[Anne de Lanneray] Des comptes à régler

La Bretonnie, c'est aussi les villes de Parravon et Gisoreux, les cités portuaires de Bordeleaux et Brionne, Quenelles et ses nombreuses chapelles à la gloire de la Dame du Lac, mais aussi le Défilé de la Hache, le lieu de passage principal à travers les montagnes qui sépare l'Empire de la Bretonnie, les forêts de Chalons et d'Arden et, pour finir, les duchés de L'Anguille, la Lyonnesse, l'Artenois, la Bastogne, l'Aquilanie et la Gasconnie.

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Armand de Lyrie
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Re: [Anne de Lanneray] Des comptes à régler

Message par Armand de Lyrie »

Je me relève en même temps qu’elle ; je demeure bien proche du fauteuil, tandis qu’elle replace Gilles dans la sécurité de son berceau. Et puis, elle se retourne, et me rembarre bien sévèrement.

C’est pas le fait d’avoir mes avances repoussées qui me sidèrent — ça arrive. Ce qui me fait écarquiller des yeux, c’est… Les épines. Les mêmes épines que j’ai pu voir sur Margot, juste avant que je ne…

Qu’est-ce que j’essayais de faire, en vrai ? Je ne suis même pas certain moi-même. Mais il est très clair que la chose qui s’est emparée de la fille de Loyse — la chose que Loyse utilisait elle-même… C’est là. C’est encore là. Plus vivant que jamais.
Je penche légèrement la tête de côté, scrute tout hagard. Puis je me reprends, au moins partiellement.

« Tu te méprends sur mes intentions. Je n’ai pas voulu te prendre pour moi, je souhaitais m’offrir. »

Je passe une main devant ma bouche. Dodeline de la tête. J’ose plus la regarder droit dans les yeux.
Finalement, je ravale un peu de salive et m’éloigne.

« Pardonne-moi.
Bonne nuit, Alys. »




Je suis crevé. Je suis crevé et pourtant je n’ai pas sommeil. C’est une sensation bizarre — être tellement écrasé de fatigue qu’on a même plus la force de dormir. C’est juste les nerfs qui me travaillent. Ils me brisent. Je ne quitte pas la chambre avec la conscience plus apaisée. Je la quitte juste avec… Avec le ventre noué. Un peu de frustration qui me fait tordre les lèvres. Du dégoût qui enserre ma gorge. Et puis tous ces sons, et ces gargouillements, et toutes ces idées qui se bousculent, encore, et encore, et encore…

Normalement le sommeil c’est un moment de bilan. C’est, quand on vit une existence où on arrête pas d’être grégaire, où on est contraint d’être grégaire, le rare moment de la journée où l’on peut enfin être seul… Et encore, pas tout à fait. Les jeunes chevaliers en conroi dorment dans la même tente à la belle étoile. Les damoiselles de compagnie se reposent dans la même pièce. C’est comme si toute la société Bretonnienne était faite pour empêcher ses élites de profiter de la moindre intimité. Pas étonnant que certains pètent les plombs, et font une retraite spirituelle dans des sanctuaires de Morr.

J’ouvre la porte de l'étude du régisseur. J’ai déjà dormi ici. Je revois le même lit, dans un coin. Il y a un peu moins de pagaille dans le bureau, mais ça reste un confort bien sommaire. Je ferme la porte derrière. Titube en reniflant jusqu’au matelas, sur lequel je pose mes fesses — je m’allonge pas, je m’assois juste.
Je suis crevé et j’ai pas sommeil. J’ai les yeux qui piquent, les doigts qui tremblent, la tête qui tourne. Mais je veux pas dormir. Les rêves c’est le domaine de Morr — que vais-je dire au Veilleur en le voyant ? Dormir c’est le domaine des cauchemars. La dernière fois que je me suis reposé ici, sur cette même paillasse, je me suis réveillé assailli de visions… En journée, je peux les compartimenter. Je peux faire le tri. Je peux supprimer ce que je souhaite. En m’abandonnant aux songes, je deviens vulnérable. C’est tout qui peut ressurgir, m’attaquer à nouveau.
Je veux pas dormir. Ou alors, si je dors, je veux dormir dans un sommeil que je contrôle. Je veux me droguer au laudanum. Je veux des gouttes à avaler, de l’alcool tellement pur que ça en brûle la langue, et assez d’opium pour me faire fermer des yeux. Un sommeil lourd, profond, jamais agité. Juste fermer des yeux, quelques heures, sans personne pour venir me harceler dans mon sommeil.

Je me retourne et m’allonge sur le matelas, sans même retirer mes bottes. Je scrute le plafond, tandis que ma vision se brouille.
C’est des larmes de fatigue.

« J’ai besoin d’une berceuse. »

Je formule l’idée à voix basse. La murmure tout doucement alors que je me sens un peu faiblir. Je souffle, expire tout l’air de mes poumons d’une exhalation erratique.
Alors, je fredonne quelque chose. Un petit air. Et je bats lentement des cils.
Modifié en dernier par [MJ] Katarin le 04 mars 2021, 17:03, modifié 1 fois.
Raison : 6 xps / Total d'xp : 123
Fiche : wiki-v2/doku.php?id=wiki:fiche_armand_de_lyrie
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Échiqueté d'or et d'azur à la bordure de gueules à la guivre de gueules halissante
Stats :
FOR 9 / END 9 / HAB 11 / CHA 15* (14) / INT 9 / INI 8** (10) / ATT 13** (15) / PAR 11** (13) / TIR 8 / NA 2 / PV 70/70
*Bonus grâce à la chevalière portée à l'auriculaire
**Malus à cause du harnois (inférieur)

État temporaire :
Compassion : +2 aux jets d'empathie (Reste une journée)
Esprit compatissant : +3 aux jets de résistance à la peur/terreur (Reste une journée)
Pompette : +1 CHA, -1 INT.
Migraine : -1 CHA
Visière épaisse : -2 aux jets de perception (Lorsque le casque est porté)

Compétences :
- Anticipation : +1 en ATT et +1 en PAR à partir du 3e round face au même ennemi
- Coup précis (1) : Malus atténué de 1 lors de la visée d'une partie précise
- Coups puissants : +1d3 de dégâts
- Coriace : Résiste à 1d3 dégâts de plus
- Dégainer l'épée : +1 en INI lors du premier round
- Parade : Valeurs de parade doublées
- Sang-froid : +1 lors d'actions réalisées sous stress
- Volonté de fer : +1 sur les tests pour résister à la peur

- Baratin : +1 pour embobiner quelqu'un à l'oral.
- Empathie : Capable, sur un test, de lire les émotions sur le visage de quelqu'un.
- Empathie animale : Capable, sur un test, de deviner les émotions d'un animal.
- Étiquette : +1 lors des interactions avec la haute société
- Humour : +1 pour divertir et amuser.
- Intrigue de cour : Capable de déceler et deviner des intrigues.
- Monte : Ne craint pas de chutes lors d'une montée normale
- Vœu de la Pureté échoué : -2 dans la résistance aux tentations terrestres

- Alphabétisé : Capable d'écrire et de lire le Bretonnien
- Art (Peinture) : Sait peindre des tableaux.
- Danse : Excellent danseur
- Héraldique : Capable de reconnaître les blasons des familles nobles, et d'en savoir plus sur eux sur un test

Équipement de combat :
- Épée bâtarde (Inférieure) : 2 mains / 23+1d10(+1d3*) / 22** (11) parade
- Lance d'arçon : 1 main / uniquement à cheval / 20+1d10(+1d3)* / 16** (8) parade / "Long" (Malus de -2 ATT pour les adversaires) / "Épuisante" (Malus de -1 d'utilisation après END/2 tours, à chaque tour, max -4) / "Percutante" (Relance du jet de dégât, meilleur résultat gardé) / "Rapide" (Malus de -2 PAR et/ou -2 HAB pour toute esquive tentée par l'adversaire) / Se brise après 4/5 utilisations
*Avec la compétence Coups puissants
**Avec la compétence Parade


Tête : 13 protection
Torse : 13 protection
Bras : 13 protection
Jambes : 8 protection

- Destrier Bretonnien (Ravel) : FOR 10 / END 13 / SAU 8 / RAP 10 / INT 9 / DOC 12 / ATT 9
Équipement divers :
3 Eo

- Un beau doublet
- Un grand manteau
- Des bottes neuves
- Une jolie écharpe

- Nourriture
- Hydromel

- Bague affichant un lion - +1 CHA

- Insigne argenté marqué du blason de Lyrie
- Pendentif monté en clou
- Un flacon à l'odeur immonde
- 3 bouteilles de tonique miraculeux
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[MJ] Katarin
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Re: [Anne de Lanneray] Des comptes à régler

Message par [MJ] Katarin »

Au lever du soleil, Armand fut réveillé par plusieurs coups frappés à la porte de sa chambre. Lorsqu'il l'ouvrit, il put découvrir Jehanne de Montagu, dans une tenue bien différente de la veille : elle avait abandonné son plastron en métal et son épée, pour revêtir une longue robe rouge vermeil par-dessus laquelle elle avait enfilé un long manteau de fourrure blanche. Sa tignasse brune coiffée en chignon improvisé était désormais dissimulée devant une coiffe nacrée, et émanait d'elle une odeur de noisettes et d'amandes.

Amusée de la surprise que sa tenue put déclencher chez son seigneur à peine sorti du lit, elle tourna sur elle-même pour faire danser les plis de sa robe, tandis que ses joues prenaient une teinte rosâtre et qu'elle laissait échapper un rire cristallin :

- Vous aimez ? Voilà quelques mois que je n'avais pas eu l'occasion de m'apprêter, et j'ai pensé qu'il serait de meilleur ton pour ma première réapparition publique de montrer combien je suis rayonnante et épanouie à vos côtés. J'espère ne pas en avoir trop fait...

Elle laissa à Armand quelques minutes pour s'habiller et quitter sa chambre, mais sitôt celui-ci prêt, elle ne le lâcha plus d'une semelle, lui agrippant le bras comme une jouvencelle énamourée.

- J'espère que vous prendrez au sérieux votre rôle de seigneur et d'époux messire : voilà des mois que je dors dans une vulgaire paillasse, et maintenant que la noblesse a repris ses droits ici, j'espère qu'un nouveau château émergera prochainement des ruines de celui de Derrevin, afin que je puisse bénéficier du confort que mérite assurément la Dame de Derrevin.

En bas des marches une surprise attendait Armand. Au beau milieu du petit hall était disposé un porte-armure, sur lequel on avait monté un harnois. Il était de facture simple, son métal poli et rutilant témoignant qu'elle n'avait que peu sinon jamais servi. Juste à côté se tenait un jeune homme qui devait avoir l'âge d'Armand, aux cheveux couleur paille, avec une coupe au bol parfaitement taillée. Il était d'une carrure fine, plutôt maigre même, très propre sur lui, avec son pourpoint vert décoré d'une broche en or qui ne laissait que peu de doutes sur son statut social. C'est avec une voix fluette qu'il prit la parole en bégayant :

- Me-Me-messire Armand, bien le bon-bon-bonjour. Da-da-da-dame Jehanne m'a dit que-que-que-que...

- Je me suis permise de demander au chevalier Arnoulet de Crete de vous prêter son armure, le coupa Jehanne avec un sourire en coin à l'attention d'Armand. Il n'est peut-être pas notre plus brave recrue, mais il a le mérite d'avoir un gabarit similaire au vôtre. Il m'a assuré que c'était un grand honneur que de vous la céder, n'est-ce pas messire ?

- Ou-ou-oui ma dame, assu-ssu-ssu-ssurément ma dame.

Jehanne se mit sur la pointe des pieds et vint embrasser la joue d'Armand avant de lui chuchoter à l'oreille.

- J'espère que ce présent vous plait. Je vous aiderai à l'enfiler après, mais pour le moment venez, j'ai des gens à vous présenter.

Quittant la maison du régisseur ensemble, Armand se rendit compte une fois à l'extérieur qu'il était attendu par plusieurs individus en armes. Il y avait là trois chevaliers en armure, dont Gotlinde dont le visage était caché par un imposant casque : ainsi protégée, on ne pouvait plus identifier son sexe.

- J'ai pris la liberté de me lever avant vous et de préparer notre expédition, j'espère que cela ne vous dérange pas mon époux. S'il nous faut aller voir Thevot de Maisne, j'ai pensé qu'il serait judicieux de faire démonstration de votre force pour impressionner l'homme : vous êtes le seigneur de Derrevin, il faut que vous en imposiez en tant que tel. Il y a dans notre village une dizaine de chevaliers hors-la-loi, qui ont tous leurs raisons propres de s'être associés aux herrimaults. Quand bien même ils ont rejeté la noblesse de Bretonnie, ils ont cependant prêté allégeance à l'Enfant Divin, et surtout pour ces messires ci-présent, juré de me protéger moi au péril de leur vie, obtenant ainsi toute ma confiance. Messieurs...

Les deux hommes qui s'avancèrent se ressemblaient beaucoup : leurs armures différaient dans leur style, mais étaient présentaient toutes deux les mêmes défauts et détériorations mineurs trahissant une utilisation répétée au combat. Ils portaient la même cape à la couleur rouge délavée et usée par le temps. Ils devaient avoir tous deux la quarantaine, et avaient le même air bourru, le même regard dur qui semblait jauger Armand du haut de leur dizaine de centimètres en plus. Ils se firent très avares de mots, ne donnant qu'un nom et un prénom, et rien d'autre.
Celui sans casque, avec les cheveux poivre et sel, l'épée large au fourreau et l'imposant bouclier rond dans le dos, se présenta sous le nom de Daniel de Louviers. Le second, un peu plus imposant en taille comme en poids, chauve et imberbe, se déclara être le frère du premier, dénommé Guimart.

- Nos chevaux nous attendent aux portes - je me suis assurée que votre destrier avait été bien nourri, vous serez ravi d'apprendre qu'il est en pleine forme. Je ne pourrais malheureusement pas vous faire honneur à ce sujet : ma monture n'est qu'un triste bourrin tout gris. Je crains que mon palefroi personnel ne soit resté chez mon père, mais j'espère que je pourrais le revoir prochainement...

Elle poussa un soupir attristé de circonstance, avant de reprendre :

- Ah, et j'oubliais, la Nourrice m'a donné quelque chose pour vous !

Ouvrant la petite bourse en cuir accrochée à sa ceinture, elle en sortit un petit flacon en verre, à travers lequel on pouvait voir un épais liquide rose qui semblait tourbillonner tout seul.

- Elle m'a dit que si jamais Thevot ne se montrait pas coopératif, il suffirait d'ajouter une goutte de son sang là-dedans, de mélanger quelques secondes, puis de lui faire boire le contenu pour que la grandeur de l'Enfant Divin lui apparaisse. Ca serait un peu comme notre communion à tous, mais un peu plus... directe.

Elle tendit la petite fiole à Armand, avant de faire un geste en direction des trois chevaliers.

- Carlomax nous a également fait parvenir un message à l'aube : ils sont bien parés à embusquer dame Mélaine, la nuit s'était déroulée sans incident du coté du verger. Nous pouvons donc partir l'esprit tranquille dès que vous le souhaitez mon seigneur. Désirez-vous que je vous aide à mettre votre armure dès à présent ?

Et voici dans l'ordre, Daniel et Guimart de Louvieres. Note que tu n'as pas la moindre idée d'où est la Louvieres.
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Armand de Lyrie
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Re: [Anne de Lanneray] Des comptes à régler

Message par Armand de Lyrie »

Je n’arrive pas à m’endormir. J’ai bien fermé des yeux, je suis tombé dans une sorte d’inconscience plusieurs fois, mais j’ai pas vraiment eu le temps ou l’envie de vraiment m’abandonner aux songes.

Le garçon que j’étais est terrifié. Atterré. Il lui est arrivé tellement. Il mériterait un peu plus de temps pour comprendre, et se faire à tout ce qui s’est passé… Mais il n’en a pas le luxe. C’est trop facile, de réclamer du temps — s’il en voulait, il n’avait qu’à pas repartir en Lyrie. Il n’avait qu’à pas aller voir le Duc. Il aurait dû faire route vers les montagnes d’Orquemont, là où il pensait être le petit chevalier des chroniques. Il aurait pu passer par Quenelles, pour mettre en garde les Damoiselles du Graal d’un autre duché — n’était-ce pas le plan qu’il évoquait la toute première fois qu’il posait les yeux sur le tableau de Nicolas Naudin ? Personne ne l’aurait traité de lâche pour avoir agi ainsi. Il aurait fait son devoir de toute manière.
Non. Le garçon a peur. Le garçon est enragé. Il a l’impression qu’il est devenu cinglé. Heureusement, le garçon n’est plus tout seul. Il est un morceau de moi. Pas indésirable, mais disons plutôt… Qu’il faut qu’il apprenne à se laisser faire.
Il est l’heure de faire l’inventaire.



