[Éloi] Princesse de la Foi

La Bretonnie, c'est aussi les villes de Parravon et Gisoreux, les cités portuaires de Bordeleaux et Brionne, Quenelles et ses nombreuses chapelles à la gloire de la Dame du Lac, mais aussi le Défilé de la Hache, le lieu de passage principal à travers les montagnes qui sépare l'Empire de la Bretonnie, les forêts de Chalons et d'Arden et, pour finir, les duchés de L'Anguille, la Lyonnesse, l'Artenois, la Bastogne, l'Aquilanie et la Gasconnie.

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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Sébire souffla cette fois sa fumée presque au visage d’Éloi. Elle prit un air plus renfrogné, et une voix bien dure. Et elle recommença à le tutoyer.

« J’ai des soupçons et j’ai commencé à diligenter une enquête. C’est d’ailleurs la sœur Solène derrière moi qui s’en occupe.
Puisque tu n’es pas prêtre, tu n’assisteras pas à la réunion dans la salle du chapitre… Alors, elle peut te divulguer ce qu’elle sait déjà, si cela représente un intérêt pour toi. »


Solène fit un signe de tête.

« Rien de ce que nous disons ici ne doit naturellement quitter cette pièce. Les autorités civiles, au tout premier chef desquelles le gouverneur de Clermont, se sont montrées peu coopératives pour nous assister dans nos recherches…
Il est certain qu’une secte du Seigneur des Mouches est à l’œuvre. Elles naissent naturellement dans les quartiers pauvres, mais s’éteignent assez rapidement, en ne laissant derrière elles que des graffitis et quelques horribles autels de chair sacrifiée pour leur Dieu. Je ne suis pas encore certaine de si cette petite secte est bien organisée, ou juste très chanceuse, mais elle est de facture récente — comme vous avez vu sur le papier que j’ai donné à sœur Isarn, ils ont tenté divers symboles pour se reconnaître, et ne se sont pas fixés sur l’un. Une secte, lorsqu’elle est fondée, a besoin d’un gros coup, pour fonder son identité. Ses membres ont besoin de se reconnaître entre eux par des signes, par une certaine hiérarchie, par des codes… Un peu comme nous, avec nos robes et nos phrases ritualisées.
Il est encore trop tôt pour m’avancer. Lorsque j’aurai des éléments suffisants, nous préviendrons de toute façon les Damoiselles du Graal. Ce sont elles qui sont formées pour lutter contre la Corruption, et contrairement à nous Shalléennes, les chevaliers de Bretonnie leur obéissent au doigt et à l’œil.

– Je me refuse à appeler les Damoiselles avant d’avoir des preuves concrètes de l’agissement d’une secte. Les Damoiselles sont efficaces, mais elles ont tendance à employer des méthodes… Assez expéditives. Elles pourraient faire plus de mal que de bien. Elles pourraient aussi forcer les sectateurs à se cacher ou à briser leur alliance maudite, et donc, cela remettrait simplement le problème à plus tard, au lieu de le régler de manière plus définitive…
– En attendant, je vais m'efforcer de traquer et d’étudier les malades comme si je suivais des grappes de raisin. J’espère remonter jusqu’à des malades qui ont contaminé autrui volontairement. Avoir appris de votre bouche, frère Éloi, que de tels infectés se rendaient à Orléac, m’a… Surprise, et inquiétée. La dernière grappe que j’ai identifiée est à Castel-Brionne, c’est pour cela que je souhaite m’y rendre en toute hâte et continuer les investigations là-bas. »

Sébire posa finalement sa pipe. Enfonça son bâton en bruyère dedans pour éteindre les flammes. Elle sembla se détendre, et sa voix se fit plus délicate.

« Je n’attendais pas réellement de la part d’un protégé de Clémence de tenir ce genre de discours, même à demi-mots, frère Éloi… »

Solène se tourna et revint près de sa fenêtre, croisant les bras devant.

« Certaines prêtresses de Shallya souhaiteraient que le monde entier se plie à la souffrance accablante. Elles voient de la douleur partout, et n’imaginent pas la Terre subir autre chose que la maladie et l’injustice. C’est peut-être à cause de ma naissance privilégiée, énormément de sœurs m’en tiennent rigueur, surtout lorsqu’elles sont canes, mais j’ai toujours refusé à imaginer l’univers comme inévitablement mauvais. Shallya aide avant tout celles qui s’aident elles-mêmes.
Je ne suis pas dupe, frère Éloi. Je sais ce qui se dit dans mon dos, dans cette abbaye-même. Mais si je porte des bijoux et des gants blancs, si je me présente de manière ostentatoire, ce n’est pas seulement par goût du luxe — c’est parce que je souhaite représenter quelque chose auprès du peuple et des nobles de ce pays. Shallya est majestueuse, et c’est dans sa majesté qu’on peut accomplir quelque chose.
Mes méthodes ne sont pas toujours les plus correctes, mais lorsque je vois l’apathie qui s’empare de ceux censés nous protéger alors que la maladie menace le pays, je me dis que mes méthodes sont justes. Il est nécessaire parfois de prendre des mesures proactives face au Mal. »


Alors, Sébire se redressa bien droite dans son fauteuil. Et foudroya Éloi du regard. Et sa voix pulsa de colère, et d’autorité.

« Maintenant je suis ta grande-prêtresse. J’ai toute autorité sur toi. Alors tu me regardes dans les yeux, et tu arrêtes de bafouiller et de larmoyer quand tu parles.
Je vais te poser une question, et tu vas y répondre immédiatement, sans aucun détour, parce que sinon je te ferai punir pour ton manque de discipline. »


Elle claqua des doigts juste au visage d’Éloi.

« Mon neveu. Le bailli de Percefruit. Comment l’as-tu rencontré ? »
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Frère Éloi
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par Frère Éloi »

Si les éléments et soupçons dont sœur Solène nous fait part confirment la gravité de la situation, il reste permis d’espérer. Si notre ennemi n’est pas encore structuré, alors il est susceptible de commettre des maladresses, et peut-être même des erreurs. Dès lors, il me semble, à moi, que l’opportunité nous est donné d’agir à son encontre, de le poursuivre, et de le neutraliser. Prendre les devants permettrait d’épargner à Brionne quantités de souffrances, pourvus que ma supérieure agisse en ce sens. Parmi les perspectives d’actions évoquées, l’abbesse semble privilégier le secret et la prudence, préférant rassembler davantage d’indices, renseignements et preuves avant de s’adjoindre l’aide de partenaires extérieurs, fut-ce celle de la noblesse ou des inflexibles Damoiselles du Graal. En dépit de l’urgence de la menace, Sébire de Malicorne aborde donc la situation avec la froide rationalité d’un dirigeant de son rang. Moi, humble oblat, je peinerai à examiner de telles options avec clairvoyance.

Tandis que les derniers miasmes de tabac se dissipent peu à peu autour de moi, Solène fait état de son départ prochain pour Castel Brionne, à la poursuite de « grappes » de contamination, persuadé que certaines ont pu être volontaires, organisées, orchestrées. Curieusement, une part de moi éprouve l’envie d’être du voyage. De cette incompréhensible tentation, je ne connais pas la raison : elle est non seulement irrationnelle, m’éloignant de mes attaches à Orléac, mais aussi déplacée, car on ne me propose de toutes façons pas de me joindre à cette investigation. Pour ces différentes raisons, je ne fais que balbutier une proposition de prêter main-forte, me ravisant et ravalant mes mots au fur et à mesure même que je les formule.

Mais déjà, quelque chose change dans le regard de Sébire de Malicorne. La grande prêtresse me toise dorénavant avec sévérité, m’apostrophant, me sommant de répondre sans ambages ni détour à ses questions. Interdit, je me tiens bien coi, lui rendant un regard auparavant accaparé par la mystérieuse aura de sœur Solène. La révérende mère claque des doigts juste là, au-devant de mes paupières, et je cille imperceptiblement.

Sa question est étrange, à plus d’un titre, mais je n’ai pas le luxe de lui en demander la raison. Je soupçonne par ailleurs qu’elle ne connaisse déjà les circonstances de ma rencontre avec le bailli de Percefruit. J’ignore seulement à quel point, et à ce titre, prudence est de mise. Si elle a connaissance du secret de ce jour-là, Shallya, aie pitié de moi.

