[Anne de Lanneray] Des comptes à régler

La Bretonnie, c'est aussi les villes de Parravon et Gisoreux, les cités portuaires de Bordeleaux et Brionne, Quenelles et ses nombreuses chapelles à la gloire de la Dame du Lac, mais aussi le Défilé de la Hache, le lieu de passage principal à travers les montagnes qui sépare l'Empire de la Bretonnie, les forêts de Chalons et d'Arden et, pour finir, les duchés de L'Anguille, la Lyonnesse, l'Artenois, la Bastogne, l'Aquilanie et la Gasconnie.

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Armand de Lyrie
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Re: [Anne de Lanneray] Des comptes à régler

Message par Armand de Lyrie »

Alys insiste pour attirer mes grâces. Il faut dire que c’est difficile d’y être insensible ; elle tient toujours le ver entre ses doigts, très adroitement. Bizarrement, la vision qui était immensément répugnante commence à lentement m’attendrir — peut-être que je deviens taré. Enfin, je veux dire que je le suis déjà, je commence à l’être depuis que j’ai vu le tableau dans ce tumulus de Cuilleux, quant à Anne, ça va faire depuis bien plus longtemps que ça… Mais voilà. Alys est forte. Alys sait ce qu’elle fait. Alys semble contrôler tout le monde : un seul mot d’elle a suffi à contraindre Derrevin tout entier à m’épargner, alors qu’une minute avant, j’essayais de l’égorger tel un chien fou. Il est très difficile pour moi de véritablement chercher à m’opposer à elle, et je redécouvre derrière son regard sévère, mais tendre, la femme qui a su me forcer à m’agenouiller à ses pieds la semaine dernière.

Si elle parvient à me convaincre, au moins cet instant de court battement me permet de découvrir un peu des personnes que je n’avais fais qu’épier de loin lors de ma première arrivée ici. Les deux femmes guerrières, pour commencer.

Mon fils avait ses opinions bien à lui en les découvrant s'entraîner toutes les deux. Et quand je dis, « ses opinions bien à lui », je veux dire, le ramassis d’inepties qui sont répandues à travers toute l’aristocratie mâle de ce pays de merde ; Ni moi ni son père n’y sont pour quoi que ce soit là-dedans, la faute revient entièrement à ce sale hypocrite de Quentyn de Beauziac d’avoir trop bien inculqué à notre enfant les maniérismes et les valeurs qui permettent de bien nager au milieu de la société dominante dans notre nation. Je hais l’hypocrisie. Que Quentyn soit un pédéraste n’avait rien de dérangeant, mais un pédéraste homophobe, qu’est-ce qu’il y a de plus pathétique ?
Bref, tout ça c’est le passé, heureusement. Toujours est-il que nous avons avec nous une femme, venant de l’Empire de Sigmar. Et roturière, par-dessus le marché. Les trois traits qui provoquent des pouffements de nasaux chez les biens-nés de l’autre côté des Montagnes Grises. Le pire, c’est que ce petit con d’Armand (Qu’est-ce que je l’aime) sait très bien ce qu’est l’Ordre de l’Ours, et pourtant, ça ne l’avait pas empêché de rire d’elles dans la lâcheté de son esprit.
Mais je suis bien forcé de voir les choses sous un autre angle aujourd’hui.

« Je connais votre ordre de l’Averland, en effet ; Tous les nobles de Bretonnie ne sont pas des cuistres, je vous rassure. Si vous avez été jugée assez digne d’entrer dans leurs rangs, c’est que vous valez bien une dizaine de guerriers. Et s’ils ont été assez médiocres pour vous laisser partir, alors tant pis pour eux, votre fière lame sera de bien meilleur service ailleurs ! »

Armand (Le papa) fut très fort pour recruter des gens de très grand talent qui pour de bien mauvaises raisons étaient laissés aux marges de notre bonne société. Il n’a jamais laissé des idées médiocres assombrir son jugement, c’était une de ses forces. Je n’avais pas ce trait, mais je l’ai déjà vu faire, alors, je fais quelque chose qui est normalement absolument impensable pour un chevalier du Royaume de Bretonnie : je tends ma main pour serrer la sienne, bien franchement. Bien virilement.
Je peux pas m’empêcher d’observer la jalousie de Maussade en coin. Je la connais. Et… Et. Et c’est étonnant. Oui. Elle m’a battu au bras de fer. Et loin de réagir comme un sale petit morveux insupportable, lorsqu’Armand a été proprement humilié par sa force, il s’est mis à éprouver pour elle une espèce de… Tendresse ? Il cache bien son jeu. C’est un mélange d’émotions dans mon crâne, un tas de pensées, de souvenirs qui se bousculent dans tous les sens. Je dois lentement sélectionner ceux qui me plaisent, mettre de l’ordre là-dedans. Il y a de la tendresse à éprouver pour cette hommesse défigurée et disproportionnée. Je lui offre un petit sourire des deux côtés.

De Montagu. Baron. C’est très important les barons dans ce Royaume — leurs terres ne sont souvent pas très grandes, ni très riches, mais ils ont une caractéristique qui les rend essentiels dans la pyramide féodale de Bretonnie : Louen Coeur-de-Lion est leur suzerain direct. En termes de réciprocité, ils sont donc au même rang que les ducs eux-mêmes, c’est dire le niveau. C’est dangereux, un baron. Ils sont les yeux et les oreilles de Couronne ici, en Aquitanie, et une espèce de jeu étrange se joue, tandis qu’ils se mêlent des affaires ducales tout en prétendant être neutres. Les liens avec leurs voisins sont toujours fort complexes, et un excellent baron est celui qui sait être un diplomate et un intrigant avant d’être un guerrier. Fort heureusement nous sommes en Bretonnie, donc la subtilité n’est pas ce qui prime chez les tenants de fiefs…
Elle sait jouer l’idiote, en tout cas. Petite peste. Ça devait vraiment marcher chez les vassaux du conroi de son père. Les femmes dans notre pays sont souvent prises pour de jolies idiotes incapables — les femmes les plus puissantes sont souvent celles qui sont assez douées pour enfoncer leurs pères et leurs maris dans ces préjugés. Comme ça, messieurs les laissent tranquilles. Je ne sais pas trop pourquoi, mais je n’imagine pas Jehanne être de cette trempe-là, d’être une espèce d’effrontée sans saveur. Elle ne porterait pas une brigandine si c’était le cas. En tout cas, elle a parfaitement visé ce que je cherchais. On est dans un pays qui est obsédé par les histoires. Les chansons de geste, les généalogies peintes, les cancans marqués à l’encre sur des parchemins enluminés… On aime que tout soit carré, quitte à inventer un mensonge a posteriori pour s’arranger de la vérité. Oui, dire que Gilles est le fils bâtard d’Armand et de Jehanne constitue un roman bien ficelé. Rejeton illégitime, certes, mais de pur sang-bleu. Les gens seront outrés, surtout son père qui se sentira assez lésé pour réclamer dédommagement devant le jugement du Duc — et alors ? Je préfère paraître désolé et gêné d’une bête affaire d’amour courtois durant une errance qui a mal tourné plutôt que de devoir expliquer que Gilles a été conçu par Margot, notoirement déchue de sa noblesse et déclarée hors-la-loi après que toute sa famille l’ait suivie dans l’ignominie. Surtout une conception de deux semaines à peine…

« Il ne faut jamais sous-estimer l’importance d’une lignée, surtout dans notre pays. C’est vrai : vous donnez une particule à un cochon, et soudainement, il peut se prétendre seigneur.
…Sans vouloir manquer de respect à celui qui aurait dû être votre beau-père, bien sûr. »


C’est pas gentil pour Brandan de Maisne. Il est fort, Brandan de Maisne, et courageux. Mais si c’est bien la tête d’hippogriffe au-dessus de sa table à manger qui intimidait le petit chevalier que j’étais, c’est autre chose d'insolite qui a marqué la femme noble — Brandan a un don pour la cartographie, et ça c’est une science qui exige de la patience, du travail, et un goût pour les choses autour de soi qui détonne bien d’êtres plus médiocres, qui passent leur vie à ne penser qu’à leur petit monde, comme son frère. Qu’est-ce que Herbin était un abruti, je l’ai déjà entendu roter à table, c’est dire le niveau…
Enfin, Brandan de Maisne est en train de mettre toute cette ville sous blocus alors je l’imagine assez impopulaire dans le coin, il peut bien m’aider à caser quelques blagues à ses dépens pour me faire bien reluire le cul. Vingt-cinq ans de ma vie passés dans des bals et des lices de tournois, je crois savoir comment faire tirer la langue aux gens autour de moi.

Enfin. C’est bien la peine d’essayer de détendre l’atmosphère à quatre pas de la pauvre charogne de Margot en lançant quelques piques d’humour pince-sans-rire ; Car voilà que la petite Thecia réagit au quart de tour suite à mes petites réflexions acerbes. J’imaginais la faire trembler de peur, la forcer à se faire toute petite en bégayant. Eh bien non. La petite décide de m’insulter. Je n’en prends pas vraiment ombrage, bien que si je voulais tenter le diable je pourrais jouer à celui qui est outré. Elle a plutôt l’intelligence de vite m’ignorer, pour en appeler à la foule. C’est logique. C’est ce que je ferais dans sa situation.

Mais elle n’a même pas le temps de commencer à sortir des arguments bien pensés de pourquoi il faudrait me lyncher — du style que j’ai déchaîné une Banshee sur eux tous. Une Maussade possédée, furieuse, la sèche d’une droite impeccable. Loin d’admirer la technique, je sursaute et écarquille mes yeux. Je ne m’attendais vraiment pas à un tel déchaînement de violence si soudain. Surtout quand Thecia me paraît être l’une des rares personnes dans cette église à être encore stable psychiquement. Moi je sais que ce n’est plus vraiment le cas, et savoir qu’on est fou n’est pas vraiment un gage de santé.
Maussade traîne Thecia comme un sac. Me la présente à genoux, comme si elle me faisait une faveur. Sur l’instant, je peux pas m’empêcher de faire un pas en arrière, complètement sidéré. Est-ce qu’elle croit me faire une faveur oui ? Alys en rajoute une couche. Alors que j’ai égorgé Margot, alors que j’ai failli la tuer elle, elle parle comme si j’avais le droit de vie et de mort sur la prêtresse. C’est en fait légalement et officiellement un peu le cas d’ailleurs, mais qu’on me reconnaisse si nonchalamment ce droit, à voix haute, est assez flippant…

Je me dégage la gorge et me redonne une fausse contenance en plaçant mes mains dans le dos. Je suis prêt à faire semblant de pardonner à la blondasse, mais Alys ne me laisse pas reprendre si facilement la main. Un signe de tête à Maussade, et voilà que la Kislévite se jette sur sa victime pour lui arracher ses vêtements.
Et enfin, je découvre à quoi s’amusait le comte de Lyrie avec elle.

Mon teint blêmit. Mes pupilles se dilatent. Je découvre le calvaire atroce qu’il lui a fait subir. Je suis paniqué, et absolument terrifié de voir la folie qui s’est emparée de mon père, et que je ne percevais que par quelques légers signes dans son apparence maniérée et maîtrisée de lui-même. C’est… C’est tellement… Tellement…

« Putain de merde. »

Somptueux.

L’écriture de mon mari était si fine, si aérée — j’aimais tant ses lettres, qu’il écrivait lui-même, les lettres d’amour ça s’écrit soi-même, pas en passant par l’intermédiaire d’un secrétaire dont les manuscrits sont le talent qui justifie le salaire avec lequel il fait vivre sa famille. C’est donc à travers les lettres d’amour qu’on peut vraiment juger la valeur d’un noble de Bretonnie. Et, au grand dam de la plupart des épouses mal-baisées de notre pays, nombre de chevaliers du Royaume ne savent se saisir d’une plume que pour laisser de grosses pattes de mouches avec lesquelles traumatiser du papier fort coûteux.
Mais les arabesques du comte de Lyrie, la manière avec laquelle il formait ses boucles, ça avait de quoi émouvoir… Ce merveilleux salopard, je reconnais sa patte dans les scarifications qu’il a gravés dans la peau blanche de la prêtresse. L’artiste sait apprécier la toile d’un confrère, même si la calligraphie et la peinture sont des arts distincts.

Aux yeux du jeune arpète, ce qui est arrivé à Thecia est proprement insoutenable. Révoltant. C’est le petit esprit qui a eu un mouvement de recul et un déglutit de gerbe en voyant les lettres inscrites. Le cuistre prétendra que seul un animal aurait pu oser faire telle atrocité, mais c’est bien pour ça que c’est un cuistre. Le comte de Lyrie est en fait parvenu à faire quelque chose qui ne fait que hanter les artistes les plus talentueux : Immortaliser son œuvre. Certes, certes, Thecia est un tableau bien éphémère, mais elle se souviendra toute sa vie du comte, même longtemps après sa mort, en se regardant dans le miroir.
Non, le comte n’était pas une bête sauvage. Il ne s’est pas juste déchaîné sur elle. Il y a de la logique, de l’exercice dans les lettres, dans la coupe à la pointe d’une dague, dans les joyaux précieux avec lesquels il a daigné la sertir. Et que cette salope n’aille pas chialer en prétendant que la douleur ne l’a pas au moins un peu excitée ; en Lyrie notre couple a connu de jeunes filles et de jeunes garçons qui auraient bien aimé souffrir pour notre plaisir.
« Tu aimes Anne. Pas Loyse. » Est-ce que ce n’est pas là tout ce qu’une femme rêvait de lire ? C’est comme découvrir le journal intime de son époux, quelques mots secrets destinés à d’autres, surtout lui-même, donc honnêtes, où il professe son véritable amour… Tout comme le petit Armand n’était que dévoyé par Margot, même le mari savait pour qui son cœur battait réellement, malgré les tentatives prédatrices d’une chienne galeuse de lui faire tourner la tête. Je commence même à un peu larmoyer d’émotion et de joie. Les gens de Derrevin n’auront qu’à confondre ça avec de la pitié, en méprenant mes sentiments en découvrant Thecia dénudée.

Hors de question de lui faire du mal, bien sûr. Malgré son défi. Je ne vais pas ruiner l’œuvre du comte ! Un peu de lui vit à travers elle maintenant. Qui sait, peut-être que je pourrais moi-même y rajouter quelque chose — ça émerveillerait un peu le tout.

« Thecia, je…
Je te remercie. De me rappeler les horreurs dont ma famille a été coupable. Dont j’ai, été capable.
Mais regarde droit dans mes yeux. J’ai envie de te convaincre : Le Armand qui se tient devant toi n’est pas le même que celui que tu as connu. »


Je lui offre un sourire triste, totalement faux. Qu’elle regarde dans les doux yeux bleus du fils. Et ceux froids de sa mère.

« J’ai souffert, cette dernière semaine. Comme toi. Quelque chose m’a torturé, et détruit, et je peux moi aussi te montrer des cicatrices pour t’en convaincre. Celui qui se tient devant toi n’a plus aucune raison de vivre, ou de se battre, hormis pour Gilles. Et si je suis encore là, pour l’instant, c’est uniquement pour lui.
Comme toi. »


Je m’agenouille auprès d’elle. Lui laisse un peu le temps de réagir. Mais à terre, je me tourne vers Alys, en lui faisant un grave hochement de tête.

« Nous pouvons dire que Gilles est le fils de Jehanne de Montagu. L’enfant aura besoin de branches et de souches fantasmées, pour les livres, vous comprenez ? Les hommes qui n’ont pas de sang bleu sont si maltraités dans cette nation, tout le monde dans ce village en est la preuve vivante…
…Mais je ne pense pas que quiconque ici saurait être une meilleure nourrice que vous, révérende mère. Vous avez su me mettre à terre et me rappeler mes devoirs, à moi comme à Margot, malgré nos fautes et celles de nos parents. Vous méritez cette bénédiction. Et vous méritez ce devoir. »
Modifié en dernier par [MJ] Katarin le 30 déc. 2020, 11:33, modifié 1 fois.
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Échiqueté d'or et d'azur à la bordure de gueules à la guivre de gueules halissante
Stats :
FOR 9 / END 9 / HAB 11 / CHA 15* (14) / INT 9 / INI 8** (10) / ATT 13** (15) / PAR 11** (13) / TIR 8 / NA 2 / PV 70/70
*Bonus grâce à la chevalière portée à l'auriculaire
**Malus à cause du harnois (inférieur)

État temporaire :
Compassion : +2 aux jets d'empathie (Reste une journée)
Esprit compatissant : +3 aux jets de résistance à la peur/terreur (Reste une journée)
Pompette : +1 CHA, -1 INT.
Migraine : -1 CHA
Visière épaisse : -2 aux jets de perception (Lorsque le casque est porté)

Compétences :
- Anticipation : +1 en ATT et +1 en PAR à partir du 3e round face au même ennemi
- Coup précis (1) : Malus atténué de 1 lors de la visée d'une partie précise
- Coups puissants : +1d3 de dégâts
- Coriace : Résiste à 1d3 dégâts de plus
- Dégainer l'épée : +1 en INI lors du premier round
- Parade : Valeurs de parade doublées
- Sang-froid : +1 lors d'actions réalisées sous stress
- Volonté de fer : +1 sur les tests pour résister à la peur

- Baratin : +1 pour embobiner quelqu'un à l'oral.
- Empathie : Capable, sur un test, de lire les émotions sur le visage de quelqu'un.
- Empathie animale : Capable, sur un test, de deviner les émotions d'un animal.
- Étiquette : +1 lors des interactions avec la haute société
- Humour : +1 pour divertir et amuser.
- Intrigue de cour : Capable de déceler et deviner des intrigues.
- Monte : Ne craint pas de chutes lors d'une montée normale
- Vœu de la Pureté échoué : -2 dans la résistance aux tentations terrestres

- Alphabétisé : Capable d'écrire et de lire le Bretonnien
- Art (Peinture) : Sait peindre des tableaux.
- Danse : Excellent danseur
- Héraldique : Capable de reconnaître les blasons des familles nobles, et d'en savoir plus sur eux sur un test

Équipement de combat :
- Épée bâtarde (Inférieure) : 2 mains / 23+1d10(+1d3*) / 22** (11) parade
- Lance d'arçon : 1 main / uniquement à cheval / 20+1d10(+1d3)* / 16** (8) parade / "Long" (Malus de -2 ATT pour les adversaires) / "Épuisante" (Malus de -1 d'utilisation après END/2 tours, à chaque tour, max -4) / "Percutante" (Relance du jet de dégât, meilleur résultat gardé) / "Rapide" (Malus de -2 PAR et/ou -2 HAB pour toute esquive tentée par l'adversaire) / Se brise après 4/5 utilisations
*Avec la compétence Coups puissants
**Avec la compétence Parade


Tête : 13 protection
Torse : 13 protection
Bras : 13 protection
Jambes : 8 protection

- Destrier Bretonnien (Ravel) : FOR 10 / END 13 / SAU 8 / RAP 10 / INT 9 / DOC 12 / ATT 9
Équipement divers :
3 Eo

- Un beau doublet
- Un grand manteau
- Des bottes neuves
- Une jolie écharpe

- Nourriture
- Hydromel

- Bague affichant un lion - +1 CHA

- Insigne argenté marqué du blason de Lyrie
- Pendentif monté en clou
- Un flacon à l'odeur immonde
- 3 bouteilles de tonique miraculeux
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[MJ] Katarin
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Re: [Anne de Lanneray] Des comptes à régler

Message par [MJ] Katarin »

Gotlinde accueillit la poignée de main offerte par Armand avec un début de sourire sincère - cette marque de respect avait assurément une valeur bien particulière à ses yeux, et le Seigneur de Derrevin avait clairement marqué des points dans son estime pour ce premier échange. Maussade en revanche n'avait que faire de la tendresse de son sourire - pire encore, cela sembla la froisser davantage puisqu'elle ne lui répondit que par un froncement de sourcil désapprobateur, avant de détourner le regard.

