[Armand de Lyrie] Noblesse oblige

La Bretonnie, c'est aussi les villes de Parravon et Gisoreux, les cités portuaires de Bordeleaux et Brionne, Quenelles et ses nombreuses chapelles à la gloire de la Dame du Lac, mais aussi le Défilé de la Hache, le lieu de passage principal à travers les montagnes qui sépare l'Empire de la Bretonnie, les forêts de Chalons et d'Arden et, pour finir, les duchés de L'Anguille, la Lyonnesse, l'Artenois, la Bastogne, l'Aquilanie et la Gasconnie.

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[MJ] Katarin
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Re: [Armand de Lyrie] Noblesse oblige

Message par [MJ] Katarin »

Le silence qui accueillit la question d'Armand fut aussi éloquent que la réponse de Brandan qui s'en suivit, après que les quatre interlocuteurs du chevalier de Lyrie aient échangé des regards appuyés entre eux.

- Vous êtes bien indiscret pour une affaire qui ne vous concerne en rien, messire de Lyrie. Je soupçonnais que vous soyez passé par ce village hors-la-loi lorsque vous avez parlé de Cuilleux, j'espère maintenant que ces traîtres au duché ne vous ont pas bourré le mou avec leurs idées anarchiques. Nous nous occuperons d'eux en temps voulu, vous n'avez pas besoin d'en savoir plus.

- Vous feriez mieux de vous occuper de vos propres problèmes plutôt que de fureter dans les nôtres, grommela Herbin pour appuyer son frère. Comme par exemple de faire le ménage dans votre comté maudit qui entache la réputation de tout le duché.

Observant le visage d'Armand face à la déclaration de l'oncle d'Andry, Symonnet crut bon d'intervenir de sa voix faible et éraillée.

- Il n'est pas au courant.

Un nouveau silence, dans une ambiance devenue pesante. Cette fois-ci, c'est Andry qui intervint, croisant le regard d'Armand sans ciller, son ton de voix assuré mais aussi devenu plus sombre et grave, à l'image d'une prêtresse de Shallya ayant la délicate mission d'annoncer un décès.

- Armand, la comté de Lyrie... après ton départ, la purge des nobles corrompus et l'incinération de ton château, un gouverneur a été nommé pour assurer la gestion des paysans, ainsi que plusieurs chevaliers chargés de veiller à la sécurité de ta seigneurie. Le duc ne voulait pas un second Derrevin. Mais... quand bien même ta famille avait payé le prix de sa traîtrise, leur mort n'a apparemment pas suffi à laver tes terres de leur corruption. Il y a eu des morts mystérieuses, beaucoup, des nobles comme des manants, et de plus en plus de rumeurs concernant les spectres de ta famille venus se venger. Le duc est donc retourné sur tes terres avec Dame Mélaine pour démêler le vrai du faux. Le lendemain, tous les paysans de Lyrie étaient sommés d'aller trouver refuge dans les seigneuries voisines, et la Lyrie fut abandonnée de toute âme vivante depuis maintenant deux bonnes semaines. Personne n'a le droit d'y retourner, pas mêmes les chevaliers. Je suis désolé, Armand, sincèrement.

- Au lieu de partir chercher l'aventure dans les duchés voisins, peut-être auriez-vous pu commencer par protéger vos gens du mal que votre famille a répandu, lâcha Herbin avec un ton méprisant.

A voir son regard de défi, il semblait évident que la provocation était volontaire : il semblait prêt à répondre avec joie à toute demande de duel dans la seconde.

Test de CHA (+1 éloquence, +1 étiquette ==> sur 12)
--> Brandan (neutre) : 16, échoué
--> Herbin (malus -4) : 15, échoué
--> Andry (bonus +2) : 10, réussi
--> Symonnet (neutre) : 17, échoué

==> Méfiance générale...


Jet d'empathie de Symonnet sur Armand : réussi de 6 pour Symonnet, raté de 1 pour Armand

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Armand de Lyrie
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Re: [Armand de Lyrie] Noblesse oblige

Message par Armand de Lyrie »

Bien sûr que si, cette affaire me concerne, sire Brandan. Il a fallu que je me morde les lèvres pour ne pas sortir cette phrase avec une nonchalance absolue. Mais à dire vrai, c’est plutôt monseigneur Herbin qui m’a vite calmé. Il m’a fait déglutir et m’a mit passablement mal à l’aise, avec sa verve. Il en impose, Herbin, il faut l’admettre – je l’apprécierais sans doute beaucoup, si seulement il n’était pas si hostile à mon égard. J’arrive à me mettre à sa place, à comprendre pourquoi il éprouve une telle défiance envers moi, mais… Mais c’est pas sympa quoi.

C’est le sire Symonnet qui sauve la situation, en fait, avec sa petite phrase extirpée de sa voix rocailleuse. De quoi, je ne suis pas au courant ? Comment cela ?
Et là-dessus, le bon Andry commence son exposé. J’écoute bien attentivement, même si, au fur et à mesure qu’il rajoute des détails, je commence à perdre de l’appétit et me trouve incapable de continuer d’avaler mes fèves entre mes bouchées de volaille. Je suis empreint alors d’un mélange d’émotions – de colère, d’anxiété, de tristesse. Les rumeurs sur… Sur des « spectres » de ma famille me terrifient. La décision du Duc de forcer mes manants à quitter leurs terres serviles me révolte, et en même temps, la raison qui l’a poussé à prendre une telle mesure me rend à la fois compréhensif et dégoûté.
Le comté de Lyrie serait-il devenu aussi inhabitable que le Moussillon ? Ce n’est pas possible. Non. Non c’est pas possible ; Lorsque je l’ai quitté, il… Il tenait encore. Le Duc est descendu avec ses forces, mon père est mort, le gouvernement des dégénérés a été renversé – tout aurait dû logiquement mieux aller. Je me retrouve les sourcils bien obliques sur mon front alors que je me rend compte comment ma dénonciation n’a absolument pas sauvé les paysans du comté de Lyrie. Je commence de plus en plus à douter de mes actes passés. Et à présent, futurs.

J’avale bien nerveusement de la salive. Je rencontre les yeux d’Herbin. Il me provoque. J’ai le sang chaud, certes, mais j’ai pas le cœur à faire tomber mon gant. Parce qu’il a raison. Parce que c’est moi qui suis en tort. C’est avec une toute petite voix, douce et faible, que je lui répond :

« Je ne suis point parti chercher l’aventure en Quenelles, monseigneur. Je suis parti chercher la rédemption, j’ai voulu faire acte de contrition pour pardonner les fautes de mes parents.
Soyez tous assurés ici que personne autour de cette table n’est plus révolté et répugné par l’état de la Lyrie que moi. »


Je baisse les yeux pour ne pas avoir à affronter son regard. Non, je ne défie pas Herbin ; Je ne le mérite pas. Il aurait insulté mon lignage, mon domaine et mes ancêtres dans d’autres circonstances, on aurait entendu le crissement métallique de mon épée tirée du fourreau. Vu l’état pitoyable de l’endroit où je suis né, dire qu’une telle réaction serait malvenue pourrait constituer l’euphémisme du millénaire.
Je me tourne ensuite légèrement vers Andry, ma voix devenant légèrement plus rocailleuse.

« Je… Je te remercie. Tant pour ces nouvelles que pour ta compassion. Mais ne soit pas désolé, car tu n’y es pour rien, bien au contraire ; Tout ceci aurait été évité si j'avais eu ta valeur, Andry. »

Je lui esquisse un sourire triste mais sincère en coin. Je sais que son père et son oncle n’arrêtent pas de le faire chier, mais Andry c’est un bon gars, j’en suis sûr. Enfin je crois. J’espère.
Je prend une grande inspiration, et affronte à nouveau le regard de son sévère patriarche. Je sens que l’ambiance autour de la table en a prit un coup, mais tant pis. Malgré la peur et ma déférence, malgré mon ton poli et ma toute petite voix, il faut que j’insiste encore un peu.

« Dites-moi tout de même, sire Brandan ; Que savez-vous de la rébellion des manants de Derrevin ? Savez-vous pourquoi ils ont décidé de tirer l’épée et la lance contre les sires qui régnaient sur eux ?
L’honnêteté m’ordonne de vous dire qu’effectivement, je suis passé par ce village. En fait, le Temple de Shallya de cette localité a même soigné les blessures qui m’ont été infligées par un assaillant dans l’ancien Cuilleux.
Ils m’ont exposé les raisons de leur insurrection. J’ignore quoi en penser. Comme vous le précisez, sire Herbin, ce ne sont pas mes affaires, je ne suis pas à ma place, ce n’est pas à moi de juger du droit de leurs actes…
C’est au Duc, pour tout dire. Et c’est pour ça qu’ils m’ont chargé de leur servir de porte-parole auprès de Son Altesse. Ils ont des griefs et une pétition à lui faire parvenir. »


Et voilà. Là, ça va devenir très intéressant.

« Je n’ignore pas que leur discours doit être parfaitement partial. C’est le problème, lorsque l’on a qu’un seul interlocuteur. Mais si je vous ai demandé des informations sur votre prochaine offensive contre Derrevin, ce n’est pas pour m’en mêler, ou pour servir d’espion à leur solde – c’est bien parce que j’espère présenter la pétition des gueux de Derrevin à Son Altesse avant que vous vous en soyez… Avant que vous vous en soyez occupés. »


Respire, Armand. Respire.
Modifié en dernier par [MJ] Katarin le 04 nov. 2019, 18:31, modifié 1 fois.
Raison : 6 xps / Total d'xp : 74
Fiche : wiki-v2/doku.php?id=wiki:fiche_armand_de_lyrie
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Échiqueté d'or et d'azur à la bordure de gueules à la guivre de gueules halissante
Stats :
FOR 9 / END 9 / HAB 11 / CHA 15* (14) / INT 9 / INI 8** (10) / ATT 13** (15) / PAR 11** (13) / TIR 8 / NA 2 / PV 70/70
*Bonus grâce à la chevalière portée à l'auriculaire
**Malus à cause du harnois (inférieur)

État temporaire :
Compassion : +2 aux jets d'empathie (Reste une journée)
Esprit compatissant : +3 aux jets de résistance à la peur/terreur (Reste une journée)
Pompette : +1 CHA, -1 INT.
Migraine : -1 CHA
Visière épaisse : -2 aux jets de perception (Lorsque le casque est porté)

Compétences :
- Anticipation : +1 en ATT et +1 en PAR à partir du 3e round face au même ennemi
- Coup précis (1) : Malus atténué de 1 lors de la visée d'une partie précise
- Coups puissants : +1d3 de dégâts
- Coriace : Résiste à 1d3 dégâts de plus
- Dégainer l'épée : +1 en INI lors du premier round
- Parade : Valeurs de parade doublées
- Sang-froid : +1 lors d'actions réalisées sous stress
- Volonté de fer : +1 sur les tests pour résister à la peur

- Baratin : +1 pour embobiner quelqu'un à l'oral.
- Empathie : Capable, sur un test, de lire les émotions sur le visage de quelqu'un.
- Empathie animale : Capable, sur un test, de deviner les émotions d'un animal.
- Étiquette : +1 lors des interactions avec la haute société
- Humour : +1 pour divertir et amuser.
- Intrigue de cour : Capable de déceler et deviner des intrigues.
- Monte : Ne craint pas de chutes lors d'une montée normale
- Vœu de la Pureté échoué : -2 dans la résistance aux tentations terrestres

- Alphabétisé : Capable d'écrire et de lire le Bretonnien
- Art (Peinture) : Sait peindre des tableaux.
- Danse : Excellent danseur
- Héraldique : Capable de reconnaître les blasons des familles nobles, et d'en savoir plus sur eux sur un test

Équipement de combat :
- Épée bâtarde (Inférieure) : 2 mains / 23+1d10(+1d3*) / 22** (11) parade
- Lance d'arçon : 1 main / uniquement à cheval / 20+1d10(+1d3)* / 16** (8) parade / "Long" (Malus de -2 ATT pour les adversaires) / "Épuisante" (Malus de -1 d'utilisation après END/2 tours, à chaque tour, max -4) / "Percutante" (Relance du jet de dégât, meilleur résultat gardé) / "Rapide" (Malus de -2 PAR et/ou -2 HAB pour toute esquive tentée par l'adversaire) / Se brise après 4/5 utilisations
*Avec la compétence Coups puissants
**Avec la compétence Parade


Tête : 13 protection
Torse : 13 protection
Bras : 13 protection
Jambes : 8 protection

- Destrier Bretonnien (Ravel) : FOR 10 / END 13 / SAU 8 / RAP 10 / INT 9 / DOC 12 / ATT 9
Équipement divers :
3 Eo

- Un beau doublet
- Un grand manteau
- Des bottes neuves
- Une jolie écharpe

- Nourriture
- Hydromel

- Bague affichant un lion - +1 CHA

- Insigne argenté marqué du blason de Lyrie
- Pendentif monté en clou
- Un flacon à l'odeur immonde
- 3 bouteilles de tonique miraculeux
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[MJ] Katarin
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Re: [Armand de Lyrie] Noblesse oblige

Message par [MJ] Katarin »

La première réponse timide d'Armand ne rencontra que peu de succès. C'est tout juste si le sire Herbin lâcha un "bah" de consternation, tandis que chacun terminait son assiette. Un serviteur entra à ce moment, débarrassa peu à peu les plats pour resservir les chevaliers en vin, et amena deux corbeilles de fruits. La première contenait des figues et des dates séchées, l'autre des oranges, des poires et des pommes - sans doutes les dernières de la saison.

Andry quant à lui, offrit un hochement de tête à son interlocuteur lorsque ce dernier le remercia de sa compassion. Difficile de savoir si le fils de Brandan de Maisne avait vraiment à cœur leur amitié d'enfance, ou s'il cherchait juste à se mettre par habitude en opposition à sa famille. La proposition qu'il fit ensuite n'aida en rien à trancher entre les deux hypothèses, qui n'étaient peut-être pas disjointes.

- Si le Duc t'autorise à retourner sur tes terres, malédiction ou pas, viens tout d'abord me voir. Je ne crains nul spectre, et je serais ravi de t'offrir mon aide pour te défaire définitivement de ce passé qui souhaite te hanter.

Si Brandan et Herbin n'intervinrent pas pour manifester leur mécontentement de pareil engagement, ils ne firent pas plus de commentaires pour soutenir l'initiative d'Andry.

Puis vint le moment pour Armand de jouer cartes sur tables.

Comme il pouvait s'y attendre, Herbin devint rouge pivoine. Pourtant, celui-ci n'eut pas le temps de vociférer une nouvelle fois, Brandan anticipant ses habitudes colériques en le faisant taire d'un seul geste de la main.
Brandan de Maisne avait changé en un instant. S'il n'était pas l'hôte le plus charmant de toute la Bretonnie, il avait jusque là témoigné d'une certaine légèreté dans ses propos, son calme contrastant naturellement avec celui de son frère, même lorsque ses paroles se faisaient plus dures. Mais c'était ce même calme qui venait d'emplir de manière malsaine toute la pièce. Comme l'expression parlant du calme avant la tempête, il y avait comme une émanation froide et terrifiante qui émanait du gaillard, qui même s'il était toujours assis semblait avoir grandi d'une bonne vingtaine de centimètres. Son regard s'était fait plus dur, les rides de son front se creusant en même temps que ses sourcils se fronçaient, et tout le monde ressentit l'intimidante aura du seigneur de Maisne prendre possession de la pièce : l'on n'osa même plus croquer dans un aliment de peur de faire le moindre bruit. Même le sanguin sire Herbin semblait tout à coup bien petit et insignifiant à côté du sire Brandan.

