[Éloi] Princesse de la Foi

La Bretonnie, c'est aussi les villes de Parravon et Gisoreux, les cités portuaires de Bordeleaux et Brionne, Quenelles et ses nombreuses chapelles à la gloire de la Dame du Lac, mais aussi le Défilé de la Hache, le lieu de passage principal à travers les montagnes qui sépare l'Empire de la Bretonnie, les forêts de Chalons et d'Arden et, pour finir, les duchés de L'Anguille, la Lyonnesse, l'Artenois, la Bastogne, l'Aquilanie et la Gasconnie.

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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Éloi était courageux. Sans être né noble, sans être habitué à affronter des adversaires dignes des contes d’horreur, sans être même solide physiquement, le voilà qui se tenait devant un des enfants du seigneur des mouches, une création engendrée par les pires maléfices du monde — et qu’il se décidait de le défier.


Furug’ath brisa alors soudainement son ton monocorde. La silhouette dorée n’était plus une sorte d’étrange figure désincarnée et sans émotions — Furug’ath se mit à rire. Un grand rire, honnête, paternel. Un rire guilleret de grand-père devant la bêtise de son petit-fils.
Un rire qui couvrit le corps d’Éloi de chair de poule.


« C’est la peur, alors ?
Tout ce qui t’as amené ici… C’est la peur. »



Il transformait les paroles d’Éloi — et en même temps, il se transformait lui-même.

Autour d’Éloi, l’horizon devenait noir. Ses camarades disparaissaient, comme Adelwijn, comme la cascade d’eau. Il n’y avait plus qu’un immense abysse noir.

Éloi papillonna des cils, et autour de lui, il eut une vision, il eut un aperçu, partout où il jetait le regard — une vision du lieu le plus craint de tous les serviteurs de Shallya.
Et la voix de Furug’ath résonnait toujours, une voix maintenant grasse, expectorante, la voix grésillante d’un vieux fumeur de tabac. La voix d’une femme qu’on étrangle.

« La peur de la souffrance. La peur de l’affliction. La peur de la corruption. La peur de perdre les gens que tu aimes. La peur de perdre le pays que tu aimes.
Tu n’as vu qu’un minuscule morceau de mon pouvoir. Sais-tu que je suis vieux de millénaire ? Que j’ai amené mes cadeaux à des centaines de peuples à travers l’Histoire ? Toujours je me nourris. Toujours je grandis. Ta sauvegarde de Brionne aujourd’hui est incomplète. J’ai déjà eu mon dû. J’ai avalé des enfants, de jeunes femmes et de jeunes hommes. J’ai même avalé une de tes sœurs. J’ai même avalé un tout petit peu de toi, et tu sais déjà que la contagion est entrée dans tes poumons, qu’elle s’encrasse en toi, et qu’elle menace de t’étrangler… »



L’hallucination terminait de se construire autour d’Éloi. Il voyait de grands arbres luxuriants, avec des gueules ouvertes, une eau verdâtre et grouillante qui montait jusqu’à ses mollets, des milliers de cafards, de moustiques et de mouches qui volaient dans les airs, de grotesques créatures de toutes les tailles, parodiant des géants obèses, de petits bébés guillerets, une femme enceinte aux seins tirant du pus ; et cette odeur, cette horrible odeur, infecte, la même odeur que dans la pièce où se trouvaient les mutants.

Éloi voyait ce qu’il n’avait vu que dans des enluminures de livres, sur des vitraux religieux dans les temples, ou des fresques peintes sur les murs — il voyait la source de toutes les maladies. Il voyait le Jardin de Nurgle.

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Et alors, Furug’ath lui posa une main sur son épaule. Une horrible main bouffie, jaunâtre, poilue, couverte de verrues aux jointures, d’ongles noircis et maculés de cérumen, si grasse que des peaux mortes s’accumulaient sous les plis.

« Toutes les âmes de Brionne sont pour moi. Et tous leurs corps aussi. Vous êtes tous mes jouets, à faire comme je souhaite avec.
Mais toi, Éloi, toi… Tu peux les sauver. Tu peux les garder de la mort et de la souffrance. Et je demande si peu en échange, si peu… »


Il montra enfin son visage. Une immonde tête bouffie. Verte. Aux dents jaunes. Aux yeux brillants. La tête de Nurgle lui-même, car il était fait à son image.

« Donner ta vie en échange de celle des autres — n’est-ce pas là ce que doit faire un médecin ? »

Et il hurla de rire à sa propre ironie, et à chaque poussée de son diaphragme pour permettre ce ricanement, des asticots semblaient sortir de sa glotte pour glisser sur sa langue, et dépasser ses lèvres.

« Je te reverrai, Éloi.
Je te reverrai ! »


Et il y eut un dernier rire, horrible, terrible, accompagné des petits cris de joie des bébés-démons qui jouaient avec un arrosoir, de la femme enceinte qui se prélassait contre un rocher, des immenses géants obèses aux tripes à l’air — et partout, la flore avait des tumeurs, ces tumeurs avaient des dents ou des yeux qui poussaient dessus, et tout n’était qu’horreur, et cancer, et maladie.




Éloi sembla se réveiller d’un mauvais rêve. Il sursauta, alors qu’il était en sueur, tremblant de peur et de dégoût, à deux doigts de s’effondrer par terre. Il était de nouveaux dans les tunnels de Brionne, il entendait enfin l’eau de l’immense cascade chuter tout en bas de l’île.
Sous ses yeux, le parasite sorti du ventre de l’hôte poussa un petit cri strident, puis explosa. Hannes, qui avait été poussé en arrière par Éloi, se mit à hurler en Reikspiel :

« Verdammte !
Was war das für ein Ding?! »


Dans la « vraie vie », il ne s’était pas écoulé une seconde. Tous les militaires observèrent Éloi avec inquiétude. Mais Adelwijn, lui, le regarda intensément, avec à présent un petit sourire sur le visage.

« Putain…
Allez, on remonte ! Quittons cet enfer ! »


Le trajet du retour fut morne. Une espèce de torpeur avait gagné tout le monde. Le contrecoup de l’adrénaline de la bataille, les horreurs dont ils avaient été témoins, les camarades qui avaient été tués, les mutants torturés qu’ils avaient découverts… Il y avait tellement à dire, et au final, tellement peu de choses à prononcer à l’oral. C’est comme si, silencieusement, tout le monde s’était mis d’accord pour se taire.

Ils recroisèrent Solène. Elle et un autre soldat aidèrent Guido à se relever. Adelwijn, de temps en temps, nécessitait d’être poussé, mais il suivait sans prononcer un mot. Alors, ils purent quitter les tunnels Nains, pour retourner au manoir, et sortir dehors dans le jardin. Là, ils s’assirent tous, alors que Solène leur dit de ne pas retirer leur équipement.

Au loin, on entendait de la liesse, des cloches et des sons de trompettes. Le tournoi ouvrant la foire de Brionne battait son plein, et toute la cité s’amusait. Mais quelqu’un finirait bien par venir dans la Gâtine, s’occuper de nettoyer ce qui s’était passé aujourd’hui…



D’abord, quatre chevaux arrivèrent — c’était le guet, de simples sergents de paix en retard, attirés par les détonations de pistolets. Devant le spectacle du tas de Shalléens en combinaisons de corbeaux, et les ribauds au garde-à-vous, ils décidèrent d’appeler du renfort.
Alors arrivèrent plus tard des Shalléennes du temple local. Puis plus de guetteurs. Puis plus de Shalléennes, avec des oblats en habits de travail. Puis des huissiers ducaux, même accompagnés de quelques chevaliers. Et alors, devant le manoir, des dizaines et des dizaines de personnes se mirent à travailler, à monter des chapiteaux de tentes, à tirer des tuyaux qu’ils reliaient à l’eau municipale de Brionne — l’eau qu’Éloi avait sauvée. Des prêtresses revêtirent des combinaisons de protection, accompagnée d’hommes de loi qu’elles instruisaient pour faire de même, et par groupe de dizaines, elles entraient et sortaient du manoir. Toute une organisation procédurière s’était mise en œuvre, alors qu’Éloi, sous le choc, était juste assis dans son coin, ignoré de tout le monde, enfermé dans sa combinaison, tandis qu’à côté de lui, ses camarades étaient appelés un à un pour suivre des prêtresses et disparaître, jusqu’à ce qu’il soit le dernier à être laissé dans son coin.


Le soleil avait périclité. On était déjà tard dans l’après-midi, quand enfin, une prêtresse habillée en médecin de peste s’approcha pour l’appeler.

« Frère Éloi ? Venez. »

Il se leva et la suivie. Ils entrèrent tous deux dans une des tentes où les soldats l’ayant accompagné étaient passés.
Le sol était mouillé. Sous cette tente, un oblat tenait une sorte de lance en métal, reliée à un tuyau. La prêtresse ordonna :

« Levez les mains en l’air. »

L’oblat appuya sur une pompe, et alors, un jet d’eau l’aspergea. Une eau forte, sous pression, et savonneuse. L’eau nettoyait tout. L’eau purifiait tout. Tout le sang, toute la saleté, tout ruisselait hors de sa tenue. Il prenait une violente douche qui le ramenait parmi le monde des vivants, l’aidait à se reconcentrer, à se recentrer.
Enfin, une fois désinfecté, il put quitter la tente, et commencer à se déshabiller. On lui demanda de laisser toute la tenue par terre, et on lui offrit des sandales pour remplacer ses bottes, avant de le recouvrir d’une pèlerine épaisse. On le fit entrer dans une autre tente, et là, la prêtresse lui posa des questions de santé : Comment allait-il ? Avait-il respiré quelque chose ? Sentait-il un malaise ? Avait-il été blessé par une arme ? Après avoir manifesté tout son état général, y comprit l’empoisonnement qu’il avait ressenti, on lui demanda de boire deux sirops différent et d’avaler trois gélules de taille diverse — la prêtresse expliqua que c’étaient là des médicaments pour aider son corps et essayer de contenir l’infection, et on lui donna une prescription en cas de fièvre et de toux. Par sécurité, on lui donna également un lot de masques en tissu, pour protéger les autres s’il devait à l’avenir être contagieux.

Et alors, il put partir. Et juste comme ça, on le guida vers l’extérieur de l’enceinte du manoir.

Il ne fut pas longtemps pour qu’une jeune prêtresse en robe jaune vienne le trouver. Sans salutation, sans forme de politesse, elle se planta devant lui et dit sèchement :

« La révérende-mère souhaite vous parler. »

Et elle lui fit signe de le suivre, jusqu’à une diligence à l’arrêt, la grosse voiture dans laquelle Éloi avait fait le chemin d’Orléac jusqu’à ici, il y a quelques semaines maintenant.
Un militaire ouvrit la portière. À l’intérieur, une Sébire très différente était assise : une Sébire sans maquillage, sans robe outrageuse, sans couronne sur la tête — elle n’avait même pas sa tenue blanche de prêtresse, elle était habillée en noir, et portait des lunettes sur son nez, comme un scribe. Devant elle, sur sa tablette, plein de parchemins et de feuilles volantes sur lesquelles elle écrivait.

Éloi grimpa, et on referma derrière, et ils n’étaient plus que tous les deux. Solène n’était même pas ici, et son absence devait être assez notable pour Sébire, car la toute première phrase qu’elle prononça était à son sujet :

« J’ai discuté avec sœur Solène. Elle m’a tenu au courant de l’essentiel. Elle part pour le château ducal, où nous aurons aussi rendez-vous. Mais avant, je souhaite que nous parlions ensemble, en privé. »

Elle retira ses lunettes, et les posa devant elle. Alors, un petit sourire naquit sur son visage.

« Selon les hommes qui étaient avec vous, Brionne tout entière vous doit une fière chandelle. Vous êtes un héros frère Éloi. Je savais que vous étiez la bonne personne, au bon endroit, et au bon moment. »

Elle tourna une des feuilles. Une sorte de langage codé étrange était rédigé dessus.

« La correspondance d’Adelwijn. Je suis en train d’envoyer des courriers à Couronne afin que nos prêtresses puissent travailler dessus. Il est certain que la secte ici était en communication avec d’autres séides diaboliques. Nous avons évité un désastre ici aujourd’hui, à présent, il est de notre responsabilité d’en éviter un plus grand encore dans le reste du royaume. »

Elle prit soudain un ton plus grave.

« Que s’est-il passé, dans ce manoir ? J’ai déjà eu la version des faits de toute l’équipe, mais j’attendais la vôtre en tout dernier, car il me semble que vous êtes celui qui a été au centre de tous les événements. »
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par Frère Éloi »

Un frisson naît dans mon échine comme Furug’ath commence à rire. Le décor semble changer autour de nous, se fondant dans une obscurité abyssale, nous laissant seuls au milieu du néant. Et puis, au gré de ses moqueries, se profile un nouvel horizon, de monts effilés sous un jour morne. L’eau verdâtre d’un épais marécage nous entoure, sous l’ombre irrégulière d’une canopée décrépie. L’air se fait lourd, vicié, bourdonnant de nuages de parasites. La faune et la flore alentours fusionnent en quelque monstrueux fruit gangrené de l’évolution ; les tortueuses racines des arbres tourmentés présentent des plaies suppurantes, aux allures de bouches béantes, aux lèvres tuméfiées. Et, pataugeant dans ce lagon cauchemardesque, divers enfants du Seigneur des Mouches, petits et grands. Un décadent tableau de contagion, de mutation, et de vie pervertie.

Devant moi, Furug’ath s’est mué en créature bouffie, un large sourire railleur en travers de son immonde faciès. Mon propre rictus a laissé place à une expression impavide, bien que je ne puisse cacher le désarroi de mon regard atterré. Incrédule, je subis de plein fouet l’horrible vision imposée par l’ennemi tutélaire de mon clergé. Les insanités qu’il me révèle s’impriment au fond de mes prunelles, violentant ma détermination, et heurtant mon âme. J’ai la sensation de me voir arracher quelque chose contre mon gré ; d’être marqué dans mon insouciance par cet aperçu du putrescent jardin du Pestilent.