Le trait d'humour que le seigneur de Derrevin adressa à Jehanne au sujet de Brandan de Maisne fit mouche, puisque la jeune femme ainsi que plusieurs chevaliers présents dans la foule esquissèrent un sourire amusé - néanmoins, la majorité paysanne resta perplexe, hochant la tête comme pour approuver quelque critique de leur seigneur qui se devait d'être approuvée.

Après avoir été aussi violemment malmenée, c'est avec difficulté que Thecia releva la tête en direction d'Armand pour l'affronter du regard. Néanmoins, si la maltraitance de Maussade avait blessé son corps, la flamme dans ses yeux ne s'était en aucun cas éteinte, bien au contraire. Pas une seule seconde elle ne se laissa affecter les paroles doucereuses d'Armand, et les seules émotions qui transparaissaient dans ses traits étaient de la haine et du dégout. La jeune prêtresse avait surmonté sa peur et tenait tête à son seigneur, alors même qu'elle était nue, blessée, à sa totale merci. Et lorsqu'il s'agenouilla auprès d'elle en tentant de la persuader de sa bonne foi, cela ne fit que lui offrir un visage découvert sur lequel cracher une gerbe de salive mêlé de sang.

Par réflexe, Armand répondit à son affront avec une giffle de circonstance. L'impact résonna dans le temple, tandis que la joue encore intacte de la jeune prêtresse vira à son tour au rouge, la bague portée par Armand ayant laissé une petite marque sur sa peau.

" Tu n'es pas obligée de m'apprécier, mais je t'ordonne au moins de faire semblant devant mon enfant. "

Thecia n'osa pas darder à nouveau son regard sur son agresseur : son animosité ne s'était aucunement dissipée, mais elle trouva la jugeotte de garder son visage face contre terre cette fois-ci.

L'incident clos, le Seigneur de Derrevin put officialiser quelques formalités. Il annonça que Jehanne de Montagu serait la mère politique du jeune Gilles, une nouvelle que la demoiselle en armure accueillit avec un sourire roublard - si elle regrettait assurément de n'avoir obtenu le rôle de Nourrice tant désiré, elle semblait néanmoins satisfaite d'avoir réussi à devenir la Seigneuresse de Derrevin. Néanmoins, ce petit air triomphal qu'elle affichait n'était rien en comparaison du ravissement apparent de la Grande Prêtresse de Shallya : Alys offrit à son seigneur une courbette polie pour le remercier, mais elle ne pouvait s'empêcher d'arborer une grand sourire satisfait et fier. Elle était destinée à ce rôle, elle le savait.

- Merci de me faire cet honneur, sire. Gilles et vous ne le regretterez pas.

Et sans la moindre hésitation, sans la moindre crainte, Alys ouvrit grand la bouche, et approcha d'un mouvement lent mais contrôlé l'ignoble petit ver de son orifice béant. Relâchant la pression de ses doigts sur la base de sa queue, la créature libérée se projeta en un éclair, franchissant les centimètres le séparant de sa convoitise en bondissant. Il disparut en un éclair au fond de la gorge d'Alys, qui déglutit bruyamment.

Dans les secondes qui suivirent, la grande prêtresse vit ses yeux s'écarquiller, puis sa respiration se saccader. Elle se mit à transpirer abondamment, puis à haleter comme un chien épuisé après une longue course. Saisie de soudains spasmes, elle tomba à quatre pattes sur le sol, où ses doigts crispés se mirent à gratter la pierre blanche. Elle gémissait de plaisir, son corps se contractant régulièrement, puis apparurent les premiers témoignages du parasite qu'Armand ne pouvait que trop bien identifier : des pointes noires se mirent à perforer sa peau de l'intérieur, transperçant sa robe, pour redisparaitre dans la seconde qui suivait. Les blessures ainsi créées laissaient couler quelques gouttes de sang, avant de se cicatriser d'elles-mêmes, aussitôt remplacées par d'autres. Bientôt, Alys ne put même plus se retenir sur ses bras et elle s'effondra sur le sol, où ses gémissements devinrent de puissants cris qui vibraient contre le sol et se répercutaient dans tout le temple. Si la vision de son corps maintes fois troué de l'intérieur évoquait une intense souffrance, les hurlements qu'elle laissait s'échapper de sa gorge ressemblaient à y méprendre à ceux d'une jouissance ininterrompue.

Puis, aussi soudainement que cela avait commencé, la processus s'arrêta. Ne resta plus que le silence, à l'exception de Gilles, et le corps d'Alys étendu de tout son long sur le sol, immobile. La foule avait assistée à la scène sans jamais manifester autre chose qu'une certaine déférence, baissant la tête religieusement avec la bouche close, comme l'on écoutait une messe en priant intérieurement.
La grande prêtresse se releva alors, lentement, en prenant appui sur ses genoux et ses mains. Les joues encore rosies de plaisir, elle arborait le sourire d'une femme comblée. Sa robe blanche n'était plus qu'un haillon impudique après avoir subi les exactions de la chitine noire, et d'un geste vif, elle arracha un morceau de tissu au niveau de son sein gauche afin de le découvrir. Ce faisant, elle afficha à tous la sublime marque autrefois portée par Loyse sur son nombril, et par Margot sur son dos brûlé, désormais bien installée sur sa poitrine, la partie circulaire parfaitement centrée sur son téton. La chair bougeait et tremblait, tandis que le mamelon violacé laissait s'échapper par de multiples petites pores béantes un liquide spongieux rosâtre qui coulait pour s'éponger dans ses haillons. Un réseau de veines améthyste brillaient sous sa peau, et son sein semblait pulser naturellement, comme s'il renfermait un second cœur qui battait la chamade.

Alys était sublimée par cette expérience, transfigurée par le parasite qu'elle avait ingurgité. Malgré sa quarantaine d’années, les premières rides apparaissant sur son visage, sa lourde poitrine qui commençait à tomber, et les stigmates d'une vie dédiée au sacrifice pour autrui, la prêtresse avait toujours montré une telle force d'âme et de caractère qu'elle semblait assez robuste pour résister au temps lui-même. Mais désormais, c'était davantage que cela : elle irradiait d'une beauté surnaturelle. Ses lèvres charnues qui formaient un sourire suffisant semblaient faites pour être embrassées, ses yeux bruns à demi-clos exprimaient un regard hautain qui incitait à se courber devant elle pour lécher ses pieds nus, et l'étrange tatouage qu'elle arborait sur le visage, cette sphère blanche de laquelle coulait une goutte d'or jusqu'à ses lèvres, il lui donnait une apparence mystique lui conférant des attributs que l'on jurerait divins. Quant à ce lait rose qui s'échappait de son téton qui pulsait, c'était une invitation indécente à venir se gorger des délices qu'il promettait, un ichor millésime destiné aux dieux et à eux seuls, que les mortels ne pouvaient que rêver gouter avant de se fouetter au sang pour se punir ces envies pécheresses.

Carlomax rendit à Alys le petit Gilles, qui cessa de pleurer pour se jeter goulument sur le téton ainsi offert. Avec autant de douceur que d'amour, la grande prêtresse serra contre elle ce petit bébé dans son lange blanc, et le laissa déglutir de petites gorgées de paradis. Quant à l'ancien dirigeant de Derrevin, il s'approcha d'Armand pour lui parler avec déférence.

- La cérémonie de la naissance de l'Enfant Divin est terminée, messire. Nous hésitions à organiser des festivités pour commémorer sa venue, entre habitants de Derrevin, de Pulnoy, de Cinan et avec tous les réfugiés venus trouver refuge ici, malheureusement les quantités de vivres à notre disposition sont faibles pour permettre de fastes célébrations, surtout pour autant de personnes. Néanmoins, si chaque habitant de Derrevin se sacrifie en prenant de ses réserves, nous pourrions arriver à proposer à tous un banquet décent. Nous n'avons pas non plus la capacité d'accueillir tout le monde : je pensais demander à chacun de faire un peu de place dans son lit pour accueillir nos voisins - la chaleur humaine ne coute rien, et cela pourra permettre à certains de créer des liens avec nos voisins en fêtant la naissance de votre fils sous la couette. Nous pouvons aussi renvoyer tout le monde chez eux dès à présent : mais de nuit et en plein hiver, le trajet peut être rude, voire dangereux.

Il fit une pause, laissant son regard englober la foule qui attendait patiemment que la suite des évènements soit décidée par leur nouveau dirigeant. Apercevant la jeune prêtresse au corps meurtri, il retira son herrimault brunâtre et le lui offrit afin qu'elle puisse se recouvrir. Après un temps d'arrêt, elle se saisit du vêtement et se dissimula dedans avec le peu de dignité qu'il lui restait après avoir ainsi été exhibée.

- Il faut également décider de ce que vous souhaitez faire d'elle. C'est un élément subversif, on ne peut pas la laisser libre de vous vilipender dans toute la ville ou au delà. On pourrait l'enfermer, mais je ne sais pas quel niveau de confort vous souhaiteriez alors lui accorder.



Un "supplément" concernant ta seigneurie se trouvera dans mon palais sous peu, sur le premier post que je vais prochainement éditer. Tu y trouveras un rapide résumé des réponses que Carlomax peut te faire concernant les problèmes actuels de la ville - mais ça restera succinct, pour développer tout ça il te faudra prendre le temps de vraiment discuter avec pas mal de monde ^^

Jet d'humour de la part d'Armand : 13, réussi de 1.
Jet d'END de Thecia face à la douleur : 10, réussi de 2.
Jet de CHA d'Armand pour la convaincre de sa bonne fois, +1 pour Baratin, -6 pour la méfiance de Thecia : 19. C'est non :D
Jet de mental de Thecia suite à la gifle : 18.
Jet de mental d'Armand : malus de -2 pour son voeu échoué : 4 ! Réussi. Tu ressens bien à quel point Alys est devenue désirable, tu sens encore l'influence de la marque gratter à ton cerveau, mais tu sais également par tes souvenirs que c'est l'effet du Protecteur, l'un des effets du parasite sur son hôte. En conséquence tu peux trier tes envies et tes émotions, distinguer les influences extérieures de tes propres désirs à toi, et donc te contrôler.

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Re: [Anne de Lanneray] Des comptes à régler

Message par Armand de Lyrie »

Un glaviot au sang-mêlé atteint ma gueule ; joue droite supérieure, le crachat était bien visé, un tout petit plus haut et ça aurait pu atteindre mon œil, que j’ai tout de même fermé par réflexe en me reculant. La gifle a suivi sans même être contrôlée. Mon sang-froid, il a fallu que je le rassemble pour ne pas lui faire pire. Pour pouvoir serrer les dents et ne prononcer qu’une phrase policée, raisonnable, à l’ouïe de tous, au lieu d’un juron à lui postillonner à sa sale face.

Je me sens haineux. Débordant de colère. Mais bizarrement, ce n’est pas contre elle. Thecia c’est juste… Juste celle sur laquelle je peux me défouler en cet instant. Non, elle mérite pas ma haine, faut vraiment de l’énergie, de la force, pour haïr quelqu’un. J’ai passé tellement d’années à haïr, ça détruit son âme et son corps, petit à petit. J’ai haï Loyse. J’ai haï Margot. Je pouvais haïr ma mère. Je pouvais haïr mon fils. Maintenant, je veux juste haïr, sans savoir quoi.



Alys se saisit du Protecteur. Qui d’autre qu’elle ? Elle m’a vaincu. Elle m’a forcé à m’agenouiller. N’est-ce pas là-dessus que notre nation est fondée ? Un tas de guerriers qui se tabassent la gueule à coup de massues et d’épées, jusqu’à ce que certains apprennent à foutre un putain de genou au sol et prendre les mains d’un père tutélaire pour poser les lèvres dessus. Il est évident qu’Alys est une femme puissante, respectée, noble d’esprit — et aussi de statut, vu son intrigante robe blanche. Je n’éprouvais pas de honte à m’agenouiller devant elle lorsqu’elle m’avait interdit de revoir Margot. Seule elle m’a empêché d’occire toute cette ville en me rappelant tout ce que je risquais de perdre. Alors qu’elle en profite, si c’est ce qu’elle veut.
Et pourtant, en même temps que j’admire Alys, une jalousie dévorante commence à s’emparer de moi alors qu’elle aussi, se soumet à quelqu’un d’autre — encore une fois, c’est comme ça que la féodalité fonctionne. Elle hurle et jouit alors qu’on lui déchire les entrailles, qu’on lui retourne ses tripes, qu’on change tout ce dont son corps est constitué à la vue de tous. Et soudain, je le revois, celui qui ruine ma putain de vie depuis des décennies. Sauf que cette fois, je suis dans son camp. Ou du moins je l’espère.
La marque est de retour. Celle qui s’est imprimée en moi. Trois semaines de souffrance pour ça. L’Aquitanie en avait fini avec son cauchemar. Et maintenant tout est reparti de zéro.

Je brûle intérieurement. De nombreuses pulsions contradictoires. Elle est tellement belle. Et tellement bonne.
Mais pour la première fois de ma vie, quelque chose de très important a changé : je n’ai plus aucune envie de prier. Aucune envie d’implorer la force d’une quelconque entité supérieure. Aucune envie de réciter un cantique ou un psaume. À la place, j’ai envie… J’ai envie…
J’ai envie d’un verre.
Alys attrape Gilles dans ses bras. J’ose à peine regarder ça. J’ai comme l’impression de ne pas faire partie de ce tableau. Un peu à l’écart, un peu comme Thecia. Je cesse soudain de faire l’acteur devant tout le monde, et m’éloigne des planches pour aller derrière l’autel.

Ma dague a glissé quelque part. Elle est dans un coin, là où je l’aie envoyée avec la semelle de ma godasse. Je me penche pour en récupérer le manche, la pointe tapote d’un petit bruit métallique contre la pierre. Elle est dégoulinante de sang. Elle est loin d’être encore sèche. Je regarde la lame en fronçant les sourcils. Est-ce que j’ai quelque chose pour retirer le sang ? Je tire de ma poche mon écharpe. Je l’avais utilisée hier pour sécher les larmes de ma mère, elle est déjà bonne à laver. En me relevant, je commence à éponger tout ce sang carmin, et je range la dague moins maculée, mais encore sale, dans son fourreau.

C’est là que Carlomax vient me parler. En arrière-plan, on voit Alys qui s’installe confortablement pour mieux tenir et nourrir Gilles. Elle semble contente. Épuisée, le sourire tremblant, mais heureuse. Les sujets de Derrevin — mes sujets — lui tournent autour pour essayer de mieux apercevoir Gilles, butinant autour d’elle comme des abeilles, approchant leurs mains sans pour autant essayer de la toucher.
Et Carlomax me parle. J’entends ce qu’il raconte, mais ce qu’il raconte me semble tellement… Lunaire. Comme si ce dont il parlait était le plus urgent. Mais il y a une raison pour laquelle j’ai galopé jusqu’ici sans armure, à toute vitesse, en prenant un passage raccourci. Lorsque je suis arrivé dans ce Temple, je n’étais pas encore sûr de comment la soirée allait se finir. Mais j’avais mes raisons de ne pas parier sur la survie de la ville, Banshee ou pas.

Il change vite de sujet en me désignant Thecia dont il s’approche pour la recouvrir. Nous nous retrouvons vite tous les deux au-dessus d’elle. Elle a l’air d’avoir envie de pleurer — mais elle est trop enragée pour sangloter. Je la comprends. Ça m’est souvent arrivé, cette sensation.

« Vilipender ? »

Je regarde Carlomax avec un air un peu interloqué. Il m’a vouvoyé. Oui. Lorsque nos rôles étaient séparés, lorsque c’est lui qui voulait m’utiliser, me sacrifier comme un pion dans son conflit face à Maisne, il me donnait du « tu », comme si nous étions des frères, ou des égaux. Il affiche à présent une déférence respectueuse. Et il semble se soucier de si je suis vilipendé ou pas.
Je passe une main devant mon visage. Garde la bouche un peu ouverte. Réflexion courte. Je me dégage la gorge.

« Mon père me disait qu’on ne pouvait inspirer que deux sentiments chez les roturiers : Le mépris, ou la peur. Si on lui avait craché dessus, je n’ose pas imaginer ce qu’il aurait fait pour venger cet affront public, même si le crachat venait d’une ecclésiastique. »

Je dis ça avec la voix sombre. Et je serre les dents, alors que je me place au-dessus de Thecia pour la regarder de haut, et lui répéter la même idée que je veux lui insérer dans son esprit :

« Mais je ne suis pas mon père. »

Je suis pire que lui.


Je regarde à nouveau Carlomax, en soupirant un peu.

« Pour l’heure, on peut la tenir à l’écart, oui. Mais pas besoin de lui faire subir quelconque châtiment. Qu’elle mange et boive normalement.
Mais de toute manière, il y a beaucoup plus urgent à régler qu’un banquet. La naissance de mon fils doit être fêtée, mais je crains que s’approche du village un ennemi qui nous souhaite du mal à tous.
En arrivant, j’ai découvert le village vide et les tours de gardes dégarnies ; Il faut immédiatement faire fermer les portes, et remettre en place les sentinelles. Le banquet doit attendre demain. Tout ce qui importe, c’est la sécurité de mon fils. »


Mélaine arrive. J’ai réussi à la battre à la course, mais elle a toujours la Loi de son côté. Elle est encore blessée, sa seule escorte est son greluchon que j’avais laissé au bord de la mort, mais même à eux deux, avec leur faible pouls et leur souffle court, ils ont le pouvoir de tout détruire.
Patience. Jusqu’ici tout va bien, rien n’est engagé, mais il faut agir avec diligence. Le temps ne jouera pas pour moi.

