[Éloi] Extrême-onction

La Bretonnie, c'est aussi les villes de Parravon et Gisoreux, les cités portuaires de Bordeleaux et Brionne, Quenelles et ses nombreuses chapelles à la gloire de la Dame du Lac, mais aussi le Défilé de la Hache, le lieu de passage principal à travers les montagnes qui sépare l'Empire de la Bretonnie, les forêts de Chalons et d'Arden et, pour finir, les duchés de L'Anguille, la Lyonnesse, l'Artenois, la Bastogne, l'Aquilanie et la Gasconnie.

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Re: [Éloi] Extrême-onction

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Le bailli fronça très fort des sourcils en entendant le témoignage d’Éloi.

« Rah fait chier…
Merci ben, mon frère. Ils sont partis y a longtemps, tu penses ? C’est qu’il faut vite que je mette la main sur eux ! »


Il se tourna et siffla. Aussitôt, la troupe d’hommes d’armes cessa de bayer aux corneilles pour se diriger vers leurs sommiers.

« Pis oui, c’est ben de la Révérende Mère Sébire que je parle. Même si pour moi y a pas tout le protocole : C’est ma tatie ! »

Nathanaèle se pencha vers Éloi pour mieux préciser.

« Guerric est le fils naturel de Valère de Lichy.
« Fils naturel » c’est un mot poli pour dire que je suis un bâtard.
Mais bref, puisque je dois cavaler à toute vitesse vers Percefruit, c’est tout naturel que t’aies le droit de traverser le bois si tu veux, Nathanaèle. Je te fais confiance.
Vous avez besoin d’autre chose ou je peux vite disposer ? »
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Frère Éloi
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Re: [Éloi] Extrême-onction

Message par Frère Éloi »

Apprendre la parenté du bailli ne me laisse pas indifférent. On raconte en effet beaucoup de choses des Malicorne, et bien plus de mal que de bien. Même l’austère et rigoureuse routine du noviciat ne m’a pas préservé des rumeurs et ragots courant au sujet de cette famille dont on dit la fortune fondée sur la duperie. Si beaucoup en Brionne connaissent de fait le nom du sire Valère de Lichy, le nom de Malicorne m’est familier pour une toute autre raison : la Révérende Mère de Brionne, abbesse de la communauté de Notre-Sœur-Gontheuc-d’Orléac, et grande prêtresse du clergé shalléen en cette contrée, se trouve être la sœur dudit chevalier. A son propos aussi, les rumeurs vont bon train, et ce jusque dans les galeries à colonnades du cloître où j’ai grandi. Même Amandine me soufflait parfois à mots couverts ce que l’on dit de notre abbesse, femme de pouvoir œuvrant pour la paix parmi les cours des puissants, poursuivant le dessein shalléen, mais aussi quelque peu le sien. Quant aux murmures les plus vils à son sujet, je ne leur porte guère de crédit, car j’imagine que sa fonction fait l’objet de bien des jalousies. Garde ta langue du mal, et tes lèvres des paroles perfides, récitais-je très sérieusement à mon amie d’enfance, pour me donner bonne contenance face à son sourire taquin.

J’émerge de mes divagations comme le bailli se tait tout juste, guettant manifestement une réponse à ses questions. L’espace d’un instant, j’envisage de le questionner pour en apprendre davantage quant à son passé commun avec Nathanaèle, mais me ravise aussitôt. D’une part, c’est évidemment déplacé, et d’autre part, je serais bien malavisé de retenir l’officier local alors même qu’il s’apprête non seulement à nous laisser passer, mais aussi à se retirer. Subitement embarrassé d’avoir pu oublier l’urgence de la présente situation, j’accuse un moment d’hésitation, avant de hausser mollement des épaules sous mon ample robe de bure.

« Je suis convaincu que vous aurez tôt fait de les retrouver, pour peu que nous vous laissions vaquer à vos obligations.
Shallya vous garde, frère bailli. »


Sans trop croire à notre veine, je contemple les quatre cavaliers s’éloigner bientôt sans épiloguer. Je peine encore à y croire alors même qu’ils disparaissent au détour du sentier, nous laissant derrière eux avec notre petit passager clandestin. Cédant à un soudain accès d’inquiétude, je m’en retourne veiller sur le nourrisson, vérifiant avec tendresse qu’il somnole encore, à l’abri sous les langes.

Au moment de repartir, je croise fortuitement le regard du père, lorgnant vers son monstrueux petit-fils à nouveau blotti dans mon giron. Je ne sais trop ce que j’ai cru déceler en cet instant au fond des yeux gris bordés de cernes du vieil homme, avant qu’il ne se détourne.

Un long soupir, et nous voici repartis. En mon for intérieur, mon cœur chavire déjà d’appréhension, mais je prétends noyer mon malaise dans la contemplation de la petite forme que le linge blanc dérobe à mon regard embrumé.


Tournure des événements immédiats validée avec le MJ.
Modifié en dernier par [MJ] La Fée Enchanteresse le 10 oct. 2020, 20:02, modifié 1 fois.
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États temporaires
Une vie de Paix : +1 à tout jet visant à guérir un patient blessé, malade ou empoisonné.
La vie avant tout : doit tenter d'interrompre les affrontements auquel il assiste, à moins que le combat ne soit mené contre des ennemis.

Compétences :
- Maîtrise de l'Aethyr (1)
- Coriace : -1D3 dégâts subis.
- Réflexes éclairs : +1 aux tests d'initiative en situation de surprise.
- Résistance accrue : +1 aux tests d'endurance.
- Sang froid : +1 aux tests de caractéristiques effectués en situation de stress ou tension.
- Volonté de fer : +1 aux tests de volonté.
- Traumatologie : Sait administrer les premiers soins ou favoriser une guérison plus rapide.

- Alphabétisé : Capable d'écrire et de lire le Bretonnien.
- Langage secret (Classique) : Capable d'écrire et de lire le Classique.
- Législation : Sait manipuler le droit à son avantage.
- Doctrine du Culte (Shallya)

- Cuisine : Se débrouille en cuisine. +1 pour détecter des substances nocives dans la nourriture.
- Empathie
- Affûtage mental
- Incantation - Shallya
- Sens de la magie
Équipement porté sur soi :
8 sous d'argent 8 deniers
- Bâton de marche
- Robe de bure jaunie / Tenue en lin / Ceinture / Sandales
- Grande sacoche contenant couverts, rations diverses
- Livre de prière de Shallya
- Amulette de Shallya
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Re: [Éloi] Extrême-onction

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Guerric approuva d’un simple hochement de tête en allant rejoindre son cheval.

« Que les routes soient clémentes avec vous, mon frère, ma sœur ! »

Il se jeta sur sa selle, glissa ses pieds à l’étrier, et siffla bien fort à ses comparses.

« Armes au poing, mes chiens ; On a du moustachu en collants à corriger !
YAH ! »


Et avec un fort claquement de rênes, les voilà que, en file indienne, ils détalèrent tous avec leurs montures qui agitaient leurs encolures dans tous les sens. Un vif galop plus tard, et Nathanaèle et Éloi se retrouvaient tous les deux tous seuls, et bien bêtes.
Nath’ resta silencieuse en regardant Éloi. Attendait-elle une question de sa part ? Aucune ne sortit de ses lèvres, alors, elle se contenta de poser ses mains sur ses hanches avant de soupirer longuement.