Le tableau de Nicolas Naudin contient un esprit. Je dirais un démon, parce que la chose semble clairement avoir ses propres volontés, et ses propres moyens d’agir… Ce tableau est entré dans ma vie par Loyse de Ternant. Pour témoigner de sa communion particulière avec le démon, celui-ci lui a offert une marque, un morceau accroché à son corps. Elle a tenté de prendre le contrôle d’autres personnes, en les réduisant à l’état de larbins à qui elle dérobait de plus en plus la moindre trace de libre-arbitre — le mari de Loyse n’a pas toujours été comme ça, peut-être que l’entité agit petit à petit, morceau par morceau… Mon époux à moi a su résister, mais il a bien senti comment le démon l’assaillait, à en lire le témoignage qu’il a laissé sur le corps de la prêtresse Thecia. Loyse souhaitait aussi s’attaquer à Anne, et surtout, à leur fils.
Mais le fils a trahi. Pas pour se protéger lui, mais parce qu’il était guidé par les religions convenables… Est-ce là un moyen de se défendre ? La Dame, Shallya, Morr ? Armand a refusé de poursuivre son fils. Il a refusé d’envoyer des sergents pour le ramener de force, quand bien même il savait que c’était se condamner avec toute sa maison en attirant l’ost ducal sur l'Aquitanie. Mais il n’a pas refusé uniquement parce qu’il ne voulait pas faire de mal à son enfant. Non. Il l’a fait, car il savait que le démon qui s’était lié à Loyse n’était pas exactement le Prince. Il y ressemble. La marque affiche son symbole. Il ressemble au Corrupteur oui, mais est-ce qu’il s’agit d’un de ses serviteurs ? Ou autre chose ?
Loyse a tenté de s’en sortir en manipulant le nouveau Duc. Un chevalier du Graal. C’est ce que je compte faire également, mais elle est bien la preuve qu’on risque de se brûler les ailes à approcher trop près des aimés de la Dame du Lac. Elle a laissé sa fille en vie, et lui a transmis cette marque. Il restait le tableau, que d’anciens de la secte cherchaient également… Jourdain a guidé Margot. Combien reste-t-il de Jourdains auprès du Duc ? Il y a forcément des restes de la secte, la secte que Loyse a dévoyé pour ses propres desseins. Est-ce que la chose à laquelle Margot a donné naissance est ce qu’ils cherchaient ?
Margot et sa mère sont toutes les deux mortes. Et pourtant, personne ici n’en a l’air vraiment révolté. Le démon du tableau n’a plus besoin du tableau — ils sont prêts à le remettre à une Prophétesse sans s’en émouvoir. La naissance de Gilles, c’était certainement ce que Loyse prévoyait depuis le début, et nul doute qu’elle devait s’imaginer avoir le rôle que j’ai confié à la révérende-mère Alys.

Le Démon est là. Il a sa marque sur la prêtresse, mais il vit à travers Gilles.

La question, maintenant, c’est… Qu’est-ce que j’en fais, de tout ça ?

Alys semble résister. Pas seulement parce qu’elle me l’a dit. Mais également parce qu’elle n’a pas profité de ma faiblesse tout à l’heure pour s’assurer que je sois son pantin. Les gens autour d’elle l’admirent, et même, l’adorent — c’est dans les plus menus détails, la manière avec laquelle tout le monde, jusqu’à Carlomax, semble s’émouvoir devant elle. Mais si le démon, l’Enfant Divin, est bien présent, il n’est pas invincible. On peut lutter contre lui, et c’est nécessaire, pour ne pas finir comme Hubert de Ternant.
Est-ce que ce démon est mon allié, ou mon ennemi ? Pour l’heure, il est évident que nos survies sont liées. Les Bretonniens aiment leur vision du monde en noir-et-blanc, ils ne font pas des degrés de vilenie ; je suis devenu ignoble à leurs yeux, et si je me constituais pacifiquement prisonnier, le mieux que je pourrais négocier serait une mort rapide. La décapitation est certainement plus attirante que le bûcher, mais de là à la souhaiter… J’ai besoin de sauver Derrevin pour me sauver moi-même. Remettre les choses à zéro. Mélaine morte, et les coupables désignés, ce sera déjà un sac de nœud démêlé.
Et ensuite ?
Ensuite, c’est là où c’est plus compliqué…
Je ne veux pas finir comme Hubert. Je refuse de devenir un esclave hagard. Mais je suis le père de Gilles. J’ai permis à cette entité de venir au monde. Quel est mon rôle à ses yeux ? À quel point suis-je utile pour lui ? Les morts de Loyse et Margot n’ont eut aucune importance, tant qu’il a toujours une nourrice pour porter sa marque. Mais moi ? Je n’ai pas été lynché par la foule. Il veut quelque chose de ma part.
J’aimerais lui parler. Mais il parle à travers Alys, qui, par fortune, est encore bel et bien présente. Son sacerdoce Shalléen ne l’a pas entièrement sauvegardée, mais elle est toujours guidée par une morale, par des préceptes qui sont inscrits en elle, qui ont marqué son âme avec des décennies de service… ça fait écran. Comme je fais écran pour le garçon. Comme je m’assure qu’il n’est pas séduit comme il l’a été devant sa Margot.




Je n’ai pas vraiment dormi, mais au moins je n’ai plus les mains qui tremblent, et mes pensées sont enfin un peu plus en ordre. Je me réveille avec un sale mal de crâne, sûrement à cause du manque de nourriture — j’ai pas mangé hier, et pourtant j’ai bu assez de vin pour me tranquilliser, ça fait un mélange bien infect… Ce qui me tire du lit, où je me suis affalé avec les bottes toujours aux pieds, c’est un bruit derrière la porte. Je renifle, passe une main devant mon visage, et me dépêche d’avoir l’air un peu plus maître de moi-même alors que je clopine jusqu’à la poignée de la porte.

J’ouvre, et, sans un « bonjour », je tombe sur une Jehanne de Montagu radieuse. Maquillée, parfumée, en toilette ; je dois avoir fait une mine de surprise, parce que la voilà qui sourit et tournoie sur elle-même.
En voilà une qui n’a pas dormi. Et ce ne sont pas les remords d’avoir prévu froidement le meurtre d’une Prophétesse du Graal qui l’ont gardée éveillée — il doit encore être tôt dehors, est-ce qu’elle a passé la nuit à s’habiller comme ça ? Je suis sûr qu’elle a utilisé de la poudre pour masquer ses énormes cernes, on vend des produits pour ça à Castel-Aquitanie.
Devant un tel effort, il est évident qu’un compliment est obligatoire ; même si elle s’est certainement faite belle pour elle-même, ça serait une cuistrerie digne des Impériaux que de ne pas le relever.

« Eh bien, à vous voir comme ça, je dois avouer regretter que votre enlèvement soit un mensonge ; Je suis honteux de ne pas vous avoir dérobé à la loyale, c’est ce que vous auriez mérité. »

La Bretonnie c’est le pays de l’amour courtois et des mariages arrangés. Si vous n’avez pas été bercé trop près du mur par vos parents, vous notez tout de suite l’hypocrisie. On apprend aux jeunes damoiseaux errants qu’ils vont faire tomber en pâmoison des rosières innocentes en échange de leurs charges meurtrières contre des Orques, mais en fait, les gamines de dix-sept ans épousent des sires qui ont déjà les fiefs et les offices.
Du coup, quand deux jeunes puceaux tombent amoureux l’un de l’autre, les beaux poèmes des trouvères poussent le garçon à enlever la jeune fille. Le terme fait violent, mais vous inquiétez pas, la belle est consentante, quand ce n’est pas elle-même qui est à l’initiative de la fuite. Les deux se cassent, et vont se réfugier chez un sire qui peut les protéger, parce que comme la fille est la propriété de son père, vous pouvez être sûrs que le damoiseau est parti pour subir quelque châtiment horrible pour avoir détourné la vertu d’une pauvre femme incapable de se défendre…

Jehanne est à la fois belle, jeune, et fille d’un seigneur puissant. Le portrait parfait. Nul doute que si son père prévoyait de lui faire épouser un vieux schnoque à moitié impuissant, le baron de Montagu aurait la bonne idée de la faire garder par un bon groupe de surveillants. Pour une fois, je peux trouver un peu de bon dans ma situation — le nombre de petits chevaliers errants qui sont prêts à égorger des Vampires et des Bestigors pour avoir une Jehanne doit permettre de lever un petit régiment. Tout juste sorti de la tombe, et voilà que je l’aie pour moi…

Enfin. On a une comédie à jouer. Avec sire Thevot dans le rôle du sire protecteur qui va me garder de l’ire de sieur Montagu. Jehanne me laisse le temps de me préparer — ça sera rapide. Je pue toujours autant la sueur, j’ai les bottes toujours aussi sales de poussière, j’ai juste l’occasion de changer de chemise car la dernière a été perforée et ensanglantée par le couteau de Thecia. Tout un tas de traces de l’horreur de la nuit passée. Un peu d’eau froide sur la tronche pour me réveiller, et un petit coup de miroir pour découvrir mon visage — je ne vais pas avoir l’occasion de me raser, puisqu’à la place de poils rêches, c’est une espèce de duvet fin qui couvre mes lèvres.
J’ai un visage… Je ne suis pas laid. Je suis juste… Bizarre. Bizarre à regarder.



Viens enfin l’heure de descendre. Et là, Jehanne se saisit de mon bras et me colle avec force. On la dirait folle amoureuse de moi — je pense que loin d’être un coup de foudre, elle est surtout très satisfaite d’être la seigneuresse et la mère de l’Enfant Divin. En voilà une place de choix. Jehanne n’est vraiment pas le genre de fille que j’aurais pensé apprécier — Margot a toujours été plus franche, plus grossière, mais plus réelle aussi… Mais elle est je pense la bru rêvée d’Anne. Belle mais pas sotte. Forcément, je repense beaucoup de préjugés ces derniers temps.
Elle est d’ailleurs ravie que mon retour voudra peut-être signifier la reconstruction du donjon ruiné. J’avoue que je pensais surtout me faire très petit face à des sujets qui ont encore toutes les raisons du monde de se méfier de moi.

« Si tout se passe bien ces prochains jours, je pourrai apporter beaucoup à Derrevin — récupérer les rentes des fiefs de Lanneray et Lyrie, négocier des emprunts auprès de banques… Les gens n’auront plus à vivre les uns sur les autres dans des tentes trop petites.
Pour cela que nous ne devons pas échouer, aujourd’hui. On a un avenir, ou alors on a plus rien du tout.
Ce serait en grande partie grâce à vous. »


À m’entendre, j’aurais tout risqué dans une confrontation face au Duc. Un récit trop peu convainquant, et je finis sur la roue. Jehanne avait raison — avoir des coupables vivants, c’est tellement plus efficace…
Le sacrifice qu’on va imposer à sire Thevot est immense. Et répugnant, il faut l’admettre. Je ne pense pas que Thevot soit un homme bien sympathique ; mais être un connard c’est pas une excuse pour être traité en félon de la pire espèce. C’est horrible, ce que j’attends de lui, et c’est juste parce que c’est plus facile comme ça…
Je fais ça pour m’en tirer en vie. Égoïstement. Mais derrière lui y a aussi les vies de quelques milliers d’âmes dans la balance. Je peux nourrir Derrevin, je peux faire rebâtir des maisons, je peux la défendre face à des trébuchets et des sergents — j’ai juste besoin de respirer, et que le Duc sache me placer sur la carte de ses domaines.
Et puis, bien sûr, l’intérêt de Derrevin est également mon intérêt à moi. À nous maintenant. C’est que Jehanne aussi appartient à cette logique ; elle n’a peut-être pas enfanté Gilles, mais si elle est sa mère, alors ça veut dire que l’enfant est un sang-bleu descendant d’une lignée de barons, qu’il faut juste faire légitimer devant la bonne aristocratie d’Aquitanie. Si le monde le pense être fils de Margot, il est le chiard d’une hors-la-loi, et même le bon sang de Ternant ne sera peut-être pas suffisant pour lui assurer un avenir digne de ce nom…

En bas, on tombe sur un pauvre chevalier bègue. Je ne sais pas si son problème de diction a toujours été présent ou si c’est autre chose, mais je n’ose pas le demander de but en blanc — ça serait impoli. Je lui fais quand même un sourire de circonstance, sourire qui s’étend lorsque Jehanne m’apprend qu’il va me confier son harnois. J’en avais un magnifique de harnois, sorti de l’armurerie ducale, mais il est… Indisponible. Il faudra que j’aille le récupérer en même temps que j’envoie quelqu’un s’occuper de la charogne de sire Casin, mais enfin, ça peut attendre la fin de semaine. En attendant, juste avoir de l’acier sur moi me rendra déjà un peu plus noble devant Thevot.

« Eh bien, merci beaucoup sire Arnoulet… Je porterai votre acier fièrement. »

Fièrement. Il a sûrement une cuirasse dépolie, mais quand on est un page qui obtient son armure la première fois, c’est toujours un cadeau de son oncle, de son parrain ou de son suzerain… On y tient précieusement. Peut-être pour cela qu’Anne n’a pas supporté de voir son fils avec ce vulgaire manteau de plumes blanches — c’était ce que Son Altesse lui offrait pour venir l’assassiner chez elle, par la main de son propre fils qu’elle aimait tant. Au moins, tout est bien qui finit bien. La tragédie a été évitée.

Jehanne m’embrasse sur la joue. Elle sait se rendre merveilleuse et indispensable. Non, elle n’a pas du tout dormi de toute la nuit. Son empressement a peut-être de quoi rendre méfiant, mais c’est aussi pour ça qu’elle a l’air aussi intéressante. Je ne me mets pas à rougir devant le cadeau et le chaste baiser, j’ai dépassé telle innocence, mais je lui offre tout de même un beau sourire sincère.
Elle a des gens à me faire rencontrer. Alors que je souhaitais me présenter devant Thevot sans trop de monde, voilà qu’elle a décidé de nous coller aux pattes une escorte…

En plus de la chevaleresse impériale — que je salue au passage d’un vif hochement de tête — elle s’est arrangée pour nous trouver deux sbires. Deux chevaliers de mesnie, frères, qui ont prêté un serment personnel à Jehanne. Évidemment. Est-ce que eux ils sont du genre à être menés par le bout du nez quand on leur fait un bisou sur la joue ?
J’ai pas trop l’envie de me moquer d’eux. Parce qu’ils sont tous les deux bien plus grands que moi, déjà, et on se fout pas de la gueule de costauds musclés. Et aussi parce que à en juger par les regards mauvais qu’ils me lancent, je ne suis pas trop dans leur cœur. C’est compréhensible. Je n’ai donné à Derrevin que des raisons de se méfier de moi. Au moins ils se présentent, et je peux serrer la main de l’un puis l’autre — et ces crétins serrent fort, comme si la poignée de main était une preuve de virilité. Rah les hommes, ils sont pas trop débiles des fois ?

« Messeigneurs.
J’ignore s’il est nécessaire de paraître en imposer devant Thevot. Mais il est vrai qu’être accompagné de chevaliers pourrait lui donner l’impression que j’ai à lui offrir, que je ne suis pas tout seul. »


Et regardez leurs sales tronches et leurs armures tailladées — en Bretonnie la mode elle est bizarre. Les sires vont au bal avec leurs mantels qui ont éprouvé le combat, et plus ils sont entaillés et perforés, plus le sire paraît impressionnant. Ils ont de vraies têtes de chevaliers, les frères Louvières.

