Les choses se déroulaient encore mieux que Zdraski ne l'avait envisagé. A peine avait-il ordonné à son nouvel esc... acolyte de renifler la piste de ses camarades tombés que le misérable s'était élancé avec un étrange entrain. Il galopait comme s'il était possédé par le parfum lui ayant chatouillé les narines, forçant le Prophète à se mouvoir à quatre pattes pour ne pas le perdre de vue. Un effort supplémentaire qui fit pester le religieux grassouillet. Ses longues robes rendaient sa course difficile et il peinait à maintenir la cloche accrochée autour de son cou immobile pour ne pas signaler leurs présences à tous deux.
Mais tandis qu'il s'époumonait pour ne pas perdre de la distance, un soupçon vint chatouiller l'esprit de Zdraski quant à son "guide". Lui qui jusqu'ici avait agit avec la couardise propre aux Skavens chargeait sans hésitation au milieu du territoire ennemi. Il ne semblait même pas dérangé par les fréquents puits de soleil qui agressaient les yeux ou les bruits des choses-hommes juste au dessus de leur tête. Deux choses qui forçaient pourtant même Zdraski dans un constant état d'alerte. Il claquait nerveusement de la mâchoire, sa fourrure était toute ébouriffée et seul un puissant effort de volonté lui permettait de ne pas relâcher le mucus de la crainte partout dans son sillage. Il avait peur, même s'il refuserait de l'admettre. Et voilà Twiz qui gambadait comme un souriceau ayant reniflé un morceau de fromage vieux de plusieurs semaines. Ses mouvements étaient éreintés, excités, plus proche du rongeur fou que de l’individu. Qu’est-ce que cela signifiait ? Soit la combinaison de blessures et de terreur avait grillé ce qu’il lui restait de cervelle soit… Il était possédé par quelque chose. Ce qu’il avait reniflé l’avait mis en transe et un instinct plus puissant que sa lâcheté avait prit le contrôle de ses actions. Fallait-il y voir là un pouvoir de l’objet-objet tant convoité ? Dégageait-il une aura à même de rendre fou les Skavens qui captaient sa présence ? Fascinant… Et terrifiant.
Dans un geste de prudence et de sagesse, Zdraski préféra s’abstenir d’utiliser son propre odorat pour épauler son « guide ». Il avait beau avoir la bienveillance de sa déité affamée, il n’était pas assez stupide pour exposer sa personne à des magies dont il ignorait tout. Mais si l’artefact qui l’attendait était en effet aussi puissant qu’il était en train de le supposer, alors ce serait là un somptueux butin et un outil de choix sur le chemin de la grandeur.
Après une course qui lui sembla durer une éternité, le duo d’hommes-rats aventuriers se retrouva nez à nez avec une lourde porte de bois close. A en juger par l’attitude de Twiz, la piste continuait de ce côté. Mais à peine Zdraski avait-il tendu la patte pour essayer de l’ouvrir qu’une voix leur parvint de l’autre côté. La queue du Prophète fouetta l’air nerveusement, lui arrachant un frisson d’horreur et de dégoût.
- *Damnation ! Les choses-hommes !*
Il avait été tellement enthousiasmé par la perspective de retrouver l’artefact qu’il en avait presque oublié qu’il y aurait probablement une troupe de ces primates tout autour. Une once de panique le prit aux trippes, mais il se ravisa, tentant de rationnaliser leur situation. Ils étaient encore dans les égouts. Malgré son mépris évident pour leurs cultures, Zdraski était suffisamment renseigné sur leurs habitudes pour savoir que peu des leurs aimaient s’aventurer dans les dédales souterrains sans une bonne raison. Dans les villes, cela se résumait en général aux contrebandiers, heureux de trouver des chemins loin des regards des gardes, et les employés chargés d’exterminer la vermine. En résumé, il ne s’agissait probablement pas d’une troupe importante ou lourdement armée. Peut être même cet énergumène était-elle seule, aucun autre bruit de discussion ne semblant leur parvenir. Peut être lui et ce « Herbert » étaient un duo brièvement séparés.
Dans tous les cas, il fallait réagir. Et vite. La chose-homme attendait une réponse. L’idéal serait de l’attirer dans un piège. Malheureusement, Zdraski n’était pas confiant en sa capacité d’imiter leur façon de parler sans attirer la suspicion. Quant à Twiz il était….
- *Toujours aussi-aussi incapable !*
Vite. Vite. Et puis soudain, une idée. Il n’avait pas besoin de parler. Tout ce dont il avait besoin, c’était que la chose-homme vienne ouvrir à Herbert. D’un claquement de dents et d’un mouvement du museau agressif, le Prophète ordonna à Twiz de se préparer à frapper. Le tunnel était sombre, il serait facile de s’y cacher à la vue de la chose-homme. Quant à Krad, le Cornu fit usage du lien psychique qui les unissait toujours pour lui donner une instruction assez simple pour que son esprit limité puisse la comprendre.
Zdraski s’abrita là où la porte le masquerait une fois qu’elle serait ouverte. Faisant appel à la magie qui circulait en lui, il essaya de faire appel à maléfice du Compagnon de l’Ombre pour se fondre plus encore dans l’obscurité.
Puis, se raclant la gorge, Zdraski tenta de tousser bruyamment, imitant ce bruit immonde qu’il avait entendu les choses-hommes produire lorsque frappés par la maladie. Il joua avec la poignée de la porte pour faire croire qu’il n’arrivait pas à l’ouvrir puis, de son petit poing griffu, il frappa sur le battant de bois en toussant de nouveau. Il espérait que quiconque se trouvait de l’autre idée conclurait que son compagnon avait la voix enrouée et était coincé de l’autre côté pour une raison quelconque. Avec un peu de chance, la chose-homme ouvrirait la porte. C’est alors que Krad, un peu plus en retrait, s’agiterait en tout sens pour faire autant du bruit dans le tunnel que lui permettait sa petite stature. C’est seulement lorsque la Chose-homme s’avancerait pour enquêter sur l’origine des sons que les skavens pourraient bondir sur elle. Un plan parfait produit par un esprit brillant…. Et qui avait autant de trous qu’un fromage.