[Prestenent d'Affreloi] La mer à boire

La Bretonnie, c'est aussi les villes de Parravon et Gisoreux, les cités portuaires de Bordeleaux et Brionne, Quenelles et ses nombreuses chapelles à la gloire de la Dame du Lac, mais aussi le Défilé de la Hache, le lieu de passage principal à travers les montagnes qui sépare l'Empire de la Bretonnie, les forêts de Chalons et d'Arden et, pour finir, les duchés de L'Anguille, la Lyonnesse, l'Artenois, la Bastogne, l'Aquilanie et la Gasconnie.

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[MJ] Le Faussaire
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Re: [Prestenent d'Affreloi] La mer à boire

Message par [MJ] Le Faussaire »

- " Ca s'ra 1 piasse pour et 6 en tout pour vos compères, m'sire. Pour vos vêtements ça s'ra vers les tapissiers, m'sire. C'est vers le mur Nord, juste après la grand-place avec les por'cullis. Ca s'ra pas possib' de l'rater, ça s'ra à deux pas du castel de m'sire Baron. Le castel, c'est la grand-tour du fond, là. Allez, circulez m'sire, z'êtes pas tous seuls ici."

Avant de les congédier sèchement, il pointa d'un doigt ganté de brun une tour plus fine que les autres, et visiblement plus en retrait que le reste des fortifications. Néanmoins, à peine avaient-ils fait quelque pas que le milicien se présente à nouveau devant eux, au pas de course.

-" Vin-nom, attendez m'sire... Si c'est-ra pour rencontra m'sire Baron, vous avez qu'à vous présenter d'vant la herse du castel. Il laisse entrer tous les chavaliers... Tant qu'c'est des vrais m'sires, m'sire..."

Et le garde retourna à son poste dans la foulée. Désormais libres d'entrer dans la cité, les compères du moussillonais attendirent tout de même quelques minutes avant de répondre aux précédentes interrogations de celui-ci - sans doute était-ce parce que Baudre était occupé à enrouler sa capuche comme un pochon, ou bien parce que Paul avait décidé de s’ébouriffer les cheveux avant l'arrivée de la pluie. Devant eux se trouvait désormais une énorme gueule de roc, épaisse au possible, fermement maintenue ouverte par des chaînes en métal noir ainsi qu'une enfilade de portes en bois et de mécanismes à cordes. Au-dessus de la herse principale, il y avait une courtine - ou bien était-ce un chemin d'enceinte ? - où se trouvaient évidemment quelque soldatesque, mais surtout deux longues banderoles flottantes, ainsi qu'un blason encastré dans la paroi.

Là où les banderoles étaient éminemment reconnaissables - l'une avec son trident doré intégralement cerné de bleu, l'autre avec son lion courroucé et couronné sur fond d'azur-grenat -, le blason était un symbole tout à fait nouveau aux yeux du jeune chevalier. Ce symbole jaune sur fond bleu et blanc ressemblait, à peu de choses près, à la scène qui s'affichait devant Prestenent : une grande herse colorée, sur un fond gris et bleu. Les roturiers présents sur le chemin n'eurent pas la moindre inattention pour le chevalier et ses comparses, se contentant d'esquiver la voie choisie par les montures, tandis que la milice complimentait silencieusement les bêtes et leurs détenteurs.

Image Désormais à l'intérieur de la ville elle-même, les couleurs s'étaient perdues petit à petit dans l'arrière-plan : désormais, plus aucune construction en terre, plus une trace de verdure au sol, et pas la moindre marque de bâtisseur sur les murs ou les fenêtres. Les trois vagabonds étaient ainsi cernés par des maisons lisses, de couleur pâle, des échoppes et ateliers entièrement fait de pierre blanche - bien qu'elles soient plus proches du jaune soufre et du brun terne lorsque l'on regardait vers le sol. La pluie nouvelle donnait une atmosphère lourde et austère à toutes ces rues, laissant ainsi transparaître des poches où les galets avaient remplacé le pavé lisse, et où les pas des chevaux semblaient résonner plutôt que sonner. Malgré toute cette architecture froide, les gens ne semblaient aucunement gênés : ils saluaient sans broncher, observaient les chevaux avec attention, s'écartaient du chemin en hochant de la tête, ... Rares étaient ceux qui montraient une mine sérieuse ou des sourcils froncés.
Test d'INT : 4, réussi.
Test d'END : 4, réussi.

Et pour cause, ce n'était ni par peur ni par stupeur que l'on s'écartait du chemin, mais plutôt parce que l'on ne marchait pas droit du tout ! Hormis les quelques colporteurs qui brinquebalaient avec leurs charrettes à bras, le reste de la populace oscillait et se déplaçait dans un désordre des plus flagrant, comme si de rien n'était. Malgré cela, une fois arrivé à une petite esplanade, ils furent arrêtés par une incartade entre deux groupes d'avinés. Désormais coincé à coté de ce piédestal vide et griffonné, Baudre prit la parole :

- " Vous savez, m'sire Prestenent, on a pas puss' d'infos qu'vous sur les conseils à donner à m'sire Evrard. S'qu'il faut, c'est l'prévenir qu'la nouvelle-lune amène des tracas, et qu'y faut pas qu'il s'mette en tête de faire la fête ou d'chasser de nuit. Vider la ville s'rait pô possib', z'avez vu l'monde qu'on a-ra ?

- "Oé, mais y'a aussi qu'nouzaut' on est pas chevaliers, m'sire. L'sire Evrard vous savez quoi lui dire, c't'un chevalier comme vous, nan ? Après, Marcus est-ra en train d'guetter la côte en s'moment, et...

- Bôh vous pourra lui dire ça, nan ? D'guetter la côte, d'surveiller la baie, d'guetter la marée.

- Surtout qu'c'est vous qu'avez vu les... Les z'autre-là. Les tous-lents, les marche-sans-pieds.

- Et qu'on a pas vu d'aut' chevalier d'puis votre arrivée, m'sire. Il avait quoi vot' dessert?

- D'Essart, tête de coche. S't'un nom d'sire, pas d'cuisine !"

Les deux compères partirent dans une discussion cryptique, qui tournait grossièrement autour de la question "Est-ce qu'un sire peut avoir un nom de plat ou de cuisine ? ", mais leur vocabulaire était si rustique et grossier qu'il échappa bien trop aisément à Prestenent. Lorsqu'un casque de milicien se distingua dans la foule - sans doute pour disperser les agités -, Baudre et Paul se turent en un instant, revenant aux côtés du chevalier comme si de rien n'était.

*** Le chemin jusqu'à la grand-place et le mur Nord sembla durer bien plus que tout autre périple qu'ils avaient achevé. Peut-être était-ce dû à la monotonie du paysage urbain, à l'absence de vent entre les bâtisses, ou encore à la quantité inexorable de gens à chaque carrefour, mais une éternité s'était écoulée devant leurs yeux avant qu'ils n'atteignent cette place dégagée. L'esplanade quasiment circulaire était si vaste et si dégagée que les gens-de-commun s'y étalaient comme de l'eau sur un écu, ne laissant que des gouttelettes récalcitrantes après le passage de la pluie... Pluie qui d'ailleurs s'était envolée doucement, en oubliant d'emmener les nuages plus loin dans les terres.

Quelle que soit l'utilité originelle de cet endroit sans murs, il n'y avait que deux structures à remarquer ici : au centre de la place, une grande colonne servait d'appui à une statue immaculée, tandis que le fond de l'esplanade était pourvu de contreforts crénelés, ainsi que d'une herse étroite et peu gardée. Derrière cette herse, une grosse tour - sans doute deux fois plus large que les autres - se dressait sur un puissant piton rocheux, relié au reste de la cité par un unique pont-levis.
Test secret : 18, échec.

Trouver un tailleur ou un tisserand digne de ce nom fut une tâche assez aisée, puisqu'en effet, il y avait tout un regroupement de marchands aux abords du mur d'enceinte. Là, les gens semblaient plus sobres, plus éduqués, mais pas plus nobles pour autant : on y portait tantôt le béret, tantôt le chapeau dur, les souliers à boucle, les pantalons bouffants, ou encore des surcots de cuir comme s'il s'agissait de simples apparats. N'ayant que très peu de connaissances en travaux textiles, Prestenent dû se contenter de ses yeux et de ses mains pour trouver les vêtements qu'il recherchait, et si possible un ensemble correct... Ensemble qui, une fois réuni, lui coûta tout de même la somme de 2 couronnes et demie.

Désormais détenteur de nouveaux habits "dignes de lui" (selon le marchand), il retrouva Paul et Baudre sur l'esplanade, en train de guider et cajoler leurs montures entre deux passages de charrettes.

- "M'sire, maint'nant qu'vous sera avec vos nouveaux habits, j'pense-ra que Paul & moi on va voir aux auberges si y'a de quoi dormir. Comme ça, vous pourra vous changer, et a-ra voir m'sire Evrard...

- Pis aussi, fôdra vous dire : On s'demandait-ra si c'est une bonne chose qu'on vous accompagne chez l'sire Evrard. Nouzaut' on ira pas dépenser vos sous pour des habits, et si le m'sire Evrard nous voit comme ça, c'est possible qu'y-s'pose-ra des questions sur nous ou vous, m'sire.

- Et les m'sires qu'y s'posent des questions, ils écoutent pas quand on leur cause.

Tous deux hochèrent la tête comme des bovins, convaincus par leurs paroles.

- Mais y'a-ra aussi qu'si vous y allez seul, le m'sire il va d'mander combien qu'vous êtes, et si vous mentez et qu'on vous corrige, il ira poser des questions, ou causera aux gardes...

- ... Et faut pas que l'sire il pose-ra des questions sur nous, m'sire.

- Ou sur vous."

Ainsi, toute cette attente et cette monotonie avait pris le dessus sur la fermeté d'esprit des deux compagnons, et leur hésitation laissait désormais le choix de la marche à suivre à Prestenent, et à personne d'autre.
Total des dépenses : 2 couronnes et 9 pistoles. Vu que j'ai fait une erreur de calcul dans mes histoires de taxe d'entrée (dans ma tête c'est toujours 1 couronne = 20 pistoles, et pas 10, et 1 pistole = 12 sous, et non 10.) , j'ai arrondi en ta faveur le prix des vêtements. Tout est résolu désormais.
<< Bah alors, qu'est-ce que tu cherches mon gars ? L'or, les femmes, le pouvoir ?
J'ai tout et plus encore dans ma baraque, viens jeter un œil !
Oh non, ce n'est pas loin, c'est au coin de la rue là-bas.
Mais attends, t'as les moyens j'espère ?

...