Bon, il semblerait donc que tout soit parfait pour partir. Jusqu’à ce que Jehanne s’occupe d’un tout dernier détail : la chose avec laquelle forcer Thevot à faire ce que l’on attend de lui, au cas où on ne parvenait pas à le convaincre de venir jusqu’à Derrevin en l’appâtant… Elle me tend la fiole, que je lève pincée par le pouce et l'index. Ni l’aspect, ni la couleur du liquide mettent à l’aise. Je ne doute pas un instant de l’efficacité de tel maléfice. Soutirer une simple goutte de sang à Thevot, c’est pas si difficile que ça. Lui faire avaler le tout, en revanche… Je regarde les bras des deux costauds. Ils sont solides. Peut-être que les méthodes les plus directes sont les plus simples…

« J’espère que Thevot n’a pas reçu de la visite. Ses hommes d’armes roturiers ne sont pas un problème, mais chaque noble est un témoin gênant en plus…
Enfin. Le destin de Derrevin ne peut pas être seulement aux mains de Carlomax. Qu’importe que l’embuscade échoue ou réussisse, c’est à nous d’assurer un futur pour Gilles. »


Bon moyen de paraître plus importants qu’on ne l’est. Je veux dire, les Herrimaults sont en train de faire le sale boulot, nous a priori on est partis pour juste prendre le déjeuner avec Thevot. Ce n’est pas nous qui avons le plus à risquer, les sortilèges de Dame Mélaine sont autrement plus violents que le vin clairet des Maisne…
…Mais hé, au moins, ça justifiera bien le château tout neuf de Jehanne à un moment ou à un autre. Elle a l’air d’y tenir.

« Ne perdons donc pas de temps. Le plus tôt nous rencontrons ce cousin maudit, le plus tôt toute cette histoire sera derrière nous. »
Modifié en dernier par [MJ] Katarin le 20 mai 2021, 18:35, modifié 1 fois.
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Fiche : wiki-v2/doku.php?id=wiki:fiche_armand_de_lyrie
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Échiqueté d'or et d'azur à la bordure de gueules à la guivre de gueules halissante
Stats :
FOR 9 / END 9 / HAB 11 / CHA 15* (14) / INT 9 / INI 8** (10) / ATT 13** (15) / PAR 11** (13) / TIR 8 / NA 2 / PV 70/70
*Bonus grâce à la chevalière portée à l'auriculaire
**Malus à cause du harnois (inférieur)

État temporaire :
Compassion : +2 aux jets d'empathie (Reste une journée)
Esprit compatissant : +3 aux jets de résistance à la peur/terreur (Reste une journée)
Pompette : +1 CHA, -1 INT.
Migraine : -1 CHA
Visière épaisse : -2 aux jets de perception (Lorsque le casque est porté)

Compétences :
- Anticipation : +1 en ATT et +1 en PAR à partir du 3e round face au même ennemi
- Coup précis (1) : Malus atténué de 1 lors de la visée d'une partie précise
- Coups puissants : +1d3 de dégâts
- Coriace : Résiste à 1d3 dégâts de plus
- Dégainer l'épée : +1 en INI lors du premier round
- Parade : Valeurs de parade doublées
- Sang-froid : +1 lors d'actions réalisées sous stress
- Volonté de fer : +1 sur les tests pour résister à la peur

- Baratin : +1 pour embobiner quelqu'un à l'oral.
- Empathie : Capable, sur un test, de lire les émotions sur le visage de quelqu'un.
- Empathie animale : Capable, sur un test, de deviner les émotions d'un animal.
- Étiquette : +1 lors des interactions avec la haute société
- Humour : +1 pour divertir et amuser.
- Intrigue de cour : Capable de déceler et deviner des intrigues.
- Monte : Ne craint pas de chutes lors d'une montée normale
- Vœu de la Pureté échoué : -2 dans la résistance aux tentations terrestres

- Alphabétisé : Capable d'écrire et de lire le Bretonnien
- Art (Peinture) : Sait peindre des tableaux.
- Danse : Excellent danseur
- Héraldique : Capable de reconnaître les blasons des familles nobles, et d'en savoir plus sur eux sur un test

Équipement de combat :
- Épée bâtarde (Inférieure) : 2 mains / 23+1d10(+1d3*) / 22** (11) parade
- Lance d'arçon : 1 main / uniquement à cheval / 20+1d10(+1d3)* / 16** (8) parade / "Long" (Malus de -2 ATT pour les adversaires) / "Épuisante" (Malus de -1 d'utilisation après END/2 tours, à chaque tour, max -4) / "Percutante" (Relance du jet de dégât, meilleur résultat gardé) / "Rapide" (Malus de -2 PAR et/ou -2 HAB pour toute esquive tentée par l'adversaire) / Se brise après 4/5 utilisations
*Avec la compétence Coups puissants
**Avec la compétence Parade


Tête : 13 protection
Torse : 13 protection
Bras : 13 protection
Jambes : 8 protection

- Destrier Bretonnien (Ravel) : FOR 10 / END 13 / SAU 8 / RAP 10 / INT 9 / DOC 12 / ATT 9
Équipement divers :
3 Eo

- Un beau doublet
- Un grand manteau
- Des bottes neuves
- Une jolie écharpe

- Nourriture
- Hydromel

- Bague affichant un lion - +1 CHA

- Insigne argenté marqué du blason de Lyrie
- Pendentif monté en clou
- Un flacon à l'odeur immonde
- 3 bouteilles de tonique miraculeux
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[MJ] Katarin
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Re: [Anne de Lanneray] Des comptes à régler

Message par [MJ] Katarin »

Il n'y avait pas de temps à perdre : Mélaine et ses sbires pouvaient débarquer à tout moment, Armand en était bien conscient. Sitôt les présentations avec les frères Louvieres terminées, Armand s'attela à enfiler l'armure du chevalier Arnoulet, aidé par ce dernier ainsi que par la mère officielle de Gilles. Pendant ces quelques minutes de préparation, Jehanne extorqua également au chevalier bègue son épée bâtarde afin que son futur mari retrouve tout le prestige qui devait être le sien : Arnoulet ne protesta même pas, montrant même une satisfaction certaine à pouvoir satisfaire les demandes de la dame de Montagu.

La fille de comte avait un peu exagéré l'aspect de sa monture : si son cheval de selle n'avait pas le prestige et la taille imposante de Ravel ou des destriers des sires Louvieres et de la chevaleresse Gotlinde, il restait une belle bête à la robe grise, à l'encolure longue, au garrot marqué, mais aux membres un peu courts et à la tête un peu forte. Seule la présence des trois autres équidés rabaissait inévitablement sa qualité.

Aux portes de la ville, ils n'étaient pas les seuls à se préparer à un long voyage : tous les habitants de Cinan et Punoy, venus célébrer la naissance de l'enfant divin, préparaient leurs affaires pour retourner dans leurs bourgades respectives. Des discussions entendues ça et là, Armand avait cru comprendre que pour tous, les célébrations avaient certes été faites en petit comité au sein de chaque maison, mais que l'on en avait profité pour faire très intimement connaissance avec ses voisins toute la nuit durant. Les gueules de bois semblaient nombreuses, les blagues grivoises davantage encore, et la phrase "loué soit l'Enfant Divin" était sur toutes les bouches tandis qu'on se touchait le cœur à la manière des shalléennes. La majorité des habitants saluèrent le passage de leur seigneur avec politesse et respect, bien que quelques groupes plus minoritaires montraient davantage de défiance, fixant silencieusement Armand sans baisser la tête.

Pendant les premières heures de voyage, ils imposèrent un rythme rapide à leurs montures qui galopèrent à travers toute la seigneurie. Puisqu'ils prenaient un détour pour se rendre au poste-frontière tenu par Thevot de Maisne, ils avaient une bonne heure de plus à prévoir à aller comme au retour sur un trajet qui en comptait déjà quatre ou cinq. La menace invisible de Mélaine pesait dans l'esprit de tous, et sans savoir de combien de temps ils disposaient exactement, chacun se retrouvait à en demander inconsciemment toujours davantage à sa monture.

Néanmoins, le cheval de Jehanne ne pouvait pas tenir le même rythme que celui de ses congénères, et le groupe fut forcé à plusieurs reprises de ralentir la cadence pour permettre au bourrin de se reposer un peu, que ce soit à l'arrêt afin de boire un peu auprès d'un point d'eau, ou en progressant au pas pendant de longues minutes pour qu'il reprenne son souffle. Plusieurs jurons franchirent les lèvres de Jehanne, qui semblait elle aussi se tendre au fur et à mesure que les heures passaient. Ils galopaient tous en silence, sur des routes hivernales presque désertes - il y avait quelque chose d'inquiétant dans l'atmosphère, une menace qui semblait profiter de chaque minute qui s'écoulait pour devenir se renforcer. C'est donc avec joie qu'elle répondit aux questions qu'Armand put lui formuler, permettant ainsi de chasser toute pensée négative pour se concentrer sur d'autres sujets. Aussi, lorsqu'il commença la conversation en abordant sa relation avec Andry de Maisne, elle éclata d'un rire cristallin.

- Andry, c'est ça qui vous inquiète mon seigneur ? Alors je vous rassure dès à présent : si Andry était mon amour d'enfance, mes sentiments n'ont jamais rencontré la moindre réciprocité. Il n'y a jamais eu qu'une seule femme dans la vie du petit Maisne, et ça a toujours été damoiselle Luciana d'Elbiq, au grand dam de toute sa famille. J'ai grandi depuis, et mes sentiments à son égard de sont taris, contrairement à ce doux rêveur qui n'a jamais su lâcher prise pour son amour impossible. Il ne vous en a jamais parlé ?

Un court silence pour laisser à Armand le temps de réorganiser ses souvenirs. Les rumeurs au sujet des enfants Elbiq et Maisne entretenant une relation étaient nombreuses, mais rien d'officiel n'existait vraiment : quiconque osait formuler une allégation de ce genre était aussitôt provoqué en duel par les deux familles toutes entières. Andry lui-même évitait le sujet même avec ses amis, mais quelques signes ne trompaient pas : lors d'un tournoi, il avait volontairement choisi de porter le mouchoir brodé de dame Luciana à sa lance pour jouter. Officiellement, il avait déclaré le faire pour montrer que la guerre entre leurs familles héritée de leurs ancêtres n'était pas la seule issue, mais officieusement cela n'avait fait que mettre de l'huile sur un feu déjà vivace.

- Quoiqu'il en soit, le baron Tristan de Montagu mon père voyait son économie décliner depuis quelques années. La fertilité de ses terres est en baisse, plusieurs de ses artisans les plus talentueux sont décédés de leur grand âge, et ses paysans tendent à ne pas être suffisamment féconds : beaucoup de nos villages sont à moitié déserts, posant des problèmes de déréliches qui ont le mérite d'occuper ses chevaliers. Il est trop fier pour demander l'aide du roi - il ne doit son titre de baron qu'aux exploits de son père, non aux siens propres. C'est pour cela qu'il a accepté la proposition de Brandan de me marier à son fils en échange d'une dot aussi importante qu'indécente. Pour la famille de Maisne, un accord politique profitable et un mariage forcé pour faire rentrer Andry dans le rang, et pour la mienne, assez d'argent pour permettre de faire des investissements massifs à même de rendre à notre baronnie tout son attrait.

Elle lâcha un petit soupir amusé.

- Andry et moi sommes aujourd'hui bons amis. Mais je n'étais point sotte : il est un homme aux qualités nombreuses, mais à la première occasion de me cocufier avec Luciana il n'hésitera pas. C'est un rêveur, pas un politicien : mon père espérait que ma bonne influence en ferait un mari plus apte à tenir son rôle, mais il ne fait que se leurrer lui-même avec des espoirs qu'il prend pour des vérités. Que mon époux aille mettre son vit entre les cuisses d'une servante ne me gênerait aucunement, mais qu'il risque sa position de chef auprès de sa famille et de son peuple pour satisfaire non ses désirs charnels, mais ceux de son cœur énamouré, et il nous fera tomber tous les deux du piédestal où nos parents veulent nous installer. J'ai été éduquée en sachant pertinemment que mon mariage serait politique : mais je refusais d'écorner mon image, ma réputation et ma responsabilité d'unique héritière des Montagu en devenant la risée de toute l'Aquitanie. Quant à Andry, dans son habitude de conflit permanent avec son père, il s'opposait formellement à ce mariage - pour lui jamais il ne pourrait donner sa main à la femme qui n'est pas celle de son coeur.

Jehanne laissa courir un temps d'arrêt, prenant une mine songeuse et échangeant un regard avec Gotlinde dont la monture avançait à ses côtés. Difficile de deviner l'expression de la chevaleresse sous son casque, mais Jehanne lui répondit malgré tout en secouant la tête comme pour lui adresser une négation muette, avant de reprendre la parole :

- La suite vous la connaissez : alors que le mariage était en train de s'organiser, des herrimaults s'en sont pris à moi pendant un voyage diplomatique. Dame Gotlinde m'a invitée à venir à Derrevin, et... j'ai accepté quelque peu sans réfléchir. J'ai pensé que cela me permettrait de temporiser la situation, en attendant de trouver meilleur parti pour me "délivrer" - et c'est sur vous que c'est tombé mon cher. Un choix plus risqué encore qu'Andry, ce qui est assurément paradoxal, mais avec un Dieu à nos côtés, le jeu en vaut cette fois-ci la chandelle.

Un nouveau soupir rieur.

- Mais bien sur, tout ça est arrivé avant que vous ne bousculiez l'équilibre des forces entre Maisne et Elbiq. A défaut de dénoncer la belle Luciana, vous avez directement pointé du doigt son père Aubertin d'Elbiq, et nombre de ses proches. L'alliance Elbiq s'est effondrée, plusieurs de ses vassaux l'ont abandonné pour Brandan, tandis que plusieurs membres de sa famille ont été exécutés pour corruption. Aubertin est un rusé, il avait un solide réseau d'alibis et de témoins capables de l'innocenter, mais ce n'est qu'une question de temps. Aux dernières rumeurs, l'enquête du Duc touche à son terme et bientôt Père et Fille vont devoir se rendre à la capitale pour un procès chevaleresque. Qu'Andry ne soit pas venu vous prêter main forte alors qu'il s'y était engagé ne lui ressemble pas... mais je crains qu'il ne fasse quelque folie pour sauver sa belle malgré les risques.

Cette fois, son sourire disparut, son visage affichant désormais un froncement de sourcils inquiet et des lèvres pincées.

- Andry est un bon ami, et j'espère vraiment qu'il ne fera rien d'insensé. Je ne peux que prier pour qu'il aille bien.

Leurs montures marchant toujours au trot, Jehanne observa Armand balbutier désormais quelques mots hésitants au sujet de Loyse, avant qu'il ne jette des regards en coin aux frères Louvieres. Eclatant à nouveau de rire, elle se tourna vers sa tutrice chevaleresse et les deux colosses avant de lâcher :

- Madame, Messieurs, votre seigneur aimerait me tenir des propos qui ne concernent qu'un homme et sa promise : pourriez-vous vous éloigner ?

Les frères Louvieres se regardèrent l'un l'autre, avant de jeter un regard en coin à Armand, et de lâcher à leur tour un ricanement un peu gras tandis qu'ils respectaient la demande de Jehanne. Gotlinde quant à elle épargna son seigneur de tout comportement déplacé, suivant le pas de ses deux camarades sans mot dire.

- Vous êtes leur seigneur désormais. Tenez-vous plus droit, soyez un peu plus sur de vous, on dirait un enfant qui a peur de se faire disputer par sa mère. Si un de vos gens vous dérange, ordonnez-lui de dégager de votre vue, rien de plus rien de moins. Personne ne respecte un homme qui doute ou qui semble craintif : osez tout, montrez à chacun que tout vous appartient, parlez fort, riez fort, tapez fort. A votre première venue à Derrevin vous avez dérouillé une dizaine d'ivrognes dans un combat déséquilibré : ça a annoncé la couleur à vos gens : ne faites pas chier Armand de Lyrie. Aujourd'hui vous avez ce monstre en vous, celui qui a massacré mes tympans dans le temple au point que je croyais ma dernière heure venue, mais on dirait que vous avez rapetissé, perdu en masse mais aussi en force, physiquement et mentalement. Vous... vous allez bien ? Pardonnez-moi de ne le demander que maintenant, mais pour moi aussi tout cela est un peu nouveau, et je me rends compte que je fais une bien mauvaise épouse à ne pas davantage me soucier de votre santé. Puis-je... faire quelque chose, maintenant ou plus tard, pour vous aider ?

Elle semblait sincère, dans le timbre de sa voix, dans l'inquiétude de ses traits. Si Armand avait quelque chose à lui dire, elle semblait prête à l'écouter, à lui prêter une oreille à laquelle se confier et une épaule sur laquelle s'appuyer.

