[Leuffen] Complot à Quenelles

[[MJ] Le Sombre Garde]

Le manoir était plus grand qu'il n'en avait l'air : il fallut un peu de temps à Leuffen pour en faire le tour et bien étudier la muraille encadrant la propriété. Une ruelle pavée passait de chaque côté du mur et derrière il y avait un à pic. Mais un petit chemin de chèvre passait en dessous des murailles, donc avec un petit peu d'acrobatie il traversa ce passage difficile. Même si une pierre qui roula sous son pied à un moment critique lui fit froid dans le dos, aucun autre incident ne l'envoya ad patres. C'était assez confortable de poser ses pieds sur le sol pavé après cela et les chemins boueux des quartiers pauvres, même si de l'herbe poussait à la jointure des dalles et que quelques unes manquaient.

Le constat était simple : tout le mur était dans un état moyen à mauvais. S'il était haut et sans brèche, des plantes grimpantes couvraient presque continuellement ses faces. Toutefois, il fallait s'en méfier car lorsque Leuffen tira sur un pied pour voir, la plante s'arracha d'elle même et tomba par terre. Il n'était donc pas dit qu'elles supportent le poids d'un corps humain. À un autre endroit, un oiseau jaillit du lierre juste sous son nez, le faisant sursauter sous la surprise. Son cri moqueur le suivit pendant un bout de temps. Une autre découverte fut une poterne à droite de la propriété quand on la regardait en face. Mais si le mur était en piteux état, la porte elle était solide : du fer devait être posé entre les couches de bois et des gros clous la parsemaient. De plus, un type était installé devant, avec une pique et une brigandine. Il regarda passer Leuffen d'un œil torve et suspicieux.

Ayant fini sa visite, Leuffen se posta pour quelques heures d'attente devant la propriété. Rien d'extraordinaire ne se passa. La rue était toujours pleine de monde au fur et à mesure que la ville se réveillait pleinement. Les colonnes de gardes passaient à intervalles irréguliers. Ils semblaient déçus que Leuffen ne les attaque pas et nul doute qu'il ne leur faudrait pas grand chose pour qu'ils s'excitent. Des serviteurs et des carrosses passaient aussi sans cesse. Le seul événement notable de la matinée fut la sortie du manoir du blondinet qui l'avait agressé à la taverne. Il était accompagné de deux gardes portant le faucon d'argent sur fond de gueule en livrée. Il semblait s'éloigner à pied vers le nord. Leuffen devait prendre rapidement une décision sur la marche à suivre.

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Sur le coups, l'idée de faire le tour de la propriété du seigneur Passeguet avait parue des plus pertinentes au maître d'arme, juste pour voir si il n'y avait pas de faille béante dans le dispositif de sécurité qui lui permettrait de s'introduire dans la place... et même après, d'ailleurs : le mur qui faisait tout le tour n'était pas surveillé et s'avérait surtout rongé par le lierre à un point que même un enfant aurait pu l'escalader malgré la plante qui s'effritait au moindre contact.
Il aurait également put aller voir le garde qui veillait sur la poterne qui s'ouvrait sur le côté droit et profiter de la tranquillité de la ruelle pour s'approcher innocemment puis lui planter sa lame en travers du gosier.

Au lieu de cela, il s'était contenté de terminer son tour et d'attendre patiemment que quelque chose se passe. Que pouvait-il faire d'autre ? Bien qu'il disposa d'autres talents que de savoir fendre des crânes à coups d'épée, il n'avait rien d'un monte-en-l'air ou d'un assassin, et il imaginait mal ce qu'il aurait foutu une fois au milieu de la cour et accessoirement d'une tripotée de gardes hargneux sans doute accompagnés de molosses.
Au moins savait-il à présent où vivait sa proie ainsi qu'au moins deux façons de s'introduire discrètement chez elle, ce qui était toujours bon à prendre.
Comme il doit forcément exister quelque part un dieu pour les salopards, le maître d'arme n'eut pas à repartir bredouille : alors qu'il songeait sérieusement à aller battre comme plâtre le déviant qui s'amusait à manger autant de poissons et à en jeter les carcasses derrière chez lui (c'est à dire pile là où il avait installé sa planque), le sieur Passeguet sortit de chez lui, broche argentée au vent et talonné par deux gardes de sa maison.

Un sourire mauvais naquit enfin sur ses lèvres.

- Enfin quelque chose à ma mesure... voyons où le freluquet va me mener. Qu'il s'écarte juste un instant de se chaperons, et j'en fais mon affaire.