Et pourtant, alors même qu'Herbin, Andry et Armand rapetissaient sur leur chaise en attendant le moment où Brandan répondrait à Armand, le seigneur Symonnet Gencien sembla totalement imperméable à l'atmosphère lugubre qui régnait désormais. Pour la première fois du repas, l'homme au visage marqué émit un sourire, si l'on pouvait appeler ainsi ce vilain rictus asymétrique où ses lèvres ne s'étaient levés que d'un seul côté tandis que son regard aiguisé scrutait Armand avec intérêt. Devançant le seigneur de Maisne de peu, ce fut lui qui prit la parole le premier :

- Très habile manœuvre, messire de Lyrie. Vous n'espérez rien, vous imposez votre volonté. Si l'offensive avait été prévue pour les jours à venir, elle n'est plus possible maintenant que vous nous avez fait part de votre objectif, car nous serions alors accusés d'avoir voulu prendre de vitesse une éventuelle décision du Duc en notre défaveur.

Le silence qui s'en suivit fut sans doutes l'un des plus terrifiants qu'Armand ait entendu de son existence. Il ne fallut que deux petites secondes à Brandan pour prendre la parole après Symonnet, mais dans l'esprit des convives il se déroula sans doutes une durée bien plus longue.

- Ecoutez-moi bien Armand, démarra t-il d'une voix devenue bien plus sombre, mais pourtant dénuée de toute colère. La famille de Maisne vous est reconnaissante d'avoir fait passer votre devoir envers la Bretonnie avant votre famille. L'Elbiq, le Ternant, la Lyrie, tant de seigneuries gangrenaient le royaume avec assez de perfidie politique pour se protéger du Duc en personne. Par votre action, vous avez fragilisé la structure même de cette corruption, et permis de porter un coup décisif à nos ennemis.

Un court silence, aussi terrifiant que le précédent.

- L'Aquitanie est en pleine reconstruction, et les Maisne y participent activement. Car vos actions, aussi nobles soient-elles, ont fragilisé le duché : trop de traîtres ont été démasqués, et à l'instar du Duc, nombre d'entre nous ont vu leur confiance envers nos pairs ébranlée. Des amitiés ont été brisées, et nous sommes nombreux à être devenus méfiants à l'égard de tout le monde. Vous nous avez annoncé avoir de sinistres nouvelles à annoncer au Duc au sujet de la corruption qui refuse de lâcher prise - nous pouvons donc nous attendre à ce que notre duché traverse encore d'autres difficultés dans les semaines à venir.

Encore une pause. Brandan de Maisne ménageait un rythme lent, comme pour laisser à Armand le temps de digérer chaque mot qu'il prononçait avant de reprendre avec toujours plus d'impact.

- Embourbés dans nos conflits politiques, Maisne et Elbiq ont passés tant de temps en querelles que nous avons occulté ce qu'il se déroulait dans la seigneurie de Binet. Il était une honte pour l'Aquitanie, un homme aussi malade de corps que d'esprit, mais nos deux familles étaient trop concentrées sur nos conflits pour nous intéresser à ce qu'il se déroulait vraiment derrière ses murs. Le duc a reçu des courriers de la part de la grande prêtresse de Shallya après sa mort, je sais donc qu'il était lui aussi associé aux puissances de la ruine - encore un.

A nouveau, il laissa deux secondes s'écouler avant de poursuivre. Pas un seul chevalier n'avait de toutes manières eu l'idée saugrenue de vouloir profiter de l'un de ces silences pour prendre la parole.

- Armand, Derrevin est une catastrophe en devenir. Peu importe que ces paysans étaient dans leur bon droit ou pas. Ils ont tué leur seigneur puis ont vécu en autarcie des mois durant parce que personne n'a agi, parce que tout le monde était trop occupé à détourner le regard, parce que les rivalités politiques et les problèmes de corruption ravageant le pays demandaient déjà toute notre attention, bien trop pour que l'on se soucie d'une petite ville d'insurgés. Mais aujourd'hui, ce n'est plus un village de paysans qui se sont battus contre le chaos. C'est trois seigneuries volées par des hors-la-loi, qui défient l'autorité du Duc et du Roy. Ils ont profité des dégâts qu'a provoqué votre révélation, pour s'approprier des terres. Ils font de la propagande dans toute l'Aquitanie pour demander à d'autres paysans d'abandonner leur seigneur et venir les rejoindre - nous en avons été victimes. Peut-être étaient-ils des héros lorsqu'ils ont pris les armes contre leur seigneur, ou peut-être ont-ils profité d'une opportunité pour voler le pouvoir. Cela importe peu. Car aujourd'hui, ils sont une menace pour l'Aquitanie, par leur existence-même. Et en cela, ils ne font qu'aider involontairement la corruption que vous traquez à détruire tout ce en quoi nous croyons. Cette insurrection doit cesser pour sauvegarder notre pays. Allez présenter leur pétition au Duc, mais lorsque vous le ferez, si vous aimez votre duché, rappelez-vous ce que je viens de vous dire, et sommez le Duc de prendre la bonne décision.

Le silence de plomb revint, mais cette fois-ci, Brandan de Maisne avait bel et bien terminé de discourir.


Intimidation de Brandan ((FOR+CHA)/2) : réussi tout juste
Résistance d'Armand ((CHA+INT)/2): raté de 10 - considère que wow putain il en impose à mort, aucun doute que ce type peut tuer un hipogriffe à mains nues ^^°

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Armand de Lyrie
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Re: [Armand de Lyrie] Noblesse oblige

Message par Armand de Lyrie »

J’offre un sourire bien sincère et entendu à Andry. Sa promesse me réchauffe le cœur ; ça fait plaisir d’être soutenu. Bon, bien sûr, y aura bien un cynique quelque part pour dire que les promesses c’est facile, et qu’il a peut-être d’autres motivations moins agréables que la fraternité qu’il éprouve envers moi, mais je m’en contrefous. C’est bien de se sentir aussi épaulé, surtout que je sais que ça doit pas être facile pour lui de me soutenir devant un père si sévère et un oncle si irascible.
Quoi que c’est peut-être l’inverse, en fait. Peut-être que justement ça lui fait énormément plaisir de pouvoir ainsi embêter sa famille. Son père a tué un Hippogriffe. C’est difficile d’enfiler les grandes bottes de son père après les faits d’armes avec lesquels il a doré son blason. Mais bon, c’est toujours le problème avec tous les jeunes hommes.
C’est au moins l’avantage de ma situation, si on doit en trouver un. Ma famille a tellement jeté mon nom dans la boue qu’à partir de maintenant, le moindre petit truc que je fais ça sera héroïque en comparaison.



En revanche, l’ambiance se gâte immédiatement après ma révélation. Faut dire, je m’y attendais, je fais pas genre je n’étais pas prévenu. J’ai la respiration un peu coupée, et les mains moites que je garde bien en vue devant ma petite assiette pleine de fruits. Je m’attends à ce que Herbin devienne fou furieux et frappe à nouveau sur la table, mais au final, c’est Symonnet qui provoque le picotement le long de mon échine. Je tourne les yeux en coin pour observer l’homme à la voix gutturale. L’enfoiré. J’arque bien mes sourcils sur mon front et entrouvre ma bouche comme si j’allais me défendre d’une telle manœuvre, mais je me ravise.
C’est quand même pas moi, un gamin de vingt ans, qui allait apprendre à la vieille aristocratie Aquitanaise des leçons de manipulation politique. Bien sûr que oui, mon détour par le castel des Maisne avait pour but de profiter d’un sursis, histoire que je ne retrouve pas Derrevin à feu et à sang, et Carlomax geignant agonisant au bout d’une roue en revenant auprès d’eux avec une ordonnance ducale de franchise. Le problème, c’est que maintenant que Symonnet a bien explicité ceci à voix haute, ça me déstabilise. Oui, je sais que je suis pas aussi intelligent qu’eux, mais ça m’empêche pas de me retrouver dans la même situation qu’un enfant qui a été pris sur le fait de sa connerie. Et contrairement à ma tendre enfance, j’ai pas Margot pour être défiante à mes côtés…

Je m’attends à ce que ça vole. Mais en fait non. Brandan demande juste mon attention avant de sortir un long, long discours. Il a pas besoin de répéter la moindre phrase : Le type pue le charisme. Je me fais tout petit devant lui. Certes, il n’est pas mon suzerain, certes, je ne le dois rien, sinon la courtoisie toute élémentaire d’un invité reçu chez son hôte ; Mais c’est un putain de chevalier comme on en fait plus. Il a pas besoin de hausser le ton, ou d’utiliser la moindre menace. « Écoutez-moi bien » avec sa simple voix rauque me commande de me taire et de le regarder droit dans les yeux, absolument pas par défi, mais juste comme un élève qui prouve qu’il ne rêvasse ou ne tergiverse pas au sein de son for intérieur.
Non pas que ce que Brandan dit n’est pas attaquable. Non pas qu’il parvient à véritablement me convaincre de tout le discours qu’il tient. C’est juste que… Qu’il me fait fermer ma gueule, quoi. Je n’ai absolument pas envie de le contredire ou de lancer un débat autour des oranges et des pommes.

Bien sûr que oui Brandan est défiant envers Derrevin. Bien sûr que oui il imagine qu’ils propagent la corruption en menaçant la noblesse ; Carlomax m’a lui tenu le discours exactement inverse, et lui aussi été très charismatique et très fort pour défendre sa vision de la noblesse immonde de notre pays. C’est ça la grosse tragédie. Je ne doute de la bonne volonté ni de l’un, ni de l’autre, mais c’est ainsi, ils se tiennent opposés, en armes, de chaque côté du champel. Et la Dame et les Dieux sont censés désigner le juste, le vrai, celui qui a raison dans une atroce ordalie sanglante, qui laissera les sillons abreuvés par des centaines de vies arrachées et offertes en sacrifice à Morr.
J’aspire à la paix. J’ai juré à Shallya de pouvoir lui éviter des larmes. Nous verrons bien ce que le Duc en dira.

En tout cas, c’est avec une toute petite voix étranglée que je répond à Brandan, et après avoir laissé un silence régner dans la pièce.

« Entendu, monseigneur, c’est entendu. Je… Je retiendrai tout cela. »

Petit coup d’œil à Herbin : Il a toujours l’air de me haïr. Coup d’œil à Symonnet, ensuite, qui me regarde directement. Impossible pour moi de savoir ce qu’il pense. Mon détour chez la famille de Maisne n’aura pas été inutile. J’interprète la dernière phrase du sire comme un sursis : Non, il ne va pas lancer une horrible offensive en mon absence.
Raclement de gorge, je prends un ton volontairement plus léger.

« En tous les cas… Je vous remercie sincèrement et à nouveau pour votre hospitalité. Je vous serai gréé, monseigneur, de présenter mes compliments à ceux qui ont préparé ce repas, c’était délicieux, ainsi que d’étendre mes hommages chaleureux à votre épouse et aux femmes de la mesnie.
Messire Herbin, c’était un plaisir. »
Mon cul, mais bon. « Sieur Symonnet, ravi d’avoir fait votre connaissance, en espérant vous revoir. » Il me fait un petit signe de la tête.

Alors que je me relève, Brandan annonce qu’on m’a préparé une chambre et qu’un valet me préparera un bain – je remercie donc à nouveau chaleureusement le Seigneur. C’est sûr qu’on pourra pas lui retirer la courtoisie qu’il m’étend. Avant que je puisse sortir, néanmoins, Andry me demande si je suis très fatigué ou si je désire goûter un petit Beaujolais de Bordeleaux avec lui. Comme c’est gentiment demandé, je lui offre un grand sourire qui dévoile mes dents et accepte sans hésiter.


Ça fait tellement du bien de voir Andry sans le regard morne et exigeant de ses aînés. Je le sens visiblement souffler tandis qu’il me conduit à travers les couloirs de pierre du donjon. Il me propose de faire quelques passes d’armes, déjà ravi de pouvoir revêtir le doublet et les gants pour lancer quelques piques d’escrime, mais malgré mon goût pour la pratique, je suis obligé de décliner : ça va faire trois jours que je cavale dans le froid à cheval, j’ai très mal au cul et j’ai encore de la route demain, alors je lui propose de remettre ça à plus tard en lui exposant mes motifs. Ça le fait ricaner et il m’annonce qu’il n’oubliera pas cette promesse.

Il m’amène jusqu’à une jolie antichambre bien chaude car il y a un petit foyer en coin. Malgré l’austérité paternelle qui doit avoir en horreur le fait de gâcher du bois, il récupère deux grosses bûches qu’il jette dans le brasier pour augmenter l’intensité de la lumière et de la chaleur. Je m’installe confortablement au creux d’un fauteuil et il hèle un valet de chambre pour qu’il vienne nous faire monter des coupes et une cruche de vin. Et, bien pépères, on commence notre petite fin de soirée. J’avoue que ça aurait été plus drôle avec du monde, des jeunes femmes à courtiser et plein de musique de ménestrels pour assourdir mes oreilles, et il partage mon regret sur le ton de la boutade. D’ailleurs, je me permet de le taquiner en lui signifiant qu’il vit peut-être les dernières années où il peut profiter de cela, avant qu’il ne soit inévitablement lié par des noces. Il balaye le sujet du revers de la main, et on reprend soudainement sur autre chose.
Une autre chose totalement futile et puérile. On discute de débilités communes alors qu’on vide la cruche de vin. On ricane comme des débiles en se remémorant avec nostalgie quelques anecdotes absolument ridicules, toujours aux dépens de chevaliers plus âgés que nous – en évitant bien sûr tous les moments un peu personnels, j’évite de parler de son père et il ne discute pas du mien. On parle cépages et vignobles, selles de chevaux, mode et musique. Tout un tas de trucs sans profondeur, mais qui me font un bien fou.
Pour une fois, je peux discuter sans être alerte, sans chercher la moindre petite ponctuation ou le sous-entendu qui camoufle des ténèbres souhaitant m’avaler. Je peux discuter ivre de choses idiots qui forment la vie, qui détendent, et qui me rappellent que je suis un peu un être humain. Je ressens la même légèreté que j’ai pu éprouver envers Maussade, ou Félix durant le trajet, celle qui me manque et que j’aimerais tant pouvoir vivre plus souvent de nouveau. Mais il y a encore beaucoup de corvées à accomplir avant que je puisse espérer retrouver le luxe de l’inconséquence. Tant de responsabilités, un fardeau étrangleur dont je suis ravi de pouvoir me défausser le temps d’une soirée.

Au bout d’un moment malgré tout, alors qu’on est en pleine nuit et qu’Andry arrive à court de bûches à jeter dans l’âtre pour égayer nos discussions, lui comme moi, parfaitement soûls et rouges d’avoir trop ris. Sur ce, on se souhaite une bonne nuit et je titube un peu en me cognant contre les murs pour aller jusqu’à un bon bain dont on a dû entretenir le feu en-dessous jusqu’à très tard – je ne doute pas un seul instant qu’Andry va se faire passer un savon par son paternel à cause de ça, moi je me souviens maman m’engueulait tout le temps quand j’éteignais pas les bougies en quittant une pièce je vous l’avais raconté, mais bon, quand c’est la 6e fois de la journée qu’on se fait engueuler on calcule même plus.

Je me rase pas ; Je suis un jeune homme, ma barbe ne pousse pas aussi vite que je le souhaite, alors je me contente de garder ma jolie barbouille mi-bon garçon mignon mi-aventurier hirsute que je me suis savamment taillée à Derrevin. En revanche, je suis tout joyeux de voir qu’il y a beaucoup plus de produits que dans ce village où j’ai dû me contenter d’un simple savon grossier. Comme à mon habitude, je me met tout nu à toute vitesse, en repoussant savamment le grand miroir de la pièce pour ne pas avoir à affronter ma silhouette dans le reflet. Je me jette sous l’eau et me frotte vivement la crinière épaisse pour éviter les poux sur le cuir chevelu, et me recouvre d’Eau d’Averheim pour me parfumer le cou. Je me frotte les parties génitales, entre mes fesses et sous mes bras, les endroits les plus cradingues d’un être humain, et me redonne une apparence de jeune homme frais comme un gardon. Je me sèche tout consciencieusement, même si j’ai encore les cheveux humides, et va dans la chambre qu’on a préparé pour moi.
C’est coquet. Simple mais coquet. J’hésite à demander un petit ouvrage pour lire avant de dormir, mais je suis à la fois ivre et fatigué alors je sais que ne vais pas faire de vieux os. Je demande au valet s’il peut me réveiller tôt demain puis je le remercie et le congédie. Je met sur ma tête un petit bonnet de nuit qui est offert, me déshabille, et m’installe confortablement sous les draps. Et le Armand que je suis me prépare à faire de beaux rêves.