Oh, tu sais, on peut toujours s'arranger... >>

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Prestenent d'Affreloi
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Message par Prestenent d'Affreloi »

Prestenent d'Affreloi multipliait les efforts invisibles au sein même de son esprit pour ne pas laisser son corps et son âme trembler, intimidés par le bourdonnement incohérent de la foule qui se mouvait en un sens, dans l'autre, et encore dans l'autre. Le remue ménage permanent et incompréhensible d'un nombre absurde d'êtres humains vaquant chacun à des occupations normales d'une vie quotidienne avait de quoi glacer le sang d'un Moussillonnais, habitué à ne voir que quelques dizaines de paysans, de loin, se trainant avec lassitude dans une semi mort qui était l'intégralité de leurs vies. C'était cela la grande différence entre le marquisat d'Affreloi et Ponte-Vileau, ou du moins celle qui frappait le plus durement le jeune Moussillonnais. Les gens ici étaient intégralement et parfaitement vivants, se comportaient en vivants, tous sans exception, et cela constituait un merveilleux miracle. Au fond, ça réchauffait le cœur de voir ces braves gens vivre en toute innocence et avec une clarté manifeste dans leurs existences. Cela donnait un sens supplémentaire et bienvenue à la vision que Prestenent se faisait des serments d'un chevalier. Il comprenait que cet instant devait rester une expérience à garder tout jamais en sa mémoire comme l'une des étapes les plus importantes du début de son errance.

Mais le plaisir en était gâché par ces deux benêts de Paul et de Baudre. En feignant une ignorance que Prestenent commençait à ne plus considérer comme sincère, ces deux vils énergumènes le plongeaient dans le désarroi et la frustration, deux sentiments qu'il se devait de bannir de son cœur pur de chevalier.

Ainsi, on l'envoyait, lui qui ne savait rien, prévenir une personne qu'il ne connaissait pas d'un danger qu'il ne connaissait pas, ne comprenait pas et serait incapable de décrire ou d'expliquer sans même connaitre la raison pour laquelle il faut en être prévenu ni ce qu'il faut faire de l'information, ni si elle sera utile. En somme, on comprenait que des sectaires aussi zélé d'un secret si ridicule se soient fait mettre à la porte dans les précédentes villes qu'ils essayaient de prévenir, sauf que désormais ils mettaient l'honneur de Prestenent dans la balance, et ce serait à lui de souffrir de ce ridicule et de cette pathétique et insupportable avarice d'informations. Prestenent hésitait jusque là, mais maintenant, il était clair pour lui que rien ne pourrait se faire en collaborant avec un groupuscule pareil, si timoré dans la divulgation d'informations, si imprécis et troubles dans leurs actions, si menteurs qu'ils se mentaient à eux même en se disant Marcus de Bordeleau... Cette bande de fous avaient peut-être un noble objectif, mais non seulement il ne touchait visiblement ni Prestenent, ni ses objectifs personnels, ni sa famille ; mais en plus venir en aide à ces énergumènes signifiait se mettre en danger de perdre son honneur, voire tout le reste.

Mais pour l'instant, Prestenent d'Affreloi était en quelque sorte pris au piège. Il était redevable à cette bande d'illuminés pour l'heure, alors autant expédier cette tâche pour effacer sa dette. Ensuite, il devrait s'arranger avec eux pour qu'ils ne le mêlent plus à leurs affaires. Enfin, le plus important restait de veiller à aider cette ville et son seigneur.

Par ailleurs, Prestenent s'en voulait de ne pas avoir pensé à évoquer Ancelin d'Essart plus tôt devant l'entière assemblée des Marcus. Mais ces brigands avaient jusque là toujours été nébuleux dans leurs explications sur ce qui s'était passé à Bois-Giron. Ancelin pouvait-il être mort ? Prestenent s'en serait éternellement voulu.


Le cheminement lassa bien vite l'esprit et le corps de Prestenent qui commençait à trépigner en selle. C'était l'inconvénient à une ville trop peuplée. Prestenent ne pouvait pour autant pas diriger les impulsions colériques secouant ses muscles vers l'innocente population qui vaquait benoitement sous ses yeux, alors en guise de compensation, il décida que son ressentiment irait à l'encontre du tailleur, lequel l'avait bien cherché puisqu'il était commerçant. Métier méprisable s'il en est.

Une fois devant les étals, Prestenent se retrouva plutôt perdu. Il ne connaissait rien aux différents tissus et laines qu'on lui faisait tâter, et il était pressé, alors il se fia surtout à ce qu'il savait des codes de l'étiquette Bretonnienne, choisissant d'abord une couleur réservée à la noblesse. Bien qu'ayant une préférence personnelle pour le vert, Prestenent se décida à profiter de la situation pour être plus élégant qu'il ne l'était au Moussillon. Jusque là, des gens l'avaient plusieurs fois mépris, mais ça n'arriverait plus jamais. Il s'acheta donc une tunique en tissu carmin brodé de blanc, couplé avec une cape bleu. Il lui fallut un moment bien trop long à son goût pour trouver les couleurs suffisamment peu criardes pour ne pas choquer sa vision dans ce que le vendeur lui montrait, mais il finit pas trouver de quoi faire. Il cumula avec de nouvelles bottes et des chausses moins sales et déchiquetées que celles qu'il arborait, mais garda ses bons vieux gants noirs qui étaient toujours en parfait état. Bien que le vendeur se soit disposé à lui conseiller le port d'un chapeau, Prestenent rejeta cette idée avec mépris. D'une part, sa vision fantasmée de l'aventurier lui faisait voir le port de couvre chef comme l'apanage des bourgeois et des marchands, mais surtout Prestenent appréciait bien trop la sensation du soleil sur son visage pour tolérer qu'on lui retire ce droit.
Aussi, son teint était depuis son arrivée en Bordeleau resté beaucoup trop pâle par rapport à celui des naturels du pays, et il espérait bien pouvoir régler cela à force de voyager sous la lumière éclatante du soleil.

Le prix était élevé, mais un véritable noble ne compte pas l'argent qu'il dépense, uniquement celui qu'il collecte. En payant, le chevalier attendit cette fois qu'on lui rende sa monnaie, un demi écu. Un marchand, contrairement à des soldats, ne méritait pas de pourboire. Il ne remercia le commerçant que d'un signe sec, puis remonta en selle avec une impatience qui ne se faisait que trop voir.

Retrouvant Paul et Baudre, Prestenent voulut se mettre en route pour un endroit où se changer. Les deux compères toutefois avaient aussi réfléchi plus loin que lui (ce qui n'était guère surprenant), et abordèrent le sujet de la mission, disant qu'il valait mieux peut-être qu'ils ne se rendent pas eux même au château de sire Evrard.
Prestenent était peut-être trop bête pour réellement comprendre tout ce qu'ils disaient. Pourquoi ne fallait-il pas qu'Evrard puisse les voir ?

"Parbleu, ils prétendent que leur intention est d'aider cette ville, mais depuis le début ils se comportent en intrigant et en roublard, cachent des choses, mentent sur leur identité, et réclament de rester dans l'ombre pendant que je m'expose. Si leurs objectifs étaient si tant bons que cela, pourquoi mettent ils tant d'efforts à s'en cacher ?"

"Baste ! J'irai sans vous alors. Trouvez vous une auberge, et restez y, j'irai seul au château et si on me pose la question je répondrai que j'ai bien été accompagné d'un certain Paul et d'un certain Baudre. Qu'y aurait-il de mal à cela ? À priori, je ne vois pas pourquoi vos personnes l'intéresseraient d'une quelconque manière, ni pourquoi il poserait des questions sur vous. À moins qu'il ne vous connaisse déjà ? "

Il fallait maintenant se presser. À la plus proche auberge, Prestenent réclama de pouvoir s'enfermer dans une pièce sans ouvertures pour se changer.
Là, une fois la porte verrouillée, les volets baissés, et un tissu placé de façon à boucher le trou de la serrure, le manège habituel se produisit. De longues minutes à scruter chaque recoin de la pièce en hésitant, tournant en rond, se raidissant au moindre bruit avec paranoïa. Puis quelques poignées de seconde pour se déshabiller et se rhabiller, chaque vêtement un par un, tout en cachant autant que possible son corps au cas où. Jamais Prestenent n'était à l'aise s'il devait se dévêtir. Fut il seul au monde, jamais il n'eut été capable de changer de vêtements sans qu'une crainte terrible ne le hante.

Quand il sortit à nouveau au grand jour, ses vêtements enfilés hâtivement n'étaient peut-être pas aussi distingués qu'il auraient dû, mais le simple fait d'arborer du bleu, du blanc et du rouge devait lui conférer tout ce qui lui manquait de noblesse. De plus, le rouge et le blanc se mariaient magnifiquement avec ses armoiries. À ses yeux, c'était suffisant, et il se contreficha de demander l'avis de qui que ce soit d'autre sur la question. Son seul regret était de ne pas avoir pu prendre un bain. En plus de la question d'hygiène, il devait encore avoir sur lui un peu de l'odeur de la mer. Baste ! Il n'avait plus le temps.

"Morbleu ! Trop de temps a été perdu en billevesées. En route pour voir sieur Evrard."

Prestenent bondit en selle. Il n'était pas encore très habitué au port de la cape, mais cela faisait partie des choses que ses parents lui avaient enseigné en Moussillon. Il devait simplement se souvenir de ses leçons pour mettre sa cape correctement, éviter qu'elle se prenne n'importe où ou qu'elle le fasse tourner au ridicule. Mais le sens de l'étiquette était chez Prestenent plus qu'une seconde nature, c'était la première et demi.

Avec d'autant plus d'empressement que la première fois, il se dirigea vers le castel de sieur Evrard.
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[MJ] Le Faussaire
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Re: [Prestenent d'Affreloi] La mer à boire

Message par [MJ] Le Faussaire »

Ainsi, le chevalier s'enquit d'une compagnie plus noble et plus altière. Laissant derrière lui la taverne déjà bondée de monde, et bien que ce fut l'endroit parfait pour y croiser des gens de tous les horizons, Prestenent sortit d'une traite du chaleureux bâtiment, évitant les tables débordantes d'effluves, les poteaux et gouvernails placés dessus en guise de décoration et de jeux, ou encore les individus relégués au service des aliments - oui, aliments exclusivement, puisque le vin n'était pas du tout une boisson dans cette nation.

Désormais au grand air ou presque, il pouvait apercevoir des nuages clairsemés au-dessus de lui, et les murs étincelants qui tournaient petit à petit vers les tons cuivrés, bronzés, dorés. D'un pas déterminé, il s'élança, jument rassasiée, dans les ruelles lisses de la cité. Visiblement, la cohue s'était déplacée pendant ses quelque temps de réflexion et de méfiance, puisqu'il naviguait cette fois-ci dans une houle de têtes dirigées à son contraire, comme si tous ces petits gens étaient poussés vers les auberges, à la manière des miracles de grandes marées. Cependant, en ces terres surélevées, point de miracle, et encore moins d'eau salée. Juste des soiffards, travailleurs et souvent avinés.
Test d'END : 11, raté. Tu es un peu patraque, un peu remué.
Test d'INT : 2, réussi.

