[Johannes la Flèche] Combattant de la liberté

Cette cité bretonnienne est également connue sous le nom de Cité des Damnés. Au cours des quinze cents dernières années, Moussillon s’est transformée d’un petit hameau en une vaste et sordide cité. Elle est bâtie dans un endroit particulièrement hostile des rives de la rivière Grismerie. Chaque printemps, les crues balayent les bidonvilles et submergent les rues sous plus de trente centimètres d’une eau fangeuse. Le froid et l’humidité envahissent les moindres fissures : le bois pourrit et se rompt, les pierres s’effritent et les champignons recouvrent tout. Plus de la moitié des maisons de la ville sont vides, témoignage de l’épidémie de choléra d’il y a deux siècles. La ville ne s’est jamais remise de cette hécatombe et est réputée pour être la plus miséreuse de toutes les cités bretonniennes.

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[MJ] Le Faussaire
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Re: [Johannes la Flèche] Combattant de la liberté

Message par [MJ] Le Faussaire »

- "Ho, Mero c'est moi, 'dio"

Le portier fit une moue d'incompréhension avant d'entrer dans le hameau. Le prétendu chef de groupe se contenta d'inspirer, avant de reprendre :

- "Allez viens, y'a du boulot"

***
Choix du joueur, je participe à tout si possible, et j'observe les alentours dès que je peux.
Test de fouille : 18, c'est vraiment pas terrible.
Dans le village, pratiquement rien n'avait bougé - évidemment, il ne s'était passé qu'une minute ou deux. Cependant, les quelques soudards s'étaient mis en mouvement, et des sacoches ou des paniers commençaient à s'amonceler au centre de la place. Il n'y avait pas grand-chose dans chacun de ces sacs, mais ainsi accumulés, cela donnait presque l'impression de trésor ou de richesse. Ainsi s'agglutinèrent des miches de pain gris, des tissus, des cages vides, des pots, et tout un tas de babioles en bois décoloré. Le chef de groupe - c'était visiblement son rang dans tout cela - se contenta de faire le tri, assis sur un tonnelet guindé. Après quelques minutes, il se tourna vers Jean, tout en faisant un signe à ses compères.

- "Bon, faut aller chercher Bette et Pons au domaine, qui y va ?"

Quelques volontaires s'avancèrent, ainsi que Jean. Ni une ni deux, voilà que le "chef" pivota sur son siège, attrapa une breloque en ficelle, et les congédia d'un coup de tête. Le rôdeur fut alors entouré par quatre nouvelles têtes, de taille et de visage divers, chacun étant équipé d'un attirail plus ou moins usé, mais rude : il y avait là des crochets, des cordes, des masses tordues, des manches taillés en pointe, des gants épais, des vêtements matelassés.

Une fois en route, le cortège se détend petit à petit, ne formant aucun ordre de marche particulier. Le chemin qu'ils empruntèrent était lisse, sinueux, et crotté. Ils mirent bien quelques minutes - une quinzaine tout au plus - à trouver leur destination, et le périple se passa sans grande effusion. Évidemment, puisqu'il était "la nouvelle tête", les soudards ne purent s'empêcher de taquiner Johannes - enfin, Jean.

- "Hé, s'ront tous comme ça par chez toi ? Sont tous sur perches ?" fit l'un en pointant la tête du rôdeur, qui dépassait d'une coudée celle des autres.

- " T'es de quel coin pour être aussi grand, et tout bardé ?" Fit un autre en lorgnant les armes à sa ceinture et son bagage.
Réponse du joueur : "je suis du sud du duché, tout prés de la Grisemerie et du Bordeleaux."
Test d'INI : 17, raté.
Là, les soudards se turent quelques instants, et l'un d'eux buta malencontreusement son pied sur une pierre égarée. Il eut un juron, bousculant Jean d'une main avant de se redresser sans la moindre excuse.

- " Dious, qu'ess'tu caches sous tout ça ? T'as peur d'ta face ? T'as pas la varioule, hé ?", fit le premier quelques minutes plus tard, en cachant son nez et ses joues d'une main bronzée.
Réponse du joueur : "Oh c'bon les gars, on est pas là pour voir qui qu'c'est la plus belle gueule là non?"

- " Oé oé, mais t'sais, icitte y'a pas d'femme, alors t'pourra pas y faire peur. Et pis, ça sert d'à-voir ta tête, car on s'cache pas dans l'coin. Allez, fais voir !"
Réponse du joueur : "Si jamais ça insiste, je retire le masque pendant quelques secondes, histoire de leur montrer que je suis bien un humain, mais je ne vais pas plus loin."

- "Ah, ben t'a-ra pas l'varioule. C'est mieux comme ça ! C'est bon, Prudence, remets ta masque. On t'forcera pas"

Après avoir sustenté la curiosité de ses compagnons, Jean put enfin focaliser ses sens sur le terrain qu'ils traversaient. Étrangement, ses compagnons de marche n'en avaient cure, tous aussi certain d'être seuls dans ce territoire vide et délabré. Ils passèrent un champ de terre craquelée, contournèrent un creux de vase, puis une minuscule tranchée, dernière trace d'un cours d'eau asséché depuis des lunes. Enfin, ils furent en vue d'un édifice, et d'un cortège.
Test d'INT : 6, réussi.
L'édifice, semblable à une tour bancale, siégeait seul au milieu de nulle part, dressée fermement depuis le sol, bien qu'en travers. Entourée d'une plaine pâle et grumeleuse semblable à de la cendre ou de la chaux, elle avait l'air d'avoir souffert mille maux, depuis le début de sa construction jusqu'à aujourd'hui. Chose encore plus pittoresque - ou pitoyable -, les remparts de pierre qui l'entouraient était bien droits, bien que ridiculement fortifiés : les créneaux étaient arrondis à leurs sommets, comme si l'on avait cherché à faire quelque chose de joli, ou faciliter la tâche de ceux qui désireraient escalader avec un grappin.

Le cortège, quant à lui, était en train de s'éloigner de la tour, et à priori, ils avaient aperçu l'escouade de Jean. L'un d'eux, en tête de file, en profita même pour faire de grands signes dans leur direction. Ils étaient en tout et pour tout une demi-douzaine, dont deux quadrupèdes qui balançaient la tête à chaque instant. A cette distance, ils étaient des cibles faciles pour n'importe quel archer, tireur ou tirailleur, et une proie encore plus agréable pour n'importe quel cavalier - surtout qu'ils étaient tous proches des remparts, et qu'ils avaient à peine entrouvert la seule porte en vue. Mais qu'importe, d'archer ennemi, il n'y en eut aucun, et de cavalier encore moins. Les deux bêtes du cortège étaient, en effet, plus petites que des destriers, et bien moins lisses d'aspect : les oreilles hautes, la tête baissée, le col bossu, le poil dru et dressé comme de fausses épines, et les sabots qui clochent à chaque pas sur le sol. Ces mules, chargées comme elles étaient, ne peinaient pas à cause de leur labeur- Jean lui-même avait vu des créatures de ce genre portant le double ou le triple avec aise -, mais elles s'ébrouaient sans cesse et sans raison. Soudain, l'un des arrivants se mit à crier :

- " Oye-bass', demi-tour les raves ! Y'a rein p'u loin qu'icitte ! On s'est servi, on vient s'rentrer !"

- Y'a-ra juste qu'à Bette s'y cogne, et on pourra avancer. Allez, calogne !" fit un autre, battant les bêtes avec un manche.

Ainsi, Bette était le nom d'une des deux mules, et tout aussi têtue qu'elle fut, les coups de bâton finirent par rompre sa paresse. Au fur et à mesure qu'ils s'en approchaient, Jean put reconnaître certains traits parmi tous ces soudards, et le terrain qu'ils parcouraient. En effet, ces hommes avaient tous une bonne tignasse, des cheveux sales, la peau tannée, comme celle des gens qui vivent au soleil, en extérieur. Ils avaient tous des têtes épaisses, les épaules dures et rarement fines, ainsi qu'une volonté de porter des vêtements grossiers, en partie décousus ou recousus. Le terrain était quant à lui abandonné, puisqu'il y avait des ruines disséminées, mais qu'elles étaient couvertes de mousses et de poussière grasse, signe de moult années.

Là, l'un des soudards en approche se précipita vers eux, brandissant une couverture bariolée ou bien un rideau en partie plié.

- "Guettez voir s'qu'on a ram'né ! Matez la tronche de celle-là !" fit-il, en écartant les bras pour tendre le tissu.

En effet, il y avait un large symbole dessiné sur le drap, semblable à ceux que l'on trouvait sur les étendards en haut des murs d'un fort, ou au fin fond d'un champ de bataille. Cet étendard-là n'avait rien de neuf, mais malgré tout, il avait encore de la couleur. Au centre de celui-ci siégeait un bouclier coloré - un écu de noble -, avec un lys jaune sur fond rouge, et en dessous une tour sur fond blanc. De fait, cet étendard avait tout d'un emblème, d'une de ces choses qui provoque la fierté de tous ces nobles pompeux, et qui rappelle l'odeur des pigments et la pointe des aiguilles à ceux qui l'ont tissé.

- " Lui c'est Jean. Il mont' pas sa face pars'qu'il est prudent, mais il a embroché l'un des cochons d'une flèche. On l'ramène avec nous, et Deoudo débarrassera dès qu'on rentre."

Les vagabonds, désormais regroupés autour des mules et de Johannes, hochèrent du chef un à un pour le saluer - même les mules lui firent cet hommage. Et puis ils se mirent en route, à moins que le rôdeur n'ait quelque chose à dire, à faire, ou à expliquer.
<< Bah alors, qu'est-ce que tu cherches mon gars ? L'or, les femmes, le pouvoir ?
J'ai tout et plus encore dans ma baraque, viens jeter un œil !
Oh non, ce n'est pas loin, c'est au coin de la rue là-bas.
Mais attends, t'as les moyens j'espère ?

...

Oh, tu sais, on peut toujours s'arranger... >>

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Johannes La Flèche
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Re: [Johannes la Flèche] Combattant de la liberté

Message par Johannes La Flèche »

- "Ho, Mero c'est moi, 'dio"

Des barres.
Sous son foulard noir, Johannes serra de suite ses lèvres, avant de les remuer silencieusement.
Ne pas rigoler ; ne pas rigoler ; ne surtout pas éclater de rire.
Mais il était con ou quoi?
À peine entré dans la bande, voilà que le rôdeur trouvait le moyen de gaffer et de se faire remarquer! Bravo le veau!
Il semblerait que tout ce temps passé à rancir en solitaire, dans les marais du Moussillon, ne lui ait vraiment pas rendu service.
Mais...est-ce que rester avec cette bande de lascars allait lui rendre service?
Cette fois, les lèvres du bandit se figèrent, d'un coup, avant de s'affaisser sous le poids de cette sérieuse interrogation. Aussi vite qu'ils étaient venus, l'humour et la légèreté s'enfuirent de son esprit ; une sorte de gravité, maussade, froide comme désabusée - et pourtant si familière, s'empare à nouveau de son regard, de son visage et de ses pensées. Pas le temps de niaiser, plus le temps de se poser des questions: le malandrin a tout à faire. Alors il suit, sans un mot, le caïd qui l'emmène dans ce petit village miteux, avant de l'envoyer chercher on ne sait pas trop qui, on ne sait pas trop où. Mais on sait par contre en compagnie de qui il part les trouver: avec quatre putains de branquignoles.

Et vas-y que ça se disperse tranquillement dans la cambrouse pendant le trajet! à croire que même dans cette région maudite, ils se sentent en terrain conquis. Et vas-y que ça préfère discutailler! Et vas-y que ça ne surveille pas les alentours!
Heureusement que le rôdeur est là pour le faire à leur place d'ailleurs. Parce que si une meute de zombies ou de loups funestes leur arrive sur le coin de la gueule, sans crier gare, ce ne sont pas eux qui vont la voir arriver.
Le Moussillon peut abriter tant de monstres, tant d'horreurs...et ces gens n'ont même pas l'air de s'en rendre compte...
À ce moment là, Johannes doit être certainement le plus concentré du groupe, mais aussi le plus tendu.
Ses yeux, animés par l'étincelle de la méfiance, se balancent en permanence, nerveusement, entre l'horizon décrépit et les "camarades" qui se trouvent devant lui. Dans ce genre d'instants, sur le qui-vive, il se sent d'avantage prêt à décocher flèches et couteaux plutôt qu'à parler avec ses ''partenaires''. Du reste, plus le brigand les regarde, plus il les écoute parler, plus il se défie d'eux. Il faut dire aussi que ces glandus ne font rien pour dissiper les suspicions, voire même le début de mépris, qui s'insinuent dans le for intérieur du hors-la-loi ; surtout quand ils commencent à lui chercher des poux dans la tête:

"Hé, s'ront tous comme ça par chez toi ? Sont tous sur perches ?
- T'es de quel coin pour être aussi grand, et tout bardé ?
- Ouais j'viens d'ici, siffla d'un coup le malandrin, tout en scrutant les sinistres paysages qui s'étendaient devant lui, Ch'uis d'à côté d'la grosse rivière dans l'sud là.''

Si le silence qui s'abattit sur le groupe put être dérangeant pour certains, il fut un véritable moment de délivrance pour Johannes.
Enfin, ces quatre branques allaient se taire et s...
DANGER! Brutalement précipité en avant par un coup dans le dos, le sang du rôdeur ne fait qu'un tour ; ce dernier fléchit d'abord des jambes pour ne pas tomber et se rétablir, de suite après son bras gauche s'élance vers l'arrière pour agripper fermement un membre de l'agresseur, tandis que sa main droite se rue sur son couteau de chasse et le fait bondir hors de son étui ; le bandit se retourne complètement pour apercevoir sa cible avant de la poignarder.
Mais il ne se passe rien.
Il y a surtout deux hommes, immobiles, aux regards frappés de stupeur, qui se font face.
Une seconde s'écoule, muette, presque interminable, et le renégat se rend compte que son ennemi est en fait un membre du groupe, qui était derrière lui, et qui a trébuché sur une pierre au sol...