Lorsque la conversation aborda le sujet d'Alys et de l'Enfant Divin, elle prit quelques instants pour réfléchir avant de répondre :

- Alys... elle a commencé à œuvrer pour l'Enfant Divin sitôt après que vous soyez parti pour négocier avec le Duc. Elle a invité tous les chevaliers hors la loi et anciens nobles à venir se recueillir indépendamment, les uns après les autres, au sein de de l'une des chapelles du temple. A Derrevin, Carlomax était certes le responsable officiel de la ville mais la grande prêtresse en était la vraie dirigeante - elle l'est toujours selon moi. C'est elle qui était leur rempart contre la peste, elle qui leur a donné la force de se lever contre Binet, elle qui a permis aux herrimaults d'entrer derrière les murs. Nous n'avions aucune raison de nous méfier de l'invitation d'une prêtresse souhaitant écouter nous confesser. Pour ma part, j'ai discuté avec elle pendant une bonne demi-heure, au sujet de mon passé, de mes regrets, de mes espoirs. Elle m'a alors promis que mes désirs pouvaient être concrétisés, et que pour cela il suffisait que je paie le temple avec une simple goutte de mon sang. N'ayant pas grand chose à perdre et souhaitant rester dans les bonnes grâces de la figure politique majeure de Derrevin où je résidais, j'ai évidemment accepté. La suite vous la devinez : elle a mélangé mon sang à ce qu'elle a nommé "les larmes rouges de Shallya", et ma communion fut complète lorsque j'ai bu cette mixture : j'ai ressenti le pouvoir de l'Enfant à naitre dans le ventre de Margot, j'ai vu quels exploits il pourrait réaliser, j'ai compris qu'il allait changer tout ce que nous connaissons. Soir après soir, Alys a communié avec de plus en plus d'habitants, de manière à ce que peu à peu toute la ville devienne réceptive à l'Enfant - et nous fumes nombreux à l'aider dans cette tâche. Mais ce n'est qu'un début Armand. Le pouvoir de l'Enfant est encore infime, son lien avec ses fidèles est encore si ténu... il a besoin de nous pour grandir. Le rôle que nous avons, vous, moi, Alys, vous ne vous rendez pas compte... personne ne pourrait être plus important que nous. Nous allons guider un dieu, et le monde nous en sera éternellement reconnaissant.

Au fur et à mesure de son discours, Jehanne s'était totalement laissée emporter. Ses yeux brillaient désormais comme ceux d'une enfant, tandis que sa voix n'avait fait que prendre du volume avec son enthousiasme croissant. Ses joues avaient rosi, et son sourire était désormais non plus calculé mais sincère. Puis tout à coup, ce bonheur sembla s'effriter sur lui-même, les épaules de la dame de Montagu s'affaissant tandis qu'elle s'adressa à Armand de manière bien plus glaciale.

- Je suis l'unique Mère de cet enfant. Votre soi-disante amie hors-la-loi qui a profité de vous ne mérite pas qu'on retienne son nom. Elle ne doit plus jamais être évoquée par quiconque.

Et sur ces mots, elle talonna sa monture qui reprit l'allure du galop, indiquant la fin de la pause, et de la conversation.


***


Lorsque le soleil fut à son zénith, les cinq cavaliers avaient bien progressé. Evitant soigneusement la route principale qui les aurait mené droit vers le verger où étaient postés Carlomax, Maussade et les herrimaults, ils avaient fait un long détour par le nord qui touchait à son terme. En poussant leurs montures dans leurs limites, ils avaient gagné un temps considérable et ne leur restait plus qu'une petite heure de route pour parvenir à destination.

Malheureusement, ce fut aussi proche de leur objectif qu'un incident survint. Quand bien même l'on s'était inquiété de la fatigue visible du cheval de Jehanne, la fille de Montagu avait assuré qu'il n'y avait pas lieu de s'inquiéter, que sa monture était habituée aux efforts importants. Difficile de dire si c'était la faute de l'effort trop grand ou seulement d'un coup du sort, mais l'équidé vit l'une de ses pattes s'enfoncer dans une flaque d'eau en apparence peu profonde mais qui dissimulait une crevasse d'une trentaine de centimètres. La bête hurla de douleur tandis que l'un des os de sa jambe craqua net : elle partit à la renverse en avant, projetant Jehanne qui se réceptionna tant bien que mal sur le sol en criant à son tour.

Le bilan fut désastreux : la monture qui hennissait de douleur sans interruption s'était brisée une jambe et ne pouvait plus avancer d'un pas. Quant à la fille du baron de Montagu, sa magnifique robe était désormais recouverte de terre humide, et elle avait fracturé son poignet dans sa chute : il y avait une vilaine bosse sous sa peau à cet endroit, et elle n'arrivait plus du tout à bouger sa main. Elle assura que la douleur était raisonnable tout en serrant les dents, qu'elle pouvait toujours accomplir son rôle, et qu'il était hors de question de retourner sur leurs pas ; mais il fallait bien avouer que recouverte de boue, la baronne n'avait désormais plus vraiment fière allure...

Et ce n'était pas le seul problème à l'horizon pour l'avenir d'Armand. Car alors qu'il regardait dans la direction du verger, lui aussi à une petite heure de distance de son groupe, il ne put s'empêcher d'y remarquer au milieu d'un amoncellement de nuages noirs, une forme circulaire qui grandissait entre le ciel et la terre. Un entonnoir géant et mouvant, qui ne pouvait que signifier une catastrophe absolue, devant laquelle Gotlinde, Jehanne et les frères Louvieres ne purent que rester bouche bée, incapables de réagir.

Les chances qu'une tornade soit apparue de manière parfaitement naturelle au sein du verger dans laquelle devait s'orchestrer la mort de la prophétesse du Graal étaient infimes. Aucun espoir n'était permis, le frisson qui parcourut l'échine d'Armand se faisant comme l'écho d'un présage terrible : les herrimaults avaient échoué, et Mélaine ne laisserait pas cet affront impuni.






Jet de mémoire d'Armand : 14, raté. Souvenirs d'Anne non accessibles.
Jet de CHA auprès de Jehanne : 17 - elle gardera pour elle certains détails.

Jet de (END+RAP)/2 du cheval de Jehanne (les quatre autres sont des destriers bien entrainés, elle seule a un cheval de selle moins adapté) : 20. Ah.
Jet d'HAB de Jehanne : 18. okaaaay. Localisation : 4-bras. Elle tombe de cheval et se réceptionne mal sur son bras gauche : fracture du poignet.
Jet d'END de Jehanne : 3. Elle souffre, mais pense pouvoir tenir bon et faire illusion.

Jet de perception d'Armand : 1. Y a comme un truc au loin, non ?
==> Bonus de "sixième sens" : tu as la certitude que l'embuscade de Carlomax est en train d'échouer.

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Armand de Lyrie
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Re: [Anne de Lanneray] Des comptes à régler

Message par Armand de Lyrie »

Quelle armure de merde.

Je le dirai pas à voix haute. Il est hors de question de le dire à voix haute — je devrais m’estimer bien assez heureux qu’on me prête tout simplement une armure, autrement le temps de prospecter pour trouver un armurier de qualité, le faire venir jusqu’à Derrevin avec ses outils, qu’il prenne mes mesures, et que je paye son œuvre et ses matériaux, je suis parti pour de nombreuses semaines d’attente et les coûts qui vont avec. Ah mais non, Jehanne a vu juste, Arnoulet a mon gabarit (Ce qui n’est peut-être plus trop un compliment pour lui, je veux dire, étant donné le fait que j’ai récemment perdu un peu de tonus…), et voilà qu’on me laisse le dépouiller d’absolument tout.

Mais quand même. Quelle armure de merde.

J’avais vu juste : c’est un beau plastron dépoli et fin. Un peu abîmé, ça se voit que le haubert de maille a perdu quelques anneaux par des coups, y a une ailette qui part de traviole — en plus je suis obligé de l’enlever parce qu’elle porte le blason de la famille de Crete, et donc je vais pas lui voler son héraldique. C’est même pas une armure vénérable, qui a été portée face à l’Orque. C’est juste… C’est juste l’équipement d’un chevalier pauvre, quoi. Une armure ça coûte très cher, un chevalier ça lui prend des mois de rente sur sa seigneurie pour se la payer, vous avez qu’à croire qu’il y tient. Mais cette armure, en étant tout aussi encombrante que n’importe quel autre harnois de Bretonnien, est moins protectrice. Et elle est moche. C’est peut-être ça le pire, y a même pas de jolies dorures, ou des éperons chic qui iraient bien avec — on me confondrait presque avec un écuyer, en fait, un soldat roturier vétéran au lieu d’un chevalier trop plouc. Ça serait limite un compliment.

Mais quand même, je fais un gros sourire hypocrite à Arnoulet.

« Il me faudrait tout de même une épée à mon flanc, peut-être pourrais-je passer chez le forgeron… ? »

J’ai même pas le temps de décider que Jehanne décide pour moi. Ni une ni deux, après avoir tapé dans ma cuirasse dans le dos pour vérifier qu’elle était bien fixée, elle se retourne vers Arnoulet et lui demande poliment si je peux aussi emprunter son épée. Arnoulet, tout bègue, se répand en affirmations courtoises, bien appuyées, un peu trop appuyées si je puis dire… Mais quelle honte quand même, devoir réclamer l’épée d’un autre sire. Heureusement que le ridicule ne tue pas.

« J’ai conscience de ce que cette arme représente, monseigneur. »

Je regarde le pommeau.
Il est fendu.
Il a un putain de pommeau d’épée fendue.

Ça suffit pas à rendre l’épée déséquilibrée, mais juste… C’est moche quoi. Et puis il me suffit de lever l’arme pour découvrir que la trempe de l’acier a été médiocre. Qu’on se le dise clairement : je suis pas forgeron, pour moi la métallurgie c’est peut-être plus occulte que la magie, donc si même moi avec mes yeux je suis capable de voir que l’épée tranchera pas aussi bien que mon ancienne, c’est qu’elle est vraiment pourrie.

Mais je garde toujours ma face souriante.

« Je la porterai fièrement. »

Et dès qu’il a le dos tourné ce sourire se dissipe pour ne laisser qu’une grimace. Allez. C’est une arme. Pas le moment de faire la gueule. L’important c’est qu’on me regarde avec une épée au flanc, c’est tout.



Il est l’heure de quitter Derrevin. J’ai encore le ventre noué — j’ai rien bouffé. Jehanne qui ne m’a pas lâché d’une semelle depuis le lever du lit me l’a bien proposé, j’ai refusé. Je pense pas que j’arriverai à manger quoi que ce soit avant que toute cette putain d’affaire ne soit plus qu’un cauchemar lointain. Il est encore trop réel pour moi.

On arrive jusqu’à nos chevaux. Les frères Louvère ont de magnifiques destriers Bretonniens, mais visiblement plus fins que Ravel — des juments ou des hongres, toute personne saine d’esprit sait que monter un mâle non-castré c’est risquer beaucoup d’ennuis, tant ils sont rudes et faciles à déconcentrer. Je ne suis pas sain d’esprit. Je note le cheval de selle que Jehanne m’a décrit. C’est pas un palefroi mais franchement y a pire, un marchand payerait une très jolie somme pour l’avoir.
C’est en fait la monture de Gotlinde qui attire plus mes yeux. Un cheval tout racé, petit, et pourtant sacrément costaud, de beaux jarrets bien forts… ça, ça c’est pas un cheval de Bretonnie. Ça c’est un cheval né dans l’Empire, qui descend de races qui ont dû s’habituer aux intempéries et à peu manger. Nul doute qu’en tant que cheval Impérial, il est inférieur aux chevaux de notre nation (Évidemment), mais il faut avouer que sa musculature est impressionnante, il doit être bien endurant. Alors que je vérifie les selles de mon Ravel, je peux pas m’empêcher de siffler l’animal d’admiration.

« Jolie bête. ‘s’appelle comment ? »

C’est le truc avec les propriétaires de chevaux — vous demandez juste le prénom, vous obtenez tous les renseignements et au moins trois anecdotes sur la vie avec le cheval. Ça marche à tous les coups, et ça permet toujours de faire connaissance à peu de frais.
C’est peut-être parce que je suis né en Bretonnie, ça, mais je trouve que nombre de gens sont souvent plus liés à leurs chevaux qu’aux autres êtres humains. On peut toujours se confier à eux, ils répètent jamais rien. Ils sont doux, et peureux. C’est fou comment c’est peureux, un cheval… Pour les envoyer à la guerre on doit rabattre des œillères et les entraîner à subir le bruit, parce que rien qu’une brindille qui éclate ça peut les terrifier. Mais à la guerre, ils chargent, parce qu’ils nous font aveuglément confiance. C’est tellement cruel, de diriger un animal vers le danger, et ils y vont, juste pour nous faire plaisir.
J’ai toujours aimé les animaux. Préféré leur compagnie à celle d’autres hommes.
C’est qui, « j’ai » ? Les deux. Le fils et la mère. Ils sont tellement différents, mais y a toujours ça qui les rapproche… C’est deux créatures grégaires, sociables, qui adorent parler. Et ils ont tellement d’amis qu’en fait ils se sentent souvent seuls.

Juché sur Ravel, je traverse ce village. Buste droit, épaules en arrière, regard tout droit. J’ai du mal à me dire que tous ces gueux devant lesquels je passe sont mes sujets. Ceux que j’ai choisi de protéger. Ceux que j’ai juré de garder. C’est leur sauvegarde qui a servi de chantage à Anne, pour violer son fils. Est-ce qu’Armand aurait fait les mêmes promesses, s’il savait ce qui était en train de se passer ici ? Il était prêt à tous les tuer, à un moment… Est-ce que c’est pour ça que certains me dévisagent ? Je risque tellement pour eux.
Et puis, je me pose soudainement une question.
En fait, qu’est-ce qui me retient vraiment ici ?



On galope. J’aimerais qu’on galope plus vite, mais le cheval de Jehanne nous ralentit. La fatigue, la faim, et surtout l’appréhension de ce qui nous attend — tellement est en jeu — me donnent un mal de crâne, et je peux pas m’empêcher de grommeler tout seul contre la bête de la damoiselle de Montagu. C’est pourtant pas sa faute, ni à elle ni à son animal. Mais c’est comme ça, quand on est crevé on est souvent un gros con. Je fais juste la gueule, tout seul.

Mais les moments au trot sont trop saoulant pour que je reste silencieux. Et il est hors de question de s’arrêter pour pisser : on est poussés par une espèce d’urgence un peu incompréhensible… On sait pas quand Mélaine arrivera, si elle arrivera, par où elle arrivera… On est dans l’ombre. Au beau milieu d’une espèce de brouillard métaphorique. Je renifle de la morve liquide à cause du froid, souffle sur mes mains pourtant recouvertes de gants et de mitaines de maille dans une vaine tentative de les réchauffer. Les molaires un petit peu claquantes, je décide de parler pour occuper mon larynx à défaut d’exercer mes cuisses.
Et pour parler, je trouve un sujet un peu idiot.

« La nuit dernière… »

Je complète pas la phrase. Elle sait très bien ce qu’on s’est dit hier, vu qu’elle était là.

« Andry. Vous… Il compte pour vous ? »

La phrase la fait rire. Peut-être qu’elle me prend pour un type inquiet à l’idée d’être cocu. C’est pas ça, c’est même le cadet de mes soucis en ce moment. Je trouvais quand même étonnant que hier, Gotlinde insiste pour qu’on s’arrange, qu’on fasse en sorte que sieur Andry ne soit pas touché par nos manigances qui risqueraient de mettre les Maisne dans une tourmente infâme…
Mais elle explique. Qu’ils sont en effet proches, même si c’est platonique. Ce crétin d’Andry est amoureux d’une Elbiq. J’avoue que j’avais toujours mis ça sur le dos de la rumeur. C’est pas un ami proche, Andry, autrement je l’aurais remarqué. Par intermittence, à chacune des informations qu’elle apporte, je hoche la tête et j’approuve plus-ou-moins silencieusement.

