Lors de la levée du corps, pas moins de cinq cinq chevaliers se chargèrent de porter la dépouille de l'ancien Seigneur, tous de vieux amis du défunt, Cyril en tête, l'air grave et solennel. Pas un ne flancha tout le long du trajet jusqu'à la crypte familiale, et pourtant le Comte Hendrick de Beaumont portait tout son équipement, y compris sa vieille épée, Foudrenterre, il pourrait ainsi servir La Dame dans l'au delà, entre deux fêtes fastueuses à sa table... Son visage avait perdu de sa pâleur cadavérique, et désormais son air apaisé presque surnaturel lui donnait presque l'air de dormir, comme si la nouvelle de sa mort n'était qu'une mauvaise blague adressée à la foule... En effet, comment la Mort elle-même pourrait-elle mettre à bas ce roc, ce monument humain, dont la lame au chant clair avait mis à bas tous ses adversaires, choses ou hommes, en passant par ces monstruosités du Chaos, tel l'horrible homme-bête dont la tête ornait désormais la Grande Salle du château ? A ses yeux, le père d'Arthur était tel que les apparence le montraient, indestructible, ou du moins il l'était aux yeux de l'enfant qu'il était alors lorsque son rire, puissant et brusque comme un coup de tonnerre, retentissait dans les murs de la demeure familiale.
Hélas, c'est un Arthur désormais adulte qui accompagnait son père au tombeau, suivit seulement des porteurs, de sa Mère et du vieux prêtre, dans les murs de pierre froide. Dans la grande pièce, le long des murs, de longues rangées de sarcophages de marbres, silencieux témoins de la grandeur de la Maison de Beaumont. Et dans un coin de la pièce, un énième sarcophage, grand ouvert et plus récent que les autres, le dernière demeure de ce Père mort trop tôt. Avec la plus grande précaution, l'on déposa la dépouille de l'homme dans le cercueil de marbre blanc, tandis que l'homme d'église déclarait les dernières prières recommandant son âme à la Dame. Les chevaliers eux assistèrent à la fin du service au garde-à-vous, lorsque celui-ci fut terminé, Cyril dégaina son arme et leva sa lame vers le ciel, avant de déclamer, fier et la voix chargée d'émotion :
-"Chevaliers, l'hommage au défunt !"
Les quatre autres hommes l'imitèrent, et l'arme au dessus du mort ils répétèrent, par trois fois, la devise des De Beaumont :
-"Hardies les âmes, et hauts les coeurs ! Trois hommages pour le guerrier !"
Après quoi ils rengainèrent leurs armes, et recouvrirent le sarcophage avec l'imposant couvercle de marbre, représentant son père vêtu de son armure les mains jointes l'épée au côté, le bruit sourd que fit l'énorme objet et prenant sa place avait quelque chose de si brutal, de si définitif, qu'un court, très court instant, quelque chose se passa dans l'esprit d'Arthur, comme si quelque chose en lui, enfin, réalisait la mort de l'homme qui fut son Père... Une sorte de "Ca y est, c'est fini, il est mort", la vérité nue, cruelle et dure, qu'il ne le reverrait plus jamais, et que c'était désormais à lui, et aux chevaliers du castel, de protéger sa famille et surtout sa Mère...
C'est alors qu'il réalisa l'absence de son frère à ses côtés, lorsqu'il s'informa auprès de Cyril celui-ci lui répondit, les dents serrées et avec un déplaisir évident, que celui-ci avait encore quelques "affaires" qui l'empêchaient, "à son grand regret" (Il comprit que cette partie venait de son frère), d'attendre à la cérémonie... Son frère était donc en train de manigancer La Dame seule savait quoi, sans doute dans le but de prouver ses droits sur l'héritage de son Père... Il allait devoir mettre les choses au point avec son frère, et vite, dans le cas contraire il ne pourrait partir de castel le coeur tranquille, car il devenait de plus en plus évident qu'ils ne feraient pas route ensemble...