Arrivé sur la grande esplanade, il pouvait enfin respirer à son aise, puisque la marée de gens s'en était retirée. Enfin, il pouvait voir le grand ciel vide, les murs alignés, et cette colonne si esseulée. Partout sur la place on pouvait voir les traces de vie, les empreintes de pieds, mais de grâce, personne ne s'était enquis de salir la statue ou son pilier. À cette distance et à cette heure, on décelait encore les traits du personnage représenté : un homme adulte, sans chemise, bras et paumes levées vers le ciel. L'individu n'avait rien à voir avec les illustres chevaliers de geste, puisqu'il n'avait aucune armure, aucun tocsin, juste une épée à sa ceinture et un bandeau dans ses cheveux. En tournant vers le portcullis du castel, Prestenent se surprit à se retourner, pour regarder l'autre face de l'idole en pierre taillée. De ce côté, il présentait des traits secs, virils, et sensiblement âgé ou sage : la barbe hirsute, les cheveux mi-longs, le regard dur, fier, sans doute usé. À l'instar de son observateur, l'homme dressé avait aussi une cape à son dos, si ce n'est que celle-ci était faite de bandes sinueuses, de sortes de rubans gondolés qui s'enchevêtraient jusqu'à ses pieds.

Image
Au fond, cette personne était sans doute un défenseur, un ancêtre ou protecteur, sensé garder le mal loin de la cité. Maintenant qu'il était au pied de la herse, Prestenent aperçut tout le stratagème dissimulé dans ce deuxième rempart, et sous cette herse à crochets : il marchait désormais sur une sorte de plancher huileux, trempé et bardé de ferraille, qui était attaché aux extrémités par quelque chose qui se perdait sous celui-ci.

Les hommes-d'armes en poste le saluèrent du chef, lui donnant du "m'sire", et à la vue de son écusson, le laissèrent entrer gratuitement dans les quartiers privés. On attacha son cheval dans un recoin, bien à l'abri de l'eau et des guetteurs, à côté de deux autres destriers couverts d'une nappe blanc et bleu, du col aux pieds. Désormais à pied, on l'accompagna sans maugréer jusqu'à la véritable entrée de la tour, puis dans les différents couloirs - enfin, couloirs, c'était un bien grand mot, puisqu'il ne passa qu'une autre porte avant de se retrouver dans la grande salle du foyer.

Bien que l'on ne lui ait jamais expliqué pourquoi est-ce que la pièce centrale d'un lieu de vie s'appelait ainsi, il fut bien obligé d'admettre que ce lieu était tout à fait large, circulaire et plutôt vertigineux si l'on regardait vers les sommets. L'endroit était désert, couvert çà et là de tapisseries d'héraldique, de tapis déroulés sur le carrelage au sol, ou encore de flambeaux et de candélabres incurvés contre les murs et sur les meubles à chaque extrémité. Les seules issues visibles étaient une porte encastrée au sommet d'un bel escalier mural, et juste en face de lui, une haute baie vitrée en ogive, lisse et légèrement bleutée.

Oui, l'endroit était immense, intégralement construit en pierre, et... Et il avait du mal à distinguer les interstices entre les blocs taillés. Les murs étaient si blancs et lisses qu'on aurait dit qu'ils avaient toujours été ainsi, qu'ils étaient issus d'un seul et même morceau de marbre ou de calcaire, sans la moindre faille, tache ou imperfection. Heureusement qu'il y avait toutes ces décorations, sans quoi on aurait pu se demander qui avait construit un tel lieu de vie. De même, le vitrail central était lui aussi si vide d'entailles et si parfait qu'il paraissait exceptionnel, tout droit sorti d'une enluminure ou d'un conte de Fays ("Fées", en bretonnien dans le texte).

Soudain, une porte s'ouvrit.

- "Et je vous assure que Monsieur le Duc vous sera reconnaissant si vous vous en chargez.

- "Vous savez comme son fils...

- "Messire Baron ?"

Il y eut un silence, et un soupir d'agacement.

- "Cyran, c'est bien toi ?

- Oui-da, missire, c'est ben moi.

- Eh bien, parle, qu'y a-t-il ?

- Oui-da missire. C'est qu'il y a quelqu'un pour vous missire, quelqu'un qu'est chevalier comme vous, qu'il a un écu et des beaux habits missire, avec une tour et un lys jaune sur son b'lier

- Bouclier, Cyran, bou-cli-er. Je te l'ai dit cent fois, ne mâche pas tes mots. Allons, venez donc. Nous arrivons, ne bougez pas."

Et de la porte s'extirpèrent trois personnes, toutes correctement vêtues, mais une seule était un homme, et celui-là n'avait vraiment pas l'air d'un bambin ou d'un poivrot. À les regarder descendre les marches, tous avançaient d'un pas serein, le visage sérieux et légèrement pressé. À la vue de Prestenent et de celui qui l'accompagnait, les deux femmes prirent une mine intriguée, puis l'une d'elles s'arrêta une seconde, levant un sourcil très étonné.

Contrairement à ses collègues toutes vêtues de blanc et aux cheveux détachés, le sire ouvrait la marche, portant sobrement un pourpoint bleu nuit presque violacée, des braies raides de couleur brune, et une paire de bottes et gants noirs du plus bel effet. Par-dessus tout cela, il avait un tabard bleu et blanc un peu délavé, percé à trois endroits dont un qui effleurait la herse symbolique dessinée au niveau du haut-ventre. Sa cape grise était elle aussi en piteux état, ébouriffée aux pointes, tranchée d'un coté, ... Bref, cette cape méritait le titre de "rapiécée", ou "délitée". Désormais à quelques pas du moussillonais, il le salua d'une main avant de parler.
Tests d'INT pour les trois : Résultats secrets.
Test de ??? pour les trois : Résultats secrets. Oui, c'est possible.

- Eh bien, que me vaut votre venue, chevalier ? Quel vent vous amène ? J'espère que vous n'avez pas eu trop d'embûches au sein de ma cité, hm?

Le baron le regardait avec attention, sourire aux lèvres, bien que son regard soit plus proche de la vigilance que de l'idiote joyeuseté.

- Vous priez, monsieur ?

- Allons, Elise, n'allez pas importuner notre ami si fraîchement arrivé. Il doit être fatigué du voyage, venez, asseyez-vous. Vous avez faim, j'imagine ?

- Monsieur ?

- Quoi donc, notre ami n'aurait-il pas le droit de manger ? Vous faites une bien piètre hôte, Elise. D'ailleurs, mon bon Cyran, des nouvelles de Gustave ?

- Ou... Non, missire. Rien depuis hier matin.

- Tu es sûr qu'il n'est pas revenu ?

- Oui missire. Rien à signaler depuis qu'il est parti.

- Il s'est sans doute perdu dans ses batifollages et ses réflexions mercantiles, comme tous les s-!

- Pardon ?!

- Messire ?

- Ai-je bien entendu, Elise ? Vous insinueriez que Gustave, et que tout ses collègues ne seraient que de piètres marchands ? Dites-moi, Elise, à votre avis, quel serait la réaction de notre Duc si je lui faisais part de cette réflexion en votre nom ? Pensez-vous qu'il serait de votre avis, ou qu'il accepterait que l'on blasphème devant un invité ?

- Messire, vous n'oseriez...

- Comme vous en êtes certaine ! Tenez, allez-y réfléchir puisque vous souhaitez déranger mon hospitalité. Renate, vous l'accompagnez. Peut-être pourrez-vous l'aider à comprendre que l'Océan n'est pas une terre dépourvue de tout, ou lui rappeler à qui je dois ma vie et mon autorité. Cyran..."

Il pointa la porte d’où Prestenent était entré. La dénommée Elise prit une mine furieuse, prête à bondir tel un fauve enragé... Mais rien n'en fut. Son acolyte était enfin sortie de sa stupeur, joignant ses sourcils crispés dans une mine plus symétrique, pensive et froncée, tout en plaquant ses douces mains d'albâtre sur les épaules de l'énervée. Une fois qu'ils furent seuls, le baron tourna un fauteuil de bois et de lin, et l'indiqua à Prestenent pour se reposer. Il se dirigea ensuite vers la grande fenêtre, les mains dans le dos, les gants serrés.

- "Vous m'avez l'air bien jeune, chevalier. Vous avez des frères et sœurs ? Vous avez soif ? Et appelez-moi simplement messire, ou sire. Ne vous gênez pas avec les autres titres."

Il ne le regardait plus désormais, depuis qu'ils étaient seuls. Il était là, vissé devant la baie de verre, les yeux rivés sur le paysage quasi-crépusculaire, comme s'il attendait quelque chose, dans un semblant de garde-à-vous... Seul, face à l'Océan.
le Baron Evrard de Ponte-Vileau :

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Dame Elise :

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Dame Renate :

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Une autre vue de la statue, sur un fond herbeux et des falaises :
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<< Bah alors, qu'est-ce que tu cherches mon gars ? L'or, les femmes, le pouvoir ?
J'ai tout et plus encore dans ma baraque, viens jeter un œil !
Oh non, ce n'est pas loin, c'est au coin de la rue là-bas.
Mais attends, t'as les moyens j'espère ?

...

Oh, tu sais, on peut toujours s'arranger... >>

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Prestenent d'Affreloi
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Re: [Prestenent d'Affreloi] La mer à boire

Message par Prestenent d'Affreloi »

Prestenent n'avait rien à faire dans une auberge. Sans même que ce soit son mépris d'aristocrate qui le motivait, il savait par expérience qu'on ne tirait jamais rien de clair de la part d'ivrognes. Prestenent n'était pas un individu patient. Pour lui, un seul objectif pouvait luire dans son esprit à la fois, et un seul chemin existait vers cet objectif: le plus court.
Aussi, avec hâte, il remonta en selle, et se dirigea aussi vite que possible vers le castel. Le corps embrumé mais l'esprit faisant l'effort de ne pas l'être, il suivit le trajet qu'il pensait le plus court, empêtré dans une foule qui s'évertuait à avancer à contresens. Il se demanda même s'il n'avait pas par hasard manqué quelque panneau d'indication qui aurait dû lui donner le sens giratoire.