« Quand j’étais mioche les Elbiq et les Maisne se détestaient déjà. Je parie que même quand Brandan lui-même était gosse, il avait appris à haïr les Elbiq.
Quelque part, ça serait bénéfique qu’une des deux familles soit abattue et que l’autre règne. Ça pacifierait enfin notre duché. »


Quand je suis allé dénoncer ma famille, j’ai dénoncé que des gens dont je peux être certain qu’ils étaient coupables. Je n’ai ni dirigé, ni exagéré mon témoignage. Tous ceux qui étaient liés à mon père, j’ai expliqué tous leurs torts, selon ce que j’ai vu de mes propres yeux.
Il se trouvait qu’il n’y avait pas beaucoup de serviteurs des Maisne parmi eux. Ça rend ma corvée d’aujourd’hui d’autant plus malaisée. On parle de gens innocents qui vont servir de boucs émissaires, pour… Pour rien. Pour quelque chose de nouveau, et de dangereux. L’Aquitanie sortait enfin la tête de l’eau, et aujourd’hui je fais tout pour la faire replonger.
Notre actuel Duc a été imposé de force par le Roy Louen, en espérant qu’il règle toutes ces affaires. S’il échoue, je me demande si Sa Majesté va venir en personne remettre les choses en ordre.

« Ce n’est pas un ami proche, Andry, mais c’est un bon gars. J’essayerai de le sauver, si je peux.
Qui sait. En témoignant devant le Duc, je pourrais même faire en sorte que Luciana s’en sorte. Avec les vieux tous dans la tombe, les jeunes pourraient enfin accoucher d’un nouveau monde. »


Et puis, là, il me suffit de battre des cils pour avoir un nouveau visage en tête.
Arthur de Fluvia.

C’était tellement un petit con. Un immense petit con.
Mais il méritait pas ça. Il méritait pas de crever la gueule ouverte. Il méritait pas de puer comme une charogne. Ma mère l’a tué, et pourtant, j’ai pas chargé… C’était déjà trop tard pour lui sauver la vie, mais pas pour le venger…
Dix-sept ans. Dix-sept putains d’années. Personne ne mérite de mourir à dix-sept ans, personne.
Je suis devenu la meurtrière d’Arthur. Elle est dans mes veines. Je suis un assassin d’enfants.

À parler de nouveau monde, survient naturellement l’envie de parler de Gilles. De ce Dieu qui est à nos côtés. J’en grimace. Il faut que j’en parle. Non, c’est bien beau de faire semblant de comprendre, de faire semblant de suivre pour pas attirer l’attention, mais enfin y a clairement un truc qui cloche dans le tableau. Tous les habitants de Derrevin, tous… Ils sont maîtres d’eux-mêmes, ils ont encore leurs personnalités, leurs histoires, leurs passés, et en même temps, tellement obéissants, et accortes, et… Et ils baisent sous les mêmes toits, en une soirée…
Dans quoi je m’engage ? Pour quoi est-ce que je damne tout un duché ? C’est pas pour moi-même. J’aimerais pouvoir en être fier : je nique les autres pour ma pomme. Mais non. J’ai coupé le cordon, je lui ai donné un prénom, je… Je suis plus qu’un simple complice.

« Dites, heu… J’avais une question, sur…
Enfin, j’aimerais vous parler de… Quelque chose… Alys, la grande-prêtresse… »


Je lance un regard derrière moi. Les deux balourds m’inquiètent. Ils sont solides. Trop solides. Si je me mettais à douter de la Nourrice, qu’est-ce qu’ils pourraient se mettre à faire, en devenant timbrés ? Je les connais pas.
Heureusement, Jehanne est maline. Trop intelligente. Elle ricane, et, comme si on allait parler d’un projet de fiançailles, elle convainc les deux de nous lâcher et d’aller cavaler en avant — avec une Gotlinde un peu plus lente, plus discrète aussi.

C’est là que Jehanne me passe un savon. M’ordonne de me reprendre. Et en même temps qu’elle m’agite, elle devient aussi plus douce. Elle s’inquiète de ma santé. Elle souffle le chaud et le froid. J’en tords un peu mes lèvres. Hoche un peu la tête.
Je saurais pas trop quoi lui dire. Je trépigne dans ma selle. Et puis, avec un petit soupir agacé, je réponds à sa question pourtant gentille.

« Ce que j’ai vu en Lyrie, c’était… Horrible. À en faire des cauchemars. Et en même temps, j’ai peur de me confier. J’ai peur que vous me preniez pour un malade si je le fais.
Ah mais bon, dès que quelqu’un sort cette phrase, on le prend immédiatement pour un malade, pas vrai ? »


Je lui fais un sourire taquin. Humour pince-sans-rire, qu’on dit, il n’empêche qu’il a une pointe de vérité.

« La vérité c’est que j’ai été très con. Je… Je vous expliquerai tout, mais pas aujourd’hui, pas maintenant. Je vous le jure, dès que tout ça sera fini, je me confierai.
C’est juste que… Que je sais pas si j’ai envie d’en être soigné. Le monstre me torture autant qu’il m’aime, et il a toujours fait ça. Je sais pas si vous saisissez… »

Je crois qu’elle fait semblant de comprendre. Ou alors elle comprend. Je ne connais pas sa vie. Je ne connais pas son histoire. Peut-être qu’elle aussi a eu… A connu des gens…
C’est lourd, comme conversation, à avoir.

« Mais Alys. Alys c’est une femme qui a l’air tellement… Puissante, et intelligente. Si elle n’avait pas été là…
Si elle n’avait pas été là, je crois que j’aurais pas eu la force d’arrêter le monstre. Franchement, je crois qu’il se serait déchaîné.
C’est à cause d’elle, tout ça ? Toute cette… La communion, que vous avez appelé ça. Ça s’est passé uniquement hier ? »


Et puis, c’est là qu’elle raconte tout.
Tout.
Comment Alys a commencé à retourner ses fidèles dès mon départ. Comment elle a reçu le village, un par un. Comment elle leur a fait boire le mélange qui est celui que j’ai dans la doublure de mon mantel. Les questions qu’elle leur a posé.
Ils sont tous serviteurs. Tous.

Et à la fin de son discours, elle devient soudain haineuse.
Elle ne veut pas être la Mère de Gilles que pour s’offrir un nouveau donjon. Oh non.
Jehanne a envie d’être la mère d’un Dieu. Je la sens, tellement assurée. Non, il n’est pas sorti de son ventre. Mais elle l’élèvera. Elle sera la mère d’un Dieu.




En fait, qu’est-ce qui me retient vraiment à Derrevin ? Maintenant que Margot est morte ? Maintenant que Anne a réglé ses comptes ?
Alors que Jehanne s’éloigne, après m’avoir expliqué tout ce qu’elle avait à expliquer, une idée se met à germer quelque part en moi. Plus que germer, en fait : éclore.

J’ai de la plate. J’ai une épée. J’ai mon cheval.
En Bretonnie, ces trois choses permettent d’affirmer trois mots : Je suis libre.

Je pourrais m’enfuir.

L’idée se forme bien dans mon esprit.

Oui.

Oui je pourrais m’enfuir.

Mon cœur n’a pas — encore — été bouffé par cette immonde créature. L’Enfant Divin ne s’est pas emparé de moi. On pense Armand de Lyrie mort. Ceux qui l’ont vu encore vivant sont des parjures qui sont promis aux sortilèges purificateurs de Mélaine, et la sainte colère du Duc. Quelle place il reste pour moi ? La place de Hubert de Ternant ? Trop peu pour moi.
Les gens de Derrevin… Ils crèvent la dalle, ils n’ont même pas de donjon dans lequel se réfugier. Ils ont rien pour se défendre. N’importe quel ost peut suffire à étouffer leurs vies. Et il y aura de nouvelles seigneuries à confier à de nouveaux seigneurs. Et tout sera comme avant.
Mais moi je suis en vie. Je me suis échappé de la Lyrie en vie. Je respire. J’entends. Je parle, avec une langue, je touche, avec dix doigts. J’ai le cœur qui bat. Des viscères. Et une âme. Une âme tout juste reconstituée, accidentée, et pourtant, pour la première fois depuis vingt ans, complète…

Je pourrais m’enfuir.

Pour quoi faire ? Pour aller où ? On s’en fout. Ça n’a plus de sens. Ça n’a plus eu de sens depuis… Depuis toujours en fait. Rien n’a jamais eu de sens. Armand, l’autre Armand, il est allé chercher ce qui pouvait le remplir aux quatre coins du monde — il est allé le chercher jusqu’en Albion, jusqu’à la pointe de la Mer des Griffes. Combien d’hommes peuvent se vanter d’y être allé ? Et qu’est-ce que tout ça lui a apporté…
Rien m’a jamais comblé. Ni la drogue, ni le sexe. Ni la peinture, ni l’entretien de la maisonnée. Ni la Dame, ni Shallya. Ni les livres de prières ni les joutes. Je suis un homme et une femme. Né dans le plus beau pays du Vieux Monde, dans un duché riche, avec la chance d’être un sang-bleu dans une patrie où on maintient volontiers à terre tous ceux qui ne descendent pas des Compagnons du Graal. Et pourtant c’est comme si tout ça n’était pas important.

Alys ne m’a pas forcé à faire de communion. Elle ne m’a pas interrogé. Mais si elle l’avait fait, qu’est-ce que j’aurais pu lui répondre ?
Rien. Je désire rien de ce monde.

Alors je pourrais m’enfuir. M’enfuir pour aller le découvrir. Je repense à cette journée à Castel-Aquitanie. Celle où j’ai discuté avec un clochard, joué aux cartes, courtisé une tenancière de taverne. C’est fou le sentiment étrange que j’éprouvais alors que je chassais toute mon inquiétude à devoir affronter le Duc à coup de liqueur dégueulasse à en larmoyer… Je me sentais libre.
C’était illusoire. J’étais destiné à retrouver ma mère. On échappe pas à son passé.
Ou non. Non je dis des conneries. C’est ma faute. C’est entièrement ma faute. Rien m’obligeait à retourner en Lyrie, rien du tout, pas même le commandement de mon seigneur — mon seigneur je lui ai rendu toutes les terres de mes ancêtres, je lui ai rendu tout ce qui me liait à lui, je n’avais plus aucun serment. J’ai dénoncé toute ma famille et tous les gens que j’aimais pour lui, ça lui suffisait donc pas ? Mais non, y avait ce lien, qui forçait la Banshee à hanter un château… Est-ce que Mélaine et le Duc m’ont fait du tort, à m’envoyer là-bas sans me prévenir de ce qui clochait chez moi ? Ou bien c’était une faveur qu’ils me rendaient, après tout n’était-ce pas mieux que juste me buter pour supprimer le lien de Symbiose ? J’en sais rien, bordel de merde, j’en sais foutre rien.
Et pourquoi je me suis enfoncé, là-bas ? Dans ce bourbier ? Dans ces pièces pleines de Déréliches, des Déréliches partout, encore et encore…
Je voulais tuer ma mère, et en même temps, je refusais obstinément de le faire. Pourquoi je l’aie pas chargée quand j’étais en bas de ces escaliers, putain ? C’est inexcusable. J’avais l’occasion, j’avais l’arme, j’avais juste à trouver la force de le faire. Pourquoi j’ai pas chargé pour la tuer ? C’est quoi qui m’a retenu ?

Rien me retient à Derrevin. Que dalle. Ravel est vif et rapide. Je pourrais galoper, maintenant, distancer, devant l’incompréhension totale des quatre derrière moi. Juste leur simple hésitation, soudaine, le temps qu’ils comprennent ce que je fous, ça suffirait à faire que je me volatilise. Qu’importe tout ce qui se déroule ensuite — je me casse. Je me casse dans la nature. Je change de nom. J’en invente un — on est la nation des chevaliers errants sans passé, personne ne me poserait la question avec trop d’insistance. Et à partir de là, je fais ce que je veux. Je vais où je veux. Ni Anne ni Armand n’étaient heureux, mais la personne qu’ils sont devenus…

Peut-être que je vais le faire. J’en brûle.

Peut-être que je vais partir sans un mot, et mener ma propre vie.

Mais pas aujourd’hui. Pas maintenant. Il reste encore quelques minuscules choses à terminer…

J’ai des comptes à régler.



Le cheval de Jehanne glisse. Il y eut un cri, puis un autre. Ravel a pris peur ; par réflexe, je me suis tordu sur ma selle — pas crispé, tordu — au cas où je chute, tout en tirant sur les rênes pour garder la maîtrise de l’étalon. Je siffle, lui donne une rapide tape à l’encolure, tandis que Jehanne crie, puis siffle de douleur.

« Merde ! »

Je retire mes pieds des étriers. Me glisse instinctivement à terre, tout en donnant une nouvelle tape à Ravel pour qu’il ne se mette pas à s’enfuir ou à faire quelque chose de stupide — je n’aime pas voir ses oreilles en arrière, comme ça.

Je trotte vers le lieu de l’accident. Le pauvre cheval a glissé dans une flaque. Sauf que, comme si tout était fait pour bien nous emmerder, il a été entraîné dans une putain de crevasse. Maintenant l’animal est sur le côté, à hurler à la mort, en agitant ses pattes encore valides dans tous les sens, projetant des mottes de gadoue au-dessus de ses sabots. Je trotte pour aller voir Jehanne ; c’est une femme intelligente, et c’est pas la première fois qu’elle monte à cheval, alors par réflexe elle s’est roulée en boule et couvre sa tête.

« Tu vas comment, ta jambe est pas coincée ?! »

Si sa jambe est coincée sous le cheval, c’est parti pour l’enfer — il faut soulever une demi-tonne de viande vivante et agitée, et la pauvre Jehanne est partie pour boiter pendant un moment. Par miracle ce n’est pas le cas, elle s’est dégagée à temps ; elle n’a que le poignet fracturé. C’est quand même assez pour la faire larmoyer — elle a les joues humides, les yeux rouges. Et pourtant, les dents claquantes, elle assure que tout va bien et que tout va bien aller.

« Hé hé, te relève pas trop vite…
…Franchement, la main cassée ça va, mais tu as vu comment tu vas me faire honte devant Thevot avec ta robe sale ? »


Quand je suis nerveux je fais des blagues de merde. Ça doit se voir au fait que j’ai la voix qui tremble ; c’est vraiment arrivé soudainement.
J’aide la Jehanne à se soulever. Et puis, je regarde son cheval. Pour lui c’est… C’est plus compliqué.
Une patte brisée, sur un cheval, ça se soigne jamais. Impossible. Un cheval peut pas rester couché — ils en meurent. Ils peuvent pas rester sur trois pattes au lieu de quatre — ils en foulent leurs membres. Et évidemment, ils peuvent plus jamais poser le sabot blessé à terre. Ils sont trop lourds. C’est juste une souffrance abominable.
Le cheval est en train de se calmer. Il souffle, il hennit. Mais il va tenter de se relever, à un moment, et juste paniquer, hurler, se démener péniblement sans aucun espoir.
Ce qui est horrible c’est qu’on est tous des cavaliers chevronnés ici. C’est-à-dire que moi, Gotlinde, Jehanne, Daniel et Guimart, on a déjà tous les cinq percuté sans avoir eu à s’échanger un seul mot ou un seul regard. Il est foutu. En fait, le tuer maintenant et tout de suite est la chose la plus humaine à faire. C’est immonde. Les mains sur les hanches, je bégaye, ne sachant pas si c’est délicat de dire à Jehanne que je vais m’en charger.
Ça reste une corvée immonde.
Aucun cheval mérite de mourir pour un humain.

« Putain, c’était l’accident con, je… »

Je tourne mes yeux vers le ciel.

Y a un orage qui menace.
En fait, y a une tornade qui menace.

Je verrais ce ciel noir n’importe quel autre jour de la semaine, je me dirais que le temps est vraiment bizarre. Mon côté superstitieux y verrait un méchant signe des Dieux.
Mais là, la localisation du ciel qui noircit ne laisse aucun doute à ce qui est en train de se passer.

L’autre Dinde est en vie.

Cette sale pute. Cette sale pute s’en est sortie. Combien de Herrimaults a-t-elle tué ? Est-ce que Maussade est morte ? Carlomax ? Est-ce qu’ils se sont enfuis quand ils ont vu que le combat était sans espoir ? Qu’est-ce qu’il s’est passé, là-bas ?

J’ai le cœur qui palpite. Je ferme les yeux, atterré par la colère. Et la peur.

Mais Jehanne a raison. On suit pas un chef qui doute. On attend de lui de prendre des décisions, fortes, et de faire comme si on savait ce qui était en train de se passer.