Derrière les provocations de Furug’ath, un bruit grondant se fait entendre dans le lointain. Le son se fait croissant, assourdissant, couvrant bientôt l’horrible rire de mon ennemi. Ma vision se brouille, troublée par quelque voile ruisselant. Tendant l’oreille, je reconnais le son de l’eau qui chute.

Lorsque, ébranlé, chancelant, je reviens à moi, la cascade coule à nouveau. Essuyant d’un revers de gant les verres de mon masque, maculés de quelque fluide jaunâtre, je baisse les yeux sur le corps inanimé de l’Hôte, ainsi que sur les rares bribes de chitine restant du parasite. Et, sans dire un mot, j’emboîte le pas à Hannes, mettant péniblement un pied devant l’autre, l’esprit tourmenté.




Je n’ai pas pipé mot de la journée. Ni du trajet de retour, ni des heures qui ont suivi. Me laissant guider, je suis remonté jusqu’au manoir, me suis assis avec les autres sur les marches, et n’en ai plus bougé. Peu à peu, au cours de la journée, des gens sont arrivés : des sergents du guet, puis des émissaires ducaux, et entre temps, nombre de mes consœurs. Des tentes et chapiteaux ont été montés devant nos yeux, et un incessant va-et-vient s’est installé autour de nous. L’un après l’autre, on vient ensuite nous appeler, pour nous prendre en charge. Ne reste bientôt plus que moi, esseulé sur les marches du manoir.

Le regard hagard, je m’efforce de digérer les évènements de cette journée, plutôt que de les laisser me dévorer. Pour ce faire, je tâche de ne pas trop réfléchir, essayant de me ménager, de faire un peu de vide dans mon esprit. Si je ne tremble plus, je me sens néanmoins toujours vulnérable. Les paroles de Furug’ath, aussi trompeuses soient-elles, m’ont laissé un écho, une idée, un semblant de vérité à méditer. Mes actions sont-elles réellement dictées par la peur, pour moi-même, autrui ou mon pays ? La compassion de la Colombe peut-elle constituer une faille, être manipulée au bénéfice de ses ennemis ? Auquel cas, quel équilibre rechercher entre altruisme et détachement ? Songeur, je déroule ce fil de pensées avec application, préférant m’y attarder longuement.

Car il y a autre chose. Un sentiment sous-jacent. Une curieuse émotion. Une tentation, tapie au fin fond de mon esprit. Pour l’heure, je détourne le regard, refusant de diriger mon introspection dans ce recoin de mon for intérieur, bien que j’en perçoive vaguement la teneur. Au fond de moi, par rancœur, vindicte, ou coupable fascination, j’ai l’impression de vouloir le retrouver.




Le soleil décline déjà lorsqu’on vient me chercher, et me conduire à un pavillon sanitaire pour y être désinfecté. Docile, je me laisse doucher, observant sans mot dire l’eau purger ma tenue des divers fluides la maculant, et ruisseler, teintée de carmin, jusqu’au sol. On me mène ensuite à l’écart, à l’extérieur, et me demande de me changer. Obtempérant, j’ôte ma combinaison de cuir, et frissonne un peu dans mon vêtement de lin détrempé, avant que l’on ne me tende des sandales et une ample pèlerine à capuche que je m’empresse de revêtir. On m’invite alors à me diriger vers une autre tente, devant laquelle je m’immobilise un instant, dévisageant mes paumes nues, songeur. C’est un étrange ressenti que d’avoir à nouveau la peau à l’air libre, dénuée de gant. Rapidement, une réflexion me revient en mémoire, que j’essaie de chasser presque aussitôt. Tu es humain,fait de chair, et la chair et faible et lâche et puante. Enfouissant mes mains au fin fond de mes manches, je pénètre alors dans le pavillon. S’ensuit un entretien médical avec ma consœur, qui me remet des masques en tissu et divers médicaments lorsque j’évoque ma probable contamination, au sous-sol du manoir. On me permet ensuite de quitter l’enceinte du domaine, dûment masqué, me reconduisant au grand portail, débarrassé des corps qui le jonchaient. Rabattant ma capuche sur ma tignasse encore bien détrempée, je patiente moins d’une minute devant l’entrée avant qu’une nouvelle sœur, plus jeune, ne m’invite froidement à me diriger vers la voiture de la Révérende Mère, stationnée non loin.

L’intérieur de l’habitacle est tel que je m’en souviens : il n’y a pas deux semaines, je me trouvais ici, sur ce même siège, en route pour Brionne. La comparaison s’arrête toutefois là : il n’y a personne d’autre que la Révérende Mère dans la carriole, pas même Solène. Face à moi, Sébire de Malicorne ne porte pas les opulents vêtements dont elle est coutumière : vêtue de noir, le visage dénué de maquillage, elle semble absorbé par une liasse de parchemins et feuillets disposés devant elle. Elle s’interrompt à mon entrée, me jetant un regard neutre au travers de sa paire de lunettes. Une fois la portière claquée derrière moi, elle commence par me féliciter, disant déjà disposer des rapports de Solène et des rescapés de l’équipe d’intervention de Guido, avant de me demander mon propre compte-rendu.

La gorge un peu sèche, je lui relate alors fidèlement le déroulement de la traque des séides du Pestilent au sein des profondeurs de Brionne. Ce n’est que parvenu au récit de l’embuscade du tunnel que j’achoppe quelque peu, peinant à me remémorer précisément le chaos de ces instants.

« Adelwijn n’était pas le seul cerveau  : il y en avait un autre, désigné comme l’Hôte. Un sorcier, capable de convoquer les créatures de cauchemar du Seigneur des Mouches. Je ne sais pas quelle était sa part dans l’organisation de la conspiration, mais il a au moins contribué à la fomenter. Il portait dans sa chair une sorte de… tumeur, un monstrueux parasite gorgé de magie, qui se renforçait avec le temps.

Lors de l’embuscade, nous avons tous entendu des voix émanant des créatures infernales qu’il invoquait. Solène a certainement dû vous en parler. Mais il y a plus. »


Un simple regard à mon interlocutrice me confirme qu’elle s’intéresse surtout à la suite de la traque.

« Au terme de notre poursuite, nous avons donc affronté Adelwijn, l’Hôte, et leurs laquais. C’est à ce moment, en tâchant de conjurer la magie de l’Hôte, que j’ai confronté l’entité qu’il hébergeait. Le... démon a éprouvé ma foi. Il m’a susurré ses mensonges à l’oreille, semant le doute en mon esprit. Grâce soit rendue à la Colombe, je n’ai pas succombé à ses manœuvres, et nous avons pu mettre un terme à l’affrontement avant d’être débordés. Malheureusement, nous n’avons pu empêcher le parasite de mettre fin aux jours du sorcier.

Je ne saurais prétendre démêler le vrai du faux parmi les assertions du Malin. Mais il a effectivement clamé avoir d’autres adorateurs, en Bretonnie comme à l’extérieur de nos frontières, avec lesquels la secte brionnaise aurait entretenu une correspondance. Peut-être avez-vous une partie desdits messages entre les mains.

Si vous le permettez… »


J’ai la gorge sèche, et terriblement soif. Remarquant la présence du petit compartiment abritant la buvette de la Révérende Mère, je m’autorise à aller y trouver quelque boisson. Recueillant tout de même l’aval de la grande prêtresse de Brionne avant d’extirper la bouteille de vin de son réceptacle, je propose d’abord de servir ma supérieure, avant de m’arroger moi-même un verre. Fidèle aux instructions reçues, je n’ôte mon masque que très brièvement, me détournant pour me désaltérer, avant de reprendre, à nouveau masqué.

« Je suis très honoré d’avoir satisfait vos attentes, Révérende Mère. J’espère que votre influence au conseil ducal vous permettra de tirer quelque bénéfice de l’issue de cette affaire.

J’attire votre attention sur le sort des pauvres hères… mutants… victimes des sévices du Seigneur des Mouches. Pour autant que j’ai pu en juger, peu semblent activement complices de cette conspiration. Je suspecte que la plupart sont simplement endoctrinés, sous l’emprise de l’Hôte.

Je sais, et comprends, que votre intérêt politique n’est pas de vous préoccuper ouvertement de ce type de situation. Mais la Colombe, croyez-moi sur parole, pleure aussi les victimes de mutations. J’en ai été témoin.

Si je vous le demandais à titre de faveur, feriez-vous votre possible afin de les préserver de la vindicte ducale, ou pire, de celle du Graal ?

A cette fin, vous pourriez demander le bénéfice de la saisine des possessions d’Adelwijn, au moins en ce qui concerne ce domaine du Furoncle. Au nom du renforcement de la présence de la Colombe dans la Gâtine, ce qui, au vu des récents évènements, semblerait bien normal ?

J’imagine que même si cela s’ébruitait, le bénéfice de votre succès en ce jour ne saurait être entaché d’un hypothétique geste en faveur des nécessiteux. Le cas échéant, cela serait plutôt à porter à votre crédit, et ne nuirait aucunement à vos rivalités au Synode.

Dussiez-vous faire un geste en ce sens, vous auriez ma plus sincère gratitude. »


J’observe un temps de silence, jaugeant Sébire de Malicorne du regard, m’efforçant de deviner ce qu’elle peut bien penser de moi en cet instant. S’apprête-t-elle à décliner ma requête, avec plus ou moins de diplomatie ? Est-elle impressionnée par ma connaissance de certains des enjeux politiques qui sont les siens ?

Difficile à dire. Comme elle tarde à rétorquer, je me permets de renchérir, lui faisant part de mes réflexions les plus récentes.

« Quelle que soit votre décision concernant la précédente requête, je souhaite toujours prononcer mes vœux.

Mais je dois confesser, Révérende Mère, avoir été éprouvé par le démon. Plus rudement que je n’y étais préparé, et certainement plus directement qu’il n’est souhaitable.

J’aimerais que vous m’accordiez prochainement le temps d’une retraite spirituelle en l’un de nos monastères, afin de me rétablir et de fortifier mon esprit. Je ne puis servir la Colombe ainsi ébranlé. »

Modifié en dernier par Frère Éloi le 28 août 2022, 20:40, modifié 1 fois.
Frère Éloi Voie du Prêtre Mystique
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États temporaires
Une vie de Paix : +1 à tout jet visant à guérir un patient blessé, malade ou empoisonné.
La vie avant tout : doit tenter d'interrompre les affrontements auquel il assiste, à moins que le combat ne soit mené contre des ennemis.

Compétences :
- Maîtrise de l'Aethyr (1)
- Coriace : -1D3 dégâts subis.
- Réflexes éclairs : +1 aux tests d'initiative en situation de surprise.
- Résistance accrue : +1 aux tests d'endurance.
- Sang froid : +1 aux tests de caractéristiques effectués en situation de stress ou tension.
- Volonté de fer : +1 aux tests de volonté.
- Traumatologie : Sait administrer les premiers soins ou favoriser une guérison plus rapide.

- Alphabétisé : Capable d'écrire et de lire le Bretonnien.
- Langage secret (Classique) : Capable d'écrire et de lire le Classique.
- Législation : Sait manipuler le droit à son avantage.
- Doctrine du Culte (Shallya)

- Cuisine : Se débrouille en cuisine. +1 pour détecter des substances nocives dans la nourriture.
- Empathie
- Affûtage mental
- Incantation - Shallya
- Sens de la magie
Équipement porté sur soi :
8 sous d'argent 8 deniers
- Bâton de marche
- Robe de bure jaunie / Tenue en lin / Ceinture / Sandales
- Grande sacoche contenant couverts, rations diverses
- Livre de prière de Shallya
- Amulette de Shallya
Fiche wiki[Annexe] Brionne et Orléac

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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Les choses que racontait Éloi étaient difficiles, et quasiment délirantes. Il avait la sensation, au fond de lui, que tout ce qu’il confiait était dangereux. Allait-on le croire ? Raconter qu’il avait vu une créature démoniaque, capable de manipuler le temps et les éléments, ça méritait bien de finir à l’asile. Expliquer qu’il avait eut le temps de discuter avec, c’était risquer le lynchage. Il y a encore quelques semaines, il pouvait bien penser que toutes ces choses-là n’étaient que des métaphores, que le Seigneur des Mouches n’était qu’une représentation humaine d’un phénomène physique. Aujourd’hui, de gré ou de force, il avait beaucoup apprit. Sur le monde, sur la fabrique de l’univers, et même, sur lui-même…
Il était sensible à des choses invisibles. Il était un être différent des autres êtres humains. Et c’était pour ça qu’on l’avait choisi. Pour ça qu’on l’avait élu.


Sébire fut étonnamment compréhensive. Elle encourageait Éloi à parler par de simples hochements de tête. Quand le jeune oblat attrape une bouteille de vin, la grande-prêtresse lui vole des mains — elle insiste pour que ce soit elle qui lui serve à boire, un geste assez incroyable pour une femme noble doublée d’une supérieure hiérarchique.

Et loin de mettre fin au délire, ou de le traiter de fou, elle insista sur chaque point que l’oblat abordait.

« Des prêtresses sont en train de nettoyer là-dessous. Des prêtresses de confiance, c’est-à-dire, qui savent ce que vous savez, maintenant. Les créatures de l’être indicible. Les monstres qui nous regardent dans l’Au-Delà. La majorité du culte n’est pas au courant de toutes les réalités de notre univers. Moi-même, quand bien même je suis une grande-prêtresse, il y a beaucoup que j’ignore, pas par manque d’érudition, mais parce que, dans l’intérêt de l’humanité, pour éviter une panique généralisée, des informations sont censurées, et des choses sont cachées. »

Le verre à la main, elle prit quelques gorgées entre chacun de ses propos.