"Oye, souffla Johannes, tout en retirant doucement sa main de l'épaule du soudard, rangeant lentement son poignard, Juste, fit-il d'une voix déjà plus froide, gaffe où t'poses tes pieds hein."

Putain d'handicapé mental, pas foutu de poser un pied devant l'autre sans regarder où il les met...
Pourquoi le bretonnien avait rejoint ces bras cassés déjà?

Une fois la surprise passée, tout le monde reprit la marche dans un certain silence, pendant quelques bonnes minutes.
Les petits yeux du bandit lancèrent désormais quelques regards par dessus son épaule, très fréquemment, en plus de surveiller ces prairies et ces bois lugubres, qui se trouvaient devant et tout autour de lui.
Cependant, il semblerait que personne n'ait trop mal prit le petit incident, car voilà qu'un des voyous revient à la charge avec ses questions:

"Dious, qu'ess'tu caches sous tout ça ? T'as peur d'ta face ? T'as pas la varioule, hé ?", fit-il tout en cachant son nez et ses joues avec sa main bronzée.
-Oh c'bon les gars, répondit le bandit, à voix basse, on est pas là pour voir qui qu'c'est la plus belle gueule là non?
- Oé oé, mais t'sais, icitte y'a pas d'femme, alors t'pourra pas y faire peur. Et pis, ça sert d'à-voir ta tête, car on s'cache pas dans l'coin. Allez, fais voir !"

Johannes serra sa mâchoire, soupirant brièvement du nez. La journée risquait d'être longue.
On était en plein Moussillon, en terrain hostile, à la recherche de types peut-être disparus dans on ne sait quel endroit en ruine ; et l'objectif prioritaire, la première mission que ces couillons avaient fixée dans leurs têtes, c'était de voir le visage du hors-la-loi...
Pourquoi devoir tout le temps donner des gages comme ça? N'en avait-il pas fait assez en leur ramenant un cochon?
Et voilà que les quatre lascars s'arrêtent dans leurs marche, voilà que leurs regards curieux se tournent vers le malandrin, attendant sa réponse avec une impatience à peine contenue.
Ils purent alors voir ce dernier qui, lui aussi devenu figé, plissa d'abord des yeux, avant de porter sa main au niveau de son foulard.
Sous leurs visions excitées et indiscrètes, Johannes, en retirant son masque pendant quelques secondes, révéla une partie du si grand mystère qui, apparemment, entourait son visage.

Quoi ma gueule? Qu'est-ce qu'elle a ma gueule?

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"Ah, ben t'a-ra pas l'varioule. C'est mieux comme ça ! C'est bon, Prudence, remets ta masque. On t'forcera pas" réagit l'une des crapules, tandis que le hors-la-loi, n'ayant pas attendu son approbation, commençait déjà à le remettre, jusqu'au nez.

Après cet instant quelque peu gênant, tout le monde reprit sa place et se remit en route.
Mais encore une fois, le renégat fut le seul à scruter les environs pourrissants, les autres guignolos préférant continuer à papoter de tout et de rien.
Jusqu'à ce que l'on tombe sur le groupe chargé de fouiller le fameux domaine, avec leurs deux mules lourdement chargées aux flancs.
Les présentations furent simples et brèves, les salutations tout autant. Johannes put ainsi apercevoir ses nouveaux ''compagnons'' d'un peu plus près.
Il n'y avait plus qu'à espérer que ces six-là soient moins cons que les quatre duglands qu'il s'est coltiné à l'aller.

Alors que le petit convoi s'apprête à partir, le rôdeur pose son regard sur les tristes ruines du château et de ses dépendances. Voilà que ses yeux cherchent, observent avec insistance chaque muret défoncé, chaque créneau abimé, chaque pierre malmenée par le temps.
Ah, si à cet instant précis, tous ces vestiges auraient pu lui raconter quelque chose. Si seulement, avec ses simples coups d’œil, Johannes pourrait découvrir l'histoire et les secrets de cet endroit - et les richesses qu'il dissimule peut-être...Si seulement...il y avait un moyen...
C'est à ce moment que le brigand se rend compte qu'il se trouve face à quelque chose qui le dépasse, quelque chose qu'il ne peut pas connaître et reconnaître.
Et on ne va même pas parler de cette satanée bannière de sang-bleu de mes couilles ; ce bout de tissu est un casse tête cathayen à lui tout seul.
Oui, Johannes, avant d'être le vagabond criminel qu'il est devenu, n'est qu'un ancien paysan, un pécore inculte et analphabète.
Il sait qu'il ne sait pas, et cela il ne le sait que trop bien. Il ne peut rien apprendre de ce tas de décombres.
Alors il finit par baisser, puis détourner son regard amer de ces ruines, et part rejoindre le reste du groupe, en direction du hameau.

Les bruits de pas et de sabots se font entendre sur le chemin du retour, soulevant légèrement la poussière sur les sentiers crottés, raisonnant à travers les clairières pétrifiées qu'ils traversent. Johannes s'est posté vers l'arrière du convoi, juste derrière les deux mules, et l'étendard. Mais pas un seul instant, il ne posa ses yeux dessus, pas plus qu'il ne regarda l'horizon d'ailleurs.
Non, à la place, il se rapprocha du gus qui, plus tôt, lui a posé la question sur ses origines:

"Aye, j'vois qu't'as la gueule bien bronzée pour un mec q'traîne dans l'coin. T'es d'ici?"

Si le bandit n'est pas natif du duché maudit, il y a passé assez de temps pour savoir que quand l'orage ne tombe pas sur ce pays damné, alors c'est la grêle qui s'abat, ou bien il fait toujours un peu sombre et brumeux ; bref, ce n'est vraiment pas un endroit où l'on risque de prendre des coups de soleil, ou même de bronzer...Par contre, on peut au moins lui attribuer ça, c'est la région idéale en Bretonnie pour celui ou celle qui n'aime pas la lumière et la clarté en général.
Mais une fois ces considérations faites, et une fois que l'autre lascar aurait répondu à sa question, le brigand reviendrait alors au silence.
Il ne lui resterait plus qu'à marcher pour atteindre le village, rejoindre le reste de la bande, avant de repartir pour le nord -si tout se passerait comme prévu, à la recherche du défi, de l'aventure, de l'action et de l'argent facile, tout simplement.
Johannes "La Flèche", Hors-la-loi
Profil: For 8 | End 8 | Hab 10 | Cha 8 | Int 8 | Ini 11 | Att 9 | Par 9 | Tir 10 | NA 1 | SAN 37 | PV 8/65

"Être prévisible est une faiblesse"

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[MJ] Le Faussaire
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Re: [Johannes la Flèche] Combattant de la liberté

Message par [MJ] Le Faussaire »

- "Aye, j'vois qu't'as la gueule bien bronzée pour un mec q'traîne dans l'coin. T'es d'ici ?

- Crefiou, nooon, ça non ! Faut être marasse pour naître ici, dediou ! Nouzaut' on s'ra tous du Sud, loin-loin vers les Monts. Mais Deoudo il connaîtra mieux, il saura te dire tout s'qu'on vient. J't'a filera bien du picrasse pour discuter, mais y'a d'la marche, et Deoudo l'aimera pas qu'on marche pas droit, hé ?"

L'intonation, bien qu'interrogative, n'attendait aucune réponse sinon un hochement de tête. Alors les soudards se mirent en marche, laissant le champ libre aux mules qui tâtaient du bâton ou des mains selon le rythme qu'elles imposaient au groupe. Les ruines à peine observées laissèrent place aux champs désolés et mornes, puis au village en bord de forêt - enfin, plutôt futaie ou bosquet, vu le manque de végétation du lieu-dit. Une fois qu'ils furent intégrés au hameau, l'on rassembla toute la troupe, les récompenses et les sacs d'affaires, avant de tout charger sur les mules et quelques muletiers - des soudards désignés d'office, plus épais de corps que les autres, mais surtout plus rugueux de visage et d'esprit. Une fois que la charge à transporter fut répartie, le chef de file grimpa sur une maigre poterne, et siffla pour attirer le troupeau d'ahuris qui servaient d'habitants au hameau. Ensuite, il cria :

- "Oyez, oyez, braves gens. Vous voilà, comme le voulait l'accord, libéré de vos fers et de vos tortionnaires de toujours ! Ainsi, vos désirs sont parvenus jusqu'à vous : Vous êtes libres !"

Certains badauds eurent un frisson de joie, d'autres se regardèrent sans un mot, incertain de la suite des opérations. Là, le chef se tourna vers sa troupe, et ouvrant les bras en grand, il dit :

- " En epérant jamais vous r'voir, et que vous n'ayez jamais plus b'zoin d'nous !"

Il fit une sorte d'arabesque trafiquée - trop maladroite pour être honnête, et trop raide pour être vraie - et sauta pieds joints devant ses hommes.

- "En route, vin-dieu !"

Et alors, ils furent partis.



***



La journée défila devant les yeux du rôdeur sans un sursaut ni même un danger à l'horizon. Ils traversèrent la plaine terreuse sans faire d'histoires ni de pause, lorgnant çà et là le paysage bosselé et gras qu'ils parcouraient. Le soleil pointa son nez quelque temps après midi, mais il s'enfuit très vite derrière un nuage gris, et il ne parut dans le ciel aucune autre tache que la lune lors du crépuscule. Là, les hommes se raidirent peu à peu, portant les mains à leurs ceintures, les yeux vers l'extérieur de leur formation décousue, sans pour autant ralentir le rythme.

Malgré leurs paroles en l'air et leur attitude désinvolte, les gredins ne sortaient jamais vraiment de leur ligne, échangeant au hasard de place selon les conversations ou les envies de chacun. Ainsi l'on maintenait un ordre de marche assez grossier, mais la marche était régulière, menée fermement par ce "chef" et cette "escorte" tout aussi menaçante d'aspect qu'idiote dans ses mots. Évidemment, la moindre information divulguée par "Jean" s'était répandue à une vitesse folle au sein de la troupe, et plutôt que d'embarrasser l'intéressé sous son masque d'ombre, les soudards avaient écourté les présentations en s'échangeant les quelques détails que le rôdeur avait bien voulu partager. Dans ce même style, les brigands firent de même, lançant à la volée leurs noms et origines diverses, sans se douter qu'aucun patelin ou village annoncé n'avait de sens ni d'orthographe précise aux oreilles de Jean.

À vue de nez, ils avaient marché six heures depuis le hameau pourri, et à aucun moment ils n'avaient croisé d'autres signes de vie humaine. Le terrain s'était disloqué de temps à autre, formant quelques poches inondées ou quelques landes pâles sur quelques milles, mais jamais le terrain ne s'était envenimé ou escarpé au point d'en devenir dangereux, ou trop difficile à pratiquer. Ainsi, ce fut la nuit qui réveilla les instincts de chacun, tandis que la lune orangée les obligeait à un silence nouveau. Quelques milles plus tard, l'arrêt fut donné, et l'on monta une sorte de bivouac.

Très vite, on amassa de la tourbe, des pointes en bois, de l'herbe sèche et de l'huile, et en quelques minutes, toute l'équipe produit deux ou trois feux suffisants pour cuire ou réchauffer ce qu'ils appelaient le "dîner". Pendant que bon nombre se recueillaient au pied d'un talus - improvisant une sorte de rituel ou de prière champêtre qui n'était pas inconnue à Johannes ou au moins au Johannes d'il y a cinq ans -, d'autres sortaient des volailles d'une besace, des noix d'un sac, et du pain noir d'un autre. Les bêtes avaient été plumées à la hâte, séchées et salées autant que possible pour les conserver, mais à la lueur des flammes, on voyait bien qu'aucune d'entre elle n'était âgée ni bien nourrie.

Sans une once d'empathie, l'on décapita les poules, pressant le thorax pour extirper les quelques abats encore logés là-dedans, avant de casser les pattes et le dos pour les mettre dans un bol sur le feu.

- " Personne ne se couche avec l'drapeau, c'est clair ? S'tissu vaut plus qu'toutes nos trognes réunies.

- Si vous mouchez d'dans, j'vous colle sous Bette et Pons pendant cinq ruts."

Tous les hommes firent un signe de tête approbateur, sans vraiment être terrifié par la menace. Très vite, la soupe fut prête, et l'on s'échangea bibelots et ustensiles en bois selon l'appétit de chacun. Le portier, que Jean avait précédemment pris pour un Nain, enrôla trois autres gugusses afin de former un tour de garde. Pendant ce temps, Jean et les autres brigands discutaient à voix basse autour du feu, échangeant bouts de pain, blagues grossières entre deux racontars sur le château visité ce matin.

À la fin du repas, le chef de file - l'argousin qui l'avait récompensé pour son tir - tendit une main vers Jean tout en se levant.

- " Tiens, Jean, vin voir ici. J'aimera savoir un truc pour d'main."

Une fois à l'écart de la troupe, Deoudo croisa les bras et se tourna vers l'horizon, sous l’œil dubitatif des "gardes" postés.

- " Avant d't'amener aux z'aut' de d'main, j'veux savoir. Pourquoi t'es là ? C'est quoi ton but dans s'foutoir ? T'hésite pas être honnête hein, j'suis pas là pour t'rosser ou t'corriger."

Il marqua une pause, puis reprit en disant calmement :

- Nous on va vers l'Nord, r'joindre nos gars et ensuite on file au-d'là de s'trou maudit. Toi, t'as d'bons bras, d'bonnes guibolles, alors j'veux savoir s'qui t'faut ou s'que tu cherches ici."
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<< Bah alors, qu'est-ce que tu cherches mon gars ? L'or, les femmes, le pouvoir ?
J'ai tout et plus encore dans ma baraque, viens jeter un œil !
Oh non, ce n'est pas loin, c'est au coin de la rue là-bas.
Mais attends, t'as les moyens j'espère ?