Et c'est ainsi que Leuffen prit le trio en filature, faisant mine de musarder et veillant à conserver au minimum deux passants ou un étal entre lui et eux. A la première occasion...

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Il s'avéra que suivre quelqu'un était profondément ennuyant. Les trois hommes marchaient d'un bon pas en ville, sans se préoccuper de ce qu'il y avait autour d'eux. Ils faillirent même renverser plusieurs fois des passants qui tardaient à sortir de leur chemin. L'un d'eux leur adressa une flopée de jurons à faire rougir un docker. Aussitôt, l'un des gardes sortit une matraque et l'abattit sur le quidam. Celui-ci la reçu en pleine tête ce qui le fit tomber au sol. Ceci n'empêcha toutefois pas le garde de continuer à le frapper, encore et encore de sa matraque. Il était tombé dans l'inconscience longtemps avant de mourir. Personne ne fit le moindre geste pour s'interposer. Une colonne de miliciens passa même devant mais un seul regard à l'homme portant les couleurs de Passeguet leur fit vite reprendre la route. Finalement, une fois l'homme mort, le garde essuya sa matraque couverte de sang sur ses habits, lui fit les poches et le trio reprit sa route.

Enfin, il apparut qu'ils étaient arrivé à destination. Ils étaient actuellement à la limite du quartier noble, devant une boutique d'orfèvre. Et là, Leuffen vit une ouverture : les deux gardes entrèrent tandis que Passeguet attendait à l'extérieur. Des cris vinrent vite à ses oreilles. Il devait agir rapidement s'il voulait profiter réellement de cette opportunité. Nul doute que quoi qu'il se passait présentement dans le magasin, ce serait bientôt terminé.

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On ne peut pas dire que cette poursuite soit l'activité la plus difficile ou la plus divertissante qui soit : le sire de Passeguet et ses gros bras ne faisaient rien pour échapper aux regards ou même pour vérifier qu'ils n'étaient pas suivis. Du reste, pourquoi l'auraient-ils fait ?
Le noble devait surement avoir des ennemis, et nul doute que de nombreux ladres en tous genres devaient avoir songé à le délester de ses biens... mais sans doute pensait-il que sa réputation ainsi que le réseau d'alliés qu'il avait dû se forger en vue de sa trahison à venir.
Pour preuve, ses porte-gourdins ne s'étaient pas retournés une seule fois (si bien que Leuffen n'avait même plus prit la peine de se cacher derrière chaque angle de maison, bien qu'il ait maintenu la distance de sécurité entre lui et eux) et n'avaient rien trouvé de mieux à faire que de tabasser à mort un quidam qui n'avait eu d'autre tort que de les avoir agonis d'injures après qu'ils l'aient bousculé.
Il en fallait davantage pour tirer une larme au maître d'arme, mais l'incident lui apprit néanmoins quelques petites choses, comme le fait que ces brutes n'avaient que peu de scrupules et que les miliciens locaux devaient sûrement avoir tellement l'habitude de fermer les yeux sur les agissements de qui était capable de leur glisser une pièce dans la pogne qu'ils devaient être devenus somnambules, à force. Enfin, le sadisme des gardes du corps était paradoxalement de bon augure : un bourreau qui officie depuis trop longtemps en vient souvent à oublier qu'il peut lui aussi souffrir.

Enfin, la patience de Leuffen fut récompensée. Au détour d'une ruelle, il trouva le sire de Passeguet seul devant la devanture d'un joaillier, en train de se curer les ongles d'un air las tandis que des cris provenant de la boutique proclamaient sans équivoque à quoi étaient occupés ses séides. Une occasion en or, à n'en point douter !

Le bretteur rentra donc un peu la tête dans les épaules et s'approcha à pas de velours de sa proie. Il savait qu'il n'aurait droit qu'à un seul essai, et que son action devrait être prompte.
Il devait compter sur le fait que comme tous les crevards imbu de pouvoir, le sire ne devait guère prêter attention à la plèbe, et que ses traits devaient avoir perdu de leur netteté dans son esprit. Leuffen ne se redressa donc et n'arma son poing que lorsqu'il fut sûr d'atteindre la tête de sa cible à la tempe pour l'assommer du premier coups.
Un simple avant-goût de ce qu'il lui réservait pour quand ils bénéficieraient d'un peu d'intimité.