« Bon… Au moins c’est fait…
Je me demande ce que ce bâtard pouvait bien vouloir à ces Tiléens dont il parlait. Mais ça ne me regarde pas après tout.
Allons terminer cette putain de mauvaise journée. »


Les serviteurs de Shallya purent donc retracer le chemin jusqu’à la charrette. La petite bestiole s’était mise à pleurer entre temps, mais par chance, ou peut-être par la douceur de la Colombe, aucun des militaires n’avait entendu son raffut.
Le grand-père n’osa même pas aller réconforter son « petit-fils ». Il restait là, sidéré, le regard morne, à serrer de toutes ses forces les liens du mulet, à s’en blanchir les phalanges.
Une fois qu’Éloi était de retour à l’arrière, saisissant la chose poilue et rougeâtre pour à nouveau la rassurer, Nathanaèle n’eut qu’un mot :

« En route. »

Et donc le vieux donna un petit coup, et le mulet reparti de plus belle, avec son lent roulis.
Le chemin fut plus morne. Plus lent. Plus apaisé, aussi, à présent qu’il était certain que le groupe ne retombe pas sur quelques agents de la loi – tout le monde resta bien muet, caché dans sa propre chapelle interne. Personne pour lancer une discussion, ou un débat, ou aborder la légalité ou la moralité de ce qu’ils étaient en train de faire.
Est-ce qu’un seul parmi eux en avait envie ?

Les minutes défilaient. Et malgré tous les efforts d’Éloi, le bébé entre ses mains se remit à pleurer. À brailler. C’était une chance qu’il décide de le faire maintenant et pas tout à l’heure ; Que pouvait-il exiger ? Le bercer ne semblait plus suffire. Peut-être voulait-il un sein. Peut-être voulait-il sa mère. Qu’importe. Personne ne reprocha à Éloi de ne pas être capable de faire taire ses cris mi-humains mi-animaux, ce grognement ronronnant dans lequel on percevait des sanglots de bambins trop touchants ; les deux devant se concentraient sur le chemin, ou sur les arbres, ou sur la cime dans le ciel.

Le calvaire d’Éloi prit fin alors que le mulet quittait le sentier balisé pour se mettre à passer à travers un terrain accidenté et étroit, la charrette éclatant des branchages et des petites futaies au passage. Le mulet semblait bien peu rassuré, mais il fut forcé de guider l’attelage par des coups et des sifflets.
Et enfin, le vieux tira sur les rênes et arrêta le tout. Avec un ton froid, il désigna un horizon un peu lointain.

« Il y a un vieux chêne, là-bas… Il faut marcher un petit moment… Il y a des creux dedans. Ça peut le tenir au chaud, avant que… Que Taal ne décide de l’appeler à lui.
– Taal… »

Le vieux regarda Nathanaèle. Il se crispait.
C’était ça, la légende avec laquelle on berçait les enfants. Que c’était Taal qui les reprenait. Et non qu’ils mourraient de faim, ou de froid, ou de chagrin. Ou, pire encore, qu’ils survivaient, et que ce soit un monstre qui s’empare d’eux et l’élève comme sa progéniture…
Le vieux devait attendre un reproche, pour lesquels les Shalléens auraient été forts mal placés pour lui adresser. Ils étaient devenus complices. Mais Nath’ n’en fit rien. À la place, elle soupira, se tourna, et posa une main contre le cœur du vieux, au-dessus de ses vêtements.

« Tu es un homme courageux, Baptiste. Très courageux. Et malheureusement, nous vivons dans un monde où l’on en demande énormément aux hommes courageux.
Fait ce que tu as à faire. Mais n’oublie pas de pleurer lorsque ta femme et tes autres enfants ne te verront pas. Et quoi que tu fasses, n’en veux pas à ta fille – de mauvaises idées noires vont te ronger, te torturer, mais ça ne sert à rien. Elle est avec Morr, et toi tu dois continuer ta vie. Oublie cette journée après avoir pleuré. Fait comme si elle n’avait jamais existé. »


Le vieux parut soudainement ému. De gros sillons s’agrandirent sur son visage bien dur. Il posa une main sur celle de Nath, et la serra très fort. Et il approuva d’un simple hochement de tête.

« Éloi, donne-lui. »

Mais le petit dans les bras d’Éloi se mit à brailler de plus belle, de vrais pleurs, furieux, éreintants, avec de la morve qui coulait de son nez.
Jet pour rassurer le bébé d’Éloi : 11, échec.
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Re: [Éloi] Extrême-onction

Message par Frère Éloi »

A mesure que nous nous enfonçons dans la forêt seigneuriale, je sens mon semblant de calme s'étioler, la cuirasse de ma volonté se fissurer, mon aplomb premier bel et bien volatilisé. En vérité, plus nous avançons sur le sentier cahoteux, plus je souhaiterais rebrousser chemin. Je ne berce plus l’enfant, j'oscille tout au plus, à l'instar du précaire équilibre de mon âme qui se balance, fragile, au bord d'un abîme de désespoir. Je redoute les moments à venir comme jamais je n'ai craint ; je doute subitement de l'intégralité de mes actions jusqu'à maintenant. Et pourtant, dans le chaos larmoyant de l'instant présent, une pensée douloureusement adulte ne cesse de m'exhorter à me laisser aller, à lâcher prise, à oublier. Mais ces conseils restent lettre morte, un vœu pieux, une abominable raison à laquelle une vaste part de moi-même refuse de s'abandonner. Serré contre mon sein, le nourrisson doit certainement percevoir le tourment qui m'habite, car plus rien ne l'apaise. Nul jouet, nul doigt ne trouve plus grâce à ses petits yeux d'ambre. J'ai beau faire de mon mieux pour enfouir mon angoisse, il la ressent à coup sûr. Bouleversé, il fait donc la seule chose qu'un petiot de son âge sait faire : il extériorise sa gêne, l'expulsant de toute la force de ses minuscules poumons. Ses râles se perdent dans l'air forestier, laissés sans réponse dans le silence ambiant.

Mon malaise intérieur atteint son paroxysme alors que la charrette s'immobilise. J'entends vaguement, comme à travers un épais brouillard, les deux autres discuter des modalités de la tâche à venir. Quant à moi, je demeure assis, immobile, inerte, abattu. Un émoi pulsatile me monte à la tête, battant mes tympans d'un tonnerre assourdissant. Étourdi, je me perds dans la contemplation d'un horizon indéfini. Faites que cela passe. Shallya, épargnez-moi cette vive passion.

Je navigue à vue dans l’océan capricieux de mes émotions, en proie à un état second. Dans un geste qui ne m'appartient pas, je me vois obtempérer et remettre le nouveau-né braillard au père au visage déterminé. Un éphémère soulagement m'envahit l'espace d'un coupable instant, avant que ne m'apparaisse brusquement à quel point ledit sentiment est détestable. Une honte effervescente m’engloutit, quelque chose remue en mon for intérieur. Je veux bouger, parler, m'excuser, mais reste tristement affaissé contre le bois rêche, respirant profondément, ventilant mes émotions.


