[Surcouf] Avant qu'on ne te pende...

[[MJ] The Puppet Master]

Le port de Bordeleaux, tout comme Brionne, était construit sur des ruines elfiques, mais elles étaient, en ces lieux, plus imposantes et plus étendues. Cette ville était le plus grand port de Bretonnie et celle qui, dans tout le royaume, approchait le plus de la taille d'une cité, même si elle était ceinte de hautes murailles et dominée par le donjon du Duc de Bordeleaux. Ce port possédait la plus grande flotte de guerre, car c'était par lui que transitait le commerce avec les Elfes et de nombreux autres peuples. La ville comptait des quartiers différents pour les marchands Elfes, les artisans Nains, les Estaliens, les Tiléens, et même quelques nordiques. On y trouvait les inévitables tavernes, plus ou moins louches, et les quais étaient occasionnellement le théâtre de bagarres. Les Bretonniens avaient séparé, par un mur, la cité supérieure des bas quartiers aux environs des quais, et les portes en étaient gardées par des hommes d'armes pour que le calme de la noble chevalerie bretonnienne ne fusse pas troublé par les ruffians.

Certains diront qu'il aurait eu meilleur compte de rester dans son coin sans faire de vague -un comble pour un marin- mais Dan avait des « rêves » et d'autres aspirations.
Il imaginait sans doute les choses autrement mais, ce faisant, Surcouf était sorti du bois, passant de l'ombre à la lumière, et attisant les convoitises de nombre de canailles désireuses d'augmenter leur rayon d'action et leur sphère d'influence dans le milieu du banditisme bordelin.

- Alors, alors, alors… c'est « ça », ton bateau, Surcouf ? s'était moqué son passager forcé, en posant le pied sur sa barque. Le patron a dégoupillé complet, m'est avis… M'enfin, j'espère juste qu'ça flottera assez longtemps pour me ram'ner à terre.

Il n'avait pas vraiment eu le choix ; sa barque avait été acquise à crédit, ou presque, et il devait maintenant œuvrer sans poser de question pour solder les comptes et véritablement commencer à « voler de ses propres ailes ». C'était pourquoi, cette nuit, Dan Surcouf se trouvait sur les eaux lisses du port à mener son frêle esquif à l'aveuglette en suivant les indications de ce Mahet Courtecuisse, homme à tout faire d'un parrain local, Bertan Favières, dit « le corbeau rouge ». Il n'avait pas eu de détail, bien sûr, et savait juste qu'il devait emmener Mahet le long de la grève jusqu'à la nouvelle instruction.

A Bordeleaux comme ailleurs, il était de ces personnes envers lesquelles il valait mieux ne pas avoir de dette, et Dan Surcouf ne l'ignorait pas. Pourtant, il avait fait passer son projet avant toute autre considération en espérant que sa « dépendance » soit la plus courte possible. Malheureusement, ce serait à Favières de décider du moment où l'ardoise du contrebandier serait enfin effacée…

En attendant, il devait faire contre mauvaise fortune bon cœur ; d'ailleurs n'était-il pas enfin son propre patron et seul maître à bord ? Si on excepté Courtecuisse et Favières, évidemment.

- Arrête-toi là, c'est bon.

Surcouf avait mené son embarcation à deux heures du port jusque dans une petite crique. Ils étaient partis en fin de journée alors que le soleil déclinait à l'horizon et, maintenant, la nuit était plus noire que le charbon. Le contrebandier s'inquiétait de devoir retourner à Bordeleaux dans de telles conditions à cause des nombreux récifs à fleur d'eau disséminés le long de la grève jusqu'à pas loin de dix encablures de la côte.

- Et main'nant, on attend… conclut Mahet en s'allongeant le plus confortablement qu'il put.

[Dan Surcouf]

Le Rouge-gorge était ce que l'on pouvait appeler un sloop. Long de 9m40, avec un seul mal sur lequel une voile à corne trônait, accompagnée d'un foc, avec un tout petit compartiment vers l'avant, où l'on pouvait stocker quelques marchandises ou dormir. Les sloops étaient certes à la base des bateaux de pêche et, certes, le rouge-gorge n'était-il pas le plus fringuant des navires ayant flotté sur les sept mer, mais il était fiable... et il avait aussi quelques atouts cachés dans ses manches, comme la magnifique boite à butin qui avait probablement berné bien des douaniers avant que Surcouf ne le reprenne.

