qui sonnait très éloigné — le grand est de l’Empire, sûrement), qui lui posa quelques questions un peu sans importance. Si ça s’était bien passé, s’il avait besoin d’autre chose pour la prochaine semaine… Ils firent rapidement un peu de commérage fort poli, durant lequel la femme, une petite dame au teint mat et qui devait être bien dans sa trentaine, insista sur le fait que Joséphine était une bonne fille et qu’il était bien qu’elle remplisse sa cervelle de connaissances.

Il fut néanmoins congédié assez rapidement, et n’eut pas vraiment le temps de faire plus ample connaissance ; la-dite Tatjana le pressa en lui disant que mademoiselle avait besoin de se préparer, car elle était attendue pour déjeuner chez quelqu’un.



En ce 8 du mois de l’Avant-Mystère, le temps Brionnois était aussi chaud que lourd. L’atmosphère océanique était un peu pesante, et il fallait probablement craindre un orage dans les prochains jours. Redescendant tout seul, sans l’escorte habituelle de Guido qui lui collait normalement aux basques, Éloi décida de descendre lentement la ville tout seul, de manière à un peu mieux la découvrir que ce qu’il avait eu l’habitude au cours des derniers jours.
Avec une bourse pleine, grand soleil, et toute l’après-midi de libre à être oisif, Éloi pouvait profiter de quelque chose qui demeurait volontairement rare : le loisir. Si les sœurs aînées d’Orléac auraient trouvé l’idée révoltante, et se seraient empressés de jeter une nouvelle corvée sur le dos du jeune homme (Il y avait toujours quelque chose à faire au monastère…), voilà qu’Éloi pouvait profiter de sa vie dans la plus grande ville du duché — et même la plus grande ville du sud-ouest de la Bretonnie.


Ce qui était certain, c’est que la cité était magnifique. Les Brionnois ne devaient pas trop le remarquer, surtout ceux qui étaient toujours pressés d’un endroit à un autre pour travailler. Mais si Orléac était une ville très belle et très paisible, cette fourmilière qu’était Brionne était un vrai joyau. Pour rejoindre la Gâtine, Éloi dût traverser tout le quartier bourgeois, et il y faisait vraiment bon vivre.
Il traversa un peu au hasard un parc couvert d’arbres fruitiers qui offraient de l’ombre aérée, de kiosques qui devaient servir les jours de fête à accueillir des musiciens, de chemins de graviers qui délimitaient des petits arbustes de fruits exotiques, comme des oranges. Il y avait beaucoup de gens, bien habillés, qui allaient-et-venaient. Un groupe de maçons en pause-déjeuner grignotaient des sandwichs tout en discutant en groupe de six, assis dans tous les sens sur des bancs. Une gouvernante promenait un landau tandis qu’une jeune dame la suivait avec une ombrelle à la main. Un noble tout bien habillé, avec un pourpoint pourpre et une épée à la ceinture, passa avec une jolie femme maquillée plus âgée que lui, toute accrochée à son bras ; en découvrant Éloi, les deux se lâchèrent soudainement, et inclinèrent la tête, pour lui offrir du « mon frère », comme s’ils avaient été pris sur le fait de quelque faute répréhensible aux yeux d’un clerc.

Redescendant vers les quartiers un peu moins prospères, Éloi passa sous un gigantesque corps de garde constitué d’une double-herse, qui, si elles tombaient soudainement, pouvaient verrouiller un morceau d’avenue en une zone de meurtre d’où des archers suspendus à des remparts pourraient embusquer des assiégeants. Brionne était, comme toutes les cités Bretonniennes, un château grandeur-nature ; et derrière les magnifiques tours d’un blanc éclatant, de la jolie pierre recouverte de plâtre, il devinait que l’endroit était une vraie place forte faite de châtelets et courtines. Les jardins et la verdure partout camouflaient bien la résilience martiale d’un bastion.