Alors je prends une grande inspiration.

« Sire Guimart, mettez vite fin aux souffrances de cette pauvre bête.
Jehanne, tu vas monter avec moi. On va reprendre notre galop, à toute vitesse. »

Les mains sur les hanches, je me retourne face à la bande. Et je prends une voix grave, un peu moins forte, pour expliquer.

« J’ignore ce qui se passe au verger, mais si la prophétesse du Graal est en train de s’en sortir en vie, alors tout repose sur nous.
Nous devons atteindre sire Thevot, et le forcer à communier avec l’Enfant Divin. Avec lui à nos côtés, nous coupons toute retraite à Mélaine. On pourra l’achever.
Tout est en train de se passer comme prévu. »


Non, ce n’est pas le cas. Mais hé.

« Mais maintenant le temps joue contre nous ! Alors on se magne, et préparez-vous à devoir vous battre !
Nous pouvons convaincre Thevot de nous ouvrir les portes et de nous recevoir en privé, mais il faudra sûrement avoir recourt à la force pour le faire se joindre à nous ! »

J’attire Jehanne vers moi. L’aide à grimper devant la selle en faisant attention à ménager son bras gauche — elle mériterait un plâtre. À voix basse, je suggère que j’ai quelque chose pour la douleur, mais il suffit que je prononce le nom de Melchine pour qu’elle me regarde avec des yeux écarquillés, agite la tête de gauche à droite à toute vitesse, l’air terrifiée.
Je comprends pas pourquoi, moi je le trouvais docte ce Perrin Melchine…

Enfin. Tant pis pour elle.
Je pose un pied à l’étrier, et grimpe derrière elle. M’assure qu’elle est bien sécurisée entre mes bras — si elle montait derrière moi, elle risquerait de chuter au moindre virage.

Guimart descend à terre et dégaine son épée. Je vais au pas pour nous éloigner et faire que Jehanne n’ait pas à regarder ça. Il n’empêche qu’elle est obligée d’entendre… C’est un cri à glacer le sang.

Je passe une main dans mon dos. Défait d’une seule main (Donc je galère) la sangle de ma miséricorde.
Je la pose contre le ventre de Jehanne.

« Évidemment, on te défendra tous, mais je me sentirais plus à l’aise si tu avais une lame rien que pour toi. Je sais que tu peux en utiliser une.
Je… Vais la nouer autour de ta cuisse. »


Je regarde derrière moi. Les autres sont occupés avec le cheval crevé. C’est bien, ça offre quelques secondes de semi-pudeur qui est (peut-être) bienvenue.

« Détends-toi. Ravel va plus vite que personne, mais il nous laissera pas tomber. »
Modifié en dernier par [MJ] Katarin le 20 mai 2021, 18:35, modifié 1 fois.
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Image

Échiqueté d'or et d'azur à la bordure de gueules à la guivre de gueules halissante
Stats :
FOR 9 / END 9 / HAB 11 / CHA 15* (14) / INT 9 / INI 8** (10) / ATT 13** (15) / PAR 11** (13) / TIR 8 / NA 2 / PV 70/70
*Bonus grâce à la chevalière portée à l'auriculaire
**Malus à cause du harnois (inférieur)

État temporaire :
Compassion : +2 aux jets d'empathie (Reste une journée)
Esprit compatissant : +3 aux jets de résistance à la peur/terreur (Reste une journée)
Pompette : +1 CHA, -1 INT.
Migraine : -1 CHA
Visière épaisse : -2 aux jets de perception (Lorsque le casque est porté)

Compétences :
- Anticipation : +1 en ATT et +1 en PAR à partir du 3e round face au même ennemi
- Coup précis (1) : Malus atténué de 1 lors de la visée d'une partie précise
- Coups puissants : +1d3 de dégâts
- Coriace : Résiste à 1d3 dégâts de plus
- Dégainer l'épée : +1 en INI lors du premier round
- Parade : Valeurs de parade doublées
- Sang-froid : +1 lors d'actions réalisées sous stress
- Volonté de fer : +1 sur les tests pour résister à la peur

- Baratin : +1 pour embobiner quelqu'un à l'oral.
- Empathie : Capable, sur un test, de lire les émotions sur le visage de quelqu'un.
- Empathie animale : Capable, sur un test, de deviner les émotions d'un animal.
- Étiquette : +1 lors des interactions avec la haute société
- Humour : +1 pour divertir et amuser.
- Intrigue de cour : Capable de déceler et deviner des intrigues.
- Monte : Ne craint pas de chutes lors d'une montée normale
- Vœu de la Pureté échoué : -2 dans la résistance aux tentations terrestres

- Alphabétisé : Capable d'écrire et de lire le Bretonnien
- Art (Peinture) : Sait peindre des tableaux.
- Danse : Excellent danseur
- Héraldique : Capable de reconnaître les blasons des familles nobles, et d'en savoir plus sur eux sur un test

Équipement de combat :
- Épée bâtarde (Inférieure) : 2 mains / 23+1d10(+1d3*) / 22** (11) parade
- Lance d'arçon : 1 main / uniquement à cheval / 20+1d10(+1d3)* / 16** (8) parade / "Long" (Malus de -2 ATT pour les adversaires) / "Épuisante" (Malus de -1 d'utilisation après END/2 tours, à chaque tour, max -4) / "Percutante" (Relance du jet de dégât, meilleur résultat gardé) / "Rapide" (Malus de -2 PAR et/ou -2 HAB pour toute esquive tentée par l'adversaire) / Se brise après 4/5 utilisations
*Avec la compétence Coups puissants
**Avec la compétence Parade


Tête : 13 protection
Torse : 13 protection
Bras : 13 protection
Jambes : 8 protection

- Destrier Bretonnien (Ravel) : FOR 10 / END 13 / SAU 8 / RAP 10 / INT 9 / DOC 12 / ATT 9
Équipement divers :
3 Eo

- Un beau doublet
- Un grand manteau
- Des bottes neuves
- Une jolie écharpe

- Nourriture
- Hydromel

- Bague affichant un lion - +1 CHA

- Insigne argenté marqué du blason de Lyrie
- Pendentif monté en clou
- Un flacon à l'odeur immonde
- 3 bouteilles de tonique miraculeux
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[MJ] Katarin
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Re: [Anne de Lanneray] Des comptes à régler

Message par [MJ] Katarin »

Jehanne n'était pas d'humeur à rire : à la désastreuse tentative d'humour de son nouvel époux, elle se contenta de répondre en le fusillant d'un regard noir, serrant contre elle son poignet douloureux. A ses côtés, Gotlinde ne réagit guère mieux, faisant les gros yeux à Armand comme pour lui intimer de la fermer immédiatement, avant d'elle aussi descendre de son destrier - nommé Wolkentanz - pour proposer un bras secourable à la fille de Montagu. Courroucée cette dernière refusa toute aide, se drapant dans une dignité aussi souillée que ne l'était son magnifique manteau. L'un des frères Louviers décrocha les fontes de selle du cheval qui hennissait douloureusement au sol, et en sortit un mouchoir qu'il tendit à Jehanne. Sans le remercier, elle s'en saisit d'un coup sec pour se débarbouiller, puis retira son mantel avec difficulté. Le temps hivernal s'étant adouci elle avait choisi de le laisser entrouvert pendant sa chevauchée, un choix qui la desservait maintenant puisque la boue avait atteint sa robe vermeil par le col, et que la saleté n'allait manifestement pas disparaitre par l'artifice d'un petit mouchoir blanc.

- Vous inquiétez pas ma dame, lâcha d'une voix compatissant Daniel de Louvières, même si vous vous rouliez dans la boue vous seriez quand même trop noble pour celle raclure de Maisne.

- Ouais, renchérit Guimart, et s'il y en a un seul qui se permet de vous manquer de respect à cause de ça, on le provoquera en duel dans la seconde, et on le démolira pour vous.

Jehanne ne répondit pas, quand bien même l'intervention des frères de Louvières sembla davantage bienvenue que la réaction gênée du nouveau seigneur de Derrevin. Tout le monde cessa de parler à la vérité, parce qu'Armand et elle regardaient tous deux dans la même direction, et qu'en suivant leur regard on pouvait voir la météo se déchainer au loin. Inutile d'être particulièrement intelligent pour comprendre ce qui se déroulait en direction du verger.

L'incident de Jehanne fut aussitôt relativisé : face au rappel d'une menace commune, il n'y avait plus de temps pour les broutilles. Lorsqu'Armand donna ses ordres, personne ne vint le contredire, et chacun s'exécuta dans un silence uniquement rompu par les cris désordonnés du cheval blessé de Jehanne qui tentait en vain de se relever. Lorsque le chevalier de Lyrie aida Jehanne à grimper en selle, elle ne protesta pas, et réussit malgré son poignet blessé à se hisser sur Ravel. Le destrier ne protesta pas, cherchant même une caresse de la part de sa passagère qui était installée entre les bras d'Armand. Serrée contre lui, elle tremblait bien malgré elle contre son armure, peut-être de froid, peut-être de frustration ou d'angoisse.

- Merci, lâcha t-elle simplement à Armand lorsqu'il lui confia sa miséricorde.

Derrière eux, et même s'ils s'étaient éloignés de quelques pas, ils purent entendre Guimart qui abrégeait les souffrances du cheval en faisant montre de toute la puissance que sa carrure supposait : en abattant de toutes ses forces son épée à deux mains sur la tête de la bête, celle-ci mourut au premier impact, l'acier explosant sa boite crânienne. Ravel renâcla en entendant l'ultime cri du cheval, mais se calma bien vite dès lors que le groupe se mit à galoper en direction du barrage de mercenaires que tenait Thevot de Maisne.

Plus rien ne rattachait Armand à sa précédente vie c'était vrai. Il avait lui-même fait tomber sa propre famille, et cette dernière semaine Anne avait veillé à faire disparaitre tout ce qu'il restait de lui. Son armure couverte de plumes et non d'écailles. Son épée bénie par la Dame. Ses compagnons d'arme, à l'instar de Casin ou d'Artur. Son amie d'enfance.
Mais pas Ravel. Cela ne faisait qu'une semaine qu'Armand et lui s'étaient rencontrés, et jamais le destrier n'avait failli. Il avait chargé des hordes de déréliches sans rechigner. Il avait galopé jour et nuit à un rythme infernal sans jamais s'épuiser pour arriver à Derrevin avant Mélaine. Il avait accepté Armand dès qu'il l'avait vu, et avait continue de l'accepter après qu'il ait changé. Et aujourd'hui encore, même avec deux passagers dont l'un en harnois, il répondait à chaque besoin de son maitre, suivant le rythme qu'il lui imposait avec force et dignité.

Il ne leur fallut que trente minutes pour que la route qu'ils suivaient rejoigne l'axe principal qui permettait de quitter Derrevin, et quinze minutes de plus pour rallier le barrage qu'Armand avait traversé en compagnie de Félix et Triboulet dix jours plus tôt. L'endroit était presque conforme à ses souvenirs, sinon qu'il semblait plus défendu encore : de nouvelles palissades de pieux avaient émergé, plusieurs tentes avaient poussé tout comme des drapeaux aux couleurs des Maisne, et le nombre d'hommes d'armes défendant les lieux semblait avoir doublé. Étaient visibles une majorité de cavaliers qui faisaient des rondes, mais l'on devinait derrière les palissades la présence de très nombreux archers équipés d'arcs longs.

Ce n'était pas Thevot de Maisne sur son destrier blanc qui vint accueillir le groupe de chevaliers. C'était un sergent aux cheveux poivre et sel, en veste de maille portant le tabard de la famille Maisne, chevauchant un roncin trapu et encadré par trois autres cavaliers. A la façon dont tout le monde surveillait le moindre de ses mouvements, notamment sa main tendue en l'air intimant l'ordre de ne pas attaquer, il était évident qu'il était celui qui donnait les ordres. Il arborait un sourire narquois, sachant très bien quelle était son autorité et le rapport de force qu'il exerçait ici.

- L'sire Thevot ? Désolé messire, vous l'avez raté de peu - vous l'avez pas croisé ? Une prophétesse du Graal est passée ce matin avec une poignée de chevaliers pour une mission divine à Derrevin, laissant sous-entendre avec le sourire qu'y allait surement avoir du grabuge mais qu'elle ne craignait rien. Il a insisté pour aller avec elle, et ils sont partis tous ensemble y a une petite heure. Il sera revenu ce soir je pense, mais si vous vous dépêchez vous pourriez le rattraper... c'est pas comme si on allait vous laisser aller plus loin d'toutes façons - nos ordres sont clairs vis-à-vis d'quiconque venant de Derrevin, noble ou pas noble.

Son sourire s'agrandit, devenant une provocation évidente à l'encontre du sire de Lyrie.


Jet d'humour de Armand : (malus de -4, Jehanne est pas d'humeur à rire là.) : 13, raté de 3. Pas très rigolo...
Jet d'endurance de Ravel : 3. Aucun souci pour Ravel d'avoir deux passagers.
Jet de force de Guimart : 3, c'est tranché net.
Jet de CHA d'Armand au barrage : 9, réussi.

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Armand de Lyrie
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Re: [Anne de Lanneray] Des comptes à régler

Message par Armand de Lyrie »

On parle pas quand on galope. Quand on galope on entend le vent souffler dans ses tympans, on se cabre sur son cheval, on se concentre tout droit sur la route parce qu’avec la vitesse, le champ de vision se rétrécit pour ne se focaliser que sur ce qu’il y a devant. Le cheval est celui qui s'éreinte, mais le cavalier empêche l’ensemble de s’accidenter — autrement, ça finit comme la pauvre monture de Jehanne.
C’est pratique de pas pouvoir parler. Qu’est-ce qu’il y aurait à se dire ? Bien sûr que oui je me joue des dizaines de scénarios dans ma tête, des incipit de tragédies. Et si. Et si la Prophétesse s’est enfuie ? Et si elle est déjà en sécurité ? Et si elle a reconnu les visages des Herrimaults ? Et si une lettre est déjà partie pour condamner Derrevin ?
Et si ?

Et si on est tous foutus ? Déjà tous condamnés à la roue ? Déjà tous morts ?
Charger vers un point fixe permet de conjurer toutes ces idées noires. Tout s’arrangera au prochain virage. Notre sauvetage est juste au bout, là. Oui, on a tenté d’assassiner une Prophétesse du Graal, une femme sainte parmi les saintes, un rempart de pureté vivante, admirée par tous les nobles, crainte par tous les paysans. Y a des tabous immondes en Bretonnie. Trahir son suzerain. Tuer son père. Baiser sa mère. Conspirer avec une sorcière. Maudire les morts. Se vendre à des puissances impies. Mais assassiner une fille des Fées, une dame-servante de la Dame… ça. Ça. Ça, c’est la chose qu’on ne peut pas dire à la légère une nuit un verre de vin à la table. Ça, c’est un crime qui ira jusqu’au Parlement de Louen. Ça, c’est un crime dont personne ne peut — ne veut — imaginer la sentence induite.
On est déjà tous foutus si tout ne se passe pas parfaitement bien selon mes délires. Oui, oui, une embuscade de Prophétesse, il faut juste la tuer, c’est pas si dur de tuer quelqu’un. Il faut juste éliminer tous les témoins. Et juste en acquérir un de force. Il faut juste me faire confiance, alors que mon couteau a encore le sang séché de la mère d’un Dieu.

C’est bien qu’on galope. Parce que les frères Louvières sont dans la merde, maintenant. S’il fallait me buter et se débarrasser de moi, il est déjà trop tard pour ça.
Ils étaient des parias aux yeux du Royaume. Je les ai foutus un tout petit peu plus dans la merde.



Le problème du prochain virage, c’est qu’on se met à ralentir. On passe du galop au trot, et du trot au pas. J’avale péniblement de la salive et reprend ma respiration, tandis que Ravel hennit et agite de la tête. Sur les remparts, y a des arcs longs. Ces putains d’arcs qui pourraient me transformer en hérisson au moindre mauvais geste, au moindre signe d’hostilité. C’est une magnifique garnison. Maisne a rassemblé ses forces pour prendre la ville de force, seul Armand de Lyrie, sire de Derrevin, devait leur offrir un sursis — mais Armand est mort, et quand ça aura atteint les oreilles de Brandan, il n’aura plus qu’à pétitionner en toute hâte le Duc homonyme pour tous les occire. Pas sûr qu’il obtienne gain de cause, mais voilà, sa sergenterie est bien là.
Ils sont trop nombreux, surtout pour moi, surtout ici, surtout avec une Jehanne en robe devant moi. Les portes de la palissade s’ouvrent, parce que les sentinelles savent très bien que notre petite troupe, notre quatuor de cavaliers, n’a aucune chance face à quelques volées de flèches dardées. Un lieutenant s’avance vers nous, main levée, et le voilà qui déclame la salutation habituelle quand on est un soldat avec un casque bien trop gros pour protéger un tout petit crâne :

« Halte, qui va là ?! »

Je lève la paume de ma main que je colle à la visière relevée de mon heaume. Je suis contraint de me présenter.