Le plus dur est de maintenir mon regard rivé au sien tandis que je réponds avec tout l’aplomb que je peux mobiliser, fort d’une expérience naissante dans le mensonge par omission. Le tout est de ne pas hésiter, et de lui donner davantage que ce qu’elle demande. Shallya me pardonne ces demi-vérités prononcées dans l’intérêt du village de Percefruit.

« J’ai rencontré le bailli Guerric il y a plus de deux mois, alors que nous cheminions en toute hâte en revenant de Percefruit. J’y avais soigné un négociant tiléen souffrant du mal que nous évoquions tout à l’heure.

Le sieur bailli m’a demandé où les étrangers étaient partis. Je lui ai dit, en toute confiance, ce que je savais : qu’ils se dirigeaient vers Orléac.

Ce n’est que le lendemain que la ville a eu vent de la tuerie. Je ne l’ai pas revu depuis. »


J’aimerais ajouter quelque chose, poser une question, détourner l’attention. Mais cela serait malvenu. Présentement, il est urgent d’attendre que passe l’orage, s’il est seulement possible de me sortir de ce guêpier.
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États temporaires
Une vie de Paix : +1 à tout jet visant à guérir un patient blessé, malade ou empoisonné.
La vie avant tout : doit tenter d'interrompre les affrontements auquel il assiste, à moins que le combat ne soit mené contre des ennemis.

Compétences :
- Maîtrise de l'Aethyr (1)
- Coriace : -1D3 dégâts subis.
- Réflexes éclairs : +1 aux tests d'initiative en situation de surprise.
- Résistance accrue : +1 aux tests d'endurance.
- Sang froid : +1 aux tests de caractéristiques effectués en situation de stress ou tension.
- Volonté de fer : +1 aux tests de volonté.
- Traumatologie : Sait administrer les premiers soins ou favoriser une guérison plus rapide.

- Alphabétisé : Capable d'écrire et de lire le Bretonnien.
- Langage secret (Classique) : Capable d'écrire et de lire le Classique.
- Législation : Sait manipuler le droit à son avantage.
- Doctrine du Culte (Shallya)

- Cuisine : Se débrouille en cuisine. +1 pour détecter des substances nocives dans la nourriture.
- Empathie
- Affûtage mental
- Incantation - Shallya
- Sens de la magie
Équipement porté sur soi :
8 sous d'argent 8 deniers
- Bâton de marche
- Robe de bure jaunie / Tenue en lin / Ceinture / Sandales
- Grande sacoche contenant couverts, rations diverses
- Livre de prière de Shallya
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Sébire regarda Éloi droit dans les yeux. Droit dans les yeux. Si depuis que le petit oblat était entré dans la pièce, elle n’avait cessé de lui jeter des regards autoritaires, celui-ci pouvait être senti comme plus pesant que tous les autres. Ses pupilles vertes, inexpressives, étaient dardées vers les siennes, comme si elle luttait silencieusement pour forcer Éloi à la dévisager.
Et après un instant de cette confrontation muette, un juron sorti de sa bouche :

« Fait chier. »

Le mot tranchait bien avec son vocabulaire plus délicat qu’elle n’avait jusqu’ici jamais cessé d’utiliser. Elle se saisit de sa pipe éteinte, et, alors que son visage demeurait impassible, c’était comme si elle tentait de faire passer sa colère par les mouvements de ses doigts. Elle s’énervait contre le briquet en amadou, et raclait le silex bien sèchement pour rallumer la pipe.
Solène se décida enfin à arrêter de fixer bêtement dehors. Assise contre le rebord de la fenêtre, c’est avec une voix glacée qu’elle discuta avec la grande-prêtresse.

« Circonstanciel. Il n’est pas un témoin oculaire direct.
– Oui oui, bien sûr ; Mon crétin de neveu était sur la route du Tiléen pile dans l’après-midi où il a dû se faire tuer, mais on ira dire au Duc que c’était circonstanciel.
Fait chier. Bordel de merde. »


Elle tira une grosse latte sur la pipe, plus profond que les précédentes. Elle souffla la fumée non par la bouche, cette fois, mais par le nez, comme une espèce de parodie de monstre d’airain qu’on lisait dans les contes de fée. Elle recommença à bien regarder Éloi dans les yeux, et maintenant, sa voix trahissait une espèce d’agacement.

« Guerric FitzValère est innocent. Je ne dis pas ça parce que je suis une tante idiote qui est incapable de croire que quelqu’un de sa famille puisse être un meurtrier, ni parce que reconnaître un tel assassinat serait un crime grave qui mettrait toute ma famille en danger, mais bien parce que je sais qu’il est innocent.
Mon grand frère est un homme mauvais, mais il n’aurait jamais été assez idiot pour commanditer un assaut juste aux portes de la ville de son ennemi. Ce n’est pas comme ça qu’il fait. »


Éloi avait des raisons de douter. D’immenses raisons de douter. Et pourtant, à la regarder ainsi, il ne pouvait s’empêcher de sentir qu’il y avait… De l’honnêteté, dans ce qu’elle disait. Une forme pure, et désagréable, d’honnêteté.
Solène approuva d’un hochement de tête.

« Sybille de Carqueray, la nouvelle seigneuresse d’Orléac, n’a toujours pas prêté hommage au duc Théodoric. Elle occupe cette ville en toute illégalité.
– Si Sybille veut assurer son règne, elle doit payer un droit de relief à Théodoric. Mais le droit de relief, c’est un droit dont on s’acquitte quand il y a une mutation de la propriété… Elle a hérité de son père en ligne directe. Il n’y a donc normalement aucune raison pour qu’elle passe à la caisse.
– Peut-être que les banquiers Tiléens étaient là pour avancer de l’argent à Sybille, et faire qu’elle paye de toute façon. Le duc Théodoric est un vaurien, vulgaire, cupide, qui est prêt à écraser la coutume et la manipuler à son avantage lorsqu’il peut grossir son trésor. Si Sybille paye le relief, elle se met sous la protection du duc, et plus personne ne pourra dire qu’elle n’avait pas le droit d’hériter.
Quelqu’un n’a pas voulu que ça se réalise, alors, ils ont été tués.

– Et non. Ce n’est pas Valère de Malicorne qui est à l’origine de ce crime. Valère a investi dans Orléac. C’est grâce à lui si je suis devenu abbesse. C’est lui qui a mit ses lieutenants et ses proches en place un peu partout dans la seigneurie. Il n’aurait jamais tout envoyé en l’air en faisant tuer des banquiers et leur garde personnelle !
– Tu sais pourquoi on te dit tout ça, frère Éloi ? »

Solène quitta son rebord de fenêtre. Elle approcha du bureau, et se plaça juste à côté du jeune oblat.

« Ton témoignage peut servir à Sybille de Carqueray. Il peut servir à faire condamner Valère de Malicorne en faisant reconnaître son fils bâtard comme responsable de l’assassinat. Cela ferait de Valère un félon, et donnerait au Duc le droit — et même le devoir — de le punir.
C’est pour cela que tu ne serviras pas de témoin. Il ne s’est rien passé à Percefruit. Tu es allé avec la sœur Nathanaèle soigner des gens, puis tu es rentré pour gagner du temps à travers un chemin forestier, et tu n’as jamais croisé le bailli. Tu ne lui as même jamais parlé de toute ta vie. »


Sébire retira la pipe de sa bouche, et hocha de la tête.

« En tant que grande-prêtresse, je te donne l’ordre de te taire. Si un homme de la seigneuresse de Carqueray te parle, tu ne réponds pas à ses questions. S’il t’y force, tu répètes ce que Solène vient de te dire. Je te donne l’ordre de te taire, et également de mentir.
Sans ça, tu risques bien d’être à l’origine d’une guerre privée entre la maison de Malicorne, et le duché. Tu comprends pourquoi je te demande ça ? C’est exactement le genre de chose que j’entends, lorsque je t’explique que mes méthodes ne sont pas toujours bonnes, mais qu’elles servent à éviter des maux bien pires.
Même si tu parlais, sache qu’aucun homme vraiment coupable ne serait puni. Valère ne sera jamais puni. Sybille de Carqueray ne sera jamais punie. Ni son mari Drogo. Ni même le bailli Guerric. Ce ne sont jamais des hommes qui souffrent de la justice. Ils payent des amendes, demandent pardon en s’humiliant… Et c’est là tous les maux dont ils souffrent.
Ceux qui payent vraiment pour les fautes des gens puissants, c’est les petits. Les fermiers qui voient des chevaux de guerre piétiner leurs récoltes. Les hommes d’armes qui sont égorgés sans pouvoir être rançonnés. Les marchands qui perdent tout à la faveur d’un pillage… »


Solène leva sa main, et attrapa celle d’Éloi. La jeune femme se mit tout près de lui, et, sans prévenir, se mit à caresser sa joue. Les yeux de la prêtresse semblaient scintiller, comme s’ils étaient humides — elle ne donnait pourtant pas l’impression de pleurer. Mais c’est d’une voix douce, qu’elle intima un ordre au garçon.