Il passa le long des quais, et retrouva le spectacle qu’il avait pu voir les autres jours aux côtés de Guido. Plein de gros bateaux surchargés, et de minuscules péniches de pêcheurs qui assaillent la mer. Un immense autel de Manaan indiqué par un trident doré, autour duquel des fidèles avaient posé des tas d’offrandes : des filets de pêche, une ancre couverte d’algues, un drapeau à moitié calciné qui devait avoir appartenu à un galion, et, plus étonnant encore, plein de pièces d’or, que personne ne venait voler — qui oserait voler un Dieu ?
Et il y avait toute cette foule, débardeurs amaigris et charretiers musclés, marchands obèses et prévôts véreux, qui s’agitaient autour de caisses de poisson, de tonneaux de vins, de cagettes de fruits, en parlant surtout breton, mais aussi estalien et reikspiel. De quoi donner le tournis, mais aussi fasciner le regard. Oui, Éloi était habitué au mouvement d’une bourgade portuaire — mais c’était comme les quais d’Orléac multipliés par dix. Un galion de l’Amirauté Royale qui mouillait dans sa ville natale était un événement marquant. Ici, il en remarquait au moins trois à contre-jour, voguant sur l’océan brillant.

Les cloches se mirent à sonner. Elles commencèrent tout en haut, dans le palais ducal. En se retournant et en regardant au ciel, il remarqua la flèche de ce qui devait être la cathédrale locale de Shallya. Le son se mit à se réverbérer, alors qu’il était repris par une autre chapelle plus mineure et plus basse — on indiquait l’heure de quatorze heures. Une heure maintenant qu’Éloi avait flâné, traversé des traboules, s’était arrêté devant des petits autels ou des jardins de maisons pour observer et se remémorer des rues…
…Et malgré les muffins de Tatjana, maintenant, il avait faim.


Il tentait de retrouver le chemin du cimetière et de ses Ranaldiens, là où il avait pu boire une soupe plutôt goûteuse pour son prix très modéré. Nul doute qu’à cette heure-là, il allait pouvoir bien trouver un coin où manger. Ça ne manquait pas de stands et de charrettes arrêtées sur la voirie qui offraient des pains garnis ou des anguilles bouillies ; tout ce qu’il fallait, c’était bien choisir à quel commerce au marchand hurlant le nom de ses produits on allait s’arrêter. Pourtant, au milieu de ces cris vantant des bouchées au fromage ou des plats chauds, il entendit une voix un peu éloignée, une voix d’homme, rauque, dure, lointaine, qui vociférait quelque chose qui faisait tâche dans le décor…


« Il y a, en vérité, les pires criminels de la Terre qui se parent des plus beaux vêtements ! Et les plus pêcheurs des êtres humains qui se déguisent comme les plus nobles ! Et ceux qui devraient mener par l’exemple, les voilà qui en fait se vautrent dans le vice dont ils nous accablent, nous, sur qui se repose toute la cité ! »

En plein milieu d’une ruelle, un petit attroupement s’était formé. Et, comme d’autres, Éloi remontait nonchalamment la rue, avant d’être attiré par ce qui était en train de se dire.

Il y avait un homme debout sur une chaise de bar, celui en train de tenir un tel discours.
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C’était un homme très beau. Barbu, blond, bien formé. Il était habillé avec sobriété, sans aucune couleur, mais bien élégamment, avec un doublet court au col léger de coton et aux souliers en cuir vernis pour leur donner une certaine brillance. Il avait une tenue estivale qu’on trouverait normale chez un roturier riche, un bourgeois aisé né d’une famille qui savait faire son arbre généalogique. Une famille comme les Adelwijn.
Il parlait dans un Bretonnien correct et sans accent — ce n’était pas un étranger à Brionne. Et pourtant, ce qu’il osait dire, jamais Éloi n’aurait imaginé un sujet de Bretonnie le prononcer à voix haute.