Comme toutes les nuits précédentes depuis que j’ai quitté Derrevin, je quitte un sommeil lourd et désagréable. J’ai bavé sur l’oreiller. Je me sens étrangement triste et oppressé. Il me faut un moment pour me tirer hors du lit, pieds sur le sol, mains dans les cheveux. Je renifle tout seul, et geigne un peu. J’ai pas rêvé de quoi que ce soit, mais je sais pas, je me sens mal.
Je me bouge en me rhabillant. Je suis un véritable lève-tôt, plus que tout le monde dans le château. De toute façon je comptais pas prendre mon petit-déjeuner en compagnie de Brandan : Je suis pas sûr qu’il soit le genre de personne à être heureux de m’accueillir en peignoir, à lire ses missives et ses nouvelles du matin, pendant qu’on partage un croissant et un jus d’oranges. J’ai juste le luxe de demander une coupole d’eau pour m’asperger le visage, un petit verre de vin clairet coupé pour me servir de remontant de début de journée (C’est pas de l’alcool, c’est du vin, c’est un aliment, vous devriez le savoir les Impériaux), et une part de cake aux raisins pour me donner un semblant de corps à l’estomac. Je remercie tous les domestiques tout le long bien poliment, dit au revoir aux gens à qui je dois dire au revoir, puis je vais récupérer ma monture aux écuries, qui a été bien nourrie et gardée au chaud. Ça fait tellement du bien l’hospitalité. Comme quoi il y a des avantages à avoir une particule dans son nom. Raison de plus pouvoir avoir été très poli et accorte envers les Maisne, même si j’ai dû les faire chier à leur parler de Derrevin.

Je descends dans le bourg qui s’éveille au petit matin. Je vais jusqu’à l’auberge que m’ont désigné Triboulet et Félix. Comme j’ai plus un rond je me contente d’entrer à l’intérieur et de me caler dans un coin en attendant leur réveil, sans rien commander à boire ni à manger, ce qui éveille des regards dédaigneux du tenancier derrière son comptoir. Il insiste, pourtant, il me dit même qu’il a du lait frais – ça m’aurait trop fait plaisir mais j’ose pas lui dire que j’ai vraiment plus rien sur moi, genre, nada. Du coup je me contente de profiter de l’âtre vide car matinale qu’il s’efforce d’allumer avec son briquet en amadou et du petit bois de mauvaise qualité, rien à voir avec les grosses bûches de chêne d’Andry.
C’est Triboulet qui descend le premier et qui me voit dans la grande salle à manger. Je lui fais signe de venir, me lève et lui donne un grand coup dans l’épaule avant qu’on s’enlace avec une familiarité assez inhabituelle pour un seigneur et son domestique – avoir traversé l’enfer dans la forêt de Châlons a soudé des liens.

« Alors mon Triboulet, bien dormi ?
– Bien de bien, messire ! On s’paye un truc à graille ?
– Non moi ça va, y a pas de soucis.
Il dort encore Félix ? »


On s’assoit et discute de trucs bêtes. Il me demande tout naturellement comment ça s’est passé le dîner, mais je me contente de dire que tout s’est bien déroulé. Il commande des petits massepains secs de la veille et un bol de lait, lorsque, un peu plus tard, Félix descend, visiblement bien moins réveillé que mon valet. Je me lève et vient lui aussi le saluer.

« Bien dormi ? Triboulet a pas trop ronflé ? »

Ses yeux rouges me laissent deviner que si, visiblement.

« Tu veux commander quelque chose au comptoir ? »

Je lui fais un signe entendu de la tête pour lui indiquer, malgré le fait qu’il ait la tête dans le cul, que oui, j’insiste pour qu’il s’éloigne de la table.
J’ai à lui parler sans l’oreille distraite, inquiète et superstitieuse de mon ami.

On approche donc du comptoir et on s’installe sur des tabourets. J’attends qu’il soit un peu plus réveillé et qu’il mange un peu pour me mettre à discuter et raconter ma nuit auprès de Maisne.

« C’était très intéressant, hier soir. J’ai appris des choses. Mais j’ignore dans quelle mesure tu les connais déjà.
Est-ce que ton… Ton marché tiens toujours ? Je souhaite te dire tout ce que je sais. Si c’est quelque chose que tu sais déjà, tant pis, on mettra ça sur le compte de ma grande et honorable honnêteté chevaleresque »
, sourire et clin d’œil entendu. « Si c’est quelque chose que je t’apprends… J’espère en avoir quelque chose en retour. »

J’attends de voir s’il est toujours d’accord, puis je me lance.

« Apparemment, Son Altesse a été très touché par la trahison de Dame Loyse de Ternant. J’ai pas plus de détails là-dessus, et je n’ai que les mots des Maisne sur ce point, mais… Mais j’ignore trop quoi en penser. En tout cas, il semble être bien plus reclus et effacé qu’à l’ordinaire, il offre peu de confiance à ses vassaux. Cela semble déranger sire Brandan. Absolument pas son frère, Herbin, qui est, disons… Bien plus…
Bien plus Bretonnien. »


Je souris à nouveau à ma propre blague, en espérant que Félix devine ce que j’entends par là.

« J’ai avoué aux Maisne que Carlomax m’a envoyé pour négocier avec le Duc. Ça a créé une sacrée ambiance à table, et un seigneur du nom de Symonnet Gencien a tout de suite compris ce que j’ai essayé de faire : à présent que les Maisnes sont au courant de cette mission, ils ne peuvent pas tout simplement charger sur Derrevin, il va leur falloir attendre la décision de Son Altesse.
J’avoue que sur ce coup j’ai été autrement plus fin qu’envers Rémon, qu’en dis-tu ? »


J’attends une réaction, puis continue.

« Apparemment, ils étaient déjà au courant de la corruption de ce chien de Binet. La grande-prêtresse Alys a tenu le duc au courant après les actions de Carlomax. Ensuite, ils ont tenté de me convaincre que leur inaction était due à la méfiance qui a touché l’Aquitanie suite à mes dénonciations, et sieur Brandan a tenu l’idée que la commune de Derrevin était à présent un danger énorme envers la Bretonnie. Soit. Je n’ai pas osé lui demander de quel droit il revendiquait des terres qui ne lui ont jamais appartenu, ni s’il s’estimait légitime à les obtenir alors qu’un des leurs était parvenu à secrètement servir la Ruine juste sous leur nez – ça aurait été parfaitement inutile d’entrer dans une dispute avec eux là-dessus. Et puis, il faut avouer, Brandan est le genre de personne qui en impose, ça intimide d'être dans la même pièce que lui... »

Petite pause.

« Ils m’ont… Ils m’ont donné des informations sur mon domaine, également. Apparemment, il y aurait eu des meurtres. Des… Des spectres de mon ancienne vie, des fantômes vengeurs de ma famille. Pas juste des rumeurs superstitieuses. Armand a ordonné que mes manants quittent ma seigneurie et a banni quiconque d’y retourner. »

Regard plus noir, plus triste aussi.

« En tout cas, cela m’a retiré l’envie d’y retourner. J’avais déjà mes appréhensions. Maintenant que je suis au courant de l’interdiction ducale, il est hors de question d’y remettre les pieds…
...Mais ce sera un sujet que je tenterai inévitablement d’aborder avec Armand. Je pense qu'il nous faut cavaler aussitôt vers Castel-Aquitanie, sans détours.

Alors. Qu’est-ce que tu penses de tout cela ? »
Modifié en dernier par [MJ] Katarin le 14 nov. 2019, 11:29, modifié 1 fois.
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Échiqueté d'or et d'azur à la bordure de gueules à la guivre de gueules halissante
Stats :
FOR 9 / END 9 / HAB 11 / CHA 15* (14) / INT 9 / INI 8** (10) / ATT 13** (15) / PAR 11** (13) / TIR 8 / NA 2 / PV 70/70
*Bonus grâce à la chevalière portée à l'auriculaire
**Malus à cause du harnois (inférieur)

État temporaire :
Compassion : +2 aux jets d'empathie (Reste une journée)
Esprit compatissant : +3 aux jets de résistance à la peur/terreur (Reste une journée)
Pompette : +1 CHA, -1 INT.
Migraine : -1 CHA
Visière épaisse : -2 aux jets de perception (Lorsque le casque est porté)

Compétences :
- Anticipation : +1 en ATT et +1 en PAR à partir du 3e round face au même ennemi
- Coup précis (1) : Malus atténué de 1 lors de la visée d'une partie précise
- Coups puissants : +1d3 de dégâts
- Coriace : Résiste à 1d3 dégâts de plus
- Dégainer l'épée : +1 en INI lors du premier round
- Parade : Valeurs de parade doublées
- Sang-froid : +1 lors d'actions réalisées sous stress
- Volonté de fer : +1 sur les tests pour résister à la peur

- Baratin : +1 pour embobiner quelqu'un à l'oral.
- Empathie : Capable, sur un test, de lire les émotions sur le visage de quelqu'un.
- Empathie animale : Capable, sur un test, de deviner les émotions d'un animal.
- Étiquette : +1 lors des interactions avec la haute société
- Humour : +1 pour divertir et amuser.
- Intrigue de cour : Capable de déceler et deviner des intrigues.
- Monte : Ne craint pas de chutes lors d'une montée normale
- Vœu de la Pureté échoué : -2 dans la résistance aux tentations terrestres

- Alphabétisé : Capable d'écrire et de lire le Bretonnien
- Art (Peinture) : Sait peindre des tableaux.
- Danse : Excellent danseur
- Héraldique : Capable de reconnaître les blasons des familles nobles, et d'en savoir plus sur eux sur un test

Équipement de combat :
- Épée bâtarde (Inférieure) : 2 mains / 23+1d10(+1d3*) / 22** (11) parade
- Lance d'arçon : 1 main / uniquement à cheval / 20+1d10(+1d3)* / 16** (8) parade / "Long" (Malus de -2 ATT pour les adversaires) / "Épuisante" (Malus de -1 d'utilisation après END/2 tours, à chaque tour, max -4) / "Percutante" (Relance du jet de dégât, meilleur résultat gardé) / "Rapide" (Malus de -2 PAR et/ou -2 HAB pour toute esquive tentée par l'adversaire) / Se brise après 4/5 utilisations
*Avec la compétence Coups puissants
**Avec la compétence Parade


Tête : 13 protection
Torse : 13 protection
Bras : 13 protection
Jambes : 8 protection

- Destrier Bretonnien (Ravel) : FOR 10 / END 13 / SAU 8 / RAP 10 / INT 9 / DOC 12 / ATT 9
Équipement divers :
3 Eo

- Un beau doublet
- Un grand manteau
- Des bottes neuves
- Une jolie écharpe

- Nourriture
- Hydromel

- Bague affichant un lion - +1 CHA

- Insigne argenté marqué du blason de Lyrie
- Pendentif monté en clou
- Un flacon à l'odeur immonde
- 3 bouteilles de tonique miraculeux
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[MJ] Katarin
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Re: [Armand de Lyrie] Noblesse oblige

Message par [MJ] Katarin »

Tranquillement installés au comptoir et malgré le regard mauvais du tenancier, Armand et Félix discutèrent de choses et d'autres, à l'écart des oreilles de Triboulet. Si Félix avait des petits yeux depuis qu'il était apparu, ces derniers s'agrandirent d'une curiosité non dissimulée lorsqu'Armand commença à lui résumer les tenants et aboutissants de sa soirée avec les Maisne.

- Tu ne m'as pas appris grand chose que je ne sache déjà, commença t-il avec un air faussement attristé, qui s'avéra vite se muer en sourire complice. Mais tu me permets de consolider quelques rumeurs, et c'est déjà plus qu'utile à mon petit commerce. Je ne vais donc pas t'apprendre de secret, mais je vais consolider un peu les informations que tu me donnes, ça te convient ?

Question purement rhétorique - Félix poursuivit sans attendre de réponse.

- Pour la mère de Margot, en effet, elle avait noué des liens avec le Duc. Tu n'es pas sans savoir que les conditions dans lesquelles le vieux Duc et tous ses fils ont trouvé la mort sont assez... particulières. Lorsqu'Armand a été nommé Duc d'Aquitanie par le Roy, dame Loyse s'est rapidement rapprochée de lui, et l'a secondée dans son enquête grâce à l'oreille attentive qu'elle avait su prêter des années durant aux secrets de la noblesse. Elle avait passé beaucoup de temps à la cour du Duc d'Aquitanie, et grâce à elle le Duc a pu trouver les preuves qui permirent de dévoiler la vraie nature de l'ainée de l'ancien Duc, qui avait empoisonné deux de ses frères. C'était il y a deux ans environ, tu en as entendu parler : elle a avoué sa culpabilité, sa connivence avec le culte chaotique du Corrupteur, le fait d'avoir agi seule et sans alliés, et l'étendue de sa colère envers son père qui l'avait faite fouetter pour son escapade à la Tour de Dentelle, et envers le Roy qui avait ignoré son héritage pour placer Armand sur le trône... et tous les nobles se félicitèrent d'avoir enrayé dans l'oeuf cette mauvaise graine chaotique qui avait germé en Aquitanie... Evidemment, cela n'a pas du faire plaisir à Armand d'apprendre que Loyse de Ternant l'avait trahie, qu'elle n'avait jamais été son alliée et avait utilisée la fille de l'ancien Duc comme appât pour gagner sa confiance...

Une courte pause, avant de reprendre.

- Plutôt rusée la manœuvre vis-à-vis de Derrevin je l'avoue. Je misais notre présence ici sur tes damnées règles de bienséance et de politesse, mais je constate avec plaisir que je me suis trompé. Pas sur que tu te sois fait des amis des Maisne avec pareille méthode néanmoins - vu l'influence grandissante qu'ils possèdent, j'espère que ce gain de temps pour Derrevin ne se paiera pas d'une autre manière plus tard...

A son tour, pour parler du sujet le plus difficile, le regard de Félix devint plus sombre, et son ébauche de sourire s'effaça.

- Je suis d'accord : pressons nos montures dès à présent, et cavalons vers Castel-Aquitanie. Normalement je ne m'implique pas dans les conflits des pays que je traverse mais... Carlomax, Maussade, j'ai pas envie qu'il leur arrive quelque chose. J'ai peur pour eux, peur que tout ça finisse mal. J'espère que ton entrevue avec le Duc se déroulera bien, et qu'on pourra retourner à Derrevin avec de bonnes nouvelles. Quant à ton domaine... je suis désolé Armand, peut-être aurais-je du t'en parler. Mais je n'avais que des rumeurs sur ce sujet, des racontars de réfugiés ivrognes sur le spectre qui hantait désormais la Lyrie et tuait tous les vivants qui osaient entrer dans tes terres maudites... je ne voulais pas t'inquiéter avec des informations non vérifiées.

Sitôt conclu, il se leva de son tabouret, incitant les trois compagnons à quitter les lieux.


***

Malheureusement, les quatre jours de voyage en direction de la capitale du duché étaient incompressibles malgré toute leur bonne volonté : à quoi bon mettre des coups de talon à leurs montures pour cavaler plus vite, lorsque la vieille mule asthmatique de Triboulet était dans l'incapacité de dépasser le rythme du trot boitillant ?