« Je vais avoir besoin de te parler. Demande à la dame de Montagu et à Weinbaum de venir avec toi. J’aimerais aussi le conseil de la révérende-mère, mais… Mais ça sera après que Gilles est bien nourri et endormi. »

Je tourne mes yeux vers elle.
Les chitines. La chair. Le bambin qui s’accroche à son sein.
Le Protecteur.
J’ai fait une putain de connerie.
Est-ce que c’est vraiment mon fils entre ses bras ? Mon fils ? Je ne l’ai toujours pas pris dans mes bras. J’ai approché mes mains pour lui couper le cordon, sans pour autant véritablement l’étudier. Est-ce que j’en ai envie ? Je commence petit à petit à suer. Je transpire des aisselles.
Patience. Jusqu’ici tout va bien. Tout va bien aller.

« Je, heu- »


Ma belle comédie commence à avoir des failles : je me tais juste après avoir bégayé à voix haute. Comme lorsque j’essayais de tromper les Déréliches, comme lorsque j’essayais de tromper Mélaine en me faisant paraître pour plus courageux que je ne l’étais vraiment, j’ai l’impression de jouer ma vie à chaque connerie qui sort de ma bouche. Rien n’est naturel chez moi. Je me fais tellement passer pour quelqu’un d’autre aux yeux de tout le monde que je ne sais même plus ce que je suis.

« On a… ‘fin. Pour parler, y a un endroit ? »

Respectueusement, Carlomax m’indique la demeure du régisseur où j’ai déjà dormi. Il y aurait déjà une chambre de prête pour Gilles. Et le Tableau, je me souviens très bien, moi-même, où il se trouvait. La mère accède à ce souvenir fuyant. Ça me fait mal à la tête. Les rêves… Les rêves me reviennent en pleine face.
Je dodeline bêtement de la tête, de haut en bas.

« Bien, bien… Parfait… Alors, heu, le temps que tu donnes les ordres, je…
J’attendrai. »


Je vide mes pensées. Je fais place nette. Je me transforme en automate de chair et d’os. Je me retourne et avance près de la nef, et je ne pense à rien. Je passe devant Alys et Gilles, et je ne pense à rien. On s’écarte sur mon passage avec un petit signe de tête, un sourire complice auquel je réponds par une petite grimace peu assurée, par réflexe d’étiquette, et je ne pense à rien. Y a tellement de monde dans ce putain de Temple, je commence à avoir des acouphènes dans les oreilles, qui m’empêchent de trop entendre si quelqu’un souhaite m’arrêter et me parler.
Je n’ai pas envie de repasser par le perron. Y avait tellement de monde. Tellement, tellement de monde, partout… Qu’est-ce qu’ils vont faire en me voyant ? M’acclamer ? Me porter ? Tous se foutre à genoux ? Ou bien vont-ils se souvenir de ce que je suis, et se jeter sur moi ? Me dévorer ? Alys est bien dans mon dos maintenant. Un mot d’elle et ils peuvent se jeter sur moi, comme ils s’étaient jetés sur mon mari lorsque Loyse leur avait juste donné l’ordre. C’était pourtant lui, le seigneur et le meneur. Si Alys me désire, elle peut me violer. J’arrête pas d’être violé, je possède pas mon propre corps. Si je la gêne, elle peut me faire égorger. J’ai même laissé Thecia en vie, elle n’aura pas à se salir les mains ou s’impliquer elle-même. Je deviens paranoïaque. Aigri. Apeuré.
Haineux.

Le temps que la chaîne de commandement s’occupe de transmettre les ordres, du monde va bouger. Tant mieux. J’ai besoin de souffler. Je vois Carlomax parler à plusieurs des chevaliers et de ses hommes. Les paysans présents ont l’air un peu tristes et déçus, mais ils obéissent assez pour vider les lieux. Il va falloir du temps, pour faire bouger tout ce monde. Du temps, la seule chose que je n’ai pas. Je reste nerveusement près de la sacristie, les bras croisés. Je me détache du mur que j’occupe que lorsque le leader des Herrimaults me fait un signe de la tête au loin. Je peux enfin partir d’ici.

Il fait froid dehors. Plus froid que quand je ne suis arrivé, et je ne suis pas certain que ce soit forcément à cause du délai qui est passé. Combien de temps je suis resté dans ce temple ? Une heure. Une heure trente, peut-être. Combien d’heures il me reste ? Je ne sais pas. Il ne faut pas que je pense à quoi que ce soit. Je n’ose pas. Je me contente de marcher avec ma sale dégaine. Avec mes vêtements couverts de sueur et de boue, salis par tout ce qui s’est passé ces derniers jours. Avec mes bottes de cavalerie qui écrasent le gravier. Je repasse vite vers le chemin balisé par des torches, tandis que les gens au loin, guillerets, joyeux, font beaucoup de bruits alors qu’ils repartent vers leurs tentes et leurs chaumières trop petites.

Je retrouve la demeure du régisseur. Elle est à présent occupée. Un homme d’armes se tient devant, un simple milicien en broigne. Il se dresse tout droit et lève le museau en me voyant. Pour la première fois, un homme armé de Derrevin ne me dévisage pas. Je le dépasse en reniflant, ma morve liquide à cause du froid, et j’entre dans la maison alors qu’il tire lui-même la poignée à mon passage, comme un portier de mesnie.
Il y avait une salle de bain ici. À l’étage. Plutôt coquette d’ailleurs — le bourgeois en charge des affaires de cette bourgade vivait confortablement. Le temps que tout le monde… Fasse ce qu’il a à faire, je dois avoir quelques moments pour moi. Pas beaucoup. Mais qu’est-ce que je ne donnerais pas juste pour dix minutes seul, sans aucune paire d’yeux pour m’épier.



Il fait noir dans la salle de bain. La luminosité ne vient que très faiblement des torches dehors, par la fenêtre recouverte d’épais rideaux. Comme je ne suis pas nyctalope, je commence par cligner un peu des yeux pour pouvoir mieux discerner les quelques formes de la pièce. Je sors dehors et attrape sur une commode une petite chandelle qui sert à éclairer le couloir, histoire que personne ne se vautre dans l’escalier. Je trouve vite un vieux morceau de cire dans un coin. On éteint les bougies parce que ça coûte très cher, c’est un luxe de pouvoir voir la nuit, et comme le bois c’est très inflammable et que personne n’a envie d’un incendie, on en met que très peu dans les baraques. Je partage ma chandelle allumée avec les mèches de celles éteintes, et enfin, on peut déceler un tout petit peu ce qu’il y a dans cette pièce. Juste assez pour moi.
Je ferme la porte de la salle de bain. Je regarde à gauche, à droite. Y a un baquet d’eau. Elle devait être chaude y a un moment, peut-être que Carlomax l’a faite amener pour se débarbouiller la face — il voulait être propre pour la cérémonie, certainement. Mais maintenant c’est froid, et mousseux d’une espèce de suif épais et qui sent mauvais. Sûrement que le meneur des Herrimaults ne veut pas profiter du luxe d’un savon infusé aux herbes, il veut être propre, pas coquet. J’attrape le baquet avec mes bras, et je me rends compte que, je ne sais pas pourquoi, j’ai perdu un peu de tonus dans mes biceps. Si, en fait, je crois savoir pourquoi, et ça me fait un peu froid dans le dos.

J’approche le baquet du miroir. Je tire deux bougies, une à gauche, une à droite, de manière à pouvoir déceler quelque chose dans le reflet du verre. Pas grand-chose en fait.
Je regarde mes mains. Et c’est là, pour la première fois depuis le Temple, que je me rends compte d’un problème :
Je suis plein de sang.
C’est fou comment égorger quelqu’un ça projette du sang. J’avais oublié ça. La fuite de Margot a été calfeutrée rapidement par la magie de la grande-prêtresse, mais quand même, j’ai rentré la miséricorde comme dans du beurre, et quand c’est ressorti, c’est une fontaine qui s’est déversée sur moi. J’en ai dans mon cou, sur le menton, j’en ai le long des poignets et des doigts. Je passe ma main dans le dos et sort la Miséricorde que j’ai rapidement frottée avec l'écharpe : ça n’a pas suffi. Je balance le couteau au fond de l’évier en bronze devant le miroir, mais il y a pas d’eau courante ici (On est pas à Couronne non plus) alors c’est un seau en dessous qui récupère l’eau salie. Je tire le baquet à l’eau usée près de moi, et je mets mes mains dedans. Et soigneusement, je frotte.

C’est fou ce qu’il y a comme sang, en fait. Je frotte et ça part que très peu. Elle a bien saigné. Comme une truie. Je pouffe de rire. Comme une truie.
Je frotte donc. Un peu plus fort. C’est pas grave, tout va partir. Avec la mousse de suif, ça va graisser mes mains, et dans quelques instants il ne restera plus rien de mon crime. Plus rien.
Je frotte. Et, alors que je souris (Une truie…), je commence à avoir des petits tremblements dans les doigts. Pas grand-chose. Je dodeline un peu de la tête. Je souris nerveusement.
Je frotte. Très fort. Et maintenant c’est toutes les mains qui tremblent. Je cligne des yeux, et je sens deux grosses larmes qui coulent sur mes joues.
Je frotte. Comme un damné. Et mon rythme de respiration s’accélère, comme si j’étais en train de faire la course. Je lève mes yeux pour me regarder dans le miroir. J’ai du sang partout. Partout. Plein la putain de gueule. Je ramasse de l’eau au creux de mes paumes, en fait tomber la moitié tellement je tremble, et jette le restant sur mon visage. C’est froid. Je déboutonne le haut de mon doublet. Je m’asperge d’eau en penchant la tête, sur le cou, dans la nuque. Mais je ne sais pas pourquoi je respire aussi vite. J’ai l’impression d’être en train de courir, alors que je suis là, tranquille, tout seul. Tout va bien.

« Mais qu’est-ce que j’ai fais putain ?! »

C’est sorti tout seul. Je n’avais pourtant pas envie de dire ça. Il y a des gens dans cette maison. J’entends du bruit dans les pièces à côté. On ouvre des portes, y a des bruits étouffés de conversations.
Pourquoi j’ai parlé si je n’en avais pas envie ?

J’étouffe. Je suis en train d’étouffer sur place. J’ai la gorge qui se serre. Et des putains de larmes qui commencent à couler. Et mes doigts tremblent, tremblent tellement… J’essaye de serrer mes poings. Grommelle, et gémis, en les fermant de toutes mes forces, comme si j’allais tabasser quelqu’un. Mais non, ça tremble.
Je me jette sur mon doublet. J’ai du mal, mais, en galérant, j’arrive à enlever les boutons un par un. Je m’en débarrasse et le jette à terre. Et je peux contempler mon corps.

Je suis fin. Longiligne. Mes bras sont amenuisés. Et surtout, j’ai de la poitrine. Mon torse a changé, deux seins se sont gonflés — ils sont petits, peu perceptibles, mais maintenant que je me découvre nu, il n’y a aucun moyen de se berner d’illusions, ou de tromper quiconque qui me verrait ainsi. Ce sont des seins. Ce sont ses seins.
Pendant toute mon enfance elle voulait posséder mon corps. Elle l’a volé. Et elle est là, avec moi, pour toujours. Pour l’éternité.

Je lève mon poing droit et me prépare à éclater le miroir. Je ne m’arrête qu’à la dernière seconde, pour caresser mon reflet à la place, du bout de mes doigts tremblants. Je passe mes mains dans les cheveux. Les tires. Me courbe. Pose mes coudes contre le meuble de l’évier. Et je gémis un sanglot, en répétant la même phrase chevrotante :

« Mais qu’est-ce que j’ai fais putain ?!! »

Je revois le souvenir de mon mari, torturé par Loyse. J’entends ses gargouillements alors qu’un tentacule s’enfonce au fond de sa glotte. Et je revois ces mêmes tentacules, et le même sourire suffisant, chez Alys. Mais ce n’est pas ce dont les autres sont capables qui me fait le plus peur, c’est ce dont moi je suis capable. La Banshee. La dague. Les yeux apeurés de Margot. Les hurlements stridents de Casin. Je revois le martyr d’Arthur de Fluvia — comment un cadavre aussi frais pouvait autant puer ? Il puait comme une charogne. Putain, comme une charogne.
Je ressens à nouveau l’agonie. Comment Symbiose m’a torturé. Moi aussi j’ai hurlé à m’en casser la voix. Mais je le méritais. Bien sûr que oui je méritais de souffrir — j’ai trahi ma mère. Mais tout va bien maintenant, on m’a tout pardonné.

Je me mets à chialer. Mais je sanglote pas. C’est pas de la tristesse, c’est plus… De la panique. Une énorme panique. Une angoisse qui se saisit de moi, à rebours, maintenant que je suis tout seul. Maintenant que tout s’est effondré et que je saisis avec le recul toute l’ampleur de toutes les fautes que j’ai commises. Maintenant que je vois tout… Tout ce sang qui part pas en frottant. Je suis un félon. Je suis un putain d’apostat.
Je suis celui qu’on fera rôtir sur un bûcher.

Je contemple Miséricorde au fond de l’évier.
Et le baquet d’eau froide.

Je contemple la lame.

« Armand. »

Je lève mes yeux bleus dégoulinant de larmes pour les croiser dans le miroir. Et je me mets à parler tout seul. J’ai tellement vrillé que je parle tout seul. Je sais que je suis tout seul, qu’il n’y a plus que moi, et pourtant… Pourtant…
Pourtant je ne serai plus jamais seul, non. Plus jamais.

« Je t'en supplie, mon trésor… Tu es magnifique. »

Je caresse mes lèvres. Je caresse ma mâchoire. Je passe mes mains le long de mon torse, et trace du bout de l’index jusqu’au nombril. Je hoche de la tête, à toute vitesse, de gauche à droite.

« Combien de gens ont droit à ça ? Une seconde chance.
Je voulais me buter. Armand voulait crever. Anne voulait crever. Ils avaient cette haleine dans leur bouche, une haleine suicidaire. Moi… Est-ce que je veux crever ?
Combien de gens ont droit à une seconde chance, une vraie ? »

Je regarde de côté. Je passe mes mains sur ma ceinture. Je ferme les yeux.

« Non. Tu es magnifique. Tout le monde s’est sacrifié pour toi, maintenant, tu vas rendre aux autres. Tu n’as plus le droit d’abandonner Derrevin maintenant. Parce que tu m’as fait jurer.
Et parce qu’on est réunis pour toujours… »


Toute son enfance, Armand était terrifié à l’idée de se voir nu. Mais maintenant, cette phobie doit partir. Il n’y a plus de raisons d’être triste, plus de raison d’être paniqué. Plus de raisons de s’étouffer et de pleurer. Il est devenu la plus belle chose qu’il y ait dans ce monde — et nul doute que si Gilles tient de lui, il sera sublime lui aussi.
Je veux m’admirer, maintenant.

Je baisse mes frusques. Et je me découvre, à la lueur d’une bougie. Mes marques. Mes stigmates. Ma peau blanche. Je me caresse lentement. Les hanches. La poitrine. L’entre-jambe.
Et je souris, d’un sourire tremblant. Mais apaisé.

« Tu es magnifique maintenant. »

Je termine de rincer mes mains pour faire partir ce qui reste du sang. C’est long, désagréable à cause du froid, mais au moins, petit à petit, mes mains cessent de trembler.




Gilles est parti au lit. Mais je suis seul dans une salle au rez-de-chaussée ; Une sorte de grand bureau, avec beaucoup de chaises autour d’une longue table. Ce n’était pas le cabinet personnel du régisseur, celui-là est à l’étage avec un lit. Je pense que c’est ici qu’il devait recevoir des pétitionnaires. Travailler avec un clerc, peut-être aussi prenait-il ses repas ici. J’ai demandé une bouteille, on s’est dépêché d’aller me la chercher chez Jacquot qui n’est pas loin. Du coup, devant le bureau, on m’a servi un vin tout simple, pas une bouteille de grand cru mais un peu mieux que la piquette à laquelle m’a habitué Triboulet. Le défaut, c’est que le vin n’est pas très fort en alcool. Du coup, je sirote dans une choppe en terre cuite ma deuxième portion, tout en marchand tranquillement en faisant les cent pas, d’avant en arrière.
Il y a une horloge. Plutôt jolie, d’ailleurs, avec un coucou dedans. La nuit est maintenant bien entamée, et pourtant, je n’ai aucune envie de dormir. Même si tout est réglé ce soir, je ne sais pas si je trouverai le sommeil avant demain. Ce n’est pas grave. Ça sera une mauvaise semaine, mais il faut penser à l’avenir.

La porte s’ouvre après un long moment où j’étais seul. Comme convenu, se présentent Carlomax, Jehanne, Gotlinde, et, ce n’était pas certain pour elle, Alys. La révérende-mère s’est revêtue d’une grosse fourrure sur le dos, pour remplacer sa robe. C’est pour elle que je m’inquiète le plus. Si je me contente d’un simple hochement de tête pour accueillir les autres, c’est envers elle que j’offre un peu de courtoisie. Je m’approche, lui prend sa main, et pose mes lèvres dessus pour l’embrasser.

« Gilles va bien ? Trouvera-t-il le sommeil ? Et vous, tout ira ? »

Je lui caresse la main en la regardant tout droit dans ses yeux.

« Pardonnez d’être parti si discrètement, c’est que… Tout a été très soudain. Mais je ne compte pas me défiler. Je suis au service de Derrevin. Et à jamais au vôtre. »

Dans le Temple, c’est elle qui avait fait preuve de déférence. Mais je ne me sens pas spécialement supérieur à elle. S’il reste une personne dans tout ce Royaume qui peut encore me mettre à genoux, hormis le Duc et le Roy à cause des obligations sociales, c’est elle. Elle, ça serait un plaisir de m’agenouiller devant elle.
Ça serait un plaisir d’avoir mon visage entre ses cuisses.

« L’heure devrait être aux réjouissances, mais je crains que Derrevin ne courre un énorme péril. Un qui devrait se manifester déjà dans les prochaines heures. »

La tenant par la main, je guide Alys en bout de table, et l’aide à s’asseoir. Les trois autres s’installent autour tous seuls.
Beaucoup de femmes, ici. Je ne pense pas que nombre de seigneurs Bretonniens se fassent ainsi conseiller. Il y a beaucoup de monde dans cette ville que je ne connais pas, mais je n’ai pas envie de perdre mon temps à faire des présentations alors qu’il y a urgence.