« Notre vie terrestre est emplie d’injustice. Ça en laisse un goût amer dans la bouche, de toujours voir les plus cruels d’entre nous continuer à jouir et s’amuser… On souhaiterait que Shallya ne les épargne pas. On rêverait qu’ils souffrent par là où ils ont péché. Mais non. Ils ne tombent jamais malades, ils ne deviennent jamais laids, ils possèdent tout ce qui existe ici-bas.
Sainte Pergunda nous apprend à rester purs. À ne pas être souillés par le mensonge, l’avarice, ou l’ambition. Mais parfois, il faut se salir à la place des autres.
Mens, frère Éloi. Je t’en conjure. Tu ne te rends pas compte à quel point tu peux aider les autres, en t'avilissant toi-même. »


Sébire hocha une deuxième fois de la tête. Solène lâcha Éloi, et cacha ses mains dans son dos.
Après avoir tiré une autre latte, la grande-prêtresse changea de sujet.

« Il est bientôt temps pour moi de réunir les prêtresses dans la salle du chapitre…
Mais avant de partir, je souhaite que tu me répondes, frère Éloi : Tout ce que je viens de te dire… En es-tu convaincu ? Comprends-tu pourquoi Solène et moi mentons ?
Tu m’as dit que tu souhaitais agir pour aider les autres, au lieu de simplement panser les plaies. Demain, je repars pour Castel-Brionne, où je vais tout faire pour forcer le Duc Théodoric à agir contre les sectateurs qui voudraient répandre une épidémie à travers notre patrie. Est-ce que tu serais prêt à n’importe quoi, pour vaincre le Malin ? »

Jet d’empathie d’Eloi (Bonus : +2 pour réussite précédente) : 12, réussite de justesse.
Jet de charisme : Caché

Solène lance la prière « Bonté du Cœur » : 8, ça passe.
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Frère Éloi
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par Frère Éloi »

Si je sourcille imperceptiblement, c’est bien de surprise, car je n’aurais pas attendu tel langage sorti des lèvres de Sébire de Malicorne, grande prêtresse de Shallya en Brionne. Comme l’abbesse fulmine un moment en silence, ses doigts dansant une furieuse farandole sur le petit objet de bois, je tâche de lisser à nouveau mon expression, de peur qu’un regard dérobé ne se méprenne quant à mon étonnement. Assis là, plus curieux qu’inquiet, j’écoute sagement ce que l’on daigne me conter. L’abbesse ne sait manifestement rien de la naissance du petit mutant ce jour-là, et en cela, ma situation est moins grave que je ne le craignais. J’avoue avoir quelques difficultés à croire le bailli Guerric, fils naturel de Valère de Malicorne, innocent des méfaits qu’on lui impute, mais en vérité, j’ai bien conscience de ne rien savoir des événements d’alors, en dehors du secret de Percefruit. Ce que je vois, en revanche, c’est que l’agacement de la révérende mère ne semble pas feint, rompant même son calme précédemment imperturbable. Peut-être suis-je candide, mais je suis plutôt enclin à la croire de bonne foi, maintenant que je peux entrevoir une part de ces sentiments du moment. Hésitant, j’écoute donc docilement ce que mes sœurs révèlent au gré de leurs interventions respectives, peinant à comprendre la raison de ces confidences. Ce n’est que lorsque Solène s’approche de moi, quittant les abords de la fenêtre, que mon esprit s’enflamme alors que je comprends peu à peu les implications sous-jacentes à ce discours qui m’est tenu.

Je dois encore me taire, cette fois parce que j’ai vu le bailli ce soir-là. On me dit encore que je peux faire beaucoup de mal en parlant de cette journée, que quantités de malheurs peuvent découler du plus innocent témoignage, et ce, alors même que je ne détiens aucune preuve formelle de la culpabilité du bailli. A en croire Solène, je suis, bon gré, mal gré, une pièce de l’échiquier politique en cette affaire : un pion, en somme, bien insignifiant, mais un pion néanmoins. S’ensuit un ordre formel à mon intention, une terrible injonction venant frapper du sceau du secret ladite journée dont j’ai déjà tu les secrets.

« En tant que grande-prêtresse, je te donne l’ordre de te taire. »

Interdit, je bois les paroles de Sébire de Malicorne, noyant mon regard dans le sien. Le tréfonds de mon âme vire et chavire d’un houleux dilemme théologique, mais contre toute attente, cette injonction m’apaise quelque peu. J’ai déjà menti pour protéger Percefruit, sur le seul conseil de sœur Nathanaèle. Qu’aujourd’hui l’ordre me soit ainsi donné de perpétuer cet acte pourtant réprouvé, loin de me chagriner, me met du baume au cœur, soulage mon âme meurtrie par le remords. Je ne sais pas davantage si ce chemin est juste, si mentir est un moyen légitime au service de Shallya, mais je viens de recevoir pleine licence en ce sens. Interloqué, je demeure muet, muré dans un silence stupéfait.

Qui plus est, la grande prêtresse a raison : les puissants ne sont jamais les premiers à pâtir des temps de crise. Si grande soit l’injustice causée par ce différend entre maisons nobiliaires, ses conséquences premières pèseront immanquablement sur le petit peuple en premier lieu. Ce n’est pas à moi, oblat de Shallya, de distribuer torts et jugement, car Véréna pourvoira à cela en temps voulu. A moi, il ne revient que de porter secours et assistance au plus grand nombre, de lutter contre la propagation des maux et de la souffrance en cette région. Et si je puis contribuer à prévenir les malheurs, la protection de secrets potentiellement dévastateurs ne justifie-t-elle pas une entorse circonstancielle au dogme ? En cela, oui, je le conçois : je peux mentir au nom du dessein shalléen.

Le mouvement soudain de sœur Solène me prend de court, me ramenant subitement à la réalité sur une pensée spontanée. Si près… Non, trop près… Abasourdi par le contact inattendu de nos doigts, je ne peux réprimer un frisson d’appréhension devant ce geste réputé malvenu au sein de notre communauté. Néanmoins, je ne fais rien pour me dégager : la proximité de sœur Solène me berce d’une douce quiétude, d’une saine béatitude. Une importune chaleur me monte aux joues, aux oreilles. Un picotis court le long de mon nez, de mes doigts, de ma joue même tandis qu’une fugace, aérienne caresse vient l’effleurer. Ma gorge est sèche, mon cœur serré, je peine à respirer. Comme envoûté, j’entends vaguement la douce voix de Solène me parler, tout près, si près.

« Parfois, il faut se salir à la place des autres. Mens, frère Éloi. Je t’en conjure. »

Et tout aussi soudainement, cet instant de grâce prend fin. Sœur Solène n’est plus à mon côté. Sébire de Malicorne me toise maintenant, attendant réponse, sur le point de me signifier mon congé.

Lentement, je porte deux doigts à mes lèvres, avant de répondre d’une voix sourde, signifiant mon assentiment, le regard encore brouillé d’une onde larmoyante.

« Oui, Révérende Mère. Pour repousser le Malin, je ne reculerai devant rien.
Si je puis me rendre utile à ce dessein, je vous en conjure, montrez-moi le moyen. »
Modifié en dernier par Frère Éloi le 06 févr. 2021, 21:00, modifié 1 fois.
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La vie avant tout : doit tenter d'interrompre les affrontements auquel il assiste, à moins que le combat ne soit mené contre des ennemis.

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- Sang froid : +1 aux tests de caractéristiques effectués en situation de stress ou tension.
- Volonté de fer : +1 aux tests de volonté.
- Traumatologie : Sait administrer les premiers soins ou favoriser une guérison plus rapide.

- Alphabétisé : Capable d'écrire et de lire le Bretonnien.
- Langage secret (Classique) : Capable d'écrire et de lire le Classique.
- Législation : Sait manipuler le droit à son avantage.
- Doctrine du Culte (Shallya)

- Cuisine : Se débrouille en cuisine. +1 pour détecter des substances nocives dans la nourriture.
- Empathie
- Affûtage mental
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Sébire s’enfonça dignement dans son fauteuil, en faisant un simple signe de main.

