[Epik Kipik] É colleg’ Rham’ !

La Sylvanie inspire la peur dans le reste du Stirland. Depuis la sombre ville de Tempelhof, qui n'a pas eu de prêtre de Morr attitré depuis 800 ans, jusqu'aux contreforts des Montagnes du Bord du Monde, entre le bief de l'Aver et le Stir, la plus grande région du Stirland est un lieu de terreur et d'obscurité. On dit que les fantômes y évoluent en toute impunité à la nuit tombée parmi les collines Hantées et que l'épais brouillard des bois sylvaniens emprisonne parfois les âmes, les obligeant à y errer à jamais. La portion orientale de la province est la plus désolée, là où d'anciens châteaux noirs sont juchés sur leurs pics escarpés comme des vautours scrutant les villes en contrebas.

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Des marécages entourés de landes désolées parsemées de petites collines et de bois torturés, qui eux mêmes donnaient sur des marécages quand on les traversait. Tel était la vision qui s’offrait aux yeux perfides de la bande de gobelins. Quelle que soit la direction choisie, ce spectacle se répétait à perte de vue, du moins quand on ne regardait pas vers les montagnes. Il n’était décidément pas facile de s’orienter dans les terres hantées de Sylvanie. Pourtant, Kogn’ghueul en était sûr, ils devaient être proches de leur forteresse. Elle aussi était entourée de terres pauvres, peu propices à l’agriculture, et proche des montagnes. Bon, par contre, c’était un peu plus humide ici, et allez savoir pourquoi, truffé de petits villages humains par ci par là. Et puis, il y avait une sensation bizarre, comme une idée que quelque chose n’allait pas, n’était pas normal, qui passait parfois par la tête d’Epik au lever du soleil derrière les montagnes, mais il ne parvenait pas à mettre le doigt dessus.

L’objectif du groupe avait récemment changé. S’il s’était agi au départ de simplement rentrer au repaire, depuis la perte de sa lance le chef Kogn’ghueul avait décidé que la nouvelle priorité était de la retrouver. Ils ne rentreraient pas tant qu’ils ne l’auraient pas retrouvée, ainsi en avait-il décidé, car oui, contrairement à ce que les mauvaises langues prétendaient derrière son dos, il savait exactement où ils se trouvaient. S’ils n’étaient pas déjà chez eux, c’est simplement parce qu’il ne souhaitait pas rentrer sans sa fameuse pique.

Cela faisait plusieurs jours maintenant que les chevaucheurs de loups gobelins progressaient plus ou moins au hasard dans ces étranges terres. Pour l’instant, la fortune était plutôt de leur côté. L’instinct de leurs féroces montures leur permettait d’éviter les mauvais chemins dans les marais et les bois. Il n’y avait plus de trace de leurs poursuivants elfiques, ce qui était un soulagement pour tous. Malgré tout, le bétail rencontré en chemin et le gibier qu’ils croisaient suffisait à peine à nourrir les maigres ventres des peaux-vertes et surtout des prédateurs qui leur servaient de montures.

Le véritable risque n’était pas de mourir de faim, mais plutôt d’être dévorés par leurs loups. Des bêtes remarquables, mais dont la fidélité avait ses limites, limites très vite atteintes lorsque leur ventre était vide. Bien sûr, ils avaient de la marge, ils pourraient toujours sacrifier les pleurnichards, les couards et les traîtres en cas de besoin, mais tout de même, leur bande n’était plus si nombreuse. Epik Kipik sentait la grogne monter chez certains. Il ne faudrait pas que la situation s’éternise, sans quoi des têtes pourraient tomber.

Ce jour là, alors qu’ils chevauchaient depuis plusieurs heures déjà, le groupe atteignit enfin la lisière du bois. Prudent, Kogn’ghueul s’était arrêté là, dans les taillis à l’orée du bois pour vérifier que tout était dégagé, avant de s’aventurer à découvert. Surprise, la vue donnait sur… Un marécage.

Test d’INT (perception) : 20. Echec critique. Pas mal pour un premier jet !
Pour Epik, il n’y avait là rien de nouveau. Mais une voix traînante s’éleva derrière lui, mielleuse et pleine de fiel. Sans même le regarder, Epik sut qu’il s’agissait de Trouss’, que ses détracteurs, dont faisait partie en premier lieu Kogn’ghueul, surnommaient « Troussar » :

- Dé maré, dé foré et encor’ dé maré… Y’en a marre, hé ! Sa fé 3 jours qu’on s’promèn’ dans cet endroit paumé et qu’on crèv’ la dalle ! Y’en a dans la band’ qui s’disent qu’tu sauré pas où qu’on é. Y’en a qui s’disent qui faudré pt’êt changé d’chef.