...

Oh, tu sais, on peut toujours s'arranger... >>

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Re: [Johannes la Flèche] Combattant de la liberté

Message par Johannes La Flèche »

Au beau milieu du soir, le regard de Jean, face à ce curieux caïd, s'échappe dans le vide pendant quelques secondes ; le temps qu'il lui parle sans détour.
À vrai dire, cette grande ombre, si rôdeuse et mystérieuse aux yeux des autres, n'avait pas de plan particulier en tête ; elle avait une certaine expérience, des ressentis plus ou moins muets...mais pas de projet, pas d'objectif...Jusqu'à maintenant.
Après que l'argousin eut terminé de parler, deux petites secondes de silence s'imposèrent d'elles mêmes, planant sur les ombres qui entouraient ces deux hommes. Alors le bandit se tourna, et redirigea ses petits yeux dans ceux du voyou.
Derrière l'épais foulard, sous la longue capuche, Deoudo pouvait peut-être discerner un visage froid, presque mortifié, ainsi que deux prunelles à l'expression austère ; mais au fond de ces fameuses prunelles vertes -Deoudo pouvait le jurer, il y brillait une étrange lueur, une sorte de flammèche presque pétillante, qui trahissait toute l'attention que Jean lui portait à cet instant.
Alors ce dernier finit par s'exprimer, d'une voix à la fois grave et calme, aussi sérieux qu'une Damoiselle du Graal:

"Bah, ch'uis là pour oublier ma vie d'avant...et deux-troiz'ôt' trucs.
Mais ch'crois aussi qu'la Bretonnie, d'l'ôt côté là, c'est d'la gross'merde.
Donc le f'rez trés bien sans moi vôt' p'tit voyage ; va falloir qu'on s'sépare...
S'te d'range pas, j'pionce ici c'soir et j'me casse d'main matin.''


Si le chef de bande n'avait rien d'autre à lui dire, Johannes le laisserait, et partirait se rapprocher du feu.
Il s'y frotterait un peu les mains, avant de sortir sa couverture de son sac, la déployant au sol dans un grand mouvement, et, sous le regard complètement indifférent de Mannslieb, il répondrait peut-être, laconiquement, aux paroles de ses ''camarades'' d'un jour, mais sans plus ;
la fatigue et le sommeil l'achèveront à coup sûr.
Si la nuit se passait dans le calme, si les arbres et les astres n'entendraient, dans les ténèbres, que des ronflements et le crépitement du bivouac, alors dés les premières lueurs du jour, le malandrin rempaquèterait toutes ses affaires. Après des adieux rapides à Deoudo -et aux quelques clampins qui se seraient levés à cette bonne heure, Johannes quitterait enfin ces bandits lurons.
Traversant les champs pourrissants, longeant l'orée des bosquets lugubres, le rôdeur se déciderait à rebrousser chemin, retournant vers l'intérieur du Moussillon.

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Un autre aventurier se serait peut-être étonné d'une telle décision ; car il est vrai que s'enfoncer, tout seul, dans un pays manifestement corrompu et sordide, peut apparaître comme un choix contre-intuitif, dépourvu de bon sens, et potentiellement mortel...
Mais il y aurait plusieurs raisons à cette décision et à ce départ pour le brigand.
Bien sûr, il y avait les aspects pratico-pratiques. Pour avoir un peu voyagé ces dernières années, Johannes trouvait que cette sinistre région lui rappelait -très grossièrement, les Principautés Frontalières ; ici, pas d'autorité centrale, pas de roy et de sang-bleus pour créer des lois, donc pas vraiment de chevaliers et de gendarmes pour les faire appliquer, contrairement au reste du royaume.
Johannes l'aura compris assez vite: tant qu'il resterait dans ce Duché Damné, personne ne viendrait le pourchasser au nom de la Loi, ce qui lui donnait une certaine marge de manœuvre.
Toutefois, un autre motif avait joué dans son choix ; mais celui-ci était peut-être moins avouable...
Cela peut paraître étrange -voire même dérangeant pour un bretonnien lambda, qui vit sous des cieux plus cléments, dans les campagnes du Quenelles, ou bien dans l'arrière-pays Couronnois ; mais quand on arpente le Moussillon, on s'y fait, peu à peu. À force de rôder dans ce Duché Maudit, à force de côtoyer la Mort, la Corruption, le Désespoir et la Pourriture, le bandit a finit par s'y habituer. Les marais brumeux ; les bois enténébrés ; les cadavres réanimés ; les châteaux hantés ; les villages miséreux, habités par des paysans difformes, à moitié mutants: tout ceci est devenu presque "normal" à ses yeux.
Finalement, à quoi bon s'échapper de ce trou? Pourquoi vouloir troquer des zombis et des monstres contre des paladins zélés et des chasseurs de primes -qui l'attendent de l'autre côté du Cordon Sanitaire? Le voyou masqué ne se faisait pas d'illusion, il n'arrivait plus à faire la différence.
Pour lui, l'herbe de Bretonnie n'est pas plus verte que cette fange moussillonaise qui est en train d'encrasser ses bottes.
À la fin, le résultat resterait le même...que le malandrin soit seul, ou bien au sein d'une bande...

Ce serait là l'autre raison de son départ. Le hors-la-loi avait probablement placé trop d'exigence et d'attentes dans ces soudards.
Au cours de sa brève "intégration" de la veille, il avait très vite déchanté face à leurs gamineries ; pourtant, à la limite, ces petites plaisanteries frivoles n'étaient pas le plus gros problème, et il s'y serait peut-être habitué au fil du temps.
Non, c'était plutôt le fait qu'ils veuillent sortir du duché qui avait été le principal obstacle, le plus gros clou, planté sur le cercueil de leur coopération.
Et au final, après avoir longtemps erré, seul, dans des marécages et des forêts nébuleuses, Johannes s'était presque forcé, d'un coup, à plonger tête la première dans une vie de groupe qu'il n'avait jamais vraiment apprécié auparavant. Comme dirait l'autre: chassez le naturel, il revient au galop.
Camaraderie et Promiscuité restent deux étrangères pour le rôdeur, inconnues, voire menaçantes ; tandis que la Solitude est une compagne désirée, qu'il faut chérir et garder auprès de soi, car elle engendre l'Indépendance.
Après ce qu'elle a vu la veille, l'ombre encapuchonnée ne croit pas vraiment à la force du groupe, rechigne à se reposer sur autrui en général, et pense que la sécurité du nombre est une illusion trompeuse, car l'ennemi est parfois bien plus proche qu'on ne le pense...
Dorénavant, elle compterait sur sa ruse, sa débrouille, sa discrétion et son équipement, pour compenser l'absence de "compagnons".

Toutefois, il ne faudrait pas se tromper ; car si Johannes s'enfoncerait dans ces terres de cauchemars, ce ne serait pas pour se morfondre dans un marasme solitaire, né d'une saute d'humeur, ou bien dans une sorte de désespoir lamentable et apathique. Non.
Le rôdeur est là pour la gagne, l'appât du gain, ainsi que pour satisfaire une curiosité peut-être mal placée, principalement...
Aussi curieux que cela pourrait paraître, cet obscur malandrin serait persuadé de pouvoir trouver quelque chose d'exceptionnel dans cette contrée pourrissante. Des mots: un nom et une phrase en particulier, seraient restés tapis dans un coin de son esprit, et résonneraient, de temps à autre, dans ses pensées.

"Daffaloi"

- "Personne ne se couche avec l'drapeau, c'est clair ? S'tissu vaut plus qu'toutes nos trognes réunies."

Il n'était pas si étonnant que les sang-bleus cachent leurs richesses et leurs reliques dans leurs donjons, et particulièrement dans ce duché croulant... Il fallait juste persévérer, et se donner les moyens de les retrouver.
Si la bande à Deoudo arrivait à trouver une bannière en fouillant un château en ruine, alors qu'est-ce qui empêcherait le hors-la-loi d'y arriver aussi?
Et s'il réussirait à découvrir ce genre d'objet, que ce soit un ancien emblème, ou même un artefact aux propriétés mystérieuses, il gagnerait sûrement plus d'argent -ou de pouvoir, en ce seul moment, qu'en toute une année de rapines et de brigandages sur les routes de Bretonnie.
Alors oui, Johannes resterait dans cette contrée maudite, il irait s'acharner dans cette fosse à merde ; mais il était convaincu qu'en fouillant dans tout ce merdier, il finirait bien par trouver un grand joyau, ou quelque chose de puissant, quitte à se salir les mains...

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Ainsi donc, si tout se passerait comme prévu, si son petit trajet se déroulerait sans encombres, le truand masqué retournerait au hameau miteux de la veille. Une fois arrivé sur place, il demanderait quelques renseignements aux paysans, que ce soit sur la région en général, sur des endroits ou des sites en particulier, ou bien encore sur ces fameux "Daffaloi". Si nécessaire, et connaissant la nature méfiante des cul-terreux du coin, le bandit serait même prêt à débourser quelques piécettes de cuivre pour délier les langues.
Avec un peu de chance, peut-être même que quelqu'un dans le lot saurait lui expliquer l'héraldique qu'arborait son "bouclier", cet écu dégradé que la grande ombre, dans une pointe de curiosité, avait jugée bon de prendre la veille.
À partir de là, elle ferait avec les informations...ou le manque d'informations qu'elle aurait trouvé.
Johannes "La Flèche", Hors-la-loi
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[MJ] Le Faussaire
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Re: [Johannes la Flèche] Combattant de la liberté

Message par [MJ] Le Faussaire »

- " ... S'te dérange pas, j'pionce ici c'soir et j'me casse d'main matin".

À cet instant, Deoudo tourna la tête, et ne parut ni fâché ni triste. Au contraire, il souriait.

- "Bien."

Il tapa deux fois sur l'épaule du rôdeur, comme pour signaler son approbation.

- "Si jamais t'en as marre des pieds-bots et des lieux pourris, monte au Nord, et trouve-nous. T'es-s'ra t'jours le benvenu. T'es libre, t'entends ? Libre comme nous, et c'est pas nouzaut' qu'allons t'l'enlever."

Il fit demi-tour, et alors qu'il allait enfin lâcher le rôdeur, il termina son geste d'un mouvement de tête rieur :

- "Faudra quand même qu'tu mont' ta tête pour qu'on te r'connaisse, hein ?"

Et sur ces mots, Jean fut tranquille pour le reste de la soirée. Les soudards avaient rallongé le repas autant que possible, et même si des gardes avaient été désignés et un roulement organisé, cela n'empêcha pas certains de grappiller quelques minutes de plus en jouant aux dés ou en murmurant quelques chansons au coin du feu.

- " Vedetz la sicolano ...

Vedetz, la sicolaano ...

Quan s'ei virat de costat ...

La lutz qué l'a truversaat ...



***


Au petit matin, Jean se réveilla en même temps que la troupe. Tous ces "clampins" étaient peut-être bas de plafond - physiquement et psychologiquement -, ils n'en étaient pas fainéants pour autant. Ainsi, dès les premières lueurs du jour, toute la troupe se mit en branle, enroulant les bardas, renversant et balayant les cendres aux quatre vents, chargeant les mules et les dos durs, tandis que le rôdeur ficelait ses affaires. Certains aidèrent même le rôdeur dans sa hâte, comme si le départ de ce dernier ne changeait rien à leur humeur ou leurs habitudes. Nul repas ne fut organisé pour le départ de Jean, ni pour la journée qui commençait - après tout, qui d'autre que des nobles pouvaient avoir le luxe de manger plus d'un ou deux repas par jour en Mousillon ? De plus, lorsque le départ fut donné, Jean fut le dernier à se mettre en marche - en sens contraire, certes, mais en marche.

Lui qui avait tant voyagé et tant erré dans les bosquets glabres et les marais puants, voilà qu'il rebroussait chemin, entre les bosses de terre stérile et lisse, les poches d'eau saumâtre, ou encore le ciel morne et désolant. Désormais seul, Jean découvrit alors la sensation de déjà-vu, puisque c'était bien là la première fois qu'il rebroussait chemin, et la première fois aussi qu'il reconnaissait un ou plusieurs lieux déjà traversés. Ainsi, la journée défila en sens inverse, et ce fut la pluie qui cueillit le rôdeur lorsqu'il arriva en vue du hameau.

Là, les bêtes hommes - et femmes - sarclaient et bêchaient un terrain graveleux, sillonné par les eaux et les pas de chacun, et lorsque ceux-ci remarquèrent l'avancée du rôdeur, ils volèrent en bande, fuyant la haute silhouette encapuchonnée qui revenait sur ses pas. Malgré leur avantage certain en cas de conflit, aucun paysan n'osa menacer Jean, ni même le regarder d'un air méfiant. Lorsque Jean arriva à l'entrée du hameau, il trouva une porte entrebâillée, et au-delà de celle-ci, une foule cloîtrée sous un préau branlant.

- " Qu'ess' vous voulez ? 'a p'u rein ici, z'avez tout pris. On est lib' maint'nan, nan ? S'vous qu'l'avez dit hier !"

Tel du bétail affolé, les villageois lorgnaient chaque recoin et chaque mouvement, montrant clairement qu'ils fuiraient à la moindre menace, et que la masse qu'ils formaient à l'heure actuelle imploserait au moindre signe d'agression. Cependant, si Jean savait au moins quelque chose sur ces gens, c'était parce qu'il avait déjà fouillé leurs demeures, leur taudis qu'ils appelaient grange, et les bacs troués qu'ils appelaient "réserve". Il savait qu'il n'y avait rien dans ce hameau, hormis des gens affamés, déformés et apeurés par tout et rien.

- " C'est l'château ça. C'est l'emblème qui z'ont là-bas, mais si vouz'êtes là, c'est qu'ici c'est p'u à eux ! Ici c'est pu chez d'Affaloi, alors partez ! Partez, et gardez vot'écu ! D'affreloi y'est p'u !"