« Armand, chevalier du Royaume ! »

Des Armand il y en a pas mal en Aquitanie. Y en a même un qui est Duc, quelle aubaine.

« Je me présente à votre poste de guet pour réclamer une audience avec votre sire, le prud’homme Thevot de Maisne ! »

Le lieutenant hausse un sourcil. Il me regarde moi. Il regarde les guerriers derrière moi. Il regarde surtout la femme couverte de boue agrippée à mon cou. Je ne suis pas certain qu’il la reconnaisse — c’est un gueux. Mais la scène doit être assez comique pour renforcer son sourire narquois. C’est le genre de scène qu’il va aller raconter beurré autour du feu de camp cette nuit.
Il est d’humeur à profiter de son autorité, mais pas à être avare en paroles. Il ne me demande pas ce que je lui veux, à Thevot ; il pourrait me mettre dans l’embarras. Non. Il m’explique ce que je craignais.
Il n’est pas là, Thevot.
Il est avec la Prophétesse, Thevot.
Il est là où y a un orage tournant au cyclone qui s’élève dans le ciel.

Je grince des dents. Je grince des dents, tellement fort, tellement putain de fort, que mes molaires pourraient se briser entre elles. Et je foudroie le lieutenant des yeux, avec tant d'insistance que je suis incapable de cligner des paupières.
Le lieutenant cesse de sourire. Il me regarde maintenant avec une mine d’incompréhension. « C’est quoi son problème à ce gros con de noble ? » qu’il doit se demander.

« J’irai le rattraper alors ! Merci pour votre aide, sire sergent ! »

Il retrouve son gros sourire hautain. Il faut dire que je lui ai dis merci presque en postillonnant. Étonnamment, il trouve même le bagout pour se foutre de ma gueule.

« Zêtes certain ? La damoiselle avec vous, elle va bien ? »

J’ai ni l’envie, ni le temps, ni l’imagination, ni la patience de me mettre à bredouiller élégamment un mensonge ou une explication. Je tourne ma bride, frappe mes étriers contre les flancs de Ravel, et on retourne au galop comme des fous furieux.

Oui. C’est pratique le galop. Parce qu’on a pas à s’expliquer. Parce qu’on peut pas parler. Parce qu’on peut réfléchir à la question si importante.

On fout quoi, maintenant ?

J’y réfléchis, à tout ça. Quinze minutes, c’est suffisant pour faire le tri dans sa tête. Dans ses envies. Dans ses pulsions. Dans… Dans tout ça.
Quinze minutes. Quinze minutes seul. Quinze minutes à courir la campagne.

J’ai toujours aimé courir à cheval. J’ai envie de chialer maintenant que j’y pense. On vit en Bretonnie. On est le pays des chevaux. On est la culture des chevaux. C’est dans le nom de ce que je suis : cheval-ier. Pas l’épée, pas l’armure, pas les prières en classique, pas les vitraux… Le cheval, la course. Le vent dans les oreilles, dans les cheveux, dans les naseaux.
Je rêverais de ça. J’aimerais pouvoir le faire. Courir jusqu’à la nuit. Courir jusqu’à ce que Ravel et moi nous écrasions de fatigue.
Mais là, on peut juste courir un quart d’heure. Et je profite de ce quart d’heure comme si c’était le tout dernier quart d’heure de mon existence. Un quart d’heure de silence, et de plaisir. C’est tout ce que je réclame à la vie.

Et une fois que je l’ai obtenu, on retourne au croisement des deux chemins. Alors on ralentit enfin le pas. Alors, j’entends Guimart rugir comme un furieux derrière, son sang qui fouette qui s’entend dans son haleine :

« On fait quoi maintenant, sire ?! »

Son « sire » est tellement agressif qu’il traduit des dizaines de mots. Il me presse autant qu’il m’insulte. Il a peur autant qu’il est en colère. Je tourne la tête vers lui, mais pas assez pour le regarder. Je contemple surtout les arbres.
J’aimerais. J’aimerais avoir réponse à tout. Tout planifier. Tout résoudre.

Mais c’est pas comme ça que marche la vie. C’est un chaos permanent.

J’ai eu mon quart d’heures de vie. C’était suffisant.

« Tu vas descendre de mon cheval. »

Ma voix est grave. Et pleine de quelques sanglots. Mais je me ressaisis.
Je me tourne vers l’Impériale, me reprend, et fait un geste du doigt dirigé vers le sol pour qu’elle approche.

« Vous allez reprendre Jehanne. Retournez d’où nous venons, et, d’un pas tranquille, vous rentrez toutes les deux à Derrevin. »

Je me mords la lèvre inférieure. Pose une main sur la hanche de la dame de Montagu. Je la regarde droit dans les yeux.
Et il est temps pour moi d’offrir quelque chose que je n’ai pas arrêté de repousser, ou d’imposer aux autres.
Mon sacrifice.

« Si j’échoue… Si je meurs. »

Je suis obligé de dire cette dernière phrase en épelant bien les syllabes. J’ai du mal à l’imaginer. C’est dur, maintenant que c’est dit à voix haute.
Mais je l’accepte.

« Vous utilisez ma mort.
Tu vas m’écouter. Tu ouvres grand tes oreilles, et tu m’écoutes.

Vous allez dire au Duc que c’est moi le coupable. Le coupable de tout. Que c’est moi qui suis parti volontairement dans le duché de Quenelles pour aller récupérer le tableau. Que j’ai dénoncé mes parents, des cultistes de Slaanesh, seulement par jalousie du pouvoir du comte de Lyrie et de la dame Loyse de Ternant, mère de Margot, et maîtresse de mon père. Que j’ai manipulé la-dite Margot pour saisir ce qui était caché dans un tumulus du vieux pays de Cuilleux. Que je savais comment récupérer l’esprit spectral de ma mère en Lyrie, que je suis sorti de la tombe de mes ancêtres avec elle, assassinant au passage un chevalier du nom de Casin, Casin Baillet, au moment de mon réveil. Vous allez dire que j’ai payé des brigands pour attaquer la Prophétesse. Que j’ai dérobé le tableau et prit son pouvoir.
Tout. Vous me mettez tout sur le dos. Tout. Enrobez le récit comme vous voudrez, arrangez-le, mais je suis le coupable idéal. Si j’échoue et que je crève, vous utilisez ma mort pour absoudre Derrevin, et absoudre Gilles.
Tout ce que je viens de dire est délirant. Mais quand le Duc l’entendra, tout paraîtra logique. Et l’Enfant Divin prospérera. »


C’est trop facile, de tout rejeter sur les autres pour s’absoudre.
Alors que les autres fassent la même chose avec moi. Si je suis trop faible, ou trop lent.
Tout ce qui compte, maintenant, c’est… Cette chose. Cette chose qui s’est emparée de nous tous. Cette chose qui a tué mon père, ma mère, ma Margot.
Elle est plus forte que nous tous.
Alors que le meilleur l’emporte.

Jehanne hoche lentement de la tête.

« Bien.
Bien… »

Gotlinde est descendue à pied. Je l’aide à se saisir de Jehanne. La jeune fille Montagu avance lentement jusqu'à Wolkentanz.
J’espère qu’elles au moins pourront s’en sortir.

Dès que les deux dames sont en selle, et commencent à partir, j’ai fais la paix avec moi-même. Je regarde les deux frères Louvière, qui m’observent avec un mélange d’inquiétude et de consternation.
Et j’éclate d’un rire nerveux.

« Vous vous rendez compte que dans les romans de chevalerie qu’on nous racontait gosses, c’est moi le cavalier noir ? »

Petit silence.

« Allez. Dans toutes les histoires, faut bien un méchant, non ? C’est pas drôle s’il y a pas de méchant ! »

Je tire sur mon épée bâtarde, et la dégaine. Je serre des dents dans une mine de colère, et me prépare à charger à toute vitesse vers le verger.

« Saignez avec moi !
Que la vouivre me craigne ! »
Modifié en dernier par [MJ] Katarin le 20 mai 2021, 18:35, modifié 1 fois.
Raison : 6 xps / Total d'xp : 141
Fiche : wiki-v2/doku.php?id=wiki:fiche_armand_de_lyrie
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Échiqueté d'or et d'azur à la bordure de gueules à la guivre de gueules halissante
Stats :
FOR 9 / END 9 / HAB 11 / CHA 15* (14) / INT 9 / INI 8** (10) / ATT 13** (15) / PAR 11** (13) / TIR 8 / NA 2 / PV 70/70
*Bonus grâce à la chevalière portée à l'auriculaire
**Malus à cause du harnois (inférieur)

État temporaire :
Compassion : +2 aux jets d'empathie (Reste une journée)
Esprit compatissant : +3 aux jets de résistance à la peur/terreur (Reste une journée)
Pompette : +1 CHA, -1 INT.
Migraine : -1 CHA
Visière épaisse : -2 aux jets de perception (Lorsque le casque est porté)

Compétences :
- Anticipation : +1 en ATT et +1 en PAR à partir du 3e round face au même ennemi
- Coup précis (1) : Malus atténué de 1 lors de la visée d'une partie précise
- Coups puissants : +1d3 de dégâts
- Coriace : Résiste à 1d3 dégâts de plus
- Dégainer l'épée : +1 en INI lors du premier round
- Parade : Valeurs de parade doublées
- Sang-froid : +1 lors d'actions réalisées sous stress
- Volonté de fer : +1 sur les tests pour résister à la peur

- Baratin : +1 pour embobiner quelqu'un à l'oral.
- Empathie : Capable, sur un test, de lire les émotions sur le visage de quelqu'un.
- Empathie animale : Capable, sur un test, de deviner les émotions d'un animal.
- Étiquette : +1 lors des interactions avec la haute société
- Humour : +1 pour divertir et amuser.
- Intrigue de cour : Capable de déceler et deviner des intrigues.
- Monte : Ne craint pas de chutes lors d'une montée normale
- Vœu de la Pureté échoué : -2 dans la résistance aux tentations terrestres

- Alphabétisé : Capable d'écrire et de lire le Bretonnien
- Art (Peinture) : Sait peindre des tableaux.
- Danse : Excellent danseur
- Héraldique : Capable de reconnaître les blasons des familles nobles, et d'en savoir plus sur eux sur un test

Équipement de combat :
- Épée bâtarde (Inférieure) : 2 mains / 23+1d10(+1d3*) / 22** (11) parade
- Lance d'arçon : 1 main / uniquement à cheval / 20+1d10(+1d3)* / 16** (8) parade / "Long" (Malus de -2 ATT pour les adversaires) / "Épuisante" (Malus de -1 d'utilisation après END/2 tours, à chaque tour, max -4) / "Percutante" (Relance du jet de dégât, meilleur résultat gardé) / "Rapide" (Malus de -2 PAR et/ou -2 HAB pour toute esquive tentée par l'adversaire) / Se brise après 4/5 utilisations
*Avec la compétence Coups puissants
**Avec la compétence Parade


Tête : 13 protection
Torse : 13 protection
Bras : 13 protection
Jambes : 8 protection

- Destrier Bretonnien (Ravel) : FOR 10 / END 13 / SAU 8 / RAP 10 / INT 9 / DOC 12 / ATT 9
Équipement divers :
3 Eo

- Un beau doublet
- Un grand manteau
- Des bottes neuves
- Une jolie écharpe

- Nourriture
- Hydromel

- Bague affichant un lion - +1 CHA

- Insigne argenté marqué du blason de Lyrie
- Pendentif monté en clou
- Un flacon à l'odeur immonde
- 3 bouteilles de tonique miraculeux
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[MJ] Katarin
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Re: [Anne de Lanneray] Des comptes à régler

Message par [MJ] Katarin »

Les quinze minutes de galop furent peut-être un moment d'évasion pour l'esprit d'Armand, mais ce ne fut pas le cas de ses compagnons. On ne savait rien de ce qu'il s'était passé pendant l'embuscade. Carlomax avait-il survécu ? Avait-il péri ? La prophétesse s'en était probablement tirée, sans quoi la météo n'aurait pas pu ainsi se déchainer... mais peut-être avait-elle été blessée ? Et Thevot, s'il était avec elle... et s'il s'était fait épingler par les arbalétriers ? Le plan si bien ficelé de la veille prenait désormais l'eau de toutes parts, et l'angoisse montait au sein du petit groupe qui ne pouvait qu'imaginer les pires hypothèses sans aucun autre moyen de les confirmer que de galoper en avant. On s'échangeait des regards inquiets, et surtout on fixait Armand, seigneur de circonstance depuis si peu de temps, mais sur lequel on faisait poser toute la responsabilité des décisions à venir. Tout contre lui, Jehanne restait elle aussi muette, fixant l'horizon sans détourner le visage.

A l'instant même où ils atteignirent leur destination, la croisée des chemins, le silence ne pouvait qu'être brisé. C'est Guimart qui prit la parole le premier avec une agressivité qui n'essayait même pas d'être dissimulée. En demandant à Armand ses prochains ordres avec un ton si sarcastique, c'était comme s'il le tenait déjà pour responsable de l'échec de ses deux plans : l'embuscade de Mélaine, et la capture de Thevot. Sans surprise, son frère se tenait à ses côtés, et s'il ne disait rien, il n'en pensait clairement pas moins : ils n'avaient aucune estime pour le sire de Derrevin, petit parvenu qui avait réinstauré la noblesse par ordre ducal à Derrevin, tué la tant appréciée Margot, et qui était possédé par quelque esprit démoniaque qui avait failli tous les tuer.

Mais Armand ne flancha pas. Il mit à profit le temps qui lui a été donné et exposa son plan désespéré : il allait affronter Mélaine avec les frères Louvieres, tandis que Jehanne et Gotlinde rentreraient à Derrevin. S'il gagnait l'affrontement, tant mieux, et sinon, alors il serait le bouc émissaire de tout ce qui pourrait être reproché à son entourage.

Sa tirade ne rencontra aucune forme d'enthousiasme. Juste un silence assourdissant, que Jehanne brisa timidement en approuvant son seigneur. Mais sa voix était brisée, à l'instar de sa démarche trahissant son désespoir. Elle n'y croyait pas, c’était évident. Ni aux chances d'Armand, ni à la capacité de quelque mensonge de tous les sauver.

- Hors de question que vous partiez sans nous ma dame. Nos vœux vous sont acquis, à vous, et pas à... lui.

Guimart ne faisait même pas semblant. Il aurait craché sur le sol de dégout que ça n'aurait pas été plus marquant que sa façon de s'exprimer.

- Guimart, Daniel, il a raison.

Elle releva la tête, son regard jusque là perdu en direction de l'horizon retrouvant désormais la force de croiser celui des frères Louvieres. Avec toute la dignité d'une vraie dame de Bretonnie, elle trouva la force de surmonter son pessimisme et de se redresser pour parler à ses protecteurs.

- Il ne peut pas l'affronter seule. La mort de la prophétesse... c'est le meilleur espoir de Gilles. Si Mélaine arrive à Derrevin, ce ne sont pas quelques bobards qui vont l'arrêter. Je n'y crois pas. Gotlinde m'avait mise en garde au sujet de sa réputation, et je me suis crue plus maligne qu'elle n'est puissante. On aurait du envoyer toutes les forces de Derrevin sur elle... mais on ne l'a pas fait. Alors vous deux, vous allez aider Armand, pour me faire gagner du temps. Il faut que j'arrive à convaincre Alys, pour qu'on mette Gilles en sécurité, loin d'ici. Je sais que je vous en demande beaucoup, et que vous ne me devez rien, mais...

- C'est bon, ma dame, vous fatiguez pas, la coupa Daniel. Nos vies ne valent pas grand chose vous le savez bien, alors si on peut les utiliser pour vous sauver, vous et votre fils, on le fera.