« Nous avons récolté le parasite. Enfermé dans un bocal de formol, il va être envoyé à Couronne lui aussi, pour expériences. Beaucoup de choses nous seront révélées dans les prochaines semaines, au terme d’une longue enquête, mais tout ce que vous avez vu dans ce manoir, je l’ai en fait déjà vu du temps où j’étais une jeune légat. C’est presque toujours la même chose.
Le parasite était le refuge d’un démon, comme vous l’avez bien compris. Les démons sont des créatures puissantes, mais, par la force de la nature, de notre monde réel, ou des Dieux, ils ne peuvent se manifester que parcellairement et temporairement dans notre monde. Pour se faire sentir ici-bas, ils doivent se camoufler et se contenir, dans un objet, une structure, ou… Une chose vivante.
Nous ignorons encore l’identité de l’Hôte. Peut-être était-il une personne normale : un voyageur, un herboriste de village, ou bien, un père dont les enfants étaient en train de mourir d’une terrible maladie. Il a cherché dans de vieux livres, ou en écoutant des rebouteuses, des rumeurs d’un pouvoir capable de sauver des gens qu’il aimait. Il a alors trouvé les vieux restes du passage d’un puissant démon, il y a des millénaires. Il a passé un marché avec lui. Puis il a recruté des fidèles, et écouté les voix dans ses cauchemars. Il a décidé que créer des maladies, et infecter autrui, était un moyen de les aider.
Nous verrons. Une chance que vous ayez pris Adelwijn en vie, au moins. Il aura des choses à nous apprendre. S’il parle. »


Elle soupira, sec.

« Le parasite détruit, le démon a perdu le vecteur qui le maintenait dans ce monde. Mais dans l’Au-Delà, où il existe vraiment, il n’a pas subi une seule égratignure. Il faut que vous compreniez, mon frère — c’est ça la bataille que certains d’entre nous mènent en secret. Une lutte permanente. Nous vidons l’océan à la petite cuillère. Les religions de ce monde peuvent bien avoir des divergences politiques, et même au service de la Colombe nous pouvons toutes avoir une vision différente de comment mieux servir notre Déesse, la réalité de l’univers est beaucoup plus simple : Il y a nous, mortels, qui tentons de survivre, et Eux, monstres, qui font tout pour nous assaillir et nous anéantir.
Mais cela fait des millénaires que nous endurons. Comme ces tunnels que les Nains et les Elfes ont fondé — bon sang, personne ne trouvait l’emplacement de ces canalisations, un quasi-mythe, les libraires de Véréna vont être tellement ravis ! Nous tenons parce que nous sommes bons dans nos œuvres, et parce qu’il y a des gens comme vous, pour faire ce qui est juste.
Les prochaines semaines seront difficiles. Il faudra soigner beaucoup de malades, décoder des textes, traquer les derniers séides de Brionne qui n’étaient pas présents dans le manoir… Et dans deux, trois ans, tout ça recommencera. Mais on relèvera le défi. Parce que nous en avons le devoir. »


À la question des mutants, Sébire sembla soudainement se fermer. Elle fronça des sourcils, et son ton se fit plus grave.

« Votre cœur pur vous honore, Éloi. Vous êtes une bonne personne. Néanmoins, mon avis sur les mutants ne tient pas seulement à de simples considérations politiques. Au contraire, même — se mettre à dire partout que les mutants sont de pauvres personnes à soigner est devenu populaire dans notre religion, quand bien même c’est se mettre des œillères et ne pas écouter les souffrances de toute la population humaine, nos ouailles que nous devons soigner et défendre.

Oui, c’est vrai, il y a eut de l’abus dans la traque aux mutants au cours de notre histoire. Oui, il faut contrôler les excès : on ne peut pas mettre au bûcher des gens parce qu’ils sont nés roux, ou avec de l’albinisme. Il y a des êtres humains différents, ils sont tout de même nos frères…

Mais les mutants qui terrifient les êtres humains, ce sont des créatures qui ont été touchées par la magie haïssable que vous avez aperçue dans ces tunnels. On parle d’individus horribles, qui ont des appendices démesurés, des yeux en plus, des cornes. On parle d’êtres certes humains, mais dangereux pour l’humanité — ils sont repoussants non parce qu’ils sont incompris, mais parce qu’il est impossible d’imaginer une société humaine où l’on tolère que son voisin, la personne qui pourrait s’approcher de ses enfants, soit un monstre sur pattes.

Oui. Peut-être que certains des mutants dans ce manoir étaient de pauvres personnes innocentes. Mais ils n’ont pas été regroupés ici par la force. Ils sont venus rejoindre l’Hôte parce qu’ils pensaient que celui-ci les protégerait, les aiderait, et surtout, leur permettrait de sortir de l’ombre où ils se cachaient pour régner en maîtres. Votre compassion est bienvenue, mon frère, mais il ne faut pas confondre bonté avec naïveté. Les mutants sont toujours les fantassins en première ligne des démons. Ils sont les fidèles les plus naturels, et ils sont souvent ceux qui répandent les graines de ce que l’on nomme le Chaos.

Et puis, il est tout simplement hors de question que ces mutants demeurent en ville. Jamais ce ne sera possible. Il n’y a même pas besoin d’imaginer l’intervention des damoiselles du Graal : les Brionnois eux-mêmes prendraient des torches et chargeraient en toute hâte pour les brûler vifs. Et personne ne chercherait à se mettre en danger pour les protéger.

C’est pour ça que je ne me prononcerai jamais sur la question mutante. Non pas par lâcheté, ou par opportunisme politique, mais bien parce que je sais que nous avons le devoir de tout faire pour la quasi-entière totalité de la population. Et parce que les mutants valent à peine d’être défendus.

S’ils ne voulaient pas être dans cette situation dramatique, ils auraient fui la ville, et ils auraient frappé à la porte de temples de Shallya, où on les aurait cachés. Ils n’auraient pas fini ici, dans ce trou à rats. »


Elle souffla longuement du nez, en s’enfonçant dans sa banquette.

« Vous me mettez dans une situation embarrassante. Vous êtes un héros. Je ne peux rien vous refuser. Si vous insistiez vraiment, oui, je devrais faire mon possible pour assurer la sécurité de ces mutants — au moins les femmes et les enfants, il me sera presque impossible de garder les hommes en vie.
Néanmoins… Ce serait me mettre en danger. Ça serait me rendre haïssable aux yeux des damoiselles du Graal, du duché, de toute la ville, et des personnes qui recevront les mutants une fois que je les aurais exfiltrés. Ça demandera aussi des fonds assez importants, pour gérer leur sécurité, et leur surveillance. Cela voudra dire aussi, mettre des prêtresses en danger : imaginez que chacun de ces mutants devra être soigné, un par un, et si jamais une seule de nos sœurs devait être, par exemple, poignardée par l’un d’entre eux qui a été fanatisé par les paroles d’un démon — et vous avez vu à quel point cette créature était puissante — alors le sang de cette sœur serait sur mes mains, et les vôtres également.
Je me dois donc d’insister : Voulez-vous vraiment que je prenne un tel risque inconsidéré pour protéger ces personnes ? Et je vous ne demande pas de me répondre à cette question en tant que Shalléen, mais en tant qu’Éloi, après tout ce que vous avez vu ces derniers jours. »
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Frère Éloi
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par Frère Éloi »

La réserve de la Révérende Mère concernant le sort des mutants ne m’étonne guère, et correspond en tout point à ce que je connais de sa position politique sur le sujet. Je suis néanmoins étonné qu’elle s’attache si fermement à ce discours qu’elle m’oppose : c’est comme si elle croyait réellement à ce qu’elle raconte. Par ailleurs, l’opposition supposée entre ma perception de la question « en tant que Shalléen » et « en tant qu’Éloi », curieusement similaire à la distinction opérée par le démon entre la perception de mon esprit et de mes tripes, accentue ma gêne.

« Je ne vous connaissais pas cette position sur la question mutante. Je suppose qu’il vaut mieux que je m’y habitue, quand bien même je ne la partage que partiellement.

Je vous présente mes excuses. C’était maladroit de vous demander cela. »



Laissant mon regard vagabonder sur les feuillets sur la tablette devant elle, je remobilise mes pensées autour de l’autre sujet que je souhaite évoquer dans le secret de ce tête-à-tête.

« En tant qu’Éloi… A défaut de pouvoir m’obliger ainsi… Il y a bien autre chose qui me tient à cœur, et dont les conséquences seraient à coup sûr moins nuisibles pour votre réputation.

Je sais que votre famille a été lésée dans la succession de feu Lothaire de Carqueray, qui ne s’est pas déroulée comme négocié. Il est de notoriété publique que le préjudice est important, quelle que soit la somme du droit de relief effectivement avancée au Duc par votre frère. Je sais aussi de sources concordantes que votre famille manœuvre depuis quelque temps déjà pour récupérer son dû, d’une façon qui finira nécessairement par nuire au peuple d’Orléac.

Le meurtre des banquiers Adorno avant qu’ils n’aient l’occasion de parler affaires avec Sybille de Carqueray. La dissimulation de votre neveu. Vos négociations auprès du Duc. Votre rapprochement d’Amicia de Roye.

Et demain, peut-être, la guerre aux portes d’Orléac ? Vous le disiez naguère dans cette même voiture : ce sont toujours les petits qui font les frais des querelles des puissants. »



Je ne veux pas trop en dire sur la correspondance évoquée par Olivier Adelwijn. Pour ne pas inquiéter Amicia, au nom de notre amitié passée. Et pour conserver la confiance de Sébire de Malicorne, qui ne doit pas croire faire l’objet d’espionnage de ma part.

« Je vous suis resté fidèle, Révérende Mère. J’ai gardé votre secret, suivi vos directives, accompli votre dessein.

Je suis peut-être orphelin, mais le peuple d’Orléac est ma famille, comme le sont mes sœurs au service de la Colombe.
Ne me demandez pas de choisir entre la poursuite des séides du Pestilent et les intérêts de mon foyer.

Je ne puis demeurer loyal au nom de Malicorne si demain Orléac brûle, souffre et pleure. »


Sur cette promesse de loyauté personnelle, je me tais, replongeant dans un silence taciturne. Peut-être suis-je allé trop loin, mais au moins, je m’ôte un poids du cœur. J’ai porté ma réclamation ; que les puissants disposent, à présent.
Modifié en dernier par Frère Éloi le 28 août 2022, 19:42, modifié 1 fois.
Frère Éloi Voie du Prêtre Mystique
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États temporaires
Une vie de Paix : +1 à tout jet visant à guérir un patient blessé, malade ou empoisonné.
La vie avant tout : doit tenter d'interrompre les affrontements auquel il assiste, à moins que le combat ne soit mené contre des ennemis.

Compétences :
- Maîtrise de l'Aethyr (1)
- Coriace : -1D3 dégâts subis.
- Réflexes éclairs : +1 aux tests d'initiative en situation de surprise.
- Résistance accrue : +1 aux tests d'endurance.
- Sang froid : +1 aux tests de caractéristiques effectués en situation de stress ou tension.
- Volonté de fer : +1 aux tests de volonté.
- Traumatologie : Sait administrer les premiers soins ou favoriser une guérison plus rapide.

- Alphabétisé : Capable d'écrire et de lire le Bretonnien.
- Langage secret (Classique) : Capable d'écrire et de lire le Classique.
- Législation : Sait manipuler le droit à son avantage.
- Doctrine du Culte (Shallya)

- Cuisine : Se débrouille en cuisine. +1 pour détecter des substances nocives dans la nourriture.
- Empathie
- Affûtage mental
- Incantation - Shallya
- Sens de la magie
Équipement porté sur soi :
8 sous d'argent 8 deniers
- Bâton de marche
- Robe de bure jaunie / Tenue en lin / Ceinture / Sandales
- Grande sacoche contenant couverts, rations diverses
- Livre de prière de Shallya
- Amulette de Shallya
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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Sébire sembla satisfaite du soudain retrait d’Éloi. Elle soupira d’aise, tout en se remettant correctement sur la banquette.

« Nous essayerons de sauver ceux qui peuvent être sauvés. Les enfants, surtout. On fera ça dans les règles, ne vous inquiétez pas, Éloi. »

Et là-dessus, elle reprit son vin.

Jusqu’à ce que le jeune oblat se mette à aborder un tout autre sujet.

La révérende-mère, d’un coup, parut stoïque. Sur son visage, des dizaines d’émotions semblèrent se succéder une à une alors qu’elle laissait le futur prêtre dérouler. Il sous-entendait des complots. Menaçait les Malicorne. Parlait de choses éminemment dangereuses. Surtout envers une joueuse politique avisée et intrigante comme Sébire.

Dès qu’il eut terminé, c’est avec une voix froide, mais d’une colère sourde qui bouillonnait derrière, qu’elle le mit en garde :

« Faites attention aux mots que vous utilisez, frère oblat. Vous marchez sur une fine pellicule de glace. »

Du bluff — c’était ça qui était en train de se jouer. Éloi ne savait à peu près rien de l’affaire d’Orléac. Mais Sébire n’était pas forcément au courant de ça. Et alors, les deux pouvaient se défier en se regardant dans les yeux dans les yeux.

La révérende-mère se rapprocha au-dessus de sa tablette, pour mettre son visage juste devant celui d’Éloi.

« Valère n’attaquera pas la maison de Carqueray. Je peux vous le jurer. Il n’y a donc pas lieu de… Faire, ou dire, quoi que ce soit de plus. »

Elle parut soudain gênée, parce qu’elle arbora un sourire qui paraissait plus nerveux que les précédents. Peut-être soupçonnait-elle Éloi d’avoir de quoi mordre les Malicorne, parce qu’elle se mit soudain à jouer dans le registre du charme.

« Valère a fait des erreurs. Il était guidé par l’urgence et la colère, deux très mauvaises conseillères. Mais les erreurs se repayent et se rattrapent.
Sybille de Carqueray s’est bien jouée de nous. Mais il n’y aura pas de vengeance sur elle, ni sur Orléac. Je réglerai cette affaire avec elle, personnellement — et pacifiquement. Au final, tout est toujours une question de chèques et de poignées de main.
Nous pouvons donc oublier toute cette histoire. Et toutes les familles du duché de Brionne redeviendront amies. »

Finalement, elle commença à ranger ses papiers.