-Ferme-la, Troussar ! On t’sonnera kan k’on voudra t’entendre. Si y’en a ici ki pensent comme Troussar a dit, ki z’y viennent s’mesuré à moi !


Kogn’ghueul balaya du regard la petite troupe, ses yeux malfaisants s’attardant particulièrement sur Trouss’ et ses « kopains », regroupés autour de lui. Tout le monde attendait, la tension montait. Mais finalement, personne ne se sentit le courage de défier le chef. Du moins pas comme cela, pas face à lui.

Il avait beau être contesté, Kogn’ghueul gardait pour l’instant pour lui plusieurs avantages indéniables sur les autres. D’abord, c’était lui le plus fort, le mieux équipé et le plus adroit avec les armes. Ensuite, il avait le plus gros loup. Enfin, jusqu’ici, ses décisions n’avaient pas amené le groupe dans un état assez désespéré pour qu’il n’explose. Toutefois, Kogn’ghueul n’était pas né de la dernière pluie. Son instinct fourbe de gobelin lui disait de se méfier, c’est pourquoi il continua :


-J’préfère sa ! Bon, maint’nan, pié à terre, cé la pose ! É résté bien à kouvèr', band’ de débil’ !

Epik Kipik’, viens par ici, faut k’j’te kause…


Une fois un peu isolé du reste de la meute, Kogn’ghueul se confia à son ami :

-J’sé pas toi, mais j’sens kom un vent de « sédiktion » dans la band’. Mé j’penss’ pas que ce kouar de Troussar soit derrière tout sa. Il é tro lach, il agit pas seul.

Epik Kipik’, t’é mon ami, hein ? Oéé, té mêm l’seul dans cette bande d’inkapables et d’ingrats aukel j’peu avoir konfians.

Tu t’demandes pourkoi j’le laiss’ défier mon autorité ? Pourkoi j’lui é pas colé la raklé ki méritt’ avant d’le donner à bouffer aux bêtes, pas vré ? Parske j’suis l’chef, et ke j’réfléchis plus loin, tu vois ! Pars avec lui en éclaireur, vois s’kil y a de l’aut’ côté du maré, mé surtout, vois s’ke Troussar sé, ki k’é avec lui. Gagne sa konfians, fais-toi passer pour son ami. Tou les gars t’ont à la bonne, Epik, il y verra k’du feu.

Sens-toi libre d'interagir avec d'autres gobelins de la bande et avec Trouss', ou avec Kogn'ghueul, ou ton loup. Si tu veux me contacter pour faire un dialogue, n'hésite pas à me MP. Pour rappel, tu n'as pas de position hiérarchique par rapport aux autres gobelins, mais ils t'ont à la bonne, et en plus tu es le chouchou du chef. Vous êtes une quarantaine dans le groupe.
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Epik Kipik'
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Ventre vide, ventre crispé, ventre noué. La meute avançait sur les landes maussades de Sylvanie, à la recherche d’une arme importante aux yeux de ces quelques Peaux-Vertes et en particulier à ceux de leur chef’, Kogn’Ghueul. Ils n’avaient à bien des égards qu’une idée toute tronquée de ce que cette quête pourrait leur apporter, mais tel était le crédo des gobelins : s’ils avaient envisagé que cela puisse être la solution pour les sortir de cette errance, alors il fallait vaille que vaille qu’ils parviennent à retrouver ce qui de droit était à eux.
Les grosses pattes de leurs montures bardées de griffes aiguisées comme des lames de rasoir s’enfonçaient, les unes après les autres, dans la glaise que les collines laissaient aux bois humides. Après avoir passé des paysages vallonnés peuplés de hameaux humains, le groupe de Peaux-Vertes, menant sagement la troupe vers d’autres péripéties, aborda une lisière d’où ne jaillissaient que des ténèbres.

« Jé pas souvenir kil y ait eu ôtant de marékages par ché nous…
- Cé fou ce kil y a d’arbres ici… on voit même plus la forêt !
- Haha, abruti, la foré, elle é juste derrière ! »

Le loup qui marchait sous sa selle émit une sorte de petit couinement pleurnicheur, une complainte émergeant de son inquiétude. Pour les bêtes à poil hirsute, les steppes sauvages étaient de grands terrains de jeu et foutre leurs pattes dans la vase des méandres méphistophéliques de cette mangrove ne pouvaient guère les séduire, et même à contrario les conforter dans la seule idée qui s’invitait à leurs instincts naturels quand ils voyaient que le ciel se noircissait de houppiers et que la terre se dérobait sous leurs coussinets : cette idée que sous l’eau, il y avait toujours de grosses bêtes, encore plus grosses qu’eux, pouvait les terroriser.
Ou alors il y avait des elfes et ça, c’était encore pire que les grosses bêtes.