« Combien d’impôts avez-vous payé l’année dernière, bonnes gens ?! Allons, je vous vois tous, vous travaillez, personne ici n’est oisif — tous, vous payez forcément quelque chose !
Si vous possédez une maison pour vos parents et vos enfants, vous payez la taille ! Si vous n’avez rien, vous payez des aides ; vous payez une gabelle sur le sel, vous payez une scellerie sur le drap, et quand vous vous êtes mariés — félicitation, vous payez et le tabellion, et le parlement ducal ! Directement ou indirectement, que vous soyez pauvres ou non, quelqu’un vous arrache le pain de vos propres mains !
Les nobles de Bretonnie, ils appellent ça servir. Et je suis bien d’accord avec eux ! C’est équitable ! Le paysan travaille, le chevalier défend, et c’est ainsi que le monde a toujours tourné !
Seulement, les nobles du Conseil, à quel point vous défendent-ils ? Hm ? Est-ce que c’est vous défendre, lorsqu’à Orléac, j’entends que des marchands se font tuer juste aux portes de la ville ?! Il y aurait des brigands en plein cœur du pays, comme ça, pouvant librement occire des représentants de banque ?! Vous y croyez, vous ?!
Quelle version des faits préférez-vous : Que les nobles au-dessus de nous sont si inaptes à se battre qu’ils ne peuvent empêcher le brigandage, ou qu’ils sont si veules et traîtres qu’ils peuvent ordonner librement des assassinats, en plein cœur du duché ?! »


De cet élégant agitateur, émanait un certain sentiment d’adhésion. Quelques hochements de tête, des murmures approbateurs… Et quelques personnes qui en revanche, croisent des bras, et commencent à le jauger.
Un gros type aussi gras que costaud, les épaules dénudées, le prit à partie en sifflant :

« Et ? Où tu veux en venir, pompeux ?!

– Mon frère, là où je veux en venir, c’est que si les nobles ne savent pas nous défendre, alors nous n’avons pas à payer ! On ne paye des impôts que pour avoir quelque chose en retour !
– Tu voudrais qu’on s’oppose au Duc ? Demanda une vieille dame avec une voix aussi choquée que colérique.
– Le Duc, non ! Nous sommes tous les fidèles sujets du Duc, le bon Duc Théodoric dont les ancêtres les plus éloignés ont toujours su diriger et faire resplendir Brionne !
Mais son conseil ? Oui !
Mes frères, mes sœurs, indirectement, vous payez les gages du marquis de Malicorne dont le bâtard fait flécher des marchands ! Vous payez la pension du guetteur de Vézier, qui aime tabasser des enfants à coup de matraque ! Vous payez les pots-de-vins qui finissent dans la poche de René le Borgne, et c’est vous, oui, vous tous, qui offrez de nouvelles robes à cette pute vérolée de Sybille de Carqueray ! »


L’insulte fit mouche ; Les murmures devinrent des paroles à voix haute. Certains furent choqués de ses propos — mais d’autres commencèrent à être bien remontés par ce qu’il disait.

« Nous payons tout, et en échange, nous n’avons rien ! Ni liberté, ni sécurité !
Nous devrions être représentés au Parlement — nous-mêmes, pas les prévôts ou les consuls qui sont choisis par les mêmes personnes qui sont complices de ce brigandage organisé !
Je dis brigandage, car je ne vois pas de différence entre eux et les brigands qui réclament des rançons !
Ah si, j’admets — un brigand, quand on le paye, lui, il dégage ! »


Sa pointe d’humour fit rire le gros type aux épaules nues. En réponse, l’agitateur se mit à sourire.
Et il croisa le regard d’Éloi dans la foule.

Alors, peut-être que, poussé par la réception de son auditoire grandissant, il se mit à aller plus loin encore.
Trop loin, peut-être.

« Et si nous, les roturiers, nous sommes pressés par les aristocrates, c’est la même chose pour les simples clercs, qui sont pressés par les archi-prêtres !
Il y en a une autre qui aime se payer des robes ! Notre grand-prêtresse elle-même ! La révérende mère Sébire de Malicorne !
Comment pouvons-nous accepter qu’une femme de trente-neuf ans devienne la représentante du culte de Shallya dans notre pays ?! Comment pouvons-nous accepter que la fille d’un empoisonneur, la sœur d’un truand, soit chargé d’un poste si saint, et si important !
Elle utilise la dîme pour se payer ses parfums et son maquillage, et est autant une traînée que toutes les courtisanes qui déambulent dans le palais ducal ! »


Soudain, il n’y eut plus aucune parole, mais à la place, des mines choquées.
Critiquer les nobles, c’était une chose.
Critiquer le culte de Shallya, en revanche.