La monotonie du paysage aquitanais ne changea guère au fil des jours : des champs gelés et des prairies enneigées à perte de vue, sans relief, avec parfois un château ou un village se démarquant un petit peu. Sur la route, en s'approchant de la capitale revint un peu plus d'activité que dans le nord : on croisait quelques caravanes marchandes, des coursiers talonnant leur monture à toute vitesse pour communiquer quelque message urgent, ou encore quelques chevaliers errants partant s'occuper de quelque nouvelle déréliche déclarée ça ou là dans le duché. A l'instar de l'accueil reçu dans les châteaux traversés, la plupart des nobles croisés ne démontrèrent guère beaucoup de sympathie pour Armand : outre le passif houleux de sa famille, son accoutrement de sergent et la dégaine de Triboulet ne l'aidait pas à conserver la moindre étincelle de prestige face à ses pairs.

C'est en milieu d'après-midi du quatrième jour que le trio de compagnons arriva enfin aux portes nord de la ville d'Aquitanie. Traversant les faubourgs, ils purent apprécier le charme si particulier de la capitale du duché, qui respirait une gloire passée désormais étouffée par une couche de poussière. Pourtant, cette impression était partiellement fausse : elle était entièrement due à cette étrange coutume aquitanaise de se concurrencer entre nobles non seulement lors de combats, mais aussi lors d'étalages de richesses dans des constructions architecturales aussi impressionnantes que hasardeuses, qui finissaient invariablement par être abandonnées pour raisons économiques. Les hautes murailles de pierre protégeant la cité étaient très impressionnantes, mais leur taille démesurée les rendaient trop coûteux à entretenir, et ça et là on apercevait des fissures voire de la vigne s'installer. La tour de Dentelle au milieu de la cité, encore plus gigantesque, était absolument sublime avec ses centaines de fenêtres - et pourtant, impossible de la regarder plus de trois secondes sans remarquer qu'elle penchait dangereusement, à croire qu'elle pouvait s'écrouler à la moindre bourrasque. Si les trois hommes ne passèrent pas par les quartiers ouest de la ville, Armand savait pourtant que là-bas cette impression s'accentuait encore, au milieu de cette multitude de demeures stupidement ostentatoires totalement dépeuplées, sinon par de rares squatteurs humains voire monstrueux.

Le palais ducal vivait dans ce même paradoxe : proprement gigantesque, il était d'une complexité architecturale incroyable. Désireux de reconstruire le château d'Aquin plus grandiose que jamais, comme pour défier le Duc rouge en personne de venir s'y frotter, les nobles aquitanais avaient injecté une fortune colossale dans l'entreprise du Roy Louis. Mais si de l'extérieur, drapeaux et bannières flottants au vent témoignaient de la beauté brutale de l'immense et tortueux château, Armand savait que l'intérieur était bien différent : des pans entiers de l'édifice avaient été laissés à l'abandon, trop coûteux à maintenir pour l'utilité qu'ils avaient. Castel-Aquitanie était tout simplement trop grand pour être fonctionnel, et une bonne moitié de ses pièces appartenaient désormais aux araignées.

Aux portes du château, Félix et Armand demandèrent tous deux audience au Duc après avoir décliné leur identité. Si ces derniers semblaient quelque peu circonspect devant l'apparence des visiteurs, ils prirent malgré tout en charge la demande des deux individus qui, après une trentaine de minutes d'attente, apprirent qu'ils seraient reçus au coucher du soleil. A cette nouvelle, Félix adressa un sourire goguenard à son compagnon - il n'avait pas une seule goutte de sang noble, et pourtant, son audience aurait lieu juste avant celle d'Armand, alors qu'il s'était contenté de ne donner que son prénom aux gardes en poste.

Les trois hommes avaient deux heures à tuer dans la capitale, restait à savoir quoi faire de ce court moment de temps libre.

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Armand de Lyrie
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Re: [Armand de Lyrie] Noblesse oblige

Message par Armand de Lyrie »

Tout le long de mon chemin pour rentrer à Castel-Aquitanie, je me suis mis à sourire. Oubliant complètement ma toute petite brouille avec Félix, je me mis volontiers à reprendre mes rires, mes plaisanteries, et nos discussions successives à trois, rythmées par nos arrêts pour pisser, nos repas frugaux et la compagnie bien courtoise de seigneurs un peu embarrassés par ma présence. Chaque lieue qui me rapprochait de la capitale me détendait d’autant plus, me rendait plus guilleret, plus tremblant, plus joyeux. J’avais un peu l’impression d’être un amoureux transis qui se retrouvait pris d’un nouveau souffle à l’idée de pouvoir retrouver sa chérie. Je vous l’ai dis, j’aime mon pays. Et voilà que j’y rentre.

Lorsque enfin on put apercevoir les magnifiques remparts de ma ville, je me mis même à demander un détour à Félix, pour qu’on puisse aller sur une butte dans les faubourgs, afin de se reposer en contemplant la vue. Elle était magnifique, et je l’observais avec un sourire à pleine dents. Bien sûr, je notais le fait que Castel-Aquitanie avait des murailles lézardées et trop grandes pour son bien. Évidemment, il fallait admettre que la magnifique Tour de Dentelle était un peu branlante. Et puis, il y avait des maisons absolument partout, nombreuses complètement abandonnées… Mais ce n’était pas tout ça ce que je voyais, moi. Tout comme les autres relèvent très facilement les défauts de votre bien aimée, vous, vous les gommez dans votre esprit. Moi ça m’a fait ça ; En même temps que j’étais parfaitement conscient de ce qui n’allait pas dans le portrait, je choisissais consciemment de l’ignorer, trop heureux à l’idée que nous allions pouvoir rentrer dans la plus belle capitale du plus beau duché du plus beau pays du plus beau continent de la Terre toute entière.

Le palais Ducal fut à une époque un palais Royal. Et on le voit. Ça en jette. Oui, il y a des pièces en trop, un nombre trop impressionnant de courtines, tellement partout qu’on ne pourrait même pas trouver l’argent pour solder assez d’archers pour en pourvoir la moitié. On traverse une demi-douzaine de herses, la plupart relevées en permanence parce qu’il y a aucun sergent pour constamment les manœuvrer tout au long de la journée. Eh, c’est bon, avez-vous fini de critiquer ? Oui, c’est vrai, c’est un peu exagéré, trop clinquant, mais… Mais c’est la capitale de mon pays, alors chut.

On est accueillis à l’intérieur, après avoir remis nos montures dans le haras des écuries ducales – vous auriez dû voir la gueule que les valets ont tiré en voyant nos bestioles. C’était des palefreniers et des pages habitués à entretenir de magnifiques destriers Bretonniens à sang elfique, et voilà qu’on leur refilait la garde de l’immonde mulet toussant de Triboulet. Puis, on est entrés à l’intérieur. Et on nous a fait poireauter un peu comme des idiots. Félix s’est gentiment assis en tapotant ses genoux. Triboulet s’est tourné les pouces. Y avait que moi de nerveux : je me suis mis à faire les cent pas, d’avant en arrière, tout le long de l’immense salle toute blanche et décorée par des meubles héraldiques et des tapisseries dans laquelle on nous avait placés. Parce qu’on arrêtait pas d’entendre l’écho de mes semelles couinant à travers la pièce, je provoquais quelques haussements de sourcils discrets des pauvres hommes d’armes qui étaient obligés de faire le piquet devant les portes du château.
J’eus un haut-le-cœur lorsque le Grand Héraut s’approcha. Mais il se contenta de nous dire, avec un ton bien pincé, courtois et maniéré, que nous serons reçus plus tard. Moi et Félix le remercièrent, il nous offrit une longue révérence (Sûrement plus à moi qu’à mon compagnon d’ailleurs, vu mon sang bleu), et alors nous pouvions faire demi-tour, franchir la grande porte d’entrée et revenir dans la cour intérieur du donjon au sein de la ville.

« Bon beh. Messire, qu’est-ce qu’on fait ? »

Notez comment Triboulet pose toujours les bonnes questions. Je l’observais en haussant les épaules.

« On pourrait profiter de ce temps là pour aller du côté de l’esplanade noble. On pourrait aller au manoir de... »

Un nom de famille voulait sortir, mais aucun ne parvenait jusqu’à mes lèvres.
Avant, j’avais pas mal d’amis. Sinon des amis, au moins des connaissances, un peu lointaines. Des potes de conrois, des enfants maudits de l’Aquitanie, qui aimaient faire les zouaves à aller de tournoi en tournoi, pour casser des lances sur des boucliers, courtiser les jeunes filles de la noblesse et impressionner les gueux avec tout leur élan. Mais c’est vrai qu’il y a eut ma dénonciation qui a eu l’effet d’un coup de pied dans une fourmilière.
Y a quelques-uns de mes amis qu’on a décapité. La tête tranchée, propre, nette. Et le soucis, c’est que l’opprobre, ça se transmet aussi sur leurs familles, leurs proches, même lorsqu’ils n’ont rien fait. Ça explique pourquoi tant de jeunes chevaliers d’Aquitanie se sont jetés dans tous les sens pour aller pardonner leurs péchés face aux orques ou aux hommes-bêtes. À Quenelles quand Tancrède a levé son oriflamme, il devait certainement pas s’attendre à voir d’un coup débarquer des dizaines et des dizaines d’hommes d’armes du duché voisin : J’en faisais partie. Mais y en a d’autres qui ont tiré la bride vers l’Artenois, à toute vitesse. Les plus motivés, et ceux qui avaient certainement le plus à se reprocher, ils ont carrément jurer de lancer une nouvelle Croisade, alors même qu’elles sont plus à la mode depuis un bon millénaire, même si Archaon a peut-être relancé l’engouement ; À l’heure qu’il est, un tas de crétins ont dû atteindre les ports de Tilée pour espérer aller se suicider dans les Frontalières, ou bien ils ont décidé d’aller rejoindre le Kislev au froid mordant, peut-être qu’il y a toujours des saloperies à tuer dans ce coin-là.
Ceux qui n’ont pas été condamnés, et qui ne se sont pas sentis concernés par les condamnations, pas sûr non plus qu’ils veuillent revoir ma trogne. Je suis maudis. Oh oui, les nobles d’Aquitanie, ils seraient prêts à me serrer la patte en public. Mais m’accueillir dans leurs manoirs urbains ? Dans leur pied-à-terre dans la capitale ? Oui bof. Je crois qu’ils ont plutôt envie de faire comme si je n’existais pas. Peut-être que, au fond de leurs têtes, ils espèrent que j’ai été tué par un Gobelin sur les routes de Cuilleux – ça éviterait à mon sang souillé de se reproduire.

« J’en ai aucune idée. »

Un petit sourire canaille naît alors sur mon image.

« Hé, Félix, je connais peut-être un endroit qui devrais certainement te plaire, et je suis certain que tu le connais toi aussi ; T’as rien contre le fait d’aller dans une maison de délices ? »

J’aime trop ce terme, maison de délices. C’est quand même bien plus lyrique que « bordel », comme vous les Impériaux aimaient tant qualifier ces jolies maisons à lanternes rouges un peu à l’écart des endroits fréquentables, mais que tout le monde fréquente. Félix doit connaître quelques adresses, j’ai également les miennes.
Y a qu’un seul soucis.

« Je crains en revanche de ne pas avoir de quoi franchir l’entrée… ça t’ennuierais de me rendre ce service ? »

Et là, ce satané vaurien, il a fait le pire truc qu’il ait jamais pu faire :
Il m’a embrouillé.

Il est sacrément charismatique, hein. Il m’a pas dit « va te faire mettre, je vais pas te prêter du fric ». Mais c’est tout comme. Changement de sujet avec sa langue de velours, il s’est mit à me piailler des tas de choses différentes à une vitesse à la seconde improbable. En deux minutes de parlote, je me rendais compte que, soudainement, j’avais plus envie d’aller confesser mes péchés dans une sombre chapelle tenue par des Morriens plutôt que d’aller fricoter avec quelques jolis morceaux venus d’Estalie.
Le moment même où je me rendis compte de l’arnaque, je me mis à pester.

« Hé, c’est bon ! J’ai compris ! Je comprends, t’es une pince, mon bon Félix, sache juste que je m’en souviendrai ! »

Je lui souris, et lui fais un signe de tête.

« Tu sais quoi ? Va donc t’amuser. On a passé les derniers jours à se coller au derrière, ça nous fera du bien à tous les deux de s’éloigner un petit moment !
Pense juste à bien revenir à l’heure, sinon, je te pique ta place pour l’entre-vue avec le Duc. »


Je lui serre la pince bien virilement, et commence à m’éloigner. Triboulet me suit dans mes pattes.

« Zallez où, sire ? »

Je m’arrête, et hausse les épaules.

« Aucune idée. Marcher ?
T’inquiète pas, va. Toi aussi, déguerpis un peu, va t’amuser comme tu le souhaites avec ce qui reste dans ta bourse. »


Il a un petit sourire en coin et me fait un signe de tête. Du coup, je peux rabattre mon mantel sur mes épaules, poser mes mains gantées dans mes poches, et me mettre à descendre hors du donjon ducal pour m’éclipser dans les avenues de la ville d’Aquitanie.

Elle est géante, la ville d’Aquitanie – c’est dommage qu’une grande partie, tout le versant est, en fait, est complètement abandonné. Bon en même temps dans ce duché on est habitués du fait d’abandonner des biens immobiliers, que voulez-vous que je vous dise, je vais pas jeter la pierre, les châteaux de Lyrie et de Lanneray doivent être de magnifiques nids à Déréliches aujourd’hui. Non, le côté habité de la ville, on en fait vite le tour. Les demeures nobles, les grosses maisons privées à colombages avec jardins et grilles qui sont habitées par des aristocrates ou des roturiers qui ont fait fortune, elles sont agglutinées au donjon. Plus on descend, surtout vers les quartiers aux pieds des murailles et les faubourgs, moins on voit de belles constructions en bois bien propres, et on se retrouve avec tout ce qu’on voit habituellement dans un bourg Bretonnien, sauf qu’il y a plus de monde ici qu’il n’y en avait chez les Maisne.

Je me suis retrouvé à me promener. Y fait bien frais, y a de la neige sur les toits, dans les rues c’est plutôt de la boue battue par les allers-et-venues de tout le monde. Je me suis retrouvé à marcher un peu dans tous les sens sans raison, à passer devant les échoppes qui ont pignon-sur-rue, devant le feu du forgeron, l’atelier du tanneur ou les vitres du coiffeur-barbier local. Mon ventre s’est mit à gargouiller en sentant la magnifique odeur du pain frais : Une très jolie boulangerie toute coquette était en train de sortir des baguettes, et il me fallut prier de bon cœur Shallya pour résister à la faim en voyant les magnifiques massepains tout chauds et garnis de raisins qu’on déposait dans les vitrines en verre de Brionne. Je n’avais plus un rond sur moi, et le soucis, quand on a plus d’argent, c’est qu’on se rend compte qu’absolument tout dans la vie coûte. Manger ? Ça coûte. Boire ? Ça coûte. Aller voir un spectacle ? Coûte. Même aller à l’église ça coûte : Ah ça les prêtres, ils oublient jamais de toussoter pour que tu craches une petite pièce pour l’offrande.

À force de marcher partout dans tous les sens, je me suis rendu compte d’un truc que j’aurais dû noter plus tôt : En fait, je connais pas du tout Castel-Aquitanie. J’étais persuadé que c’était une ville à laquelle j’étais habitué, mais en fait non, non pas du tout. J’étais habitué au donjon, aux manoirs, et aux bo- maisons de délices. Sitôt entré dans le quartier bourgeois, et je me rends compte qu’en fait j’ai aucune idée de quel sens sont censés avoir les rues, et je me retrouve bien idiot alors qu’un type à cheval me crie dessus une insulte pour que je dégage du chemin : Il tracte une grosse charrette pleine de planches de bois et de pierres taillées, et n’a visiblement pas de temps à perdre. Je me retrouve sur une place où y a un pilori, pas en usage, une pompe à eau, et un arbre sur lequel on a placé des placards, des prospectus de gens qui cherchent un compagnon de métier ou des informations sur le prochain passage du ramassage des ordures. Bouchée bée, au milieu de tous ces gens qui vont et viennent dans tous les sens pour faire leurs petites vies citadines, je me rends compte d’à quel point je suis vraiment un crétin de noble et qu’en fait j’ai jamais rien fait de ma vie. Je serais bien en peine de savoir où on va pour changer ses chaussures, ou acheter du parfum, ou qu’est-ce qu’on fait dans sa vie de tous les jours pour gagner de l’argent. Pour moi la vie elle était simple : Je voulais un truc, je disais : « Papa ? » ou « Maman ? » et « je peux avoir le truc ? » et généralement j’avais le truc, même si des fois il fallait un peu négocier. Après quand on a de l’argent de poche on a un peu plus de liberté, mais là… Poah.