Très vite, il se dirigea donc vers son véritable but : le tas de roche qui ressemblait à un château. Après une bonne demi-heure à déambuler sous la pluie, il arriva enfin aux portes du lieu-dit. Comme la dernière fois, l'endroit était désert, vide de toute vie, et sans la moindre trace extérieure d'entretien. La plaine qui entourait l'édifice s'était changée en mélasse, tandis que la tour bancale n'était devenue qu'une chose grise et tordue - exactement comme les gens du hameau. Les ruines alentour apparaissaient et disparaissaient au fur et à mesure qu'il approchait du mur d'enceinte, lui rappelant malgré la fatigue et l'ombre grandissante que oui, il avançait.

Arrivé devant la porte principale, il put enfin jauger l'endroit : les murs n'étaient droits qu'en apparence, ils étaient hauts mais inclinés bizarrement, et puis il n'y avait aucune herse, et enfin, la tour centrale semblait se pencher dangereusement vers lui. Il y avait en tout et pour tout une dizaine d'endroits où l'on pouvait nouer un grappin, une échelle ou une pique pour escalader le rempart, mais encore une fois, la porte principale n'était ni verrouillée ni fermée. Après autant de marche, c'était là une invitation à entrer des plus évidentes. C'en était presque trop facile, trop évident.

Une fois à l'intérieur des murs, Jean n'était toujours pas à l'abri du vent ou de la pluie. La cour était assez peu couverte, et le temps avait visiblement été peu clément avec quoi que ce soit en ces lieux. Les poternes étaient pliées, le bois rongé, la pierre craquelée, le ciment fendu, le fer rouillé, le sol jonché de tout type de fragment. Longer les murs amenait une seule question au visage du rôdeur : comment un tel lieu pouvait-il tenir debout ? L'endroit était à priori à l'abandon, et même si l'on apercevait des traces d'entretien, elles étaient infimes par rapport à l'absurdité de l'usure globale. Alors, seulement alors, Johannes tomba nez à nez avec un signe de vie. Enfin, presque.

Dans ce qui avait certainement été un préau pour chevaux ou une extension d'écurie, un individu gisait sur le dos, étalé comme un ivrogne endormi, les pieds dans la glaise et la tête sur le gravier. En s'approchant pour mieux l'observer - ou bien pour se réfugier temporairement de la pluie battante - le rôdeur remarqua enfin un détail anormal : la gorge de l'ivrogne était ouverte, coupée par un unique sillon large et profond, et l'eau saumâtre semblait lui inonder le gosier. Ainsi, il gisait là, les yeux clos, maigre comme Jean, la bouche et le cou à jamais ouvert dans un double cri silencieux. Le pire dans cette situation, c'est que plus Johannes regardait le cadavre, plus il en découvrait des détails macabres. La peau huileuse et transparente par endroits, le crâne aplati, les mains bouffies, les souliers tendus comme des ballons, les dents cassées, les marques, ...

Cette scène anodine ayant très vite tourné au macabre, le rôdeur eut besoin de quelques minutes pour reprendre ses esprits. Cela faisait si longtemps qu'il n'avait pas croisé un signe de vie que voir un mort l'avait pris au dépourvu, tout en lui retournant subitement les entrailles. Une fois remis de ses émotions soudaines, il ne lui restait plus qu'à inspecter la tour centrale, et à découvrir si les soudards avaient pillé l'endroit ou non.

Une fois au sec, il fut accueilli par un tapis - ou plutôt une moquette - épais et gluant, fait de longs poils plus ou moins décolorés. Le rez-de-chaussée était ainsi formé de trois pièces aux portes éventrées, et d'un unique escalier de bois épousant la forme des murs. À cet étage, rien d'intéressant, hormis des serfs étalés par terre, abattus par quelques coups de masse ou quelque soupière en fonte. Le peu de nourriture était jaunie, couverte par la poussière ou de rares mais récentes taches de sang. Aucun soin n'avait été apporté aux serfs, hormis celui de leur fermer les yeux après leur dernier acte : celui-là avait un pied retourné, celui-ci un œil enfoncé dans le crâne, et celui-ci avait cuit en partie, sans doute après avoir atterri sur l'un des fours désormais froids. Les autres salles n'étaient qu'un dortoir pour trois couvert de suie et de poussière brune, et une remise vide de tout. Enfin, se dirigeant vers les étages, il remarqua une ombre sur le mur, de la forme d'un bouclier. Sans doute avait-on entreposé là un écu ou bien un pavois, et sans doute s'en était-on servi ou séparé pour une raison ou une autre.

Au premier étage, au-delà d'un homme d'armes éventré et d'un autre pendu par les pieds à une rambarde, un unique salon avait été dévalisé. Rien n'avait été épargné. Il n'y avait que le sol jonché par des fragments de vaisselle acérés, l'argenterie plus que rouillée, des bris de verre, des échardes en bois, ainsi qu'une longue table bancale, prête à tomber planche par planche. L'odeur d'air vicié et de tripes lui agrippa alors le visage, et ne le lâcha plus jusqu'à la nuit tombée.

Au second étage, une sorte de lieu de vie avait subi le même sort, bien que cette fois l'on y ait réuni une demi-douzaine de cadavres. A priori, une rixe avait eu lieu à cet endroit puisque des armes trônaient sur des meubles craquelés, des lames gisaient encore entre deux planches fendues, quand il ne s'agissait pas tout simplement d'un gourdin délaissé à proximité d'une évidente victime. Les corps étaient tous habillés de la même manière - c'est-à-dire à la manière noble, avec des tissus vétustes et usés -, tandis qu'un bureau central semblait être le seul rescapé de cette boucherie. Le sang s'était répandu et séché depuis longtemps désormais, et Johannes put ainsi enjamber les morts sans problème, afin de fouiller le mystérieux meuble survivant.

Sur ce dernier, après avoir repoussé un mort aux yeux asymétriques et au menton très pointu, il découvrit des lettres, de la cire et des pots d'encre renversés. A l'intérieur des tiroirs, la même chose, bien que cette fois, les documents furent accompagnés de petits couteaux stylisés, de plaquettes de couleur friable, de ficelles dorées et de tout un rayonnage de plumes, de tampons en bois et de rubans étonnamment propres et neufs. Malheureusement pour lui, Johannes ne savait ni lire ni écrire, alors toute cette paperasse n'avait actuellement que peu de valeur - à moins de trouver quelques astuces pour déchiffrer ces gribouillis d'encre et de couleur.

Enfin, il arriva au dernier étage de la tour, le plus haut, mais aussi le plus penché. A cette altitude, chaque mouvement brusque se répercutait sous ses pieds, car les planches grinçaient à chaque sursaut, les pierres branlantes glissaient au moindre choc, et parfois même, des courants d'air s'infiltraient et déplaçaient le sommet de la tour. Cependant, au-dessus de sa tête et avant le plafond, se trouvait une grande barre en bois, suspendue par des chaînettes en fer noir. La barre était si longue et si droite que l'on aurait pu y accrocher des draps entiers, des rideaux ou une voile de navire, ou ... Ou un étendard.

Qu'à cela ne tienne, chaque salle de cet étage était une chambre plus ou moins arrangée, avec son lot de visions macabres et traces de lutte. Dans la première, trois marmots avaient été égorgés, puis alignés comme des fagots de blés. Dans la seconde, deux femmes et un bossu avaient été alignés, les premières s'étant battues au point de se plier les coudes et les doigts dans le mauvais sens, tandis que le bossu avait eu la bosse écrasée par quelque poids ou quelque impact répété. Les femmes avaient des anneaux et des bijoux, mais les coups de masse avaient visiblement éparpillés ou brisé les joyaux, avant de rompre os et ongles à l'unisson. Dans la dernière chambre, la plus grande et la plus stable, un homme avait trouvé son dernier repos, bien que son visage trahissait une agonie abominable.

En effet, contrairement aux autres qui avaient les yeux fermés, le corps allongé sur le sol et le visage relativement calme, celui-là avait eu moins de chance. Dans cette chambre mieux lotie que les autres, avec un grand lit à baldaquin, un tapis gris et touffu, et quelque lustre et lampions métalliques, on l'avait accroché à une armoire en bois, non pas comme un voile ou un costume sale, mais comme un tableau ou un écriteau. En effet, l'individu avait les mains et les pieds cloués aux portes de l'armoire, chaque extrémité de ses membres ayant été perforée par une pointe en bois semblable à n'importe quelle pointe de charpentier ou carreau d'arbalète un peu épais. De plus, le brave avait subi moult sévices, puisqu'il lui manquait des dents, une de ses pommettes avait bleui, plusieurs mèches de cheveux jonchaient le sol, et nombre de ses poches et vêtements avaient été déchirés. Ainsi crucifié, l'individu avait ainsi été mis à mort d'une manière singulière, même si une telle mise en scène rappelait quelque chose au rôdeur - comme s'il redécouvrait quelque chose, ou comme s'il reconnaissait quelque chose dans cette méthode. Quelque chose qui le ramenait à son enfance, à un culte qu'il avait renié depuis longtemps, depuis qu'il n'était plus chasseur ou paysan...

Quoi qu'il en fut, ce fut la nuit qui pointa le bout de son nez à la fenêtre des chambres, et puisque la pluie ne cessait point et que le nez de Johannes continuait de suinter, le rôdeur fut bien obligé de trouver un coin pour se reposer au sec.



***


Quelle que soit la cachette ou la manière qui permit au rôdeur de trouver un peu de repos, ce fut un cri répété qui l'arracha des bras de Morr.

- "Ohé ! OHÉ ! Y'A QUELQU'UN ?!

Après quelques instants, la voix reprit :

- "AH C'EST BEN MA VEINE DE TROUVER UN LIEU DANS S'MERDIER ! OHÉ ! OHÉ, DEBOUT LES MORTS ! OHÉÉÉÉÉÉÉ !"


Résumé des jets :

Test de CHA pour interroger les paysans - 18. Ils sont terrifiés par ta présence. C'est sans doute dû au fait que tu dépasse les 1m90, alors qu'eux ne font qu'un misérable 1m60 de moyenne.

Test d'END pour résister aux intempéries - 18, aïe. Le nez qui coule.
Test de fouille - l'extérieur : 13, pas terrible. La pluie te gêne, l'eau a tout mélangé, c'est un bourbier.

Test de SAN devant le premier corps - 48, dommage.
Test d'INT en réaction - 4, tu perds donc 3 de SAN. Tu passes à 40, tu peux le marquer dans ta signature.

Test de fouille - rez-de-chaussée : 14, décidément !
Test de fouille - 1er étage : 17. Rien à première vue, même avec tes bonus. Juste de la paperasse et des trucs de gens qui savent lire ou écrire.
Test de fouille - 2e étage : 12. Ranald t'en veux, j'imagine...

Test de SAN pour le 2e étage - 63, aïe. La panique revient, les sueurs, la nausée, la claustrophobie ou la sensation de déséquilibre ... Je te laisse interpréter, vu que tu es seul.

Tu passes à 37 de SAN.
Je te l'annonce tout de suite, puisque tu as choisi mes règles de folie : Au cas où tu ne serais pas très regardant vis-à-vis de la dignité d'autrui, faire mal est désormais quelque chose qui t'intrigue. Le sadisme, tout ça ...

Test d'INT : résultat secret.

Test d'END pour la nuit : 14, t'as connu mieux, vraiment. Tu couves quelque chose à cause de cette satané pluie. Un rhume, une grippe, un truc du genre.

Test d'INT : 5, tu entends quelque chose distinctement, et cela te réveille.
<< Bah alors, qu'est-ce que tu cherches mon gars ? L'or, les femmes, le pouvoir ?
J'ai tout et plus encore dans ma baraque, viens jeter un œil !
Oh non, ce n'est pas loin, c'est au coin de la rue là-bas.
Mais attends, t'as les moyens j'espère ?

...

Oh, tu sais, on peut toujours s'arranger... >>

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Johannes La Flèche
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Re: [Johannes la Flèche] Combattant de la liberté

Message par Johannes La Flèche »

Une grande ombre surgit d'un coup, arc en main, à l'entrée principale de cette tour si grisâtre.
Deux petits yeux, animés d'un vert plutôt terni, voire vitreux, balayent désormais le rez-de-chaussée avec une certaine méfiance.
Des morts éparpillés, des restes de nourriture fétides, du sang séché, des murs de pierre pourrissants, et des meubles bien trop fêlés: tout indiquait que la Déchéance s'était emparée de ces lieux ; tout indiquait qu'il n'y avait plus rien à tirer de cet endroit, plus rien à faire ou à espérer.
Et pourtant, quelques secondes plus tard, on entend des bruits de pas qui se veulent furtifs, qui frôlent les parois, à moitié étouffés par une moquette, mais qui raisonnent quand même dans l'endroit, lui redonnant discrètement un semblant de vie et d'animation.
Malgré la pénombre envahissante, malgré l'atmosphère pesante et morbide, on pouvait entrevoir une obscure silhouette, se faufilant tantôt dans un couloir glauque, tantôt dans une salle en ruine. Ses grands pas la faisaient passer rapidement d'une pièce à l'autre, tandis que ses mains fouillaient le mobilier poussiéreux, ou bien palpaient silencieusement les cadavres, à la recherche du moindre objet de valeur.
Mais rien n'atterrit entre ses doigts, étrangement, sinon quelques cendres et débris, aussitôt dispersés dans le vide.
Alors, au bout de quelques instants, ce fantôme encapuché se redirigea vers d'anciens escaliers, avant d'en monter les nombreuses marches, une par une, à pas de loup, vers le premier étage.
Deux dépouilles, déjà malmenées dans leur mort, virent leur repos perturbé par cette ombre, cette fouine à forme humaine, louvoyant entre une table fissurée, des bancs renversés et des reliques de vaisselle, pour enfin venir les toucher, et tâter leurs vêtements ; cependant, encore une fois, rien ne sort, rien ne tombe. Rien à signaler.