« N’ai-je pas raison, mon frère ?!
Je te vois, toi, là, avec tes sandales et ta robe de bure — toi, tu as l’apparence que j’attendrais d’un vrai Shalléen ! »


Et le regard de cinquante personnes se darda tout droit vers le petit oblat.

Jet de séduction d’Éloi : Caché
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par Frère Éloi »

Absorbé par mes pensées, je rumine, comme je chemine le long des allées de la Gâtine. Tout autour de moi, la grande ville s’agite, remue, fourmille, regorgeant de sons, odeurs et mouvements qui vont et viennent, abondent et refluent, animant les rues. Je ne suis pas étranger à ce sentiment déboussolant, évanescent, de n’être qu’une infime partie d’un collectif plus vaste, mais l’ambiance urbaine de Brionne me submerge néanmoins. Tout semble ici plus grandiose, plus coloré, mais aussi plus populeux qu’à Orléac, que je me sens désemparé, comme déraciné, étranger sans attache au sein d’une cité trop vaste pour moi. L’afflux de stimulus m’étourdit, sature mes sens, comme je ne suis qu’un parmi un flot de corps anonymes aux visages indifférents. Une certaine mélancolie m’habite, planant vaguement au-dessus de ce chahut. Orléac me manque.

Je gamberge ferme, comme dirait Roscelin, autour des évènements récents. Car il s’en est passé, des choses, déjà, en tout juste deux jours en ces murs. Si ce premier cours de classique chez les Adelwijn ne semble pas s’être trop mal déroulé, à présent que je ne suis plus focalisé sur l’interprétation d’un rôle, je repense à mon songe de la nuit passée. Cette expérience étrange m’intrigue, me fascine, m’obsède peut-être même, désireux que je suis d’obtenir les réponses à mes questions. Je suis partagé entre plusieurs intuitions contradictoires, je m’échine à démêler l’écheveau de mes sentiments, mobilisant toute la rigueur que je puisse convoquer.

Une part de moi souhaite de tout cœur croire à une certaine véracité de ce rêve, à le considérer comme une vision transcendante, un souvenir extirpé des limbes du domaine de Mórr, un présent divin à chérir et se remémorer. En dépit de l’infinie cruauté du choix présenté, si ma vision recèle ne serait-ce qu’un soupçon de véracité, je suis déjà reconnaissant d’avoir eu l’opportunité d’assister à ce fragment de passé. Lorsque je me focalise sur cette optique, et tâche d’évoquer la première partie de mon songe, une fugace félicité m’envahit, au-delà de la misère du moment. J’ai très envie d’y croire.
Mais une autre voix s’attache à déranger cette interprétation probablement trop naïve. Cet écho, hérité de la rigoureuse raison, s’apparente quelque peu aux sermons de Mère Clémence, et me met en garde, accusant ma délicatesse, rabrouant ma sensibilité. Il n’est pas raisonnable de se laisser aller à de telles divagations, qui comportent au demeurant leur lot d’incohérences. Si Nathanaèle, ou Clémence avaient présidé à l’accouchement de Maman, elles-mêmes auraient été très jeunes, même si l’urgence aurait pu motiver leur action. D’un autre côté, vu le parti pris soutenu par Clémence dans le songe, sa décision de superviser étroitement mon apprentissage par la suite ferait sens.
Surtout, une troisième intuition m’étreint, plus alarmante que les précédentes. Qui est l’homme-charogne, et que faisait-il dans mon songe ? Ai-je seulement donné corps à mon inquiétude concernant les ennemis que nous traquons ? Est-ce là une épreuve, une tentation maligne à mon endroit ? Ou, plus terrifiant, s’agit-il d’une provocation, d’un message goguenard qui me serait adressé par quelque occulte moyen ?
Chacune de ces intuitions souffre de biais béants, de sorte qu’elles luttent, se confrontent et se heurtent dans l’océan tempétueux de mon esprit inquiet.