« Vous allez rester quelques jours à Brionne, le temps que nous soyons assurés que vous n’êtes pas tombé malade, et n’avez aucune séquelle. Ensuite, vous retournerez à Orléac. J’informerai la prieuse Clémence de certaines choses que vous avez vécu — mais pas le plus important. Dorénavant, tout ce que vous avez vu et vécu durant cette affaire, restera un secret camouflé dans votre conscience. Adelwijn, les démons, les sectes de mutants ? Aucun mot ne passera vos lèvres, ni devant les gens que vous aimez, ni devant Clémence, ni devant qui que ce soit d’autre que Solène et moi.
Mais ça ne sera pas la fin de notre relation. Je vais avoir besoin de vous, un jour. Je vous rappellerai à mon service. Je vais avoir besoin de vous pour traquer les serviteurs du grand-pestilent.
En attendant… Allons voir le duc. »



La ville était en liesse. Des bas-fonds jusqu’au sommet de l’île de Brionne, tout n’était que fête et joie. Les rues étaient scintillantes de confettis, les cierges et les torches brûlaient tant que la luminosité était parfois la même que celle offerte par le soleil. Des hordes de fêtards allaient et venaient, bras-dessus-bras-dessous, tandis que les tavernes étaient pleines à craquer. Les hommes du guet allaient avoir une nuit particulièrement agitée, à devoir gérer la foule et les ivrognes.

La Place-Manaan n’avait plus aucun gréviste occupant la statue — à la place, il y avait là des tribunes et des lices, du fumier de cheval qui formait des tas, et des gradins occupés. Au sol, des éclats de bois — on avait cassé des lances toute l’après-midi, ici. Et si le tournoi s’était fini, c’était pour laisser la place aux musiciens et aux danseurs. Le cimetière Saint-Räzell devait faire séance complète ce soir, s’ils n’apprenaient pas qu’on avait retrouvé leur compagnon qu’ils cherchaient. René le Borgne aussi devait être joyeux ce soir, et qui sait quelles libations allait-il offrir à sa cour pour fêter ses nouvelles prébendes fort généreuses ?

Ce soir, à Brionne, on boirait, on coucherait, et on se bagarrerait. Et ça allait durer des jours entiers, tandis que les marchands amèneraient leurs denrées des quatre coins du monde à échanger. Personne ne noterait l’absence de la plus riche dynastie Marienbourgeoise du coin. Les affaires, après tout, étaient les affaires.



Immense était un euphémisme pour décrire le château de Brionne. Si la cité était une île, le château devait être le lieu d’habitation originel de ses habitants — probablement des Fées, d’ailleurs, à l’époque où ils régnaient sur le monde. Le château était un regroupement de magnifiques tourelles, fines mais parfaitement bien construites, qui étaient séparées par d’immenses jardins et bosquets derrière lesquels on camouflait des remparts et des courtines. Alors que la diligence de Sébire remontait l’immense cascade, tout ici n’était plus que rues parfaitement pavées et édifices en marbre blanc, aux fenêtres scintillantes de vitraux de toutes les couleurs. Le château était un bijou, peut-être le plus beau château de toute la Bretonnie.

Guidée par des valets à cheval, la diligence s’arrêta dans un jardin. Des pages s’approchèrent pour ouvrir la portière et déployer un marche-pied, tandis que des domestiques portaient des lampions pour illuminer le chemin. Un maître d’hôtel maniéré et habillé de couleurs argentées demanda à la révérende-mère de le suivre, tandis qu’Éloi découvrait l’une des nombreuses arrières-cours de ce labyrinthe fleuri qu’était le château.
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Il y avait de très nombreuses marches à monter, alors que Sébire, débarrassée de ses talons et de sa robe, emboîtait d’un pas très pressé, escortée par ses gardes-du-corps et la petite armée de laquais du château. En zieutant à droite à gauche, Éloi pouvait découvrir des chemins menant à des « clairières » dans le jardin, de grandes fontaines à statues, des jardiniers qui travaillaient partout, et puis, des nobles. Hommes et femmes riaient, courraient, hélaient pour qu’on leur amène à boire — tout une horde de sang-bleus désœuvrés.

Sébire regarda par-dessus son épaule, et donna des instructions à l’oblat :

« Une fois qu’on sera devant le duc, demeure silencieux tant qu’on ne t’adresse pas la parole. Et lorsque tu devras lui parler, n’utilise jamais un autre prédicat que Votre Grâce. J’aurais aimé avoir plus de temps pour parfaire ton étiquette, mais nous ferons avec. »

Le dernier escalier à grimper menait jusqu’à une sorte de grand bâtiment circulaire dont l’imposante terrasse en marbre semblait flotter au-dessus de la canopée des arbres du jardin. Devant des dizaines de larges portes, des écuyers aux couleurs ducales (L’argent et la hache de sable) étaient au garde-à-vous. Une seule de ces portes était ouverte, et c’est ainsi que les pas de Sébire se mirent à résonner alors qu’elle entrait dans le lieu le plus renommé de Brionne : Le Hall des Ménestrels.

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C’était un auditorium immense. En levant la tête, on voyait la coupole, et les étages où des nobles étaient assis sur des sièges de velours — il y en avait des dizaines, tranquillement installés. Au centre de la pièce, un grand arbre élancé, aux branches dégarnies, dont les racines semblaient surélever tout le reste quand bien même elles étaient fort fines. L’arbre paraissait être entouré d’une sorte de… Voile, agréable à l’œil. Il n’était pas là par hasard, et n’avait pas qu’un but décoratif : cet arbre devait être aussi vieux que Brionne, et plus vénérable encore.
Et devant cet arbre, un chevalier était debout, et il chantait d’une voix douce, ses paroles portées par l’acoustique de l’auditorium jusqu’aux sommets des gradins, tandis que derrière, une jolie femme l’accompagnait en jouant du lirone :

« ♫ Bele Doette as fenestres se siet,
Lit en un livre, mais au cuer ne l’en tient;
De son ami Doon li ressovient,
Qu’en autres terres est alez tornoier.
E or en ai dol.

Un escuiers az degrés de la sale
Est dessenduz, s’est destrossé sa male.
Bele Doette les degrez en avale,
Ne cuide pas oïr novele maie.
E or en ai dol.

Bele Doette tantost li demanda :
« Ou est mes sires que ne vi tel pieça ? »
Cil ot tel duel que de pitié plora.
Bêle Doette maintenant se pasma.
E or en ai dol. ♫ »



Sébire grimpa sur un grand escalier contournant le Hall. Ils remontèrent pour aller au-dessus des gradins, et suivre une grande passerelle couverte et entourée de fenêtres qui offraient une vue plongeante sur tout Brionne — l’architecture ici était à peine humaine, elle imitait la splendeur d’un peuple bien plus ancien.

Le maître d’hôtel s’arrêta finalement devant une porte au milieu du donjon. Il l’ouvrit, et voilà qu’Éloi découvrait une pièce de taille moyenne, avec l’âtre d’une cheminée éteinte, et des meurtrières qui donnaient une vue sur le versant est de Brionne, et la côte du duché. Une immense table circulaire au milieu, des tapisseries sur les murs représentant des haches et des anciens guerriers. Les chaises étaient grandes, et l’une d’elle était plus décorée que les autres : il ne fallait pas être grand clerc pour savoir à qui elle était réservée.

Des personnes étaient déjà assises. Sœur Solène, d’un côté de la table, et en face, deux nobles qui se levèrent en voyant entrer Sébire.

La révérende-mère leur fit un signe bref de la main :

« Cela va.
– Tout le conseil arrive bientôt. Ils s’informent de ce que tu as déjà écris.
– Cela promet d’être amusant.
– Pas vraiment. Dame Alix a annoncé qu’elle nous rejoindra.
– Oh. »

Ce « oh » était un peu faible. Une sorte d’étonnement inquiet.
Les deux nobles se ressemblaient assez ; tous deux cinquantenaires, bien habillés, avec des coiffes et des vêtements de soie qui marquaient bien leurs tailles, et surtout, des épées à leurs flancs. Sébire dût penser qu’il était important qu’Éloi sache de qui il s’agissait, puisqu’elle désigna l’un, puis l’autre en les nommant :

« Valère de Malicorne, marquis de Lichy, et Pierre de Cerdagne, justicier ducal de Brionne.
– Enchanté, mon frère, fit Valère avec une révérence.
– Et félicitations pour avoir coffré Adelwijn, vous avez rendu un fier service à notre duché, insista Cerdagne. »

Sébire commença déjà à partir.

« Restez ici, Éloi. »


Et accompagnée des deux nobles, elle quitta cette salle.

Solène paraissait tout aussi éreintée que son confrère. À moitié avachie sur la table, les yeux entourés de cernes, elle força tout de même un sourire doux à l’encontre de son camarade — un sourire qu’Éloi percevait surtout grâce à la plissure de ses yeux, car comme lui, elle portait un masque sur la bouche.

« Guido est en vie. Il y a échappé de peu, mais il devrait pouvoir remarcher dans les prochaines semaines.
C’est… C’est grâce à toi. Je savais intimement au fond de moi que tu en étais capable, mais quand même… Bravo. Tu as été courageux. »


Les deux purent discuter quelques minutes ensemble, avant que la porte ne s’ouvre à nouveau, et qu’une foule de personne entre. Que des aristocrates, qui grommelaient, qui chuchotaient entre eux, et qui lançaient des regards aux deux jeunes Shalléens.
Sébire revenait. Elle s’installa juste à gauche de Solène. À la droite d’Éloi, ce fut sire Valère qui tira une chaise et posa ses fesses.
Tous les autres, ce n’étaient que des hommes. D’âges et de corpulences diverses, certes, mais tous avec les mêmes riches vêtements, les chapeaux élaborés, et les épées au flanc. On voyait clairement un camp qui s’était formé, quand bien même la table était ronde. Autour de la plus belle chaise, deux personnes s’étaient naturellement assises, et on leur avait laissé la plus belle place.

La porte s’ouvrit à nouveau, et là, tout le monde se leva tout droit, y comprit Éloi, avec un petit coup de Solène dans ses reins s’il devait être trop lent — car l’homme qui était entré était particulièrement grand, beaucoup mieux habillé que les autres, avec un manteau aux fils brodés d’or, des bagues serties de rubis et de diamants presque à chaque doigt, et dans sa chevelure blonde, il avait ceint autour de son front un diadème ducal, le signe de son pouvoir.

Cet homme, c’était Théodoric V de Brionne. Il était beau, solide, le visage marqué de nombreuses cicatrices que son épaisse barbe avait du mal à camoufler. Peut-être Éloi s’attendait-il à un personnage majestueux, qui parlait comme Sébire quand elle s’habillait telle une grande-prêtresse ; mais non. Théodoric se mit à brailler comme pas permis, avec une voix grave qui portait loin dans la pièce :

« Bon on va gérer ce bordel vite — Lucie de Cerdagne a le cul en feu, dans un quart d’heure elle est à poil dans une fontaine !-
Oh merde. La boulette. J’avais pas vu que vous étiez là Pierre ! Je plaisante, héhé, c’est une blague ! »

Le justicier ducal eut le sourire le plus figé et le plus forcé qu’Éloi ait jamais vu sur le visage d’un être humain.

Théodoric alla jusqu’à son fauteuil. Il donna un petit coup de pied dans le mollet d’un des nobles qui s’était posé à côté de lui.

« Mais pousse ton cul Sicard, bordel ! Le duc veut s’asseoir ! »

Sicard, qui semblait être l’homme le plus jeune du conseil, s’écarta pour que Théodoric pût s’asseoir. Le duc s’avachit sur son fauteuil, racla bien les pieds de la chaise sur le sol, et se mit à tapoter vigoureusement la table.

« Bien, commençons !
– Heu… se permit d’interrompre celui qui devait s’asseoir à sa gauche. La prophétesse de Brionne, l’altière Dame Alix, a annoncé sa volonté de participer à cette séance…
– Ah ! Bah on va tous attendre, alors, posez vos fions. »

Tout le monde se rassit donc. Et alors, il y eut un instant de silence totalement gênant, alors que tout le monde la bouclait en regardant tout droit. Il n’y avait que Théodoric pour faire du bruit : il tapotait la table en rythme, et fredonnait une chanson avec sa bouche.
Il lorgnait un moment sur son justicier. Le duc toussota, et insista comme un lourdeau :

« C’était vraiment une blague, sur votre petite-nièce, sire Pierre.
– J’avais compris, votre grâce.
– Je n’oserais jamais lui manquer de respect. À aucune femme d’ailleurs. Mais il est vrai qu’elle a la… Fraîcheur d’une jeune fille. Une noble damoiselle. Quel âge a-t-elle déjà ?
– Seize ans, votre grâce.
– Seize ans. »

Theodoric semblait songer à quelque chose. Quoi que ce soit, Cerdagne était devenu tout rouge, tandis que chez d’autres nobles, on voyait soit des rires amusés, soit des sourires crispés.


Cinq minutes de malaise plus tard, la porte s’ouvrit à nouveau, et une seconde fois, tout le monde se remit debout. Une autre femme était arrivée — une très grande dame, de si haute taille qu’elle dépassait même les hommes, vêtue d’une belle robe décolletée et aux bras nus, dont les cheveux étaient décoiffés : elle avait une belle chevelure blonde liée par d’épais chignons. Son visage paraissait avoir un certain âge, mais les rides qui apparaissaient autour de ses lèvres et ses yeux laissaient tout de même une face harmonieuse, d’une beauté froide qui lançait de mauvais regards à Sébire.
Théodoric désigna le siège à côté de lui.

« Ma dame, un honneur pour nous de vous recevoir, venez vous installer… Sicard, laisse-lui ta place.
– Laissez, moins de temps je passe ici, mieux je m’en porterai. »

Elle avait rétorqué ça très sèchement, sur le ton de la vocifération. Elle n’attendit pas qu’un valet lui tire sa chaise pour elle, et c’est seule qu’elle s’installa noblement sur son siège, en croisant une jambe sur l’autre.
Le malaise déjà bien présent venait d’empirer un peu plus.