Bon du coup j’ai marché un peu dans tous les sens. Y avait pas mal de gens avec des écharpes qui embarquaient des palettes et de solides gaillards qui s’approchaient d’un grand beffroi en construction dont ils avalaient les cordes avec une étrange machine à faire monter les charpentes. Je regardais le truc, un peu bébête, un long instant.

C’était très intéressant à regarder.

Mains dans les poches, je marche pour me réchauffer, et un peu tuer le temps avant la tombée de la nuit. Je marche tranquillement, et j’ai l’impression que le quartier que je traverse devient au fur et à mesure de plus en plus pourri quand je croise plus un seul pavé jonchant le sol. Je m’inquiète un petit peu. Y a des gens bizarres, ici. Y a des jeunes gens qui sont rassemblés devant des escaliers ou sur des bancs, et qui… Et qui parlent et rient entre eux. Des jeunes. J’ose pas les regarder, de peur d’attirer leur attention. Ça me fait peur, tous ces roturiers qui, qui… qui ricanent, en discutant entre eux. Des pauvres qui se groupent, vous trouvez pas ça inquiétant ? En plus y a des enfants qui courent partout, et puis des types assis avec une petite coupole devant eux.
Je passe devant un, d’ailleurs. Il me siffle, et tend sa main :

« Hélà, t’as pas une p’tite pièce copain ? »

Je tire mes poches.

« Désolé, je n’ai pas beaucoup plus de chance que toi à ce niveau, mon ami. En fait t’as même l’air d’être plus fortuné que moi à l'heure qu'il est. »

Je fais un signe de tête vers sa coupole. Y a une très très jolie pistole d’argent dedans. Le clodo ricane : C’est un bon gaillard, il a l’air bien jeune, peut-être un tout petit plus vieux que moi, mais barbu, sale, et couvert de vêtements sales, une couverture sur lui pour lui tenir chaud, ainsi qu’un gros chien tout poilu dont il grattouille le crâne et les oreilles.

« Oué, maître FitzDaniel s’est senti ben généreux c’jour-ci, hé !
– Qui ça ?
– L’type qui construit un magasin, là-bas, avec tous les échafaudages. Y fait… J’sais pas trop quoi qui fait dans sa vie, mais hé, il a du pognon, toi tu sais comment les gens qu’ont du pognon ils l’ont ?
– Non c’est souvent un mystère. »

Il approuve d’un hochement de tête. Je me tourne pour continuer ma route, puis je me ravise.
Hé, ça fait quelqu’un avec qui parler. Quitte à me faire chier dans la rue, autant perdre du temps en piaillant, non ? Il me semble pas désagréable, il a pas encore tenté de me suriner, donc bon.

« Il est beau ton chien, très mignon. Tu l’as depuis quand ?
– Mon Youki, oué ! C’t’une bonne bête, j’l’ai d’puis qu’il est tout chiot ! J’l’ai trouvé en train d’bouffer près du boucher là, heu, Rue des Lilas. L’boucher ce salopard, il allait l’noyer passequ’il en avait marre d’voir un clebs réclamer de la saucisse. Noyer un chiot, c’pas humain, ça ! Surtout un p’tit Youki trop mignon comme ça !
Tu veux le caresser ? »


Je hausse les épaules, et me plie sur mes genoux. Je tends la main et gratouille la tête du chien. Il se penche sur le côté pour m’offrir son cou, en ouvrant la bouche pour tirer la langue, comme les chiens adorent faire.
Le clodo me fait un signe de tête, vers ma ceinture.

« Chouette l’épée. T’as l’occasion d’t’en servir ?
– Uniquement contre ceux qui le méritent, t’inquiète.
– Héhé, et c’est souvent ou pas ?
– Pour l’instant pas tellement, mais tu sais jamais avec ce genre de choses, ça risque de changer dans les jours qui vont venir. »

Il me fait un clin d’œil, et un petit signe des lèvres.

« Mais oui, mais oui… t’es trop un marrant toi.
J’m’appelle Bastien.

– Armand. Ravi. »

Il me tend la patte, alors j’empoigne la sienne, et la serre vivement.

« J’t’ai jamais vu dans l’quartier. Tu viens juste d’arriver ?

– Tout juste. Genre, je suis frais d’il y a quelques heures, ça explique probablement pourquoi j’ai l’air d’avoir la tête dans le cul.
– Tu viens d’où, à tout hasard, si ça s’trouve j’connais.
– Non, non mais écoute plutôt, Bastien. Tu te les cailles pas ? Moi si. Je veux bien parler, mais j’aimerais bien me réchauffer un peu avant. Et puis j’aime pas parler le gosier sec.
– Oh ! Ohoh ; Tu m’demandes de payer un verre, à moi ?
– Hé, je te l’ai dis, t’as plus de fric, c‘est pas moi qui vais en sortir un. »

Il rit en pointant vivement du doigt mon épée.

« J’vais bouffer tous les soirs chez les sœurs de Shallya. Tu sais c’qu’elles te diraient, les sœurs d’la Bonne Shallya ? Qu’si tu veux à manger, t’as qu’à vendre ton épée et payer du pain avec le fric.
– Elles sont bien honnêtes, les sœurs de Shallya, la Déesse les gardent. Mais enfin, elles connaissent pas le dicton ? Vend l’épée d’un homme, il mangera un jour. Apprend un homme à utiliser son épée, il manquera plus jamais de rien.
– Pouah, elle est vilaine celle-là ! Hé, tu m’fais rire, mais maudis pas la Bonne Shallya quand même.
T’sais quoi ? Oué. Oué j’vais te payer un verre, Armand, ne serais-ce que parce que j’aime bien parler en buvant. Et pis, tu m’le revaudras un jour, ça j’te l’assure. »


J’approuve avec moi aussi un clin d’œil. Le clochard se relève, poussant son youki qui s’étire sur ses pattes. Le clodo plie sa couverture, et la jette contre son épaule, puis il me donne une tape franche contre mon épaule et me fait signe de le suivre.

« Heu… T’as une préférence pour boire un truc ?
– Pas cher.
– Céti la bonne réponse ! Viens, j’vais t’montrer un coin sympa où on boit pas cher. »

Il me fait arpenter les rues pourries qui se transforment en coupes-gorges. Il me fait passer dans des interstices pourris entre des maisons, ceux où on balance des pots de chambre par la fenêtre. Je grimace en essayant de pas marcher dans quelque chose d’immonde, tout en gardant mes yeux au-dessus de ma tête pour prévenir le moment où une bonne femme videra son urine depuis le balcon. On va à travers une petite place, et là, je découvre une sorte de baraque un peu pourri qui ressemble pas mal au trou infâme de « Chez Jacquot » à Derrevin, sauf que là l’affaire s’appelle « Au Cul-de-Sac », nom bien trouvé puisque le débit de boisson se situe justement au bout d’un cul-de-sac.
Bastien ouvre la porte et une petite clochette sonne notre entrée. L’endroit paye pas de mine ; Chez Jacquot y avait un petit peu de confort, là franchement c’est assez obscur. Y a une toile d’araignée au plafond, de l’alcool séché sur le bar, et quelques poivrots qui lèvent à peine les yeux pour nous regarder. Youki traverse la salle et va s’installer dans un coin, preuve qu’il doit être habitué à venir roupiller ici. Bastien hausse la voix et crie vers le bar :

« Hé Oranne ! Tu nous files deux schnaps ? »

Bastien va asseoir ses fesses dans un tabouret. J’hésite un peu à m’asseoir, parce que c’est une espèce de vieux tabouret au vernis qui se barre, et quelques échardes, même pas un petit coussin pour calmer mon pauvre séant endolori par des jours passés sur une selle ; j’avais envie de me dégourdir les guibolles, pas réduire en compote pour délicieux postérieur. Là-dessus, une espèce d’hommesse slash planche-à-pain se ramène, torchon sur l’épaule, poing sur la hanche. Une gaillarde plus grande que moi, qui a une bonne trentaine bien engagée, peut-être même le début de la quarantaine, maigre, le cou ridé, les joues anormalement creuses ce qui montre qu’elle doit pas beaucoup manger, et à l’inverse, beaucoup bosser. Mais j’aime bien ses yeux, et ses cheveux blonds gras et qui ont l’air d’avoir perdu des mèches. Elle me regarde, de la tête aux pieds de derrière le comptoir, et raille avec un ton de poissonnière :

« Bêh alors Bastien, tu m’ramènes toujours des types ben louches, où qu’tu l’as déniché c’matou ?
– Hé, y miaulait pour avoir un bol de lait ! J’allais pas l’laisser soiffard !
– Oué, r’garde comme il est tout sec, j’pense un coup dans l’museau ça va vite le repaître. »

Je suis un peu amusé de leur manière de parler de moi. Grand sourire narquois en coin, je m’installe sur le tabouret pourri, tandis que la tenancière débouche une bouteille et sert deux minuscules petits godets en terre cuite où y a même pas de quoi avoir une gorgée. J’approche le liquide de mon museau et le renifle comme si c’était du rhum arrangé au gingembre et à la vanille des terres du sud ; En réalité, ça a plutôt un arôme de mélange alchimique avec lesquelles les bonnes femmes blanchissent le linge. J’en grimace, alors que Bastien, bien plus courageux que moi, veut trinquer.

« Tu bois à qui, mon brave Bastien ?
– À Agnès.
– Ta dulcinée ?
– Oh, qu’j’aimerais, mon gars ! Nan, c’t’une prêtresse de Shallya, la plus douce d’toutes les femmes de cette ville. Elle s’ballade en aidant les pauvres gens comme moi, file la soupe sans poser d’questions. Même les plus méchants truands y osent pas lui faire d’mal, même les plus courtois des messeigneurs veulent pas attenter à sa pudeur.
Et toi, t’bois pour qui ?

– À Margot.
– La tienne, de chérie ?
– La raison pour laquelle je suis venu jusqu’ici, plutôt. »

Il rit de plus belle. On tape nos godets l’un sur l’autre et descend le liquide tout sec.
Bastien encaisse tranquillement et frappe son godet contre le bar. Moi, j’ai un hoquet. Je grimace de tous les muscles de mon visage, enlaidit ma tête, plisse les yeux qui sont déjà débordants de larmes. Ça pique la gorge, ça pique le nez, ça pique partout. Je suis pris d’une quinte de toux. Derrière le bar, la tenancière se met à hurler de rire.

« Mazette, t’as vu la tronche qu’il tire ton minet ?
– Héhé, hé Armand, ça va ? Tu meurs pas ?
– Putain d’merde, Bastien, il en traîne une couche, ton schnaps. J’ai jamais rien bu d’aussi immonde.
Tu m’en payes un deuxième ? »


Bastien tique du côté des lèvres. Ça se voit que ça le fait chier de payer. Mais bizarrement, la femme derrière le comptoir rouvre la bouteille.

« T’fais pas d’bile. C’trop marrant d’le voir s’rider comme ça. Rien qu’pour rire j’veux le voir en descendre un deuxième. »

Clin d’œil entendu à la planche à pain. Bastien ricane, trop heureux de l’occasion.

« Et c’lui-là, tu l’bois pour qui ?

– À Anne.
– Anne ? Vindieu, t’en as beaucoup des dam’zelles ?
– Pas tant, mais elle est importante, celle-là.
– Qu’est-ce qu’elle t’as fais ?
– Elle est celle qui m’a tout pris. Ma maison, mon argent, et ma dignité.
– Eh beh, ça d’vait être une sacrée bonne femme, alors ; Moi j’vais boire au bon FitzDaniel, j’me torche au frais du marchand ! Hip hip ! »

Deuxième débouche-chiottes cul sec. Je tente de paraître viril en l’encaissant. Mais ça dure pas trop. Je me retrouve à frapper le bar avec mon poing. La tenancière éclate de rire, elle en devient rouge avec son fou rire.

Et à partir de là, j’ai passé une heure-trente tout simplement géniale. Bastien a sorti un jeu de cartes. On est allé voir deux potes poivrots à lui, et on a tiré sans miser d’argent – ce qui m’arrangeait bien – quelques fous et valets dans un bonneteau un peu infernal. Bastien m’a montré comment compter et tirer, même s’il m’a avoué que c’était le genre de coup à finir avec les mains tranchées par des coupes-jarrets. Ensuite j’ai pris un troisième, puis un quatrième schnaps, toujours pour amuser la tenancière qui semblait ravie de me rendre ivre. Pour déconner, à un moment, je lui ai proposé de danser ; Elle a pas eu l’air bien chaude pour. Alors du coup, j’ai dansé avec Bastien, sous les rires honnêtes et les moqueries méchantes de tout le monde. J’en avais rien à foutre. Y avait personne qui me connaissait ici. À quoi bon faire le courtois, le type qui rentre bien dans l’étiquette, qui sait faire des révérences pour s’attirer les sympathies de gros connards qui les méritent pas ? Après on a prit Youki et j’ai dansé avec lui en le tenant par les pattes avant. Bordel ce que j’ai ris, comme un crétin, à en avoir de la morve qui me dégouline du museau.

Je me suis retrouvé près du bar, après. Et j’ai un peu discuté avec la tenancière. Je lui ai fais me raconter sa vie. Comment elle a monté son affaire toute seule. Comment elle est née dans un village avec un con de mari qui la battait, alors elle s’est cassée. Solide gaillarde. Il lui manque des dents, son époux qui la cognait contre la table de la cuisine lui a bien retiré une canine et deux molaires, c’est parfaitement apparent, quand elle rit : Et je la faisais beaucoup rire, surtout quand je faisais le con avec mon nouveau copain qui s’appelle Bastien.

Puis à un moment, au détour d’une phrase bête alors que je lui raconte des conneries que j’ai déjà faites avec Margot – sans parler de Margot – elle me lance :

« T’as d’la chance que j’bosse ce soir, mon chat. J’t’aurais ben croqué, moi. »

Ooh oh oh oh. C’est trop facile. Je me suis mis à avoir un sourire parfaitement vicelard en coin. Un petit regard de côté. J’ai papillonné des cils. Et j’ai continué à discuter, nonchalamment, en faisant genre que je ne comprenais pas ce qu’elle voulait dire par là. Je joue au con, mais en même temps avec une voix trop suave et des sous-entendus trop appuyés pour qu’elle veuille lâcher l’affaire. Elle s’est mise à se coller au comptoir, et à prendre une voix un peu plus basse pour me parler. J’en suis arrivé jusqu’aux promesses.

« Ben oué, mon chaton, y fait froid dehors, faudrait pas qu’t’attrapes froid.
– C’est une proposition très douce, Oranne. Mais il va falloir malheureusement remettre ça à plus tard.
J’ai rendez-vous avec le duc. »

J’attrape un verre de schnaps – ça doit bien être le sixième, je suis putain de chargé – alors que je la vois écarquiller les yeux, puis froncer violemment les sourcils.