L'air surpris qu'afficha le nobliau au moment où il se retourna enfin en entendant les pas du maître d'armes ralentir... et voir une salade de phalanges bien fournie lui arriver du coin de l’œil. Il émit un petit son de vessie de cuir qui se dégonfle et pivota légèrement sur lui-même avant de percuter le mur de la boutique et de s'affaler comme un pantin privé de fils. Autant pour la dignité.
L'action n'avait duré que l'espace d'un battement de coeur et nul n'avait rien vu, que ce soit dans la ruelle vide ou depuis la boutique mise à sac. Grimaçant un sourire de contentement, Leuffen massa un bref instant son poing douloureux et saisit sa victime par l'épaule avant de s'éloigner le plus vite possible. Le tout à présent était de trouver un coin tranquille sans attirer l'attention, en faisant par exemple croire qu'il ramenait vaille que vaille un ami poivrot chez lui.
Puis viendrait le temps de la causerie.

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Test d'approche (sur Hab) : 6, réussite

Test de force : 3, réussite

L'approche subreptice de Leuffen porta ses fruits : Passeguet ne se retourna qu'un dernier moment, sûr comme il l'était que personne n'oserait porter la main sur lui. Son comportement antérieur avec le manant ne le prouvait que trop bien. Tous devaient s'incliner devant lui et accomplir ses quatre volontés, ainsi en avait-il décidé et sans doute que jusqu'ici personne n'avait eu les tripes de lui prouver le contraire. Et puis qui encourrait le courroux d'un seigneur bretonnien en l'agressant ? Tous les chevaliers étaient unis par leur conscience d'être une classe supérieure, même s'ils se haïssaient entre eux.

Leuffen avait entendu une fois une histoire qui démontrait cet état de fait. Il y avait eu bataille entre deux barons bretonniens. La mêlée était violente, et par hasard plus que par dessein, un misérable gueux s'était retrouvé avec le seigneur adverse devant lui et lui tournant le dos. Il avait immédiatement blessé le cheval, mis le seigneur à terre et lui avait fait rendre l'âme. La bataille avait été gagnée peu après, du fait de la parte du général. Le manant, tout fier, était allé voir son seigneur pour lui dire qu'il était responsable de la victoire en ayant tuer le seigneur ennemi. Plutôt que de le récompenser pour son aide, son suzerain le fit juger pour avoir osé porter la main sur un noble et pendre à la suite du jugement.

Enfin, Passeguet se retrouva dans ses bras, proprement assommé. Il devait vite trouver un endroit sûr pour l'interroger car les gardes ne tarderaient pas à ressortir. Déjà les cris faiblissaient dans la boutique de l'orfèvre. Leuffen s'enfonça donc dans la ruelle qui longeait la boutique et déboucha sur la rue derrière. Celle-ci était bien plus étroite que la rue principale, et par bonheur, il s'y trouvait non loin un terrain vague envahit par les ronces. Les passants ne faisaient pas attention au maître d'arme et à sa charge, car les signes d'ivrognerie n'étaient point rares en ces lieux.

Le terrain vague était de taille moyenne, mais les arbustes qui y poussaient et les blocs de roches qui le parsemaient fournissaient toute l'intimité nécessaire pour ce que Leuffen avait en tête. Il déchira en partie ses chausses en s'enfonçant dans les ronces, mais il était désormais à l'abri et n'avait pas à craindre qu'on vint le déranger.

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Ce n'est plus à démontrer, il existe un dieu pour les crapules. Tout comme il existe un dieu pour les défenseurs de la justice, pour les guerriers et les femmes enceintes, il doit forcément exister quelque part dans les tréfonds d'un quelconque panthéon un protecteur des infâmes... sinon, comment expliquer qu'une ordure comme le seigneur de Passeguet (un parmi tant d'autres) puisse avoir impunément le droit de faire tuer ? Comment expliquer que le culte du chaos soit si prégnant dans le royaume du vertueux Sigmar ?
Comment expliquer enfin qu'une décharge de belle taille se trouva à quelques pâtés de maison à peine de l'endroit où Leuffen s'était encombré de son fardeau ?
Enfin, à lame donnée on ne regarde pas les taches de rouille, comme on dit.

Toujours est-il que le maître d'arme fut enchanté de trouver ce providentiel havre de paix parsemé de ronces, de caillasses et de débris en tous genres qui lui permettrait de se dérober aux regards des passants indifférents.
Il posa donc son invité inconscient le dos à un arbuste, et commença par lui faire les poches. Certes, il ne s'attendait pas à trouver sur lui une lettre clamant sa forfaiture ainsi que la liste complète de ses complices, mais tout serait bon à prendre, de la dague dissimulée à la bourse en passant par la chevalière. Le spadassin se mit donc à tout fouiller attentivement, en insistant particulièrement sur la doublure du gilet, l'endroit par excellence que l'on utilise lorsque l'on souhaite garder sur soi un document compromettant ou un objet de valeur.