« Hé, les khanines de ta bête sont en train de claker, c’est normal ? »

Oui, c’était parfaitement normal. Les loups sanguinaires sur lesquels trottaient les gobelins n’étaient pas des bêtes réputées pour leur intelligence mais elles pouvaient apprendre, par l’expérience. Et l’expérience, quand on emmenait cette crapule sur son dos, était souvent…
… mauvaise.

Epik était habitué à ce que sa monture montre des signes d’inquiétude et pour cause : en bon éclaireur pour la troupe, il savait que la puanteur des marécages n’augurait jamais, jamais rien de bon ; à tel point qu’il n’était pas vraiment plus serein que l’animal qu’il montait. Mais il avait une technique bien à lui pour lui remonter le moral et empêcher ses dents de claquer ; ou alors, elles claqueraient d’une autre façon.

« Humain ? »

Soudain, la bête changea de visage et jappa, visiblement excitée et exorcisée des démons qui avaient envahi son esprit et jeté au fond d’elle une peur instinctive. Comme les gobelins étaient plus appâtés par les richesses que de raison et ne pouvaient parfois y résister au péril d’y miser leur propre vie, les loups, eux, ne pouvaient réfréner leur appétit. Chacun avait ses tares et pour dresser une bête, il s’agissait de savoir sur quels leviers on pouvait tirer pour obtenir gain de cause. Aussi la perspective de planter ses crocs dans la chair juteuse d’une créature humaine aida-t-elle à encourager l’animal qui commença à bondir dans tous les sens, tant et si bien que quelques secondes plus tard, Epik se retrouva le cul par terre.

Les mauvais présages et les craintes s’effacèrent devant la loi des glandes salivaires que le prédateur ne contrôlait guère et le maître, quant à lui, se redressa avec pénibilité en raclant la boue dont sa peau aux couleurs d’émeraude était recouverte. A quelques pas de là, une courte querelle anima la polémique entre Kogn’Ghueul, leur chef, et Troussar, le rebelle. Il ne fallut que quelques secondes pour que le grand chef’ ne quémande l’implication de son meilleur arbitre, de son loyal médiateur. Epik était souvent invoqué pour régler ce genre de problèmes.
Mais ça ne voulait qu’il était compétent.

« Euh… wé, je t’avoue ke j’ai pas tout kompris mais kan tu réfléchis loin, tu vas où ? »

Il se demanda pourquoi il fallait partir pour cogiter « plus loin que les autres » mais tout à coup, une idée de génie lui vint à l’esprit : si on l’envoyait en éclaireur, c’était peut-être pour le rendre intelligent comme le grand chef !

« Dakor Kogn’Ghueul ! J’ai kompris ! Je te jure kon va devenir kopain lui et moi, et ke je lui apprendrais à être comme nous-ssa ! Tu peu me faire konfians ! »

Mais de confiance, peut-être n’aurait-il pas dû lui accorder. Epik’ siffla pour appeler sa monture en criant « Nonoss’ ! » pour qu’elle arrive à brides abattues, ce qu’elle fit en se jetant sur lui et en le plaquant au sol. Lui qui venait tout juste de se nettoyer…

Les minutes passèrent. Epik’ vérifia son équipement, rangea quelques vivres qu’il piqua dans un sac sans savoir à qui cela appartenait, passa sa main dans sa crète rouge pour la coucher sur le côté et se donner un air rebelle, plongea son gros doigt dans sa narine et caressa ensuite sa bête pour s’essuyer dessus, sous couvert de lui faire des gâteries. Puis, d’un bond vif, il grimpa sur sa selle, poussa un « yéyé ! » et l’animal trotta quelques instants pour aller rejoindre une autre bête, blottie sur elle-même sur un lit de paille, tandis que son maître s’affairait à corriger les sangles de sa selle qui avait bougé durant le dernier voyage.

« Troussar, le granchef’ a besoin de kelke braves pour partir en éklairage. D’habitude je pars avek Grokrâne et Flipeur ki arrête pas de flipper, mais ce ke ta dit tout à l’heure, ça m’a fé réfléchir loin et je pense ke cé vré. Je krois kon é perdu et si on fé konfians à n’importe ki pour nous guider… sa peut pas le fér. Alors j’ai un marché à te proposer.
On va partir tous les deux, ke toi et moi. Ya ke nous pour savoir où cé kon doit allé. Je fé plus konfians aux autres, kom toi. Mais toi, tu cé, kom moi, kon é parti au mauvais endroit. Ya pas ôtant de marékages par ché nous. Alors on va éklairer et on va dire aux autres où cé ki fô aller, et où cé ki fô pa aller.
Tu cé, Troussar, moi, je m’entoure ke des meilleurs. Et toi, tu fé parti des meilleurs. Tu viens ?
»

Sa bête approcha la bête de Troussar et se mît à le laper pour l’aider à se nettoyer. Epik’ la laissa faire, les yeux rivés sur son camarade.