Je retourne chercher mon verre de vin, tout en continuant mon exposé.

« En me nommant chevalier du Royaume, le Duc m’a donné une tâche : Je me devais de me rendre avec certains guerriers sur la terre de mes ancêtres, à cause de raids de Déréliches qui étaient dirigés à l’encontre des seigneuries voisines. Ma mission a été accomplie. Il n’y a plus aucune Déréliche en Lyrie, et il n’y aura plus d’assauts commandés depuis le comté. Mais je crains que la solution que je n’aie employée là-bas ne reçoive pas les faveurs de la Prophétesse du Graal qui m’accompagnait… Son espèce a toujours préféré les solutions plus… Radicales. »

Je prends une gorgée de vin. Et me retourne pour leur faire face.

« La prophétesse Mélaine est en route depuis la Lyrie. Je suis parti avec une nuit de retard, et il m’a fallu courir à bride abattue pour la rattraper et atteindre cette ville avant elle. Mais je doute que mon avance ait été de beaucoup. Elle peut venir avant l’aube. Ou dans la matinée. Ou dans la journée de demain. Tout cela ne change rien : Elle arrive. Blessée, escortée d’un unique chevalier la dernière fois que je l’avais vue, mais elle arrive. Et lorsqu’elle va venir ici…
…Elle ne laissera personne en vie. Elle voudra me tuer, autant qu’elle voudra tuer Gilles. »


Je place mes mains dans le dos. Marque une petite pause pour bien signifier la gravité de la situation.

« J’ai ordonné de regarnir les murailles et de ne pas mener de festivités, car il faut présenter le village dans l’état avec lequel Mélaine s’attend à le trouver : Aux aguets, fortifiés face à Brandan de Maisne, mais prêt à s’ouvrir à elle et à lui confier le tableau de Nicolas Naudin qu’elle est venue chercher. Je ne suis pas sûr qu’elle ait regarni sa suite — elle n’a aucune raison de craindre un assaut contre sa personne, mais je ne peux pas assurer qu’elle n’ait pas avec elle plus de chevaliers ou de sergents qu’elle n’en a amenés en Lyrie.
De toute façon, cela ne change rien. Parce que Mélaine est une femme de bien. Une femme résolue. Elle est incorruptible. Et dévouée à son culte. Que des qualités parfaitement admirables.
Alors nous allons devoir la tuer. »

Quelle autre solution ?
Je pose mes poings sur la table.

« Nous n’allons pas lui laisser la moindre chance. Ni lui offrir le moindre combat honorable. Nous allons la laisser entrer à l’intérieur, la guider dans les rues de Derrevin, et fermer les portes à elle et à son escorte derrière. Puis, nous lui tendrons une embuscade — si possible dans un lieu où elle ne risque pas de provoquer des dégâts collatéraux, peut-être en la guidant vers la plage, ou le château ruiné où nous dirons garder le tableau.
Elle est puissante. C’est pour cela que nous ne lui offrirons aucune chance, aucune explication, aucune mort honorable. Nous la trufferons de carreaux d'arbalètes à distance et vaincront dans le seul et unique but de l’assassiner. C’est une manière de faire répugnante, mais sa mort directe et sans aucune pitié est le seul moyen de tous nous en sortir.

À l’heure qu’il est, je suis mort. Armand de Lyrie a trouvé la mort en servant son Duc. Derrevin n’a donc plus de seigneur. La meilleure chose que je puisse offrir à cette ville, c’est simplement que je respire. Tant que tout le monde sait que je suis en vie, personne ne peut s’attaquer à ce village. Personne ne peut en faire le blocus. Je pourrai contracter des prêts pour nourrir nos villageois, et ester en justice pour avoir le soutien du Duc face à ceux qui voudraient nous faire du mal. Mais pour que je sois en vie, il faut que j’explique comment j’ai survécu à la mort dans mon propre château… Et ça, c’est impossible avec Mélaine en vie.

On ne tue pas une prophétesse facilement. Pas simplement parce qu’elle peut se défendre — j’espère bien que nous la tuerons si rapidement et si atrocement qu’elle n’aura même pas le temps de réagir — mais parce que, une fois morte, le Duc partira à sa recherche. Il engagera des chevaliers errants. Des sœurs à elle, d’autres Damoiselles, enquêteront avec eux pour retrouver sa trace. Il nous faut donc expliquer la mort de Mélaine, de telle sorte que le Duc pense que toute cette affaire est terminée, et fasse enfin son deuil. Que les vieux démons de l’Aquitanie soient éteints, à jamais.

Et je sais comment faire ça. »


Là, c’est le moment où je vais marcher sur des œufs. Je me tais, lèche mes lèvres. Et propose enfin ce à quoi j’ai pu réfléchir en attendant que ce conseil soit réuni.

« Margot est morte. Et sa mort va sauver tout ce village. Sa mort va être un sacrifice qui va permettre à chaque homme, chaque femme, chaque enfant de ce village de continuer son existence.
Une fois que Mélaine et son compagnon seront morts, je… Je déchaînerai quelque chose, sur leurs cadavres. Les détruirai par la magie noire. Alors, lorsque l’heure viendra pour moi de révéler ma survie, je ramènerai au Duc la dépouille de son amie, mais aussi le cadavre de Margot.

En découvrant… En découvrant la marque du Protecteur sur Margot, je donnerai un récit au Duc. Une explication qui ne dévie que très peu de la réalité — car les meilleurs mensonges sont tous ceux qui empruntent au vrai.
Je dirai au Duc, que durant mon périple en Lyrie, les Déréliches ont imité des maléfices dont était capable la mère de Margot, dame Loyse de Ternant. En voyant la Déréliche imitant Loyse, j’ai reconnu des cicatrices qui étaient présentes sur Margot. Me rendant compte du danger que courrait Mélaine, j’ai galopé jusqu’à Derrevin pour aller la prévenir.
Mais je ne suis arrivé qu’in extremis. Utilisant les mêmes sortilèges que sa mère, Margot a torturé Mélaine en réduisant petit à petit son corps avec de la magie noire — chose qu’il verra de ses propres yeux. J’ai alors échoué à sauver Mélaine, mais pas à la venger. Alors même que Margot m’a demandé de s’approcher d’elle, à cause de la tendresse qu’elle me vouait, je me suis résolu à l’égorger.

Le Duc aura perdu la femme qu’il aime. Et j’aurai tué la mienne. La douleur commune que nous partagerons nous liera. Qui oserait douter d’un tel récit ? Si on me lançait un cartel, le Duc le prendrait pour une affaire personnelle.
Margot sera reconnue aux yeux de l’Aquitanie comme une sorcière, comme une criminelle, une hors-la-loi qu’il aurait fallu tuer bien plus tôt — et avec cette ignominie, avec ce sacrifice, c’est Derrevin tout entier qui pourra perdurer. »


Le plan a l’air tellement simple dit à voix haute. Mais il reste tellement d’inconnues à devoir gérer… Et en réalité, bien d’autres failles dans le récit qu’il va falloir couvrir.
Mais chaque chose en son temps. Il faut déjà que je recueille leur avis là-dessus.
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Échiqueté d'or et d'azur à la bordure de gueules à la guivre de gueules halissante
Stats :
FOR 9 / END 9 / HAB 11 / CHA 15* (14) / INT 9 / INI 8** (10) / ATT 13** (15) / PAR 11** (13) / TIR 8 / NA 2 / PV 70/70
*Bonus grâce à la chevalière portée à l'auriculaire
**Malus à cause du harnois (inférieur)

État temporaire :
Compassion : +2 aux jets d'empathie (Reste une journée)
Esprit compatissant : +3 aux jets de résistance à la peur/terreur (Reste une journée)
Pompette : +1 CHA, -1 INT.
Migraine : -1 CHA
Visière épaisse : -2 aux jets de perception (Lorsque le casque est porté)

Compétences :
- Anticipation : +1 en ATT et +1 en PAR à partir du 3e round face au même ennemi
- Coup précis (1) : Malus atténué de 1 lors de la visée d'une partie précise
- Coups puissants : +1d3 de dégâts
- Coriace : Résiste à 1d3 dégâts de plus
- Dégainer l'épée : +1 en INI lors du premier round
- Parade : Valeurs de parade doublées
- Sang-froid : +1 lors d'actions réalisées sous stress
- Volonté de fer : +1 sur les tests pour résister à la peur

- Baratin : +1 pour embobiner quelqu'un à l'oral.
- Empathie : Capable, sur un test, de lire les émotions sur le visage de quelqu'un.
- Empathie animale : Capable, sur un test, de deviner les émotions d'un animal.
- Étiquette : +1 lors des interactions avec la haute société
- Humour : +1 pour divertir et amuser.
- Intrigue de cour : Capable de déceler et deviner des intrigues.
- Monte : Ne craint pas de chutes lors d'une montée normale
- Vœu de la Pureté échoué : -2 dans la résistance aux tentations terrestres

- Alphabétisé : Capable d'écrire et de lire le Bretonnien
- Art (Peinture) : Sait peindre des tableaux.
- Danse : Excellent danseur
- Héraldique : Capable de reconnaître les blasons des familles nobles, et d'en savoir plus sur eux sur un test

Équipement de combat :
- Épée bâtarde (Inférieure) : 2 mains / 23+1d10(+1d3*) / 22** (11) parade
- Lance d'arçon : 1 main / uniquement à cheval / 20+1d10(+1d3)* / 16** (8) parade / "Long" (Malus de -2 ATT pour les adversaires) / "Épuisante" (Malus de -1 d'utilisation après END/2 tours, à chaque tour, max -4) / "Percutante" (Relance du jet de dégât, meilleur résultat gardé) / "Rapide" (Malus de -2 PAR et/ou -2 HAB pour toute esquive tentée par l'adversaire) / Se brise après 4/5 utilisations
*Avec la compétence Coups puissants
**Avec la compétence Parade


Tête : 13 protection
Torse : 13 protection
Bras : 13 protection
Jambes : 8 protection

- Destrier Bretonnien (Ravel) : FOR 10 / END 13 / SAU 8 / RAP 10 / INT 9 / DOC 12 / ATT 9
Équipement divers :
3 Eo

- Un beau doublet
- Un grand manteau
- Des bottes neuves
- Une jolie écharpe

- Nourriture
- Hydromel

- Bague affichant un lion - +1 CHA

- Insigne argenté marqué du blason de Lyrie
- Pendentif monté en clou
- Un flacon à l'odeur immonde
- 3 bouteilles de tonique miraculeux
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[MJ] Katarin
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Re: [Anne de Lanneray] Des comptes à régler

Message par [MJ] Katarin »

Les ordres furent donnés et appliqués. Plusieurs hommes sortirent des rangs, écoutant les directives de Carlomax pour les mettre en pratique. Thecia fut enfermée à double tour dans une pièce close des baraquements de la ville. Des hommes d'armes furent installés sur les remparts et dans les tours de guet, la plupart équipés des fameuses arbalètes trouvées dans la forêt : de quoi clouer au sol quiconque oserait s'approcher avec de mauvaises intentions. La foule fut dispersée : non, aucune festivité d'ampleur ne pouvait être organisée tant que le danger rôdait. En attendant, il allait falloir s'entasser pour passer la nuit à l'abri du froid, quitte à célébrer en petit comité dans chaque maisonnée.

Les habitants obéirent sagement, comme des moutons. Ils souriaient, ils semblaient heureux, ils discutaient entre eux et s'extasiaient au sujet du petit Gilles, de ses cris vigoureux, de son corps sans défauts, de ses tétées goulues. Ils s'écriaient gaiement, s'enlaçaient, s'embrassaient, Ils félicitaient leur seigneur, mais davantage pour sa progéniture que pour son nouveau statut. Personne ne faisait mention du ver avalé par Alys, personne ne parlait de la banshee qui avait failli tout ravager, personne n'évoquait la chair sur les murs, la chitine perforatrice, les tentacules, le corps profané d'une Margot égorgée. Mais l'on évoquait volontiers le sacrifice de la Mère, la dévotion de la Nourrice, et les promesses d'un avenir heureux aux côtés de l'Enfant Divin. Quelques voix discordantes semblaient néanmoins remuer un peu la population : la naissance d'une déité au sein même de leur village aurait du être marquée par une fête d'exception, et non pas se conclure dans le silence nocturne.

On laissa au Seigneur de Derrevin le temps nécessaire pour se débarbouiller à la salle de bains de la maison du Gouverneur - désormais la sienne. Personne ne vint lui demander de comptes pour les bruits qu'il avait pu y émettre. Lorsqu'après ses ablutions, on vint le rejoindre dans le grand bureau, tout le monde baissa la tête respectueusement en le revoyant, lui adressant un "messire" bien poli, avant de prendre place autour de la table.

- Gilles va très bien, lui répondit Alys avec douceur, n'ayez crainte mon Seigneur. Il a bu tout son saoul et dort désormais à poings fermés dans son landau. J'espère que vous aurez prochainement le temps de contempler la quiétude de sa respiration nocturne.

Profitant du baiser sur sa main, la grande prêtresse glissa sa paume contre la joue de son seigneur, laissant ses doigts parcourir sa peau désormais glabre. Son visage souriant avait la grâce du divin, l'odeur entêtante qu'elle dégageait flattait le nez comme l'arôme du meilleur cognac, et son contact déclenchait instantanément une chair de poule involontaire. Le sensualité qu'elle dégageait était étouffante, subjuguant tous les sens à la fois. Carlomax, Jehanne et Gotlinde semblaient y être eux aussi sensibles, car dans les minutes que dureraient ce conciliabule ils n'auraient de cesse de couler des regards dans sa direction.

Une fois chacun bien installé, Armand put exposer le premier problème auquel son règne allait devoir faire face : l'ennemi approchait, et portait le nom de Mélaine.
Lorsqu'il annonça clairement son désir de tuer la prophétesse du Graal, tous sursautèrent. Ils n'osèrent pas ouvrir la bouche, interrompre leur seigneur, mais le meurtre d'une représentante de la Dame n'était pas un sujet que l'on abordait à la légère, et l'ambiance s'assombrit dès lors que l'idée fut évoquée.
Les sourcils froncés, on écouta Armand jusqu'à la fin de l'exposition de son plan. Et quand enfin il conclut ce long monologue, un silence plana lourdement dans la pièce : d'abord pour s'assurer qu'il avait bien fini de parler, ensuite parce que personne ne semblait oser prendre la parole en premier.

- Vous avez changé.

Carlomax s'était levé. Sa voix était grave, sa mine sévère. Il scrutait Armand intensément, examinant son visage et ses expressions.
Le Sans-Visage n'avait pas beaucoup changé depuis la dernière fois qu'Armand était venu à Derrevin. Pendant les évènements au temple de Shallya, il n'avait pas eu le temps de vraiment pouvoir observer chaque individu tournoyant autour de lui, tout s'étant déroulé si vite et de manière si confuse. Mais maintenant devant lui, il pouvait voir que l'ancien chef de Derrevin avait toujours ce regard flamboyant qui accompagnait son assurance naturelle. Pourtant, il semblait plus fatigué encore que la dernière fois, notamment parce que sa moustache et sa barbe étaient coupés de manière plus négligée, que ses cheveux luisaient de gras, et que de vilaines cernes venaient décorer son visage.

- Je n'aurais pas la prétention de dire que je vous ai connu, nous n'avons jamais eu que quelques discussions ensemble. Mais ce fut suffisant pour que je puisse affirmer que l'homme que j'ai envoyé à Castel-Aquitanie pour négocier avec le Duc n'aurait jamais proposé de tuer une prophétesse de sang-froid. Le spectre que vous avez...

- Nous avons tous changé Carlomax, l'interrompit Alys d'une voix douce et pourtant ferme. L'Enfant Divin a bouleversé le train de nos vies et de nos convictions, et il serait malvenu de critiquer notre nouveau seigneur en cela. Ce nouvel Armand, lorsqu'il tenait nos vies dans le creux de sa main, a choisi de nous protéger alors qu'il avait le pouvoir de nous tuer. C'est tout ce qui compte.

Le hors-la-loi encaissa lentement cette réponse, puis hocha la tête lentement avant de se rassoir. Difficile de savoir si cette argumentation l'avait convaincu, mais elle avait été en tout cas suffisante pour ébranler ses certitudes.

- Est-ce que ce sera si facile que cela que de tuer Mélaine ? objecta Gotlinde, allant droit au but. Des rumeurs de ce pays, elle est la femme la plus puissante d'Aquitanie. Elle contrôle les éléments et la nature, peut prédire le futur, et tire ses pouvoirs de la Dame en personne. Si elle vient dans un village de hors-la-loi pour y récupérer un artefact qu'elle sait dangereux, elle sera préparée à tout.

- Nous ne sommes pas obligés de la tuer, répondit Carlomax d'une voix grave. Armand vous l'avez dit, les conséquences seront terribles. Le Duc... s'il l'apprend, nous sommes tous morts. On pourrait régler ça pacifiquement. Le tableau n'a plus aucun pouvoir désormais, on pourrait le lui donner puisque c'est ce qu'elle est venue chercher. Vous pourriez vous cacher à Cinan, et l'on justifiera votre survie miraculeuse plus tard, par quelque mensonge joliment formulé. Vous autres chevaliers adorez les histoires de héros qui survivent d'un cheveu face à l'adversité, il ne sera pas difficile d'inventer une fable qui satisfera tout le monde. Et puis Alys est grande prêtresse de Shallya et Protectrice de l'Enfant Divin : je n'ai aucun doute sur le fait qu'elle pourra vous soigner du mal que vous avez contracté dans votre demeure natale...

Il croisa le regard d'Alys, qui sembla gênée de devoir répondre à pareille suggestion. Pour la première fois, elle perdit un petit peu de sa superbe dans une réponse un peu hésitante.

- Je... je pourrais essayer. Si c'est la volonté de notre seigneur, bien entendu.

- Et l'Enfant Divin ? grommela Gotlinde. Si la prophétesse devine son existence, il n'y a aucun doute qu'elle voudra le faire disparaître. Votre Dame n'apprécierait guère la concurrence.

- On ne la laissera pas entrer à Derrevin, répondit du tac-au-tac le Sans-Visage. Dès que l'un de nos éclaireurs la verra passer notre frontière, nous cavalerons à sa rencontre avec le tableau pour le lui remettre hors de nos murs.

- J'ai une meilleure idée, déclara soudainement Jehanne de Montagu.