Ensuite, il rangea soigneusement ce qu'il avait découvert dans son fourre-tout pour l'examiner à loisir plus tard et mit la main sur un vieux morceau de tissu abandonné qu'il déchira en lanières à mains nues avant de garroter solidement le triste sire avec.

Puis il émit un léger reniflement dédaigneux... et lui administra un solide coups de botte dans l'abdomen pour le réveiller en douceur. Puis il attentdit que l'autre ait fini de gémir avant de le redresser en le saisissant par le col et de lui tapoter presque amicalement la joue avec un air presque navré. Presque.

- Eh bien, messire ? On me reconnait enfin ?
Vous pourrez dire que vous m’aurez fait courir... et comme Sigmar nous l'enseigne, toute peine doit recevoir sa juste récompense. Nous allons donc discuter, vous et moi.
Et pas la peine de me sortir de longs discours sur la puissance de votre famille et de vos amis... nous sommes seuls ici, et personne ne peux vous venir en aide.
Si vous me dîtes ce que je veux savoir, je vous relâcherai et il est fort possible que nous ne nous revoyons plus jamais. Autrement, je serai dans l'obligation de me montrer plus convaincant, voire brutal.
Première question : qui est l'homme qui vous accompagnait à l'auberge, l'autre jour ?

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La fouille experte du seigneur Passeguet apporta à Leuffen une bourse garnie de pièces qu'il pourrait compter plus tard, une chevalière arborant le faucon des Passeguet, une dague décorée à la garde dorée, et une paire de gants en cuir fort bien manufacturés. Une bonne pêche pour un maître d'armes sans le sou.

Le réveil brutal de Passeguet ne fut pas du tout au gré de celui-ci. Il jura et cracha un mélange de salive et de sang à la figure de Leuffen. De toute évidence, il ne l'avait pas reconnue, jusqu'à ce que les paroles du maître d'armes le fasse réfléchir et que tout lui revint en mémoire. Le chevalier eut un rictus dédaigneux et ricana. Du sang séché croutait son bouc blond.

« Ah oui, l'importun de hier soir. J'aurais du me douter que si vous étiez prêts à écouter aux portes vous pourriez faire autre chose de stupide. M'attaquer par exemple. Mon père sera très en colère bien sûr. Même si je ne suis que son bâtard, il m'aime et n'aime pas trop que l'on attaque les siens. Mais puisque vous savez déjà ceci, passons donc à votre question. L'homme qui m'accompagnait l'autre soir était un ami à moi, un roturier comme vous mais plus intelligent, et qui travaille pour mon compte. Maintenant que j'ai satisfait votre curiosité, pourriez vous me relâcher ? J'ai fort à faire aujourd'hui et si vous me laissez partir maintenant, j'effacerais cette … conversation de ma mémoire et oublierais tout de vous. Vous pouvez même garder l'argent que vous m'avez volé, mais j'aimerais ma bague s'il vous plait. Je suis un sentimental incurable et je l'aime beaucoup. »

A aucun moment on aurait pu croire qu'il était attaché et soumis à un interrogatoire. À l'évidence, on aurait même pu penser qu'il était en situation de force.

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Le moins qu'on puisse dire, c'est que le sire de Passeguet avait des burnes... à moins qu'il ne s'agisse de stupidité pure. Ne voyait-il pas qu'il était à sa merci ? Croyait-il que son assaillant allait brusquement revenir sur sa décision par pure panique et le relâcher en espérant qu'il lui pardonnerait ? Quelle blague.
Il allait falloir rappeler qui était la proie de l'autre.
Leuffen relâcha le triste sire et essuya le crachat mêlé de sang qui maculait sa barbe avec une grimace de désappointement avant d'agiter sa poigne pour la débarrasser de la salive... et d'expédier un grand coups de genou dans la trogne.
La tête de Passeguet partit en arrière et cogna contre l'arbuste, mais le maître d'arme lui sauta dessus et le crocha à nouveau par le col avant qu'il ne s'effondre.
Le sourire torve du maître d'arme ne pouvait échapper à l'arrogant petit rat, de même que son haleine délicate fleurant bon la saucisse et le fromage corsé.