Mes doigts sont gourds. Cela fait un moment qu'ils sont partis maintenant. Les joues sèches, je n'arrive pas à pleurer. Il n'y a pas lieu de se lamenter, d'ailleurs, car je ne suis pas victime. Je l'ai abandonné de mon plein gré. Je savais qu'on en viendrait là, et pourtant je suis désolé, navré de ne pas avoir inventé un heureux épilogue à cette sordide situation. Le sanglot de mes remords est demeuré bloqué au creux de ma gorge sèche. J'ai mal à l'âme, et ne peux me confier à personne. Recroquevillé sur moi-même, le visage enfoui entre mes mains, je serre les dents, en proie à une ire puérile. J'en veux au monde, autant qu'à moi-même, pour m'avoir mis dans une telle situation. J'en veux aux dieux, pour avoir autorisé ce drame. J'en veux…

Dans un sursaut de pieuse hygiène spirituelle, j'entreprends de faire le calme dans mon esprit tempétueux, d'expulser ces outrageuses considérations à l’encontre du divin. A l'issue d'un soupir aussi long que pénible, je me redresse un peu, mon menton désormais en appui sur mes mains jointes. Si respirer profondément m'aide progressivement à retrouver mes moyens, ma douleur intérieure ne faiblit pas. Les braises de la culpabilité sont bien vivaces au creux de mes entrailles, et le remord me ronge.

Je me mords les lèvres, jusqu'à sentir le vif élancement de la douleur. Et puis, péniblement, d'une voix enrouée par le regret, je murmure, hagard, penaud, sanglotant enfin :

« Sainte Gontheuc, quel calvaire…
Quel nom sa mère lui a-t-elle donné ?
Je ne veux pas l'oublier. »

En plus de toute autre résolution, peux-tu jouer aux dés le fait que tout à son émoi, Éloi a ou non oublié son amulette dans les langes du nourrisson ?
Modifié en dernier par [MJ] La Fée Enchanteresse le 10 oct. 2020, 20:02, modifié 1 fois.
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Re: [Éloi] Extrême-onction

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Baptiste attrapa le bébé. Et, alors que la chose hurlait dans ses cris inhumains, il tentait tant bien que mal de passer au-dessus de ronces, de lever bien haut ses chevilles pour sautiller au-delà de racines, et, à chaque pas, il s’éloignait au milieu de la nature, jusqu’à disparaître derrière un arbuste. Au bout d’un moment, les hurlements enfantins se réduisaient avec la distance, pour finalement être inaudibles.

Ne restaient plus que Nathanaèle et Éloi, silencieux, durant de longues minutes d’angoisse. C’est alors qu’Éloi demanda à sa supérieure le prénom que la jeune fille avait donné à la chose avant de rendre son âme à Morr.
Peut-être avait-il posé cette question naïvement. Avec innocence. Qu’espérait-il obtenir d'elle ? En tout cas, il ne l’entendit pas répondre. Elle se tourna bien pour le regarder, mais aucun mot ne sortait de ses lèvres.

Avec son masque de porcelaine, il était impossible de traduire ses expressions faciales. Mais elle le regardait. Fixement. Longuement. Jusqu’à instiller de la gêne dans l’oblat. On ne pouvait pas voir ses sourcils, ni une grimace sur ses lèvres, juste ses yeux, ses yeux marron qui le foudroyaient, directement vers ses prunelles.
Et c’est avec une voix grave, dure, immensément autoritaire, qu’elle daigna enfin parler après au moins deux affreuses minutes de mutisme.

« Bien sûr que si, tu vas l’oublier. Tu vas tout oublier de ces événements. Tu vas les compartimenter dans une chambre de ton esprit, et la verrouiller avec des clous, et rien n’en transpirera jamais, pas même dans tes prières la nuit, pas même lorsque tu seras seul avec Shallya.
De quel droit oserais-tu te permettre d’attacher un monstre difforme et immonde à ton for intérieur ? Sa mère aurait pu être victime d’un tel sentiment, mais elle est morte. Sa famille, je me suis bien épargnée de les faire souffrir ainsi. Il n’y a que le grand-père qui va devoir vivre avec, parce que je le sais vieux, et stoïque – c’est un vétéran de l’armée de son seigneur, pour cela qu’il a amené son grand arc avec lui. Les hommes comme ça, ils apprennent à taire les atrocités dont ils sont victimes – et parfois même complices.
Tu vas fermer ta gueule, Éloi. Et tu ne vas rien retenir de ce qui s’est passé aujourd’hui. Ta tendresse a servi à l’empêcher de hurler devant la sergenterie, et c’est une bonne chose, parce que les chiens de Guerric auraient appelé une damoiselle du Graal, on aurait maudit le nom de la jeune fille, on l’aurait accusée d’avoir couché avec des Hommes-Bêtes, on aurait ostracisé sa famille et investigué dans le village. Des dizaines de gens auraient souffert.
Mais ça s’arrête là. Il n’y a rien d’autre à retenir.
Donc, laisse tomber. Écrase-toi. C’est pas le genre de leçons que te fera Clémence, c’est sûr, mais c’est ce que moi je te dis de faire. C’est comme ça que le monde fonctionne, le vrai monde, quand t’as pas à chialer toutes les deux minutes pour tous les malheurs du monde.
Même Gontheuc avait pas autant de larmes dans son corps. »


Et elle se retourna, sans un bruit, pour scruter l’horizon.

Je m’arrête là parce que j’ignore si tu souhaites répondre à Nath’ ; Si tu décides juste de te la fermer et de ne rien dire, signifie-le-moi et je pourrai continuer.

Intelligence d’Éloi : 6, tu penses bien à reprendre ton gri-gri

Charisme d’Éloi : 18, échec de 9
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Re: [Éloi] Extrême-onction

Message par Frère Éloi »

Je saisis rapidement au mutisme de Nathanaèle que quelque chose ne va pas. Tournant la tête vers la sœur masquée, je tente de combler d’un regard le gouffre de ce long silence qui nous sépare maintenant. Si elle me fait bien face, son impassible visage de porcelaine me dissimule la moindre de ses émotions. Même ses prunelles brunes, d’ordinaire l’unique indice de son humeur, me sont présentement inaccessibles. Les secondes s’écoulent donc, tandis qu’une insoutenable tension s’accumule dans l’air. Ce calme ne peut durer encore bien longtemps sans que ne survienne la tempête qu’il laisse présager. L’heure est à l’orage, je le comprends à présent.

Lorsqu’enfin Nathanaèle rétorque, son ton est grave, sa voix profonde et pénétrante. Ses mots s’abattent sur moi tels le plus furieux grain venu du large. Le sermon est violent, la réplique sèche, les termes durs. Ébranlé par ce vent de remontrances, je tombe des nues, tiré de mon abattement par la soudaine dispute que je me suis attiré. En mon for intérieur se succèdent flux et reflux d’émotions contradictoires.

Vient d’abord la surprise, née d’une abrupte incompréhension dont le vertigineux fossé vient de s’ouvrir, béant, entre nous. Interloqué, je me rends soudainement compte de l’amertume dont ma supérieure a bardé son cœur. Cette même expérience que j’admirais un peu plus tôt chez elle m’apparaît à présent sous un jour bien différent. Car pour se prémunir des horreurs jalonnant son chemin, Nathanaèle semble avoir enfoui sa sensibilité, fermé son cœur, verrouillé son for intérieur. L’émoi incontrôlé dont j’ai été le témoin dans la chambre du drame n’était qu’un frémissement passager, une brèche vite comblée, dans ce faciès de froide porcelaine.

Un vent d’indignation souffle sur les braises de ma colère. Un afflux de sang me monte au visage, vecteur d'agacement, porteur de frustration. La mâchoire serrée d’une agressivité latente, je mûris de blessantes paroles qui s’accumulent derrière mes lèvres closes. Nous n’en serions pas là si elle n’avait pas flanché. En dépit de toute son expérience, Nathanaèle s’est laissée submerger par les événements, et son présent manque de gratitude à mon égard m’apparaît d’un égoïsme bien oublieux. Elle prétend de surcroît me donner des leçons, alors même qu’elle n’a rien su -ou rien voulu- voir du petit miracle manifesté plus tôt sous nos yeux.

