Cripsjin parut bien peu convaincu par le propos de Niklaus sur sa sœur. Il se contenta de hausser un sourcil, en prenant un air bien dédaigneux.
« Affirmée, je vous crois. Vos affaires de famille ça concerne que vous, je vais pas juger, mais vous devriez faire gaffe ; Les rumeurs ça passe de salon en salon, et ça fait jamais du bien à personne.
– Mh… Malheureusement d’accord. »
La relance de quatre n’était pas élevée. Mais le faire avec une simple paire de trois était peut-être très osé de sa part. Trop osé. De quoi perdre inutilement beaucoup d’argent.
Maerten jeta les pistoles devant lui pour suivre. Lorsque ce fut au tour de Cripsjin, il observa rapidement son jeu, souffla et jeta ses cartes.
« Je n’ai ni frères et sœurs, non, maître. De nombreux cousins dont je suis proche, mais je suis fils unique.
– Une chance. Moi j’ai une demi-douzaine de frères et sœurs, ma mère est une honnête femme bien occupée… La plupart sont plus à Marienburg, père leur a payé une affaire ailleurs dans le Vieux Monde aux plus vieux.
Mon cadet il est à l’Anguille, par exemple. Se fait un tas de thunes sur la pêche. Puis j’ai une sœur qui a épousé un patrice Tiléen…
– C’est qu’elle est riche la famille van Haagen.
– T-t-t-t, pas de jalousie mon bon Egmond.
Joue au lieu de parler. »
Egmond leva son regard pour croiser les yeux de Niklaus. Un long instant. Il essayait peut-être de lire quelque chose dans le regard du Hänshel.
Et il se décida à craquer. En tiquant des lèvres, il jeta les cartes afin de les défausser, se couchant également.
Seul Maerten restait donc en jeu. Il montra gaiement ses cartes ;
Il n’avait rien. Quatre carreaux, et malheureusement un cinquième de trèfle. Il avait peut-être essayé d’atteindre la couleur, mais n’avait rien d’autre qu’un joli as en carte haute.
Absolument pas suffisant pour battre quelque chose d’aussi ridicule qu’une paire de trois. En voyant ça, Crispjin devint rouge.
« J’avais un brelan putain !
– N’importe quoi. On se couche pas avec un brelan. Surtout pour une relance de quatre !
– Je dois pas être assez défoncé pour prendre des risques ! Tu dois avoir un truc sur toi, Egmond !
– J’ai ce qu’il faut, oui. »
Avec un sourire malicieux, Egmond mit sa main dans son manteau pour y fouiller quelque chose. Maerten, lui, semblait être un bon perdant pour quelqu’un qui venait de donner huit pistoles à celui attablé à côté de lui.
« Je te l’ai dit, Nicolaas ; Je suis accro au jeu, ça veut pas dire que je suis doué. C’est mon alcool. J’en suis ivre.
Pour ça que je suis un peu à part par rapport au reste de ma famille, d’ailleurs. Je suis un noble et pourtant je me suis fait élire au Burgerhof, tu te doutes bien qu’il y a une raison. »
Egmond déposa sur la table un petit pochon, dans lequel se trouvait une sorte de petite farine blanche. Il la posa soigneusement sur la table pour en faire une ligne. Crispjin se boucha une narine, approcha l’autre, et renifla toute la poudre d’un coup. Il sautilla en arrière, ricana, et se lécha les incisives.
Den Euwe lança un petit sourire en coin aux attablés devant lui.
« En prendrez-vous un peu ? »
Gerard devint livide. Il agita la main.
« Heu… Non merci, sans façons…
– Roooh… Vous venez nous embêter pour jouer aux cartes, vous vous installez sans être invités, et vous allez faire la fine bouche devant un petit peu de produit ?
J'en ai acheté sur le marché de Lustrie, le seul qui a vraiment fait son beurre dessus c’est le vieux Kuypers. Autant vous dire que ça coûte immensément cher si vous deviez en obtenir vous-même. »
Crispjin tapa l’épaule de son comparse.
« Laisse. Ils aboient beaucoup, ils parlent bien de comment ils savent s'agiter avec une rapière, mais ils ont pas de couilles, ça se voit. »
Il lança un mauvais regard à Niklaus.
Maerten, lui, parut embarrassé.
Est-ce que prendre un rail valait le coût de rester auprès des rejetons de deux puissantes familles des Dix ?