« Il faudrait que… Je discute de ton cas avec la prieuse Clémence.
J’aurai peut-être une proposition à te faire, si tu es d’accord. »


Solène toucha du bout du doigt le vieux rôle datant d’un ancien Duc Tancrédien. Et d’une petite voix cristalline, toute douce, elle suggéra simplement :

« Il est peut-être l’heure pour toi de partir, mon frère. »

Éloi put se relever, faire un dernier geste de respect, et enfin aller tirer sur la poignée de la lourde porte, pour quitter la salle de l’abbesse.
Juste derrière, se tenaient deux gardes armés en faction. Ils sursautèrent très légèrement en découvrant le futur prêtre, mais se mirent bien vite tous les deux au garde-à-vous, le plus grand et le plus vieux des deux se contentant d’un poli signe de la tête.

« Mon frère. »
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Le plus vieux des deux hommes d’armes, un visage à retenir…


Éloi quitta l’étage pour redescendre dans l’abbatiale. Il s’agenouilla pour faire quelques prières, lorsqu’il aperçut derrière lui un grand ballet. Les prêtresses, toutes vêtues de leurs robes jaunes, passaient à travers la grande nef l'une après l'autre, en discutant à voix basse. L’énigmatique Nathanaèle, avec son grand masque de porcelaine, chuchotait à l’oreille de la sacristine, la vénérable Mathilde, tandis qu’Annabelle aidait une sœur ancienne, la doyenne, à se déplacer malgré son arthrose et son mal à la hanche. Amandine, beaucoup plus sérieuse qu’à l’ordinaire, se déplaça tout droit sans même offrir un regard gentil à Éloi, et quitta bien vite la grande pièce après s’être simplement penchée devant l’autel. Centule faisait tâche au milieu de ce défilé : seul et unique homme ayant prêté serment à Orléac, il ne semblait pas être certain de s’il était attendu, et il fallut attendre qu’une toute jeune fille maquillée en robe jaune, la sœur qui avait aidé Sébire à descendre de sa calèche à son arrivée, vienne bien lui assurer qu’il devait participer à la réunion.
C’était tout le clergé d’Orléac qui était expressément réuni. Les prêtresses confinées et fixées à Orléac depuis des mois allaient pouvoir immédiatement prendre leurs ordres de Sébire en personne, après quoi elles seraient probablement dispersées à travers le duché.

Avant de partir, Éloi tomba sur la sœur Michelle. Elle put lui expliquer rapidement qu’il y avait des gens qui avaient besoin de soins sur le port, et qu’il était très invité à aller aider les oblats et les laïcs dans le petit hospice qui se trouvait tout en bas de la ville. Obéissant, Éloi la salua et quitta le bâtiment pour marcher jusqu’à la clôture monastique.

Ses sandales marchant sur le gravier, il passait par le jardin et remonta jusqu’à la grande allée où se trouvait la demeure du concierge. La calèche de Sébire de Malicorne était toujours là, gardée par deux arbalétriers qui lançaient des regards mauvais au loin. Alors qu’il trouvait le Gros Pierrot attendant juste devant la grille, Éloi comprit vite ce que les deux soldats perchés sur la calèche observaient avec un air patibulaire.
Sur le chemin de l’Esplanade, debout près d’un pommier, se tenaient trois nobles. On reconnaissait clairement leur rang à leur accoutrement, qui était bien lié aux lois somptuaires du pays : grands chapeaux feutrés ocres, cottes de bleu-blanc, pantalons cintrés, et surtout, une belle épée à leur flanc. En tenues de tous les jours, ils ressemblaient à des hommes de la seigneuresse. L’un d’eux utilisait une longue-vue, au bout de laquelle il plaçait son œil pour mieux observer la calèche. Pierrot les regardait d’un air méfiant, tandis qu’il émiettait un gros pain dur dans sa main pour aller nourrir les poules.
Éloi arrivant près de lui, il fit un signe de tête en direction des messeigneurs.

« Un quart d’heures après qu’la révérende mère est v’nue, y s’sont ram’nés lô. Y r’gardent. C’tout c’qu’ils font, r’garder. »

Les trois nobles un peu éloignés observèrent Éloi et Pierrot. Le concierge n’osa pas les observer directement et détourna ses yeux.

« C’dommage qu’la révérende mère est v’nue tout discrètement. Une grande prêtresse d’Shallya ici, ça va faire jaser ! J’espère qu’elle pourra m’bénir, mais j’ose pô lui d’mander. Plein d’gens voudraient en profiter qu’elle soit lô pour être bénis eux aussi, mais vu comment la seigneuresse l’aime pô… »

Il n’osa pas lancer un nouveau regard inquiet vers eux. Mais ils étaient là. Juste là, à observer, à bonne distance.



Éloi était redescendu dans les bas quartiers du faubourg d’Orléac. Le soleil était en train de se coucher à l’horizon, et l’air caniculaire et sec de l’été promettait enfin de se rafraîchir. Les péniches et les petits canots rentraient à bon port, les tous derniers retardataires se préparant à charger leurs pêches aux soins des chasses-marées ; ces jeunes gens remplissaient des charrettes alignées sur le port, soigneusement gardées et organisées par les sergents du capitoulat. Alors que dans la matinée, l’atmosphère dans la rade était plutôt chaotique, avec des amas de seaux, des enfants par terre qui réparaient les filets, des barques qui partaient dans tous les sens, l’ambiance dans la soirée était toujours plus militarisée. Les chasses-marées relevaient d’une guilde ducale, car ils se préparaient à partir en pleine nuit, à toute vitesse, dans des chariots tractés par des attelages de sommiers, avec comme ordre de ne pas s’arrêter, devant aucun péage, tous les seigneurs de tout le pays ordonnés de s’écarter pour les laisser passer.
L’objectif était clair : tous les gens de l’est de Brionne, surtout les grands aristocrates qui n’avaient pas accès à la mer, devaient avoir du poisson frais au maximum après-demain soir. Les chasses-marées allaient remonter jusqu’à Lichy tels des lièvres, pouvant tout gagner ou tout perdre sur un essieu cassé ou la patte brisée d’un canasson. On voyait les gens de cette guilde en train de vérifier l’état de leurs chariots, s’assurant qu’ils avaient bien des cordes de rechange et des outils pour gérer le moindre accroc.

Au moins, Éloi avait du travail en cette fin de soirée. Après être passé par le sanctuaire, un collègue oblat, garçon lui aussi, lui avait donné quelques cataplasmes en pots, de l’alcool fort pour désinfecter, des compresses et un petit ciseau. Il était alors parti s’installer le long des quais d’Orléac, et s’étant installé au croisement d’une ruelle semi-pavée, à l’ombre d'un porche, il n’avait eut qu’à attendre que les pêcheurs fatigués, couverts de coups de soleil, viennent à lui. À ses pieds, dans une petite assiette en bronze, aucun n’oubliait de laisser une pièce pour le remercier — il y avait bien des voleurs à Orléac, mais qui oserait voler un Shalléen ?
Le gros avantage de cet emplacement n’était pas seulement qu’il pouvait voir du monde, et aider tout un tas de passants. Le gros avantage, c’est que c’était juste devant l’auberge de Roscelin. Ce solide rouquin, beau cinquantenaire bien en forme malgré sa dégaine bedonnante, était devenu assez amical avec Éloi, à moins qu’il n’ait cette apparence affable avec tout le monde. À cette heure de la journée, il était fort occupé : nombre de pêcheurs n’oubliaient pas d’aller boire un verre pour oublier la difficulté de leurs longues heures de travail, en attendant d’aller retrouver leurs familles. Il n’y avait quasiment que des hommes à l’intérieur, les très rares femmes étant les épouses discrètes de voyageurs débarqués — les femmes employées à Orléac étaient majoritairement des tisserandes, des drapières, mais elles étaient rarement accueillies dans ces lieux fort masculins. L’aubergiste n’avait croisé Éloi que rapidement, il était sorti lui proposer une orange et un verre de vin — coupé à l’eau, évidemment — pour le restaurer, puis il disparut pour aller s’occuper de ses clients.