Le fiel de ma propre rancœur me donne le vertige, dissipant ma grogne aussi subitement qu’elle était apparue. Prenant toute la mesure de ma susceptibilité, je déglutis pour ravaler ma fierté, et renifle un bon coup, dégoûté par ma propre impulsivité. Shallya me pardonne d’avoir manqué de succomber à la pression de ces sentiments nauséabonds. Fiévreux, honteux, je médite avec concentration les termes d’une maxime sur la colère héritée de Sainte Gontheuc.

Je ne répondrai pas aux outrages. Je réprimerai mes instincts belliqueux.
Je vais enfouir le tonnerre de la colère qui gronde en moi. Je ne cèderai pas à la haine, car la haine tue l’esprit.
Ces pulsions malicieuses, je les scellerai derrière les portes closes de ma conscience, le temps que passe l’orage.


Mon regard larmoyant tombe sur mon amulette, restée serrée entre mes doigts entachés de sang séché. Songeur, je frotte les marques brunes maculant aussi la petite colombe de bois, en proie à une peine aussi vive qu'incisive. Cette violence indicible que je m’inflige, je vais la chérir, au même titre que le souvenir de cette rencontre. Non, je n’oublierai pas. C’est parce que je souffre de la séparation que je suis humain.
Modifié en dernier par [MJ] La Fée Enchanteresse le 20 oct. 2020, 11:32, modifié 1 fois.
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Re: [Éloi] Extrême-onction

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Éloi ne pipa point d’autres mots, aussi, Nathanaèle se contenta de le regarder furtivement, à nouveau muette. Espérait-elle qu’il se défende ? Qu’il rétorque quelque chose ? Voulait-elle lui faire la morale, ou n’en avait-elle rien à faire ?
Impossible à dire. Et si une quelconque idée trottait dans sa tête, elle préféra la taire. Elle regarda à nouveau le paysage du bois, et demeurait là, interdite.

Il fallut patienter un long moment pour qu’on entende à nouveau des bruits de pas, et qu’on puisse apercevoir un Baptiste qui enjambait les ronces et poussait les branchages sur son chemin. Il revint jusqu’au chariot, et, sans un mot, sans une seule phrase, il grimpa sur l’attelage, le faisant un peu basculer sous son poids.
Nathanaèle posa une main sur son genou. L’alleutier soupira tout l’air de ses poumons.

Il siffla, claqua sa langue, fit quelques bruits pour rassurer et guider le mulet un peu trop têtu. Et ainsi, ils purent reprendre le sentier, le chemin, et traverser la forêt pour regagner la route principale.

Et réapparut à l’horizon le donjon des Carqueray, et les murailles du bourg d’Orléac.




L’après-midi périclitait alors que la charrette retrouvait le pavage de la ville. Le marché de la matinée était en train de se démonter. Des manutentionnaires ramassaient les déchets, les épluchures de légumes, les saletés laissées par des passants, à grand renfort de balais et de seaux d’eau savonneuse. Les exposants ambulants repliaient leurs draperies, recomptaient leur monnaie au-dessus de leurs coffres verrouillés, empaquetaient leurs cagettes semi-pleines derrière leurs wagons à bras ou à bêtes, le tout sous l’œil taciturne d’hommes d’armes fumant la pipe, reposés sur leurs becs-de-corbins avec lesquels ils se préparaient à surveiller les mendiants et les jeunes garçons remontés du port et de la côte afin d’aller glaner des restes et des denrées périssables que les vendeurs seraient prêts à céder à bon prix.

Nathanaèle demanda à Baptiste de s’arrêter près du temple de Shallya. Elle se tourna alors vers Éloi pour lui donner un ordre :

« Je vais amener l’alleutier à la chapelle de Morr, afin qu’il puisse enrôler les fidèles du Veilleur pour le repos de sa fille. Peux-tu emporter mes affaires et les remettre à la pharmacie ? »

Éloi put attraper la sacoche et descendre du chariot. Juste avant qu’il ne mette pied à terre, le stoïque alleutier leva son museau du mulet pour lui faire un signe de tête.

« Merci pour tout, frère.
Merci. »


Il fit le signe de Shallya en signant une croix sur son cœur. Puis il regarda à nouveau dans le vide, tandis que Nathanaèle lui donnait la direction jusqu’au cimetière de la ville.

Éloi put marcher seul, occupé avec ses pensées, pendant quelques minutes à peine. Il retrouvait bien vite la clôture bien délimitée de l’abbatiale. Pierrot le Simplet roupillait un peu devant, les bras croisés, le cul vissé à une chaise. Il sursauta un peu en voyant apparaître Éloi, et lui demanda avec un grand sourire si tout s’était bien passé.

Plus tard, il faudra à Éloi d’obéir, de passer derrière Pierrot pour rejoindre la grande infirmerie, où les sœurs Hodierne et Pernette, deux jeunes filles de l’âge d’Éloi, pourraient récupérer le matériel de Nathanaèle afin de le purifier par des rites, des prières, et du flambage à la torche. Elles aussi paraîtraient souriantes, et pleines de compassions, et soudain tristes lorsqu’elles apprendraient le sort de la femme qui avait accouché – et tous assureraient Éloi qu’elles prieraient ce soir, parce que les Shalléennes ne cessent jamais de pleurer et de prier pour invoquer la pitié de leur Déesse par l’intercession divine de Sainte Gontheuc.
Car c’était bien là tout ce que les Shalléennes avaient à offrir : des larmes.

Redescendant vers le cloître central, Éloi croisa Clémence qui discutait avec quelqu’un. Elle se tourna et l’appela :

« Frère oblat ! Venez donc ici. »

Alors qu’il s’approchait du petit jardin du cloître, il redécouvrait une fontaine représentant une colombe de granit, entourée d’herbes médicinales en tout genre. Et alors, il vit la personne avec qui Clémence était en train de parler.

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C’était un homme en robe blanche de Shalléen, un très grand monsieur, peut-être d’un peu moins de six pieds, avec des cheveux un peu ébouriffés, et de grosses joues qui accompagnaient son gros ventre. Éloi le connaissait un petit peu, et d’ailleurs, le prêtre fit un très grand sourire joyeux en revoyant l’oblat : c’était Centule FitzRénault.
Comme sa robe blanche le laissait deviner, c’était un noble – mais un noble bâtard, fils d’un chevalier errant trop galant et d’une jeune dame trop sotte. Puisque la communauté de Sainte-Gontheuc était strictement féminine, Centule qui y était rattaché administrativement était un prêtre errant. Éloi ne l’avait croisé que trois fois dans toute sa vie : Lorsqu’il avait six, dix, puis quatorze ans, à chaque fois durant un petit mois ou deux qu’il passait pour se reposer et se ressourcer avant de repartir affronter le monde.
Centule était quelqu’un de sympathique, rigolard, avec toujours énormément à dire sur tous les sujets. Il avait tellement voyagé, et il passait si peu de temps au monastère, qu’il avait vraiment de quoi occuper des soirées entières à piailler ses anecdotes, et ses plaisanteries souvent à la limite du bon goût. Il savait jouer de la musique et n’allait nulle part sans son luth. Il avait fait boire à Amandine et Éloi du vin frelaté d’Estalie lorsqu’ils étaient adolescents, et avait subi les remontrances très franches de Clémence pour cela. C’était un bon vivant, qui aimait manger et parler avec tout le monde, loin, très loin de l’ascétisme austère qu’avaient prêchés les sœurs chantreresses et la prieuse durant l’enfance du jeune Éloi.
Aux dernières nouvelles, il était en Tilée, où il avait travaillé à la conversion et au secours des criminels condamnés aux galères. Peut-être avait-il ramené des cadeaux et des souvenirs de cette contrée.