- Mauvaise réponse. On reprend : qui est le porte-couteau qui se trouvait avec toi à l'auberge.
Je veux un nom et une adresse.

L'autre ne répondit rien... mais peut-être était-il simplement en train d'essayer de ne pas s’étouffer avec le sang qui devait lui couler plus abondamment dans la gorge.
Leuffen n'avait rien d'un bourreau, et il ne savait rien des techniques savantes pour arracher des renseignements à quelqu'un. Néanmoins, durant les campagnes qu'il avait mené aux côtés des impériaux autant que des bretonniens contre les engeances du chaos, il avait eu à une ou deux reprise l'occasion de voir des répurgateurs à l’œuvre dans des villages reculés. Il avait eu l'occasion de voir plus d'un procédé franchement vomitif, mais également des choses plus instructives sur la faiblesse humaine... comme le fait qu'un homme pouvait beaucoup tenir à ses extrémités.
Le maître d'arme fit alors rouler sa victime sur le ventre, lui posa un genou sur les reins pour l'empêcher de bouger et le força à tendre l'auriculaire de la main gauche. On aurait pu alors s'attendre à une quelconque dernière sommation, mais Leuffen se contenta de tordre brusquement l'appendice en arrière jusqu'à le faire céder avec un craquement sec.

- Premier avertissement.
Ensuite je passe aux autres doigts de la main, puis je couperai ceux de l'autre.
Après je deviendrai vraiment méchant, petit sire.
Le nom et l'adresse de ton comparse, et ensuite tu me parleras de ce fameux plan pour mettre en place la prochaine tête couronnée.

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Si le coup dans la figure assomma à moitié le bâtard, le craquement de son doigt le réveilla et lui arracha un hurlement de douleur. Sa superbe s'était presque totalement envolé maintenant qu'il goûtait à une douleur physique très peu à son goût. Il haletait et c'est dans un grognement qu'il répondit. Passeguet avait compris que Leuffen ne plaisantait vraiment pas.

« Je vois que monsieur est un dur qui sait ce qu'il veut. Très bien. Comme je l'ai dit, il travaille à mon compte, mais loge présentement chez le seigneur de Cornemont. Son manoir est proche de celui de mon père. Un bouquetin de bronze sur fond noir, ça ne devrait pas trop vous poser problème monsieur l'aventurier. Quant à son nom, demandez Gontrand. Si avec ça vous ne le trouvez pas, je ne sais pas ce qu'il vous faut. Maintenant si vous voulez bien me détacher. »

Le bâtard parvint malgré la douleur à afficher un rictus disant combien il méprisait Leuffen à l'instant présent, et combien il le ferait souffrir si les positions étaient inversées.

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L'espace d'un instant, alors qu'il sentait le sire de Passeguet se tortiller sous lui de douleur à cause de son doigt à présent tordu sous un angle improbable, Leuffen crut qu'il avait enfin partie gagnée et que l'autre cesserait enfin de lui résister... peine perdue.
Sa proie commença certes à se mettre à table, mais pas sans que son visage de profil ne laissa voir un sourire narquois et que son ton puisse laisser croire qu'il avait encore un quelconque contrôle sur la situation. Qu'attendre de plus d'une ordure née avec une cuillère en argent dans la bouche ? Cela demeurait néanmoins inacceptable.
Il laissa échapper dans un souffle.

- Bon début...

Le bourreau prit alors posément la dague qu'il avait laissé à sa portée, et saisit le poignet intact de sa victime, le forçant à tendre son second auriculaire, puis prononça quelques mots pour lui laisser le temps de réaliser ce qui allait se produire.

- Mais insuffisant.

Le fer mordit dans la chair, le muscle, les tendons avec l’imprécision de la main qui n'a jamais rien eu de plus compliqué en terme de chirurgie que de retirer une flèche de la viande à vif. La lame s'enfonça à la jointure des phalanges et les sépara comme si de rien n'était, laissant le débris tomber à la merci des rats du voisinage dans un petit jet de sang que Leuffen prit soin de diriger vers l'herbe et non vers lui. Il ne manquerait plus qu'il retourne dans la rue couvert d'humeurs et que les gardes en patrouille lui tombent dessus.
Puis le maître d'arme, maintenant sa prise, fit tendre à Passeguet l'annulaire de la même main avant de s'exprimer froidement.

- Je t'ai dit de me parler du plan, petit homme, et de tes autres comparses tant qu'à faire.
Appliques-toi et ne cherche pas à me tromper, ou je risque de me lasser de tes doigts plus tôt que prévu.