« Putain, ça se voit que t’es pas du coin, toi. Et moi qui pensais que j’étais un étranger au milieu des gueux…
Pour toi, ouais, c’est peut-être que quelques moutons, mais pour les gens d’ici ça représente leur vie toute entière. Les voleurs de bétail, ça se sous-estime pas. Le butin a peut-être l’air ridicule à tes yeux, mais pour beaucoup de monde ça représente une sacrée richesse. Et quand on vole des moutons, qu’on sait que la punition pour un crime dans notre pays c’est la corde, généralement on se rend pas sans faire d’histoires. Ils sont armés et dangereux, les types qui ont vingt-cinq écus sur leur tête. Ils ont pas encore tué quelqu’un, mais c’est justement pour ça que le Justicier de Parravon aimerait qu’on en finisse le plus vite possible avec eux. Et pour ça que Chlodéric me met la pression pour que j’en finisse avec cette affaire... »
Il tira une latte un peu plus longue alors qu’il amenait cette fois-ci le sujet à la deuxième affaire.
« Les disparitions ne paraissait pas être une affaire si importante au seigneur de ces terres. Tu ne le connais pas, n’espère donc pas parler en son nom. Chlodéric n’aime pas les Fées, il a apprit à les craindre et à limiter tout contact avec Athel Loren. Il pensait que l’enquêteur allait s’en occuper, mais il semblerait que lui aussi se soit chié dessus… Sauf que c’est un yeoman, qu’il touche une solde pour ses services, donc en ne répondant pas à mes missives il risque le fouet et la corde.
J’aimerais que nous n’en arrivions pas là bien sûr, et c’est là que tu peux bien m’être utile. Tu vas continuer à faire des petites remarques cyniques, ou tu vas te taire et écouter ma proposition comme un bon chevalier servant ? »
Il ouvrit un petit tiroir de son bureau, et posa dessus un petit tampon au bout duquel se trouvait un sceau armorié, portant le blason de sire Chlodéric.
« Le type, l'enquêteur, y se fait appeler « le Dogue », aucune idée de pourquoi, comme je te dis je suis là depuis pas longtemps. Il vit dans les montagnes, sur une corniche en prenant le chemin pour Marthon… Pas dur à trouver, il a une cabane, le problème c’est que c’est à une journée entière de marche d’ici et qu’on peut pas y aller à cheval. Je comptais m’y rendre en personne, mais si tu peux aller le secouer toi-même je t’avoue que ça m’arrangerai.
Faut que tu comprennes : Le Dogue y paraît que c’est vraiment un pisteur talentueux, y en a pas deux comme lui. C’est facile de se perdre dans les Montagnes Grises, comme c’est facile de se faire égorger par des gobelins dès qu’on s’éloigne des sentiers balisés que le bon sire Chlodéric patrouille à dos de pégase. Si les gamins ont bien été enlevés, et qu’ils ont été emportés à travers ce foutoir de cols et de culs-de-sacs, j’aimerais bien avoir un type comme lui dans ma poche.
Ou bien tu peux aussi dire que ça ne sert à rien et enquêter toi-même. Dans ce cas-là, je suppose que tu pourrais aller directement poser des questions aux parents des disparus. J’ai déjà fait mon enquête ici, à Brossac, pour le sale gosse qui s’est volatilisé, mais je suis pas allé jusqu’à Marthon et Suris, où on a également signalé des enfants qui manquent à l’appel.
T’as des questions ? »