L’homme à la droite de Théodoric éclaircit sa voix, leva une feuille, et commença à lire ce qu’il y avait écrit dessus :

« Oyez, oyez.
Il m’est agréable d’ouvrir cette séance exceptionnelle du conseil privé de Brionne, en la date du 13 de l’Avant-Mystère 1551. En tant que réunion du conseil privé, aucune parole ne sera rapportée dans le procès-verbal de la séance.
Je suis Pons de Brionne-Picquy, chambellan du duc de Brionne, et préside à titre honorifique cette séance. »
, commença donc ce bel homme moustachu, trentenaire, qui avait également des cicatrices de guerrier.
« Elle se fait en présence de,
Sa Grâce, Théodoric, par la volonté du roy, duc de Brionne, sire de Gransette, Varachon, Marcheduc et Clermont d’Aquitanie, chevalier du royaume »
, dit-il en désignant le grand homme blond couronné au centre de la table,
« Sa Béatitude, dame Alix, prophétesse du Graal, protectrice de Brionne », en regardant la grande dame en robe qui gardait une expression quelconque.
« Sire Sicard de Brionne, amiral de Brionne, sire commissionnaire de l’amirauté royale », en souriant au jeune homme à la gauche de Théodoric,
« Sire Carloman de Vézier, connétable de Brionne », avec un hochement de tête vers un gros monsieur aussi gras que musclé, le crâne chauve,
« Sire Valère de Lichy, chancelier de Brionne », sans oser croiser le regard du grand-frère de Sébire, qui, maintenant qu’Éloi pouvait bien le voir en chair et en os, avait également un visage anthropomorphique qui faisait penser à celui d’un renard.
« Sire Pierre de Cerdagne, justicier ducal de Brionne », en marquant une petite pause tandis que le pauvre cinquantenaire était toujours tout rouge et avec une veine tremblante sur le front,
« Sire Renaud de Rével, sénéchal de Brionne », avec un grand sourire sincère pour un beau garçon roux, qui était avachi sur son fauteuil d’un air lâche, comme s’il ne prenait pas tout ça au sérieux,
« La Révérende-Mère Sébire, grande-prêtresse de Brionne et aumônière ducale », alors qu’une Sébire habillée comme une scribe et avec des lunettes sur le nez leva fièrement le menton,
« Et frère Éloi, et sœur Solène, un oblat et une prêtresse du culte de Shallya. »

Pons posa son papier, et, toujours debout, commença des explications :

« Nous sommes ici pour discuter urgemment d’événements qui ont lieu en ville cette après-midi, et qui nous ont été rapportés d’une part par le justicier, sire Cerdagne, et d’autre part par la grande-prêtresse de Shallya, la révérende-mère Sébire. Il s’agit de l’arrestation du régisseur de Brionne, maître Olivier Adelwijn, pour cause de sorcellerie, ainsi que la mise à mort de plusieurs de ses complices qui ont été retrouvés dans les sous-sols de Brionne, où ils tentaient, selon les rapports de la révérende-mère, d’empoisonner l’eau de la ville…
Peut-être devrions-nous… Laisser la parole à la révérende-mère ?

– Soit », fit le duc, en levant grand ses mains.

Sébire se leva droite. Elle tendit sa main, et alors Solène posa sur ses cuisses une besace qu’elle ouvrit. Alors, Sébire attrapa des papiers, des feuillets, des croquis — toutes les choses, en fait, qu’Éloi avait vu dans sa voiture en arrivant à Brionne, mais aussi les documents qu’elle avait empruntés dans le monastère d’Orléac.

Et c’est avec un ton pérorant, celle de la très mauvaise gagnante à un jeu, qu’elle se mit à expliquer tandis qu’elle faisait passer les documents d’un côté et de l’autre de la table.

« Messeigneurs, votre grâce, votre béatitude… Je ne perdrai pas de temps à vous rappeler ce que j’ai déjà eu à vous expliquer lors des dernières séances de cet honorable conseil. Cela fait des semaines, maintenant, que mes sœurs traquent à travers Brionne un réseau d’horribles criminels, mutants et non-mutants, qui se sont mis il y a quelques mois à vénérer une divinité du panthéon interdit, le seigneur des mouches qui répand si facilement ses maladies dans notre pays.
La petite bande me semble être née à Clermont-d’Aquitanie, où ils se sont regroupés pour tester à petite échelle une maladie d’un genre nouveau, provoquant insomnies et affaiblissement généralisé. Après avoir causé de nombreuses infirmités, et des morts parmi les franges de la population les plus faibles à Clermont, ils se sont regroupés autour de Brionne, où ils ont profité du chaos qui régnait en ville — et notamment la fermeture de l’académie de médecine — pour s’en prendre aux prostituées de la cité. Infecter de simples ribaudes avec une infection à incubation assez longue leur a servi à toucher des personnes bien nées de notre ville, notamment les bourgeois de l’association des Francs-Archers de Bracieux, et des nobles du château.
Je vous avais conseillé de mettre fin à la foire afin d’éviter toute épidémie généralisée. Devant votre refus, j’ai été forcée de traquer moi-même les responsables de cette maladie, ainsi que de leurs soutiens. C’est chose faite. L’enquête est en cours pour dénicher les derniers responsables, et retracer l’histoire de la secte qui a été tuée dans l’œuf, mais c’est avec une grande fierté que je peux vous annoncer ici, officiellement, que le culte de Shallya a été capable de sauver Brionne. »

Immense sourire triomphant. Il y a un silence, un moment, tandis que les conseillers se passent les papiers, et échangent entre eux.
Certains lancent des regards noirs à Sébire. Quant à dame Alix, la prophétesse, elle garde ses mains sous la table, et ne daigne même pas jeter un seul œil à la paperasse que son voisin lui tend.

C’est d’ailleurs elle qui parle la première. Toujours avec une voix froide, elle osa défier la Sébire qui se tient debout, et lui demanda sèchement :

« D’après les huissiers sur place, et votre propre rapport, les hommes que vous avez envoyés sous Brionne ont eut affaire à une créature de l’au-delà. Un démon.
– C’est correct, votre béatitude.
– Vos prêtresses ont reconnu les graffitis qu’ont dessiné les agents de cette secte à Clermont. Pourquoi ne pas m’en avoir informé ?
– J’en ai informé le conseil, votre béatitude. Je suis désolée, mais si vous aviez été présente aux dernières séances, aucune information ne vous aurait été dissimulée… »

La grande-prêtresse offrit un pur sourire carnassier à la prophétesse. Elle venait, en substance, de rouspéter dame Alix pour ses absences.
Prenant la mouche, la servante du Graal enlaidit son visage en grimaçant de tous ses muscles.

« Vous vous croyez drôle, Sébire ? Des hommes sont morts. Si vos sbires n’avaient pas été assez prompts, s’ils avaient été rien qu’un quart d’heure trop lents, la ville toute entière serait en train de mourir la bouche ouverte.
– Et ça n’a pas été faute de prévenir Sa Grâce…
– Taisez-vous ! Vous avez été juste assez vague dans la description des événements pour que je ne sois pas mise au courant, vous avez menti plusieurs fois par omission — vous avez dit, et répété à ce conseil, que la secte des serviteurs du Grand-Pestilent était basée à Clermont, là où vous avez envoyé la majorité de vos prêtresses, comme la vénérable sœur Nathanaèle ; à aucun moment vous n’avez informé quiconque de l’avancée de votre enquête à Brionne-même, afin d’avoir les mains libres pour faire ce que vous souhaitiez !
Pendant que mes damoiselles chassaient des fantômes bien à l’est du duché, un démon se cachait sous la ville ! Vos mensonges ont permis de dilapider mes efforts, et dans quel but ?! C’est ça que je veux savoir — pourquoi avoir joué avec les vies de toute la ville ?! »


Les nobles n’osaient rien dire. Ils demeuraient mi-gênés, mi-colériques. Mais Sébire, accusée ainsi, se contenta de faire disparaître son sourire. Elle s’avança un peu au-dessus de la table, et prit un ton plus doux pour répondre directement :

« J’ai été informé de l’ampleur de la situation, et de la culpabilité d’Olivier Adelwijn rien qu’hier soir, votre Béatitude. Et étant donné la corruption d’un membre du conseil, du régisseur de Brionne qui assistait à ces séances, il était en fait salvateur que je ne donne que le strict minimum d’informations. Autrement, les serviteurs du Pestilent auraient été capables de réagir, peut-être d’avancer leurs plans, ou fuir avant notre rafle. J’ai agi par des canaux secondaires, secrets, afin d’être le plus efficace possible.
Je savais très bien ce que je faisais. Je ne jouais pas avec Brionne. C’étaient là des risques calculés. »


Jouer à l’innocente semblait faire vriller Alix. Éloi pouvait percevoir une sorte de souffle autour d’elle, et au fond de ses pupilles, ses yeux semblaient devenir ambrés, comme les yeux d’une louve. D’ailleurs, l’oblat entendait même un grognement venir d’elle ; mais il semblait être le seul à pouvoir l’ouïr.

« Vous mentez. Vous mentez juste à mon visage. Comment faites-vous pour dormir la nuit, Sébire ?! Je ne parle plus d’assassiner des banquiers pour des questions d’argent ou de territoire, là — vous avez volontairement dissimulé des informations et manipulé le Graal, le duché, et vos propres prêtresses pour déplacer tout le monde comme des pions — vous avez tourné un complot insidieux du Chaos à votre avantage !
Si vous aviez le moindre amour-propre, vous démissionneriez immédiatement ! »


Pour toute réponse, Sébire pouffa de rire. C’était peut-être la chose la plus insultante qu’elle pouvait faire en cet instant. Et la voilà qui sourit, et prit un ton condescendant, pour rétorquer :

« Je suis l’héroïne qui a sauvé Brionne. Votre prescience ne vous a pas permis de découvrir ce qui se cachait juste sous votre chapelle du Graal.
Je ne pense pas être celle qui a besoin de démissionner. Sauf si vous présentez ici des preuves de vos accusations. »

La mandibule d’Alix tremblait.

Et pourtant, Éloi le sentait… Toute la haine de la prophétesse n’était pas née de la jalousie, ou d’une antipathie à l’égard de Sébire.
Elle disait la vérité. Tout ce que la servante du Graal venait de raconter était la pure et stricte vérité, sortant de sa bouche. Qu’est-ce qu’une damoiselle du Graal pouvait bien pourchasser ? Elles n’étaient pas des intrigantes. Les filles des Fées vivaient pour défendre la Bretonnie, sa Terre et ses sujets.
Mais toute vérité n’était pas bonne à dire. Et la vérité dépendait beaucoup trop de points de vue. Sébire avait gagné, sur toute la ligne, et même une femme aussi puissante qu’Alix ne pouvait plus l’empêcher de savourer cette victoire.

« Mes services vous offriront à tous les résultats de l’enquête dans les jours et les semaines suivantes. Mais en attendant, je peux juste dire avec certitude que vous allez avoir besoin d’un nouveau régisseur. »

Et Sébire retourna s’installer sur sa chaise. Cerdagne, lui, rajouta :

« Il est en cellule. Nos huissiers s’occuperont de son interrogatoire. Il a beaucoup à nous apprendre. »


Silence.

Le duc Théodoric soupira. Il regarda longuement Sébire, puis Alix.

Et finalement, il se mit à claquer des doigts, en désignant Éloi. Tous les regards des conseillers se posèrent alors sur le pauvre jeune homme soudain prit à partie.

« Alors ? C’est lui ?
C’est grâce à lui qu’on est tous à discuter bien gentiment dans cette pièce ?
Comment tu t’appelles ? Comment s’appelle-t-il ? »

Sébire se releva, en ouvrant grand le bras pour désigner solennellement le jeune homme.

« Honorables conseillers, je vous présente Éloi d’Orléac. Enfant de la colombe, oblat du temple de Shallya, c’est lui qui a découvert les méfaits d’Olivier Adelwijn, et qui a agi avec courage, armé uniquement de sa foi, pour abattre le magus de la secte qui menaçait d’infecter Brionne. »

Théodoric rigola, fort. Et il se mit à taper dans ses mains pour applaudir.

« Enfant de la colombe, bordel, obligé t’es sorti des bourses d’un homme noble — c’est la seule explication possible ! Sérieux, regardez-le, tout frêle et tout petit ; et il me fout à terre un putain de magus avec un démon dans son cul !
Hé, allez mon petit, tu peux me le dire : t’étais pas armé que de ta foi ! Comment tu l’as mis par terre, pas à mains nues quand même ?! »


Et voilà que le duc se mit à imiter un combat de boxe en fermant ses poings, tout en continuant de rigoler gras.

« Mais plus sérieusement — tout le monde ici t’en dois une, et une grosse je dirais même. Tu peux demander ce que tu veux, tu l’obtiendras. Reste avec nous ce soir, j’ai du beau monde à te faire rencontrer ! Ah, je te jure, tout le monde devrait te payer un verre, mon garçon ! »
Jet de bluff (Malus : -4) : 3, ça passe.
Jet d’intelligence de Sébire (Bonus : +2) : 20, échec critique.

Jet de 6e sens : 5, réussite.
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Frère Éloi
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par Frère Éloi »

Les dés sont jetés. Il me faut bien du sang-froid pour soutenir sans broncher le regard devenu glacial de Sébire de Malicorne. Elle fulmine, les lèvres pincées, une étincelle de colère dans les yeux. A l’évidence, elle ne s’attendait pas à aborder un sujet aussi sensible, et doit présentement se demander de quelles informations je dispose, et comment j’en ai eu connaissance. Tendu, je demeure figé, contemplant la possibilité de m’être trompé, qu’Olivier Adelwijn m’ai menti, ou que Sébire ne lise dans mon jeu. Car c’est bien un jeu de dupes auquel je me livre, ne disposant pas de preuves pour étayer mes soupçons.

Mais la tension ne tarde pas à se dissiper, aussi vite qu’elle s’était installée. Après quelques instants à me jauger du regard, une ombre de nervosité semble troubler le masque de superbe de la grande prêtresse. Alors, elle adoucit son ton, infléchissant son discours, accédant à ma demande sans discuter. Quant à moi, je me mords vivement les lèvres derrière mon masque, m’efforçant de faire en sorte que ma satisfaction ne soit pas lisible dans mon regard.

Lorsque Sébire se tait, j’acquiesce d’un hochement de tête, lui signifiant mon accord avec l’ensemble de ses considérations. Et, reconnaissant son intention de s’éloigner du précédent sujet, je contribue aussi à détourner la conversation vers un sujet en apparence plus anodin, tournant mon regard vers l’extérieur de la voiture.