Les discussions des pêcheurs qui souhaitaient faire un brin de causette tournaient toujours autour de la même personne : Sébire de Malicorne. Certains semblaient l’aimer, d’autres être méfiants envers elle, mais tous espéraient, même à demi-mots, qu’elle vienne les voir sur les quais pour parler au peuple. Peu importe que la grande-prêtresse mène un train de vie assez dissolu, et que sa famille soit accusée publiquement de graves méfaits ; elle restait la grande-prêtresse. L’élue de Shallya ici, dans une cité où tout le monde priait Shallya au matin, le midi, et avant de se coucher. Une aura l’entourait, une aura qui encourageait la déférence de chacun.
Pauvre Éloi devait donc répondre à leurs questions — comment pouvait-il savoir ce que Sébire comptait bien faire à Orléac ? — mais, qu’il décide de montrer de la patience ou non, toujours est-il qu’il s’appliquait bien à soigner comme il pouvait.

Le soleil bientôt n’aurait plus sa teinte orangée, et ne laisserait place qu’au soir. Roscelin dût trouver que le service était plutôt lent, ou alors peut-être que son commis gérait très bien en son absence, car il quitta son auberge, amena une chaise, et vint s’asseoir à côté d’Éloi.

« Bonsoir bonsoir ; Alors, tout va bien, pas trop dur le travail ? »

Il insistait pour dire que ce qu’Éloi faisait était du travail, abus de langage dont il s’excusait chaque fois qu’on lui faisait remarquer, mais qu’il recommençait le lendemain.
Mais au moins il tenait dans sa main un bol avec des noix, histoire de servir d’apéritif.

« Sacrée ambiance à Orléac, ces derniers temps… J’entends de ces histoires, par mes clients…
Ah là là.
Sébire de Malicorne. »

Lui aussi voulait savoir. Comme tout le monde. Personne ne pouvait s’en empêcher.

« Elle a fait plein de bonnes choses pour Orléac, du temps du seigneur Lothaire. Fut un temps, elle allait même aux conseils du capitoulat, mais ça c’était avant que la seigneuresse Sybille prenne le pouvoir.
J’aime pas ça… Avant, je trouvais qu’avoir une grande-prêtresse noble c’était bien, parce qu’elle avait de la force et des finances pour aider les pauvres gens. Maintenant, c’est juste gênant…
Cela vous inquiète pas, là-haut au monastère ? Comme situation je veux dire. Vous savez pas sur quel pied danser, non ? »
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Frère Éloi
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par Frère Éloi »

M’étant ainsi vu signifier mon congé, c’est l’esprit préoccupé que je m’en retourne arpenter les longs couloirs de l’abbatiale. Marchant d’un bon pas, je rase les murs, les yeux baissés : pour une raison que j’ignore, j’ai le sentiment qu’il vaut mieux pour moi faire profil bas. Quelque chose, tout à l’heure, dans le regard de sœur Clémence, me laisse encore craindre de l’avoir mécontentée, quand bien même n’ai-je fait qu’obéir aux injonctions formulées. Encore nerveux, tendu des suites de l’entrevue, j’observe, depuis l’ombre d’une travée reculée, nombre de mes sœurs se rassembler en vue de la réunion imminente. Je n’ai quant à moi pas voix au chapitre, n’étant encore qu’un humble oblat. Sœur Michelle, m’ayant repéré, vient me trouver, pour me confier la gestion du petit hospice du port, dans la ville basse. Acquiesçant en silence, je me dirige donc vers l’extérieur de l’abbatiale, ayant trouvé à m’occuper en cette fin de journée.

Au sortir de l’abbaye, je vois que déjà, la luminosité a changé. L’après-midi est déjà bien avancée, et laissera bientôt place à la soirée, lorsque le généreux astre solaire aura achevé de décliner. J’ai le temps d’aller m’acquitter de mes attributions en ville avant que, le chapitre terminé, ne vienne l’heure du rendez-vous. Traversant ainsi la grande cour d’honneur, perdu dans mes pensées, je m’arrête néanmoins quelque temps auprès de Pierrot. Ce-dernier, assis sur son banc, la mine bien perturbée, m’entretient un moment au sujet de quelques silhouettes bien vêtues, juste à l’extérieur de l’enceinte de la clôture monastique. Je les vois bien, maintenant : trois personnages au port altier et de noble accoutrement. Ils nous observent d’ailleurs, ou plutôt, dévisagent les gardes de la révérende mère, restés près de la calèche. Mon regard passe successivement de la lorgnette des observateurs aux mines antipathiques des gardes de l’abbesse. La mine grave, je grimace à la vue des lourdes arbalètes maniées par la soldatesque de Sébire de Malicorne. Je n’aime pas les armes, c’est certain, mais la simple vue de ces froides machineries me fait froid dans le dos. Je répugne de voir de tels objets ainsi apprêtés, sur le sol consacré de l’abbatiale, à quelques pas à peine de la statue bénie de Sainte Gontheuc. Néanmoins, devant l’amer constat que je n’y peux rien, je relève la capuche de ma bure, et m’en vais vaquer.

***

Aider, soigner, soulager les gens dans leur labeur quotidien n’est pas un acte vain. Bien au contraire, ces temps privilégiés sont autant d’occasions de perpétrer le dessein shalléen dont parlent les manuscrits de théologie. Il s’agit bien, en somme, d’aider et de soutenir son prochain au terme d’une journée d’effort. Et s’il est bien une heure qui se prête à cet exercice, c’est bien l’heure imminente des complies, marquant le terme du jour. Ainsi campé devant l’auberge de l’ami Roscelin, je vois surtout passer des pêcheurs. Certains, malmenés par les rigueurs du soleil, viennent chercher un baume pour soulager leur peau meurtrie. D’autres, blessés au cours de leur journée, nécessitent une prise en charge plus appliquée, tel ce larron à la paume de main bien entaillée. Quelques-uns, enfin, sont surtout en quête de réconfort, ou veulent être rassurés des suites des rumeurs qui vont bon train en ville. De tous ceux qui viennent me trouver, je demande le nom, pour le confier à Shallya, et leur souhaiter un bon rétablissement. Je prends volontiers le temps de m’enquérir de leurs besoins, m’efforçant de présenter une oreille amicale et patiente, à l’épreuve des conversations les plus arides, car c’est aussi ce qu’on attend du clergé de Shallya.

Parfois, je me demande si Roscelin attend que le flux de suppliants se tarisse pour venir me trouver avec son air faussement désinvolte. C’est un bon gars, Roscelin : depuis que je le connais, il s’est toujours montré très prévenant à mon égard. Amandine dit que c’est tout naturel, parce que les gens de l’abbaye descendent souvent, comme moi, offrir des permanences de fin de journée dans sa ruelle mal pavée de la ville basse. Elle dit que c’est bon pour les affaires, que c’est la moindre des choses. Je ne sais pas si elle a raison, mais je n’ai jamais aimé voir les choses de cette façon.

Aujourd’hui, Roscelin a l’air un peu gêné. Il tourne autour du pot, et cherche parfois ses mots, l’air emprunté. Evidemment, il veut en savoir davantage quant au motif de la présence de la révérence mère à Orléac : ses visites se font si rares qu’elles en deviennent des événements, et ces temps-ci, les rumeurs vont bon train. Pas étonnant qu’il s’interroge.

Je m’étire longuement, cherchant par ce geste à me délasser au gré de la relative fraîcheur de la soirée naissante. Et

« Bien sûr que ça m’inquiète, Roscelin. Ce n’est pas bon pour Brionne, ni pour Orléac, les tensions entre seigneurs. Mais l’abbesse Sébire n’est pour rien dans cette histoire. Les gens ont toujours pu compter sur le clergé de Shallya, et si tu veux mon avis, l’amour de Shallya est plus fort que tout ça. »

Il m’adresse un regard en coin, le renard. Peut-être pense-t-il que je lui cache quelque chose. Haussant les épaules, je renchéris, détournant la conversation vers d’autres demi-vérités.

« Moi, ce que je sais, c’est que je ne pars plus pour Couronne, mais pour Castel Brionne. Je suis déçu, bien sûr, mais curieux aussi. Peut-être que ça veut dire qu’on se reverra plus vite.
Tu surveilleras Garin pour moi, n’est-ce pas ? Il serait capable de s’attirer des ennuis. »


Au fil de notre conversation, je garde un œil sur les alentours. L’heure des complies approche, et lorsque celle-ci sera passée, alors Amandine ne devrait plus tarder. J’appréhende un peu : à la base, c’était son idée. Je ne tiens guère en place, me masse la nuque, pince les lèvres. A vrai dire, j’appréhende beaucoup.
Frère Éloi Voie du Prêtre Mystique
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États temporaires
Une vie de Paix : +1 à tout jet visant à guérir un patient blessé, malade ou empoisonné.
La vie avant tout : doit tenter d'interrompre les affrontements auquel il assiste, à moins que le combat ne soit mené contre des ennemis.