« Eh beh putain. On m’a d’jà raconté des conneries, mais celle-là, jamais.
– Quoi ? Je réponds après une toux sèche, et la voix plus étranglée. Tu crois que je me fous de toi ?
– Beh j’crois qu’t’es bien content d’boire à l’œil, vilain matou !
– Roooh, Oranne, je dis que la stricte vérité. Je vais voir le duc. Hé, tu me crois pas ? Attends. »

Je pose le bout de mon gant contre mes incisives, et le tire pour le retirer. Là-dessus, je retire de mon auriculaire la petite bague en argent à la tête de lion. Je la glisse le long de sa main de femme toute usée par les échardes et la vie de travailleuse. J’approche mes lèvres et lui embrasse le plat de la main, comme si elle était une grande dame, puis je la regarde directement dans les yeux.

« Elle a de la valeur, cette bague ; Tu peux être sûre que je reviendrai ce soir la récupérer. »

Et puis je me glisse tout près de son oreille.

« Et bien plus encore. »

Je me soulève du tabouret et ramasse mon deuxième gant. Je titube mais me rattrape un peu. Va falloir que je me passe de l’eau sur le visage avec l’abreuvoir des chevaux des écuries, avant de rencontrer le duc, sinon je vais pas être bien. Juste avant de partir, je m’approche quand même du bon Bastien, qui est en train de hurler de rire avec ses copains.

« Hé, Bastien, mon brave ? J’étais ravi de faire ta connaissance.
Sache que si un jour dans ta vie tu as besoin de quelque chose, quoi que ce soit, le seigneur Armand, sire de Lyrie et Lanneray, te seras éternellement reconnaissant. »


J’ouvre mon mantel pour lui montrer ma magnifique broche armorié, avec la satanée vouivre de ma famille. Bastien écarquille les yeux en se rendant compte de ma naissance et de mon sang bleu. Il ouvre la bouche pour dire quelque chose, mais je me faufile sans dire un mot hors du bar.
Et paf, j’ai assez foutu le bordel, et je compte bien revenir pour l’after une fois le boulot sérieux accomplit. Direction le palais ducal.

Jets effectués par Katarin :
Jet pour la connaissance de Castel-Aquitanie : 13, échec, Armand ne connaît plus personne de confiance à la capitale.
Jet pour convaincre Félix « d’entreprendre » quelque chose : 14, échec ; Félix refuse adroitement de prêter quelques pistoles.
Jet pour convaincre Bastien de payer un verre : 7, réussite
Jet pour séduire Oranne : 1, réussite critique
Modifié en dernier par [MJ] Katarin le 15 nov. 2019, 16:52, modifié 1 fois.
Raison : 6 xps, +1 xp pour les descs de la capitale et le feeling good général du post que j'ai bcp aimé / Total d'xp : 87
Fiche : wiki-v2/doku.php?id=wiki:fiche_armand_de_lyrie
Image

Échiqueté d'or et d'azur à la bordure de gueules à la guivre de gueules halissante
Stats :
FOR 9 / END 9 / HAB 11 / CHA 15* (14) / INT 9 / INI 8** (10) / ATT 13** (15) / PAR 11** (13) / TIR 8 / NA 2 / PV 70/70
*Bonus grâce à la chevalière portée à l'auriculaire
**Malus à cause du harnois (inférieur)

État temporaire :
Compassion : +2 aux jets d'empathie (Reste une journée)
Esprit compatissant : +3 aux jets de résistance à la peur/terreur (Reste une journée)
Pompette : +1 CHA, -1 INT.
Migraine : -1 CHA
Visière épaisse : -2 aux jets de perception (Lorsque le casque est porté)

Compétences :
- Anticipation : +1 en ATT et +1 en PAR à partir du 3e round face au même ennemi
- Coup précis (1) : Malus atténué de 1 lors de la visée d'une partie précise
- Coups puissants : +1d3 de dégâts
- Coriace : Résiste à 1d3 dégâts de plus
- Dégainer l'épée : +1 en INI lors du premier round
- Parade : Valeurs de parade doublées
- Sang-froid : +1 lors d'actions réalisées sous stress
- Volonté de fer : +1 sur les tests pour résister à la peur

- Baratin : +1 pour embobiner quelqu'un à l'oral.
- Empathie : Capable, sur un test, de lire les émotions sur le visage de quelqu'un.
- Empathie animale : Capable, sur un test, de deviner les émotions d'un animal.
- Étiquette : +1 lors des interactions avec la haute société
- Humour : +1 pour divertir et amuser.
- Intrigue de cour : Capable de déceler et deviner des intrigues.
- Monte : Ne craint pas de chutes lors d'une montée normale
- Vœu de la Pureté échoué : -2 dans la résistance aux tentations terrestres

- Alphabétisé : Capable d'écrire et de lire le Bretonnien
- Art (Peinture) : Sait peindre des tableaux.
- Danse : Excellent danseur
- Héraldique : Capable de reconnaître les blasons des familles nobles, et d'en savoir plus sur eux sur un test

Équipement de combat :
- Épée bâtarde (Inférieure) : 2 mains / 23+1d10(+1d3*) / 22** (11) parade
- Lance d'arçon : 1 main / uniquement à cheval / 20+1d10(+1d3)* / 16** (8) parade / "Long" (Malus de -2 ATT pour les adversaires) / "Épuisante" (Malus de -1 d'utilisation après END/2 tours, à chaque tour, max -4) / "Percutante" (Relance du jet de dégât, meilleur résultat gardé) / "Rapide" (Malus de -2 PAR et/ou -2 HAB pour toute esquive tentée par l'adversaire) / Se brise après 4/5 utilisations
*Avec la compétence Coups puissants
**Avec la compétence Parade


Tête : 13 protection
Torse : 13 protection
Bras : 13 protection
Jambes : 8 protection

- Destrier Bretonnien (Ravel) : FOR 10 / END 13 / SAU 8 / RAP 10 / INT 9 / DOC 12 / ATT 9
Équipement divers :
3 Eo

- Un beau doublet
- Un grand manteau
- Des bottes neuves
- Une jolie écharpe

- Nourriture
- Hydromel

- Bague affichant un lion - +1 CHA

- Insigne argenté marqué du blason de Lyrie
- Pendentif monté en clou
- Un flacon à l'odeur immonde
- 3 bouteilles de tonique miraculeux
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[MJ] Katarin
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Re: [Armand de Lyrie] Noblesse oblige

Message par [MJ] Katarin »

Après avoir passé deux heures tout particulièrement plaisantes à s'encanailler dans les recoins les plus miteux des faubourgs de la ville d'Aquitanie, il était temps pour Armand de rencontrer son homonyme ducal.
Leur dernière entrevue, presque deux mois plus tôt, avait été particulièrement éprouvante puisqu'elle avait concerné la dénonciation de tout le réseau slaaneshi parasitant l'Aquitanie, au cœur duquel la famille du jeune chevalier jouait un rôle déterminant. Aujourd'hui, après une période d'errance écourtée par les évènements auxquels avait été confronté Armand de Lyrie, il devait à nouveau s'entretenir avec le chevalier du Graal, dans une affaire qui déterminerait la vie de milliers d'hommes.
Lorsque cette vérité revint taquiner son esprit, l'héritier lyrien se rendit peut-être compte que vider six gobelets d'une liqueur douteuse avant son audience n'avait pas été le choix le plus judicieux de son existence. Assis dans la salle dédiée à l'attente des demandeurs d'audience, voyant bien que les tapisseries bougeaient sous ses yeux, que son train de pensée semblait sans cesse s'évader hors de son emprise, que son estomac commençait à se rebeller contre les mauvais traitements infligés, le jeune homme dut se rendre compte que tenir un plaidoyer digne de ce nom - c'est à dire sans s'interrompre pour régurgiter - n'allait pas être tâche aisée.

Aussi choisit-il de faire confiance, non pas au noble Triboulet qui l'accompagnait et avait pourtant une expérience certaine en la matière, mais à Perin Melchine, le fabuleux apothicaire rencontré à Derrevin une semaine plus tôt. Sortant de sa besace l'une de ses fioles d'élixir miraculeux, il l'avala cul sec.

Miraculeux, le produit l'était bel et bien : en quelques secondes seulement, Armand se sentit soudainement pousser des ailes. Revigoré comme jamais, il eut soudainement envie de courir, de bondir, voire de déplacer des montagnes tant la boisson énergétique le stimulait. Les effets de l'alcool s'étaient dissipés comme par magie, et le jeune chevalier ne put que se féliciter d'avoir eu le nez aussi fin lors de son investissement chez l'apothicaire.
Néanmoins, si la disparition aussi soudaine qu'extraordinaire de son état d'ivresse avait de quoi réjouir, Armand ressentit rapidement les effets secondaires du produit. Tout d'abord parcouru par des frissons réguliers lui provoquant une chair de poule continue, il commença également à ressentir une gêne au niveau de son ventre. Alors même que ses poils hérissés laissaient penser qu'il avait froid dans la demeure du Duc, une étrange chaleur se diffusait depuis son estomac et se propageait, tandis que de méchantes démangeaisons commençaient à survenir en même temps que de curieuses plaques rouges qui s'étendaient de minute en minute sur son corps. Pour le moment, la zone restait restreinte à sa cage thoracique, sous ses vêtements, mais l'eczéma se diffusait progressivement vers ses cuisses et sa gorge. Si l'entretien avec le Duc durait trop longtemps, il risquait de voir son visage touché par l'effet secondaire du médicament.

Les lourdes portes de la salle d'audience s'ouvrirent peu après, laissant sortir un Félix au visage de marbre. Échangeant un regard avec Armand, le serviteur de Verena hocha la tête en direction de son compagnon sans que cela n'ait grand sens en l'absence de mots, puis poursuivit sa route à travers le grand couloir de pierre qui le mènerait hors des murs du palais ducal. Dans le même temps, le héraut du Duc invita Armand à entrer à son tour. Le précédant, il attendit qu'Armand entre à son tour pour mieux l'annoncer, avant de quitter la pièce, pour enfermer l'héritier de Lyrie en compagnie du Duc.

Car si la salle d'audience était grande, voire gigantesquement démesurée, certainement prévue pour qu'on y installe conseillers, gardes et éventuels aristocrates curieux des affaires de la cour, elle était aujourd'hui presque totalement vide. Les murs étaient haut d'une dizaine de mètres si ce n'était pas davantage encore, et étaient richement décorés : à leurs pieds par des candélabres allumés et des harnois complets montés sur supports, tandis que plus haut l'on retrouvait des écussons et des armes entrecroisées, tantôt des lances tantôt des épées. Au plafond, plusieurs mâts laissaient pendre des étendards aux couleurs bleu et or de l'Aquitanie, représentant chacun l'emblème d'une seigneurie du duché, la plupart du temps en lien avec le griffon. Au bout d'un très long tapis décoré des blasons du pays se répétant en mosaïque, se tenait debout devant son trône encadré par deux braseros, le Duc d'Aquitanie dans son armure.

Si tous les chevaliers du Graal dégageaient une prestance presque surnaturelle que le Graal leur octroyait, le Duc d'Aquitanie avait pour lui en plus de cela une beauté à faire rosir toutes les femmes du Vieux Monde. Le genre d'homme que l'on imaginait toujours avoir une coiffure impeccable, tandis qu'il portait une princesse en danger d'un bras, pourfendant un dragon de l'autre. C'était un chevalier choisi par la Dame et par Louen, un brave parmi les braves réputé pour avoir abattu seul l'abominable Bestigor Darmal le Crochu. S'il conservait une aura de mystère quant aux évènements lui ayant permis de boire le saint calice, le Duc avait aussi su montrer son talent publiquement en remportant le célèbre tournoi de Couronne, mettant à mal les meilleurs chevaliers du royaume, pour remporter la célèbre bannière sacrée de la Dame, celle que portait Gilles le Breton en personne pendant les douze grandes batailles.
Cette bannière, Armand l'avait alors protégée trois ans durant, nuit et jour, au sein de la chapelle du Graal de Couronne, sans jamais retirer son armure, utilisant même son bouclier comme oreiller pour dormir, jusqu'à ce que le roi le nomme Duc d'Aquitanie. Le chevalier du Graal avait alors emporté avec lui l'étendard, et aujourd'hui, celui-ci reposait juste derrière lui, représentant la mythique figure blanche de la Dame du Lac, bénissant l'épée de Gilles.

Pourtant, alors qu'Armand aurait du s’ébaubir de la magnificence de pareil artefact, un souvenir parasite vint déranger son recueillement...
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Mais le Duc n'était pas seul dans la salle d'audience, et d'ailleurs il était impossible de manquer son unique compagnie : car à ses côtés se tenait la plus belle femme qu'Armand ait sans doutes jamais aperçu de sa vie : dame Mélaine, prophétesse de la Dame et splendeur surnaturelle. Habillée d'une somptueuse robe blanche mise en valeur par sa pèlerine noir et or, la demoiselle laissait sa sublime crinière rousse cascader sur ses épaules librement, magnifiant son visage ainsi encadré par ces boucles de feu, ses traits semblant sculptés par la Dame en personne tant ils étaient fins et délicats. Lorsqu'elle adressa un sourire à Armand, celui-ci sentit son cœur lui faire défaut dans sa poitrine, manquant un battement ou deux.

Alors qu'Armand finissait de parcourir la dizaine de mètres le séparant du duc, ce dernier baissa son bras, quittant ainsi des yeux le rouleau de parchemin qu'il parcourait du regard, et croisa les pupilles bleu acier du chevalier de Lyrie, pour lui demander le plus naturellement du monde, avec un ton presque décontracté :

- Armand de Lyrie, avez-vous été si prompt à l'héroïsme que votre errance se conclut d'ores et déjà, que vous veniez désormais pour me conter vos exploits ? Ou comme je le soupçonne, serait-ce plutôt pour une raison bien moins réjouissante que vous avez été forcé de revenir au pays ?



Les portraits :
Le duc Armand d'Aquitanie :
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Dame Mélaine
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Idée générale de l'aspect démesurément grand de la salle d'audience - la configuration des lieux n'est pas identique néanmoins.
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Idée générale de l'aspect de la bannière :
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Jet de résistance à l'alcool : 16, raté, Armand est sévèrement pinté
Potion de Perrin Melchine : 1d2 chances d'être tonifié, 1d4-1 effets secondaires : le tonique fonctionne, mais Armand subit deux effets secondaires : poils hérissés et eczéma foudroyant.
==> Le tonique donne +1 END jusqu'au coucher, mais l'eczéma brûle et démange, genant la concentration d'Armand : -1 CHA, durée inconnue.
Jet de mental d'Armand : 13, échec - coucou réminiscence de tableau \o/ - Armand ressent un malaise vis-à-vis de la bannière, qui le perturbe : -1 CHA.

STATS ACTUELLES : +1END, -2CHA

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Armand de Lyrie
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Re: [Armand de Lyrie] Noblesse oblige

Message par Armand de Lyrie »

J’ai arrêté de faire les cent pas dans l’anti-chambre ducale. Non, je me suis mis à faire l’exact inverse : Assis contre le mur, avachi sur la chaise, je me suis mis à végéter en regard en l’air, avec un léger mouvement qui me faisait tanguer à droite puis à gauche. Des bouffées de chaleur m’envahissaient. J’avais l’impression de vouloir dormir, en même temps qu’un hoquet alcoolisé me maintenait parfaitement éveillé. Je me rendais compte de la connerie monumentale que j’avais fais alors que le schnaps me montait au cerveau. Pas de panique. J’ai pas acheté un tonique pour rien ; Je vide l’outre cul-sec, sans aucun soucis, et rebouche avec un air bien satisfait.

Le voile d’alcool se dissipe. Je souris d’un air satisfait, alors que les tapisseries cessent de bouger.
Un temps, du moins.

Je me gratte le ventre. Vivement. Est-ce la nervosité qui me fait me gratter comme ça ? Ça doit peut-être jouer. Mais je me rends compte qu’en fait, je me gratte au-dessus de mon doublet un peu trop vivement. Discrètement, je soulève mes vêtements, et observe, terrifié, que d’immenses plaques rougeâtres ont commencé à se profiler au-dessus de ma chair normalement bien plus beige. Mes yeux s’écarquillent. Je pose mes coudes sur mes cuisses, et enfonce mon visage dans mes mains.