« Sœur Isarn m’a souvent parlé des archives ducales. Une fois nos obligations remplies, je serais curieux de les voir de mes propres yeux d’ici mon retour à Orléac. »





Derrière les vitres, entre les rideaux tirés, défilent sous mon regard les beaux quartiers de Brionne, bondés de badauds allant et venant. La foire semble avoir encore accru l’affluence en ces rues, s’il était possible, tant la ville haute fourmille de vie. Mais je n’ai pas la tête aux réjouissances, ni même au soulagement d’avoir pu éviter un empoisonnement de masse, pas plus qu’au contentement d’avoir évité une guerre privée entre Lichy et Orléac ; non, l’effervescence qui agite mon esprit est toute autre. Je repense aux multiples questions soulevées par mon échange avec Furug’ath, réfléchissant à ses confidences, tâchant d’en démêler le vraisemblable du possible mensonge. Ce n’est pas tâche aisée, car le démon m’a semblé plutôt franc dans ses révélations. Bien sûr, tout pourrait ne constituer qu’un tissu de mensonges, ou un stratagème de manipulation ; mais j’ai la curieuse intuition de pouvoir me fier à ce qu’il m’a révélé.

A l’en croire, ma mère était une sorcière. Il a parlé de pactes avec des entités de l’au-delà -peut-être ses semblables. De fréquentation de mécènes aux intentions souvent mauvaises. D’une aventure auprès d’un duc, suivie de disgrâce. Plus que jamais, je suis curieux d’en apprendre davantage à son sujet, quand bien même ne dispose-je que de bribes d’informations : un nom, une pratique interdite, et une année de décès. A défaut de meilleure piste, je pourrais commencer par examiner les archives de la justice ducale, si l’occasion m’en est donnée.

Il m’a aussi recommandé de me protéger. Je ne sais d’ailleurs trop quoi en penser ; j’ai trouvé son commentaire étrange. Parlait-il de mon sommeil, de mon esprit, de ma foi ? Une chose est sûre, j’ai eu de la chance, beaucoup de chance. Je dois impérativement m’exercer, au cas où il y aurait… une prochaine fois.






Le palais ducal est une vraie merveille d’architecture, d’apparence et de dimensions à nulle autre pareille. Dans la lumière déclinante du soir, les verreries de ses innombrables fenêtres luisent de l’éclat crépusculaire des derniers rayons de l’astre solaire, à la manière de quelque bijou d’albâtre dans son écrin de jardins. Émerveillé par la féerie de ce décor, je peine à suivre le rythme de la Révérende Mère, lui emboîtant le pas sans guère avoir le loisir de m’arrêter pour contempler les contre-allées arborées et leurs bosquets.

Nous suivons le maître d’hôtel à travers le très réputé Hall des Ménestrels. L’intérieur du château est tout aussi fabuleux, rivalisant de faste avec les plus beaux édifices du culte. Mais ce n’est que parvenus au sein du donjon que nous marquons une halte, arrivant à la salle du conseil ducal. Nous y retrouvons Solène, en compagnie de deux nobles. Ainsi présenté à Valère de Malicorne, le frère de Sébire, et à Pierre de Cerdagne, justicier de Brionne, je leur rends un salut bien shalléen, assorti d’une légère inclinaison du chef, incertain quant au respect de l’étiquette.

Demeurés seuls Solène et moi, assis côte à côte à la table du conseil ducal, nous échangeons quelques mots. Son air éreinté, le visage marqué de cernes, me rappelle à quel point je suis moi-même fatigué par cette journée. Les nouvelles de la convalescence de Guido me font chaud au cœur, donnant de bons espoirs de rétablissement.

« Merci d’avoir veillé sur lui. Si tu n’avais pas été là… Je ne sais pas. Je n’aurais pas pu l’abandonner comme ça. »

Dans un accès de soulagement mêlé de lassitude, je me laisse aller contre le dossier de ma chaise, paupières closes, appréciant ces quelques minutes de répit.

« Douce Colombe, quelle journée ! Je suis fourbu… »


Un coup de coude appuyé dans les côtes me tire de ma somnolence, et je me redresse en sursaut, suivant le regard de Solène sur ma gauche, voyant que plusieurs personnages pénètrent dans la pièce. Les membres du conseil ducal, à n’en pas douter. Ils ne sont pas tous assis depuis une minute que le duc Théodoric nous rejoint, le conseil entier -et nous donc- se relevant pour le saluer dans un concert de raclements de pieds de chaises sur le sol de la pièce, ne reprenant place qu’après que le duc ne soit lui-même assis. S’ensuivent alors quelque cinq minutes de silence gêné, seulement rythmé par le fredonnement du duc, l’incessant tapotement de ses doigts sur la table, et quelques échanges très audibles avec ses conseillers.

L’assemblée se lève à nouveau lorsque entre enfin une femme de haute taille, à la mine austère. Après avoir sèchement rétorqué au duc, Dame Alix, prophétesse de Brionne, prend place dans un silence gêné.

S’ouvre alors le conseil ducal. Après la déclinaison de l’identité des présents, et l’exposition par Sébire des faits les plus récents, la réunion se mue rapidement en virulente altercation entre Sébire et dame Alix, la seconde accusant la première de manipulation de la crise à des fins politiques. Les faits qu’elle mentionne sont graves, impliquant notamment que Sébire aurait volontairement dissimulé le cours de l’enquête aux damoiselles du Graal, normalement chargées de la protection de Brionne contre ce type de menaces. Plus encore : la grande prêtresse aurait sciemment détourné l’attention du Graal, éloignant les damoiselles de la ville ducale.

Interloqué par ces accusations, je me souviens avoir effectivement plusieurs fois proposé à la Révérende Mère de s’adjoindre l’assistance des damoiselles protectrices de Bretonnie, me heurtant systématiquement à un refus clair et net. Je ne sais trop quoi en penser : Sébire craignait-elle de perdre le contrôle des opérations au profit de dame Alix ? S’agit-il d’une querelle entre puissants à des fins d’influence politique ? Une chose est certaine : je ne perçois nulle malfaisance de la part de la prophétesse au regard dur. J’ai l’intime conviction que dame Alix ne dit que la vérité sans fard, et que son indignation n’est dictée que par l’intérêt légitime du duché.

Si l’intervention du duc met fin à la dispute, elle a pour effet direct de reporter sur moi l’attention de la tablée. Un peu mal à l’aise par la présentation que fait Sébire de mon héroïsme, j’aimerais jeter un regard gêné à l’intention de Solène, à ma gauche, mais me retient, conscient que tous les regards sont dirigés vers moi.

Les recommandations de Sébire à l’esprit, je m’efforce de ne pas me laisser déstabiliser par le franc parler de Théodoric, ni par ses gesticulations, mettant plutôt ces instants à profit pour me concentrer. Clarté, concision, et humilité de l’expression sont mes trois focales pour cette intervention. Il me semble aussi préférable de bannir toute formule composée, ou relative. M’astreindre à une réponse contrôlée me donne le plus de chances d’éviter de commettre un impair. Ayant vu certains conseillers croiser le regard du duc, je suppose pouvoir faire de même. Me tournant donc vers Théodoric, je lui offre une pieuse et humble réponse, espérant ne pas avoir besoin de rétorquer plus avant :

« Votre considération m’honore, votre Grâce.
Notre réussite en ce jour intervient par la grâce de Shallya. C’est par Sa lumière que le démon a été défait.
Je n’ai fait quant à moi que mon modeste devoir, et ne saurais récolter tout le crédit de cette victoire.

Si la Révérende Mère le permet, j’accepte volontiers votre invitation. »


Sauf contre-indication expresse de Sébire, j’accepte l’invitation, ne sachant pas si un refus serait de nature à contrarier le duc, ou contraire à l’étiquette.

Si Sébire veut bien m’obtenir un accès aux archives ducales dans les jours qui suivent, avant le retour à Orléac, je passe autant de temps que possible à parcourir les archives des jugements pour sorcellerie rendus par la justice ducale entre 1527 et 1532 (date de ma naissance), à la recherche d’indices concernant ma mère.

Si Sébire me complique la tâche, ou ne fait pas mine d’accepter, je demande en douce la même faveur au seigneur Pierre de Cerdagne au cours des festivités.
Frère Éloi Voie du Prêtre Mystique
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États temporaires
Une vie de Paix : +1 à tout jet visant à guérir un patient blessé, malade ou empoisonné.
La vie avant tout : doit tenter d'interrompre les affrontements auquel il assiste, à moins que le combat ne soit mené contre des ennemis.

Compétences :
- Maîtrise de l'Aethyr (1)
- Coriace : -1D3 dégâts subis.
- Réflexes éclairs : +1 aux tests d'initiative en situation de surprise.
- Résistance accrue : +1 aux tests d'endurance.
- Sang froid : +1 aux tests de caractéristiques effectués en situation de stress ou tension.
- Volonté de fer : +1 aux tests de volonté.
- Traumatologie : Sait administrer les premiers soins ou favoriser une guérison plus rapide.

- Alphabétisé : Capable d'écrire et de lire le Bretonnien.
- Langage secret (Classique) : Capable d'écrire et de lire le Classique.
- Législation : Sait manipuler le droit à son avantage.
- Doctrine du Culte (Shallya)

- Cuisine : Se débrouille en cuisine. +1 pour détecter des substances nocives dans la nourriture.
- Empathie
- Affûtage mental
- Incantation - Shallya
- Sens de la magie
Équipement porté sur soi :
8 sous d'argent 8 deniers
- Bâton de marche
- Robe de bure jaunie / Tenue en lin / Ceinture / Sandales
- Grande sacoche contenant couverts, rations diverses
- Livre de prière de Shallya
- Amulette de Shallya
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

L’humilité d’Éloi, qui ne remerciait que Shallya pour la réussit des opérations, sembla attirer l’approbation des conseillers. Les têtes nobles approuvèrent tous par des hochements de tête solennels, Valère Malicorne et le justicier Cerdagne ajoutèrent même un signe Shalléen sur leurs poitrines en guise d’approbation.
En revanche, la prophétesse Alix releva le menton, et sembla jeter un regard très noir sur Éloi. Pour une raison ou pour une autre, quelque chose la dérangeait dans ce qu’il avait dit.

Mais la réaction la plus hostile vint du duc Théodoric. Lui qui était rigolard et sympathique il y a moins de trois secondes, il se mit soudain à froncer des sourcils, à fermer ses poings sur la table, et c’est avec une voix froide, dure même, qu’il rétorqua dans un classique parfaitement accentué :

« Intemptata mihi fortuna relinquitur ?
Audentes deus ipse iuvat.
 »


Pourquoi ne tenterais-je pas les hasards du risque ? Les Dieux aident ceux qui osent. Le Duc venait de citer du Ovide, un poète classique de l’ère antique qui racontait l’histoire d’Ottokar, un chevalier du sud acceptant un défi de Myrmidia : il devait ramener un message en urgence dans une ville pour annoncer une grande victoire, et la Déesse-Reine lui avait promis sa main en mariage s’il parvenait à courir vingt-six lieues à travers l’armée des Peaux-Vertes.

« Inutile de rendre aux Dieux ce qui ne leur appartient pas. C’est même presque insultant pour eux ; la fausse modestie est également un péché d’orgueil. »

La prophétesse du Graal leva un sourcil interrogateur, tandis que le sénéchal insistait :

« Il n’y a donc plus aucun danger ? La foire et les tournois peuvent continuer ? »

Sébire répondit en restant assise.

« La contamination continuera à se propager, mais elle est plus contrôlable, et mes prêtresses vont pouvoir être redirigées pour soigner. Dans le même temps, nous allons consulter les notes saisies dans le manoir Adelwijn pour étudier les symptômes de l’épidémie et trouver les meilleurs médicaments pour lutter contre.
Nous ferons tout ce qui est possible pour sauver des vies et épargner des corps. »


Pons de Brionne-Picquy, le cousin et chambellan de Théodoric, prit alors la parole pour poser une question en apparence innocente :

« Y a-t-il des ressources que le duché peut vous confier afin de vous aider dans cette corvée ? »

La révérende-mère ne perdit pas une seconde :

« Une chose, en fait. »

Théodoric se mit à souffler. Il poussa sa chaise en arrière, libéra de la place pour ses jambes, et en posa l’une sur l’autre directement sur la table du conseil, tandis qu’il s’enfonçait contre le dossier, les bras derrière la tête, dans la posture la plus nonchalante humainement possible, tout en grognant :

« Préparez vos fions messeigneurs, Sébire va sortir l’olisbos pour nous, comme elle fait avec les petites novices de l’orphelinat ! »

Sa plaisanterie paillarde fit rire jaune, ou au moins sourire tout le monde, sauf Solène, Valère, et Cerdagne, qui affichaient des mines fermées.
La grande-prêtresse ne releva même pas l’insulte, et se contenta de tendre les mains vers la besace de Solène, pour sortir des dossiers et des papiers qu’elle plaça devant elle.

« Shallya n’est pas la seule à avoir aidé notre entreprise, comme vous le dites si bien en classique, votre grâce. Nous devons aussi une fière chandelle à la faculté de médecine du collège ducal de Brionne, et notamment de son professeur, Cornelius Antoon Rithovius. C’est à lui, et ses collègues, que nous devons d’avoir obtenu très vite des procédures pour isoler et traiter les malades, en plus d’avoir facilité grandement notre enquête.
La grève étudiante n’a que trop duré. Elle paralyse l’administration ducale, ce qui ne regarde que vous, votre grâce ; mais la faculté de médecine est à présent vitale si vous souhaitez que la foire ait bien lieu. Il nous faut immédiatement rouvrir les locaux et rappeler les internes au travail, afin de grossir nos effectifs.
Je supplie Votre Grâce de bien vouloir accéder aux demandes des maîtres de faculté : Promulguer une charte d’université, rappeler les maîtres limogés, et payer chacune de leurs journées de grève. »

Certains des conseillers eurent des mines choquées. D’autres semblaient franchement en colère, comme le gros connétable, dont le visage adipeux semblait imiter celui d’un phacochère.
Et alors que le duc comprenait très bien où Sébire voulait en venir, il n’eut qu’un mot :

« Salope. »

Le chambellan, paniqué et vexé, explicita un peu plus la raison de cette insulte, en pointant du doigt la table :

« Vous avez dénoncé cette grève, révérende-mère, et renvoyé les médecins qui ont pétitionné contre notre duc ! Vous êtes dans notre camp ! Nous n’aimons pas les soudains retournements de veste !
– Je ne suis dans aucun autre camp que le service envers la Déesse et Sa Grâce, monseigneur. Je pense le duc desservi par le chaos qui règne dans sa ville.
– Le chaos est entièrement du fait des étudiants, rétorqua le connétable. Dégradations publiques, immoralité, occupation de locaux — Sa Grâce a été on ne peut plus patiente envers ces délinquants. Quel signal enverrions-nous, de nous plier à leurs exigences alors qu’ils se sont comportés comme des cochons ? Le duc apparaîtrait comme un homme faible ! »

Théodoric s’interposa, en cognant son poing contre la table.