Compétences :
- Maîtrise de l'Aethyr (1)
- Coriace : -1D3 dégâts subis.
- Réflexes éclairs : +1 aux tests d'initiative en situation de surprise.
- Résistance accrue : +1 aux tests d'endurance.
- Sang froid : +1 aux tests de caractéristiques effectués en situation de stress ou tension.
- Volonté de fer : +1 aux tests de volonté.
- Traumatologie : Sait administrer les premiers soins ou favoriser une guérison plus rapide.

- Alphabétisé : Capable d'écrire et de lire le Bretonnien.
- Langage secret (Classique) : Capable d'écrire et de lire le Classique.
- Législation : Sait manipuler le droit à son avantage.
- Doctrine du Culte (Shallya)

- Cuisine : Se débrouille en cuisine. +1 pour détecter des substances nocives dans la nourriture.
- Empathie
- Affûtage mental
- Incantation - Shallya
- Sens de la magie
Équipement porté sur soi :
8 sous d'argent 8 deniers
- Bâton de marche
- Robe de bure jaunie / Tenue en lin / Ceinture / Sandales
- Grande sacoche contenant couverts, rations diverses
- Livre de prière de Shallya
- Amulette de Shallya
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Roscelin ne put s’empêcher de sourire lorsqu’Éloi lui assura que Sébire n’était pour rien dans les récents démêlés ducaux ; pourtant, s’il avait envie de dire quelque chose, il choisit plutôt de se taire et de garder ses réflexions pour lui-même.

« C’est pas le genre de Garin de s’attirer des problèmes, nah. S’il avait dû s’en attirer, ça aurait été fait beaucoup plus tôt.
Non, il est même un peu trop solitaire pour son bien, si tu veux mon avis… Il a peu de gens pour le défendre, alors que c’est pour ça que les gamins se réunissent en bandes normalement… »


Assis à l’envers sur sa chaise, l’aubergiste tapota le dossier d’une main en agitant un peu la tête. Il semblait songer à quelque chose, mais au final, il se contenta de hausser ses épaules.

« Castel-Brionne c’est une ville tellement magnifique — et vraiment pas très loin, j’ai souvent eu l’occasion d’y aller dans ma jeunesse. Encore que je suis pas si vieux, bah…
Mais le souci c’est que c’est grand. Et y a vraiment, vraiment des quartiers qui craignent. Genre, les faubourgs d’Orléac, on a nos quelques problèmes, nos bandes de mauvaises gens, comme partout, mais Castel-Brionne ça a de vrais soucis avec ça.
Toute la ville est construite sur une péninsule. Et c’est beau, rien qu’à voir ça donne le tournis, comment c’est beau… Mais il y a des quartiers moins fortunés que la grande citadelle avec le Hall des Ménestrels. Le quartier de la Gâtine c’est un ancien marais asséché, conquis à la nature par le brûlis, et ça reste pas mal insalubre et agité. Y a une vraie pègre organisée là-bas, et le Duc a toujours préféré travailler avec eux pour calmer les étudiants et les bourgeois plutôt que d’imposer sa propre loi.
Généralement ils laissent les Shalléennes tranquilles, mais je te conseille de ne pas trop leur chercher d’ennuis. Ils peuvent être cruels, lorsqu’ils le veulent bien. »


Alors qu’ils continuaient de discuter, Roscelin répondant à quelques questions d’Éloi sur la ville de Brionne qu’il avait connue, l’aubergiste donna une petite tape à l’épaule de l’oblat tandis qu’il notait une silhouette en train de remonter la rade avec ses chasses-marées parés à partir. Au milieu des solides bonhommes remplissant les chariots, surgissait une petite jeune femme en robe jaune. Amandine marchait d’un pas pressé, sa pèlerine virevoltant derrière elle.

« Ah bah, voilà ton amie. »

Roscelin lui fit un signe. Amandine pressa rapidement le pas, et trotta avec ses souliers jusqu’aux deux hommes. Elle leur offrit un grand sourire.

« Bonsoir bonsoir, Roscelin. Tout va bien ?
– Oh, oh bah ma foi oui, petite soirée… La clientèle ça commence à grandir ces derniers temps, j’espère juste que nos seigneurs Brionnois vont pas ruiner les foires qui se préparent.
– Personne n’espère ça. Est-ce que t’as encore une table de libre ? »

L’aubergiste fit une petite moue d’étonnement, et balbutia un peu en réfléchissant.

« Oh beh… Si tu veux vraiment manger à l’intérieur, oui, oui pas de soucis…
Venez donc. »


Il se leva et attrapa sa chaise en passant, pour la ramener près de sa terrasse. Il était en effet peut-être étonnant de la part d’une jeune prêtresse de demander à boire dans l’auberge à Roscelin — la nuit était plutôt réservée à des bonhommes assez braillards, et un peu lourdaux à l’occasion…
Mais Amandine ne s’en émut point. Elle pencha un peu la tête de côté le temps qu’Éloi vienne la flanquer.

« Tu vas bien ? T’as passé une soirée pas trop chargée ? »

Après avoir poliment obtenu des nouvelles — il n’y avait pas de raisons pour que quoi que ce soit ait pu mal tourner — c’est elle qui reprit.

« La réunion du chapitre a été atroce. Clémence et Sébire n’ont pas arrêté de s’engueuler, devant toutes les sœurs…
J’ai besoin d’un verre, un vrai. »


Été oblige, la porte de la taverne était grande ouverte, le battant retenu par un petit bloque-porte en bois. Il fallut juste grimer deux petites marches pour entrer à l’intérieur.
Et en effet, c’était une petite soirée pour Roscelin. Devant le bar parlaient très fort, choppes aux mains, une ribambelle de pêcheurs empestant le sel marin. Beaucoup étaient pieds-nus, ou alors avec de grosses sandales épaisses. Avachis sur une table dans un coin, des bourgeois avec un tout petit peu plus de moyens, certainement des artisans vu leurs bras musclés, forgerons ou maçons, s'échangeaient des cartes avec des pièces d’argent et de cuivre posées devant eux.
De tout le bar, il n’y avait que deux femmes. L’une était une servante trentenaire qui était gagée par Roscelin, l’autre une dame un peu plus âgée qui restait tout au fond de la salle, aux côtés d’un homme bien vêtu, mais sans couleurs nobiliaires, qui dévorait une barbaque dans son assiette. Un couple de voyageurs.

Roscelin trouva une table pour les deux Shalléens. Il leur en sélectionna une un tout petit peu à l’écart, mais ça n’avait pas empêché des yeux curieux de se tourner vers eux. Ils devaient constituer une étrange attraction de la soirée. Attablée, Amandine remercia Roscelin, qui se chargea lui-même de prendre leurs commandes.

« Est-ce que t’as du vin un peu fort ?
– Hé, ça se trouve, oui ! Mais, sans vouloir faire le grippe-sou, tu sais que je compte pas t’offrir de la vraie boisson qui fait vriller ?
– Oh, oh, c’est pas parce que je suis prêtresse que j’ai pas un peu de quoi payer !
– Bon bah, je vous amène un peu de quoi grignoter — j’ai de la vraie viande rouge qui attend, du porc. »

Le sourire d’Amandine s’agrandit. Roscelin écouta la commande d’Éloi et se dépêcha vite de partir derrière son bar pour aller parler à sa serveuse qui remplissait les verres des braillards.
Il y avait tellement de bruit qu’on avait du mal à s’entendre penser. Surtout que ceux en train de jouer aux cartes ne pouvaient pas s’empêcher de s’engueuler, ou de crier de joie à chaque abattement de brelans. Ils s’insultaient, surtout lorsqu’un pétochard préférait se coucher à relancer sa mise.

Le cadre n’avait pas l’air de déranger la Shalléenne. Pianotant sur la table en attendant qu’on aille leur servir, elle fit un signe de tête à Éloi.