Mes pas m’ont mené à un attroupement autour d’un agitateur de belle prestance, et je me surprends à écouter la teneur de son discours, prêtant une oreille curieuse à ses récriminations. Rapidement, je présume que l’homme ne doit pas être d’ici, en dépit de son impeccable parler et de son absence d’accent. En effet, qui, en Bretonnie, oserait critiquer aussi ouvertement l’entourage d’un Duc ? Nul bretonnien de naissance ne s’attaquerait ainsi au fonctionnement -si injuste soit-il- de notre société, sauf à disposer de solides motifs pour ce faire. Proférer de telles accusations n’est sûrement pas sans risque, même au sein de la Gâtine. Je ne souhaite d’ailleurs pas être vu dans un tel rassemblement : après tout, Olivier Adelwijn, le frère de Thierry, est régisseur de Brionne, si je me souviens bien. Il est donc visé par les critiques de l’orateur ; je ferais mieux de passer mon chemin.

Mais voilà que l’attention générale se tourne dans ma direction. Gêné, je jette un coup d’œil par-dessus mon épaule, avant de me rendre compte que le regard de l’agitateur est bien fixé sur moi. J’envisage un instant de m’éloigner sans mot dire, mais il vient également de dénigrer Sébire de Malicorne, et l’absence de réplique pourrait être perçue comme un silence coupable. D’un autre côté, je ne dois pas prendre les choses trop personnellement : plusieurs réactions dans la foule semblent déjà s’offusquer de la dernière partie de sa tirade, je n’ai donc pas besoin d’argumenter, seulement de répondre, en essayant d’apaiser les esprits.

Alors, dans un effort pour demeurer impassible sous les regards de la foule, je plonge le mien dans celui du démagogue, à l’affût du moindre indice quant à ses intentions, guettant aussi ses réactions tandis que je rétorque aussi paisiblement que possible :

« Tes allégations me semblent injustes ; as-tu choisi ton propre géniteur ?
Ceux qui aiment la Colombe s’abstiennent de juger leur prochain ; cette tâche incombe à la Chouette et au Veilleur.

Quant à moi, je vis au service de mon prochain. Sais-tu où je puis trouver quiconque dans le besoin ? »

Bon. Empathie vis-à-vis de l’inconnu si tu estimes que c’est justifié.

Si quelqu’un indique une destination où les services d’un shalléen seraient bienvenus, je me mets en chemin, non sans avoir béni quiconque en fait la demande dans la foule.
Si en revanche l’orateur me retient d’une façon ou d’une autre, on avisera.

Faute de nouvelle direction, je cherche toujours à m’orienter vers le cimetière de l’avant-veille, restant attentif aux sollicitations sur le chemin.
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- Volonté de fer : +1 aux tests de volonté.
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- Langage secret (Classique) : Capable d'écrire et de lire le Classique.
- Législation : Sait manipuler le droit à son avantage.
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- Cuisine : Se débrouille en cuisine. +1 pour détecter des substances nocives dans la nourriture.
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

L’élégant démagogue ne fut absolument pas gêné par la réplique malaisée d’Éloi ; c’est en fait presque au tac-au-tac qu’il répondit, comme s’il s’attendait à un tel argument, et qu’il avait savamment imaginé comment rétorquer.
Il n’était pas le genre de personne à trouver avec quoi contre-attaquer plusieurs heures après, devant le miroir de sa salle de bain.

« Personne ne choisit ses parents, mais on est tous héritiers de quelque chose ; Si nous respectons tous notre Duc, c’est aussi car nos parents respectaient ses parents à lui, et nos grands-parents respectaient son grand-père ; Car il y a, ainsi, des qualités qui sont héritées dès la naissance, de la même manière que les pires vices sont hérités dès la naissance !
Tu as raison de chercher des nécessiteux, Brionne toute entière peut être heureuse d’avoir des prêtres comme toi — mais comment peut-on, nous, peuple de Brionne, tolérer que l’auguste cathèdre du grand-temple soit occupée par la descendante d’un Malicorne ?
N’avons-nous pas tant d’autres prêtresses doctes, sages, et douces, pour soulager les maux du petit peuple ?! »