La fille de baron affichait un sourire retors. Puisqu'elle n'avait pas parlé depuis le début des échanges, se contentant de suivre le débat en tortillant une mèche de ses longs cheveux bruns, sa soudaine prise de parole prit par surprise ses interlocuteurs.

- Je pense que l'idée d'Armand, du moins la partie où on abat la prophétesse sans aucune pitié, est excellente. La laisser vivre ne ferait que reporter notre problème à plus tard : que ce soit par la nature surnaturelle de notre seigneur ou par la popularité grandissante qu'aura Gilles dans toute l'Aquitanie. Maintenant ou plus tard, Mélaine est notre ennemie, alors autant s'en débarrasser au plus tôt.

Son sourire s'agrandit pour devenir presque carnassier. Sous son apparente docilité, Jehanne semblait cacher une personnalité bien plus effrayante.

- Mais la seconde partie me semble dysfonctionnelle. On peut bien faire dire ce qu'on veut aux morts et à la magie noire c'est certain, et Margot pourrait porter la responsabilité du décès de la prophétesse oui. Mais vous savez ce qui a encore plus de poids que le témoignage d'un coupable mort ? Celui d'un vivant.

Ménageant son effet, elle laissa passer quelques secondes avant de lâcher son idée.

- Thevot de Maisne. Cet abruti a pour mission de gérer les sergents et mercenaires qui font blocus à nos frontières. Il a déjà une triste réputation de petit noble prétentieux sans honneur, c'est la brebis galeuse de la famille Maisne. Bien sur, il ne collaborerait pas avec nous immédiatement, mais si comme Margot l'a fait pour nous, nous le forçons à communier avec la Protectrice, il comprendrait alors l'importance de la mission que l'on pourrait lui confier. Il saurait que pour la pérennité de Gilles, il devrait se sacrifier en se rendant au Duc, avouant avoir accompli les ordres de Brandan de Maisne lui demandant d'abattre la prophétesse avec une volée de carreaux. Car le vieux Maisne convoitait avec trop d'ardeur nos terres - il avait le sentiment qu'elles lui revenaient de droit après la chute des Elbiq, mais les herrimaults lui ont coupé l'herbe sous le pied, puis le Duc a décidé d'ignorer ses prétentions pour les confier au fils du comte de Lyrie, l'infâme slaaneshi Armand... alors il a voulu forcer le destin de la pire manière qui soit. Thevot devait après son méfait produire un faux témoignage accusant les herrimaults du meurtre, permettant à Brandan de justifier une reconquête violente de Cinan, Pulnoy et Derrevin. Mais après avoir commis le meurtre, Thevot a eu une révélation devant le cadavre de la prophétesse, et n'a pas pu se prêter à cette infamie davantage - aussi a t-il préféré tout avouer au Duc et assumer ses péchés.

Un nouveau silence de mort.

- Non.

Cette fois, la voix d'Alys était dépourvue de douceur. Elle était froide, glaciale, tremblante d'une colère sourde.

- L'Enfant Divin n'est parmi nous que depuis une poignée d'heures, et déjà ses pouvoirs devraient servir à mentir, à manipuler, et à provoquer des meurtres ? La communion offerte par Margot nous a uni, elle nous a réuni sous une vision commune, un monde défait de ses injustices, un monde dans lequel nous pourrions vivre en harmonie. Ce que vous proposez... on ne peut pas prévoir les conséquences. La descente aux enfers des Elbiq suite au témoignage d'Armand a déjà fortement déstabilisé toute l'Aquitanie, si les Maisne subissent le même sort, le duché tout entier sera ébranlé. On risque le chaos, qui n'engendrera que malheur et souffrance pour la majorité. L'idée de notre seigneur me parait plus raisonnable

- Croyez-vous que ce soit dans la stabilité que l'on pourra convertir la population de Bretonnie au culte de l'Enfant Divin ? Les gens ont besoin qu'on les secoue pour douter de leurs convictions, ils ont besoin d'être perdus pour pouvoir ressentir le besoin de suivre la lumière. Derrevin s'est soulevée, s'est libérée, parce qu'elle a souffert, parce qu'elle a du affronter ce chaos ! Si Binet n'avait pas été un individu aussi détestable, vous n'en seriez pas là aujourd'hui, vous n'auriez pas eu la force de lutter pour votre liberté, et Gilles ne serait peut-être jamais venu au monde. Si un modèle de vertu comme Brandan de Maisne tombe de son piédestal, le culte de la Dame sera ébranlé en Aquitanie, et la légitimité de Gilles en tant que successeur divin de Bretonnie sera assurée, parce qu'il sera un nouveau repère auquel se fier pour ceux ayant perdu le précédent.

Personne ne répondit. Cette fois-ci, le silence ne fut pas brisé - tous les regards dévièrent en direction d'Armand, car dans pareil conflit d'intérêt, l'opinion du seigneur de Derrevin était primordiale.

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Armand de Lyrie
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Re: [Anne de Lanneray] Des comptes à régler

Message par Armand de Lyrie »

Dès que Carlomax parle, je remets le verre à mes lèvres. Il y a sûrement pas assez de vin dans cette ville pour vraiment me venir en aide, mais il doit y en avoir assez au fond de mon godet pour me tranquilliser. C’est impressionnant comment les interactions sociales sont plus agréables quand on commence à se charger. Surtout quand on parle avec libéralité de meurtre.

En tout cas, Carlomax n’a vraiment pas l’air d’approuver mon idée de faire assassiner Mélaine. L’objection de Gotlinde me fait froid dans le dos, et m’encourage à me saisir de la cruche pour à nouveau avoir de l’alcool à la main. Oui, Mélaine lit dans l’avenir — qu’est-ce qu’elle peut y découvrir, en fait ? Peut-être est-elle persuadée qu’Armand de Lyrie est mort. C’est ce qui est réellement arrivé. Je ne devrais pas être en train de respirer dans cette pièce.
Mais évidemment, le Sans-Visage a réponse à tout. Il suffit de tranquillement me cacher, et alors, Alys pourra prendre tout son temps pour me soigner. Je dois réprimer l’envie de lui lancer un regard noir lorsqu’il dit ça. Ça va faire des semaines que je n’arrête pas de lutter pour que des choses ne grattent pas mon âme, et j’ai échoué, la dernière chose dont j’ai envie maintenant c’est de voir la révérende-mère s’essayer aux mêmes techniques sur moi. La Banshee, aussi douloureuse soit-elle, est au moins… Proche. Compréhensible. Mieux vaut le Mal qu’on comprend que le Mal qu’on ignore.

Je serre des poings contre la table tandis que Carlomax se met à être persuadé qu’on peut juste donner le tableau à Mélaine ; Comme si ça allait suffire. Comme si elle n’allait pas demander à voir Margot, à observer Derrevin — et comment lui refuser ? Refuser l’ordre d’une prophétesse, c’est directement paraître suspect. Il faut qu’elle cesse de respirer, si seulement, si seulement elle pouvait juste disparaître…
Mais alors que c’est moi qui vais répondre, d’un air bien blasé, la fille du baron se met à piailler. Et, d’une voix bien douce par rapport aux mots qui en découlent, la voilà qui se met à jurer des meurtres et du chantage avec son air nonchalant.
Admirable. Oui, j’avais vu juste — elle n’est absolument pas aussi sotte qu’on voudrait que les femmes de Bretonnie le soient. Mon père l’aurait sans doute adorée. Ça provoque des remontrances de la part d’Alys. Et avec les objections déjà précédentes de Carlomax, en plus…

« Les gens ont besoin qu'on les secoue pour douter de leurs convictions, ils ont besoin d'être perdus pour pouvoir ressentir le besoin de suivre la lumière. »

Amen.

La phrase me secoue. Elle m’emplit d’une tristesse bien soudaine. J’essaye de situer mentalement le moment dans mon esprit où je me suis retrouvé dans cette situation. Où tout a commencé à foutre le camp. Quelques images défilent dans mon esprit.
J’attrape ma coupe et me prend deux grosses gorgées de vin.

« J’admire Brandan de Maisne. »

Je repose mon verre. Je regarde un peu dans le vide. En fait, je parle un peu tout seul, je dispute avec moi-même. Normal. On est deux là-dedans.

« Il me déteste, mais c’est pas réciproque, je l’admire — c’est bien la preuve que ça n’a rien de personnel. C’est un homme… Rempli de convictions. Honorable. Un preux chevalier, comme ceux des chansons de geste. Mais il est aussi plus sensible, et plus rusé qu’on ne le pense. Il aime sa famille, même s’il ne le montre pas.
Un homme comme lui, il mériterait le sort auquel les jeunes pages aspirent quand ils lisent les contes : mourir debout, en défendant ses gens contre une armée de peaux-vertes.
Mais personne autour de cette table n’est candide. Nous savons tous quel est le problème dans cette nation. Vous êtes des femmes nobles, Carlomax tu es un roturier. Vous le savez, que ce sont toujours les plus honorables, et les plus valeureux, qui peuvent se révéler être les plus oppressants. »


Finalement, je lève mes pupilles vers celles d’Alys. Il est vrai qu’elle a une robe blanche. Pas jaune. Bien blanche. Elle a du sang qui l’a élevée. Elle est croisée de deux arbres aux branches anciennes. J’ignore si ses parents sont des princes ou de minuscules bannerets crottés, ça n’a pas d’importance, elle porte les lys. Sa vie, ça aurait dû être d’épouser un sale con, sûrement plus vieux qu’elle — les femmes paysannes ont souvent des mariages plus heureux que les femmes nobles.

« Dame Mélaine… Elle ne laissera jamais Gilles respirer. Elle ne le laissera pas grandir. Personne n’est en mesure de s’opposer à elle. Elle n’est soumise à aucun tribunal, à aucun ban, à aucune autorité — ni de prud’hommes, ni de seigneurs, ni-même du Roy Louen en personne. Elle perçoit un danger, elle l’élimine, sans négocier, sans recul, sans compassion. Dans son monde, il y a le Juste, et il y a l’Injuste.
Carlomax, si tu souhaites tromper Mélaine, il va pas falloir seulement me cacher moi — il va falloir cacher Gilles. Et il va falloir cacher la Révérende-Mère. Et il va falloir cacher le cadavre de Margot. Et tout ce qui a été touché par le Protecteur. Et même si on obtient un sursis, un délai, damoiselle Jehanne a raison : nous aurons toujours le sceptre de Mélaine au-dessus de nos têtes. Le Duc l’aime, et la veut tout près de lui. Tant qu’elle est en vie, il m’est strictement impossible de l’approcher.
C’est ça, qu’il faut garder à l’esprit. »


Petit soupir, bref.

« Mais il est vrai que dame Gotlinde a raison. Un meurtre, c’est difficile à accomplir. Elle est forte. Et méfiante. Et elle ne sera pas seule — peut-être n’y a-t-il qu’un seul chevalier qui l’accompagne, celui qui est venu avec moi en Lyrie… Alors il faudra le tuer aussi. Et s’il y a d’autres sergents, ça fait de nouvelles personnes à égorger. Et s’il y a des témoins qui ne partagent pas une vision convenable, alors eux aussi, il faut les exterminer.
On commence comme ça, on en finit pas. C’est juste une immense boucle de souffrance. Gilles est venu dans ce monde auréolé d’une mort… Est-ce qu’il doit être la cause de dizaines d’autres cadavres ? »


Ce n’est pas tellement la morale qui me guide en fait — c’est plutôt le pragmatisme. Parfois, des gens cruels refusent de tuer leurs ennemis pour des raisons bien logiques.
Mélaine n’est pas la seule Damoiselle du Graal de Bretonnie. Elle a des sœurs. Si elle disparaissait soudainement, peut-être que la Fée Enchanteresse enverrait d’autres la remplacer. Et comme les Damoiselles ne suivent pas les lois du Royaume, elles pourraient très bien enquêter discrètement, en ne se limitant pas à la version des faits de témoins qui auraient depuis longtemps été pendus au gibet.
Peut-être vaut-il mieux garder le Mal que je connais, Mélaine, plutôt que de risquer d’en affronter un nouveau que je ne maîtriserai pas.
Un peu comme avec la Banshee.

« Nous avons un seul avantage pour l’instant : Mélaine n’a qu’une paire d’yeux, et les informations sont portées à cheval. Nous avons donc l’initiative d’agir, mais une fois une décision prise, il faudra s’y tenir.
Il faut que je me présente au duc en chair et en os. Ça, c’est absolument vital. Il voudra me voir de ses propres yeux, et c’est ainsi que je pourrai sauver Derrevin, de la famine, et de l’invasion de gens comme Maisne.
Mais il ne faut surtout pas que Mélaine me découvre. Car elle, elle me ferait rouer, puis elle se chargerait elle-même de la police de Derrevin. Avec les capacités qu’on lui connaît.
Si nous suivons l’idée de Carlomax de lui remettre le tableau, alors ce n’est pas à Cinan que je dois me cacher : c’est à la cour ducale que je dois me rendre, en toute hâte, et je dois en repartir avant qu’elle revienne, ce qui est vous l’admettrez très limité au niveau des délais.
Et il ne faut pas qu’elle découvre Gilles non plus. Lui, il faut à tout prix assurer sa sûreté. »


Je regarde Alys. Puisque c’est elle qui objecte à l’idée de Jehanne, c’est bien elle qui va devoir proposer quelque chose d’autre.

« La chute des Elbiq, c’est moi qui l’aie causée. Parce qu’ils la méritaient. Comme Binet méritait d’être exécuté.
Brandan de Maisne est un homme rempli d’honneur. Oui. Mais son honneur ne l’empêchera pas d’envahir ces murs et de piller toute la population. Les chevaliers de Bretonnie s’arrangent bien avec l’honneur, encore plus si une prophétesse parle pour eux.
Tôt ou tard, on devra s’occuper de lui. Mais je comprendrai que l’on préfère tard à tôt… Donc, comment peut-on s’assurer que Gilles soit en sécurité, camouflé de la prophétesse, si elle décidait d’entrer en ville ? Doit-on le mettre en sûreté ailleurs ? Et le Temple de Shallya, si Mélaine s’y rendait, ne risque-t-elle pas de découvrir quelque chose ? »


Ce qui d’ailleurs, en fait, amène d’autres interrogations. Beaucoup plus profondes. Me voilà à froncer des sourcils, dans une mine de colère.
Binet. La fille de Binet. Elle avait l’air tellement… Tellement clairvoyante. Au point où elle pouvait lire en moi.

Je ne l’ai pas vue. Comme l’autre petit con de Vérénéen. Et le Mignon de Brandan qui m’avait promis de venir avec moi en Lyrie ; qui sait où ils sont maintenant ? Peut-être avec Mélaine ? Ça ne relève pas de l’improbable. Si ça se trouve, cette sale pute s’est arrêtée au château des Maisne avant de venir ici. Pour leur donner des ordres. Pour porter la voix du Duc, que sais-je.
Merde. Fait chier. Je grince des dents. J’ai l’impression que ou bien on me cache quelque chose, ou bien les gens autour de cette table sont incompétents…

D’une voix différente, bien plus froide, je demande :

« Ophélie… Où est-elle ? »
Modifié en dernier par [MJ] Katarin le 17 févr. 2021, 17:13, modifié 1 fois.
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- Baratin : +1 pour embobiner quelqu'un à l'oral.
- Empathie : Capable, sur un test, de lire les émotions sur le visage de quelqu'un.
- Empathie animale : Capable, sur un test, de deviner les émotions d'un animal.
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- Humour : +1 pour divertir et amuser.
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- Héraldique : Capable de reconnaître les blasons des familles nobles, et d'en savoir plus sur eux sur un test

Équipement de combat :
- Épée bâtarde (Inférieure) : 2 mains / 23+1d10(+1d3*) / 22** (11) parade
- Lance d'arçon : 1 main / uniquement à cheval / 20+1d10(+1d3)* / 16** (8) parade / "Long" (Malus de -2 ATT pour les adversaires) / "Épuisante" (Malus de -1 d'utilisation après END/2 tours, à chaque tour, max -4) / "Percutante" (Relance du jet de dégât, meilleur résultat gardé) / "Rapide" (Malus de -2 PAR et/ou -2 HAB pour toute esquive tentée par l'adversaire) / Se brise après 4/5 utilisations
*Avec la compétence Coups puissants
**Avec la compétence Parade


Tête : 13 protection
Torse : 13 protection
Bras : 13 protection
Jambes : 8 protection

- Destrier Bretonnien (Ravel) : FOR 10 / END 13 / SAU 8 / RAP 10 / INT 9 / DOC 12 / ATT 9
Équipement divers :
3 Eo

- Un beau doublet
- Un grand manteau
- Des bottes neuves
- Une jolie écharpe

- Nourriture
- Hydromel

- Bague affichant un lion - +1 CHA

- Insigne argenté marqué du blason de Lyrie
- Pendentif monté en clou
- Un flacon à l'odeur immonde
- 3 bouteilles de tonique miraculeux
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[MJ] Katarin
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Re: [Anne de Lanneray] Des comptes à régler

Message par [MJ] Katarin »

Les réflexions d'Armand sur Brandan de Maisne rencontrèrent une approbation muette générale ponctuée de quelques discrets hochements de tête. Femmes et parias ne pouvaient que confirmer les propos tenus sur la chevalerie, aussi vertueuse s'affiche t-elle. Quant à la famille du seigneur de Maisne, il était de notoriété publique que s'il l'aimait profondément, elle était constituée de nombreux moutons noirs - cousins avides, frères idiots et enfants rebelles jonchaient l'entourage de l'honorable chevalier.

Au sujet de Mélaine, l'approbation de chacun était gagnée également, mais de manière moins franche : entre idéaux et réalité, aucune solution ne semblait idéale. La prophétesse était dangereuse, mais il était difficile d'estimer le moindre mal entre sa vie ou sa mort. Vivante, elle était la Némésis d'Armand et de son fils, capable sans nul doute d'identifier leur nature désormais déviante, et de les faire tuer séant. Mais morte, elle créerait un raz-de-marée politique difficile à prévoir et évaluer. Armand le savait, le Duc réagirait, d'autres demoiselles pourraient surgir, si ce n'étaient pas les fées elles-mêmes qui finiraient par enquêter à leur tour.

Aux questions d'Armand, Alys préféra ne pas répondre imédiatement. Et quand le nom d'Ophélie fut cité, elle eut un tic nerveux trahissant son trouble. Elle répondit d'une voix moins assurée que d'habitude, plus faible, comme un aveu d'échec que l'on n'ose pas formuler trop fort.