« Du calme, Carloman. Vous frôlez l'insulte. Mes décisions ne me font pas paraître faible.
– Il est évident qu’il faut remettre de l’autorité dans le collège. On ne peut pas faire une université débridée comme une Impériale — ils doivent avoir un maître absolu qui règne au-dessus d’eux, et qui les dirige. Mais telle autorité ne peut être confiée à un agent ducal, comme aujourd’hui, car c’était bien la raison de leur grève.
– Oh putain…
– À qui pensez-vous donc, révérende ? Demanda un Pons intrigué.
– À ton avis, imbécile ?
Sébire est en train de nous demander si elle peut nous voler le collège. »


Un immense sourire carnassier naquit sur le visage de la grande-prêtresse.

« L’université et ses quatre facultés — médecine, décrets, arts libéraux et beaux-arts — accepteraient plus volontiers le parrainage et la protection du culte de Shallya que les ordres du duc. Cela leur permettrait de profiter du for ecclésiastique, de voyager librement à travers le pays, et de garantir leur collège comme une terre d’asile. Ils l’accepteraient volontiers.
En échange, cela me permettrait d’avoir une parfaite maîtrise de leurs programmes et de la discipline à l’intérieur des collèges. Vous me connaissez, votre grâce, je vous ai toujours servi diligemment, et je n’ai jamais permis que l’on souille votre nom ou qu’on agisse contre vous. Vous auriez tous les avantages d’un lieu d’enseignement moderne, et de sa magnifique presse à imprimer — vous auriez les meilleurs artistes, juristes, et médecins de Bretonnie, de quoi amplifier votre prestige. Et sans avoir à trop vous mêler de l’administration, puisque je ne demanderais en échange que quelques fiefs de rente afin de garantir l’indépendance financière de l’institution.

Demander en échange ?! Bondit Renaud de Revel, le sénéchal à la chevelure rousse. Parce que non seulement vous voulez contrôler le collège de Brionne, mais en plus, vous voulez être payée pour ?!
– Pas moi. Le culte de Shallya.
– C’est vrai que c’est pas le genre de Sébire de Malicorne de se payer des trucs avec l’argent du culte ! Ragea Théodoric.
– La majesté de ma fonction implique des dépenses. Vous devez le savoir, votre grâce ; vous payez bien les fontaines dans lesquelles jouent des jeunes filles avec l’argent du duché, n’est-ce pas ? »

Le duc retira ses pieds de la table. Il se leva de sa chaise, et pointa son doigt droit vers Sébire, dans une attitude aussi ferme que menaçante :

« Prenez garde au mot de trop, Sébire. Aujourd’hui, vous avez gagné un peu de mou dans votre laisse, ne me tentez pas de tirer dessus.
– Il me faut des terres en dotation, que le collège de Brionne soit reconnu comme un édifice Shalléen, ses étudiants comme des clercs de Véréna, et qu’une charte d’université m’en donne le contrôle en tant que rectrice. C’est ce que je vous demande, pour continuer de défendre votre duché. Comme je l’ai fait.
– Et… Quels changements cela impliquerait, au niveau de l’administration et de l’enseignement ? Demanda timidement Valère.
– Pas grand-chose. C’est déjà un collège qui fonctionne. Les bâtiments sont neufs, le personnel de qualité. Les clercs du culte de Véréna sont très amicaux, et je n’aurais aucun mal à travailler avec eux. Je réfléchissais simplement à nous ouvrir à d’autres matières plus variées.
Par exemple, une d’étude des arts ésotériques et occultes. »


La prophétesse Alix eut un haut-le-cœur, comme si de la gerbe venait de remonter.

« Et évidemment, puisque les étudiants seraient des clercs Vérénéens…
Les femmes auraient une égalité parfaite dans les cours et les diplômes avec les hommes. »


Là, c’est tous les autres conseillers qui semblaient à deux doigts de l’apoplexie. Même Valère grimaça, n’approuvant visiblement pas le plan de sa sœur.

Et alors, une à une, les remarques fusaient de partout, de sorte qu’Éloi commençait à avoir de la peine à comprendre qui parlait et pour dire quoi :

« Et puis quoi encore ?! Les Halfelins ?!

– Rouvrir le collège est essentiel, mais ne trouves-tu pas que tout ça va trop vite ?
– Les filles nobles vont-elles quitter leurs pères aussi facilement, en se faisant étudiantes ?!
– Le roy lui-même ne tolérerait pas cela…
– Et comment ferait-on pour la justice, s’il y avait un crime commis par un étudiant ?
– Et ils en commettent tellement !
– Si je peux me permettre : Nous respectons tous le culte de Shallya ici…
– Vous faites tout ça pour vous-même, Sébire !
– …Mais de là à vous rendre aussi indispensables… Il faut mesurer les conséquences d’une telle demande, et puis… »

Le duc siffla bruyamment :

« Oh ! Fermez tous bien vos gueules !! »

Il fut obéi. Puis, le voilà qui se tourna vers Alix :

« Ma dame, qu’en pensez-vous ?
– L’étude de l’occulte et l’ésotérisme est impensable. Si vous l’autorisiez, je serais forcée d’intervenir.
– Pons ?
– Non seulement le Graal serait outré, mais nous aurions aussi l’hostilité du culte de Mórr. L’autopsie est leur ligne rouge.
– Et toi, Sicard ? Tu es le seul qui n’a pas dit un mot. »

Le petit frère de Théodoric levait la tête ; on aurait dit que depuis tout à l’heure, il était un peu dans sa bulle, quelconque. Il demeura muet un instant. Il semblait être pensif, à regarder intensément dans les yeux de l’un, puis l’autre.
Et enfin, d’une petite voix, il lança son opinion :

« J’en pense que c’est une bonne idée.
Ne nous leurrons pas : La médecine, les autopsies, les études occultes, tout le monde en fait déjà. Les grands seigneurs payent des précepteurs étrangers, qui émigrent jusqu’à chez nous. Ils font passer des livres dessous le manteau. Ils enseignent clandestinement, de tout. Je sais que tout le monde ici, autour de cette table, s’est arrangé pour que sa famille dispose des meilleures lectures possibles.
Un collège où tout ce monde est rassemblé et légalement tenu de tenir cours en public, c’est facilement contrôlable, aisé à espionner. Ce serait un moyen de s’assurer que les jeunes nobles restent à Brionne, sous notre main, plutôt que de partir dans l’Empire ou en Estalie, et revenir avec le cerveau chargé d’on-ne-sait-quoi.
Quant à la révérende-mère… Elle ne se rend pas compte de ce qu’elle demande. Elle croit que ça lui donnera un grand prestige, et qu’elle aura des créatures éduquées pour la servir. En vérité, elle se rend juste responsable de tous les délits qui pourraient avoir lieu dans ce collège. Dès le premier incident, Théo, tu disposeras de quoi la faire chanter et la forcer à rentrer dans le rang.
Mieux vaut accepter et contrôler le changement, que de rester dans l’opposition continuelle. Voilà, c’est ça que je crois. »


Et là-dessus, Sicard reprit sa tête d’enterrement, à observer ses pieds. Mais Théodoric, lui, avait un franc sourire.

« Cette vision de la chose me plaît bien. Tu es un excellent vendeur, mon frère.
Nous aurons le temps d’en rediscuter, et d’appeler les concernés. Mais je crois pouvoir dire être plutôt approbateur de votre demande, Sébire.
Sauf si c’est vraiment un ultimatum pour dame Alix… »


La prophétesse croisa des bras, en regardant Sicard.

« Les prêtresses du culte de Shallya sont des femmes courageuses au cœur pur, qui se sont maintes fois mises dans le chemin de la corruption. De même, les érudits du culte de Véréna sont fort éduqués, et il m’arrive très souvent de les consulter pour demander de l’aide pour certaines questions — même des choses qui parlent d’occulte. Ce n’est donc pas le projet de collège qui me rebute.
C’est Sébire elle-même qui me rend méfiante. Elle est veule, et égoïste. Elle consulte des magiciens étrangers, et je la soupçonne d’étudier des traités interdits. Elle nous a prouvés qu’elle était prête à tout pour ses propres ambitions, dont elle semble être pétrie. Je la crois incapable de ne pas abuser du moindre pouvoir qu’on lui confie. »


Et là-dessus, la révérende-mère pérora.

« Et pourtant, c’est moi qui aie sauvé cette ville. Moi. Vous entendez Alix ? Regardez-moi dans les yeux.
C’est MOI et moi SEULE qui ait fait la moindre chose pour protéger Brionne !
Dès demain, le peuple saura. Il saura tout. Je vais le faire dire dans toutes les chapelles, René le Borgne portera mes paroles également, et mes prêtresses chanteront les louanges des deux jeunes gens à côté de moi jusqu’à Clermont d’Aquitanie !
Je crois que vous n’avez pas véritablement compris — je ne me tiens pas dans cette pièce pour avoir votre avis. Je suis venue ici pour obtenir mon butin, comme il revient aux vainqueurs. Les forts font ce qu’ils veulent, les faibles souffrent de ce qu’ils doivent. »


Et elle se tourna vers la prophétesse, pour rajouter :

« Votre désamour envers ma personne n’a aucune importance. Vous ne choisissez pas la grande-prêtresse de Brionne, et vous n’avez pas le pouvoir de me révoquer. Vous avez le choix entre lutter contre moi, ou travailler avec moi. Et si la première option vous tente plus que la seconde, songez un peu au prix auquel vous payeriez votre victoire — qu’est-ce que les sujets de Brionne penseraient, si j’étais punie pour avoir sauvé leurs vies ?
Allons, ma dame. Vous et moi avons toutes les raisons du monde d’être amies. Nous y gagnerions toutes les deux tellement plus. »

La prophétesse fit la moue. Mais elle ne répondit rien. Peut-être était-ce la chose la plus conciliante qu’elle pouvait faire. Peut-être était-ce le signe qu’elle laissait une minuscule chance à Sébire…

« J’ai une ultime chose à annoncer.
– Pas vrai ?! Râla le connétable.
– Je souhaite annoncer deux nominations à des postes ecclésiastiques sur vos terres, Votre Grâce, et puisque vous êtes là, autant vous tenir au courant.
Sœur Solène, ici présente, sera nommée vice-diacre de Fergirac, et frère Éloi vice-diacre d’Orléac. Les deux postes sont assortis à une rente annuelle de cinquante écus d’or. »


Théodoric pouffa d’un rire sifflant.

« Elle est pas généreuse avec vous, la grande-prêtresse ? Oubliez pas de lui faire un bisou, surtout.
Allez, ça m’a assez cassé les couilles, tout ça. Le conseil est remercié. »


Les conseillers ramassèrent leurs affaires et se relevèrent. Sébire se dirigerait droit vers Alix, prit une chaise à côté d’elle, et les deux femmes se mirent à avoir une vive discussion à voix basse. Sicard et Pons s’installèrent l’un près de l’autre. Théodoric était déjà parti avec le roux, et il siffla à l’intention d’Éloi :

« Ramène ton derche, garçon ! Je vais te faire voir les jardins ! »

Alors que le blond allait suivre, le marquis de Lichy, Valère, l’arrêta en se mettant sur son chemin.

« Une toute petite seconde de votre temps, mon frère ? »

Celui qu’on surnommait « le Goupil » s’éloigna. Il alla tout au bout de la salle du conseil, dans un coin, et il fit signe au moine de se planter tout proche de lui. Il semblait avoir peur de l’écho, ou des oreilles indiscrètes, car il se mit à parler avec une voix très basse, et monocorde.

« Sébire m’a dit que vous désiriez avoir accès aux archives ducales. Elle sait très bien ce que vous allez y rechercher, aussi, je pense qu’il serait tout aussi simple que j’aille chercher pour vous les feuillets de paperasse que vous désirez.
C’est une faveur que nous vous devons, et les Malicorne retiennent toujours les bienfaits qu’on leur porte.
Posez vos questions, et je tâcherai d’y répondre. »

Jet d’intelligence d’Éloi : 7, réussite.

Jet de charisme de Sébire : 1, réussite critique.
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Frère Éloi
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par Frère Éloi »

Si la pieuse humilité de ma réponse m’attire l’approbation polie d’une majorité de conseillers, elle ne semble toutefois pas au goût du duc Théodoric, dont l’humeur tourne rapidement, son visage désormais fermé tandis qu’il rétorque d’un ton froid. Cette déconvenue est néanmoins vite dépassée, les délibérations du conseil reprenant sans attendre.

Ainsi libéré de la pression de l’attention générale, redevenu simple spectateur, j’écoute distraitement Sébire exposer ses revendications. Songeur, je repense en fait au regard noir de la prophétesse, perplexe quant à l’interprétation de cette apparente hostilité : c’est comme si je venais de dire quelque chose de déplaisant. Intrigué, je m’interroge : en tant que prophétesse du Graal, dame Alix est exempte de tout soupçon de corruption, et c’est d’ailleurs le sens de mon intuition lors de sa prise de parole. Dès lors, que peut-elle bien reprocher à ma réponse au duc ? Est-ce simplement de l’agacement d’entendre quelqu’un se féliciter de la défense du duché, sans que le Graal n’y soit mêlé ? Ou devine-t-elle que je n’ai pas dit toute la vérité, et me prête-t-elle quelque malicieuse motivation ?