Enfin, le peuple s'écartait, et l'esplanade se révélait avec un air plus pur. Prestenent eut pourtant un drôle de frisson quand il comprit que son contact avec la masse populeuse avait pris fin. C’était un sentiment mitigé, et étrange. À la fois il était effrayé par ce grouillement humain, et en même temps il se sentait puissamment appelé, comme si l’existence de la foule voulait qu’il se marie avec son concept, qu’il embrasse la cause de la ville. C’était presque comme si les centaines de serf étaient à eux tous un gentil petit animal, embêtant mais à la fois attendrissant. C’était peut-être normal pour un chevalier alors ?

La statue qui ornait la grand place attira aussitôt son regard. Prestenent était pressé, mais il ne pouvait empêcher son âme de s’émerveiller devant ce qui se précipitait sous ses yeux. En l’occurence, cette statue, la première qu’il voyait en vrai, l’impressionnait et l’intriguait à la fois. Plus ou moins à son insu, il rougit en voyant ce torse nu. Il était assez indisposé en voyant un corps aussi peu vêtu. Les chevaliers, sur tous les vitraux ou dans les illustrations portaient des armures ou au moins des tuniques. Là, le jeune Moussillonnais ne comprenait simplement pas l’idée derrière cette demi nudité.

"Cette statue est vraiment impressionnante. Je me demande combien de temps et d'ouvriers il a fallu pour la concevoir et la dresser. Quelle genre de personnage incroyable peut mériter que l'on fasse de lui une représentation aussi monumentale ? Il n'a aucun attribut d'un chevalier de ce que je vois. Ce serait étrange pour un héros local. Une divinité peut-être ? La Dame du Lac ? Non, je crois qu'elle n'aurait pas été représentée sous les traits d'un homme barbu. Ce n'est pas ce qui est usuel."

Une fois la statue passée, il jeta un nouveau regard en arrière. Qu’espérait-il voir d’intéressant dans le dos de cet homme à moitié nu ? Mystère. De toute façon, il y avait une cape qui cachait.

Pour une fois, les hommes d’armes le saluèrent sans se tromper, sans hésiter, sans qu’il y ait la moindre indécision dans leurs manières. Prestenent était presque outré de se dire qu’il était plus important d’être vêtu de rouge pour qu’on comprenne qu’on est noble que de simplement se promener avec un bouclier. Un chevalier pouvait bien être pauvre non ? Il n’y avait aucun mal, et même bien de la vertu à cela. Même avec des haillons crasseux, un équipement boueux et abimé, et un faible équipage ; un chevalier restait un chevalier parbleu. Il sentait presque que le premier malandrin venu, bien rasé, de rouge vêtu et avec un cheval et une armure rutilante pourrait se faire passer pour noble.

Enfin, l’accueil était tout de même agréable. Après s’être assuré qu’on prendrait bien soin de son cheval, Prestenent se risqua avec une timidité qui collait bien peu à son nouvel accoutrement, jusque dans la tour, dans ses couloirs, ses salles… Prestenent ne se surprenait plus en voyant comme une bâtisse en bon état pouvait être impressionnante. Seul un œil aussi naïf que le sien pouvait s’émerveiller comme il le faisait devant les prodiges les plus basiques de l’architecture. Il ne pouvait pas lever les yeux sur un mur sans se figurer les dizaines d’ouvriers nécessaires à faire de ce tas de pierres quelque chose, comme s’ils avaient été là la veille encore.

Sa rêverie, si rêverie il y avait, connut une brusque fin quand une porte s’ouvrit. Prestenent se ressaisit, rappela à sa mémoire sa connaissance aiguë de l’étiquette, tâta subrepticement sa cape pour s’assurer qu’elle ne le gênerait pas. Presque par politesse, il renonça presque à écouter ce qui se disait avant son arrivée. Il eut simplement un mouvement des sourcils quand le garde prononça le mot "b’lier" (voulait-il dire tablier ? Mais Prestenent n’avait pas de tablier !)

Son cœur se serra au moment où il vit des personnes sortir de la salle. Comme un coup de vent, le souvenir des coups qu'il avait reçu à Bois-Giron lui revinrent de manière intempestive. Il s'efforça de les chasser, ces brûlures des coups de hampe, ce bourdonnement du coup de poing sur le crâne qu'on lui avait donné. Non, tout cela n'avait rien à faire à encombrer sa pensée dans cet instant. Rien de tout cela ne se reproduirait, et il n'était pas nécessaire qu'il lève une main pour tâter son crâne et vérifier si il avait reçu un coup ou allait en recevoir un. Mais insidieusement, de la plus vile manière qui soit, une inquiétude infâme, une paranoïa plus perverse que la plus infâme des superstitions, commençait à s'insinuer comme un goudron dans les sillons de son esprit, obscurcissant sa vision.
Il s'éclaircit accidentellement la gorge. Il ne l'avait pas fait pour être entendu, mais comme un réflexe pour prévenir la venue de nausées. Tout allait bien. Il n'allait pas vomir.

Deux femmes apparurent, et Prestenent, pris par surprise, eut un frisson à leur vue. À Bois-Giron aussi il y avait une femme. Plusieurs même. Ce n'était pas bon signe. Jamais bon signe les femmes. Si seulement le monde avait été fait de telles sortes qu'il n'y ait pas de femmes, au moins on saurait à qui se fier.
Mais sitôt qu'une des femmes le vit, d'un mouvement plus brusque qu'il l'eut voulu, Prestenent détourna la tête pour ne plus les voir, bloquant avec une force à se faire mal aux orbites ses deux globes oculaires rivés sinon rivetés sur autre chose, et en l'occurence, cet autre chose fut un homme.

Mais est-ce que la femme continuait de le regarder ? Il ne pouvait pas tourner les yeux pour vérifier. Est-ce qu'elle avait remarqué la façon dont il l'évitait du regard ou est-ce qu'il avait été suffisamment naturel ? Il ne saurait pas à moins de la regarder. Il ne pouvait pas. Qu'est-ce qui pouvait bien la pousser à le regarder comme elle l'avait fait ? Quel intérêt pouvait elle y voir ? Ne pouvait elle pas partir, s'éclipser, ne pas se faire voir, ne pas faire savoir à Prestenent qu'elle existait ? Palsambleu, que c'était gênant.

Prestenent préféra ne pas faire durer trop longtemps le léger flottement, il salua rapidement le chevalier qu'il identifiait à son Tabard comme étant sans nul doute sire Evrard.

"Baron Evrard je présume ? Le cheminement dans votre cité n'a pas posé de peines particulières, je vous rassure, mais ce n'est pas pour autant que mon périple aura été de tout repos. Votre ville et votre personne sont pour moi un phare salvateur, pour ainsi dire."

Un léger silence. Prestenent s'attendait à savoir si le seigneur allait lui accorder une audience privée ou avait d'autres occupations à régler, mais à la place, une voix de femme vint depuis l'extérieur du champs de vision du chevalier. Prestenent fit comme si cette voix n'existait pas. De toute façon, que disait-elle ? Si il priait ? Quelle question étrange dans le contexte. Prestenent ne répondit pas. En revanche à l'invitation du sire Evrard, il répondit poliment:

"J'accepte avec joie votre hospitalité. Cela me fournira l'occasion de vous entretenir de choses importantes."


Toujours pas de mouvement de tête, pas un regard vers les deux femelles qui devaient le regarder. Il sentait la peanteur absurde de leur présence et peut-être de leurs regards, et ses yeux commençaient à le faire souffrir. Avait-il oublié de cligner des yeux ? Cela arrivait parfois, comme quand on retient sa respiration sans s'en apercevoir lord d'un effort. Mais il restait toujours concentré sur un point de manière que les femmes soient hors de son champs de vision, qu'elles ne puissent pas voir qu'il était indisposé. Encore un effort, encore un effort, le baron allait peut-être les congédier.

Enfin, dans une salvation qui aurait pourtant dû être encore plus embarassante, une scène que Prestenent ne chercha là encore pas réellement à comprendre poussa le baron à congédier les deux femmes. Prestenent dut retenir un soupir de soulagement. Il ne devait pas donner l'air de se mêler d'une affaire domestique, d'autant que sa propre affaire relevait tout de même d'une certaine importance.

Enfin, ils étaient seuls. prestenent prit place sur le fauteuil qu'on lui désignait en faisant bien attention à sa cape. Il admirait les entailles qui parcouraient celle de son hôte, et espérait pouvoir en récolter lui même de telles. Cela conférait une telle allure.

À la question du baron, Prestenent répondit distraitement:

"J'ai bien un frère, mais il est hélas handicapé. Une bien terrible peine, mais il y survit et s'adapte. Et après tout, s'il est celui qui est le moins indisposé, pourquoi se faire de la peine à sa place ?"

En vérité, Prestenent avait toujours eu un léger mépris pour son petit frère, comme tous les grands frères sans doute, mais surtout parce que Halion avait toujours été le seul à ne pas vouloir le voir partir pour devenir un vrai chevalier. Baste, ce n'était pas l'affaire qui l'amenait ici.

"Messire, je vous avouerais que ma visite ici, bien que ce soit toujours un immense plaisir de faire la rencontre d'un noble seigneur, est motivée par une nécessité à laquelle je ne peux rien. Mon histoire est compliqée à expliquer, aussi j'implore votre patience.
En premier lieu, connaissez vous Bois-Giron ? Je ne connais pas assez bien la région pour vous dire exactement où se situe cette ville, toujours est-il que j'y ai été à un moment où s'est produit un cataclysme que j'ai du mal à comprendre encore, mais qui, d'après ce que j'ai compris, risque de se reproduire ici.
Pour vous resituer, je suis un chevalier errant. Je n'ai rien fait qui soit digne d'intérêt avant mon arrivée à Bois-Giron et cette nuit fatidique. Il y a seulement que j'ai rencontré sur le chemin de la ville des hommes assez étranges qui m'ont mis en garde contre les “marche sans pied“. Je n'ai pas compris sur le moment. Mais après une nuit à Bois-Giron, à mon réveil, la ville entière était... morte ? Pour être honnête, je n'ai pas tout vu, je ne sais pas ce qui s'est passé. Lors de mon réveil, un homme m'a aidé à sortir de la ville. La population avait disparu dans un brouillard surnaturel où des yeux indescriptibles et des silhouettes torves nous guettaient. Il y avait à n'en pas douter quelque vilaine sorcellerie à l'œuvre. J'ai fini par voir de quoi il s'agissait... du moins physiquement. Moi et mon compagnon d'infortune avons été attaqués par une meute de créatures qu'il est difficile de décrire autrement qu'en disant qu'elles n'avaient rien d'humaines. Les “miséreux“ comme on me l'a dit plus tard. J'ignore si ce nom vous évoque quoi que ce soit. Il m'a semblé que nous étions face à un essaim d'insectes plus grands que nous. J'ai alors été plus que sévèrement blessé, et j'ai bien crû que j'allais mourir. En fait, je me suis même effondré inconscient au terme du combat, blessé de toutes parts et submergé. Par chance, celui qui m'accompagnait alors m'a tiré d'affaire, je ne sais comment, et j'ai repris conscience non loin de votre ville."