- Ophélie est... confinée dans l'hospice. Contrairement aux habitants de Derrevin, elle a rejeté l'Enfant Divin de son coeur. La communion n'a pas fonctionné avec elle, quand bien même nous l'avons forcée à y participer. Mais elle n'est pas un danger pour Derrevin je vous l'assure Armand ! Elle a souhaité continuer son travail au temple, à soigner les gens de son village. En tant que fille de feu le seigneur Binet, elle prend très à coeur de veiller sur sa communauté.

Il y eut un mouvement discret à côté d'elle, du côté de Carlomax. Cela se passait sous la table, mais Armand pouvait le deviner : Le Sans-Visage venait de tendre la main à la prophétesse et se saisir de la sienne pour la réconforter. Ils échangèrent un regard discret, peut-être même un sourire, et Alys retrouva confiance en elle lorsqu'elle poursuivit après un soupir :

- On ne peut pas camoufler l'Enfant. Sa nature-même le rend plus brillant qu'un phare dans la nuit pour quelqu'un comme une prophétesse. Si elle entre dans la ville, voire même si elle s'en approche un peu trop, elle sentira sa puissance. Il est trop jeune pour contrôler ce qu'il est, pour dissimuler volontairement sa nature divine. Il nous faudrait l'aide d'un magicien pour y parvenir à sa place - mon rôle est de l'aider à développer son pouvoir, pas de le dissimuler. Et même s'il quittait nos murs... sa naissance a laissé des traces dans le temple, il est probable que Dame mélaine puisse le ressentir malgré tout. Je suis impuissante.

Je suis la première avec qui l'Enfant Divin a communié, par l'intermédiaire de Dame Margot pendant sa grossesse. Il m'a partagé sa nature, ses désirs, sa volonté, et surtout son amour. Il m'a montré le monde qu'il souhaitait façonner à nos côtés, comment son influence pourrait gommer nos peurs, nos craintes, nos doutes, nos haines et nos rivalités, pour nous offrir un pays de paix et d'harmonie. Un pays dans laquelle il n'y aurait plus de Lyrie, plus d'Elbiq, plus de Binet. Un monde sans les mensonges de la Dame, dans lequel on ne laisse plus un village crever d'une peste propagée par son propre seigneur en détournant le regard.

Je savais qu'en choisissant de l'écouter, en choisissant de l'aider à venir au monde, je m'opposais à la Dame. Que la confrontation serait obligatoire, que les demoiselles et prophétesses deviendraient mes ennemies. Je suis prête à vous aider à tuer Mélaine mon seigneur, avec toute la puissance que le Protecteur et l'Enfant Divin m'octroient.

Mais pour Brandan de Maisne... je pense l'idée de Jehanne inutilement vicieuse. Pragmatique, sans doutes, efficace certainement, mais je ne crois pas que la solution qui apporte le plus de profits personnels soit forcément celle qui soit la meilleure. Mélaine est incorruptible, mais la famille de Maisne pourrait être progressivement introduite à l'Enfant Divin. Par le dialogue, par le temps, je suis certaine que nous pourrions en faire des alliés, des amis.


Elle s'interrompit, et jeta un nouveau coup d’œil très rapide à Carlomax. Il y avait une complicité certaine entre eux, discrète mais perceptible. Sous la table, leurs mains étaient toujours liées.

- Très bien, soupira Carlomax. Alys a sauvé ce village en se rebellant contre son seigneur corrompu quand personne ne faisait rien, et la Protectrice est la voix de l'Enfant Divin lui-même - je n'ai aucune raison de ne pas lui accorder ma confiance aveugle. Si elle affirme que tuer les prophétesse est le moindre mal pour nous permettre à tous d'être en sécurité, alors je me range à son opinion. Il n'y a que trois routes menant à Derrevin, et si elle vient de la capitale alors elle arrivera très certainement du sud-ouest. Si elle ne doit pas entrer dans la ville sous peine de ressentir la présence de Gilles, alors je pourrais préparer une embuscade avec mes herrimaults, là où la route longe le verger - il y a des dizaines de pommiers centenaires aux troncs assez épais pour se cacher derrière. Nous bloquerons la route en prétextant vouloir lui donner le tableau loin d'une ville qui ne souhaite plus souffrir de la présence de la noblesse, dusse t-elle être une demoiselle. Et une fois arrêtée, nous tirerons un feu nourri sur elle et sa suite quelle qu'elle soit.

Sa voix était rauque et sèche, trahissant sa dépréciation personnelle du plan qu'il venait pourtant de lui-même donner. Gotlinde et Jehanne opinèrent du chef pour soutenir l'idée. Néanmoins, cette dernière, malgré son approbation, revint à la charge :

- Oui, dissimuler l'Enfant, Alys, et Armand, sur la durée, c'est impossible. Nous sommes donc tous d'accord pour le destin que nous devons réserver à Mélaine, très bien. Maintenant je me dois d'insister : je comprend que ma stratégie vous déplaise Dame Alys, mais c'est le jeu de l'Aquitanie. Le pays rêvé dont l'Enfant Divin vous a fait part, celui qui nous a tous rallié par la communion avec Margot, il n'est malheureusement encore qu'une utopie aujourd'hui. Si Mélaine meurt ici et qu'Armand accuse Margot auprès du Duc, Brandan sera le premier à douter de la parole de l'héritier de Lyrie. Parce qu'il a bon instinct, parce qu'il y verra une faille dans laquelle s'engouffrer pour reprendre les terres qu'il convoite. En faire votre allié est un doux rêve - l'Enfant Divin n'est encore qu'un bébé, son pouvoir se limite à de faibles prémices, et vous n'avez pu partager sa vision avec nous que parce que suite aux évènements de Derrevin vous aviez déjà notre entière confiance. Pour le rallier à votre cause, il vous faudrait du temps, et croyez-moi, du temps, il ne vous en laissera pas. Il est rusé, sa famille est grande, ses vassaux nombreux, il est l'ami de mon père et l'allié de bien d'autres. Si Mélaine doit mourir, désigner pour coupable une morte ne sera pas suffisant pour nous acheter un répit : on doit créer de nouvelles tensions dans le duché, une diversion assez forte pour nous permettre d'avoir les coudées franches. Vous savez que j'ai raison, vous savez que c'est la voie la plus sure pour protéger l'Enfant et pérenisser sa vision de l'avenir, mais votre robe blanche obscurcit votre jugement actuel.

- Si l'on procède comme vous l'entendez, il faudrait innocenter son fils Andry, intervint soudainement Gotlinde qui regardait Jehanne droit dans les yeux avec un air sévère. C'est un ami, et Jehanne a une dette envers lui, qu'elle le veuille ou non.

La fille du baron Montagu fronça les sourcils, adressant une mimique courroucée à la chevaleresse impériale. Elle balaya la remarque d'un revers de main :

- Oui, oui, c'est un détail Gotlinde, un détail qui peut attendre. Mais c'est vrai que la situation serait plus simple si c'était Andry qui dirigeait les Maisne et non plus Brandan...

Jehanne ne termina pas sa réflexion, ne sachant pas elle-même où elle voulait aller avec.

Silence dans la pièce. Personne n'avait rien à ajouter, et naturellement, tout le monde se tourna vers Armand à nouveau.

Jet d'empathie : 17, raté.
Jet de perception : 2, réussi, Armand devine aux petits mouvements visibles de Carlomax et Alys que sous la table, le herrimault est allé lui prendre discrètement la main.

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Armand de Lyrie
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Re: [Anne de Lanneray] Des comptes à régler

Message par Armand de Lyrie »

Ophélie est encore ici. Je dois me retenir de soupirer d’apaisement — au moins un truc qui ne risque pas d’exploser à ma face tout de suite.
C’est les souvenirs du fils qui s’immiscent. La petite Ophélie. Gentille, mais pas sotte ; elle a clairement vu ce qui lézardait au fond de son âme… Comment n’a-t-elle pas pu le voir venir chez Margot ? Il faut que je lui parle. Elle peut m’aider. Pas Alys — Ophélie peut m’aider et répondre à mes questions.
Elle est si jeune. On vit dans un monde sacrément cruel pour que ce soit une petite gamine qui se retrouve avec autant de responsabilités… Au moins, qu’importe ce qu’est l’Enfant Divin, il ne semble pas aspirer au mal. Au vrai mal. À celui qu’on peut rationaliser avec des échelles. Non, Alys ne souhaite pas que nous nous en prenions à elle. C’est bien. Pour l’instant c’est bien.
Mais il nous reste tout de même des crimes desquels se rendre coupable.


L’opinion générale se guide donc finalement vers la mise à mort de Mélaine. Même Carlomax abandonne ses réticences, plus grâce à la révérende-mère que par mes propres arguments, il faut l’admettre. Les deux sont tactiles, mais je ne le fais pas remarquer — tout le monde a l’air tellement tactile depuis cette maudite « communion »… Tant que l’on peut buter Mélaine, je m’en fiche. Je veux qu’elle meure. Ce n’est même pas par haine, ou par désir vengeur : c’est surtout de la peur. Je refuse qu’elle vienne me hanter, qu’elle décide de m’arracher tout ce que j’ai gagné ces derniers jours. Il faut en finir avec elle, le plus vite possible.
Mais la tuer ne sera peut-être pas le plus difficile. Tuer quelqu’un, même une sorcière aussi puissante qu’elle, ça a ses risques, mais avec l’avantage de la traîtrise, de l’embuscade, et s’il n’y a personne à Derrevin pour avoir des remords et annoncer ce qui l’attend, tout devrait bien aller.
Le problème, c’est ce qu’il faudra gérer après. Et là… Et là, je n’ai toujours pas le soutien de la révérende-mère. Mais j’y suis contraint.

« Je ne peux pas vous forcer à faire quelque chose que vous ne voulez pas, révérende-mère.
Mais damoiselle Jehanne a raison. »

Je pose mes poings sur la table et regarde Alys droit dans les yeux.

« Je vous l’ai dit : ça n’a rien de personnel. J’admire Brandan de Maisne ; comme j’admire dame Mélaine. C’est un monde horrible, celui où les gens de bien doivent périr, mais c’est comme ça.
Même avec le cadavre de Margot, c’est… Ce ne sera pas assez. Trop évident. Oui, Jehanne a raison ; les morts, on peut leur faire dire tout ce qu’on veut, et peut-être que ça serait une histoire suffisante pour le duc et la noblesse d’Aquitanie… Mais ils me détestent tous trop. Ils ont rejeté toute ma lignée, il reste plus que moi qui les gênes encore. Ils me jetteront bien avec mes parents. »


Cette vouivre, cette satanée vouivre… Il y a bien eut un temps où le nom de Lyrie inspirait quelque chose. Lorsque j’ai trahi mes parents, je savais que plus rien ne serait jamais pareil pour moi. Tout ça, la mère l’a deviné, et me l’a clairement expliqué la nuit dernière où nous nous sommes enlacés : je n’allais jamais devenir un héros en rejetant ma famille. Parce que je suis de leur sang, de leur race. Je suis leur progéniture. Même en faisant mon devoir, tout mon duché allait continuer de serrer les dents et les poings en me regardant, parce que je les ai forcés à ouvrir les yeux.
Et ils ont raison.
Je suis le fils d’Anne et d’Armand. J’ai le prénom de l’un d’eux. Et le corps de l’autre.
Je suis leur enfant.

Je prend un air bien solennel, et j’essaye d’imposer mes volontés sur la grande-prêtresse :

« Soyez assurée d’une chose : Un jour, je payerai pour tout ça, révérende-mère. Peut-être que ça prendra des années, des décennies — peut-être que ça viendra de Gilles lui-même, mais les hommes mauvais finissent toujours par payer pour leurs fautes.
Alors je l’accepte. Si c’est pour protéger Gilles et Derrevin, il faut le faire. Mettez-moi tout sur le dos dans votre esprit.
Tuons Mélaine. Forçons Thevot de Maisne à se dénoncer lui-même. Jetons toute cette dynastie dans la tourmente, pour convertir ceux qui le méritent, comme Andry, et pour punir ceux qui de toute manière sont en train d’encercler cette ville avec l’intention de violer et de piller : après tout ils sont là, juste dehors, déjà prêts à attaquer. »



Le plan la met mal à l’aise. Ça se voit. Elle n’en a pas envie.
Mais que je me désigne comme seul responsable doit achever de la convaincre. J’admets, c’est facile, trop facile. C’est le mot passe-partout, n’importe quel connard peut la répéter, cette phrase : « je prends mes responsabilités ». Le plus important, c’est lorsque ça se traduit en actes.

Je suis déjà damné de toute façon. Tout ce que j’espère, tout ce à quoi je me raccroche, c’est que je suis en train de préparer ma propre corde pour une excellente raison.

« Bien, bien… Donc… Ce verger, est-il situé loin d’ici ? »

Carlomax remet ses deux mains sur la table, et opine du chef.

« Quelques heures, tout de même. Si je pars tout de suite avec mes herrimaults, nous profiterons encore du couvert de la nuit, et nous pourrons préparer l’embuscade. Il vaut mieux ne pas tarder.
– Je suis d’accord. Je prends mon cheval et je viens avec vous tout de suite. Tu connais tes hommes mieux que moi, tu sauras lesquels choisir. »

Je serais presque prêt à immédiatement partir d’ici au pas de course, mais Jehanne élève un tout petit peu la main. C’est assez pour ralentir mon début d’élan.

« Et pour Thevot ? »

Je fronce un peu des sourcils. Hausse des épaules.

« Comment ça, et pour Thevot ?
– Si notre action repose sur son témoignage devant le duc, il vaut mieux compter sur lui le plus tôt possible.
– Je pense, mademoiselle, que dame Mélaine est un peu plus urgente qu’un quelconque vavasseur de sire Brandan, je rétorque avec un petit sourire qui masque ma soudaine impatience.
– Mais imaginez s’il était rappelé par son seigneur, souffle-t-elle au tac-au-tac, et qu’il profitait d’un alibi qui ferait de lui un coupable trop peu crédible ? Est-ce un risque que vous souhaitez courir ? »

Visiblement, madame de Montagu n’a pas inculqué à sa fille qu’il était très impoli de répondre. Je grince un peu des dents, et ramène un poing vers moi. Mais je ronge mon frein, et appuie cette idée vers le herrimault.

« Sire Thevot, se trouve-t-il loin du verger où tu penses tendre ton embuscade ? »

Il faut juste une petite seconde de réflexion à Carlomax pour me répondre.

« Difficile à dire. Il ne se tient pas dans une seule position. Il voyage d’un poste de garde à un autre, il est après tout en charge de toutes les forces qui nous tendent un blocus.
– Lorsque je suis parti de Derrevin, il était dans ce fortin, sur la route principale…
– Mes éclaireurs le voient souvent là en cours de journée. Mais il n’y est pas constamment. Dans tous les cas, il faut plusieurs heures pour l’atteindre. »

Je lie mes mains devant mon corps. C’est un tic nerveux d’Anne.

« J’irai donc avec Carlomax m’assurer de la mort de Mélaine, puis nous pourrons partir voir Thevot.
– Pourquoi ne pas y aller tout de suite ?
– Parce que je veux m’assurer qu’elle soit morte, c’est très important pour moi. »

Je veux la voir crevée. Je veux voir sa sale gueule sans vie. Je veux voir sa tignasse rousse dans la boue. Je veux qu’elle paye. Qu’elle paye pour m’avoir tué plusieurs fois. Pour m’avoir trop souvent menacée.
Anne peut épargner Mélaine dans l’intérêt de son fils, oui, mais lorsqu’Armand lui a fait le cadeau d’implorer la miséricorde d’Anne, elle s’est immédiatement retournée contre lui… Non. Non c’est trop facile pour elle. Trop facile. Elle a menacé de mort Armand, elle mérite de souffrir.

« Je pensais pourtant que ce n’était pas personnel, monseigneur ? »

Je la regarde tout droit dans les yeux. C’est le cas de tout le monde autour de cette table.
La chienne. Ça se voit qu’elle a grandi autour de nobles. Comment on peut être une gamine de vingt piges et oser l’ouvrir comme ça ?
Je l’adore déjà.

« Monseigneur, si je puis me permettre… » intervient l’Impériale qui jusqu’ici était fort silencieuse. « Comment comptez-vous aider Carlomax en étant présent ?
– Au cas où il y ait une évolution de la situation. Je sais que Mélaine arrive. Mais je ne sais pas par où, quand, ni avec qui. Normalement, elle devrait arriver en toute hâte, avec seul un chevalier blessé pour l’aider. Mais elle pourrait avoir une plus grosse suite avec elle, elle a pu passer chez d’autres seigneurs avant de venir.
S’il fallait modifier le plan, il faudrait que je puisse prendre de telles décisions, sans laisser Carlomax hésiter.

– Bien sûr, sire. Mais je dois admettre être toujours inquiète quant à l’idée que l’embuscade échoue. Dans ce cas-là, ce serait pire que tout, pire encore que de ne pas permettre à Mélaine d’approcher de Derrevin : nous serions alors immédiatement tous coupables, et ça en serait fini.
– Mais les Herrimaults n’ont pas d’uniformes… Et si Thevot se déclarait coupable de l'assaut raté, alors, nous protégerions Derrevin de toute manière. »

Gotlinde hoche de la tête.
C’est dur pour moi. C’est dur car une passion se déchaîne ; Je veux broyer Mélaine. Broyer son esprit, et sa chair.
Mais il est vrai… Je dois agir doucement. Non, il ne faut pas s’empresser de tout miser sur un seul plan. Mélaine peut toujours s’en sortir en vie. L’embuscade peut échouer. C’est risqué, trop risqué.

« Très bien. Alors c’est décidé.
Carlomax, tu pars immédiatement. Tu prends les hommes que tu veux, et tu te diriges vers ce verger. Dès que tes éclaireurs auront repéré l’arrivée de Mélaine dans la seigneurie, vous vous préparerez à décocher tous vos carreaux sur elle. Essaye toi-même de ne pas te montrer hostile, ce serait idéal si elle et sa suite mourraient tous sans voir d’où la mort vient, mais on ne peut pas garantir qu’il n’y aurait pas des erreurs. Aucun plan ne résiste vraiment à son exécution…

– Très bien monseigneur. Ce sera fait.
– Pendant ce temps, j’attendrai ici, à Derrevin. En début de matinée, nous prendrons une autre route que celle principale, pour ne pas avoir à passer par le verger. J’ignore quand Mélaine entrera dans la seigneurie, quel sera son retard, mais plus tôt il sera assuré d’être de notre côté, mieux ce sera…
Ce n’est pas un plan de bataille, contre lui. Il faut lui donner une raison de me recevoir, en privé, dans une discussion seul-à-seul. C’est pour cela qu’en plus de la révérende-mère, j’aimerais que Jehanne vienne avec moi. »


La damoiselle de Montagu se lève un peu dans sa chaise. Je ne sais pas si elle est surprise ou heureuse d’être ainsi appelée.