« Hé ! Mais c’est Éloi ! Comment tu vas petit Éloi, tu te souviens bien de moi hein ?! »

Il approcha ses grosses paluches de l’oblat, puis se ravisa avec un rire aux éclats.

« Bordel mais t’es trop grand maintenant, je vais plus pouvoir te porter ! »

Clémence fit les gros yeux, et toussa.

« Votre langue, père Centule.
– Heu… je voulais dire : Zut, tu es trop grand maintenant !
– C’est préférable. »

Centule tapota l’épaule d’Éloi, franchement.

« C’est moi qui aie été élu pour t’accompagner lors de ton pèlerinage ! Tu dois être tout chamboulé mon pauvre garçon, mais je t’assure y a pas de raisons – tu vas découvrir le monde, ça sera génial !
Tout va bien ? T’as l’air tout triste ? Ça a été une rude journée ? »
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Frère Éloi
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Re: [Éloi] Extrême-onction

Message par Frère Éloi »

Les instants défilent devant mes yeux, m’éloignant de l’heure du drame. Autour de moi, la chariote sursaute, tressaute au gré des cahots du terrain. Nous serons bientôt rendus à Orléac, et le malaise ne va pas en s’arrangeant. Dans mon aveuglement, j’avais pensé que mon tourment s’estomperait bientôt, se diluant dans le temps. Mais si ma tension première s’est bien dissipée, un pénible trouble la remplace maintenant, grandissant. Je nage en plein désarroi, digérant mal d’avoir dû taire mon émoi, d’avoir pour la première fois censuré mes émotions. Depuis mes premiers jours, mes sœurs n’ont eu de cesse de me recommander de cultiver ma sensibilité, de la laisser s’exprimer, de m’en laisser imprégner, afin de m’en départir sans mal le moment venu. « Ça va aller, Éloi. Pleurer pour son prochain est un instant privilégié de communion avec Shallya. Ça ira mieux après, tu verras. » Ces mots de sœur Annabelle, autrefois réconfortants, ont aujourd’hui un arrière-goût révoltant. J’ai beau pleurer, rien n’y fait. Le sentiment de culpabilité se nourrit de mon silence, diffusant un peu davantage son venin au travers de mon âme à chaque nouvelle inspiration.

A l’instar de mes larmes, la tristesse de la séparation se tarit progressivement, remplacée par un égoïste apitoiement pour mon présent inconfort. Ce dernier constat me bouleverse. Je me suis insupportable, me dégoûte, me méprise avec passion. Ressorti dépité de mon introspection, je cherche vainement à renouer avec ma peine sans ressentir de frustration de ne pouvoir l’exprimer. Las ! Cette précieuse émotion, jadis pure, paraît maintenant inéluctablement teintée de la souffrance parasite de devoir se censurer. Pour lors, j’endure donc misérablement dans le secret de mon for intérieur, luttant contre l’amère intuition d’écorner lentement mon âme convalescente.


Franchir le familier portail de l’abbatiale ne suscite guère en moi de soulagement, me procurant tout au plus un répit, un alibi, pour penser ponctuellement à autre chose au gré des sollicitations dont je fais l’objet. Sur mon chemin pour m’acquitter de l’injonction de Nathanaèle, je tombe d’abord nez-à-nez avec un Pierrot somnolent. Dans un premier accès de franchise, je m’apprête à me confier à mon vieux compagnon, avant de me raviser tout aussi promptement. Non que je craigne de lui narrer ma journée, mais une telle entreprise serait bien malavisée, car Pierrot est un invétéré bavard, qui ne saurait garder pour lui un aussi sordide secret. Le gratifiant d’une accolade plus tremblante que je ne l’aurai souhaité, je passe donc mon chemin sans lui donner la réplique. Par ce premier renoncement, j’ai cruellement conscience d’ébrécher encore un peu plus mon sanctuaire intérieur ; je consens néanmoins cette privation en connaissance de cause, persuadé d’œuvrer au mieux.

Me détournant des pavés menant à l’entrée magistrale de la blanche abbatiale, je chemine diligemment en direction de la grande infirmerie qui la jouxte. Le regard rivé sur le bout de mes sandales, je m’abîme dans la contemplation du son bien solitaire de mes pas successifs sur les dalles de pierre froide. Je me sens vide, privé de mon énergie coutumière en ces lieux pourtant familiers. Taire mon émoi à Pierrot m’a profondément secoué, et l’écho d’un lancinant remord résonne déjà au fond de moi. Arrivé à l’infirmerie, je suis abordé par deux de mes sœurs, et leur remet le sac de Nathanaèle, la mine penaude, avant de me forcer à les dévisager. Hodierne et Pernette ont le même âge que moi, et leur intérêt coutumier à mon endroit est un secret de polichinelle, du moins à en croire Amandine. Toutes deux se sont toujours révélées très attentionnées à mon égard, et je leur rends d’ordinaire cette gentillesse en une amabilité toute naturelle. Mais cette fois, lorsqu’elles m’interrogent, soucieuses, quant au cours de ma journée, je chancelle un peu. Je balbutie, marmonne, cherche mes mots. Finalement, pressé de répondre sous leurs regards croisés, je fais seulement état du décès en couche de la jeune femme. Ce-faisant, je suis convaincu de pécher par omission ; j’essaie néanmoins de me persuader que le secret ne serait pas mieux gardé par les deux sœurs, et que ce mal est nécessaire.

Prétextant être attendu, je me retire en direction du cloître, espérant y trouver un temps de répit -peut-être même de recueillement- avant de rejoindre l’abbatiale. Je n’ai présentement qu’une envie, qu’un espoir : celui de croiser, au hasard d’une fortuite rencontre, le lumineux visage d’Amandine. En vérité, en cet instant, ce n’est qu’auprès d’elle que je pourrai épancher mon chagrin. De fait, bien grande est ma surprise lorsque je tombe nez-à-nez avec Mère Clémence et un unique invité, à l’ombre de la colombe de granit. Je m’immobilise, mortifié, me sachant déjà remarqué, et entreprends derechef de dévisager l’étranger. Grand, imposant, bedonnant, l’homme au sourire éclatant est vêtu de la robe blanche des citoyens de noble extraction. Il ne m’en faut pas plus pour reconnaître le larron comme étant Centule FitzRénault, un singulier personnage que j’ai déjà rencontré quelque fois à l’occasion de ses rares escales au sein de la communauté.