Un frémissement parcourut l'escargot qui servait de cerveau à Prestenent, mais pas le chevalier lui même. Un doute faisait tressaillir la part intelligente de sa personnalité, mais lui même n'en avait même pas, ou même plus conscience. Pour lui, le charisme du baron, ou en tout cas sa simple valeur de chevalier, le lui faisait voir sous le jour d'un homme de confiance. Surtout, Prestenent ne comprenait pas les précautions roublardes de Marcus, marcus, et... marcus. Pourquoi cherchaient-ils à être discrets ? Pourquoi faisaient-ils des choses aussi étranges quand ils prétendaient vouloir venir en aide aux gens ? Y avait-il une bonne raison pour que l'on cache quelque vérité à leur sujet ? De toute manière comment auraient-ils fait si Prestenent ne les avait pas accompagné à Ponte-Vileau ?
Et puis de toute façon, premièrement ils avaient rien dit, et surtout s'ils avaient la moindre jugeote ils savaient pertinemment que Prestenent était incapable de mentir et ne cacherait jamais aucune vérité pour eux.

"J'ai été sauvé par un groupe d'hommes qui avaient l'air de bien mieux comprendre la situation que moi. Ils avaient prévu ce qui s'était passé à Bois-Giron, ce qui leur a permis d'agir à temps pour me tirer de ce guêpier. Ils m'ont expliqué que ces créatures étaient ce qu'ils appellent les “miséreux“, et que leurs agissements dépendaient beaucoup des lunes. Ils ont annoncés que les mouvements récents des lunes leur faisaient prévoir une nouvelle attaque dans la région, et ont insisté pour que je cours vous en prévenir, ce que j'ai fait sans surseoir, ayant vu de quoi ces choses étaient capables. Certes, Bois-Giron était autrement moins grande et moins bien défendue que votre cité, mais un danger encore nébuleux risque de s'approcher de vos terres, et il faut que vous soyez au courant.

Prestenent reprit calmement son souffle. Le baron allait-il le croire ? Lui même en s'entendant avait du mal à se croire, mais il fallait bien. Il était sûr de ce qu'il avait vu. Il en était bien certain n'est-ce pas ?
L'était-il ?

Il se rappela alors d'un détail qu'il avait oublié, et il se reprit immédiatement.

"Au fait, j'ai passé bien des détails de cette nuit terrible à Bois-Giron, mais je me souviens bien d'une chose étrange que j'ai pu observer. Une... non, c'est difficile à décrire. Une sorte de regard muté qui glaçait le sang, j'entends en un sens presque littéral. En le voyant je me suis trouvé incapable de bouger, par une vile magie. Si on ne m'avait pas tiré hors de la portée de cette magie, je ne serais sans doute jamais revenu. Il a été impossible pour moi de même savoir de quoi il s'agissait, mais il me tarde de refaire la rencontre de cette abomination pour lui faire tâter de mon épée. Pareille chose ne devrait pas exister, et j'espère pouvoir en débarasser la Bretonnie. D'autant que dans cette affaire, j'ai perdu un compagnon. Sieur Ancelin d'Essart, un chevalier errant avec lequel je voyageais, et qui a totalement disparu lors de cette nuit à Bois-Giron, et j'ignore totalement ce qu'il est advenu de lui."
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[MJ] Le Faussaire
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Re: [Prestenent d'Affreloi] La mer à boire

Message par [MJ] Le Faussaire »

Test de CHA : 13.
Test d'INT : 13.

Une fois qu'il eut clôturé son récit, le baron ne fit aucun mouvement, ni même un signe de la tête pour acquiescer ou réfuter son propos. Sire Evrard n'avait pour ainsi dire pas bougé d'un pas depuis qu'il avait pris position devant la baie vitrée et légèrement vitreuse de la grand-salle. Il n'avait pas même hoché la tête lorsque le sieur d'Affreloi avait répondu à ses premières questions, ou lui avait retourné ses politesses. Enfin, après un certain temps de contemplation, il soupira, les bras croisés contre son dos.

- " Ainsi en serait-il de Bois-Giron..."

Il pivota d'un glissement de pied, faisant entièrement face à Prestenent. Les rares ombres portées qu'amenait le crépuscule lui sculptaient une face sérieuse, froide et austère, tel un maître d'école prêt à frapper ses mauvais élèves.

- " Avez-vous vu le ciel lors de cet incident ? Qu'avez-vous entendu ? Y avait-il du vent, de la pluie ? "

Il prononça trois autres questions, qu'il balaya directement d'une main sans laisser le moindre temps de réponse, comme si cela suffisait à les envoyer aux oubliettes. Il leva un regard curieux envers Prestenent, avant de rétorquer succinctement :

- " Jamais entendu parler d'Essart. Venez, levez-vous. Regardez."

Il tendit une main gantée, et recula d'un pas en longeant la baie. Une fois à proximité, il présenta celle-ci, paume vers le ciel, balayant le paysage tout entier.

- "Voilà ce qui borde cette contrée. L'Océan. À votre faciès, je devine que vous n'avez jamais navigué, alors laissez-moi vous expliquer."

Il se racla la gorge doucement, avant de répliquer :

- "Il s'agit d'une étendue d'eau, plus grande que tout ce que vous pouvez imaginer, et plus vivante que le plus grouillant des viviers. C'est un terrain qui n'a que faire des lois des hommes, et rares sont ceux qui peuvent s'y accoutumer. Comprenez que c'est cela qui borde toute la baronnie, tout le duché, pratiquement tout le royaume où vous êtes né, mais que cela n'est ni votre foyer, ni votre ami, ni votre opposé. L'Océan n'a qu'un seul maître, mais il n'est pas votre frère ou votre allié. C'est un patron remarquable, qui donne poissons au pêcheur, force et courage au plus brave, qui n'oublie rien et sait tout ce qu'il se passe sur son territoire. Mais Manaan n'est pas homme. Il est plus que cela. Toute la mer est son église, et la lune est son clocher.

Comprenez que si je vous dis cela, c'est parce que j'imagine que vous avez rencontré certaines choses que l'on vous a présentées comme les << miséreux >>."


Il marqua une pause, rangea ses mains derrière lui, les serrant comme auparavant.

- "Prenez le royaume de Bretonnie. Selon nos lois, le royaume appartient au Roy, et vous comme moi devez suivre les ordres du Roy. Ainsi, selon ses lois, l'Océan appartient à Manaan, maître des eaux et des marées. De même, vous n'êtes pas sans savoir l'affront de Mousillon..."

Il claqua des doigts soudainement, et malgré ses gants de cuir, le bruit résonna jusqu'au plafond de pierre lissée.

- "... Eh bien, sachez que l'Océan recèle d'individus de la même trempe. Des vauriens, des criminels, rejetons malveillants qui ne cherchent qu'à chavirer et souiller tout ce qu'ils touchent. Si vous dites vrai, ce que l'on vous a nommé comme <<miséreux >> sont des gens de cette trempe."

Il claqua à nouveau des doigts, et une porte s'ouvrit en grand quelque part autour d'eux. Deux serfs en livrée bleue s'avancèrent avec un grand plateau de bois sculpté, couvert d'une sorte de linge épais et bombé à la manière d'une coupe ou d'une cloche. Une fois qu'ils eurent posé leur fardeau, ils s'inclinèrent devant le baron et repartirent aussitôt.

- "Mangez. Buvez ce qu'il vous plaira. N'espérez pas vous coucher tôt ce soir, alors ne vous retenez pas par politesse. Mais d'abord, pourriez vous me dire votre nom ?"

Il prit le fauteuil où Prestenent s'était assis, et le ramena lui-même jusqu'à la table. Cependant, le baron garda ses mains vissées sur le dossier de bois, comme s'il était dans l'expectative de quelque chose, ou dans une soudaine réflexion. Il souriait désormais, d'un rictus anguleux qui ne laissait entrevoir que plus de plis sur le visage. Il reprit la parole en se massant la joue gauche :

- " Vous êtes venus à cheval, je présume ? Je comprends que d'Essart ne soit plus de votre entourage, mais qu'en est-il des autres compagnons que vous avez cité ?"

Une fois qu'il eut répondu à ses questions, Evrard reprit plus calmement.

- "Comprenez que vous repartirez ce soir, et qu'ils n'étaient en effet pas les plus sots de leur bordage. J'espère me tromper, et puisque vous êtes là, vous allez pouvoir le prouver. Il y a une personne qui pourrait vous en dire plus, un homme capable et fiable de pensée. Son nom est Gustave, celui que j'ai nommé auparavant devant vous. Il me faut son avis sur ce que vous venez de me dire - en admettant bien sûr qu'il ne se soit pas trop éloigné. C'est un homme de mer, il sera sans doute au bord d'un récif ou d'un rivage ensablé. Mes gardes pourront vous orienter si jamais vous faiblissez. Néanmoins, ne m'obligez pas à me répéter. Vous partez seul. Ne revenez que si vous le trouvez. Ramenez-le quoi qu'il en soit."

Il relâcha enfin sa prise sur le dossier en chêne, redressant ses doigts de cuir crispé. Sa mâchoire se durcit soudainement, et il lâcha sèchement :

- "Si vous êtes suffisamment alerte ou téméraire, alors peut-être pourrons-nous remédier à votre accoutrement. Vous n'êtes plus au bal désormais."

Ainsi, il ne restait plus qu'à Prestenent de se rassasier tout en continuant la discussion avec le Baron Evrard. Ensuite s'annoncerait la nuit sur la côte, et peut-être d'autre mets à déguster. De fait, le plat désormais révélé avait l'air tout à fait appétissant : Au centre de ce dernier, cerné par toute une farandole d'herbes, d'aromates, de fruits ou de coquilles colorées, il y avait un long poisson, encore tout couvert de chair et d'écailles luisantes. De la tête aux pointes de nageoire, l'animal semblait vibrer au rythme de la vapeur qu'il dégageait, et l'on voyait de ci de là des gouttes de graisse et d'arômes qui se glissaient entre les mailles, révélant une chair ferme et délicate.

Étrangement, la tête de la bête apparut comme un visage familier du chevalier, bien que de mémoire, il n'eut jamais l'envie ou l'occasion d'être accompagné par un tel carnassier. Bah, cela n'était qu'une simple coïncidence, une parmi toutes celles qu'il avait déjà rencontré.
A défaut de mieux, voici l'aspect du poisson que tu va déguster, lorsqu'il était encore vivace et submergé : Image
<< Bah alors, qu'est-ce que tu cherches mon gars ? L'or, les femmes, le pouvoir ?
J'ai tout et plus encore dans ma baraque, viens jeter un œil !
Oh non, ce n'est pas loin, c'est au coin de la rue là-bas.
Mais attends, t'as les moyens j'espère ?