Ainsi, dans un silence de plus en plus frustrant, cette silhouette rôdeuse finit par se hisser au second étage, décidément, espérant trouver quelque chose, dans cette tour que la Ruine menaçait de plus en plus. Et, justement, elle tomba bien sur quelque chose.
À peine parvint-elle à ce palier qu'elle tressaillit, soudain, avant de se raidir complètement ; son regard est désormais fiévreux, fixé, happé par ce qu'il voit devant lui. Voilà que ses jambes et ses bras se mettent à trembler sans raison, ses mains pâles partent d'un coup s'agripper sur la rambarde ; l'ombre manque de tomber, ses pieds ne réagissent plus, ses genoux commencent à se plier ; sous son front perlant de sueur, sous ses yeux troubles et derrière son foulard noir, ses lèvres se déforment, se tordent dans une grimace inquiétante ; mais elles finissent par s'entrouvrir, formant alors un sourire.... dérangé, large, tellement large qu'il coupe en deux son visage émacié.

Au milieu d'un charnier de défunts, on entend un petit ricanement qui se met à raisonner. Un rire à moitié étouffé, plus que nerveux, atrocement forcé ; un rire qui n'en est pas vraiment un, animé par une voix que l'appréhension, écrasante, rend fébrile au dernier degré.
Des cadavres ;
encore des cadavres ;
toujours des cadavres ;
LA-MORT-PARTOUT-BORDEL!!

Toujours accroché à la balustrade de l'escalier, Johannes avait son cœur qui palpitait entre ses tempes.
Son ricanement s'était évanoui, laissant place à des halètements rapides et saccadés, sortant de ses lèvres à chaque seconde. Ses yeux, ses pensées et même son esprit continuaient d'être braqués sur les six charognes qui lui faisaient face, les observant comme si elles allaient se relever, d'un instant à l'autre, pour venir le dévorer....Sauf qu'il ne se passe rien, en fait....Ces gens sont morts. C'est tout. C'est normal.
Constatant cette conclusion logique et implacable, l'âme du hors-la-loi arrêta de se ruer sur les sentiers sinueux de la Peur-Panique ; peu à peu, elle revint dans le droit chemin, parfaitement rectiligne, d'une pensée rationnelle et raisonnée.
Son souffle devient plus long, son cœur retourne sagement dans sa poitrine, son sang se refroidit, ses bras ne tremblent plus et ses jambes lui répondent à nouveau.

"P'tain mais...mais merde...i's'sont pas loupés ces cons."
finit-il par murmurer dans le vide.

En plus, ce n'était quand même pas la première fois que le bandit voyait un cadavre.
Il avait déjà vu des dépouilles d'animaux depuis son enfance ; il avait aussi vu des corps de nains et de gobelins dans les Frontalières ; il avait aperçu la carcasse d'un chevalier dans la forêt d'Arden, avant d'être confronté à d'autres morts - réanimés ceux-là - lors de ses premiers temps passés dans ce duché sordide ; sans parler du village de pégus qu'on avait complètement massacrés et...l'égorgé de l'écurie.

Pourquoi Johannes venait de paniquer comme ça?

Il n'eut pas vraiment le temps d'y répondre. Une quinte de toux s'empara brutalement de lui ; une toux, si intense et amplifiée par les miasmes, qu'elle le força même à retirer son masque, pendant quelques secondes, histoire de prendre un peu d'air, aussi vicié soit-il. Pas bon signe.
Mais il faut continuer, malgré tout. Johannes ne s'est pas traumatisé la gueule pour rien.
Finissant par se remettre de ses crachotements, le rôdeur posa pour de bon ses pieds au second étage, et s'approcha tout d'abord de ce petit charnier. En effet, on aurait dit que les macchabés lui faisaient de l'œil, peut-être parce que des armes se trouvaient prés d'eux...ou bien à cause du fait qu'ils aient du sang-bleu, avec leurs vêtements soyeux et aux coutures élaborées.
Lorsque le hors-la-loi, désormais devant ces cadavres, remarqua leur ancienne condition, les traits de son visage se tirèrent, légèrement, et son regard se noircit de plus en plus. Subitement, il ne put s'empêcher de donner quelques coups de pieds, assez mollement, dans la tête putréfiée de l'un d'entre eux. Un peu plus, et il leur aurait craché dessus.
Mérité.
La mort de ces salauds était méritée.
Ça leur apprendra à faire les snobinards, à vouloir rabaisser tout ce qui n'est pas aussi bien habillé ou maniéré qu'eux ; ça leur apprendra, à vouloir se gaver comme des gros porcs pendant que le village crève la dalle. Un bon "chevalier", un bon aristo, c'est un aristo mort, ou qui ne va pas tarder à crever, ou bien qui s'en va tuer d'autres collègues. Ouaip, qu'ils se butent entre eux d'ailleurs ; tant que le sang-bleu coule au final, c'est bon pour Johannes.

Toutefois, la haine viscérale qu'éprouvait l'ombre pour les bien-nés de Bretonnie s'atténua peu à peu, retournant se tapir, presque malgré elle, dans les tréfonds de son esprit. Ses yeux et son pragmatisme lui faisaient maintenant voir les quelques lames et gros bâtons qui traînaient là, tranquillement, à côté de leurs dernières victimes.
Se penchant sur ces armes pendant quelques instants, le bandit encapuché les prit entre ses mains, une par une. Du pommeau à la pointe, en passant par le tranchant ou la masse, il les observa attentivement, remarquant ici une épée trop rouillée, constatant là une miséricorde trop émoussée, rejetant au sol un bâton trop craquelé....jusqu'à tomber sur un instrument particulier: un gourdin, pas si neuf, mais pas si abimé que ça non plus ; c'était sûrement le moins usé d'entre tous, et il pouvait encore faire du dégât.
Johannes finit donc par s'en emparer, faisant quelques petits moulinets avec, histoire d'essayer sa maniabilité. Il finit par le prendre avec lui, ayant l'idée de l'utiliser comme une seconde arme avec son couteau de chasse.

Une fois cette première prise faite, le rôdeur tourna sa tête vers une sorte de bureau qui se tenait encore là, fier et solitaire, au beau milieu de cette mer de morts et de sang de bœuf. C'était désormais à son tour d'obtenir les attentions indiscrètes de Johannes.
Cependant, avant de le fouiller le meuble, ce fut -encore- un cadavre qui réussit à dévier son regard terni.
Un mort à la tête particulièrement...intrigante.
C'est en tout cas ce que pensa le hors-la-loi, lorsqu'il prit cette charogne à la gorge, tout en observant silencieusement sa face difforme, ses yeux complètement déviants, mais aussi son menton osseux et tout pointu.
Oh oui, une belle gueule de petit mutant vicelard.
D'un coup, on peut voir le brigand qui relâche la dépouille, la laissant tomber sur le plancher, avant de la repositionner sur le ventre ; le voilà qui pose un genoux sur son dos, pour bien immobiliser le corps ; une de ses mains agrippe alors la tête morte par les cheveux, la ramenant en arrière, tandis qu'une dague sort lentement de son étui.
Ce qui commence comme un simple égorgement se termine par une décapitation complète. Le coutelas tranche patiemment la chair du cou et les artères, pour finir avec un léger craquement d'os, qui termine d'arracher sèchement la caboche.
Johannes se relève, un mince sourire se dessine sous son foulard et ses yeux vitreux ; il tient maintenant cette fameuse face mutante entre ses doigts. Il l'attache ensuite sur lui, avec un peu de corde, au niveau de sa taille.
Un joli petit souvenir, et un trophée qui sera peut-être utile pour plus tard. Ça lui refait presque sa journée.

Il ne manque plus qu'à trouver quelque chose d'intéressant dans ce meuble. Et le problème, c'est qu'un tas de papiers et de pattes de mouche, ça ne l'est pas forcément, surtout quand on est un inculte illettré comme Johannes.
Mais voilà, Johannes à beau être le con d'un autre, il a beau être un personnage pétri de préjugés méprisants, racistes, voire haineux et paranoïaques, ça lui arrive -quelques fois dans le mois, de réfléchir sur ce qui l'entoure et sur ce qu'il tient dans ses mains.
Oui, en fait, dans ce cas-là, face à cette paperasse, le renégat est surtout le con d'un autre, d'un autre qui pourrait lire ces écritures à sa place. Peut-être que ces feuilles contiennent des informations précieuses, qui n'attendent que d'être lues par un intellectuel instruit, sachant donner de bonnes indications au brigand pour la suite de ses actions. Après, ce genre de lettré ne doit sûrement pas courir les rues et les marais du coin.
Il faudrait prendre du temps pour en débusquer un: chose que le rôdeur pensait possible.
Ainsi, dans un grand mouvement de bras, le bandit pillard empile toutes les feuilles, les prend, et les met dans son grand sac. Il récupère même en passant deux couteaux stylisés qui traînaient à côté, et qui doivent aussi valoir leurs pesants en pistoles.

Les pas du hors-la-loi se font de plus en plus lourds, traînants ; sa silhouette s'incline un peu, sous le poids de la fatigue ; son attitude, au départ méfiante et précautionneuse, devient désormais moins vigilante, émoussée par l'épuisement. Tandis qu'il monte lentement vers le troisième étage, un sentiment s'insinue petit à petit dans son esprit: celui d'être en quelque sorte "chez lui".
En effet, cette tour sinistre peut faire peur au novice, à l'aventurier trop scrupuleux, voire à Johannes, ou bien au paysan superstitieux. Seulement, une fois la frousse disparue, et tandis qu'il pénètre dans les pièces pourrissantes de ce palier saccagé, le bandit trouve cet endroit de plus en plus....reposant.
Alors oui, un cadavre de mioche ou de donzelle, c'est moche et ça pue ; mais au moins, tous ces morts restent sagement dans leur silence ; ils ferment bien leurs gueules, et ne lui posent pas des tas de questions plus futiles les unes que les autres, du genre: "Oh là là mais c'est quoi ton nom? Et d'où tu viens? Et ils sont tous comme toi là-bas? Et il y a quoi sous ta capuche?"....Non.
D'ailleurs, le rôdeur, en passant devant eux, ne leur accorde qu'un simple regard, un coup d'œil où la curiosité côtoie la satisfaction, avant qu'une pointe de déception, froide, ne commence à luire au fond de ses yeux.
Encore une fois: Mérité. Mérité mais....Dommage. Ils n'ont rien sur eux.
Ah, si, en fait ; ils ont quelque chose, mais à côté d'eux.
Johannes s'accroupit, passant ses mains sur le plancher poussiéreux, avant de récupérer un collier un peu teinté, et trois petites bagues. Malheureusement pour lui, les pierreries qui ornent ces bijoux sont soit fêlées, soit complètement pétées et répandues en mille morceaux sur le sol. Qui voudrait bien de toutes ces breloques? Les joailliers de Barak Varr peut-être? Bah, ils sont trop loin pour le coup.
Au milieu d'une chambre assombrie par la tombée du jour, l'ombre encapuchonnée finit par se relever, et balance d'un coup la chaîne patinée en l'air, puis fourre les chevalières dans les poches de ses braies. Peut-être qu'il pourra en tirer quelque chose.

Ses enjambées finissent par le mener dans la dernière chambre, celle du chef. Normalement, il devrait rester une ou deux choses intéressantes dans cette pièce-là. Après tout, jusque ici, les trouvailles ont été plutôt satisfaisantes pour lui. Il ne lui manquait plus qu'à...
Le hors-la-loi s'arrête net, brutalement. Il tourne sa tête, et ses yeux s'ouvrent en grand, devenant aussi ronds que ceux d'un hibou.
Il vient d'apercevoir l'armoire de la salle, ou, plus précisément, le type qu'on avait crucifié à l'horizontale, sur cette fameuse armoire.
Sa main laisse tomber son grand sac verdâtre sur le plancher ; ses pieds le conduisent, lentement, vers cette charogne profanée ; son regard, où l'on perçoit désormais une étincelle inquiétante, ne cesse de la fixer ; il ne s'en détache pas, à aucun instant, même lorsque tous les stigmates morbides, qui parcourent et martyrisent encore cette carcasse, se dévoilent franchement.
Voilà que l'œil du bandit se rétrécit, puis se plisse, toujours rivé sur le corps. Sa tête commence à hocher, doucement, plusieurs fois et en silence.

Aucun doute, on sentait que les gonzes qui avaient aligné ce sang-bleu étaient....consciencieux. Oui, consciencieux: c'était là le mot parfait pour définir ce qui s'était passé dans cette tour. Ces types ne transpiraient pas vraiment le professionnalisme, ils ne cherchaient pas à se faire une réputation ou à impressionner le milieu ; ces gens préféraient une simplicité toute basique, rudimentaire même, mais efficace.
Oui, quand on leur demandait de faire quelque chose, ils le faisaient, point ; ils allaient à l'essentiel, donc au chef, sans trop s'attarder dans les détails de l'affaire. Et du coup, inévitablement, le seul petit élément, la seule ombre qui assombrissait, à peine, ce massacre plus que correct, c'était....peut-être un manque d'imagination, plus ou moins volontaire de leur part.

Deoudo et sa bande. Ils avaient fait tout ça, Johannes en mettrait sa bite à couper. C'étaient eux, c'était sûr.

Par contre, pour ce qui concerne les symboles divins de cette crucifixion, les certitudes du rôdeur s'écroulèrent d'un coup, semblant malmenées par l'Oubli et l'Indifférence. Toutefois, tant bien que mal, entre les replis vaporeux de son esprit, sa mémoire finit par sortir quelque chose.
Deux syllabes.
Taal?
Mais où est le lien? Quel est le rapport entre le dieu de la nature sauvage -si c'est bien lui, et la torture à mort d'un noble?
Peut-être une tradition de l'équipe, probablement une coutume du "Sud", des "Monts", comme disait l'autre, hier.
Cependant, qu'est-ce qui ne disait pas qu'a-aaaa-atcha!!