Frère Centule est un prêtre errant, voué à l’itinérance depuis sa naissance. Je ne me souviens guère de ses premiers passages dans notre communauté, si ce n’est que j’étais très jeune, et que son maniement du luth me fascinait, sans que j’ose pour autant l’aborder. Ce fut par l’entremise de l’entreprenante Amandine, alors un peu plus âgée, que j’avais été amené à lui adresser la parole. Mais ces souvenirs sont flous, brouillés, à l’opposé de celui laissé par son dernier passage en date, il y a quatre ou cinq ans. De ce séjour-ci, j’ai un souvenir encore clair, cristallisé autour d’un embarrassant incident. C’est par une radieuse journée d’été que Frère Centule était venu nous retrouver, Amandine et moi, à l’ombre de cette même colombe, pour nous conter ses voyages dont nous étions friands. Mais le farceur avait aussi ramené une bouteille de quelque vin estalien, comme pour appuyer son propos. Ce qui devait arriver survint, Frère Centule proposant avec un sourire rigolard à Amandine de goûter à la boisson interdite. Je crois bien avoir fait pieusement remarquer que ledit produit n’était certainement pas autorisé par le dogme que j’avais rigoureusement appris, et m’évertuais à respecter. Ne gaspille pas ton énergie pour tes plaisirs personnels, citais-je effrontément, pour m’entendre rétorquer le franc éclat de rire de Frère Centule, bientôt suivi -ô malheur- d’un gloussement attendri d’Amandine. Je me souviens alors m’être senti très ridicule, ainsi mis au défi d’emboîter le pas au péché de ma plus proche amie. C’était peut-être même un peu plus que ça, d’ailleurs : je m’étais senti obligé de l’imiter, ayant à cœur de l’impressionner, de faire montre d’une hardiesse que mon shalléen quotidien ne me permettait point d’afficher. L’expérience eut un goût amer : je n’étais pas prêt pour ce breuvage, je n’ai pas aimé ça, et nous y avons tous gagné un sermon de Mère Clémence. De fait, j’ai gardé bonne mémoire de ce jour, immortalisé dans le marbre de mon ego meurtri.

Et voilà que reparaît aujourd’hui Frère Centule, désigné pour être mon mentor au cours de mon pèlerinage sur les voies de Notre-Dame-de-Couronne. Bien grande est ma stupeur à l’annonce de cette nouvelle : ni bonne, ni mauvaise, elle est surtout éminemment inattendue. Sa question, empreinte d’une sollicitude que je pense sincère, me cueille au dépourvu. Si sa présence rassurante m’incite à confier tout ou partie de cette éprouvante journée, je ne peux ignorer l’aura d’austérité de Mère Clémence, toute proche, me toisant très certainement. Sous son regard, je me suis toujours montré docile et transparent, mais cette fois, pour une quelconque raison, j’ai l’intuition qu’il vaut mieux me taire, et garder le secret des événements de Percefruit. Alors, fatigué, éreinté, érodé par les épreuves, je mens alors d’une voix mouillée, pour la troisième fois de la journée.

« La naissance… pour laquelle nous étions partis… s’est muée en drame…
Le cœur de la dame est vide… »
Modifié en dernier par [MJ] La Fée Enchanteresse le 20 oct. 2020, 11:32, modifié 1 fois.
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Frère Éloi Voie du Prêtre Mystique
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États temporaires
Une vie de Paix : +1 à tout jet visant à guérir un patient blessé, malade ou empoisonné.
La vie avant tout : doit tenter d'interrompre les affrontements auquel il assiste, à moins que le combat ne soit mené contre des ennemis.

Compétences :
- Maîtrise de l'Aethyr (1)
- Coriace : -1D3 dégâts subis.
- Réflexes éclairs : +1 aux tests d'initiative en situation de surprise.
- Résistance accrue : +1 aux tests d'endurance.
- Sang froid : +1 aux tests de caractéristiques effectués en situation de stress ou tension.
- Volonté de fer : +1 aux tests de volonté.
- Traumatologie : Sait administrer les premiers soins ou favoriser une guérison plus rapide.

- Alphabétisé : Capable d'écrire et de lire le Bretonnien.
- Langage secret (Classique) : Capable d'écrire et de lire le Classique.
- Législation : Sait manipuler le droit à son avantage.
- Doctrine du Culte (Shallya)

- Cuisine : Se débrouille en cuisine. +1 pour détecter des substances nocives dans la nourriture.
- Empathie
- Affûtage mental
- Incantation - Shallya
- Sens de la magie
Équipement porté sur soi :
8 sous d'argent 8 deniers
- Bâton de marche
- Robe de bure jaunie / Tenue en lin / Ceinture / Sandales
- Grande sacoche contenant couverts, rations diverses
- Livre de prière de Shallya
- Amulette de Shallya
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Re: [Éloi] Extrême-onction

Message par [MJ] La Fée Enchanteresse »

Le gros visage souriant de Centule changea du tout au tout. Ses sourcils broussailleux s’élevèrent sur son front, sa bouche s’entrouvrit un peu, et, le temps fugace de quelques secondes à peine, il sembla être empli de tristesse.
Il retrouva soudain une mine grave, et posa sa main boudinée sur le cœur d’Éloi, et lui fit un signe de tête entendu.

« Y a peu de choses plus tristes qu’une naissance qui soit endeuillée.
Le bébé ? La mère ? »


Il n’eut en fait même pas à attendre une réponse orale d’Éloi. Les beaux yeux bleus de Centule – sans doute le signe le plus patent de son ascendance noble – se rivèrent vers les siens, et ce fut comme s’il était doué d’un quelconque talent de clairvoyance, car il battit des cils et prit une voix plus grave.

« Râh…
C’est le pire côté de notre office. Le pire. On aimerait pouvoir sauver tout le monde, même quand on a mon âge et qu’on a vu des choses terribles on y croit encore… »


Centule se tourna pour observer Clémence. La sœur prieuse observa les deux hommes, tout en pinçant ses lèvres.
Elle fit un léger hochement de tête au prêtre, comme pour lui offrir un quelconque assentiment, avant de s’adresser à Éloi.

« Avant le repas de ce soir, tu viendras à la chapelle prier pour leurs âmes. Cela te redonnera de la force.
– Oui, y a plus que ça à faire dans ces cas, prier…
Viens, marchons deux minutes. Tu vas me refaire découvrir l’abbaye. »


Et ainsi, Centule commença à entraîner Éloi un peu à l’écart. C’était certainement une excuse afin qu’ils puissent simplement discuter seul-à-seul.

« Si tu veux en parler, tu peux. Si tu ne veux pas en parler, c’est normal aussi. Peut-être que tu voudras en parler un jour, peut-être jamais – c’est important d’écouter, d’ouvrir sa parole également, c’est…
Rah putain ! »


Il regarda machinalement par-dessus son épaule, s’assurant que Clémence était bien disparue, peut-être afin de ne pas être réprimandé par deux fois sur son usage trop répété de jurons.

« On a dû t’apprendre que les aînés ils ont de la sagesse à revendre pour les cadets, mais en vérité Éloi même moi je sais pas comment faire quand des patients clamsent entre mes mains. Ça m’éreinte, mais y a tellement de gens qui nous regardent en attendant des choses de nous… Si nous on craque, ils font comment les laïcs ? Ceux qui se tournent vers nous ?
Bah ils peuvent pas, tout simplement. C’est horrible de servir Shallya. Tu sais, ma famille, mes frères, ils pensent que je suis un poltron parce que je suis pacifiste. J’aurais pu finir sergent – j’aurais pu demander à mon papa de me payer un sommier et un arc long pour combattre, et nan, j’ai fini dans un culte de bonnes femmes qui pleurent.
Mais c’est eux qui ont tort. On a besoin de beaucoup de force pour endurer la mort, plus que si on la causait. Le monde se repose sur nous, et…
Et, râh, j’ai la flemme de te faire tout un sermon, tu dois en avoir plein la tête des sermons, tout le temps ! Nan, faut que tu penses à autre chose. »


Il tapota le dos d’Éloi, tandis qu’ils quittaient le cloître. Le gros Centule retrouva son franc sourire, tout guilleret.