...

Oh, tu sais, on peut toujours s'arranger... >>

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Prestenent d'Affreloi
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Re: [Prestenent d'Affreloi] La mer à boire

Message par Prestenent d'Affreloi »

Prestenent fut plutôt perturbé par le calme du baron. Pas un sourcillement, pas un mouvement de réponse. Prestenent se serait attendu à des réactions troublées, de l'anxiété, même du doute, pourquoi pas même un gros rire sarcastique s'il ne croyait rien de cette histoire. Sire Evrard savait-il tout cela ? Était il déjà au courant ? Combien de temps au juste Prestenent était-il resté inconscient si cet homme savait déjà ce qui était arrivé à Bois-Giron ?

Puis la question du baron le heurta. Elle était beaucoup trop spécifique. Décidément, sire Evrard savait des choses que Prestenent ne savait pas, et curieusement, au lieu de le rassurer, cela inquiéta d'autant plus le jeune Moussillonnais. Il avait espéré trouver un chevalier auquel il puisse s'identifier, quelqu'un qui comme lui ne trempait pas dans toutes ces histoires nébuleuses, mais à la place il avait devant lui un autre des acteurs de cette sombre affaire, quelqu'un qui savait et qui ne lui disait pas tout. Encore un.
Prestenent essaya de ne pas impatienter son interlocuteur en répondant rapidement à la question, même s'il était encore plus troublé qu'en entrant ici.

"Je ne sais pas exactement... Il y avait énorméménet de brouillard, et je crois dans mes souvenirs que tout était enfumé. Mais au sortir de la ville je me souviens que nous pouvions voir briller les lunes."

Visiblement, Evrard était impatient, ou pressé par quelque chose. Difficile de savoir ce qui se passait dans son esprit. Il enchaina des questions dont il ne voulait pas les réponses, laissant Prestenent confus. Le jeune chevalier ne savait plus quelle réaction était attendue de lui alors il décida d'être aussi impassible que permis à tout ce que lui dirait Evrard. Aussi s'efforça-t-il de rester impassible mais attentif pendant qu'on lui faisait un exposé sur ce qu'était l'océan.
Il avait déjà entendu le mot, mais le concept lui semblait assez étonnant. Il essayait de se figurer quelle taille exactement pouvait bien avoir l'océan. La taille de la Bretonnie entière en surface d'eau peut-être ? Mais quelles sortes de choses pouvaient arriver sur de l'eau ? Il n'y avait pas de champs, pas de châteaux, pas de montagne. Une telle chose ne pouvait pas être un royaume, ou alors un royaume complètement différent de ce qu'un humain normal appelle un royaume.

Il y eut tout de même un détail que Prestenent nota et grava fermement dans sa mémoire. Ces miséreux, il avait parlé d'eux comme des "individus", des "gens". Ces choses, ces insectes nébuleux, affreusement amorphes et hideux, c'étaient des personnes ? Dans quel sens ? Et si il s'agissait d'êtres humains affreusement mutés ? Prestenent n'osa pas poser la question.

Quand le repas arriva, Prestenent fut trop impressionné par la forme pour trouver le fond appétissant. Commander ses laquais en claquant des doigts était déjà quelque chose d'impressionnant, mais ce qui le constituait était d'autant plus impressionnant.

Aux questions du Baron, Prestenent répondit avec honnêteté, peut-être trop d'honnêteté comme à son habitude.

"Ai-je oublié de me présenter ? Je m'en excuse. Je suis Prestenent d'Affreloi. Pour ce qui est des gens qui 'mont accompagnés, deux d'entre eux m'ont accompagné. Je crois qu'ils s'appellent Paul et Baudre. Enfin, je les ai laissé à l'auberge avant de venir ici, puisque leur présence ici n'aurait pas été utile."

Il n'estimait pas mentir en disant que ses compagnons de route s'appelaient Paul et Baudre, puisqu'il croyait plutôt que Marcus était leur faux nom. Du reste, il ne voyait pas l'utilité de s'épancher plus sur ces deux personnages.

Une fois attablé, Prestenent dut se forcer à manger, puisqu'on le lui conseillait. Mais c'est que cet animal écailleux au visage de hyène galeuse n'était pas très appétissant. Trop dur et anguleux dans la forme, ce qui ne s'accordait pas beaucoup avec la consistance de sa chair. Prestenent se voyait mal enfoncer ses couverts dans quelque chose qui avait l'air couvert de mailles, et plein de petits os transparents et durs en plus. On lui avait bien entendu appris comment se tenir à table et comment manger de tous les aliments possibles correctement, mais ce poisson particulier avait des airs sabre tranchant et pointu. Plus le genre d'arme que l'on appose sur un blason que dans une assiette.

Prestenent écouta sans broncher les instructions qu'on lui donnait. Il ne comprenait pas très bien, mais le baron avait dit "ne me faites pas répéter" alors il n'osa pas demander des éclaircissements. Au commentaire sur sa tenue, Prestenent se contenta de hocher vaguement la tête. Il se doutait bien que le marchand lui avait donné une tenue bizarre, mais ça n'empêchait pas que la remarque était des plus méprisantes. La colère ne gagna pas Prestenent cette fois, mais plutôt une forme d'anxiété. Ce baron Evrard lui faisait une drôle d'impression, il l'inquiétait.

Durant tout le repas, Prestenent demeura plutôt silencieux, répondant aux questions du baron, mais n'en posant aucune autre.
Comme s'il était possible de faire une telle chose avec ses yeux seuls, il jaugeait sire Evrard en essayant de cerner quel genre d'homme il était. Le jeune Moussillonnais avait l'impression de remarquer des éléments récurrents chez la noblesse de Bordeleau. Jusque là, ils lui donnaient l'impression de gens stricts, droits comme des militaires, brutaux de façon presque civilisé. On lui offrait le repas, mais avec ce qui ressemblait presque à des menaces sous jacentes. Jusque là, seul Ancelin d'Essart lui avait semblé un chevalier décontracté et buvant allègrement du vin, comme ce qu'on lui avait raconté des chevaliers de Bordeleau; mais ironiquement lui venait de Bastogne.

Ici, Prestenent ne se sentait pas dans un lieu accueillant. De la même façon qu'à Bois Giron le marquis lui avait offert un repas avant de lui flanquer un coup de poing sur la tête, ici on lui donnait des ordres d'un ton menaçant puis on lui offrait un repas avant de l'insulter sur sa tenue. Prestenent ne voulait pas commettre un impair ou sembler antipathique, mais il était malgré lui tendu, aux aguets, et mangeait prudemment en guettant son hôte du coin de l'œil.
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[MJ] Le Faussaire
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Re: [Prestenent d'Affreloi] La mer à boire

Message par [MJ] Le Faussaire »

Durant le reste du repas, il y eut un silence gêné entre les deux chevaliers. Sire Evrard avait fini ses explications primaires, aussi se contenta-t-il d'attendre et d'observer par la baie vitrée. Il jetait de temps à autre un regard vers les tapisseries, le plafond, s'approchait d'un chandelier, sans vraiment toucher ou commenter quoi que ce soit. C'était assez étrange comme situation, presque comique ou glauque, selon votre point de vue. Les deux individus étaient issus de famille noble, avait tous deux reçus des enseignements quant à la chevalerie, l'hospitalité et tout un tas d'autre sujets dignes, mais ni l'un ni l'autre ne relança la conversation. Quand le moussillonais estima qu'il avait assez mangé, le baron remit lui-même le linge par-dessus les victuailles.

- "Eh bien... Je ne vais pas vous retenir..."

Il pivota, de nouveau les bras dans le dos.

- "Je préviendrai les gardes avant votre retour. Vous ne devriez pas avoir d'ennuis au sein ni aux abords de la cité."

Et Prestenent fut parti. Les pas résonnaient doucement dans les couloirs, et très vite, il fut de nouveau à l'extérieur, devant l'enceinte secondaire où il avait laissé son cheval. À son arrivée, on l'avait amené près d'un large appentis de bois, et jusqu'à présent, la bête n'avait point bougé. Elle ne réagit même pas à l'arrivée de son cavalier, tant elle était occupée, la tête dans le fourrage qu'on lui avait attribué.

Par chance, on avait juste détaché la selle et le harnais, sans les enlever ou les ranger Dame-sait-oû. Il ne fallut donc que quelques minutes à Prestenent pour remettre en ordre sa monture, à l'enjamber et à se placer correctement sur son séant - ce qui prenait encore moins de temps que la normale, vu sa physionomie et son poids. Désormais en selle, il ne manquait plus qu'une direction, une marche à suivre.
Décision du joueur : Je vais pas perdre mon temps à faire un détour par l'auberge, je demande au garde le plus proche si il sait où est Gustave puis je prends mon cheval et j'y vais.

Test en conséquence, à +2, pour se renseigner : 18, raté. Le premier garde venu ne fut pas le bon, visiblement.

Le premier garde venu fut d'une aide assez médiocre, puisqu'il ne put indiquer autre chose que "J'ai pas vu Gustave d'puis hier môtin, c'est Bernier qu'l'a vu en dernier". Cependant, ledit Bernier était un sujet bien plus abordable pour l'homme d'armes, puisqu'il l'indiqua comme tel :

- "L'est à la porte l'Bernier, c't'un grand marron tout fin qui sifflote tout l'temps, m'sire. L'est vêtu comme moi t'façon, l'a pas l'choix, heh !"

Ainsi renseigné, le périple urbain pouvait commencer. Exactement lors de sa déambulation précédente, les rues de la ville étaient pour le moins désertes. Néanmoins, cette fois, les différentes structures et bâtiments s'étaient pratiquement tous illuminés, surtout ceux oû l'on devinait des enseignes de bois, des tonneaux devant les portes, ou des volets de bois accrochés aux vitres. De ces bâtiments boisés et lumineux, on entendait des rires, des cris, des chahuts de tout bord, si bien qu'aux abords d'un d'entre eux, le chevalier perçut un choeur qui reprenait de vive voix :

- "D'Acitte on a du brand-ey,
De Marien-crique le rhum,
Bon pour l'cabinets,
L'Tiléen à la tonne !
Mais l'plus bon d'tous 'de-bleu,
Cui qui rince bas-vot' gourdin,
Qu'est fait d'vent d'halieu,
De bon vin bord-euuuuh-lin !

Aaaaah, suis-moi bon gars,
Qu'c'est pas du grog ou d'la bière,
Rien qu'un gorgée qu'tuuu-vas t'foutre à l'air,
Cinq bons corsés, tu vas voir tout qui bouge,
Viens donc la marée...
La marée d'Joooli Rouge !