La subite vulgarité du duc me ramène brutalement au cours de la conversation, en passe de se changer en dispute généralisée autour de la table. Nombre de conseillers s’offusquent ouvertement des implications de la requête de Sébire, estimant que la Révérende Mère outrepasse les limites de son prestige politique. Le débat s’avive, les discussions fusent à voix basse, et juste à ma droite, même Valère de Malicorne grimace. Les protestations ne s’apaisent que lorsque, à l’invitation de son frère le duc, sire Sicard livre à l’assemblée des observations plus nuancées, soulevant les responsabilités dont le prestige demandé par Sébire est assorti. L’équilibre de sa déclaration tend à calmer la tablée, faisant taire les conseillers interloqués, chacun réexaminant la question en son for intérieur. L’intervention suivante de dame Alix, quoique calme, réaffirme cependant une défiance assumée envers -à l’en croire- non pas le culte de Shallya, mais bien Sébire de Malicorne elle-même. Parmi les soupçons dont elle fait part, l’intérêt présumé de la Révérende Mère pour l’occulte m’interroge d’autant plus qu’il n’est pas directement démenti par Sébire. Comme s’il s’agissait d’une accusation récurrente qu’il serait superflu de s’attarder à démentir.

Je n’ai pas le temps de m’étonner de la récompense annoncée par Sébire que Théodoric, passablement agacé, balaie le sujet avec une ironie grinçante avant de mettre fin au conseil. Puis, s’éloignant, flanqué de son sénéchal, il m’invite à les rejoindre, toujours dans un vocabulaire aussi peu châtié. Autour de la table, je constate avec étonnement que Sébire s’est empressée de se rapprocher jusqu’au côté de dame Alix, avec qui elle s’entretient maintenant en des termes que je ne perçois pas d’ici. Alors, comme je m’apprête à contourner la table pour rejoindre le duc, je trouve soudain Valère de Malicorne sur mon chemin, debout devant moi, une main posée sur le dossier de son siège, m’invitant à m’entretenir avec lui en privé. Ayant tous deux gagné un coin de la pièce, il me fait signe d’approcher encore. Un peu gêné par cette proximité, par égard pour le rang de mon interlocuteur, je baisse respectueusement le regard vers nos pieds plutôt que de le dévisager, tandis que le marquis murmure à mon oreille.

Ce qu’il me dit me laisse perplexe. Je ne crois pas avoir fait part à la Révérende Mère de ce que je souhaite rechercher au sein des archives ducales, mais cela ne l’a visiblement pas empêchée de se douter de l’objet de mon intérêt. Après tout, Solène me l’a dit et répété plusieurs fois ces derniers jours : je n’ai pas été choisi au hasard. Sébire ne m’a pas choisi au hasard. Elle savait pertinemment la nature de mes prédispositions, de même qu’elle savait que ma mère était une magicienne -ou une sorcière d’après Furug’ath. Et me voilà, dans un coin de la salle du conseil ducal, face au marquis Valère de Malicorne, le « Goupil » dont la rumeur raconte qu’il aurait régulièrement recours au conseil de divers oracles et occultistes. Si tout le monde m’a dit la vérité jusqu’à présent, lui et sa sœur pourraient tout à fait avoir connu ma mère.

Si quelque chose sonne faux dans le discours empreint de sollicitude du marquis de Lichy, je ne peux guère refuser son aide. Je n’ai aucune certitude que les archives ducales contiennent de quoi satisfaire ma curiosité. Ces questions qui me brûlent les lèvres, je suis obligé de les lui poser, sous peine de le regretter longtemps après.

« J’apprécie votre prévenance, Sire. »

Ce remerciement liminaire prononcé, je relève la tête pour river mon regard à celui du noble, comme si le dévisager pouvait m’assurer qu’il dise la vérité. Et, dans un souffle, je lui fais part de mes questions les plus pressantes, conscient d’être attendu :

« Lacrimora. Je cherche une femme qui se faisait appeler ainsi, il y a une vingtaine d’années.
Je sais comment elle a fini, bien que je n’en connaisse pas la raison.
Je veux en apprendre davantage sur elle : qui elle fréquentait, où elle habitait.

J’ai… des raisons de penser être concerné au premier chef. J’aimerais l’établir avec certitude. »
Frère Éloi Voie du Prêtre Mystique
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États temporaires
Une vie de Paix : +1 à tout jet visant à guérir un patient blessé, malade ou empoisonné.
La vie avant tout : doit tenter d'interrompre les affrontements auquel il assiste, à moins que le combat ne soit mené contre des ennemis.

Compétences :
- Maîtrise de l'Aethyr (1)
- Coriace : -1D3 dégâts subis.
- Réflexes éclairs : +1 aux tests d'initiative en situation de surprise.
- Résistance accrue : +1 aux tests d'endurance.
- Sang froid : +1 aux tests de caractéristiques effectués en situation de stress ou tension.
- Volonté de fer : +1 aux tests de volonté.
- Traumatologie : Sait administrer les premiers soins ou favoriser une guérison plus rapide.

- Alphabétisé : Capable d'écrire et de lire le Bretonnien.
- Langage secret (Classique) : Capable d'écrire et de lire le Classique.
- Législation : Sait manipuler le droit à son avantage.
- Doctrine du Culte (Shallya)

- Cuisine : Se débrouille en cuisine. +1 pour détecter des substances nocives dans la nourriture.
- Empathie
- Affûtage mental
- Incantation - Shallya
- Sens de la magie
Équipement porté sur soi :
8 sous d'argent 8 deniers
- Bâton de marche
- Robe de bure jaunie / Tenue en lin / Ceinture / Sandales
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- Livre de prière de Shallya
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Le Goupil avait des yeux gris. Pas bleus, gris. Éloi n’avait pas remarqué ce détail, avant de plonger son regard dans celui du marquis, dans une tentative de déceler la vérité au fond des prunelles du noble. Il avait les mêmes yeux qu’une statue, des yeux froids, secs, pour rappeler un reproche Shalléen. À présent qu’il n’avait plus à subir la présence d’un duc odieux à la voix puissante, on comprenait vite comment un homme comme lui, le deuxième noble le plus puissant du duché, était à sa place — il paraissait totalement maître de lui-même, et il répondit immédiatement, comme s’il savait déjà quoi dire, avec la voix mélodieuse digne d’un serpent tentateur.

« Lacrimora… Nous ne parlons pas du Lac où Gilles, Thierulf et Landouin ont rencontré la Dame — je crains que même les plus preux des chevaliers du Graal n’aient échoué à le localiser. Mais j’ai connu une Lacrimora, il y a bien plus de vingt ans de cela. »

Il se faisait désirer. Il était le genre de personne qui parlait en réfléchissant, histoire de meubler, ou juste d’entretenir le suspense.

« J’étais un tout jeune homme en cette époque. Point encore le marquis de Lichy — en ce temps-là, j’avais l’honneur de faire mon éducation à la cour du tout récemment sacré roy Louen, j’étais un chambrier sous les ordres du grand-chambellan du royaume. »

Il était en train de dire qu’il était un espion, un agent du Secret du Roy si puissant, les yeux et les oreilles du monarque.

« Lacrimora était l’alias qu’utilisait alors une sorcière pour signer des lettres, qui parfois, étaient décachetées discrètement et recopiés dans les relais de postes par des hommes du roy. Lacrimora apparaissait dans des correspondances liées à des savants et des magiciens de l’autre côté des montagnes. Elle cherchait de l’aide pour des expériences, et pour obtenir des ingrédients pour quelques potions ou ensorcellements. Cela tout seul n’était pas source d’inquiétude — il y a beaucoup de sorciers et de sorcières en Bretonnie, même si aucun n’a une existence officielle, ils sont tout juste tolérés, s’ils peuvent trouver des mécènes qui les cachent et les protègent…
Ce qui est devenu source d’inquiétude, c’est lorsqu’un érudit de la cour a réussi à comprendre les raisons des études de Lacrimora — elle manipulait les Arts Noirs pour tenter de communier avec les morts et les esprits, ce qui est un crime passible des plus lourdes peines aux yeux des filles du Graal. Une grande enquête fut donc diligentée, pour tenter d’identifier le vrai nom de Lacrimora, et parvenir à la localiser en Bretonnie. J’eus l’honneur de faire partie du groupe qui la traqua. »


Dans la salle du conseil, le duc était déjà parti. En fait, la pièce était petit à petit en train de se vider ; Valère se taisait tandis que Cerdagne passait devant lui en récupérant ses affaires.

« L’enquête dura plus de deux ans. Nous la suivions à partir de fines traces — nous étions des petits poucets remontant des miettes de pain. Mais nous sommes parvenus à la retrouver, elle et ses complices. Elle était alors enceinte. »

Le Goupil eut un très, très grand sourire.

« L’honneur chevaleresque, tout comme les lois naturelles, interdisaient de punir l’enfant dans le ventre d’une mère, pour les crimes de celle qui le porte. Nous l’avons donc gardé séquestrée, le temps de l’accouchement. J’ai contacté des prêtresses que je connaissais bien, à Orléac, pour venir de la province ; l’une d’elle, une de mes amies d’enfance, accepta de s’occuper de la naissance de l’enfant, dans un grand silence. L’accouchement s’est fort mal passé, et la criminelle a échappé à son juste châtiment en donnant la vie.
Nous n’avons pas trop ébruité cette affaire. Nous avions peur que quelque chose arrive à l’enfant, si trop de monde connaissait les fautes de sa mère. C’est que Lacrimora était véritablement une sorcière abominable… Le monde se porte mieux depuis qu’elle n’est plus là. »

Il pencha un peu la tête de côté. Il regarda Éloi de la tête aux pieds.

« Et effectivement, vous lui ressemblez beaucoup…
Vous ne trouverez rien dans les archives ducales, parce que vous ne saurez pas chercher. Mais j’ai gardé à Lichy des liasses de cette affaire. J’ai un trésor de papiers, qui vaut plus cher que s’il était un trésor d’or. En récompense pour tous les services que vous avez rendus à ma sœur, je vous laisserai y accéder.
Mais je vous demanderai d’être très discret, et de n’en parler à personne. Car avant d’être une sorcière, Lacrimora était une damoiselle du Graal. »
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Frère Éloi
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par Frère Éloi »

Je ne décèle nulle duplicité dans le regard gris du marquis de Lichy ; c’eut de toute façon été surprenant, étant donné sa réputation d’intrigant notoire : un homme comme lui doit depuis longtemps savoir mentir aussi aisément qu’il respire. Il ne s’en cache d’ailleurs pas, me confiant avoir été jadis un agent du Secret du Roy, un espion des services de renseignement de Sa Majesté Louen.

La première partie de ses confidences correspond aux éléments dont je disposais, corroborant notamment les révélations de Furug’ath, dont il n’est à présent plus permis de douter. L’insistance du marquis sur l’abominable nature des recherches ésotériques de Lacrimora m’arrache un pincement de lèvres gêné, fortunément dissimulé par mon masque de tissu. J’ai beau m’astreindre à cultiver un certain détachement vis-à-vis de ce que j’entends, entendre médire de ma propre mère ne me laisse pas indifférent. C’est un réflexe bien humain que de se montrer partial envers un parent : si cette propension relève évidemment de l’affect, il n’en demeure pas moins difficile de déjouer son propre instinct.

Je ne suis pas dupe du sourire sans chaleur du marquis: qui sait ce que pense réellement le Goupil de Lichy derrière ce faciès trompeur ? Est-ce vraiment « l’honneur chevaleresque » qui motiva le report de la sentence jusqu’après l’accouchement ? Valère avait-il alors déjà ses penchants présumés pour la superstition ? Un doute me taraude en effet, tenaillant, tenace, à force de m’entendre répéter que l’on ne m’a pas choisi par hasard. Dois-je le secret de ma naissance aux humanités évoquées par Valère, ou à quelque intérêt moins avouable à sauvegarder la progéniture d’une sorcière ? M’a-t-on caché par pitié, ou par calcul intéressé ?

Il dit avoir contacté des prêtresses shalléennes de confiance en vue de l’accouchement. Les images de mon mauvais songe me viennent immédiatement à l’esprit, et je me demande s’il fait référence à Nathanaèle. En effet, bien que la sœur au masque de porcelaine ne porte pas la robe blanche que l’on pourrait attendre d’une « amie d’enfance » d’un noble, sa dispute avec Sébire au départ d’Orléac trahissait une réelle familiarité avec la Révérende Mère. Peut-être Nathanaèle a-t-elle longtemps évolué dans l’entourage des Malicorne, du fait d’une relation de confiance avec Valère ? Après tout, elle est aussi la seule personne que j’ai entendu tutoyer Sébire, hormis son propre frère.

Je suis plus circonspect quant à la dernière révélation du marquis, qui me surprend. Les Damoiselles du Graal sont les protectrices mystiques de la Bretonnie, dotées de pouvoirs inégalés, bénies des Fées. Tout comme dame Alix tout à l’heure, elles n’ont à coeur que la sauvegarde du Royaume, et ne sauraient être soupçonnées de malfaisance. Dès lors, si Lacrimora fut l’une de ces Damoiselles du Graal, comment imaginer que ses pratiques aient pu nuire au Royaume ? Qu’a-t-elle bien pu accomplir pour être honnie de la sorte ?


Je ne regrette pas de m’être ouvert à Valère. Brûlant de curiosité, je souhaiterais le questionner plus avant, mais me ravise, considérant l’invitation à consulter les archives personnelles du marquis. Tâchant de ne pas trop laisser paraître de mon émoi, je choisis de ne pas tergiverser, remerciant mon interlocuteur avant de prendre congé, le saluant avant de me détourner.

« Demeurez assuré, Sire, de ma discrétion.

Lorsque la Révérende Mère me rappellera à son service, j’espère pouvoir honorer votre invitation, et consulter les documents que vous mentionnez. »

Si Valère me laisse prendre congé, je m'en vais passer le début de soirée aux festivités auxquelles le duc m'a invité. Davantage par courtoisie que par envie : dès que l'occasion se présente de prendre congé, je le fais. Ce fut une rude journée.
Frère Éloi Voie du Prêtre Mystique
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