Malheureusement, cet élan de franche camaraderie fut vite derrière eux et l'ambiance se faisait de plus en plus pesante au fut et à mesure que les éclaireurs s'aventuraient dans cette maudite forêt. Les chevaucheurs qui connaissaient bien leurs étranges montures échangeaient à voix hautes sur leurs inquiétudes vis-à-vis du comportement des fourmis. Une inquiétude bien vite partagée par l'ensemble du groupe lorsque les immenses toiles d'araignées probablement tout aussi immenses furent repérées. Dwaidu regardait ce ciel tissé la bouche bée et les bras ballants en essayant de s'imaginer la taille des bestioles lorsqu'il repéra un mouvement venu d'en haut. Pointant soudainement une hache dans sa direction il s'écria:
- Là !
Vu la tête de chacun de ses camarades lorsqu'il cria de la sorte, ils l'avaient tous repéré exactement en même temps que lui. Dwaidu n'eut même pas le temps de réagir plus que le ciel lui tomba sur la tête et qu'il perdit pendant un instant indéterminé la notion de ce qu'il lui arrivait précisément. Son corps avait été projeté quelque part mais il n'aurait même pas su dire s'il avait été projeté en l'air ou directement en bas, s'il avait tourné sur lui même dans les airs ou était descendu en piquet vers le sol. Quand il reprit conscience de chacun de ses sens en tout cas, il était étendu sur le dos, les yeux ouvert qui regardaient vers la cime des arbres. Il commença à bouger ses doigts de pieds qui lui répondirent, puis ses doigts. Il était entier, sans douleur et surtout, le principal, il tenait toujours fermement ses haches dans ses deux mains. Les nains sont réputés pour leur solidité, et Dwaidu ne faisait pas exception. Comme si de rien n'était il se remit rapidement debout sur ses courtes pattes.
Il observa alors la situation présente et visiblement son vol plané n'avait duré que quelques secondes. La grosse fourmi qui avait porté les deux humains et qui portait toujours le pauvre Dririn était mal en point, morte ou paralysée par l'attaque de l'araignée géante. L'un des humains semblait avoir souffert de sa chute tandis que l'autre s'était relevé rapidement. Le tueur n'eut même pas l'ombre d'une hésitation sur ce qu'il devait faire en cette situation. Une araignée géante, c'était un adversaire assez impressionnant pour vous offrir une mort honorable. Enfin ! Après tant de péripéties infructueuses son adversaire digne de ce nom était là devant lui. Pas aussi gros qu'un dragon mais quand même.
Dwaidu n'approuvait pas du tout la stratégie de Martin de faire tirer en l'air pour donner l'alerte car cela risquait de convaincre les autres de presser le pas et de débarquer pour les sauver de ce mauvais pas avant qu'il ait le temps de terrasser le monstre en trouvant le trépas lui même. Mais il ne pouvait pas leur en vouloir de chercher à sauver leur peau. Si son compagnon humain usa de stratégie pour tenter une action qui lui permettrait de sauver à la fois son compagnon et lui même en s'attaquant à la toile, le tueur décida d'une stratégie tout à fait différente guidée autant par le courage que par un désir suicidaire : foncer directement sur la bête, l'obliger à lâcher la fourmi et à l'affronter en duel pour sauver sa peau.
Alors que Martin s'élançait avec sa dague, Dwaidu hurla son cri de guerre :
- Haches en avant !!
Joignant le geste à la parole, il s'élança à son tour droit sur l'araignée géante. Alors que l'heure du combat sonnait, Dwaidu entra dans une folie meurtrière qui lui faisait oublier tout instinct de survie pour ne penser qu'à frapper encore et encore.