Ceux qui approuvaient bruyamment ses dires étaient, en fait, minoritaires. Une grosse majorité silencieuse dans la foule demeurait simplement interdite, ou bien, se répandait en murmures.
Et puis, il y eut la voix d’un homme à lunettes, plutôt bien habillé, pour rétorquer :

« C’est pas le Duc ou Malicorne qui choisit la grande-prêtresse, c’est la Matriarche !
Accuses-tu la Matriarche d’avoir pris une mauvaise décision ? Ou mieux, considères-tu que ton jugement sur le culte est plus sage que le sien ?! »


Cette fois-ci, l’élégant démagogue debout sur sa chaise ne répondit pas à l’instant. Il leva ses mains, hocha lentement de la tête, et épela bien les syllabes, comme s’il réfléchissait à toute vitesse dans sa tête pour trouver quoi dire sans trop se mouiller.

« La Très Sainte Mère est à Couronne ; Couronne est très loin d’ici. Crois-tu qu’elle est au courant de tout ce qui se passe au palais Ducal, de la même manière que beaucoup de nobles complotent sans que le Duc soit au courant ? »

Peu de gens semblaient dupes. Il répondait à une question par une autre question, et la sensation générale était qu'il perdait le soutien de la foule.
Éloi aurait pu profiter de l’incartade de l’homme à lunettes pour s’échapper. Mais non ; alors que tout le monde débattait à voix haute de son dernier point, avec quelques rires qui éclataient ou des insultes qui étaient vociférées à son encontre, voilà qu’il se dégageait la gorge et s’adressait à nouveau au petit prêtre :

« Tu trouveras nombre de gens dans le besoin dans la Gâtine ; Mais tu n’en trouveras aucun dans la cathédrale de Shallya, mon frère ! Les nobles du haut-plateau n’aiment pas partager les bancs avec les miséreux !
Dis-moi, mon frère, c’est une robe jaune que tu portes-là, non ?
Pourquoi n’est-elle pas blanche, comme c’est rédigé dans les Écritures ? »


Jet de charisme d’Éloi (Bonus : +3, représentant d’un culte majoritaire en Bretonnie) : 16, échec très large.
Jet de charisme du démagogue (Malus : -3, s’attaque à la Religion) : 9, réussite de justesse.

Jet d’intelligence d’Éloi : 20, échec critique.


:clown:

C’est mieux de faire des 20 là que dans des jets de combat où tu risques la mort. Mais quand même. Tu m’aides vraiment pas.
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par Frère Éloi »

A mon grand étonnement, ma réplique ne semble pas avoir l’effet escompté : preuve en est que le beau parleur rétorque presque immédiatement d’un ton grandiloquent. L’aisance avec laquelle il balaie ma tentative d’apaisement m’irrite quelque peu, je l’avoue : l’individu ne veut pas démordre de son discours dangereux. Il persiste, prenant l’assistance à témoin de ses déclamations, alors même que la majorité de la foule demeure de marbre face à ses élucubrations.

Un nouveau contradicteur se fait entendre, assez bien vêtu, une paire de lunettes sur le nez, défiant l’agitateur de critiquer ouvertement la clairvoyance de la matriarche du culte de Shallya. La manœuvre est habile, je dois l’avouer, quoique trop engagée pour m’être venue à l’esprit alors même que je ne souhaite pas m’attirer d’ennuis. Le démagogue juché sur sa chaise se montre hésitant, tâchant de rebondir sans toutefois se montrer très convaincant.

J’aurais pu passer mon chemin, à la faveur de cet instant de flottement, et m’éloigner de cette foule qui se répand en murmures, rires ou insultes à l’encontre de l’importun orateur. Mais je n’en fais rien, et il se retourne vers moi, une lueur dans le regard, ayant manifestement décidé de me mettre mal à l’aise pour mieux asseoir son aplomb.