« Mais quel con… Putain je suis trop con... »

Tout me frappe à nouveau. Pourquoi j’ai autant bu. Pourquoi je caracole depuis des jours. Elbiq. Maisne. Derrevin. Carlomax. Le tableau. Arbalètes automatiques et bagues étranges. Clous autour du cou et Gasconniens manipulateurs. Margot. Ma Margot.

J’aurais dû mourir en Quenelles.

Je sue. Je sue des litres de sueur. Lorsque le héraut se lève et me prie de le suivre, c’est complètement hagard que je me remets debout, sur mes pattes. Triboulet se redresse également, et me fait une courte révérence, ses yeux plein d’encouragements. Je me détourne de lui rapidement et me concentre plutôt sur le chemin qui m’amène jusqu’à la salle du trône ducal. Je marche derrière le héraut lourd, hagard, aussi débile qu’un zombie. Je marche mais mon esprit divague, et n’est plus tout à fait dans l’automate qui marche à l’ombre des fanions, des bannières et des pièces de harnois exposés. J’ai cet espèce de vide, vous savez, vous l’avez peut-être ressenti : Cette torpeur à l’idée d’aller quelque part. Vous êtes stressé, le ventre noué, dans l’anticipation pendant des jours – puis ce jour arrive, et là, maintenant que vous êtes tout droit face à votre destin, vous… Vous êtes plus tout à fait présent. Vous y allez juste parce que vous le devez. Moi c’est ce sentiment que j’ai ressenti en passant les grandes portes et en me dirigeant tout droit vers le trône ducal, aussi immense que celui d’un Roy – Car il fut un temps où les Roy de Bretonnie résidaient ici. Je me dirige lentement, tout droit, tout au bout, et là, par pur automatisme, j’agis comme le suppliant que je suis : Je pose machinalement un genou à terre, m’effondre au sol, voûte le dos et pose mes yeux vers le sol. Et humblement, je prononce juste la formule :

« Votre Altesse.
Madame. »


Je lève mes yeux. C’est lui. C’est Armand. C’est l’homme à qui j’ai tout confié, et à qui je confie tout à nouveau. Il a une femme à ses côtés – elle est magnifique, et en même temps, sa beauté renversante me met particulièrement mal à l’aise. J’ai en face de moi un chevalier du Graal, et une prophétesse du Graal. Un fils et une fille de la Dame. Deux parangons de la pureté. Deux personnes qui, côtes-à-côtes, pourraient tenir tête à Archaon en personne sans sourciller. Sont-ils amants ? Ils iraient parfaitement ensemble, tant ils sont chacun l’accomplissement absolu de ce que doit être un chevalier et la magnificence féminine faite chaire. L’un a les yeux qui pétillent, et aurait le talent de bretteur suffisant pour jeter n’importe qui à terre. L’autre a une grâce froide, et pourrait appeler à elle les bénédictions de la Dame pour foudroyer n’importe quel brigand par une tempête magique foudroyante.
Je n’ai jamais autant ressenti ma médiocrité qu’en cet instant, face à eux. Il était facile de se sentir hautain à Derrevin. Il était aisé de se savoir fier face à des renards comme la famille de Maisne. Ici, c’est différent. Je me sens pas seulement puer le schnaps, la sueur et la merde séchée. Je me sens pas seulement fatigué, démangé et nerveux – j’ai véritablement l’impression anxieuse qu’ils me jugent dédaigneusement par la souillure que je porte.
La petite Ophélie avait su déceler la corruption qui pollue mon cœur. Elle avait su lire à travers moi, à travers mes mensonges et mes faux semblants, mes impuretés et mes cicatrices internes. Mais Ophélie était douce, et compréhensive. Eux deux ? Eux deux ils vivent pour purger le Royaume de ses déchets. J’en ai un picotement le long de mon échine. Je dois prendre une grande inspiration.

Il a la bannière. Derrière-lui. L’Oriflamme de la Dame. C’est devant cet artefact que j’ai pleuré y a deux mois, en disant à voix haute les prénoms de mes deux parents. Je sais pas si vous vous rendez compte de ce que cette bannière représente ; Un étranger y verrait un bout de tissus, certes fort beau, bien tissé, bien teinté de l’image de notre Déesse, mais pour moi, c’est pas seulement ça. Saint-Gilles le Breton a porté cette bannière à bout de bras. L’Oiseau de Proie, l’ancêtre d’Armand dont le sang coule dans ses veines, a dû l’embrasser avec ses lèvres ensanglantées en rentrant d’un combat. Douze batailles, les Compagnons ont mené, et les douze fois ils ont levés cet oriflamme avant la charge, et les douze fois ils ont vaincus. Ce n’est pas seulement un bout de tissus : C’est comme si la Dame l’avait imprégnée, et avec elle, tous les fiers Compagnons originels. Leur souvenir court avec cette Oriflamme. Quand on la soulève, la Bretonnie gagne, c’est tout. Un démon ne pourrait pas la toucher sans être foudroyé. On préférerait mourir par centaines de milliers que de permettre aux mains de l’Orque, du Vampire ou du Démoniaque de la souiller.
Une fois avoir fini de regarder, tout juste le temps d’une seconde, le doux visage de la prophétesse, c’est cette bannière que j’ai observé. Et j’avais cru, l’espace d’un infinitésimal instant, que j’y aurais trouvé la même force qui m’avait été finalement insufflée, pour que sorte de mes lèvres ce prénom : « Anne ». C’est en regardant le doux visage de la Dame sur cette bannière, c’est en recevant, d’un simple coup d’œil, le souvenir de Frédémond, Carléond, Landouin et tous les autres que je brisais la dernière digue, et que je parvenais enfin à condamner celle qui m’avait donné la vie.
Je voulais à nouveau trouver cette force. La force de dire toute la vérité. D’avouer. De me confier à nouveau. De tout dire.



J’ai senti le sol se dérober sous mes pieds.

J’ai à nouveau senti l’odeur humide d’un caveau renfermé.
J’ai entendu les sanglots d’une Margot blessée par un carreau d’arbalète.
J’ai ressenti la présence des fantômes oubliés de Cuilleux.
Contre ma joue, encore une fois, je pouvais sentir la torche d’Evrard me réchauffer. Et juste en face de moi, ce tableau.
J’ai entendu des pleurs. Des appels à l’aide. Je me suis vu m’agenouiller. Embrasser les pieds de la Dame.
Gilles est ici. Il est à genoux. Beau, et preux. Pas encore Saint. Pas encore l’Unificateur, premier Roy de Bretonnie, mais déjà celui qui a vaincu un dragon et qui allait accomplir tant de grandes choses. Et la Dame est là, prête à le bénir, à l’élever, à faire de lui le Premier des chevaliers du Graal.
Alors pourquoi a-t-elle le visage camouflé ? Pourquoi ce voile sur elle ? Pourquoi ce voile teinté de rouge ?

Mon cœur s’est mit à battre. À battre à toute vitesse. Les lèvres scellées, je me suis mis à prendre une grande inspiration, mais à être incapable d’expirer. J’étais comme en apnée. J’étouffais.
Je voyais la bannière telle quelle. Je voyais le doux visage rassurant de la Dame, celui qu’on représente sur les statues, sur les vitraux, sur les enluminures des livres, partout : Ce beau visage éthéré, blond, qui adoucit et amourache ceux qui lui sont fidèles, mais terrifie ceux qui doivent affronter son regard courroucé. Mais je suis incapable de me concentrer dessus. Le bout de mes doigts s’est mit à trembler. Et j’étais incapable de voir l’Oriflamme sous laquelle l’Oiseau de Proie, Compagnon d’Aquitanie, a fait sonner son cor pour forcer les vouivres des orques de Brogtar à s’écraser au sol – le même genre d’animal maudit qui est représenté sur mon écusson. Non, tout ce que je voyais, c’était cette Dame au visage obscurcit. Et je n’entendais pas des cris de guerre, des « Montjoie ! » et des hurlements de joie belliqueuse ; Tout ce que j’entendais, c’était des pleurs de femmes, qui bourdonnaient dans mes oreilles tels des acouphènes.
Je sentais alors une envie furieuse et décuplée de me gratter. Il me fallut un petit instant pour comprendre que le Grand Héraut Ducal était en train de me tendre une petite boîte sous le museau. Une jolie boîte dorée, couverte de bijoux, émeraudes et jades, avec des inscriptions en Classique tout autour. Je posais une main gantée bien maladroite dessus, et la voix tremblante, très faible, retenant des sanglots de panique que je tentais de camoufler, je lançais la formule :

« J-Je jure, sur c-cette relique, sur mon honneur de Chevalier, devant la Dame et tous mes pairs, de m’exprimer justement, de ne rien omettre, et de ne rien déformer par intérêt ou malice. Que toutes les paroles que je prononce, sur cette relique, soient tenues pour véritables, et puissent être utilisées, contre les autres et contre moi-même. »


Le Grand Héraut tourne les talons, et s’éloigne. J’entends ses pas résonner dans l’immense pièce, dans laquelle des dizaines de personnes pourraient danser dans des bals endiablés – mais il n’y a que moi. Moi seul, écrasé par la présence des deux émissaires de la Dame. Quand j’entends la porte se claquer et se verrouiller derrière-moi, j’ai l’impression de mourir. Je ferme mes yeux en entendant Armand parler.

J’aimerais tant que ma voix sorte preuse, forte, et assurée. Mais c’est pas le cas. Ma voix est douce, faible, et tremblante. Je cherche mes mots. Je prends des petites pauses. Je dois déglutir, souvent – bon sang, qu’est-ce que j’ai la gorge sèche, sèche de la soif, brûlée par le schnaps du « Cul-de-Sac ». Mais je me lance. Tremblant comme une feuille. Sale comme un chien. Mais je me lance.

Il est temps de tout dire. Tout.

« La Dame me pardonne, grand et beau Duc. Mon errance en Quenelles n’a pas été faite de grands faits d’armes ; Arrivant dans l’Orquemont avec force de jeunes chevaliers désireux, tout comme moi, de servir la Dame et le Royaume, je me suis mis au service de l’ost local du duc Tancrède et de ses nombreux chevaliers – mais là bas, je n’ai tué que quelques orques et gobelins acculés et dépenaillés, tel un sergent roturier qui se charge des basses œuvres que sont la reconnaissance, le harcèlement et la poursuite des armées adverses. Absolument rien qui soit digne d’un chevalier.

À la recherche d’Orques plus acerbes à occire, je me rendis dans un village Quenellois qu’on nomme Magone ; Là-bas, j’y trouvais un sire qu’on nomme Evrard de Cobie, un chevalier de Gasconnie qui me parut bon et fier. Il m’expliqua qu’il était le meilleur ami d’un seigneur qu’on nommait Reinald de Cobie, mais qu’un jour, ce sire rêva de la Dame, et décida de déposer sa lance aux pieds du bon Duc Huebald pour partir dans la Quête, laissant Evrard en charge de protéger l’intégrité de son domaine, ainsi que l’honneur de sa sœur Aveline, en son absence.
Reinald disparu, soudainement, sans laisser de nouvelles. Evrard décida donc de trahir le serment qu’il avait fait de garder la terre et la sœur de son ami et suzerain, pour tenter de secourir son ami dont la dernière trace remontait dans les tumuli de Cuilleux. Poussé par l’aventure, et par le désir d’aider ainsi un homme qui me paraissait bon et droit, je décidais de lui offrir mon épée et de le suivre dans son objectif.

Après des jours d’une marche infâme dans les forêts où reposent les âmes des preux de Cuilleux, nous tombions alors sur les restes d’un charnier. Un charnier atroce, où des hommes s’étaient massacrés sauvagement. Parmi eux, un chevalier de notre terre, portant vos couleurs, votre Altesse – un chevalier que l’on nomme Jourdain, et dont les hommes portaient d’étranges clous rouillés autour de leur cou, un comme celui que je peux aujourd’hui vous montrer.
Gardant ce charnier tout récent se trouvait un homme portant un étrange harnois dépenaillé. Le fou furieux m’attaqua. Je parais ses coups. Je refusais de lui faire du mal, croyant avoir affaire à un frère d’armes déséquilibré. Il jurait qu’il gardait quelque chose, et qu’il ne pouvait laisser personne s’en emparer ; Il me blessa très gravement, et ce fut le sire de Gasconnie, Evrard, qui le tua pour sauver ma vie.

Il y avait là un campement, avec de grandes ressources, et d’étranges armes maudites qui n’ont rien à faire dans notre pays : des arbalètes automatiques, qui semblaient avoir été utilisées par des assaillants inconnus contre la sergenterie du seigneur Jourdain.

Alors que nous cherchions le seigneur Reinald au milieu de ce charnier, mes blessures commençaient à avoir raison de moi. Le seigneur Evrard était fou, désespéré à l’idée de déterrer des tombes fraîches qui avaient été creusées non loin du lieu du massacre, peut-être par les assaillants gardant ces lieux : Je dus convaincre fermement sire Evrard de ne pas déranger le repos de ces gens, et de plutôt demander l’aide du culte de Morr, d’autant plus que j’avais immédiatement besoin de l’assistance d’apothicaires, j’ai encore les cicatrices sur mon corps pour prouver mes dires, Votre Altesse.

Nous allions partir, lorsque j’entendis une voix provenant d’un des tumulus. Je crus délirer un instant. Mais je reconnaissais bien là une voix de femme, peinée, suppliciée. Je décidais d’entrer à l’intérieur, pour la soutenir.
Le tumulus était le lieu de repos d’enfants de Cuilleux, et notamment un gisant au nom d’un preux nommé Berthelemy le Sanguin.

C’est là que je découvris deux choses, Votre Altesse. Deux choses qui me firent rentrer en Aquitanie.
J’y découvrais… Margot de Ternant. La fille de Dame Loyse. »


Je faisais une pause dans ma narration tremblante et peu assurée. Je savais que le Duc en avait besoin. Et puis, j’en avais besoin également.
Devais-je révéler la… Chose, que j’avais vu sur le dos de Margot ?

Non.

« Déclarée hors-la-loi, elle avait fuit, et par un concours de circonstances, s’était retrouvée ici, tout comme moi. Elle avait été blessée par les assaillants, par un carreau d’arbalète.
Mais plus que tout, je découvrais, au milieu de ce tombeau, un… Un tableau. Une peinture.

Votre Altesse, Madame. Je vous pries de bien comprendre que j’insiste sur la véracité de mon propos. Je ne suis pas un esthète, ni un historien de l’art. Mais je vous jure, monseigneur, que j’y ai découvert la plus belle chose qu’il m’ait jamais été donné de voir de toute mon existence. J’ai vu un tableau de Nicolas Naudin, représentant notre Saint-Gilles le Breton, avant qu’il ne soit couronné. Mais là où j’aurais dû voir dans cette œuvre un magnifique tableau qui m’aurait emplit de piété, je ne découvris qu’un… Qu’un artefact qui me mettait mal à l’aise. Votre Altesse, Madame, je ne sais pas peindre – mais je suis encore capable, aujourd’hui même, de vous réciter jusqu’au plus minuscule détail de cette peinture, jusqu’à la plus petite marque sur un doigt d’un des personnages, ou un pli dans une robe, ou la forme d’un lierre. Je ne parviens pas à me sortir cette peinture du crâne, et elle m’emplit d’une chaleur étouffante. Je reste persuadé, avec tout mon cœur, et je vous en supplie, au nom de la Dame, de me croire lorsque je vous dis ça : Ce tableau est dangereux.

Margot de Ternant me fit alors une grande révélation : le sire Jourdain était un chaotique. Un serviteur du… Du Serpent. »


Là des larmes me sont montées aux yeux, alors j’ai de plus en plus de mal. Mais je continue.