« Notre-Dame-de-Shallya de Couronne ; Y paraît que c’est la plus belle cathédrale du monde entier ! Eh bien figure-toi, que j’y ai jamais mis les pieds !
Trois fois je devais partir en pèlerinage là-bas, et par trois fois y a eut des bâtons dans mes roues. Quand j’avais ton âge, juste quand je devais partir, on a appris qu’il y avait une nouvelle peste dans le sud de Brionne, donc, voyage annulé, tout le monde est réquisitionné. Ensuite, plus vieux, je devais encore une fois préparer mon voyage là-bas – et non ! Y a eu une guerre privée entre Bastogne et Bordeleaux, et comme d’hab, il a fallu partir sur les routes pour aller panser des plaies. Là, dernière fois, pile quand je m’apprêtais à faire le chemin vers le nord, la Révérende Mère Sébire me dit que je vais avoir l’insigne honneur de partir à Remas !
J’ai pas envie de crever avant d’avoir vu la cathédrale de Couronne. Non, hors de question. On me l’a trop vendue. Tout le monde arrête pas d’en dire des merveilles, et y a que moi qui l’aie jamais vue de mes propres yeux ! C’est injuste ! Alors je m’en carre, c’est bon, toi et moi on va y aller, on va rencontrer la Matriarche et y a rien qui va se mettre en travers de notre chemin – Archaon a été bien assez gentil de se faire botter le derche avec toute sa horde de sauvages alors normalement on a la voie libre, et c’est pas des histoires style des hérétiques libidineux en Aquitanie qui vont ruiner mes plans ! »


Il ricana à sa propre résolution sarcastique, puis, il donna une énième tape dans le dos d’Éloi – c’était peut-être assez marrant à noter, la manière avec laquelle Centule était si tactile, là où les Shalléennes avaient plutôt l’habitude de respecter leurs espaces intimes, ce qui rendait les gestes comme la pose d’une main sur une poitrine d’autant plus signifiant.
Peut-être était-ce en Tilée qu’il avait appris à bouger ainsi, dans tous les sens, à agiter les mains devant lui en même temps qu’il parlait. Ou bien des remembrances de sa vie nobiliaire, de l’époque où il grandissait avec d’autres chevaliers.

« Bref, bref, bref. Bon sang, ça fait tellement longtemps qu’on s’est pas vu… T’as changé ! Mais en bien. Tu ressembles à un vrai homme maintenant. Rah, il m’est arrivé tellement de choses en Tilée. Tu sais que j’étais dans des galères ? Oui on te l’a dit. C’était dur la vie dans les galères, dur, dur. J’ai minci, vraiment… Mais j’ai tout repris quand je suis repassé par la cour de Tobaro. Ah ça marche pas avec moi les régimes…
Mais ici à Orléac, il a dû se passer plein de choses aussi ! Bon sang tout ce que tu dois pouvoir me raconter ! Clémence elle s’en sort bien en tant que prieuse ? Je suis étonné qu’elle soit pas passée abbesse, mais bon, la famille de Malicorne a dû jouer de son fric pour imposer la Sébire, c’est certain ça… Allez mon gars, on mange quoi ce soir d’ailleurs ? C’est que j’ai rien mangé depuis ce matin, et- »


Et tandis qu’il continuait à verser du vin dans son moulin à parole, les voilà qui tombaient dans un énième couloir, devant une toute petite fille de huit ans qui allumait des cierges, sous la supervision d’une femme bien plus grande.
Image


Note que le costume ne correspond pas du tout à la description, c’est juste son visage et son expression qui conviennent. C’est dur de trouver des images !


Sœur Amandine, dorénavant préchanteresse de l’abbaye, était vêtue comme à l’ordinaire de la grande robe jaune réservée aux prêtresses du culte roturières. Avec son nouveau titre, elle avait ajouté autour de son cou une jolie colombe argentée, comme simple bijou extravagant – Shallya répugne de voir ses clercs trop richement vêtus.
Mais enfin, c’était Amandine. C’était celle qui était dans les pattes d’Éloi depuis toujours. S’il y avait d’autres oblats et jeunes de son âge, c’est avec elle qu’il faisait le plus de conneries – ou plutôt, c’était Amandine qui l’entraînait dans ses conneries, Éloi étant beaucoup trop gentil et timide pour oser prendre l’initiative de leurs bêtises.
Elle semblait être en train de gronder la petite convers, une gamine orpheline du nom de Mathilda, mais voilà que ses traits s’adoucirent et qu’elle se mit à avoir un franc sourire en découvrant les deux bonhommes.

« Père Centule ! Quelle plaisante surprise !
– Aaah ! Mais c’est ma p’tiote Amandine ! Mais hé, tu fais toute sérieuse là-dedans ! Mais, t’es devenue… ?
– Préchanteresse, père. »

En entendant le titre, Centule ne put s’empêcher d’éclater de rire.

« Nan ! Nan c’est pas possible ! J’y crois pas !
Comment on a pu choisir toi pour instruire les plus jeunes ? T’étais adepte pour contrevenir à tous les ordres et t’étais la plus punie de toutes les gamines de cette abbaye, et c’est toi qui dois engueuler les petiots maintenant ?!

– C’est peut-être parce que j’étais la plus dissipée que je suis aujourd'hui la plus experte pour les éduquer, allez savoir ! »

Elle se tourna vers la petite Matilda, et reprit son air dur, un poing sur la hanche.

« Bon, déguerpis un peu ! Tu iras dans la chapelle pour le service, et tu n’oublieras pas de chanter cinq « Da peccatorum ad penitentiam ».
– Oui, sœur préchanteresse. »

Et avec sa toute petite voix, la gamine fit une courte révérence et fila d’un pas rapide. Amandine put donc reprendre son sourire pour discuter plus calmement avec les deux.

« C’est bien, ça me fait plaisir de voir ça ; Les jeunes qui deviennent adultes. C’est bien d’avoir de la relève. Je pourrai aller à Morr en paix !
– Allez, parlez pas de malheur, vous êtes pas si vieux que ça mon père.
– Hé, c’est que j’ai plein de cheveux blancs maintenant, ça sent le roussi ! Bon, après, je suis heureux d’avoir survécu aussi longtemps – j’aurais cru que Clémence m’aurait tué, depuis le temps ! Est-elle toujours aussi dure comme la pierre ? »

Demandait-il avec un air taquin.
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Re: [Éloi] Extrême-onction

Message par Frère Éloi »

Emmuré dans un mutisme impuissant, je retourne à Centule un regard larmoyant, implorant, le suppliant silencieusement de ne pas prolonger le supplice de ce douloureux sujet. Je ne suis pas prêt pour en parler, il ne faut pas que cela s’ébruite… D’un acquiescement empressé, soulagé, je remercie mère Clémence pour son injonction survenue fort à propos, m’évitant de devoir balbutier une réponse à l’intention du prêtre bedonnant. A vrai dire, peut-être devrais-je plutôt éprouver de la gratitude envers frère Centule pour m’avoir soustrait au regard scrutateur de la mère supérieure, en ce présent moment de vulnérabilité.


Les yeux baissés, je me laisse donc passivement entraîner à l’écart, écoutant distraitement le monologue de mon interlocuteur, percevant vaguement l’étreinte paternelle d’une paluche compatissante sur mon épaule affaissée. Il dit partager mon désarroi en de telles situations, déplorer l’amère vanité de nos actions, difficilement supporter le poids de ses responsabilités à l’égard des laïcs. Et à vrai dire, il a l’air sincère : son phrasé est discontinu, hésitant par moments, son regard perdu dans le vague. Pour sûr, il parle en connaissance de cause. Je ne sais pas s’il partage le point de vue sur le monde de sœur Nathanaèle, mais son apparent embarras me donne envie de me confier à lui, de partager le fardeau qui pèse sur ma conscience. J’hésite toutefois, car se confier, n’est-ce pas partager sa peine au motif d’un certain confort personnel, se montrer douillet, divulguer et diffuser sa souffrance au monde plutôt que d’en préserver son prochain ? En dépit même de tout cela, je crève d’envie de me confesser.