Ce brusque éternuement sortit Johannes de ses contemplations.
Il secoua légèrement sa tête, et s'essuya le nez avec son avant-bras. Au moins, cela lui fit prendre conscience d'une chose: il s'était un peu perdu dans des conjectures hypothétiques, invérifiables, et qui ne le concernaient pas vraiment. Non, à la place, il fallait se poser les vraies questions.
Qu'est-ce qu'il y a dans cette armoire?
Tandis que le bruit de la pluie se fait toujours entendre au dehors, le rôdeur s'approche désormais du meuble et du cadavre. Voilà que ses longs doigts s'enroulent tout autour des pointes de bois qui fixent cette dépouille. Calant son pied contre les battants pour se donner plus de force, il tente maintenant de retirer les bouts, tantôt avec des gestes secs, tantôt en essayant de les faire tourner pour créer du jeu et les déloger ensuite.
Mais ça ne marche pas.
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Il prit alors du recul, plissa ses yeux, dérangeants, face à dépouille, et finit par dégainer son couteau.
Johannes veut savoir. Ce n'est pas un mort, aussi crucifié qu'il soit, qui va l'empêcher d'ouvrir cette armoire.
Sa petite lame plongea dans la chair pourrissante, et commença à mutiler le cadavre. Elle découpa d'abord le corps, progressivement, au niveau des talons flétris, puis des poignets sanguinolents. Au bout d'un instant, la tête décrépite, les bras, le tronc, les jambes moisies: toutes ces putridités finirent par s'effondrer, lourdement, sur un plancher abîmé par le temps et l'usure.
Au moins, les battants sont maintenant dégagés. Le hors-la-loi touche quasiment au but ; sa curiosité est presque....satisfaite....presque.
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Entre elle et ce que contient ce meuble, il n'y a plus qu'une serrure. Une toute petite serrure de merde, de rien du tout ; un verrou futile, qui ne lui résistera pas longtemps, le bandit en est persuadé. Il s'en retourne vers son grand sac, le fouille bruyamment, et finit par sortir ses outils de crochetage, qu'une étrange personne, toute barbue et vêtue de rouge, lui avait donnée lors d'un rude hiver.
Mais ce n'est pas important, l'essentiel est que le rôdeur revient au meuble et à son cadenas, puis commence à y introduire ses petits instruments, avec toute la minutie qu'on veut bien lui prêter. Une minute s'écoule, puis deux, puis trois ; puis quatre...
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Un long soupir de soulagement se fait entendre dans la chambre, et un verrou est enfin forcé.
Les volets de bois sont brusquement ouverts ; une paire d'yeux et de mains, animés par une indiscrétion dévorante, se précipitent à l'intérieur de l'armoire. Et ils ne sont pas déçus. Des choses utiles et intéressantes s'y trouvent, laissées là, sur des étagères recouvertes par une fine couche grisâtre: des bottes, un rasoir, un ciseau. Johannes prend rapidement ces objets, gardant la gouge et la fine lame sur lui, avant d'aller ranger la paire de chaussures dans son grand sac vert.
Toujours avoir des bottes de rechange, surtout dans le Moussillon. Ce serait dommage qu'il perde, à l'occasion, plusieurs minutes dans des marais lugubres, comme un certain druide malchanceux, à fouiller la fange et l'eau stagnante, pour tenter de récupérer une chaussure toute mouillée.
Revenant vers le placard, le hors-la-loi découvre encore un autre truc. Un instrument....assez étrange, avec plusieurs tubes, emboîtés les uns dans les autres et....avec des morceaux de verre, tout ronds. C'est maintenant un rôdeur intrigué qui tient, avec hésitation, une jumelle entre ses doigts.
Il la prend désormais par le gros côté, celui avec la grande lentille ; il la rapproche de son visage et y colle son œil pour essayer de voir à travers. Mais il ne discerne rien, tout est flou. Il recommence alors de l'autre côté, cette fois-ci avec la petite lentille.
Un gros globe oculaire surgit brutalement devant lui.
Le rôdeur trésaille, recule d'un pas, puis retire de suite la jumelle, stupéfait par ce qu'il vient d'apercevoir.
Il jette un regard médusé sur l'instrument, avant de se tourner vers le cadavre mutilé du sang-bleu, qui traîne encore à ses pieds ; là, d'un coup, il revoit le globe oculaire....sur ce même corps ; cependant, il est à sa taille réduite, "normale", en fait.
L'ombre masquée donne à nouveau un coup d'œil sur la lorgnette, l'utilise une nouvelle fois, et revoit ce même globe jaunâtre. Elle finit par rebaisser la chose. Ses deux yeux brillent dorénavant dans la pénombre. Johannes commence à comprendre...

Oh oui, cette petite jumelle lui sera très utile pour la suite.
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Toutefois, par acquis de conscience et malgré la fatigue qui monte en lui, le renégat se redirige vers l'armoire, histoire de bien terminer la fouille du meuble et de ne rien manquer.
Et c'est ainsi qu'au fond d'une étagère, il remarque un drôle d'objet, sculpté dans une pierre sombre, aussi noire que la nuit.
Cette sorte de présentoir, à l'apparence un peu lugubre, prenait la forme de deux mains, aux ongles sculptés, détaillés et très longs, qui tenaient quelque chose dans le creux de leurs paumes ; mais un problème se posait, et s'imposa aux yeux du bandit: ce fameux "quelque chose" avait disparu, il n'était plus là. En tout cas, la pierre qui constituait cet artéfact était noirâtre, lisse et propre, comme si l'on avait taillée finement, à partir d'un seul bloc.

Le rôdeur ne mit pas longtemps à se décider. Tout ce qui se trouve dans la chambre d'un aristo est rare, et tout ce qui est rare, en plus d'être glauque et étrange, a forcément une valeur. Il prend alors ces deux mains pierreuses, et part les déposer dans son sac, avec tout de même une certaine prudence. Pas besoin d'avoir la foi pour sentir que cette espèce de relique n'est -justement- pas très Taalite...

Les ténèbres s'étendent désormais sur le Duché Maudit.
De plus en plus malmené par l'épuisement et par un début de crève, le brigand se traîna péniblement jusqu'au large lit à baldaquin, qui trônait au centre de cette chambre décrépite. Déposant son arc et son carquois au pied de la couche, Johannes finit enfin par s'y vautrer dessus, à plat ventre ; pour sûr qu'il n'allait pas se gêner.
Depuis combien de temps il n'avait pas dormit dans un lit, d'ailleurs? Depuis Barak Varr, au moins, si sa mémoire ne le trompait pas.
Ah ça changeait de la dure, de la boue, et de la couverture de plus en plus miteuse qu'il utilisait d'habitude.
Là, c'était un véritable luxe pour lui de pouvoir passer une nuit comme ça, dans un vrai plumard, avec un vrai matelas moelleux à souhait, de vrais coussins bourrés de plume, et de vrais draps qui tiennent chaud.
Le. Rêve.

Enveloppé dans les ombres, bercé par le battement de la pluie à l'extérieur, Johannes, pour la première fois de la journée, finit vraiment par se détendre, et lâche prise sur tout ce qui l'entoure.
Comme quoi, on peut passer une bonne nuit dans ce pays sordide.


Image

Mais malheureusement, toutes les bonnes choses ont une fin.
Surtout,
surtout quand un énorme mongol déboule dans la tour en hurlant...

- "Ohé ! OHÉ ! Y'A QUELQU'UN ?!

Entre les rideaux du lit à baldaquin, une silhouette se soulève brusquement.
Si "Mongolito" se serait trouvé au troisième étage, il aurait peut-être entendu quelques sons, très brefs, se voulant furtifs: des petits bruits de sangle et de corde, que l'on maniait doucement avec soi.
C'était dommage, vraiment dommage que personne d'autre ne se trouve dans cette partie de l'édifice, d'ailleurs.
Les morts de l'endroit auraient, sans doute, entr'aperçu cette ombre défiante, se mouvant de manière irrégulière, sur la pointe des pieds, évitant tout mouvement brusque, passant aussi discrètement que possible à travers de tristes salles.

- "AH C'EST BEN MA VEINE DE TROUVER UN LIEU DANS S'MERDIER ! OHÉ ! OHÉ, DEBOUT LES MORTS ! OHÉÉÉÉÉÉÉ !"

Au dernier palier, une ambiance de plus en plus lourde commence à s'installer ; on jurerait que le temps avait ralentit, tout particulièrement au niveau des marches qui menaient vers le second étage.
Oui, une atmosphère pesante, plombée par....une sorte d'hésitation, une grande hésitation même....à moins que ce ne soit une tentation.
Finalement, les cadavres d'enfants peuvent entendre un soupir du nez, et le nœud d'une corde qui se serre.
Peu à peu, la silhouette ombrageuse disparaît lentement de l'endroit.

Ce château peut faire peur au premier regard ; mais au fond, quand on y réfléchit sérieusement, il n'est pas si effrayant que ça.
On peut en arriver là? Est-ce qu'on veut vraiment en arriver là?

...


Dans tous les cas, si "Mongolito" mettrait un peu de temps pour monter au second étage -en partant du principe qu'il le ferait, alors oui, il finirait par tomber sur Johannes. Le rôdeur encapuché l'attendrait, face aux escaliers, appuyé contre le bureau au centre de la pièce, au beau milieu de la demi-douzaine de cadavres qui l'entoureraient.
Une de ses mains resterait libre, prête à défourailler, tandis que l'autre tiendrait un lasso entre ses doigts.
Lorsque "Mongolito" parviendrait à la sortie du palier, le malandrin demeurerait de marbre, figé dans un silence de mort ; il observerait, avec une attention insistante, ce nouveau venu si tapageur.

Au moindre geste brusque, au moindre mouvement suspect, à la moindre étincelle de sorcellerie, le bandit déclencherait...

Cependant, si cette personne resterait calme, le regard du renégat changerait ainsi, légèrement.
Sa tête pencherait lentement sur le côté. Sous sa capuche noirâtre, derrière son foulard, deux sourcils se réhausseraient doucement, et deux petits yeux, à l'éclat terni par la crève, adresseraient une interrogation muette envers son vis-à-vis.

Alors alors, petite voix, qu'est-ce que tu viens foutre là?


Ah moins que "Mongolito" ne décide de parler en premier?


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Johannes "La Flèche", Hors-la-loi
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[MJ] Le Faussaire
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Re: [Johannes la Flèche] Combattant de la liberté

Message par [MJ] Le Faussaire »

Test de Déplacement Silencieux : 5, facile.
Test de Dissimulation - à +3, vu tes talents et ta description : 14, eh, pas si mal, mais pas parfait.
Test de Perception - ??? : 10.

Aucun jet pour le reste de tes actions, vu que tu prends ton temps pour être discret.
Tapis dans l'ombre, Johannes attendait. Tapis dans l'ombre, Johannes écoutait, sentait, observait le minuscule couloir, le bout d'escalier branlant, le bureau sali, les affaires renversées. Ainsi, dans l'ombre, Johannes attendait.

L'autre larron, quant à lui, venait d'entrer au rez-de-chaussée.

- "Oh, ben tiens, c'est pas banal ça."

Quelques bruits de pas, suivi d'un bruit dur, comme un coup de pied. Le larron glousse un peu.

- "Bah, j'sais pas s'que t'as fait, mais t'es plus moche maint'nan. Oooh, ils ont laissé des draps tout propres, les cons. Ben tin, si c'est pas trop dommage..."

D'autres bruits de pas, plus sourds, suivi de tissus qui se déchirent. Une minute passe sans autre bruit reconnaissable - tout se mélange, résonne, se perd dans l'escalier. Ensuite, les bruits de pas reviennent, plus lents, mais plus fermes aussi.

- "Y'a quelqu'un ? Ohé ? Oh, c'est marrant ça. Oooooh... HÉ !"

Le cri soudain résonne, et fait trembler quelques bricoles dans l'escalier. De nouveau, le larron glousse.

- "Bon, bah soit y'a personne, soit on veut m'coucher sans m'dire bonn'nuit. En p'us, y'a des escaliers. Pfff..."

Les bruits de pas résonnent, des choses grincent, et des bruits de gravats se font entendre - le larron montait les escaliers. Les bruits s'arrêtent encore, et sont succédés par un objet qui râcle, qui tranche.

- "Allez, fais pas ta saucisse, laisse-moi te ..."

Quelque chose casse, et un objet lourd et dur s'écrase au sol.

- "... Merci pour la corde. Heh, sacrée saucisse."

Encore d'autres pas, suivi d'objets qui cassent, de planches qui craquent, d'une porte qui frotte, et puis...

Là !

Là ! Une tête ! Une capuche ! Une ... planche dans une capuche ?

- "Ah, putain. Tout ça pour r- !"

L'homme qui tenait la planche à capuche venait enfin d'apparaître. Lui, qui était si content de son petit subterfuge, déchanta instantanément lorsqu'il mit le pied sur le second étage. D'un coup, d'un seul coup d'oeil, il faisait face à Johannes. Avec sa tignasse courte et brune, ses petits yeux fous, son menton piqué de noir, il n'avait pas l'air solide, le larron, mais plutôt agile. Il n'était pas grand - pas autant que Johannes - mais à peu près de la même corpulence, et le même style de vêtements : une cape longue à capuche, un foulard autour du cou, une chemise longue serrée à la ceinture, un pantalon souple mais pas trop, ample mais pas trop, et des bottes hautes d'où dépassaient actuellement deux manches de couteaux.

- " Salut. C'est toi qu'a fait tout ça ? Franchement, beau boulot. Un peu osé, mais ils s'en plaindront pas. T'as tout fait ... tout seul ?"

Le gugusse avance la tête, cachant ce qu'il peut de son corps svelte avec la planche entre ses mains. Que le rôdeur réponde ou non, le larron reprend, après une très longue minute d'attente.