Aussi le capitaine, auto-proclamé, fronça-t-il les sourcils lorsque Courtecuisse commença à railler le petit navire. Un navire, c'était la fierté d'un marin. Insulter un navire, c'était insulter son marin. Si Courtecuisse n'avait pas été un des gros bras du gars auquel il devait de l'argent, il y a longtemps qu'il aurait donné un coup de barre sans crier gare, histoire de lui envoyer la bôme dans la gueule pour la lui fermer...
-Navire... marmonna-t-il entre ses dents.
Ils arrivèrent finalement à destination. La nuit était déjà tombée... et c'était une bonne vieille nuit d'encre. Encore un truc pratique tient! Avec ces fichus récifs, le retour allait être amusant!

Suivant les consignes de ses compagnons d'infortune, Surcouf fit stopper son navire.
-Attention à la bôme. Lâcha-t-il.
Jouant avec le gouvernail, il plaça son sloop dans le sens du vent, ralentissant le rouge-gorge du même coup, mais en alignant la voile avec la coque, plaçant la bôme, donc, au centre de son axe de rotation... ce qui pouvait faire méchamment mal quand on laissait sa tête là où la bôme passait.

Il se dépêcha ensuite de relâcher le foc laissant celui-ci battre au vent, avant de descendre sa grande voile à corne, après avoir sécurisé la bôme. Ensuite, il laissa tomber la petite ancre du navire, histoire d'éviter de dériver, avant de rejoindre la proue pour sécuriser le foc.
-Qu'est-ce qu'on attend au juste?

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Entre les deux hommes, le silence durant plusieurs secondes après la question de Dan. Puis, Mahet Courtecuisse grogna son mécontentement :

- On attend, c'est tout. Et tu la fermes...

Visiblement, l'homme n'était d'humeur ni à discuter ni à rompre la monotonie de l'attente. On aurait pu croire qu'il n'était guère enchanté de la situation et n'avait qu'une hâte : que cela se termine. Ainsi, il se renfrogna dans son coin, calé du mieux possible contre le bastingage, mais le contrebandier devinait que ses yeux continuaient de le fixer avec une intensité malsaine.

La nuit était si noire qu'on confondait aisément la mer et le ciel sans en distinguer les limites. Seule la côte, encore plus sombre, se découpaient de temps à autre dans le lointain sur un fond légèrement plus clair à la faveur de faibles halos lumineux que Mannslieb et Morrslieb parvenaient à faire percer au travers des nuages.

Soudain, Surcouf sentit Mahet bouger.

- Là. cracha-t-il à l'attention du contrebandier en désignant du bras une lumière au ras de l'eau. En avant, Surcouf...

Difficile de dire à quelle distance se trouvait ce point lumineux mais il semblait à Dan qu''il "dansait" au rythme des vagues, ce qui ne pouvait signifier qu'une chose : cela provenait d'un navire. Et, effectivement, après de longues minutes de navigation, le contrebandier et son compère purent apercevoir la silhouette d'un trois mâts...

Test caché sous INT.

Impossible de voir le pavillon et de déterminer la provenance du bâtiment mais, à mesure que le voilier et ses deux occupants en approchaient, de nombreux indices laissaient à penser qu'il ne s'agissait pas d'un navire bretonnien.

Mahet leva à bout de bras une lanterne dont il cacha la lueur à plusieurs reprises selon un rythme bien défini. A cette scène, qui devait être un code à n'en point douter, la lueur sur le trois mâts répondit par un numéro comparable.

- Stop. ordonna alors Courtecuisse.

Quelques secondes plus tard, alors que le sloop se tenait encore à quelques encablures de là, Surcouf entendit des voix portées par le vent et une rapide agitation sur le trois mâts. Une bonne minute après ce bref chahut, un concert de clapotis de rames était perceptible à son oreille avertie et il vit bientôt une chaloupe approcher droit sur eux.

Mahet se leva en tenant toujours la lanterne bien haut.

Les deux coques se touchèrent et quatre hommes saisirent les taquets du plat-bord du Rouge-gorge pour maintenir les deux embarcations bord à bord. Ils étaient vêtus d'une chemise, plus vraiment blanche, faite d'un seul tenant et aux larges manches descendant jusque sur les avant-bras, surmontée d'un gilet rayé et d'une ceinture de toile sombre. Un foulard bordeaux autour du cou et un couvre-chef tricorne noir complétaient la panoplie visible depuis la position d'où Dan manœuvrait son esquif.
Rapidement, un cinquième homme, caché dans un pardessus sombre et un chapeau à larges bords, enjamba le bastingage et vint prendre place à côté de Mahet qui se tourna alors vers le contrebandier et commanda qu'ils rentrassent sur-le-champ.