« Tu vas fermer ta gueule, Éloi. Et ne rien retenir de ce qui s’est passé aujourd’hui. »

Mâchoire serrée, paupières closes, j’expire douloureusement, pantelant d’émoi, en proie à un dilemme intérieur. Les durs mots de Nathanaèle résonnent encore jusqu’aux tréfonds de mon for intérieur, censurent mes émotions, bâillonnent ma sensibilité en une injonction aiguë au silence.
« Ferme-la, Éloi. Écrase-toi. »

Je ravale péniblement un gros sanglot pour écouter, gorge serrée, frère Centule finir de philosopher quant aux difficultés inhérentes à la vie de notre clergé. La dure vérité, aussi amère soit-elle, c’est qu’il nous revient, à nous, sœurs et frères shalléens, de soulager le monde de ses malheurs, de nous faire les confidents volontaires de nos prochains. Cette vague de maux tourmentant l’humanité, le clergé shalléen doit l’encaisser, endiguer son flot néfaste, le retenir plutôt que d’en répercuter l’écho délétère autour de lui. C’est comme dans la prière de Sainte Gontheuc, en fait, quand on y pense. Je n’ai qu’à m’y raccrocher, et ne plus lâcher prise.

Une nouvelle tape amicale sur mes épaules affaissées m’arrache à ma torpeur, et j’entreprends de me recomposer une contenance. L’avantage avec frère Centule, du moins en ce moment, c’est qu’il parle bien assez pour deux. Je sais que certaines de mes sœurs le trouvent trop loquace, mais présentement, je me sens à l’aise en sa compagnie. Son parler volubile m’environne en effet d’un linceul réconfortant, et la tactile familiarité de ses manières à mon endroit m’aide à traverser ce moment de flottement. D’ailleurs, il agit probablement ainsi à dessein. Du bout des lèvres, je m’efforce donc de lui donner la réplique, comme pour reconnaître l’intention à sa juste valeur.

« En effet, frère Centule. On ne tarit pas d’éloges concernant le grand temple de Couronne : la splendeur de son blanc parvis, ses synodes… On dit que le pèlerinage jusqu’au saint siège de Couronne constitue l’un des plus beaux sacrements qui soient.

En vérité, bien peu de choses doivent approcher l’éclat de Notre-Dame-Shallya… »



Je bafouille soudain de surprise, mangeant la fin de ma phrase, lorsqu’apparaît sœur Amandine au détour du couloir. Un frémissement court le long de mon échine, et je m’avance lentement, comblant l’espace qui nous sépare l'un de l'autre. Elle sourit en nous voyant, signifiant son congé à une petite convers dont le nom ne me revient pas immédiatement. Pour être tout à fait franc, je suis distrait, déjà noyé dans l’onde claire des limpides prunelles de mon aînée. Elle, qui m’a toujours témoigné tant de sollicitude que j’en pleurais de gratitude. Elle, qui m’accordait sa généreuse attention lors de nos juvéniles confidences à la faveur des ombres du cloître. Elle, dont la tendresse à mon endroit m’honore à m’en faire perdre mes mots. Sous son regard rayonnant, je me suis toujours senti accompagné, conforté, complet. Cela fait deux mois maintenant que mon âme est endeuillée, à la simple idée que nos chemins pourraient peut-être ne plus jamais se croiser.

Une étincelle de compassion se fait jour dans son regard, avant qu’elle ne se détourne pour amorcer la conversation avec frère Centule. Lorsqu’enfin ses yeux se posent à nouveau sur moi, je la sens -non, je la sais- curieuse, soucieuse, peut-être inquiète à mon sujet. Il faut dire que je dois offrir un bien piètre spectacle, les yeux ainsi rougis par la peine et l’affliction. Je veux tout lui raconter. A elle, je peux tout dire.

« Tu vas la fermer, Éloi.
Tu vas tout oublier de ces évènements. Les compartimenter dans une chambre de ton esprit.
La verrouiller avec des clous, et rien n’en transpirera plus jamais. »

Bon gré, mal gré, jusqu’ici, j’ai suivi les ordres. Parce qu’il n’y avait que ça à faire. Parce que ça faisait sens. A présent, le sordide secret que je garde par devers moi veut s’échapper. Les portes closes de mon for intérieur ploient sous la pression croissante de ses avances. Mon âme, diligemment bardée des clous de la censure, souffre le martyr, épanchant sa souffrance dans l’abîme grandissant de mon insincérité.

Mais aussi grande que soit ma peine, ma quête de consolation, elle pâlit face à l’abîme béant de la culpabilité qui fissure, partage, scinde mon cœur en cet instant. J’ai peur d’être jugé pour mes actes complices. Je crains le regard désapprobateur qu’Amandine pourrait poser sur moi après cet aveu.

Me faisant violence pour cesser de modeler mon visage en miroir fidèle de mes émotions, j’esquisse à grand peine un sourire déchiré, endolori, factice, avant de prendre ma part dans la conversation d’une voix mouillée.


Je laisse à Amandine le soin de répondre aux piques concernant Sébire et/ou Clémence, bref de mener le gros de la conversation. Éloi participe ponctuellement, aux prises avec ses émotions. On peut le jouer… ou pas.

Lorsque/si Centule finit par se retirer, je peux rajouter de la matière conclusive (en accord MP avec toi sur les détails) de la soirée, puisque l’on semble s’acheminer tout doucement vers la suite, et que je n’ai rien de majeur à rajouter.
Modifié en dernier par [MJ] La Fée Enchanteresse le 23 oct. 2020, 23:32, modifié 1 fois.
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Frère Éloi Voie du Prêtre Mystique
Profil : For 9 | End 9 | Hab 8 | Cha 11 | Int 11 | Ini 8 | Att 9 | Par 8 | Tir 8 | Mag 14 | NA 1 | PV 75/75

États temporaires
Une vie de Paix : +1 à tout jet visant à guérir un patient blessé, malade ou empoisonné.
La vie avant tout : doit tenter d'interrompre les affrontements auquel il assiste, à moins que le combat ne soit mené contre des ennemis.

Compétences :
- Maîtrise de l'Aethyr (1)
- Coriace : -1D3 dégâts subis.
- Réflexes éclairs : +1 aux tests d'initiative en situation de surprise.
- Résistance accrue : +1 aux tests d'endurance.
- Sang froid : +1 aux tests de caractéristiques effectués en situation de stress ou tension.
- Volonté de fer : +1 aux tests de volonté.
- Traumatologie : Sait administrer les premiers soins ou favoriser une guérison plus rapide.

- Alphabétisé : Capable d'écrire et de lire le Bretonnien.
- Langage secret (Classique) : Capable d'écrire et de lire le Classique.
- Législation : Sait manipuler le droit à son avantage.
- Doctrine du Culte (Shallya)

- Cuisine : Se débrouille en cuisine. +1 pour détecter des substances nocives dans la nourriture.
- Empathie
- Affûtage mental
- Incantation - Shallya
- Sens de la magie
Équipement porté sur soi :
8 sous d'argent 8 deniers
- Bâton de marche
- Robe de bure jaunie / Tenue en lin / Ceinture / Sandales
- Grande sacoche contenant couverts, rations diverses
- Livre de prière de Shallya
- Amulette de Shallya
Fiche wiki[Annexe] Brionne et Orléac

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