« En voyant ressurgir le sire Armand, avec la fille que toute l’Aquitanie recherche depuis des mois, il est certain qu’il voudra nous parler. Je lui dirai que je recherche la sécurité de Brandan de Maisne, pour avoir enlevé et épousé la fille du baron de Montagu, avec dame Alys qui a scellé illégitimement notre union. S'il doit être l'annonceur d'une telle nouvelle, il sentira tout le gain qu’il peut tirer de la situation, et je suis certain que nous pourrons nous approcher de lui sans même un garde ou une sentinelle.
Alors, il ne nous restera plus qu’à… Qu’à faire ce qu’on doit faire.

– Monseigneur, puis-je vous demander de vous accompagner ? Je comprends que vous ne vouliez pas toute une lance avec vous, mais j’ai protégé et entraîné la damoiselle Jehanne, c’est important pour moi. »

Je regarde Carlomax. Le herrimault hausse des épaules.

« Je compte surtout sur Maussade pour me servir de lieutenant.
– Bien, alors. Dame Gotlinde, vous viendrez avec moi et la révérende-mère.
Et maintenant, je dois vous parler de… »


De tellement de choses.
Du cadavre de Casin Baillet.
Du prêtre de Véréna, Félix.
De ma survie à annoncer au Duc.
Je réfléchis à envoyer des gens en Lyrie. Rechercher la trace de Constance.
Et puis…

Et puis ça fait énormément. Beaucoup trop. Et je commence à ressentir le contrecoup de toute la semaine qui me frappe. J’ai envie de m’affaisser sur la table.
Non. Non, chaque chose en son temps. Non, il y a plus important que tout ça, pour l’instant. Beaucoup plus important.

« Nous verrons ça plus tard…
Révérende-mère, est-ce que… Est-ce que je pourrais voir Gilles dormir ? »


La révérende-mère, qui n’a pas dit un mot durant ces derniers échanges, m’offre un sourire radieux : c’est comme si c’était la vraie phrase qu’elle attendait. Comme si me voir prendre la seigneurie en main n’était rien par rapport au fait d’assumer mon fils. Elle se lève tout de suite, et s’incline un tout petit peu.

« Évidemment que vous pouvez aller voir Gilles dormir. Je vais venir avec vous, il faut juste ne pas faire de bruit. »

Je bats des cils. Fait un signe de tête aux trois autres, qui se lèvent en raclant les pieds de leurs chaises sur le parquet.
J’arrête juste Carlomax et m’approche pour lui mettre une main sur l’épaule.

« Bonne chance, mon ami.
– À vous aussi, monseigneur. Je récupère le tableau, je prends mes hommes, et je pars aussitôt. Je laisse Derrevin sous votre garde.
– Ouais, Derrevin serait rien sans toi. Si tout se passe bien, nous aurons bientôt un pays à nous. »

Il serre son poing, qu’il pose près de sa poitrine, du côté de son cœur. Je lui offre un sourire triste.
Et je peux enfin quitter la pièce, tandis que la damoiselle Jehanne se pose tout près de moi en parlant à voix basse, pas réellement un murmure, mais il est clair que la garce souhaite que ça reste entre nous.

« J’espère que je n’ai pas dépassé les bornes en… »

Elle ne dit rien après « en ». Histoire que s’il y a quelque chose à lui reprocher, on soit obligé de le formuler concrètement, à voix haute.
Allons. Allons, c’est tellement bas… Je joue à ce jeu depuis plus de trente ans maintenant. Fut un temps où je tenais la moitié de la chevalerie de ce pays dans ma main, elle ne croit quand même pas m’avoir aussi facilement ? Je ne suis plus juste un gamin trop romantique, la tête bourrée de chanson de gestes. Peut-être qu’Andry est comme ça : visiblement, il y a eut quelque chose entre elle et lui.
Mais non. Il ne faut pas qu’elle soit inquiète. Je préfère être servi par une garce que par une sotte. Je ne supporte pas les femmes connes.

« Je ne suis pas un imbécile borné — n’importe qui peut me contredire.
J’apprécierais juste qu’on ne me contredise pas devant tout le monde. Cela ne se fait pas entre époux. »


Je lui fais un petit clin d’œil et m’éloigne bien vite. J’ai autre chose à avoir en tête qu’elle, pour l’instant.
Alys m’attend au pied de l'escalier. Je remonte juste derrière elle, en devenant soudain fort silencieux.
Mon cœur commence à se serrer un peu. Lentement, très lentement, elle tire la poignée de la porte de la chambre du régisseur. Et, en marchant à pas de chasseurs, elle essaye de ne pas faire craquer le plancher. Je tente de l’imiter, malgré mes grosses godasses de cavalerie qui sont lacées à mes pieds depuis ce matin.

C’est une jolie petite chambre bourgeoise. Des rideaux, des bougies de cire — pas en suif, en vraie cire — le long d’une table, une grosse armoire lyonessoise dans le coin, un coffre plus bas. Et il y a surtout un berceau. Et là, c’est Anne qui remarque, mais y a des… Des minuscules détails, le genre qu’un garçon de vingt ans n’imaginerait jamais.
Il fait ni chaud, ni froid, dans cette pièce. Y a pourtant bien une fenêtre, mais je note que les volets semblent récents. Tout à Derrevin est fait de bric et de broc, les gens dorment dans des tentes et des demeures à moitié construites, mais quelqu’un ici a perdu du temps à couper du bois pour changer les volets.
Le berceau ne peut pas venir d’ici. Je ne crois pas. Je ne pense pas que le régisseur avait aussi un enfant en bas âge, ça serait une trop grande coïncidence.
Quelqu’un a préparé cette chambre. L’a agencée. Il fait noir, trop noir pour que je parvienne à déceler des décorations, des choses au mur — je ne note que les meubles les plus larges. Mais quelqu’un a soigneusement réfléchi à comment Gilles allait dormir.

J’ai très, très mal au cœur. J’en ai les tripes qui se serrent.

Je mets un moment à attendre dans l’embrasure de la porte. Je reste là, comme un con, tandis qu’Alys elle n’hésite pas : elle est déjà perchée au-dessus du berceau. Je pousse lentement la porte qui grince un tout petit peu derrière moi, sans pour autant la fermer. Et je vais la rejoindre, à côté d’elle.
Il faut que je prenne mon souffle avant de regarder au-dessus du berceau.

Et je le vois.

Un bébé.

Il n’y a pas de couvertures — c’est ce qui aurait inquiété Anne. Pas de doudou, pas de choses contre lesquelles il pourrait s’étouffer en se retournant dans son sommeil. Elle a passé tellement de nuits à juste regarder son bébé se remuer… C’est l’avantage quand on est une femme noble, avec des dizaines de domestiques pour faire le repas, le linge, le ménage — on peut passer tellement de temps à juste regarder son enfant.
C’est un bébé. C’est juste un bébé.

Il n’y a rien de maudit ou d’immonde chez lui. Pas de chitine. Pas d’écailles. Rien. Rien de toute l’horreur indicible que j’ai vu dans la chapelle. Juste… Juste un bébé.
C’est pas encore un beau bébé — je veux dire, pas encore un bébé qui a commencé à se former. Plutôt une créature toute rose, toute pouponne, enroulée dans de gros vêtements pour lui tenir chaud. On l’a lavé, alors on voit bien sa peau. Il est quasiment chauve, à part une touffe de poils sur le front dont je ne peux pas distinguer la couleur dans l’obscurité ; mais je prie, j’implore pour qu’il ne soit pas blond…
Je me tiens au-dessus du berceau, tout fixe, parfaitement incapable de réagir. Je suis sidéré. Figé. Figé de peur.

Alys m’ignore. Elle, elle a l’air tellement naturelle : elle pose sa main sur son front, vérifie qu’il n’a ni trop chaud, ni trop froid. Gilles gazouille dans son sommeil, il a un filet de bave qui lui coule sur la joue. Et moi je fais que regarder, totalement vide.

J’ai tué sa mère. J’ai fait de ce gosse un orphelin.



Tant mieux.

Margot l’a sorti de son con ; Mais c’est notre fils. Cette salope veut tout corrompre, comme sa mère avant elle, mais il n’est pas que le fils de Margot, il est le fils d’Armand ; je serai un père, mais aussi une mère, s’il le faut.




Je ferme les yeux. Je suis soudain pris d’une immense migraine. Une douleur lancinante me déchire l’œil droit, et pousse jusque dans ma mandibule. Ça me fait tellement mal que je dois mettre une main contre ma joue.
Anne oublie vite son accès de colère. Elle regarde Gilles avec une tendresse forcée. Elle a envie de le sentir — les bébés sentent tellement bon… Armand, lui, reste juste encore sur place, incapable de trop réagir.

« Révérende-mère ? Est-ce que… Est-ce que je peux t’appeler Alys ? »

Il a dit ça avec une toute petite voix aiguë.

« Comment est-ce que je sais que j’aime cet enfant, Alys ? »
Jet de charisme sur la révérende-mère : 8, réussite.
Modifié en dernier par [MJ] Katarin le 01 mars 2021, 14:16, modifié 1 fois.
Raison : 6 xps / Total d'xp : 111
Fiche : wiki-v2/doku.php?id=wiki:fiche_armand_de_lyrie
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Échiqueté d'or et d'azur à la bordure de gueules à la guivre de gueules halissante
Stats :
FOR 9 / END 9 / HAB 11 / CHA 15* (14) / INT 9 / INI 8** (10) / ATT 13** (15) / PAR 11** (13) / TIR 8 / NA 2 / PV 70/70
*Bonus grâce à la chevalière portée à l'auriculaire
**Malus à cause du harnois (inférieur)

État temporaire :
Compassion : +2 aux jets d'empathie (Reste une journée)
Esprit compatissant : +3 aux jets de résistance à la peur/terreur (Reste une journée)
Pompette : +1 CHA, -1 INT.
Migraine : -1 CHA
Visière épaisse : -2 aux jets de perception (Lorsque le casque est porté)

Compétences :
- Anticipation : +1 en ATT et +1 en PAR à partir du 3e round face au même ennemi
- Coup précis (1) : Malus atténué de 1 lors de la visée d'une partie précise
- Coups puissants : +1d3 de dégâts
- Coriace : Résiste à 1d3 dégâts de plus
- Dégainer l'épée : +1 en INI lors du premier round
- Parade : Valeurs de parade doublées
- Sang-froid : +1 lors d'actions réalisées sous stress
- Volonté de fer : +1 sur les tests pour résister à la peur

- Baratin : +1 pour embobiner quelqu'un à l'oral.
- Empathie : Capable, sur un test, de lire les émotions sur le visage de quelqu'un.
- Empathie animale : Capable, sur un test, de deviner les émotions d'un animal.
- Étiquette : +1 lors des interactions avec la haute société
- Humour : +1 pour divertir et amuser.
- Intrigue de cour : Capable de déceler et deviner des intrigues.
- Monte : Ne craint pas de chutes lors d'une montée normale
- Vœu de la Pureté échoué : -2 dans la résistance aux tentations terrestres

- Alphabétisé : Capable d'écrire et de lire le Bretonnien
- Art (Peinture) : Sait peindre des tableaux.
- Danse : Excellent danseur
- Héraldique : Capable de reconnaître les blasons des familles nobles, et d'en savoir plus sur eux sur un test

Équipement de combat :
- Épée bâtarde (Inférieure) : 2 mains / 23+1d10(+1d3*) / 22** (11) parade
- Lance d'arçon : 1 main / uniquement à cheval / 20+1d10(+1d3)* / 16** (8) parade / "Long" (Malus de -2 ATT pour les adversaires) / "Épuisante" (Malus de -1 d'utilisation après END/2 tours, à chaque tour, max -4) / "Percutante" (Relance du jet de dégât, meilleur résultat gardé) / "Rapide" (Malus de -2 PAR et/ou -2 HAB pour toute esquive tentée par l'adversaire) / Se brise après 4/5 utilisations
*Avec la compétence Coups puissants
**Avec la compétence Parade


Tête : 13 protection
Torse : 13 protection
Bras : 13 protection
Jambes : 8 protection

- Destrier Bretonnien (Ravel) : FOR 10 / END 13 / SAU 8 / RAP 10 / INT 9 / DOC 12 / ATT 9
Équipement divers :
3 Eo

- Un beau doublet
- Un grand manteau
- Des bottes neuves
- Une jolie écharpe

- Nourriture
- Hydromel

- Bague affichant un lion - +1 CHA

- Insigne argenté marqué du blason de Lyrie
- Pendentif monté en clou
- Un flacon à l'odeur immonde
- 3 bouteilles de tonique miraculeux
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[MJ] Katarin
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Re: [Anne de Lanneray] Des comptes à régler

Message par [MJ] Katarin »

Le premier conseil stratégique d'Armand de Lyrie se clôtura donc, chacun de ses membres quittant la pièce après avoir adressé une courbette respectueuse à leur nouveau seigneur. Carlomax avait le visage renfrogné d'un homme concentré sur la tâche à venir, Jehanne partait avec le sourire en coin satisfait de celle dont les idées ont été acceptées et suivies, tandis que Gotlinde gardait un visage de marbre difficile à déchiffrer - mais tout du long de la réunion, elle n'avait jamais émis d'opinion personnelle, seulement des doutes pragmatiques concernant l'exécution des plans proposés.

Alys quant à elle, qui accompagnait Armand jusqu'à la chambre de Gilles, semblait avoir retrouvé tout son aplomb maintenant qu'elle s'était remise debout et qu'Armand avait émis le souhait de voir son fils. La grande prêtresse était grande pour une femme, et possédait une aura d'autorité difficile à expliquer : était-ce sa démarche altière, son regard qui ne flanchait jamais, sa voix douce mais assurée, ou ces étranges tatouages sur son visage qui hypnotisaient ses interlocuteurs ? Même sans son ample robe blanche, vêtue désormais d'un simple manteau de fourrure sur une tenue de lin très simple, elle arrivait à garder cette prestance innée. Loin des conseils seigneuriaux où il fallait décider de vie mais surtout de mort sur autrui, mais plus près d'un enfant à protéger et à soigner, la révérende mère retrouvait un environnement dans lequel elle pouvait évoluer en toute confiance. Elle s'occupait de Gilles à la manière d'une mère, avec un naturel instinctif, tandis qu'Armand n'arrivait qu'à rester figé.

- Vous pouvez m'appeler Alys, ou Nourrice, ou Protectrice, Armand. Le formalisme des titres n'a que l'importance qu'on y accorde. Et puis de vous à moi, je ne suis plus certaine de mériter le titre de révérende mère ou de grande prêtresse.

Elle lui avait répondu avec un sourire bienveillant. Voir qu'Armand désirait être de son fils, s'inquiétait de ses sentiments à son sujet, semblait lui mettre du baume au cœur. Elle posa une main rassurante sur son poignet, ses doigts dégageant une douce chaleur sur la peau froide de seigneur de Derrevin. Doucement, son sourire s'agrandit, tandis qu'une étincelle amusée apparut dans ses yeux

- Armand de Lyrie, vous avez dénoncé vos parents corrompus, êtes devenu le seigneur de Derrevin, l'enveloppe d'un esprit, le meurtrier de votre amie d'enfance, et le père d'un dieu. L'on pourrait croire que cela vous rendrait unique, un être à part avec une détermination sans faille, l'un de ces seigneurs de légende dont on se rappelle pour leurs actes et non leur personnalité. Et pourtant, devant votre premier né, vous me posez la même question que tous les pères de Derrevin m'ont posé avant vous. Nobles, soldats, religieux, paysans, herrimaults : aux yeux d'une prêtresse, vos différences sociales s'effacent pour ne laisser place qu'à une humanité commune : vous êtes inquiets de ne pas être à la hauteur.

Son sourire s'était agrandi, la bienveillance désormais teintée de malice. Puis, avec d'infinies précautions, elle enveloppa le bébé endormi de ses bras et le souleva lentement, avant de le poser délicatement dans ceux d'Armand. Elle ne lui demanda pas son opinion, n'eut que faire d'une éventuelle crainte ou refus : qu'il le veuille ou non, la grande prêtresse usait de son autorité pour lui imposer ce moment d'intimité avec son fils.

Si Armand le saisit très maladroitement, Anne l'aida néanmoins à éviter le ridicule en retrouvant des réflexes et habitudes acquises vingt et un ans plus tôt. Lové dans les bras de son père, le petit Gilles avait néanmoins ressenti le mouvement et entrouvert lentement ses petites paupières. Ses gros yeux noirs fixèrent alors son géniteur quelques secondes, avant qu'il ne les referme.

- Aussi je répondrais comme je le fais à tous les autres pères. Vous n'êtes pas obligé de l'aimer. Contrairement à une mère qui partage son corps et son esprit avec son enfant pendant sa gestation, pour vous - surtout pour vous Armand - l'arrivée de ce petit être est très soudaine. Vous ne pouvez pas vous forcer à créer un amour subit envers lui, parce que vous le "devriez". Mais lui, il vous aime. Tout cet univers, notre monde gigantesque, ses dangers inconnus et ses démons pervers, tout cela est nouveau et terrifiant pour lui. Pour se protéger de ses peurs et ses craintes, il vous a vous, Armand. Vous êtes son repère, son récif dans la marée. Je suis le Protecteur qu'il s'est créée, mais vous êtes le Protecteur qui l'a créée lui, vous êtes plus important encore que je ne le suis.

Elle prit le doigt d'Armand, et le guida vers la petite main du bébé endormi. Par réflexe, ce dernier saisit immédiatement la chair de son père, et la serra de toutes ses minuscules forces.

- Vous voyez ? Peut-être que vous ne ressentez pas encore d'amour pour lui, mais vous ressentez forcément l'envie de le protéger. Et le second, sur les semaines et mois à venir, vous amènera forcément à développer naturellement le premier je vous l'assure.