- "Et, euh, tu... vas m'faire pareil ? J'préfère prévenir, j'ai rien sur moi. Rien à becter, rien à piller, rien à ... Me tues pas, hein, d'accord ? J'te laisse la planche s'tu veux, et même la corde qu'est là et la - oh, sympa le bureau. Moins sympa le type dessus. Tu le connaissais ?"

Cette fois encore, le larron attend plusieurs minutes, qu'une réponse vienne ou non. Si le rôdeur lui demande quelque chose, il répondra ou obéira, tant que cela ne le mettra pas plus en danger.

- " Bon, euh, j'ai bien envie d'voir l'étage au-d'sus, alors euh, tu m'tues pas, et j'vais voir, et j'te dis s'que j'ai vu, d'accord ? T'as un nom, hein ? Enfin, tu m'tues pas surtout, hein ?"

Après d'autres minutes de silence ou de réponse, le larron commença à reculer, puis à longer l'escalier, dos au mur, planche en main. En soi, après cette petite discussion, cet illustre inconnu n'avait rien de spécial, ni de dangereux. Armé de sa grosse planche, il ne pourrait parer qu'un ou deux coups, et encore moins abattre qui que ce soit. S'il arrivait à empoigner ses couteaux ou tout autre arme qu'il dissimulait dans son dos ou sous sa chemise, là ... Dans tous les cas, Johannes aurait l'avantage avec son lasso ou son arc, puisque l'autre n'en avait aucun en vue.

Après quelques pas dans l'escalier, l'inconnu reprit de l'assurance et de la voix.

- "Mais du coup, qu'est-ce qu'il s'est passé ici ? C'était qui ces gus ? T'es du coin ? Moi non, enfin, pas d'ici, ni d'à coté. T'as à manger sinon ? Si tu savais, je meurs de faim. J'pourrais becter n'importe quoi d'bectable. Même des crabes !"

Un autre silence, et puis enfin :

- " T'as aut'chose que des crabes, hein ?"


***


Aspect général du "nouveau larron"

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Test d'Intimidation - Johannes : 4, facile.
Résistance de ??? : Résultat secret.
Test secret - Johannes : 71, tout va bien.
<< Bah alors, qu'est-ce que tu cherches mon gars ? L'or, les femmes, le pouvoir ?
J'ai tout et plus encore dans ma baraque, viens jeter un œil !
Oh non, ce n'est pas loin, c'est au coin de la rue là-bas.
Mais attends, t'as les moyens j'espère ?

...

Oh, tu sais, on peut toujours s'arranger... >>

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Johannes La Flèche
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Re: [Johannes la Flèche] Combattant de la liberté

Message par Johannes La Flèche »

Dans une pièce autrefois pleine de vie, entre six cadavres éparpillés sur un plancher pourri, deux types se faisaient maintenant face.
Ces deux hommes, à première vue, on pourrait même les confondre dans une allée mal éclairée -ou bien dans la pénombre qui planait sur cet étage, car ils se ressemblaient beaucoup, tellement en fait qu'ils pouvaient apparaître comme deux frères, aux yeux d'un enfant.
Mais les apparences sont trompeuses ; oui, elles sont particulièrement menteuses sur la nature de ces deux personnes.
D'un côté le jour, de l'autre la nuit. "Mongolito" à la rampe, Johannes sur le bureau.
Qui était le plus engageant des deux? Celui qui rentrait dans un château rempli de morts en hurlant, tout en traitant ces mêmes morts de "saucisses" ? Ou bien celui qui l'attendait et qui le fixait, en silence, lasso en main, au milieu d'une demi-douzaine de charognes?
Dans tous les cas, ce petit filou paraissait plus bavard que le rôdeur, et moins détendu que lui. On dirait que l'Angoisse le rend....communicatif:

" Salut. C'est toi qu'a fait tout ça ? Franchement, beau boulot. Un peu osé, mais ils s'en plaindront pas. T'as tout fait ... tout seul ?"

...

Ses paroles semblaient se perdre dans les ombres, ou alors elles étaient tombées dans les oreilles, putrides, des cadavres qui lui faisaient face.
Toujours appuyé contre le bureau défoncé, toujours drapé dans son mutisme, le bandit continuait d'enfoncer son regard dans celui de "Mongolito".

De larges épaules se haussent, doucement.

Johannes est un mélange de roublardise et de tromperie, auquel vient s'ajouter une fine couche de....d'on-se-sait trop quoi.
Mais une chose est sûre, il n'est pas une grande-gueule.
La vantardise, les fanfaronnades toutes creuses, les rodomontades: il laisse tout ça aux norses et aux estaliens.
En plus, comme on peut le voir, il n'a pas besoin de ces choses pour provoquer la peur. Cette même peur, bien mauvaise conseillère, continue d'ailleurs de raffermir son emprise sur le larron en face de lui:

"Et, euh, tu... vas m'faire pareil ? J'préfère prévenir, j'ai rien sur moi. Rien à becter, rien à piller, rien à ... Me tues pas, hein, d'accord ?"

Le malandrin lui met à peine la pression, et il commence à craquer.
Plus les secondes passent, plus ce type ressemble à un lièvre, maladroitement couvert par une planche. On dirait un petit lapinou qui essaye de se cacher derrière un arbre, avec des oreilles tremblotantes et des yeux tout ronds, larmoyants, et il fait genre: "Non mais ch'uis gentil avec toi! Ch'uis sympa t'as vu? M-ME FAIS PAS DE MAL!! NON ME BOUFFE PAS S'TEU PLAIT!!"
Pa-thé-tique.
Ce mec n'est qu'une proie, un gibier, une victime avant l'heure....Johannes entend déjà les hurlements....


"J'te laisse la planche s'tu veux, et même la corde qu'est là et la - oh, sympa le bureau. Moins sympa le type dessus. Tu le connaissais ?

...

-Non.

...

- Bon, euh, j'ai bien envie d'voir l'étage au-d'sus, alors euh, tu m'tues pas, et j'vais voir, et j'te dis s'que j'ai vu, d'accord ?
T'as un nom, hein ? Enfin, tu m'tues pas surtout, hein ?"


-Non, le bandit encapuché soupira brièvement, ses longs doigts pâles tapotaient désormais le bois du meuble, J'vais pas t'buter t'en fais pas.
Au fait, moi ch'uis Jacob,
reprit-il, tout en suivant des yeux ''Mongolito''.

En effet, celui-ci recommence à se déplacer, montant pas à pas les marches vers le troisième étage, et montrant toujours sa planche à Johannes, comme si elle allait encore le sauver ou le protéger du rôdeur.
Il est tellement con, il n'assure même pas ses arrières....Comment a-t'il pu survivre jusque là?

"Mais du coup, qu'est-ce qu'il s'est passé ici ? C'était qui ces gus ? T'es du coin ? Moi non, enfin, pas d'ici, ni d'à coté. T'as à manger sinon ? Si tu savais, je meurs de faim. J'pourrais becter n'importe quoi d'bectable. Même des crabes !"

Le filou aux yeux fous aperçoit alors Johannes qui bouge à son tour, et se détache du bureau. Il commence à enjamber les cadavres au sol, marchant silencieusement vers lui.

"T'as aut'chose que des crabes, hein ?"

-Ouais....j'ôt'chose qu'des crabes t'inquiètes, finit par répondre le renégat, se figeant d'un coup, à quelques pas de ''Mongolito''.

Dans un ample mouvement, sa main qui tenait le lasso rejette celui-ci vers l'arrière, derrière son épaule.

-Ici c'tait des p'tit sang-bleus d'merde, sont tous crevés maint'nant, continua le rôdeur, d'une voix monotone, son autre main partant fouiller quelque chose dans son sac vert, Moi non plus ch'uis pas du pays. Et toi alors? Comment qu't'es arrivé dans c'te tour hein? T'connais des gens?
la main finit par ressortir du sac, avec une petite ration entre ses doigts: quelques bouts de fruits secs et des noisettes ; Johannes balança cette portion vers le larron, T'vu d'ôt'lieu comm'ici dans l'coin ou ailleurs? D'châteaux ou d'z'endroits qu'peut p't'êt visiter? "

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[MJ] Le Faussaire
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Re: [Johannes la Flèche] Combattant de la liberté

Message par [MJ] Le Faussaire »

Test de CHA pour amadouer : 6, ok.
Test de VOL du larron : 10, insuffisant.

Sitôt lancé, sitôt le larron se crispa. Il s'attendait sans doute à un subterfuge, un appât ou à un bout de viande avariée, et c'est pourquoi seul ses yeux suivirent la ration dans sa chute - ration qui roula ou ricocha sur la planche désormais baissée. Alors que les grains et noix glissaient sur le bois sec et qu'il descendait quelques marches pour les ramasser, l'inconnu répondit :

- " Aye, ch'ui d'Bordelô, au Sud de s'te foire. Hm"

Il goba les noix en une poignée.

- "Et pis j'pensais trouver des gens, pas qu'chui pas ben là-bas, mais Bord'lô ça va pu en s'moment. Y'a l'duc qu'est d'sortie, et y paraît qu'y s'dirige droit vers Moussillon avec toute sa clique et ses cloques, prêt à débarder tous les poissons qu'y trouv'ra."

Il ramassa le reste de la portion, avant de reprendre en faisant un signe de main :

- " S'pour ça qu'chui icitte, parce qu'on m'a dit qu'y avait des gens terrés ici. Y'a pu rein dans l'coin, et pu d'château vivant ou riche pendant ben dix jours de brasse. Je l'sais, j'y suis allé, hé"

Il s'arrêta soudainement dans sa phrase, pour avaler sa maigre bouchée.

- " 'fin, sauf au Nord d'icitte. Au nord y'a les terreux d'Lyonesse, pas d'murs et tout un tas de clampins jamais là. Chui sûr qu'y sont cent fois p'u riche qu'icitte, et qu'y-z'ont plein d'ration - et pas un crabe."

Puis il descendit à nouveau les marches jusqu'à Johannes, planche dans une main, une mitaine effilochée couvrant l'autre.

- " Moâ chui Rané. Comme le r'nard mais pô l'même nez"

Il tapota son visage pour accentuer sa blague, avant de finalement tendre une main ouverte à Johannes. Il y eut un silence gênant pendant quelques instants, puisque le-dit Rané attendait main tendue que le rôdeur réagisse - lui serrer la main, ou peut-être autre chose. Vu que Johannes ne réagissait pas à cette tentative, il reprit nonchalament :

- "Vu qu't'vas pas m'tuer, ça t'dit d'm'attendre en bas et qu'on s'barre d'icitte quand j'aura farfouillé là-haut. T'as ben tout tué, hein, dis ?

- 'coutes, ça dépend où t'vas. C'pas important, c'du passé t'ça. Qu'ce qu'on en a à foutre s'j'ai buté t'ces gens là ou pas hein?"

Et sur ces mots, le larron recula, planche en main, grimpant les escaliers en sens inverse, jusqu'à ce que Johannes relance ou non la conversation.

***
Test de fouille du larron - 19. Rien à signaler.
Test de perception, Johannes - 14, rien à signaler.
Une fois le dernier étage finement ausculté par Rané, le larron redescendit jusqu'à la terre ferme, devant un "Jacob" en train de finaliser ses préparatifs de voyage. Après quelques secondes d'observation gênante pour l'un comme pour l'autre voleur, c'est Rané qui ose enfin prendre la parole :

- "Du coup, on trace à deux, hein ?"

Devant le refus de "Jacob", l'individu fut surpris, et n'eût pas le temps de réagir à la suite des événements. En effet, le rôdeur venait de lui attribuer un simple signe de tête, et de s'extirper par la porte sans un mot ni autre salut.

Quelques minutes plus tard, les gravillons et la terre molle trahisse les intentions du larron, et lorsque "Jacob" se retourne, il voit que son alter ego est en train de le suivre, paquetage en main.

- "Hé, dis, t'va ben au Nord, non ?"

Devant ce nouveau refus, le voilà à nouveau interloqué.

- "Att'a, t'vas pas vers l'Sud quand même ?"

Autre refus, autre couche de curiosité mêlée de doute. Pire encore, lorsque "Jacob" lui indique se diriger vers l'Ouest, Rané semble inquiet pour son acolyte d'un jour.

- "Euh, hein ? T'es bercé à la bière ou j'ai raté une coche ?"

Pas le temps de répondre qu'il surenchérit :

- "Oh, toé, tu sais des trucs sur l'coin, c'est ça ? Dis voir, y'a quoi d'mieux où tu vas qu'des gens pas-là et d'quoi piller pour des lunes ?"

Devant ce troisième et dernier refus, Rané lâcha l'affaire pour de bon. Il resta planté là pendant quelques minutes sinon quelques heures, car au fur et à mesure que Johannes s'éloignait, Rané semblait aussi immobile qu'une pancarte, les bras ballants.

***
Test d'END pour supporter tout ton nouveau barda : 1, même pas fatigué.
Test de VOL / SAN pour jauger ton état mental : 14, tout revient à la normale en quelques heures. Tu es toujours "tendu", mais pas paniqué.
Test d'HAB+END/2 pour voir ton avancée dans les terres : 5, tu avances à bonne allure (cf jets d'au-dessus), et sans te blesser.
Orientation ? - 18, tout droit c'est bien.
Perception ? - 6, ah, quelque chose en vue !
La nuit approchait doucement alors que le rôdeur crapahutait à travers la tourbe sèche et la forêt d'arbres maigres. En effet, au-delà du village miteux et du château désormais vide, l'Ouest était avant tout un pan couvert d'arbres blancs et fins, qui ne laissaient apparaître que des clairières de terre jaunâtre et parfois, mais seulement parfois, des bornes en pierre délavée, symbolisant les restes d'une route ou d'un carrefour disparu. De nouveau seul et sans aide, le rôdeur retournait à son comportement naturel - la marche furtive, le regard acéré, les mains virevoltant au gré des obstacles et des passages. Quoi qu'il puisse arriver à Johannes, ce pan de forêt ne contenait aucun arbuste ni buisson, aucune touffe de ronces ou d'épines. Il n'y avait que des arbres tantôt droit tantôt incurvés, si semblables entre eux et en même temps si différents de la végétation habituelle du Moussillon.