Aaaah, suis moi..."


Visiblement, tout le monde s'était réfugié de la pluie à l'intérieur de ces auberges et autres lieux de beuveries, oubliant parfois d'attacher leurs montures et autres créatures équestres qu'ils possédaient. Oui, il pleuvait désormais. Rien de bien terrifiant, ni de quoi attraper la mort, mais tout de même un petit crachin qui gênait la vue ou qui lissait les silhouettes environnantes. Les nuages étaient toujours aussi morcelés, virant à l'ocre ou au carmin, et il en serait ainsi jusqu'à ce que le crépuscule s'achève et que la véritable nuit s'installe.
Test de CHA, à +2 : 5, réussi avec brio.
La musique / chanson, pour le rythme et l'ambiance

Choix du joueur :

- "Sauriez vous me dire où se trouve le dénommé Gustave ? Le baron m'a ordonné de le retrouver. Aussi, ce Gustave, quel genre de personne est-il, j'entends à quoi ressemble-t-il, que je puisse le reconnaitre quand je le verrais."

Une fois à la porte et aux abords du grand pont de pierre, trouver le dénommé Bernier fut d'une facilité enfantine, puisque l'on entendait un sifflement jovial dès que l'on s'approchait de la muraille extérieure. Lorsqu'il fut interrogé à propos de ce Gustave, le garde-musicien répondit sans attendre :

- "L'bon Gustave ? Eh beh... L'est-ra parti vers lô route du cap, m'sire. Ce s'ra celle qui filera vers l'Nord, là-bas. L'est-ra parti à pied avec son sac, comme d'hab. Mais y r'viendra bien, vous en faites pas. C'est un gars d'Manass, m'sire, tout en gris-bleu, sauf ses ch'veux. L'a-ra tout un tas d'babioles et d'froques avec lui, comme les gars du port. Y me s'ra d'avis qu'il sera rincé à c't'heure, soit par lô mer, soit par lô vin !"

Peu mécontent de sa tirade, Bernier en profita pour se rincer le gosier avec sa gourde, écrasant celle-ci avec l'autre main. Puis il reprit son poste, sa lance et sa petite mélodie sifflante.
Si tu as d'autres questions à lui poser, n'hésite pas à me les demander en Mp pour les rajouter dans ton post


***



Test d'INT : résultat caché.
Test d'END : 7, réussi. Tu te sens mieux, tu n'es plus si barbouillé.

Qui dit changement de lieu, dit changement d'ambiance

Voilà bien quelques heures que Prestenent trottait dans la nuit, oscillant au gré du vent et des embruns. La nuit était calme de prime abord, puisque l'on ne voyait rien d'autre à l'horizon que la houle et les nuages lointains. La berge, s'il y en avait une, était assez pudique en ces lieux escarpés, puisque imperceptible à moins de s'approcher du bord de la falaise. De fait, il n'y avait rien d'autre à remarquer que ces falaises. Le terrain était à peine vallonné, intégralement couvert d'herbes et rochers huileux, mais il n'y avait aucun mur ni barrière naturelle, rien qui ne pouvait ou pourrait vous empêcher une descente soudaine et irrémédiablement fatidique. Le chemin, enfin la route, était un simple tracé, une minuscule tranchée de terre sablonneuse et claire qui se déroulait silencieusement entre les mottes grasses et le précipice marin.

Autour du chevalier, tout n'était plus qu'ombres, nuages et bruine. Oui, pour sûr qu'il y en avait, des ombres en cette nuit. La timide lune brune s'était voilée dès son lever, ne montrant qu'un infime trait incurvé pour éclairer le ciel et le sol. Ainsi, il fallait garder au moins un œil ouvert, et les mains bien ancrées sur les rênes si l'on ne voulait pas se perdre en chemin - au propre comme au figuré.

Au fur et à mesure que le temps avançait, la civilisation semblait s'éloigner à grands pas, tandis que le vent forçait, s'enhardissait, pour cracher encore et encore ses embruns amers et salés. Fort heureusement, la pluie ne s'accentuait pas, mais plus il s'éloignait de la ville, plus les ombres semblaient se parer d'audace, de verve et de courage mesquin. Là, était-ce une motte de terre, ou une bête touffue lovée sur son rocher ? Ici, serait-ce un autre récif, ou une dent d'un gigantesque carnassier ? Plus il y regardait, plus le relief semblait s'agiter. S'agiter...

Un peu comme cette autre nuit. Cette nuit si lointaine, et pourtant débordante de vivacité. Cette nuit où l'ombre s'était durcie, montrant ses crocs et ses pattes chitineuses de tous les côtés. Cette nuit où il avait tranché, paré, encaissé les impacts lourds et répétés. Cette nuit qu'il avait vécue, mais qu'il n'avait jamais terminée.

Ou peut-être était-ce une autre nuit, un autre de ces rêves si acérés. Une nuit pleine d'images, de sons grondants, d'appels à l'aide à jamais étouffés. Oui, ce pouvait être une de ces nuits, tant la démarche des nuages et des ombres semblait si molle, si fatiguée.

Soudain, le terrain s'affaissa, et le vent s'accentua plus encore. Après avoir franchi cette poche décoiffante, le chemin se divisait en deux. L'un remontait la pente, tandis que l'autre descendait en continu, contre la paroi de calcaire. L'air se fit calme, et le cheval broussa une fois.

Qu'en était-il de cet appentis alors ? Était-ce un piège, ou un parcours plus abrité ?
Et ce bruissement, était-il un songe, ou des pas irréguliers ?

Et cette lueur en contrebas, l'avait-il rêvé ? Était-ce un leurre, ou un brasier synonyme d'hospitalité ?
<< Bah alors, qu'est-ce que tu cherches mon gars ? L'or, les femmes, le pouvoir ?
J'ai tout et plus encore dans ma baraque, viens jeter un œil !
Oh non, ce n'est pas loin, c'est au coin de la rue là-bas.
Mais attends, t'as les moyens j'espère ?

...

Oh, tu sais, on peut toujours s'arranger... >>

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Prestenent d'Affreloi
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Re: [Prestenent d'Affreloi] La mer à boire

Message par Prestenent d'Affreloi »

Pour la première fois de sa courte vie, Prestenent avait véritablement une mission à accomplir. C'était un grand pas, une étape primordiale dans ce qui ferait de lui un chevalier errant digne de chansons. Cependant, cette première "mission" lui paraissait déjà avoir un arrière goût désagréable. Il n'était pas débarrassé de son impression d'avoir été mêlé à des affaires qui non seulement lui échappaient, mais qui en plus se seraient bien passées qu'une personne comme lui y soit mêlé. Cet état de fait obscurcissait son esprit et son faciès, le taraudant au point qu'il accomplit machinalement tous les gestes qui suivaient sa sortie de la tour. Distrait par son malaise, il était presque absent quand il reprit son cheval et se remit en route, puis demanda son chemin à un garde.

Prestenent traversa les rues sans entendre les chansons, son être devenant impénétrable face à cette ambiance de joyeux marins. Son esprit étroit ne pouvait pas en même temps apprécier ce qui l'entourait et se torturer avec les enjeux de sa mission. Des monstres allaient peut-être bientôt débarquer et faire un massacre, et la première mission qu'on lui confiait était de jouer les coursiers. Le baron aurait très bien pu envoyer un valet quérir son ami Gustave. Il parvint à peine à mettre en suspens ces sinistres pensées le temps d'interroger avec la courtoisie nécessaire ce troubadour de Bernier. Ce garde sifflotant avait réussi à intriguer Prestenent, et à l'inquiétéer encore plus. Il ne semblait pas à proprement parler se parer à l'arrivée de monstres marins ; mais ces affaires là étaient celles du baron, et Prestenent devait pour l'heure ramener ce "Gustave", qui à la description qu'on en faisait n'était pas sans rappeler les voyageurs en habits folkloriques que le jeune chevalier avait croisé au début de son voyage. Si c'était un homme de la mer, et un de Manass de surcroit (ce qui semblait devoir être la même chose) alors peut-être était il lié à la bande des marcus. Prestenent retint qu'il faudrait poser la question au concerné en le voyant.

En dehors de la ville, la nuit et la topographie des lieux semblaient s'allier pour rendre le trajet plus périlleux qu'il n'aurait dû l'être. Mourir en faisant une chute du haut d'une falaise, voilà qui eut été véritablement outrant, à vous faire regretter de ne pas être mort au combat. Prestenent prit la décision de mettre pied à terre, tout en gardant le cheval près de lui. Si un sabot tombait dans le vide ou glissait, il ne s'en apercevrait pas avant qu'il ne soit trop tard, mais avec ses propres pieds, il avait plus confiance pour assurer ses pas dans la pénombre, et avec ses mains pour tâtonner dans le noir ou se rattraper en cas de chute.

Le cheminement était inquiétant plus que pénible pour Prestenent. Arrivant près d'un chemin escarpé, il hésita. Il songea à appeler le nom de Gustave de vive voix, mais se ravisa violemment, une pensée viscérale l'ayant coupé. Cette pensée sur laquelle il ne voulait pas mettre de nom venait en même temps qu'une bouffée de souvenirs inquiétants. Les créatures pouvaient être là, tapies dans l'ombre, prêtes à réagir à sa voix. Mais qu'avait-il ? Avait-il peur ?
Non, cela n'était pas possible. Il n'était que prudent. Il scruta la descente, cherchant une preuve que c'était par là qu'il devait aller, mais ce qu'il croyait voir ne le satisfaisait pas. Une petite lueur, peut-être. Était-ce suffisant ?

Quelle idée étrange de partir le soir se recueillir au bord de l'eau, et quelle idée encore plus saugrenue d'envoyer un nouveau venu qui ne connait pas la région ni même la mer pour aller chercher quelqu'un sur la plage près des falaises par une nuit sombre dans laquelle pouvait à tout moment surgir un monstre sans pitié. On aurait voulu se débarrasser de Prestenent qu'on ne s'y serait pas mieux pris.

En tout cas, la pire option était de rester immobile ici, alors Prestenent réfléchit aussi vite que son cerveau le permettait. La conclusion d'une longue réflexion aboutit à une trouvaille qui ne surprenait personne et qui se résumait en un mot: Baste !

Et donc, Prestenent décida qu'au fond, il pouvait valoir le coup d'élever la voix. Ce choix, moins que rationnel, était surtout une manière de se prouver à lui même qu'il ne craignait rien. Que les créatures viennent, de toute manière il n'avait fait tout ça qu'avec l'espoir d'une revanche.

"Y a-t-il quelqu'un ? Gustave ! Monsieur Gustave ! Êtes vous ici ?"