- Allez, Surcouf, on met les voiles.

Puis, il souffla sa lanterne et la nuit reprit ses droits. Déjà les matelots menant la chaloupe avaient disparus dans les ténèbres d'où n'émergeait plus que le bruit de leurs rames crevant les flots.

[Dan Surcouf]

Il fallut quelques secondes à Surcouf pour remettre en place le foc et relever la grande voile, avant de remonter l'ancre. Il réorienta son navire dans le vent en donnant un peu de voile, afin d'avancer en douceur vers le lieu de rendez vous. Suivant la lueur, il finit par apercevoir le trois mats. Courtecuisse et son contact échangèrent quelques signaux lumineux, probablement afin de s'identifier les uns les autres.

Cela inquiéta un peu Surcouf. Avec la nuit d'encre, ces signaux crèveraient la pénombre aussi surement qu'un furoncle sur le nez du roy. Les gardes côtes et les pirates qui pouvaient arpenter ces eaux seraient nécessairement attiré. Il allait falloir procéder prudemment désormais, car la partie la plus délicate allait commencer. Il faudrait ralentir pour récupérer le colis. C'est là qu'ils seraient le plus vulnérable.

Aussi, lorsque Courtecuisse ordonna de stopper le navire, il ne libéra point ses voiles. Il se remis simplement face au vent, tendant au maximum son foc et sa grande voile, afin de leur donner le moins de prise au vent possible. Cela lui permettait, en cas de pépin, de repartir très vite... et dans la contrebandes, quelques secondes pouvaient parfois tout changer.

La chaloupe finit par arriver, avec à son bord cinq hommes. Surcouf nota que quatre d'entre eux portaient des tenues très uniformes... trop uniforme pour ressembler à de simples trafiquants. Le cinquième, restait toutefois le plus suspect, car c'était lui le colis. Lorsqu'on faisait appel aux services d'un contrebandier pour entrer dans une ville, c'est qu'on savait qu'une entrée classique serait problématique, car repérable. Il y avait donc une grosse anguille sous roche... mais bon, d'un autre côté, il savait à quoi il s'engageait.
-Faîtes attentions à la brôme. Lança-t-il en guise de salutation, désignant la poutre en question.

Lorsqu'il fallu repartir, Surcouf lâcha un peu ses voiles, tout en réorientant son navire dans le vent, afin de reprendre un peu de vitesse. Puis il fila tranquillement en direction de Bordeleaux. Il n'essaya pas spécialement d'en savoir plus sur son passager... il ne le gratifia que de quelques regards, afin de s'assurer que celui-ci ne posait pas de problème, préférant concentrer sa vision sur la mer, afin de repérer les récifs, récif pour lesquels d'ailleurs, il préférait aller lentement. Le Rouge-Gorge devrait pouvoir supporter une rencontre avec un récif, mais pas à pleine vitesse... et vu que les eaux pouvaient parfois se montrer assez traître, rentrer à la nage n'avait rien de potentiellement plaisant.
-Guettez la flotte. Demanda-t-il.

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Les deux passagers étaient assis en silence à l'avant du voilier. Mahet scrutait les ténèbres conformément aux recommandations de Surcouf mais l'autre, toujours drapé dans sa tenue sombre, semblait fixer le contrebandier. Tout du moins, c'était ce dont il avait l'impression car, à plusieurs reprises, il lui avait semblait voir briller ses yeux comme ceux d'un chat. Ce genre d'yeux qu'on voyait luire dans le noir avant l'attaque d'un prédateur tapis tout près.

Et cela troubla assez Surcouf pour qu'il ne visse qu'au dernier moment l'écueil qui se cachait au milieu des vagues noires...

Test de sang-froid sous INT (10) : 8 (réussite)
Test de rapidité sous INI (8) : 4 (réussite)
Test de manœuvre sous HAB (9) + navigation maritime (1) : 5 (réussite)

Heureusement, son expérience et sa lucidité permirent à Surcouf d'éviter le pire, non sans ballotter durement ses passagers qui, surpris, émirent quelques plaintes craintives durant la manœuvre.