« On m’a dit que la grande-prêtresse t’avais parlé un moment dans son bureau ?
Ah c’est que les nouvelles vont tellement vite dans cette abbaye ! Tu éternues dans le réfectoire y a la sœur infirmière qui te dit « à tes souhaits »…
Mais elle te voulait quoi ? Rien de trop important j’espère ? »


Elle s’enfonça dans son siège. Peut-être attendait-elle d’avoir l’opinion de l’oblat sur leur supérieure commune.
Et nul doute qu’Éloi allait être lui-même curieux sur ce qui avait pu être raconté dans la réunion du chapitre.

« T'as remarqué la grosse malle que des mecs armés ont descendu de sa calèche quand elle est descendue couverte de bijoux ?
C’était rempli de monnaie. Plein de pièces. Elle souhaite rincer Orléac de pognon, pour obtenir un contrat avec les maçons afin d’agrandir l’hospice des faubourgs, et elle veut aussi acheter des livres et payer un maître à l’année pour enseigner l’écriture aux gamins errants de la ville. »


Alors que cela aurait dû être une excellente nouvelle, Amandine avait dit ça en faisant la gueule. Sourcils froncés, voix pleine de fiel. Elle tiqua des lèvres.

« Non mais tu te rends compte ? Son grand frère fait buter des gens — une demi-douzaine d’âmes innocentes, assassinées froidement juste devant notre petite ville — et elle elle s’empresse de faire oublier ce crime en faisant passer ça avec de l’argent ?!
Et le pire c’est qu’elle dit que c’est une entreprise généreuse, de la simple donation désintéressée. Des années qu’elle se ramène ici juste pour voler la dîme et les dons des gens d’Orléac, tout ça pour se payer des robes et du parfum… Et maintenant que Valère de Lichy a ordonné à son petit bâtard de clouer des gens avec des carreaux d’arbalètes, là elle se rappelle soudainement que le denier du culte faut le redistribuer ?
Elle est putain de machiavélique. Je comprends pas pourquoi Clémence la dénonce pas directement à la Matriarche. Elle mériterait de la remplacer. »
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par Frère Éloi »

L’arrivée d’Amandine me sauve un peu la mise. Roscelin est un gars bien, mais sa curiosité coutumière couplée au climat tendu en ville ces dernières semaines aurait rapidement amené notre conversation à tourner en rond. L’apparition au loin de la robe jaune d’Amandine descendant la rue passante est en ce sens relativement opportune. Comme elle s’approche, salue Roscelin d’un aimable sourire, et s’enquiert de la disponibilité d’une table à l’intérieur, je reste un moment muet, souriant benoitement. Au risque de sembler bien simple, je suis déjà content, savourant de ce court moment passé à écouter une banale conversation entre deux amis. J’en oublie temporairement la plupart des questionnements et appréhensions de ces derniers jours. C’est ainsi départi de la majorité de mes soucis que j’emboîte le pas à Roscelin vers l’intérieur de l’auberge, l’esprit léger.

Il flotte dans l’air une odeur de sel, soulignée d’effluves de corps rances émanant certainement du groupe de pêcheurs braillards agglutinés devant le comptoir. Ils sont peut-être cinq ou six, mais beuglent comme le double. Non que je leur en tienne rigueur, bien sûr, Shallya m’en garde, mais le centre de la taverne est de fait trop agité pour la conversation que nous sommes sur le point d’avoir avec Amandine. Sur la droite, dans un coin, un groupe d’artisans aux muscles saillants s’affairant, moins turbulents, autour d’un jeu d’argent. Ici, et là, des regards se lèvent successivement vers nous, certainement attirés par notre accoutrement. Je ne m’en formalise pas, bien sûr, car c’est là une réaction fort commune au passage de membres du clergé shalléen. S’il peut parfois arriver que des comportements ou propos déplacés soient adressés à mes sœurs, la norme sociale nous assure un certain respect. Sans mot dire, je chemine donc vers une table reculée, à l’écart, à laquelle Roscelin entend nous installer. Sur le point de m’asseoir sur l’un des deux bancs, j’entends Amandine lui commander du vin et du porc, et me sens obligé de renchérir sur sa demande, assurant l’aubergiste de ma propre participation aux frais. Manifestement satisfait, ce-dernier se retire bientôt, nous laissant deviser autour des reliefs de noix, au fond du petit bol de bois.

Manifestement, la réunion du chapitre n’a pas été des plus plaisantes. Les doigts d’Amandine jouent sur le bois de la table, le rythme des tapotements m’alertant quant à l’humeur de mon amie. Je la connais depuis assez longtemps pour ne pas mettre ce genre de détails sur le compte du hasard : à coup sûr, un sujet lui brûle les lèvres. Je décide de demeurer prudent, et de ne pas trop en dire en ce début de conversation. En l’occurrence, il s’agit d’un sujet que je souhaitais de toute façon aborder en venant ici. Plongeant dans le regard de mon amie d’enfance, j’entreprends de formuler une réponse à mi-voix, jetant ponctuellement un coup d’œil vers le reste de la salle, redoutant que les murs aient des oreilles.

« Elle voulait que je lui apporte des documents issus des archives de l’abbatiale. Ça concerne les temps de crise et de grands maux en Brionne. Pas très rassurant.

Elle m’a aussi expliqué que puisque je ne peux pas aller à Couronne pour l’instant, je ferai mon pèlerinage initiatique à Castel Brionne. Tu sais, pour préparer mon ordination. »


Je me déteste un peu, surtout pour la facilité déconcertante avec laquelle j’énonce sans broncher des demi-vérités, alors que je peinais à ce faire il y a quelques mois encore. Je dirais volontiers la vérité à Amandine, mais je ne sais pas si la Révérende Mère a mis mes sœurs au courant de l’émergence progressive d’une nouvelle épidémie : je ne peux donc pas en parler. Mais mes sentiments, eux, ne sont pas feints. Comme je parle de mon départ, une onde embue peu à peu mon regard.

« Ça fait moins rêver, c’est sûr. Mais puisque je pars moins loin, peut-être que.. tu vois… »

La fin de ma phrase s’éteint d’elle-même dans un murmure inintelligible. La gorge serrée, je renonce à tenter de formuler mes aspirations pour l’avenir, de peur de succomber à mon émoi. Dissimulant mon trouble derrière une bouchée de noix, je questionne mon interlocutrice quant au déroulement de la réunion du chapitre. Dans un élan de charité, ou peut-être parce qu’elle a très envie d’en parler, Amandine accepte de changer de sujet. Prenant alors la parole un moment, plutôt que de me parler directement du chapitre, elle commence par récriminer contre Sébire de Malicorne, arguant plusieurs griefs à l’encontre de la grande prêtresse. Face à cette véhémente tirade, je reste d’autant plus coi que je ne sais trop comment exprimer mon désaccord, ou plus généralement, comment discuter sereinement de la question. Il arrive régulièrement qu’Amandine et moi ayons des points de vue très divergents sur certaines questions, mais elle a aujourd’hui l’air passablement agacée, certainement trop pour qu’il soit sage de débattre ensemble de ces sujets. Roscelin, tout juste revenu, semble aussi reconnaître l’humeur houleuse d’Amandine : discret, il procède au service sans mot dire, nous adresse un sourire complice comme pour nous souhaiter bonne soirée, et s’en retourne vaquer.

Resté seul avec Amandine, je me noie dans la contemplation du contenu de mon verre, lui laissant tout loisir d’épancher son indignation. Par moments, je relève brièvement, ponctuellement le regard vers elle, pour l’assurer de l’assiduité de mon attention. Survient finalement un silence un peu plus long. Ne sachant trop que dire, ne souhaitant ni contester ni renchérir, j’acquiesce timidement, la mine soucieuse, avant de renouveler ma question, jouant du bout du doigt avec les rainures au fil du bois de la table.

« Je suis d’accord, mais quoi que l’on pense, cela ne doit pas fragiliser les services et soins prodigués au monde par notre clergé.

Qu’est-ce que la grande prêtresse a dit d’autre à la réunion du chapitre ? A-t-elle donné des précisions ou des explications concernant la situation de la région ?
Tu dis que Clémence et elle sont en désaccord, mais à quel sujet ? »
Frère Éloi Voie du Prêtre Mystique
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États temporaires
Une vie de Paix : +1 à tout jet visant à guérir un patient blessé, malade ou empoisonné.
La vie avant tout : doit tenter d'interrompre les affrontements auquel il assiste, à moins que le combat ne soit mené contre des ennemis.