Sa question est malicieuse ; je ne souhaite pas y répondre. L’inconnu a résolu de tenter de monter la foule contre les personnes dépositaires du pouvoir en ces terres. A cette fin, il a d’abord critiqué le conseil du Duc, se défendant de s’en prendre au dirigeant lui-même, préférant s’acharner sur l’impopulaire personnage de Valère de Malicorne. C’est ainsi qu’il en est venu à récriminer contre Sébire de Malicorne. Sa contestation contre les privilèges et l’impôt a été mise à mal par l’habile objecteur aux lunettes, car en dépit de la véhémence du discours tenu, nul n’oserait s’en prendre si ouvertement ni au Duc, ni à la matriarche. Par le truchement de la question qui m’est adressée, ce sont désormais les lois somptuaires qui sont ciblées.

Je suis tenté, l’espace d’un instant, de ne pas répliquer, et de m’éloigner sans rétorquer. Je suis las de ces vaines simagrées, dont rien de bon ne saurait germer. Toutefois, comme je me détourne, m’apprêtant à me faufiler entre les badauds rassemblés, je m’immobilise bien vite, croisant le regard impassible du contradicteur aux lunettes. Un conseil me revient en mémoire, prodigué par Solène lors du voyage entre Orléac et Brionne. Des paroles fort à propos, qui me font soudainement reconsidérer l’ampleur de mon rôle en la présente situation.

*Le Seigneur des Mouches, alors qu’il concocte les maladies, attire pourtant ceux qui sont terrorisés par ces mêmes afflictions, apeurés par la mort, frustrés par l’injustice.
Si vous devez identifier un suspect à Brionne, je pense que le plus efficace serait de chercher cela : le désespoir, l’injustice.*

Peut-être cet étrange agitateur n’est-il qu’un fils de bonne famille un peu trop aviné, ayant pris la parole par hasard en ce début d’après-midi. Ou peut-être ces provocations énoncées en public suivent-elles un agenda plus néfaste, visant à semer le trouble en ville dans le dos des autorités. Il est futile de spéculer, n’ayant après tout nul moyen de connaître ses motivations, mais je prends toutefois conscience que des performances de rue comme celles-ci peuvent contribuer à l’installation d’un climat de défiance dommageable pour ma mission. Il faut que je trouve à rétorquer.

Je m’éclaircis la gorge, contrarié. Ouvre la bouche pour répliquer ; me ravise, indécis. Et finalement, ose.

« Tu l’as dit ; nous sommes tous dépositaires de ces usages.

Qui es-tu, pour questionner ainsi les traditions héritées de nos aïeux ? »

Empathie toujours, si possible. J’aimerais notamment savoir si le bonhomme pourrait être aviné.
Frère Éloi Voie du Prêtre Mystique
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États temporaires
Une vie de Paix : +1 à tout jet visant à guérir un patient blessé, malade ou empoisonné.
La vie avant tout : doit tenter d'interrompre les affrontements auquel il assiste, à moins que le combat ne soit mené contre des ennemis.

Compétences :
- Maîtrise de l'Aethyr (1)
- Coriace : -1D3 dégâts subis.
- Réflexes éclairs : +1 aux tests d'initiative en situation de surprise.
- Résistance accrue : +1 aux tests d'endurance.
- Sang froid : +1 aux tests de caractéristiques effectués en situation de stress ou tension.
- Volonté de fer : +1 aux tests de volonté.
- Traumatologie : Sait administrer les premiers soins ou favoriser une guérison plus rapide.

- Alphabétisé : Capable d'écrire et de lire le Bretonnien.
- Langage secret (Classique) : Capable d'écrire et de lire le Classique.
- Législation : Sait manipuler le droit à son avantage.
- Doctrine du Culte (Shallya)

- Cuisine : Se débrouille en cuisine. +1 pour détecter des substances nocives dans la nourriture.
- Empathie
- Affûtage mental
- Incantation - Shallya
- Sens de la magie
Équipement porté sur soi :
8 sous d'argent 8 deniers
- Bâton de marche
- Robe de bure jaunie / Tenue en lin / Ceinture / Sandales
- Grande sacoche contenant couverts, rations diverses
- Livre de prière de Shallya
- Amulette de Shallya
Fiche wiki[Annexe] Brionne et Orléac

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