- Je... Merci , Daniel. Merci, Guimart.

Aidée par Gotlinde, elle grimpa à l'avant du destrier impérial. La chevaleresse fit à sa monture quelques pas pour s'approcher d'Armand.

- Mon seigneur...

Sa voix est lourde, pesante. Mais finalement, elle arrive à forcer un sourire à son égard.

- Massacrez-la.

Gotlinde hocha la tête à l'attention d'Armand. Contrairement aux frères Louvieres, elle semblait lui prêter un peu d'estime, et appréciait à sa juste valeur le sacrifice qu'il s’apprêtait à faire.

Les deux femmes disparurent rapidement à l'horizon, tandis que les trois hommes prirent la route de l'est, cavalant à toute allure. Ni Daniel ni Guimart ne prirent la peine de répondre à Armand, ou même de répéter son cri de guerre. Ils suivirent dans le silence le plus irrespectueux du monde leur seigneur, ne cachant à aucun moment leur mépris à son égard.

Il ne leur fallut qu'une dizaine de minutes de course pour que survienne quelqu'un droit devant eux. Une silhouette à cheval, seule, qui galopait mollement dans leur direction.
Quand bien même il n'était pas sur sa belle monture blanche, Armand reconnut l'armure du chevalier immédiatement. A l'inverse, ce dernier ne sembla pas comprendre quel danger l'attendait, puisqu'il ne tenta pas de dévier de sa route, fonçant en ligne droite vers ses ennemis.

Il semblait bien que Ranald venait de faire cliqueter ses dés une nouvelle fois, car voilà que le chevalier Thevot de Maisne, avachi sur un cheval blessé, se précipitait seul sur Armand et les frères Louvières sans même avoir conscience du danger qui l'attendait.


Test de CHA sur tes troupes : 17. Et bah tu les inspire pas vraiment...
Test de perception Armand : 1. OK. Tu peux voir que le cheval de Thevot semble en mauvaise forme, et pour cause puisqu'il a un carreau d'arbalète fiché dans le poitrail. Quant à Thevot lui-même, à sa posture maladroite sur sa monture, tu devines qu'il ne doit pas avoir la grande forme non plus bien que tu ne distingues pas de carreau dépassant de son armure.
Test d'intelligence du cavalier : 11, raté. Il ne comprend pas qui est devant lui, croyant à tort qu'il s'agit d'alliés.

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Armand de Lyrie
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Re: [Anne de Lanneray] Des comptes à régler

Message par Armand de Lyrie »

La première histoire qu’on m’ait lu, quand j’étais tout gosse, c’était un roman de chevalerie. Évidemment que c’était un roman de chevalerie, ici c’est la Bretonnie, on ne pouvait s’attendre à absolument rien d’autre. C’est toujours le même scénario, peu importe la date à laquelle on place l’ouvrage, peu importe le contexte, si c’est les Compagnons de Gilles, les Croisades, ou que sais-je encore. D'abord faut un preux chevalier qui veut coucher avec une femme plus âgée que lui, et mariée, mais il se retient pour ne pas offenser sa famille ou ses pairs. Et ensuite il faut un méchant. Si le méchant est un Orque, l’histoire est souvent moins intéressante ; c’est tellement mieux si le méchant c’est l’opposé des valeurs de la chevalerie. Un Jarl Norse, un cruel Arabéen à l’armure noire, un mort-vivant qui était bon à une époque avant de devenir mauvais. Généralement, le méchant tue l’époux de la donzelle, et le petit chevalier venge cet homme avant de pouvoir baiser la veuve. Et tout rentre dans l’ordre.

J’ai tellement dépassé le stade où je pouvais être le petit chevalier héroïque. C’est fini, l’errance seul dans le massif d’Orquemont — c’était y a un mois et j’ai déjà l’impression que c’était il y a une éternité. La bien-aimée je l’ai tuée, mes amis je les ai abandonnés, la Dame du Lac je l’ai trahie. Plus de Triboulet, plus de Margot. Même les deux salopards en armure qui galopent avec moi juste derrière, ils ont assez d’esprit dans leurs crânes creux pour se rendre compte de qui je suis.
Mais il n’est pas encore trop tard pour devenir un méchant convainquant. Ouais. Tous les gamins de Bretonnie, quand on leur lit les chansons de geste, ils rêvent qu’on en compose sur eux. On en écrira sur moi. Ça, je suis capable de le jurer. Dans plusieurs générations, le pays se souviendra bien de qui je suis.

Je galope vers ma mort. Je suis prête pour elle, maintenant. Y a un sentiment de libération qui l’accompagne. Non pas que j’ai pas les jetons ; j’ai le souffle rapide, je suis tremblant, c’est un mélange d’excitation et d’immense frousse. C’est con, j’ai vécu tellement d’années avec cette haleine suicidaire, et pourtant j’ai jamais été si proche de la mort que ces derniers jours. C’est pas les bons chevaliers qui meurent paisiblement dans leur lit, même si ça a été le cas du dernier Compagnon du Graal. Au moins, je charge sur Ravel avec la sensation que je vais vers une mort utile. Je lie mon destin à un Dieu qui dit être mon fils. Un sacrifice impie. La semaine dernière, Morr avait essayé de me tirer par le col, et c’est ma mère qui m’a retenu. S’il décide de nous reprendre tous les deux, au moins cette fois je pourrai lui tirer la langue.



Un cavalier surgit sur le chemin. Je baisse ma lame, et ralentit pour passer du galop à un trot moins pressé. Je fronce les sourcils en essayant d’identifier le cavalier. Il est solitaire. Ce peut être un mauvais ou un bon signe, ça dépend. Est-ce qu’on doit le laisser filer ? Je réfléchis. Et c’est pendant ces quelques secondes de battement, alors qu’on va vers lui et que lui vient vers nous, que je commence à mieux distinguer son tabar et son allure.

C’est Thevot de Maisne.

Je me frotterais bien les yeux, si j’avais pas des gantelets de maille au-dessus des doigts. C’est du délire. C’est pas possible. Le type qui est censé endosser tous mes péchés, que je dois forcer à boire un flacon mélangé à une goutte de son sang, il aurait pu lui arriver des tas de choses qui me foutent bien dans la mouise : il aurait pu s’enfuir, ou crever. Mais non. Non, il est là. Tout seul. Sans aucun garde du corps. Et il vient vers nous. J’en ai la bouche bée.
Ce monde n’a aucun sens. Mon père avait raison. J’ai passé des années à lutter contre Armand VII et ses « leçons », son cynisme, sa vision d’un monde chaotique sans aucun ordre, où seuls les salopards et les forts peuvent s’en sortir. Mais non, il avait raison. J’aurais pu épargner tellement de peines à tellement de gens, si seulement je m'étais contenté de la boucler et de l'accepter. Dénoncer toute ma famille n’a jamais été un acte pieux. C’était une putain de crise d’ado.

J’arrête mon cheval en tirant sur ma bride. Les frères Louvère m’imitent. Et ensuite, tout va très vite, c’est une suite de gestes maîtrisés et succins : Je remets mon épée à mon fourreau, tout de suite. Ensuite, je baisse la visière de mon heaume ; il faut que Louvière me reconnaisse au tout dernier moment, là, vu comment cet inconscient galope vers nous, il doit être persuadé qu’on est ses sbires, venus pour l’aider. Je me penche sur ma droite, et tire vivement sur une sangle. J’attrape la grande lance d’arçon qui est calée sous mon étrier. Je la fais sauter en l’air pour la saisir par la queue. Je me tourne vers les Louvère, et beugle un ordre qui résonne dans l’écho métallique de ma visière :

« On a besoin de lui vivant ! Vous m’entendez ?! VIVANT ! »

Je frappe mes étriers, avec un « Yah ! », et je m’élance, la lance collée sous mon aisselle, mais la pointe bien élevée en l’air. En nous voyant trotter vers lui, Thevot doit soupirer d’aise. Il a l’air blessé ; c’est ses vassaux qui vont venir le tirer de là, qui vont lui porter secours. Comment il peut croire à autre chose ? On est à un quart d’heure de son campement rempli de soldats. Il peut se reposer maintenant. Il peut limite s’effondrer sur sa selle : on va le sortir de là et l’amener à un barbier qui peut le recoudre.
Pauvre homme.

Alors que je réduis la distance, au moment ultime, je baisse soudainement ma lance. Je le menace. Et c’est déjà trop tard pour que lui, ou sa monture amochée puissent réagir.
C’est pas Thevot que je vise. Je ne veux pas le désarçonner : une chute violente pourrait l’achever, un coup dans l'ailette de son armure pourrait le pulvériser et étouffer ce qui reste de vie à quelqu’un que j’ai besoin d’encore capable de respirer.
Ce que je fais, c’est encore plus cruel que ça.
Je baisse bien la lance pour viser l’ars de son cheval. C’est ignoble, d’attaquer ainsi une monture qui n’a rien demandé. Mais c’est pas le pire crime dont je serai coupable aujourd’hui.
Modifié en dernier par [MJ] Katarin le 20 mai 2021, 18:35, modifié 1 fois.
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Fiche : wiki-v2/doku.php?id=wiki:fiche_armand_de_lyrie
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Échiqueté d'or et d'azur à la bordure de gueules à la guivre de gueules halissante
Stats :
FOR 9 / END 9 / HAB 11 / CHA 15* (14) / INT 9 / INI 8** (10) / ATT 13** (15) / PAR 11** (13) / TIR 8 / NA 2 / PV 70/70
*Bonus grâce à la chevalière portée à l'auriculaire
**Malus à cause du harnois (inférieur)

État temporaire :
Compassion : +2 aux jets d'empathie (Reste une journée)
Esprit compatissant : +3 aux jets de résistance à la peur/terreur (Reste une journée)
Pompette : +1 CHA, -1 INT.
Migraine : -1 CHA
Visière épaisse : -2 aux jets de perception (Lorsque le casque est porté)

Compétences :
- Anticipation : +1 en ATT et +1 en PAR à partir du 3e round face au même ennemi
- Coup précis (1) : Malus atténué de 1 lors de la visée d'une partie précise
- Coups puissants : +1d3 de dégâts
- Coriace : Résiste à 1d3 dégâts de plus
- Dégainer l'épée : +1 en INI lors du premier round
- Parade : Valeurs de parade doublées
- Sang-froid : +1 lors d'actions réalisées sous stress
- Volonté de fer : +1 sur les tests pour résister à la peur

- Baratin : +1 pour embobiner quelqu'un à l'oral.
- Empathie : Capable, sur un test, de lire les émotions sur le visage de quelqu'un.
- Empathie animale : Capable, sur un test, de deviner les émotions d'un animal.
- Étiquette : +1 lors des interactions avec la haute société
- Humour : +1 pour divertir et amuser.
- Intrigue de cour : Capable de déceler et deviner des intrigues.
- Monte : Ne craint pas de chutes lors d'une montée normale
- Vœu de la Pureté échoué : -2 dans la résistance aux tentations terrestres

- Alphabétisé : Capable d'écrire et de lire le Bretonnien
- Art (Peinture) : Sait peindre des tableaux.
- Danse : Excellent danseur
- Héraldique : Capable de reconnaître les blasons des familles nobles, et d'en savoir plus sur eux sur un test

Équipement de combat :
- Épée bâtarde (Inférieure) : 2 mains / 23+1d10(+1d3*) / 22** (11) parade
- Lance d'arçon : 1 main / uniquement à cheval / 20+1d10(+1d3)* / 16** (8) parade / "Long" (Malus de -2 ATT pour les adversaires) / "Épuisante" (Malus de -1 d'utilisation après END/2 tours, à chaque tour, max -4) / "Percutante" (Relance du jet de dégât, meilleur résultat gardé) / "Rapide" (Malus de -2 PAR et/ou -2 HAB pour toute esquive tentée par l'adversaire) / Se brise après 4/5 utilisations
*Avec la compétence Coups puissants
**Avec la compétence Parade


Tête : 13 protection
Torse : 13 protection
Bras : 13 protection
Jambes : 8 protection

- Destrier Bretonnien (Ravel) : FOR 10 / END 13 / SAU 8 / RAP 10 / INT 9 / DOC 12 / ATT 9
Équipement divers :
3 Eo

- Un beau doublet
- Un grand manteau
- Des bottes neuves
- Une jolie écharpe

- Nourriture
- Hydromel

- Bague affichant un lion - +1 CHA

- Insigne argenté marqué du blason de Lyrie
- Pendentif monté en clou
- Un flacon à l'odeur immonde
- 3 bouteilles de tonique miraculeux
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[MJ] Katarin
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Re: [Anne de Lanneray] Des comptes à régler

Message par [MJ] Katarin »

Une petite seconde, c'est ce qui avait failli faire échouer la tentative d'Armand. Car c'est bel et bien une seconde trop tôt qu'il avait baissé sa lance, laissant le temps à Thevot de Maisne de réagir de la seule manière envisageable : se saisir lui aussi de sa lance d'arçon, et la pointer en direction de l'assaillant dans l'espoir qu'il s'empale de lui-même dessus.
Face à ce réflexe défensif imprévu de Thevot, Armand douta, et tandis qu'il évitait sans difficulté la maladroite tentative de Thevot, sa propre attaque n'eut pas la précision qu'il souhaitait : son arme ripa contre la barde du cheval sans réussir à s'y enfoncer.

Heureusement pour lui, le seigneur de Derrevin n'était pas seul. Thevot de Maisne était désormais au centre d'un triangle de cavaliers, et constatant l'échec de leur sire, Daniel et Guimart suivirent son exemple, saisissant leur propre lance d'arçon et fonçant à bride abattue vers leur cible.

Daniel réussit là où Armand avait échoué : sa lance percuta de plein fouet la monture de Thevot de Maisne qui hennit de douleur et s'effondra en avant, faisant vider les étriers à son cavalier qui vola dans les airs. Il tenta bien d'amortir sa chute en tendant les bras pour protéger sa tête, mais ne réussit qu'à se briser un bras lorsqu'il percuta le sol avec fracas. Il poussa un hurlement atroce, mais rassurant : s'il avait la force de gueuler ainsi, c'est qu'il était bien vivant.

Les frères Louvières adressèrent un sourire goguenard à Armand :

- Voilà messire, il est tout à vous. C'était facile.

A défaut d'être respectueux, il fallait leur reconnaitre leur efficacité. Étendu au sol, avec une jambe et un bras cassés, Thevot de Maisne n'avait plus la force de se défendre et était à la totale merci d'Armand. De manière pathétique, il mêlait les cris de douleurs aux sanglots tandis qu'il suppliait ses agresseurs :

- Pitié ! Je suis le cousin du seigneur Brandan de Maisne ! Si vous me laissez la vie sauve, je pourrais tout lui demander, de l'argent, des vivres, des terres, des titres ! Je vous en supplie, qui que vous soyez...



Thevot pense que ce sont des alliés en approche - il ne comprend donc la situation de danger que tardivement. Jet d'INI opposé pour voir s'il a l'instinct nécessaire pour réagir à temps.
Armand : 12, raté de 3
Thevot : 1, réussite critique !
Puisque réussite critique, je considère qu'il comprend le danger juste à temps pour réagir ==> Armand a mal calculé son timing et baisse sa lance une seconde trop tôt, ce qui laisse juste le temps à Thevot de saisir la sienne, de la pointer vers Armand, et de se préparer à l'impact. Les deux jets d'ATT se feront en meme temps.
Jet d'ATT d'Armand (avec bonus de 2 pour la charge) : 14, raté.
Jet d'ATT de Thevot (avec malus de 2 car il est statique) : 19, raté.
==> L'instinct de Thevot surprend Armand qui rate, sa lance ripant contre la barde du cheval. Il évite néanmoins sans souci la lance piteusement levée d'un Thevot blessé.

Les deux frérots arrivent à leur tour, lance en avant, avec le meme plan qu'Armand.
Jet d'ATT de Daniel : 10
Jet d'ATT de Thevot : 18

Daniel percute le cheval de Thevot à pleine vitesse.
Je ne fais même pas les dégâts : la lance d'arçon en pleine charge ça dégomme.

Jet d'HAB de Thevot (malus de 4 pour jambe cassée) : 11, raté de 8. Il se réceptionne lamentablement en se vautrant au sol.
Jet d'END de Thevot : 14, raté de 4.
Jet de localisation : bras - il tente de se réceptionner à l'aide de ses bras mais s'en casse un à l'impact.

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