Compétences :
- Maîtrise de l'Aethyr (1)
- Coriace : -1D3 dégâts subis.
- Réflexes éclairs : +1 aux tests d'initiative en situation de surprise.
- Résistance accrue : +1 aux tests d'endurance.
- Sang froid : +1 aux tests de caractéristiques effectués en situation de stress ou tension.
- Volonté de fer : +1 aux tests de volonté.
- Traumatologie : Sait administrer les premiers soins ou favoriser une guérison plus rapide.

- Alphabétisé : Capable d'écrire et de lire le Bretonnien.
- Langage secret (Classique) : Capable d'écrire et de lire le Classique.
- Législation : Sait manipuler le droit à son avantage.
- Doctrine du Culte (Shallya)

- Cuisine : Se débrouille en cuisine. +1 pour détecter des substances nocives dans la nourriture.
- Empathie
- Affûtage mental
- Incantation - Shallya
- Sens de la magie
Équipement porté sur soi :
8 sous d'argent 8 deniers
- Bâton de marche
- Robe de bure jaunie / Tenue en lin / Ceinture / Sandales
- Grande sacoche contenant couverts, rations diverses
- Livre de prière de Shallya
- Amulette de Shallya
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[MJ] La Fée Enchanteresse
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Amandine écouta attentivement les quelques réponses d’Éloi, tandis que l’un et l’autre continuaient leur conversation. Au bout d’un moment, le jeune oblat se trouva suffisamment curieux pour demander quelques informations sur la réunion du chapitre, à laquelle il n’avait pas assisté.

Le temps de formuler sa réponse, la jeune prêtresse grignotait une béquée de noix, et elle parla la bouche pleine :

« Elles chont en déchacord chur plein d’chujets. »

Elle fit passer le solide par du liquide : une petite rasade de vin clairet, il est vrai plus fin et agréable que l’alcool allégé par de l’eau claire dont Éloi avait l’habitude.

« La jeune avec Sébire, là… Solène, elle nous a montré des espèces de croquis qu’elle a dit avoir vu sur les murs de l’hôtel du gouverneur de Clermont. Pour elle pas de doute : C’est des tarés qui prient le Seigneur des Mouches qui ont pas pensé à se faire des ablutions avant de serrer des mains… Soit.
Sébire souhaite envoyer des sœurs enquêter. Nathanaèle a été portée volontaire, la pauvre, elle qui déteste Sébire. Selon Clémence, c’est n’importe quoi, les prêtresses sont pas des inquisitrices, il faudrait en appeler aux Damoiselles du Graal. La révérende-mère nous l’a interdit. »


Le verre à la main, elle reprit une gorgée de vin. Et puis, en se détendant au fond de son siège, elle passait ses doigts dans ses cheveux, défaisant des mèches qui tombaient devant son visage.

« J’aime pas son entourage à Sébire. Y avait pas que la Solène, y a aussi l’autre qui lui traîne dans les pattes, toujours à lui tenir la main là… Yolande. Elle va rester à Orléac. Mon avis qu’elle cherche à l’utiliser comme une espionne. La famille de Malicorne ils sont obsédés par les espions, ils en ont partout à ce qu’on dit. »

Elle faisait tournoyer sa mèche de cheveux au bout de son index, l’enroulant autour comme un métier à tisser, peut-être par nervosité.

« Ne pas en parler aux Damoiselles du Graal, c’est tout de même une faute gravissime… Je peux comprendre que les nobles et les bourgeois de Brionne soient bien trop bornés pour prendre la moindre menace au sérieux, mais les Damoiselles elles sont responsables de tout ce qui touche au… Au Mal. Elles devraient être au courant.
Clémence n’osera jamais s’opposer à un ordre de sa supérieure hiérarchique. Je t’avoue que j’hésite à écrire une lettre moi-même à la Fée Enchanteresse… »

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Frère Éloi
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Re: [Éloi] Princesse de la Foi

Message par Frère Éloi »

Pensif, je trempe le bout de mes lèvres dans le liquide carmin, étouffant toute impulsive réponse qui pourrait me venir à l’esprit. Je songe un moment aux paroles d’Amandine, ayant aussi bien en mémoire les déclarations de Sébire de Malicorne : recourir trop tôt aux Damoiselles du Graal pourrait faire davantage de mal que de bien, leurs méthodes de lutte contre la corruption étant relativement expéditives. Dans le cas présent, l’avertissement de la grande prêtresse me semble faire sens, dans la mesure où les racines du mal ne sont pas encore clairement identifiées. Alors, certes, Amandine a raison, en Bretonnie, c’est aux Damoiselles qu’il échoit de débusquer le Chaos, et de protéger la population contre son impie semence. Mais la mise en garde de la révérende mère s’entend également : les preuves concrètes de l’existence d’une secte restent à trouver, et c’est d’ailleurs l’objet de notre départ prochain pour Castel-Brionne. Etudier les grappes de contamination, recomposer un faisceau d’indices, remonter la piste jusqu’aux instigateurs de la contagion. Alors seulement, il sera temps de recourir aux Damoiselles, après s’être assuré de disposer des éléments nécessaires à la canalisation de leur ire.

Comment expliquer cela à Amandine sans trahir de secret ? Ce dont nous discutons ne doit pas s’ébruiter ; je ne dois pas parler. Redoubler de prudence. Si j’argumente trop ardemment en vue de la dissuader de mettre son projet à exécution, je pourrais tout aussi bien me rendre responsable de son passage à l’acte. Mais je la sens indécise, encore, sans quoi elle ne penserait pas à voix haute comme elle le fait présentement. Dans le fond, elle est en train de me demander mon avis. Je dois répondre, ou paraître suspect.

Humant à nouveau le vin, je m’en enfile une grande lampée, et rive à nouveau mon regard à celui de mon interlocutrice, parlant lentement, essayant de me montrer apaisant.

« Je suis d’accord quant aux manières de la révérende mère. Je n’en reviens toujours pas que son escorte ne respecte pas l’usage du dépôt des armes à l’orée de la cour de l’abbatiale.

Mais quoi que l’on pense de ses actions, ou de son nom, elle a certainement des raisons de ne pas souhaiter que l’on prévienne de suite les Damoiselles. Tout semble surtout reposer sur des soupçons de la part de notre clergé, et les archives sont pleines de situations durant lesquelles le petit peuple a énormément souffert de mesures d’inquisition aveugle. Je serais plus serein si on en savait davantage sur ce qu’il se passe exactement. »


La mine grave, Amandine ne dit mot. Elle semble songeuse. C’est peut-être le moment de détourner la conversation, pour s’éloigner de ce terrain glissant. J’ai bien une idée, mais l’émoi m’étreint rien que d’y songer. J’ai la gorge serrée, les lèvres sèches. Baissant les yeux, je constate avec dépit que mon verre est déjà vide. Lorsque nos regards se croisent à nouveau, je crois surprendre une lueur rieuse dans les prunelles d’Amandine, comme si elle avait deviné l’objet de mon embarras, et s’en amusait déjà.

Un pudique coup d’œil aux alentours plus tard, j’entreprends de nous resservir une rasade de vin, tâchant de mettre de l’ordre dans mes idées. Il me faudra d’ailleurs me rappeler d’indemniser Roscelin plus tard. D’une voix mouillée, j’amorce

« Tu vas me manquer, tu sais. Veillez bien les uns sur les autres d’ici à mon retour.
Je compterai les jours. »
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- Maîtrise de l'Aethyr (1)
- Coriace : -1D3 dégâts subis.
- Réflexes éclairs : +1 aux tests d'initiative en situation de surprise.
- Résistance accrue : +1 aux tests d'endurance.
- Sang froid : +1 aux tests de caractéristiques effectués en situation de stress ou tension.
- Volonté de fer : +1 aux tests de volonté.
- Traumatologie : Sait administrer les premiers soins ou favoriser une guérison plus rapide.

- Alphabétisé : Capable d'écrire et de lire le Bretonnien.
- Langage secret (Classique) : Capable d'écrire et de lire le Classique.
- Législation : Sait manipuler le droit à son avantage.
- Doctrine du Culte (Shallya)

- Cuisine : Se débrouille en cuisine. +1 pour détecter des substances nocives dans la nourriture.
- Empathie
- Affûtage mental
- Incantation - Shallya
- Sens de la magie
Équipement porté sur soi :
8 sous d'argent 8 deniers
- Bâton de marche
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