Ketel écouta attentivement les questions successives de Niklaus. Il y avait plusieurs volets à aborder, aussi il attendit bien que le fils de son employeur eut terminé pour répondre succinctement.
« Il y a des dizaines de villes possédant une charte le long du Reik et de ses confluents. Chacune de ces villes a ses propres péages et ses propres droits, c’est un bazar immense ; Mais l’avantage, c’est qu’à chaque fois qu’on traverse une écluse et qu’on paye un octroi, le prix de la cargaison augmente de façon proportionnelle.
L’avantage du Reik, c’est que ce n’est que fluvial. Une simple barge peut servir à transporter les marchandises, ce n’est pas pareil lorsque nous voulons aller vendre dans un port naval. L’autre avantage, c’est qu’on a moins besoin de dépenser en équipage ou en assurance ; Les bateliers c’est facile à trouver, un âne à louer ça coûte une bouchée de pain, et on trouve des forfaits de crédit couplé à une assurance très avantageux à la bourse.
Bien sûr, les capacités de fret ne sont pas énormes. Et on ne peut vendre qu’à l’Empire. »
Il fit un petit signe de tête, tandis qu’il prenait une liasse de papier sur laquelle il commençait très soigneusement à dessiner des cases avec une règle.
« Mais vous savez, maître Niklaus, vous ne devriez pas avoir peur de l’emprunt : C’est normal de faire des crédits, surtout si vous comptez faire un achat de marchandise à revendre pour avoir de la marge. Dans tous les cas, vous n’aurez pas le choix, la compagnie sera forcée de demander des refinancements, on n’y échappe pas. Ce qu’il faut, c’est simplement négocier les meilleurs taux et les meilleures clauses.
Je n’ai pas parlé de la Zusje parce que nous n’avons pas encore le volume qui nécessite de la sortir de sa rade. Et de toute façon, le navire est encore en état suffisant pour naviguer. Néanmoins, il est vrai que la Zusje est apte à aller en pleine mer, et il est bien, bien plus intéressant de vendre du drap en Tilée ou au Kislev qu’à Altdorf. Néanmoins, si vous vous posez la question, je chiffre les réparations nécessaires à quelque chose entre trois et quatre mille guilders, pour deux mois d’immobilité. C’est déjà plus dans notre budget. »
Tous approuvèrent silencieusement par de simples hochements de tête. Sauf l’assistant parlementaire, qui se contentait de croiser les bras, pas véritablement concerné par cette discussion.
« Nous avons toujours payé nos traites en temps et en heure, c’est certain. Mais plutôt que demander une simple échéance, nous pouvons demander un renouvellement de crédit et l’étaler plus loin encore dans le temps.
Je vous assure que ce n’est pas notre poste de dépense principal : Même avec tous nos intérêts mis ensemble, on paye beaucoup plus en loyers et en impôts sur les salines. Nous sommes en capacité de demander à nouveau de l’argent. Le souci, c’est qu’il faut choisir avec attention à qui nous allons demander cet argent.
De plus, nous allons avoir besoin de financer votre campagne. Ce n’est pas gratuit. »
Ketel fit un signe de tête à Verhagen. L’assistant parlementaire se réveilla enfin, regarda tout le monde, puis se mit à piailler :
« En effet. Ce sera une campagne très courte et nos réseaux sont déjà bien assurés, mais il est toujours bon de financer des crieurs et des démagogues, et coller des affiches. On peut aussi faire une réunion publique pour que vous fassiez un discours devant les électeurs, et tout ça coûte de l’argent.
Plus on dépense, plus on aura de moyens. Le coût pourrait aller de mille à cinq mille guilders. Ça dépendra de ce que vous jugez plus essentiel qu’autre chose. »
Ketel agita la tête.
« Nous avons trois créanciers actuellement.
Il y a tout d’abord la banque Verdaccio. Ce sont des courtiers issus de la République de Verezzo. Ils ont beaucoup de filiales à travers le Vieux Monde. Ils sont très forts pour offrir des titres et des participations sur le marché, mais je les soupçonne d’être trop volatiles et agressifs. Ce sont plus des actionnaires en bourse que des emprunteurs stables. Nous pourrions obtenir beaucoup d’argent d’eux, pour très peu cher.
C’est tout l’inverse de la banque van Drank, qui est notre deuxième créancier : Les van Drank ont mit en place une banque qui existe depuis les temps de la baronne Magritta. Ils assurent leurs arrières avec de vraies propriétés, ils achètent des choses qui rapportent peu mais qui sont stables. C’est chez eux que nous sécurisons la plupart de nos fonds et chaque fois que je dois faire une lettre de change, c’est auprès d’eux. Le désavantage de leur stabilité, c’est qu’ils sont très pingres et offrent rarement de bons taux. Ils n’aiment pas le risque, c’est comme ça qu’ils endurent.
Quant à la famille den Euwe, je n’ai négocié avec eux que pour acheter rapidement le drap qui est actuellement dans notre entrepôt, et régler quelques traites. C’est un emprunt très court, ce qui explique qu’il pèse aussi lourd dans les intérêts que nous devons. Négocier avec une famille marchande plutôt qu’avec une banque, ça offre de nombreux avantages : Mais ce qu’ils demandent en échange, c’est rarement uniquement de l’argent et des terres. Les den Euwe pourraient exiger de notre part des votes ou des alliances politiques.
Si ces trois créanciers ne conviennent pas, nous pouvons en trouver de nouveaux. Il y a les cultes de Haendryk ou Manaan qui sont immensément riches. Ils peuvent peut-être offrir de bonnes conditions.
Enfin, il nous reste toujours l’option de négocier avec la famille Ottenmeir. C’est souvent plus facile de demander crédit à sa famille plutôt qu’à une institution. »
À cette dernière suggestion, Hannes déglutit visiblement.
« On peut négocier avec la banque Verdaccio ou les den Euwe. Cela me semble le plus efficace.
Niklaus, tu crois que tu peux te charger de nous obtenir des financements ? Nous pourrions partir sur trente mille guilders. Nous pourrions négocier avec les deux pour les obtenir. C’est une somme conséquente qui nous permettrait de payer les traites, ta campagne, et nous obtenir de la marchandise qu’on irait vendre au printemps. »