- Bordel, Surcouf ! T'essaies de nous foutre à la baille ou quoi ?! beugla finalement Mahet en se rasseyant prudemment au fond du voilier alors qu'il avait manqué de peu de faire un tour à la mer.

L'étranger reprit également sa place, et une contenance, après avoir été chahuté de bâbord à tribord. Il ramena ses genoux contre la poitrine et y posa sa tête sur ses bras croisés.

- Fais donc un peu gaffe... On est pas des poissons, nous autres. conclut Courtecuisse.

Visiblement secoué par l'événement, l'homme de main de Favières avait perdu toute l'arrogance dont il avait fait preuve jusque-là. Sans doute venait-il de réaliser que Surcouf tenait sa vie entre ses mains.

La suite du voyage se déroula sans encombre jusqu'en vue du port de Bordeleaux.

- Tu vas aller te coller sous l'embarcadère au sud du port, compris ?

Surcouf ne put réprimer un hoquet d'étonnement ; l'endroit indiqué se trouvait être l'embarcadère principal des navires de guerre de la flotte bretonnienne !

- T'inquiètes, Surcouf : le patron a tout prévu. Contente-toi de faire c'que j'dis. Manœuvre discrètement et tout ira bien.

[Dan Surcouf]

Surcouf fut momentanément envahit par la honte lorsqu'il manqua de bousiller son sloop et de foutre tout le monde à l'eau. Toutefois, voir Courtecuisse avoir les foies et fermer sa gueule remplaça rapidement la sensation originale par une petite satisfaction très agréable.

Après quelques minutes à naviguer, ils finirent par arriver. C'est alors que Courtecuisse lui ordonna d'aller vers les quais du sud. Surcouf tiqua. C'était là où la marine militaire du royaume se trouvait. On ne faisait pas appel à un contrebandier pour entrer en douce dans une ville, en passant par l'une des zones les plus surveillée du royaume. Surcouf commençait à comprendre... cette histoire puait le sabotage ou l'espionnage.

Il lança un regard sur l'homme au manteau. Toujours aussi mystérieux. Il regarda Courtecuisse, se demandant dans quel genre de merdier son crétin de patron avait décidé de se fourrer. Il faudrait qu'il ait une discussion avec cet abruti... si son patron comptait effectivement aider à nuire aux intérêt militaires du royaume de Bretonnie, ils s'avançaient tous au devant de problème calamiteux. Et puis, merde quoi... la Bretonnie, ça restait chez lui! Il n'était certes pas un très grand admirateur du Roy, mais ils restait préférable à un laquais de l'empire ou, pire, un serviteur du chaos.

Ses yeux se posèrent à nouveau sur l'individu. Qui était-il? Pourquoi voulait-il débarquer dans le port militaire? Surcouf les chassa de son esprit. Pour le moment, il était seul en mer, face à un type dont il ne connaissait rien et un abruti, avec seulement des spéculations. Il allait falloir attendre le dernier moment, pour voir ce que Courtecuisse et son patron comptaient réellement faire avec ce type.

Il manœuvra donc le Rouge-Gorge pour approcher du port militaire, se tenant prêt à dégager de là si jamais les chose tournaient mal.

[[MJ] The Puppet Master]

Test de discrétion sous HAB (9) + manoeuvre maritime (1) : 10 (réussite de justesse)

Tiraillé entre ses réflexions sur le mystérieux « colis » qu'il transportait et l'impérieuse nécessité de passer inaperçu entre les navires militaires pour atteindre le ponton désigné sans être coulé par un boulet ou abordé par la patrouille, Surcouf passa tout proche, à plusieurs reprises, de faire remarquer ses petites manigances.

Il y avait, notamment, eu ce matelot de garde accoudé au bastingage du «Justicier de la Dame », en train de siroter une bouteille de gros rouge, qui avait cru entendre quelque chose mais, le temps qu'il attrapât sa lanterne, le petit voilier du contrebandier avait réussi à disparaître derrière un autre bâtiment amarré tout proche.

Heureusement, l'embarcadère n'était plus très loin maintenant. Une fois arrivés au bon endroit, Mahet et l'étranger grimpèrent rapidement à l'échelle de corde qui avait dû être disposée là à cet effet et atteignirent le quai imposant qui dépassait largement la voilure du Rouge-Gorge.