S'il n'y avait pas de réponse ou de mouvement, il lui faudrait descendre par le chemin escarpé vers cette lumière qu'il croyait avoir vu, et probablement laisser le cheval ici. Après tout, les marcus laissaient leurs chevaux paître en liberté, donc ce n'était sans doute pas si grave de laisser l'animal à lui même quelques instants. En tout cas, il ne fallait pas perdre plus de temps, et à moins qu'une preuve de la présence d'une menace se fasse sentir, Prestenent comptait bien continuer d'appeler tout en se déplaçant jusqu'à avoir une réponse, tant-pis s'il dérangeait la méditation d'un "homme de Manass".
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[MJ] Le Faussaire
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Re: [Prestenent d'Affreloi] La mer à boire

Message par [MJ] Le Faussaire »

Désormais pied à terre et seul dans la pente descendante, l'obscurité enveloppait de plus en plus le chevalier. Les ombres et le vent s'étaient alliés pour lui jouer un tour semblait-il, tant la température et le relief changeaient à chaque instant. Le pas lent et assuré, voilà que la pente s'allonge encore et encore, se déroulant devant ses yeux comme un étrange tapis terreux d'herbes noires, collé à une paroi tout aussi rude et craquelée. Au loin, en bas, la lueur était encore visible, et à chaque appel, il avait l'impression de la voir osciller. C'est qu'elle était haute cette falaise, et basse, cette lueur... Si l'on eut été à la pleine lune, peut-être qu'il ne l'aurait jamais remarquée. En effet, le ciel était couvert, et la lune de même, ne laissant qu'une parcelle de champ de vision à tous les êtres humains de ce Duché.

Une bosse soudaine dans le dénivelé souleva une question étrange, qui surgit aux yeux tel un frelon dans un prunier : le sol, venait-il de bouger ? La question resta en suspens quelques instants, trouvant ou non une réponse dans les environs et la sous-pente, avant de se perdre quelque part, dans un lieu sans intérêt. Plus on y pensait, plus le terrain semblait refluer, se tordre, se mouvoir, comme s'il était possible de le modeler par la pensée. De fait, ce rocher-là semblait bien proche d'un crustacé, cette motte équivalente à un mollusque, tandis que la falaise aurait très bien pu être le palais édenté d'un immense carnassier...

Tiens, la lueur venait à nouveau d'osciller. Était-ce un feu follet, une lanterne, ou un plus grand brasier ?
test d'INT : 4, réussi.
test d'HAB : 18, raté.
test secret : 11, raté.
test d'INI : 6, réussi.

Plus il la regardait, plus la lueur semblait s'agiter. Peut-être était-ce un esprit céleste, tendu comme un pendule, qui ne pouvait rien faire d'autre que s'agiter, appelant à l'aide avec ses va-et-vient jusqu'à ce qu'un bellâtre vienne le libérer ? Ou peut-être était-ce un piège, un leurre affreux posé par un silure de mer, prêt à tout dévorer ? Désormais à mi-chemin, il pouvait à peine mieux l'observer. Ainsi, le seul moyen de savoir, c'était de s'en approcher...

Chose que le chevalier fit un peu trop littéralement, prenant ou non le terme au pied de la lettre, bien que sa deuxième botte ne trouva ni lettre ni support lorsqu'il l'avança d'un pas altier. Comprenant son erreur, il s'éprit soudainement à le retirer, mais l'équilibre se brisa. Le temps se fit soudainement long, son sang ne fit qu'un tour, cherchant un appui, un secours, une branche, un pilier... Au diable tout cela, quelque chose pour s'accrocher !

Basculant tout son poids vers l'arrière, pivotant tant bien que mal, une bourrasque vint le cueillir de front, s'engouffrant et l'écrasant de même contre la paroi. Le ciel et ses tourments... Venaient de le sauver ? Il jeta un regard au hasard, et vit son deuxième pied ancré dans la glaise, dans un trou en terre que l'eau avait rongé. Le cratère était mince, mais terriblement profond, capable d'empoigner la jambe jusqu'à mi-cuisse et de provoquer moult sueurs à n'importe quel animal diurne. Scrutant le piège, il ne vit aucune trace de subterfuge, aucune mâchoire, aucune pelle de malandrin. Décidément, le terrain lui-même avait décidé de le piéger.

Une fois remis de ses émotions, il se remit en marche, guettant le sol d'un œil, le paysage d'un autre. Il évita une bosse sableuse, sauta par-dessus un autre effondrement de chaussée, évitant au passage les irrationnelles bourrasques qui semblaient ne rien vouloir d'autre que le déstabiliser.

Maintenant en bas de la pente, il put enfin respirer. C'est que l'air était frais par ici, pur, inaltéré. Les embruns de la mer, le bruit de pas, l'odeur de musc légèrement salée... Il y avait quelque chose d'étrange dans ce parfum, et en même temps quelque chose de terriblement familier. Jetant un œil plus sûr vers la lueur, celle-ci n'avait point bougé. De fait, elle avait même eu l'audace de se dédoubler. Ses appels avaient beau s'enchaîner, s'échelonner, monter jusqu'au hurlement, aucun n'eut d'effet. Si Gustave était présent, le vent ou quelque autre subterfuge avait réussi à le bâillonner.

Désormais les pieds dans la terre et le sable, il n'avait au moins plus le risque de dévaler la pente ou de s'y rompre le cou. Tiens, voilà que la lueur avait triplé. Et voilà que ce dernier de la fratrie - en admettant que fratrie, il y ait - était plus agité que ses confrères. Sans doute était-ce cette bougeotte, cette hystérie si caractéristique des petits frères ou des petits derniers de portée. Il relança l'appel et - diantre ! - les trois lueurs s'étaient arrêtées.

Oui, c'était sûr désormais, les lueurs arrivaient à l'entendre. Ces petites flammes, si chétives qu'elles étaient, réagissaient au nom de Gustave, à la criée. Quelques pas plus tard, Prestenent put apercevoir...

Un poteau.
Une lanterne.
Une... silhouette, tremblante, voutée.

Il fit quelques pas encor, et cette fois, la silhouette se figea, pétrifiée.

- "Halte, qui-qui va là ?"

La voix était criarde, fatiguée. Une voix d'homme, à n'en point douter.

- "De-bleu, présentez-vous, a-a-allez !"

La lanterne se rapprocha de la silhouette, et à la lueur de celle-ci, Prestenent put déceler une barbe, un manteau-cape, un béret. C'était un de ces bérets à casquette dure, le genre d'objet d’apparat qui protégeait un peu le visage des intempéries sans être véritablement utile au combat ou pour travailler. La silhouette pivota, et le berêt fit de même.

- "Si vôz'êtes seul, avancez, sinon, halte !"

Le gaillard voûté se remit face au chevalier, portant son bâton-lanterne devant lui, comme pour se protéger. Le vent faiblit soudainement, laissant les flammes se redresser. Derrière elles, il y avait une hutte - non trois, ou peut-être cinq, ou plus -, deux-trois autres bâtisses, et... une gigantesque étendue d'eau, qui reflétait tout, allant d'horizon à horizon. Prestenent était donc près d'une plage, devant un homme âgé.

Serait-ce Gustave ? Peut-être un ennemi, ou bien un autre allié ?

Image
<< Bah alors, qu'est-ce que tu cherches mon gars ? L'or, les femmes, le pouvoir ?
J'ai tout et plus encore dans ma baraque, viens jeter un œil !
Oh non, ce n'est pas loin, c'est au coin de la rue là-bas.
Mais attends, t'as les moyens j'espère ?

...

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Re: [Prestenent d'Affreloi] La mer à boire

Message par Prestenent d'Affreloi »

Si les formes dans la nuit semblaient tout faire pour être menaçantes, Prestenent pour sa part devait faire abstraction de ses soupçons, oublier l'existence des crustacés géants et se concentrer sur une seule et unique chose: ne pas tomber.
Les vêtements neufs n'étaient pas là pour aider, surtout cette cape, mais au fond autant qu'ils s'abiment dans la boue et les bouffées de vent humide et salé, cela complèterait sa tenue de vrai chevalier. Il faudrait seulement penser à prendre un bain en rentrant, s'il rentrait.

Tout en appelant le nom de Gustave, il descendit péniblement cette pente, manquant de peu une terrible chute, et ceux pour ne recevoir aucune réponse sinon un jeu de lumière toujours plus troublant. Plusieurs lumières signifiait-il plusieurs personnes ? Prestenent se demanda un instant s'il n'était pas retombé sur la confrérie des marcus. Qu'à cela ne tienne, il n'avait pas d'autres indices pour trouver Gustave, et si ça faisait de la lumière ça devait être au moins un humain, en principe.
Une fois en bas, constatant qu'il ne pourrait de toute façon pas dévisager les lumières pour mieux comprendre, il se résolut d'approcher en avançant tout droit, jusqu'à ce qu'il aperçoive une silhouette. Avant que Prestenent puisse comprendre de qui ou de quoi il s'agissait, c'est l'étranger qui lui lança une question et lui ordonna de se présenter.
Prestenent se figea, mais pas plus d'une seconde. Il n'avait pas besoin de réfléchir. Levant une main en signe d'amitié et pour montrer qu'il n'avait pas l'épée au poing, il déclama assez fort pour espérer que ni le vent ni le grand âge de son homme ne l'empêche d'ouïr ces mots :

"Je suis un chevalier errant, Prestenent d'Affreloi. Le baron Evrard m'a envoyé quérir un certain Gustave, homme de la mer, ne serait-ce pas vous par hasard ?"

À la question suivante, Prestenent répondit sans ambages :

"Je suis descendu seul oui, mais pourquoi cette question ?"

Instinctivement, il lança un rapide regard vers la direction où il avait laissé son cheval, puis se reconcentrant sur la silhouette, il s'avança prudemment, pas à pas. Avant d'être trop près de l'étranger, il lança un regard autour dans le mince espace éclairé par les lanternes pour s'assurer que son interlocuteur soit seul. Puis il se maintint à une distance respectueuse de l'homme, attendant de voir s'il se présenterait enfin.

"Monsieur ? Seriez vous Gustave, ou sauriez vous où je peux le trouver ? C'est très important, et le baron m'a ordonné de faire au plus vite."

Il n'avait pas tant peur que ce vieil homme s'avère hostile, mais la méfiance des uns suscite la méfiance des autres, et Prestenent préférait plier rapidement cette discussion et repartir sans avoir à savoir s'il était par hasard tombé sur une bande de brigands qui lui tendaient une embuscade, camouflés dans les ombres. Jusque là, il décidait tout de même de partir du principe que ce vieil homme était surement Gustave, pas parce que c'était logique mais parce que c'était la solution la plus simple. Il s'agissait simplement de voir s'il était bel et bien couvert de colifichets à la gloire de Manass.
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