« Et elle accusa le sire Reinald de Cobie – Mais pas sire Evrard – d’être également un factieux ayant pactisé avec… Avec ces démons. Et elle déclara qu’il ne fallait surtout pas qu’ils s’emparent de cette peinture, car elle ne servirait que de sombres desseins.

Je repliais la peinture, et soignait Margot du mieux que je pouvais, avant de quitter ce fichu tombeau. Je réfléchissais déjà à courir à toute vitesse vers Castel-Quenelles, pour remettre cette peinture entre les mains de la Fée Enchanteresse en personne, lorsque je fus assommé par un groupe de voyous.

Étonnamment, je me réveillais en convalescence, soigné dans un Temple de Shallya, au milieu du bourg de Derrevin. Sire Evrard était alors parti, en me laissant une lettre, que je peux vous confier, dans laquelle il m’avoua à demi-mots la trahison de son ami Reinald, comment il espérait le sauver, mais comment il fut au final convaincu de revenir dans le droit chemin et s’occuper des cultistes de Gasconnie avec ses moyens.

Ce bourg fut aussi victime du Chaos, mais pas du Serpent. Ses habitants se sont révoltés, avec l’aide de hors-la-loi, ces fameux Herrimaults qui disent agir pour la justice. Eh bien, Votre Altesse, Madame, ces gens m’ont soigné, m’ont aidé, et ont veillé sur la peinture. Ils l’ont enfermé, et m’ont dit qu’ils avaient juré eux aussi d’anéantir les forces obscures, la Déchéance qui souhaite ruiner la Bretonnie. Nombre de nobles chevaliers les ont même rejoints, malgré la bassesse de leur naissance. Votre Altesse, un des hommes forts de ce village m’a proposé de négocier avec vous ; À l’heure où nous parlons, Brandan de Maisne et sa famille assiègent cette ville, avec l’intention de la spolier, l’envahir, et occire tous ceux qui leur résisteront. Ce sont d’honnêtes gens, bons, preux, croyants, qui sont toujours fidèles à la Dame, au Roy, et à Votre Altesse, si seulement vous acceptiez d’écouter leurs propositions.

Ils me dirent de vous porter toutes ces nouvelles à votre cour. En chemin, je me suis arrêté à la demeure de Brandan, que j’ai informé de mon ambassade auprès des gens de Derrevin, mais pas de l'existence de ce tableau, que je réservais pour vous, et vous seuls. Je crois pouvoir dire, en mon opinion, que sire Brandan est un homme bon et preux, mais malheureusement, toute sa bravoure chevaleresque ne peut que se révéler cruelle envers vous et vos intérêts en cette heure : La ville de Derrevin s'est organisée, équipée, armée, notamment de ces arbalètes automatiques maudites. Une guerre entre les sires de Maisne et les gens de Derrevin ne conduira qu'à verser le sang de centaines, de milliers de gens honnêtes, pour le plus grand profit des malhonnêtes...

Il faut que ce tableau soit entre les mains des Damoiselles du Graal. L’homme fort de Derrevin qui m’a envoyé ici m’a dit qu’il acceptait bien volontiers que les servantes de la Dame viennent le récupérer, car il en va de l’intérêt de la Bretonnie toute entière. »


Et…
Et c’est tout.

Mine de rien c’est foutrement bien résumé, non ? J’en reste pantois. Hagard. Tremblant.

« Je…
C’est… C’est tout. Votre Altesse, Madame...

Je suis à présent à votre disposition. »
Modifié en dernier par [MJ] Katarin le 20 nov. 2019, 13:14, modifié 1 fois.
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Échiqueté d'or et d'azur à la bordure de gueules à la guivre de gueules halissante
Stats :
FOR 9 / END 9 / HAB 11 / CHA 15* (14) / INT 9 / INI 8** (10) / ATT 13** (15) / PAR 11** (13) / TIR 8 / NA 2 / PV 70/70
*Bonus grâce à la chevalière portée à l'auriculaire
**Malus à cause du harnois (inférieur)

État temporaire :
Compassion : +2 aux jets d'empathie (Reste une journée)
Esprit compatissant : +3 aux jets de résistance à la peur/terreur (Reste une journée)
Pompette : +1 CHA, -1 INT.
Migraine : -1 CHA
Visière épaisse : -2 aux jets de perception (Lorsque le casque est porté)

Compétences :
- Anticipation : +1 en ATT et +1 en PAR à partir du 3e round face au même ennemi
- Coup précis (1) : Malus atténué de 1 lors de la visée d'une partie précise
- Coups puissants : +1d3 de dégâts
- Coriace : Résiste à 1d3 dégâts de plus
- Dégainer l'épée : +1 en INI lors du premier round
- Parade : Valeurs de parade doublées
- Sang-froid : +1 lors d'actions réalisées sous stress
- Volonté de fer : +1 sur les tests pour résister à la peur

- Baratin : +1 pour embobiner quelqu'un à l'oral.
- Empathie : Capable, sur un test, de lire les émotions sur le visage de quelqu'un.
- Empathie animale : Capable, sur un test, de deviner les émotions d'un animal.
- Étiquette : +1 lors des interactions avec la haute société
- Humour : +1 pour divertir et amuser.
- Intrigue de cour : Capable de déceler et deviner des intrigues.
- Monte : Ne craint pas de chutes lors d'une montée normale
- Vœu de la Pureté échoué : -2 dans la résistance aux tentations terrestres

- Alphabétisé : Capable d'écrire et de lire le Bretonnien
- Art (Peinture) : Sait peindre des tableaux.
- Danse : Excellent danseur
- Héraldique : Capable de reconnaître les blasons des familles nobles, et d'en savoir plus sur eux sur un test

Équipement de combat :
- Épée bâtarde (Inférieure) : 2 mains / 23+1d10(+1d3*) / 22** (11) parade
- Lance d'arçon : 1 main / uniquement à cheval / 20+1d10(+1d3)* / 16** (8) parade / "Long" (Malus de -2 ATT pour les adversaires) / "Épuisante" (Malus de -1 d'utilisation après END/2 tours, à chaque tour, max -4) / "Percutante" (Relance du jet de dégât, meilleur résultat gardé) / "Rapide" (Malus de -2 PAR et/ou -2 HAB pour toute esquive tentée par l'adversaire) / Se brise après 4/5 utilisations
*Avec la compétence Coups puissants
**Avec la compétence Parade


Tête : 13 protection
Torse : 13 protection
Bras : 13 protection
Jambes : 8 protection

- Destrier Bretonnien (Ravel) : FOR 10 / END 13 / SAU 8 / RAP 10 / INT 9 / DOC 12 / ATT 9
Équipement divers :
3 Eo

- Un beau doublet
- Un grand manteau
- Des bottes neuves
- Une jolie écharpe

- Nourriture
- Hydromel

- Bague affichant un lion - +1 CHA

- Insigne argenté marqué du blason de Lyrie
- Pendentif monté en clou
- Un flacon à l'odeur immonde
- 3 bouteilles de tonique miraculeux
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Re: [Armand de Lyrie] Noblesse oblige

Message par [MJ] Katarin »

A plusieurs reprises, Armand et Mélaine échangèrent des regards entendus. La première fois fut à l'évocation du nom de Jourdain, la seconde à celui de Margot, la troisième à l'évocation du tableau et de son auteur.

C'est un long silence qui accueillit la déclaration du jeune chevalier de Lyrie. Il avait délivré une grande quantité d'informations, et le Duc resta songeur une poignée de secondes avant de se tourner vers Dame Mélaine.

- Margot de Ternant. Et un objet maudit. Dans une ville fortifiée de hors-la-lois. Ce n'est pas une coïncidence. Elle mijote quelque chose.

- Ne vous fustigez pas, mon Duc. Vous avez agi au mieux, en suivant vos convictions et en ayant à cœur les préceptes de la Dame. Si la fille de Loyse prépare quelque ignominie, la Dame nous donnera la force de l'arrêter.

Le duc se tourna vers Armand, plantant son regard dans le sien, pour lui demander :

- Sire Armand, quels sont les liens unissant Margot de Ternant aux habitants de la ville ? Lorsque vous avez quitté Derrevin, savez-vous s'il lui était possible d'avoir accès à cette étrange peinture, que vous dites détenue par le dirigeant actuel du bourg ? Car vous connaissiez les liens unissant ses parents au culte du Corrupteur, alors pourquoi avez-vous pris le risque de laisser cet artefact à la portée de leur héritière, dans un village de paysans qui pourraient ainsi se retrouver en danger ?

Si ses mots étaient durs, son visage ne trahissait pourtant nul courroux : au contraire, il semblait davantage animé par la curiosité afin de comprendre les actes du chevalier, que par un désir de l’accuser pour d'éventuels torts.

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Armand de Lyrie
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Re: [Armand de Lyrie] Noblesse oblige

Message par Armand de Lyrie »

J’ai levé les yeux à l’évocation du nom de Margot. J’ai regardé tout droit dans le regard du Duc, alors qu’il échange quelques mots avec la prophétesse. Puis j’ai à nouveau baissé ma tête. Et je me suis mis à être envahi par une atroce bouffée de chaleur, tandis que des sueurs froides me faisaient transpirer de la paume des mains et des aisselles.

Qu’est-ce qu’il vient de dire ?

À la question du duc, je balbutie bien sonore quelques trucs qui n’ont ni queue ni tête. Je suis abasourdi. Je panique. Je panique d’autant plus que je suis face à une Fille et un Fils bénis de mon pays. Que j’ai juré sur une relique. Que leurs paroles sont actes. Que leurs sentences sont rendues avec hargne et justesse. Qu’il n’existe pas de sous-entendu dans la justice, ni de relation équivoque.

Ils sont en train d’accuser Margot – ma Margot – d’avoir commis un crime. Ils sont en train de s’emmêler. Ils ne comprennent pas. Dame aidez-moi. Dame…
C’est eux les enfants de la Dame. Les vrais enfants de la Dame.

« Votre Altesse, je… Je n’ai... »

La nervosité augmente encore ma démangeaison. Je me gratte vivement sous les bras, violemment, au-dessus de la chemise. Je sens mon cœur rater des pulsions. J’essaye d’affronter le regard de mon suzerain, celui qui a le sang de l’Oiseau de Proie, celui qui a l’amour de notre Roy, et le Graal nageant dans ses veines ; Affronter le regard de Brandan de Maisne était malaisé, mais même ce vieux renard couturé ayant occis des hippogriffes, il avait une œillade moins lourde.

« J’ai tenté… J’ai tenté de récupérer cette peinture, je l’aie demandée à son chef, enfin, je veux dire, son homme fort, celui qui… Celui qui m’a demandé de négocier avec vous, je le jure sur la Dame – Il m’a, ‘fin, il a… Il a suggéré… Que c’était trop risqué, que seul, je pouvais être… Attaqué, par des brigands qui serviraient la Ruine. Je me suis convaincu à son opinion, et de toute manière, je ne voyais pas d'autres choix, car Derrevin possède une milice, et n'avait pas tellement de raisons de me faire confiance à moi, personnellement, dont les parents avaient également, comme vous le dites, des liens. Seules des Damoiselles du Graal seraient au-dessus de tout soupçon et pourraient prendre possession de l'oeuvre.
Mais je vous jure, Votre Altesse, que je… Sans vouloir remettre en doute, vos…

...Je ne vois pas en quoi Margot est coupable de quoi que ce soit ? »


Oui, c’est une question. Prononcée au départ comme une affirmation, mais avec un ton qui d’un coup déraille et s’élève avec mon petit « ce soit », en plus de mes sourcils qui sont obliques d’eux-même sur mon front.

« Je veux dire – Pardonnez-moi… Margot est innocente. Elle n’est pas libre de ses mouvements dans la ville de Derrevin, ce sont les sœurs d’un temple de Shallya qui l’enferment et la surveillent. Elle ne s’est trouvée en Cuilleux que sous la menace du chevalier Jourdain, c’est lui la véritable menace, lui et les gens qui l’ont envoyé jusqu’au bourg de Derrevin. C’est contre cette conspiration encore vivace que je suis venu vous prévenir ! »


Et là, poussé par un élan de je-ne-sais quoi, je me mets même à dépasser ma stature de simple suppliant en redressant mon dos, toujours agenouillé :

« Pourquoi vous trompez-vous d’ennemis, Votre Altesse ? Il faut prévenir le bon duc Huebald de la persévérance de corrompus dans son duché ! »
Modifié en dernier par [MJ] Katarin le 21 nov. 2019, 17:00, modifié 2 fois.
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Fiche : wiki-v2/doku.php?id=wiki:fiche_armand_de_lyrie
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Échiqueté d'or et d'azur à la bordure de gueules à la guivre de gueules halissante
Stats :
FOR 9 / END 9 / HAB 11 / CHA 15* (14) / INT 9 / INI 8** (10) / ATT 13** (15) / PAR 11** (13) / TIR 8 / NA 2 / PV 70/70
*Bonus grâce à la chevalière portée à l'auriculaire
**Malus à cause du harnois (inférieur)

État temporaire :
Compassion : +2 aux jets d'empathie (Reste une journée)
Esprit compatissant : +3 aux jets de résistance à la peur/terreur (Reste une journée)
Pompette : +1 CHA, -1 INT.
Migraine : -1 CHA
Visière épaisse : -2 aux jets de perception (Lorsque le casque est porté)

Compétences :
- Anticipation : +1 en ATT et +1 en PAR à partir du 3e round face au même ennemi
- Coup précis (1) : Malus atténué de 1 lors de la visée d'une partie précise
- Coups puissants : +1d3 de dégâts
- Coriace : Résiste à 1d3 dégâts de plus
- Dégainer l'épée : +1 en INI lors du premier round
- Parade : Valeurs de parade doublées
- Sang-froid : +1 lors d'actions réalisées sous stress
- Volonté de fer : +1 sur les tests pour résister à la peur

- Baratin : +1 pour embobiner quelqu'un à l'oral.
- Empathie : Capable, sur un test, de lire les émotions sur le visage de quelqu'un.
- Empathie animale : Capable, sur un test, de deviner les émotions d'un animal.
- Étiquette : +1 lors des interactions avec la haute société
- Humour : +1 pour divertir et amuser.
- Intrigue de cour : Capable de déceler et deviner des intrigues.
- Monte : Ne craint pas de chutes lors d'une montée normale
- Vœu de la Pureté échoué : -2 dans la résistance aux tentations terrestres

- Alphabétisé : Capable d'écrire et de lire le Bretonnien
- Art (Peinture) : Sait peindre des tableaux.
- Danse : Excellent danseur
- Héraldique : Capable de reconnaître les blasons des familles nobles, et d'en savoir plus sur eux sur un test

Équipement de combat :
- Épée bâtarde (Inférieure) : 2 mains / 23+1d10(+1d3*) / 22** (11) parade
- Lance d'arçon : 1 main / uniquement à cheval / 20+1d10(+1d3)* / 16** (8) parade / "Long" (Malus de -2 ATT pour les adversaires) / "Épuisante" (Malus de -1 d'utilisation après END/2 tours, à chaque tour, max -4) / "Percutante" (Relance du jet de dégât, meilleur résultat gardé) / "Rapide" (Malus de -2 PAR et/ou -2 HAB pour toute esquive tentée par l'adversaire) / Se brise après 4/5 utilisations
*Avec la compétence Coups puissants
**Avec la compétence Parade


Tête : 13 protection
Torse : 13 protection
Bras : 13 protection
Jambes : 8 protection

- Destrier Bretonnien (Ravel) : FOR 10 / END 13 / SAU 8 / RAP 10 / INT 9 / DOC 12 / ATT 9
Équipement divers :
3 Eo

- Un beau doublet
- Un grand manteau
- Des bottes neuves
- Une jolie écharpe

- Nourriture
- Hydromel

- Bague affichant un lion - +1 CHA

- Insigne argenté marqué du blason de Lyrie
- Pendentif monté en clou
- Un flacon à l'odeur immonde
- 3 bouteilles de tonique miraculeux
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