Une fois en haut, voyant que le contrebandier ne les avait pas suivi, l'homme de main se pencha et ordonna :

- Amène-toi, Surcouf. On n'en a pas fini avec toi...

[Dan Surcouf]

Surcouf fronça les sourcils. Il était contrebandier. Son job c'était de les amener ici par la voie des mers, pas participer à leurs conneries, surtout quand ça impliquait la marine royale. Sans compter que de base, laisser un sloop comme le sien dans un port militaire n'était pas spécialement une bonne idée. Il suffisait qu'un garde ramène sa fraise et voit son navire pour que la combine de Courtecuisse tombe à l'eau.
-Pour faire quoi? Demanda-t-il.
Ouais, à quoi pourrait-il bien servir là haut? Il était marin avant tout... sur la terre ferme, à moins qu'il s'agisse de faire des nœuds, il voyait pas à quoi il pourrait servir. A moins que Courtecuisse et son nouveau copain n'aient prévu de se débarrasser d'un témoin gênant... ce qui ne serait pas forcément une première dans le milieu.

A tout hasard, il se tint prêt à mettre les voiles... on était jamais trop prudent dans cette profession.

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- Qu'est-ce ça peut t'foutre, Surcouf ? T'as pas l'choix : l'patron t'a à sa pogne. T'peux pas t'défiler sans quoi ton rafiot et toi z'allez finir au fond d'la baie. T'as toujours pas compris ? Si j'te dis de grimper, tu grimpes ! Si j'te dis de sauter, tu sautes ! Si j'te dis de crever, tu crèves !

Mahet chuchotait (autant qu'un gaillard de sa trempe pouvait chuchoter quand il était en rogne), mais son intention était sans équivoque. Néanmoins, et mis à part le menacer encore de représailles certaines, il ne pouvait rien faire pour obliger le contrebandier à les suivre. En effet, étant maintenant monté sur le quai et Surcouf resté dans sa barque en contrebas, ce dernier avait toute latitude pour déguerpir avant que le lascar ne se risquât à le rejoindre.

Au milieu de la « discussion », une troisième voix s'éleva depuis les quais :

- Qui va là ?! demanda-t-elle avec ce ton catégorique qu'adoptait, systématiquement et traditionnellement, la garde dans ce genre de situation.

Courtecuisse se figea un instant avant de se dérider. Il laissa échapper un lourd soupir puis se retourna, oubliant Surcouf.

- Foutreries, Jehan ! Tu m'as collé les foies ! T'avises jamais de r'commencer, vu ?
- Malfé ! C'est toi l'Mahet ? C'est qu'je 'vous attendais plus ; on va v'nir me rel'ver. Faut p'us rester là maint'nant, c'est trop d'risque.
- On t'graisse assez la patte pour ça, alors t'vas rester et t'démerder pour pas qu'on vienne nous interrompre !
- Mais, bon sang, l'Mahet, comment t'veux que j'vais expliquer que je veux pas qu'on m'relève ?...

Voyant qu'il n'en démordrait pas, l'homme céda devant Courtecuisse :

- Malfé de malfé ! Allez-y donc et dépêchez d'rev'nir avant la r'lève !

Mais, déjà, l'étranger au manteau noir et Mahet s'en allait sans plus écouter, ce dernier se contentant simplement d'ajouter en montrant Surcouf :

- Garde un œil sur celui-là... J'en ai pas fini avec lui.

[Dan Surcouf]

Surcouf grognait sous sa barbe. Quel idiot ce Courtecuisse. Il l'avait prit pour qui? Pour son laquais? L'patron pouvait l'avoir à sa pogne, mais tout patron qu'il était, il restait un minable gangster de Bordeleaux... en face, c'était un Roy, disposant de l'une des meilleurs cavalerie du vieux monde, ainsi que d'une flotte militaire qui pourrait bien plus facilement faire chier Surcouf dans son travail. Alors, entre les deux, le contrebandier savait lequel il valait mieux avoir en ennemi.

Le contrebandier lança un coup d'oeil au garde. Un homme sans honneur, sans loyauté... le genre de type qui n'avait pour seul maître que l'or. En soit, Surcouf n'allait pas lui jeter la pierre... il n'était pas spécialement un parangon de vertu et en terme de loyauté, il n'en avait pas beaucoup non plus.

Essayant d'être le plus discret possible, une fois Courtecuisse et son copain partit, il interpella le garde.
-Eh!