Voyant que Gilles commençait à se débattre doucement, elle se pencha pour lui embrasser le front. Cette tentative ne donnant que peu de résultat, elle s'assit sur le fauteuil dans la pièce, et ouvrit son manteau de fourrure, révélant un habit de lin nacré dont le côté droit présentait une gigantesque tâche rosâtre. Tirant avec force sur le col de son vêtement, elle dévoila un sein énorme qui avait profondément déjà changé d'apparence depuis la naissance de Gilles, une à deux heures plus tôt. Il avait doublé, voire peut-être triplé de volume, toute sa chair s'étant retournée pour danser et frétiller dans de curieuses arabesques, tandis qu'il pulsait à un rythme frénétique comme un second cœur tambourinant à toute vitesse. A chaque battement, un très fin jet de lait à la couleur de la framboise jaillissait tel un geyser de son téton, et arrosait le sol de multiples gouttes.
Gilles commençant à se réveiller pour hurler, elle tendit les mains à Armand, lui faisant la demande muette de le lui confier. Le petit bébé fit preuve d'une voracité surprenante si peu de temps après s'être réveillé : à peine était-il retourné dans les bras de la Nourrice que déjà il se jetait frénétiquement contre le sein dévoilé avec la bouche grande ouverte - après trois essais à percuter la chair en ratant le mamelon tendu qui l'arrosait copieusement, Alys guida sa petite tête pour l'aider à trouver la source de sa convoitise, qu'il téta goulument.

A cet instant, les regards d'Armand et d'Alys se croisèrent, et quelque chose de muet s'échangea entre eux. Une connexion entre leurs sentiments, une compréhension mutuelle imparfaite de leur situation commune.

Alys laissa échapper un petit rire, un éclat unique trahissant sa gêne.

- Nous sommes tous deux dépassés par les évènements, n'est-ce pas ?

Un autre sourire bienveillant de sa part, comme si, alors même qu'elle laissait entrapercevoir l'étendue de ses propres doutes, elle se souciait davantage d'Armand que d'elle-même. Et pourtant, elle ne pouvait que se trahir par cette unique larme qui s'échappa de ses yeux, ou par ces tremblements imperceptibles qui ne venaient non pas de son sein marqué, mais bien de ses craintes. Lorsqu'elle parla à nouveau, sa voix était désormais tremblante et chargée d'émotion, comme si elle acceptait de poser le masque de la grande prêtresse toujours sure d'elle pour laisser entrapercevoir l'humaine cachée derrière..

- L'Enfant Divin, Gilles, il m'a parlé quand il était encore dans le ventre de Margot. J'ai... il m'a montré, Armand, je ne pourrais pas vous le décrire, mais je sais qu'il ne mentait pas. Il peut sauver ce pays, changer les choses pour créer quelque chose de meilleur. Un monde sans Lyrie, sans Binet, sans Elbiq, sans... sans souffrance. Un monde dans lequel Shallya n'aura plus besoin de pleurer. J'ai aidé Margot, à reprendre le tableau, à offrir la communion à tous les habitants, à faire naitre l'Enfant devant vous. Mais... mais maintenant que le Protecteur est en moi je... mon corps change, mon esprit... change. Je deviens ce dont il a besoin, et je sais que ce changement est pour le mieux mais... Armand j'ai peur. Peur de ne plus être moi. Je suis... que Gilles me pardonne, je suis terrifiée.

Elle laissa échapper un nouvel éclat de rire, accompagné de nouvelles larmes tandis que son regard se perdait dans le lointain. Puis elle le répéta, comme pour donner de la consistance à un mot qu'elle acceptait désormais qu'il avait été formulé.

- Terrifiée.

Ses yeux embués remontèrent vers le père de Gilles, brillants d'un mélange d'émotions difficile à interpréter.

- Vous... je sais que vous me comprenez Armand. Carlomax a raison : vous avez changé, physiquement mais aussi mentalement. C'est l'esprit que vous protégez qui en est responsable n'est-ce pas ? L'esprit qui est la cause de votre soudain revirement vis-à-vis de l'autorité des demoiselles de la Dame. Si j'ai raison vous êtes la seule personne à qui je peux le demander, la seule à qui je peux me confier. Dois-je... croyez-vous que je doive lutter pour garder le contrôle du Protecteur, pour conserver une partie de ce qui me définit, ou bien dois-je... accepter jusqu'au bout l'œuvre que j'ai initiée, et m'abandonner totalement à ce que Gilles désire de moi ?


Tu as déjà convaincu Alys, mais puisque le plan d'élimination de Mélaine mise tout sur Carlomax et son commandement des herrimaults, il est important que lui aussi ait totale confiance en toi et en tes intentions actuelles. Jet de CHA d'Armand : 17, bien raté.
Empathie d'Armand : 17, bien raté aussi
==> Pas de possibilité rp supplémentaire. Carlomax semble concentré sur la tâche à venir, peut-être renfrogné à l'idée de tuer une prophétesse, c'est tout.
Notification : Carlomax se souviendra de vos paroles* :mrgreen:

Empathie d'Armand sur Alys : 4, réussi largement.
Empathie d'Alys sur Armand : 15, réussi tout juste.
Jet de CHA d'Alys pour qu'elle se confie : 2, réussi largement.
==> Effet in rp.

T'es plus doué avec les filles qu'avec les hommes, il faut le dire.

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Armand de Lyrie
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Re: [Anne de Lanneray] Des comptes à régler

Message par Armand de Lyrie »

Les mots d’Alys m’apaisent. C’est rassurant, d’être décrit comme un homme comme les autres. C’est tellement difficile pour moi de m’y raccrocher, à la normalité. Rien chez moi n’est normal, tout fout le camp, mais peut-être qu’elle a raison de voir ça en moi, de voir… Juste un homme qui a peur.
Je médite silencieusement là-dessus, encore hagard, l’esprit embrumé. Je ne comprends pas trop ce qu’elle est en train de faire au-dessus du berceau, lorsqu’elle fait surgir le petit linge qu’elle tend vers moi. J’ai un mouvement de recul, les yeux qui s’écarquillent, et je balbutie le premier truc qui arrive dans mon esprit :

« Non, je ne peux- »

Sans violence, elle parvient à forcer ce qu’elle porte contre moi. Dans un pur réflexe incontrôlé, j’étends mes mains, et voilà que je me mets à l’enserrer. Je glisse mon avant-bras sous sa tête pour la soutenir — c’est que c’est très lourd, la tête des bébés. Une grosse tête vissée à un tout petit corps.
Et il me regarde, tout droit, tout bête, avec ses yeux humides et la bave au coin de ses lèvres.

J’aurais jamais trop pensé m’intéresser aux bébés. C’est une vision du monde tellement masculine… Les hommes de Bretonnie, surtout les nobles, ne sont pas tendres avec eux. On les imagine seulement bruyants, sales, demandant constamment l’attention d’autrui… Un père, un oncle, il va s’intéresser à l’enfant de sa famille au moment où il peut parler, former des idées, et surtout, se battre. Tout ce qu’il y a avant, quand il faut de l’amour, de la douceur, et tellement de patience, ils refusent d’y prendre part. Ils réservent ça à maman, ou plus réalistement à la nourrice, et bien sûr, dans leur monde, tout ce qui est féminin est forcément négatif. Si une femme le fait, c’est forcément moins utile, moins intéressant…
Qu’est-ce que je regrette d'avoir pu penser ça. J’ai un pincement au cœur, alors qu’Alys insiste, qu’elle prend ma main pour me lier à mon enfant. J’ai tué sa mère. Je lui ai volé ça. Je lui ai arraché cette personne, qui aurait dû être si importante pour lui… Même si j’étais le meilleur père au monde, je la remplacerai pas. Et je ne serai pas le meilleur père au monde.
Au moins, les mots de la grande prêtresse me rassurent. Me soulagent. Je ne peux pas mal faire. Il faut faire, c’est tout.

« Merci Alys. Merci. »

J’ai toujours voulu avoir un enfant avec Armand.
Mon fils, pas mon mari. Mon mari, j’avais de l’affection et de l’admiration pour lui — mais la meilleure chose qu’il m’ait donné, par-dessus toutes les autres, c’est mon enfant. Le seul qui a survécu. On en a perdu tant, tant d’autres… Quand celui-là s’est accroché à la vie, j’étais tellement désespérée… J’ai haï mon corps pour ça. Mais si seulement j’avais pu le modifier, changer mes entrailles dans une entreprise guidée, j’aurais aimé me lier à jamais avec lui. J’aurais aimé lui offrir ma chair pour lui donner ce que je n’aurais jamais toléré de voir une autre femme lui confier.

Il a faim. Il a faim et je ne peux pas le nourrir. Une espèce de tristesse vraiment intense s’empare de moi, alors que la grande-prêtresse s’installe et dévoile sa poitrine. J’ai une rancœur terrible, et une jalousie écrasante. Gilles n’est pas de mon corps, et je ne peux pas lui donner le sein non plus… S’il n’est qu’à moi, ce n’est que par la partie virile de ma personne. Et elle me fait peur. Parce que les hommes dans ce Royaume font peur. Parce qu’ils sont vulgaires, violents, rustres, et pétris de haine. Même mon mari, et, même mon fils n’y échappaient pas toujours, quand bien même ils valent tellement mieux que toute cette masse d’abrutis qui servent la chevalerie.
Je veux materner Gilles. Je veux l’embrasser, je veux l’aimer comme une femme. Je le secoue un peu dans mes bras, tandis que je m’avance pour rejoindre la nourrice. Je lui tends l’enfant, et elle peut le nourrir avec ce lait couleur mauve. Et je la regarde faire, avec mon sourire ému.

On croise nos regards. On se comprend. Je vois son désarroi, comme elle perçoit le mien. On a été tellement forts pour faire semblant durant toute la soirée. À garder des voix graves, devant les gens de la ville. Si les habitants de Derrevin nous voyaient hésiter, comment pourraient-ils s’en sortir ? Mais à présent qu’il n’y a plus de témoins, et qu’on est bien seuls tous les deux, la vérité peut apparaître.
Je ne sais pas si je peux avoir confiance en Alys, et elle non plus, elle ne doit pas être certaine. Elle doit encore avoir tant de doutes. Une méfiance tapie dans son esprit. Et pourtant, l’un de nous doit bien faire le premier pas.
Elle choisit de le faire. Confie ce que l’atroce bestiole commence à faire à son esprit… Comme la maudite rapière a changé mon corps et mon âme emmêlés. Et elle me pose alors une question à laquelle je n’ai aucune réponse.

Mais on peut essayer de la trouver ensemble.

« L’esprit en moi, je… Je ne sais pas, si c’est moi qui le protège, ou l’inverse. C’est vraiment quelque chose de… De très honteux. Le genre de secret que j’ai jamais pu confier à personne, vraiment, personne. »

Ma voix déraille un tout petit peu sur la dernière fois, alors je dégage ma gorge.
Et je m’assois. Par terre. En tailleur, juste devant le fauteuil d’Alys.

« Le truc, c’est que je suis pas certain que l’identité existe. Mais c’est peut-être une vision des choses très triste, je me dis que c’est parce que je suis noble, mais peut-être que vous… que toi, ça te fait la même chose, parce que tu es une prêtresse, que des gens se tournent vers toi pour se confier, obtenir ton aide, sans se demander comment ils peuvent t’aider toi. Ils doivent s’imaginer que t’as tout le temps réponse à tout, que tu vas tout arranger, que tu ne remets jamais en question tes propres paroles.
J’étais un gamin de la noblesse. Ça voulait dire qu’il y avait une façon de se comporter, de se tenir, de s’habiller, de parler, que je devais offrir au monde, à chaque instant. Tellement de détails auxquels penser… Avec mes amis, il fallait jamais que je me montre faible, qu’on me soupçonne d’être inverti, ou couard. Avec mon maître d’armes, il était interdit que je puisse être rempli de doutes, que je remette en question les décisions de mon seigneur et père. Devant mes gens, mon père m’ordonnait de ne montrer que du mépris, et de commander en étant toujours certain de moi tout le temps.
Ce que j’étais, moi-même, ce qu’était Armand de Lyrie… Je le voyais que quand j’étais seul, sans personne, avec juste mes pensées devant un miroir, des pensées qui bourdonnent, encore et encore, et…
Et je détestais cette personne. Je voulais la détruire, et l’étouffer. Mais ça, je… Je te l’avais déjà confié. »


Ce n’était qu’il y a une poignée de jours. Dans un moment de doute, de profonde vulnérabilité, je m’étais agenouillé devant elle pour lui avouer comment j’avais mal.
Je serre mes dents. Et reprends d’un ton moins cassant. Plus affirmé.

« L’esprit qui est en moi, il m’a fait du mal, on a lutté, lui et moi, mais il est parvenu à faire quelque chose que j’imaginais pas possible… Il m’a montré, pas quelque chose de neuf, mais une partie de moi qui a toujours été là. Il m’a fait voir moi, avec ses yeux à lui, et c’était une image tellement… Tellement complète. »

Armand avait honte. Il avait honte de nos caresses. Il osait appeler ça un viol, pour me faire souffrir. Mais en vérité, je comprenais ses désirs. Il n’avait pas besoin de me dire qu’il était d’accord — je le devinais. Et c’était tout le reste autour, les mœurs de ce pays, qui le rendait tellement… Haineux, et dégoûté.
Mais je savais qu’il aimait ça. Déjà enfant, il aimait ça.

« Je ne sais pas comment ça te fait avec le Protecteur. J’essaye de deviner, mais…
Mais je ne crois pas que ce qui est en toi soit vraiment en train de te détruire, ou de t’effacer. Ce n’est pas possible. Si c’était ça, tu trouverais la force de le rejeter. Il te répugnerait.
Ce que je sais de toi, Alys, c’est uniquement ce que tu choisis de me montrer. Je vois une femme… Éduquée, et sûre d’elle. Et si douce, prête à se sacrifier pour les autres. Prête à se sacrifier pour moi. »


Je pose une main sur sa cuisse.

« Mais c’est pas parce que je vois ça, que je sais ce que tu es. L’identité, c’est tellement variable… Tu es aussi une femme. Tu as tellement de parties de toi, cachées au fond de toi…
Le Protecteur, est-ce que… Est-ce que ce n’est pas naturel ? Est-ce que ce qu’il fait sur toi, sur ton corps… ça ne te donne pas envie ? Tu ne l’apprécies pas ?
Il ne prend pas le dessus sur toi si c’est le cas. Il se forme avec toi. Il fait une symbiose. »

Modifié en dernier par [MJ] Katarin le 04 mars 2021, 12:17, modifié 1 fois.
Raison : 6 xps / Total d'xp : 117
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- Lance d'arçon : 1 main / uniquement à cheval / 20+1d10(+1d3)* / 16** (8) parade / "Long" (Malus de -2 ATT pour les adversaires) / "Épuisante" (Malus de -1 d'utilisation après END/2 tours, à chaque tour, max -4) / "Percutante" (Relance du jet de dégât, meilleur résultat gardé) / "Rapide" (Malus de -2 PAR et/ou -2 HAB pour toute esquive tentée par l'adversaire) / Se brise après 4/5 utilisations
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Re: [Anne de Lanneray] Des comptes à régler

Message par [MJ] Katarin »

Alys écouta calmement la réponse d'Armand, sans jamais chercher à l'interrompre. Maintenant qu'il s'est assis sur le sol, la grande prêtresse le dominait du regard depuis son fauteuil - lorsqu'elle ne scrutait pas amoureusement le petit Gilles tétant avec appétit.
Elle hocha la tête à plusieurs reprises, comme pour donner un assentiment muet aux assertions d'Armand : oui, son statut de prêtresse se superposait parfois à sa propre personne, oui elle se rappelait des confessions d'Armand et du sermon qu'elle lui avait adressé alors, et non en effet, le Protecteur ne la répugnait aucunement, bien au contraire. Derrière ses yeux encore embués, Alys buvait les paroles de son seigneur dans cet instant de fragilité.

Agenouillé devant elle, Armand décida de poser sa main sur la cuisse de la prêtresse.

L'ambiance changea immédiatement. Ses yeux s'écarquillèrent, traduisant sa surprise. Puis ses sourcils se froncèrent, son visage prenant une mine réprobatrice. Gardant Gilles serré contre elle d'une main, elle utilisa l'autre pour se saisir de celle d'Armand et la chasser sans douceur. Elle se releva juste après - l'Enfant Divin s'était déjà rendormi, et elle se dirigea vers son berceau pour l'y recoucher. Elle remonta alors le col de sa chemise de lin et reboutonna son manteau de fourrure.

Puis elle se retourna vers Armand. Toute trace de faiblesse avait disparu de son visage si l'on exceptait quelque rougeur résiduelle dans ses yeux : la Alys qui se tenait devant le Seigneur de Derrevin était la même que celle qui l'avait sermonnée devant le temple de Shallya. Elle se tenait bien droite, les traits graves, auréolée d'une aura d'autorité naturelle appuyée par une voix dénuée de colère, mais chargée d'une froideur intimidante. Instinctivement, elle arrivait toujours à faire ressentir à ses interlocuteurs l'impression qu'ils étaient des enfants devant leur mère déçue.

- Vous êtes devenu le seigneur de Derrevin, mais je ne vous appartiens pas pour autant Armand. Mon corps et mon âme appartiennent à Gilles, et à lui seul. Vouloir profiter d'un moment de faiblesse d'une femme pour vous l'approprier, voilà bien le type de personnalité que je ne souhaitais pas pouvoir observer chez vous. Ne me touchez plus à l'avenir. Plus jamais, suis-je claire ?

Son ton était chargé de reproche, mais plus que cela, le plus intimidant était sans doutes la perte de contrôle qui s'opérait sur son corps sans même qu'elle ne semble s'en rendre compte. Des écailles noires traversaient sa peau en de multiples endroits, griffes chitineuses à la couleur obsidienne qui perforaient ses vêtements et sa chair pour se pointer directement vers Armand, comme autant d'armes prêtes à le transpercer dans la seconde.

Armand voulait de la symbiose, le voilà servi.

Tout en le gardant à l'œil, Alys ouvrit la porte de la chambre, indiquant clairement la sortie à son seigneur.

- Gilles a besoin de repos et de quiétude, non pas de conflits. Je vais rester ici à veiller sur lui car tel est mon rôle - vous pouvez aller dormir serein, pour vous préparer aux évènements de demain. Je ne vous accompagnerais pas auprès de Thevot : je ne peux abandonner Gilles à son âge, et il est hors de question qu'il quitte la ville en plein hiver alors qu'il est encore si fragile. Mais ne vous en faites pas, je vous fournirais de quoi convaincre le sire de Maisne s'il se montre déraisonnable.

Bonne nuit, Armand.


Jet de séduction d'Armand (une main sur la cuisse, c'est quand même significatif) : 14, raté de 1 - fallait avoir la compétence :mrgreen: ..
A cause de la séduction ratée, tes mots pourraient être perçus non plus comme de bons conseils, mais plutôt comme une manière détournée de la séduire. Jet de CHA (je prend pas Baratin car globalement tu racontes la vérité :D) : 19. HA.
==> Alys pense que tu essaies de profiter de sa vulnérabilité pour la séduire. Enjoy.


Jet d'autorité de Alys : 4
==> Purement informatif, considère que oui, elle en impose à mort.

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