Soudain, le terrain s'éleva, et le rôdeur dut grimper une butte. Au sommet de celle-ci, il fut surpris de voir la pente s'inverser brutalement, quasiment à la verticale, comme si le terrain s'était effondré à cause d'un cataclysme.

Au-delà de son promontoire, il voyait que les rangées d'arbres se disloquaient et s'éparpillaient en touffes plus denses mais plus petites, avant de finalement disparaître au-delà de quelques verges. Mais, au-delà encore, qu'était-ce cette grande bande qui enveloppait l'horizon ? Etait-ce une falaise plus grande encore que ce modèle-réduit en glaise brune ? Etait-ce un cratère, un lac, un précipice ?

Avec l'obscurité naissante, et la lune très haute dans le ciel, c'était difficile à dire. Très difficile à dire.
<< Bah alors, qu'est-ce que tu cherches mon gars ? L'or, les femmes, le pouvoir ?
J'ai tout et plus encore dans ma baraque, viens jeter un œil !
Oh non, ce n'est pas loin, c'est au coin de la rue là-bas.
Mais attends, t'as les moyens j'espère ?

...

Oh, tu sais, on peut toujours s'arranger... >>

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Johannes La Flèche
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Re: [Johannes la Flèche] Combattant de la liberté

Message par Johannes La Flèche »

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Le ciel sinistre et le temps orageux s'acharnent sur le Moussillon en cet après-midi. Si la pluie d'hier s'en est allée, l'atmosphère lugubre, pesante, flottant sur la terre mortifiée et entre les arbres décrépits, menace à tout moment d'éclater en une tempête violente, apportant la grêle et les éclairs qui meurtriront, encore une fois, le sol de cette contrée sordide.
On ne le répètera jamais assez: ce duché, perdu par les Dieux comme l'Humanité, est une terre de Mort ; un pays où la Vie n'a pas vraiment de valeur, maltraitée qu'elle est par le Malheur et la Déchéance.
Pourtant, en dépit de cette ambiance malsaine, malgré tout, il y a de la Vie dans ces bois ténébreux ; il y a une ombre qui se glisse, qui se faufile furtivement, entre les arbres torturés et les herbes pourrissantes. Il y a Johannes.
Au bout d'un instant, sa silhouette encapuchée finit par surgir de cette forêt maudite, et s'aventure maintenant dans une clairière toute rabougrie. Ses pas ainsi que ses yeux l'amènent vers une borne de granit, qui se trouve au centre de l'endroit. Malheureusement pour le hors-la-loi, ce jalon pierreux est trop sali, illisible, tellement malmené par le temps et l'usure qu'il est incapable de lui indiquer quoi que ce soit.

Tandis qu'un éclair déchire les nuages dans le lointain, le malandrin, toussant un bon coup sous sa capuche, finit par s'assoir sur la borne. Posant son sac verdâtre sur le sol fangeux, il se saisit de sa flasque en cuir pour boire une grande lampée d'eau fraîche. Le voilà qui enchaîne de suite avec la nourriture, sortant en un clin d'œil ses rations de son ballot, croquant à pleines dents des fruits secs, mâchonnant bruyamment des marrons grillés. Marcher, ça creuse le ventre.
Toutefois, son regard se balance de droite à gauche, de temps en temps, histoire de voir si quelque chose viendrait le déranger durant sa pause-déjeûner. Mais rien ne se passe ; rien à signaler. Tonnerre et Mort: voilà tout ce qu'il y a autour de lui.

Peu à peu, alors qu'il continue de manger, le regard de Johannes se vide. Son esprit se laisse distraire, entraîné progressivement dans des pensées nébuleuses qui l'éloignent de son repas...
Sa main finit par se mettre dans ses poches, cherchant son nouveau rasoir à lame, presque inconsciemment.
Elle parvient à le trouver, la ressort sous ses yeux et sa tête baissée.
Johannes pense à Rané.
Sa lame de rasoir passe entre ses dix doigts. Il commence à jouer avec, la fixant d'un regard terne.

Oui. Heureusement qu'il s'est séparé de lui.
Il ne l'aurait pas supporté longtemps.

Dés le moment où il est entré dans la tour en gueulant comme un putois, le bandit savait que cette histoire se passerait mal...

Les yeux du malandrin se plissent, toujours rivés sur le tranchant ; il agite son rasoir machinalement, remue ses lèvres en silence, maniant la lame presque comme un couteau-papillon.
Il aurait pu. Il était là, devant lui.
Mais il ne l'a pas fait...
Qu'est-ce qui l'a retenu?

Pas sa blague sur son prénom en tout cas.

Un nouvel éclair surgit dans le ciel. Johannes cligne des yeux, il relève sa tête dans un soupir ; ses doigts s'enveloppent autour du rasoir, puis se referment dessus.

Au moins, cet obsédé du crabe lui aura filé une bonne info. Le rôdeur n'aura pas tout perdu de ce côté-là.

Le duc de Bordeleau marche sur Moussillon, avec tout son ost...

Une étincelle renaît dans les pupilles de l'ombre.

Au simple souvenir de cette nouvelle - et de l'état perturbé de Rané lorsqu'il l'avait annoncé, le hors-la-loi commença à ricaner, doucement...
Il imaginait déjà une plaisanterie par rapport à cette histoire, une petite blague du genre : "Alors c'est l'histoire d'un sang-bleu qui veut prendre Moussillon..."
La racaille à capuche continua de rigoler, avec une franchise de plus en plus bruyante.
Oh oui, que le duc et ses pions viennent se perdre dans le Duché Maudit! Qu'ils s'enfoncent, armés de leur petite vertu et de leur bonne conscience, dans les cloaques funestes, au fin fond des bois menaçants, et au sein des ruines hantées qui défigurent ces terres gangrenées...
Johannes les attendra au tournant... Et il n'y aura pas que lui d'ailleurs qui va les accueillir. Non, il y aura pire que lui aussi...
Un grand massacre s'annonçait! et cette boucherie semblait déjà se dérouler sous les yeux du rôdeur!
Son rire à gorge déployée, devenu intense, commençait à résonner en échos dans la clairière décrépite, et sous les cieux noirâtres. En proie à une hilarité désormais fébrile, il se tapa plusieurs fois la cuisse tout en ricanant. Ce ne fut qu'après quelques instants que le renégat parvint à retrouver son calme, soufflant une dernière fois, essuyant quelques larmes de fou-rire qui embuaient ses yeux, avant de se relever pour ranger ses rations, son rasoir et sa gourde.
Un petit sourire remplaça peu à peu la grimace rieuse sur son visage, tandis qu'il reprenait son grand sac et s'apprêtait à repartir.
Il ne pouvait pas se tenir à l'écart d'un tel évènement, d'une telle bataille riche en promesses et en récompenses. Sa soif d'action, ainsi que le mépris noir, fielleux, qu'il vouait -tout particulièrement, aux chevaliers du royaume, lui interdisaient de manquer ce genre d'occasion.
Johannes était d'ailleurs persuadé qu'il aurait l'opportunité de se faire quelques thunes sur la gueule des sang-bleus ; la simple idée de pouvoir leur tirer dessus, comme on tire sur un chevreuil ou un lapin, lui fournissait dés maintenant une motivation suffisante pour se rendre à la Cité des Damnés. Et si la chance l'accompagnerait, alors il rencontrerait peut-être le seigneur Enguerrand: ce même nobliau, qui lui avait fait fuir, presque honteusement, son ancienne vie ainsi que son village natal...
Changement de plan! La fouille de châteaux pouvait attendre ; Johannes devait immédiatement se diriger vers Moussillon, vers le Sud!

...
En un coup de tonnerre, la risette malicieuse qui animait la face du bandit disparut ; ses lèvres s'effondrèrent d'un coup, sous le poids d'une question cruciale.

Où est le Sud?

Où est l'Ouest?

En fait... où est Johannes?

Au bout de quelques secondes de réflexion, le bandit soupira du nez, tout en secouant légèrement sa tête.
La Géographie et les Quatre Points Cardinaux, il s'en lave les mains ; après tout, ce ne sont pas ces choses qui le guident, mais plutôt la Chance, la Volonté et le Hasard. Oui, voilà, la solution à cet inconvénient se révèle déjà dans l'esprit du rôdeur: il continuera de marcher tout droit.
Il finira bien par tomber sur quelqu'un ou quelque chose. Mais ce serait bien qu'il trouve directement cette maudite capitale, ou au moins une route, ou juste un signe qui y mène.
Qu'est-ce qui lui a pris de se diriger vers... ce qui ressemble à l'Ouest?
Il aurait dû s'orienter au Sud bien plus tôt, dés son départ du château des "Daffaloi". Ça lui apprendra.
C'est ainsi que la silhouette encapuchonnée du rôdeur reprit son chemin: tout droit. Elle s'éloigna de la borne, et s'en alla de cette clairière décrépite pour s'enfoncer, disparaître à nouveau, englouti dans les bosquets d'arbres pourrissants.

L'après-midi passe.
Le Crépuscule s'écoule.
Les plantes rabougries défilaient à l'œil ; la boue s'agrippait aux bottes ; les branches tordues se succédaient sous les mains ; et Johannes continuait, encore, toujours ; il s'obstinait, comme le dernier des nabots, sur sa fameuse trajectoire rectiligne, vers l'inconnu.
Cependant, tandis que les ombres commençaient à le cerner, le hors-la-loi finit par remarquer une chose singulière, très étrange même, à l'aune de ce Duché Maudit. Où sont les morts-vivants?
Cela va bientôt faire trois jours qu'il n'a pas vu le moindre zombie, ou juste une simple apparition.
Le malandrin se trouvait-il aux frontières de la contrée? Est-ce qu'il l'aurait même quitté sans s'en apercevoir?
Il y avait de quoi douter, surtout en voyant que la végétation et l'atmosphère avaient légèrement changées... Pas bon. Sans parler du terrain, qui commençait à monter comme une vague, et des arbres qui disparaissaient, les uns après les autres... Comme si la flore elle-même refusait, de manière soudaine mais insistante, d'aller au-delà de ce début de colline.

Intéressant
Alors que Mannslieb montait petit à petit dans les ténèbres, Johannes escalada la butte, pas à pas, progressivement.
Il s'attendait à avoir une vue imprenable, qui lui permettrait de mieux s'orienter dans ces terres. Ce n'est pas vraiment ce qu'il trouva, une fois au sommet. Mais ce ne fut pas décevant ; loin de là.
Le bandit resta un certain moment sur place, titillé, intrigué par la chose qui s'étendait sous ses yeux. Oui, le mot ''chose'' était plutôt approprié pour nommer ce phénomène, cette anomalie qui trônait au centre de son champ de vision.
Plongeant ses mains dans son sac, décidé à découvrir la nature de cette fameuse ''chose'', Johannes sortit sa jumelle, et commença à lorgner ce "paysage" pendant plusieurs instants, à l'affut du moindre indice, de la moindre information.
► Afficher le texte
Un semblant de réponse parvint à l'esprit du renégat.
Une sorte de grande étendue, lisse et plate, dépouillée de toute chose à sa surface.
Un étang?
À moins que ce ne soit une faille?
Un gouffre?

Le rôdeur retira lentement sa lorgnette, ses pupilles n'arrêtant pas de fixer l'étrangeté qui lui faisait face. Ses lèvres s'entrouvrirent, comme s'il allait prononcer quelque chose. Aucun son ne s'échappa.
Toutes ces questions le rendaient muet ; son âme ne trouvait pas le repos, même en ce début de nuit.
Le brigand se ressaisit d'un coup. Il rangea prestement sa jumelle, reprit son grand sac, et entama aussitôt la redescente de la colline.
Une fois au pied de la motte, il contourna la petite éminence rocheuse, et commença à longer les maigres futaies, en direction de cette fameuse ''anomalie''. Un bosquet est dépassé, il se met au long d'un autre, sortant son arc avec une lenteur toute précautionneuse. Un deuxième taillis franchi, et Johannes se colle rapidement à un troisième, toujours devant lui.
Concentration et Vigilance s'efforçaient de prendre le contrôle de ses pensées, qui semblaient gagnées par un frisson de plus en plus grisant.
Sa main s'élança derrière lui, par-dessus son épaule, cherchant une flèche dans son carquois, avant de l'encocher à la corde de son arc.
Le dernier bouquet de feuillus blancs va être dépassé ; au-delà, ce sera l'herbe, et l'étrange.

Le hors-la-loi tourna sa tête, à gauche, à droite, derrière lui, puis la fit revenir devant lui.
Ses regards fouineurs n'avaient rien vu de plus par rapport à tout à l'heure.
Alors il prit une grande inspiration, suivie d'une longue expiration ; de suite après, le voilà qui s'avance à découvert, marchant d'un pas rapide vers les limites, les bordures nébuleuses de cette bizarrerie qui s'annonce peu naturelle.

Demain -s'il y avait un lendemain pour lui, Johannes tenterait de se repérer pour aller vers Moussillon.
Mais ce soir, animé par une curiosité implacable, il veut savoir, il veut vraiment voir ce qui se trouve devant ses yeux.
Si elle atteindrait les limites de l'endroit sans qu'il ne se passe quelque chose de suspect, alors l'ombre se mettrait à rôder tout autour de ce lieu singulier ; ses sens seraient à l'affût du plus petit bruit, de la flamme la plus infime, du détail révélateur, ou de la moindre créature qui hanterait ces parages.
Johannes voulait apprendre ; Johannes voudrait comprendre.
Johannes "La Flèche", Hors-la-loi
Profil: For 8 | End 8 | Hab 10 | Cha 8 | Int 8 | Ini 11 | Att 9 | Par 9 | Tir 10 | NA 1 | SAN 37 | PV 8/65

"Être prévisible est une faiblesse"

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