Seconde plus vaste cité de l'Empire après Altdorf. Ses murailles titanesques prolongent les falaises abruptes du grand plateau du Fauschlag sur lequel la ville repose. A l'intérieur, des centaines de voies, larges avenues, rues, ou venelles, des milliers de bâtiments édifiés des pierres grises du plateau, palais fortifiés, manoirs ou taudis... et encore plus d'habitants... Le récent siège de Midenheim par Archaon a certes dépeuplé la cité, mais des réfugiés de toutes parts, en grande partie des miséreux, misérables, ou les deux, ont bien vite comblé ce manque à l'excès. La ville n'a jamais été autant habitée, mais pourtant aussi peu active. Les Midenheimer sont encore sous le choc des horreurs chaotiques qui ont dévastés leur ville. Les chaussées et les grandes portes sont fissurées, à l'image de la confiance des habitants. La reconstruction se fait lentement, malgré la main d'oeuvre conséquente, et ce sont des galetas immondes qui remplacent souvent les bâtisses en ruines...
Mais la vie reprend néanmoins son cours, lentement certes, mais tout de même. Le Graff Boris Todbringer, et ses subalternes, y veillent, tout comme les Templiers du Loup Blanc. La fierté n'a jamais quitté Middenheim, devenue depuis peu aux yeux de l'Empire «le roc contre lequel la déferlante du Chaos s’est brisée et désagrégée.» Ce n'est pas rien!... Cela fait près de quatre ans maintenant, les festivals, absents un temps, sont de nouveaux organisés. Le Guet est là, et bien là, et patrouille inlassablement sous les ordres des Midden Marschalls. Si les quartiers indigents et mal famés ont quelque peu gangrené la ville, élargissant leurs frontières, cela a cessé, et une certaine stabilité est revenue. Mais bandits et gredins se sont eux aussi réorganisés...
Ce dernier point n'est d'ailleurs pas fait pour enjouer Mathias Weichmann, voleur pigiste à Middenheim... C'est un de nos héros, et c'est son histoire, entre autre, qui va être contée maintenant...
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An 2526. Début de l'été. Dans une taverne puante mal nommée: "La bonne boutanche." Début de soirée.
Mathias Weichmann, en situation délicate avec certaines Guildes noires du Middenland, rencontrait un de ses contacts habituels à ce sujet: Rufus, surnommé "La Clef". Les larcinneurs ont toujours des noms si imagés! En l’occurrence, celui de Rufus lui venait bien sûr à l'origine de ses talents de crocheteur, mais désormais il le portait aussi pour une autre raison. Au fur et à mesure qu'il avait pris du métier, ce vieux gaillard se révélait toujours d'excellent conseil, et particulièrement informé. Il était la clef qui résolvait nombres de situations, dans le milieu... Retirés des affaires, il n'avait, à l'inverse de Mathias, aucun problème avec le Guildes de l'Ombre, mais, ayant lui aussi dans le temps eu maille à partir avec elles, il appréciait clairement les rebelles tels que notre filou de héros...
Surtout quand celui-ci lui payait un godet.
-Aaah Mathias! souffla t-il après avoir éclusé son verre de gnôle. T'es bien dans l'bran ouais. Pour sûr! Et pas qu'un peu! Si tu veux pas crever ou raquer jusqu'à la fin d'tes jours, y t'faut un gros coups. Mais alors un gros de gros! Il leva un index péremptoire, dans un sourire ivre: Le truc qui t'marquera à jamais comme un grand d'ce monde... et qui foutra un tel bordel, que tes ennemis auront alors bien d'aut' chats à fouetter que d't'ennuyer.
Cette vieille fouine de Rufus avait une idée énorme derrière la tête, c'était clair. Il n'en fallu sans doute pas plus pour attiser la curiosité de Mathias. Ils étaient tous deux assis à une table vermoulue et collante, dans un coin enfumé à l'écart des braillards avinés et des filles de joie qui gloussaient. Au plus proche d'eux, il n'y avait rien d'autre qu'un pauvre rebouteux sans danger qui excisait les furoncles d'un patient, tombé dans les pommes et couché sur une table improvisée en lit de malade. Ça ne risquait rien, et en surplus le gars ne pouvait rien entendre vu le boucan ambiant.
Rufus prit un air finaud:
-Faut te faire les artefacts du Grand Detrousseur mon p'tit! Ouais, de Magor lui-même! Son Passe-muraille et son Gant Dérobeur!
Il se marra bêtement, tant ce qu'il disait était démesuré, avant d'en rajouter une couche.
-Et puis l'buter tant que t'y es. T'imagines le bordel que ça foutrait dans les Guildes?
Magor, autrement dénommé avec modestie "Le Grand Détrousseur", était le Maître de la Guilde du Sombre-Art, l'organisation la plus lucrative du milieu à Middenheim, et dépassant même ses frontières. D'évidence, il était vrai que s'il disparaissait, la guerre que se livrerait les autres Guildes noires pour sa succession et la prise de son territoire serait phénoménale. Qui emploierait alors un assassin pour un insignifiant indépendant comme Mathias? Les assassins seraient bien trop occupés... et puis, on peut rêver, si Mathias possédait lesdits artefacts de Magor, l'on peut penser qu'il deviendrait lui-même riche et célèbre non?
La Clef ricana encore, puis prit un air plus sérieux en se penchant vers notre héros pour lui faire respirer son haleine de tord-boyaux:
-En fait j'déconne pas... J'ai des informations. C'est faisable si t'en as vraiment dans les braies. Et bon, un brin d'chance aussi ouais ... J'peux faire de toi un mythe, gamin.
C'était surréaliste comme discussion... Se faire Magor! La légende des Bas Fonds! Et c'était un ivrogne déchiré à l'alcool qui lui parlait de ça!...
Cependant... cet ivrogne? c'était "La Clef", non?.... Mais la clef pour la fin des emmouscailles de Mathias ou celle qui lui ouvrirait une porte vers un bran plus grand encore?
A côté:
C'était terriblement improbable, mais le médecin des furoncles entendait tout... Rodolphe Rosenbaum avait en effet l'ouïe particulièrement acérée. C'était, quoiqu'on en croit, un atout majeur dans son métier...
... et ce que dit ensuite Rufus l'intéressa sans doute particulièrement.
-Et puis Magor, avait-il ajouté dans une moue méprisante, c'est un bâtard qui trafique avec le Chaos et des gros nobles de not' bonne ville. Franchement, y trame des trucs bien pourris. Tu vas voir qu'y va nous faire repartir le bordel d'Archaon, ce chien!... Franchement, l'buter ce s'rait en plus faire une bonne action pour l'pays. Un rire idiot. T'aurais pas d'médaille, mais foutrecul! T'aurais dégagé un bon gros salopard!
Silence à la table. Des prostituées riaient, là bas, faisant semblant de trouver irrésistibles les mineurs avec qui elles buvaient. Les furoncles du client endormi de Rodolphe étaient soignés et bandés, et, en plus d'une action de salubrité publique, Rodolphe avait déjà été payé pour ça.
Rufus La Clef regarda son verre vide... Et ne dit plus rien.