« Par kontre, cé toi ki part en tête. »

Preuve de tout le courage dont était capable le petit gobelin.
Epik Kipik' | Voie du monteur gobelin
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[MJ] Kriegsherr
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Re: [Epik Kipik] É colleg’ Rham’ !

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Le discours d’Epik Kipik’ était bien rôdé. En flattant Trouss’, notre héros espérait sans doute endormir sa méfiance. Ce n’était un secret pour personne qu’Epik entretenait de bonnes relations avec Kogn’Ghueul, mais il était aussi de notoriété publique que le fourbe gobelin était aussi en bons termes avec tous les autres. Prudent, sans doute parce qu’il se savait encore trop faible pour risquer une approche plus tranchée en affirmant ses convictions, Epik Kipik’ était d’accord avec tout le monde, il n’avait donc pas vraiment d’ennemis, ou du moins, semblait-il. Mais peut-être était-ce aussi justement parce qu’on le considérait comme trop faible pour représenter une menace ? Quoi qu’il en fût, en faisant mine de partager les vues de Trouss’, Epik espérait gagner la confiance de ce dernier, et le mener à se confier à lui. Mais Trouss’ se laisserait-il abuser ?
Jet de charisme (avec bonus de baratin) : 12. Raté.
Dans un premier temps, il fut impossible pour Epik de déterminer si son baratin avait fonctionné sur Trouss’. Celui-ci se retourna pour faire face à Epik, la mine impassible (c’est-à-dire figée dans un rictus mauvais pour un gobelin) et lui répondit :

-Hein, keske tu dis ?

Pensant apparemment que Trouss’ n’avait pas écouté ou pas compris le magnifique discours qu’il s’était donné la peine de prononcer, Epik Kipik’ répéta en simplifiant, non sans pousser un soupir :

-On é les meilleurs donk on va essayer de trouver le bon chemin ensemble !

C’est alors que Trouss’, visiblement agacé, précisa sa question :

-Cé bon, j’avé compris ! Mé comment k’tu m’as appelé ?

Se rendant sans doute compte de son erreur, notre héros se retrouva dans une situation pour le moins gênante. En prenant un air un peu intimidé, il tenta :

-Euuuh… Trou…

Mais Trouss’ le coupa d’un geste de la main, en montant sur son loup.

-Oé… J’préfèr’ mieux ça ! On part en éklairage, parske l’chef l’a dit, mais j’veux plus un mot, lèche-bottes…

Et c’est ainsi, dans une ambiance glaciale, que les deux chevaucheurs quittèrent l’abri relatif des frondaisons pour s’avancer seuls dans les marais. Il devait être un peu avant midi, et pourtant, l’endroit était encore brumeux. Un peu au hasard, le binôme progressa, les habiles « bêtes à kanines » qu’ils montaient sautant d’une touffe de joncs à une autre, évitant par instinct les mauvais passages.
Jet d’habilité : 19. Raté.


Après une bonne heure de progression silencieuse, Trouss’ et Epik Kipik’ arrivèrent en vue d’un groupe composé de plusieurs humains, au nombre de quatre. Plus précisément, ce furent plutôt ces humains qui les aperçurent, les désignant du doigt en hurlant et en se mettant à courir dans la direction opposée. Les peaux vertes avaient du mal à identifier clairement les rôles des humains et leurs distinctions, mais ceux-ci ne ressemblaient pas à des guerriers. Ils étaient couards et semblaient avoir pour toutes armes de simples bâtons. C’était difficile à dire, car ils étaient encore à une trentaine de mètres au moins dans le brouillard, mais il y avait sans doute parmi eux une femelle, reconnaissable à ses longs cheveux.

Aussitôt, les montures affamées des deux gobelins grognèrent, leur instinct leur dictant une injonction simple : chasser. Et après tout, même pour des gobelins, la viande humaine n’était pas si mauvaise !
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Il y avait une chose que seuls pouvaient sentir les chevaucheurs de loup : c’était cet appétit inextinguible pour la chasse, et cette envie de mordre dans la chair juteuse. Pour avoir dressé des bêtes, les monteurs gobelins avaient appris à connaître leurs instincts, à dompter leurs caprices (parfois), à ressentir leurs besoins. Epik’ sentît frémir sous lui cette envie brutale, ce désir fou de plonger ses crocs dans les membres et les entrailles des singes. Le fait qu’ils aient peu de poils et qu’ils soient propres les rendaient particulièrement exquis. Moins que des elfes, sans doute. Mais bien plus que les nains.

Parcourir ces marécages, comme il s’en était douté, n’était pas la course préférée des bêtes à khanines. Ces tueurs à quatre pattes aimaient les bois denses et les larges steppes sauvages, et dépréciaient inversement les dédales souterrains et les terres humides. Les belles griffes acérées de l’animal avaient eu du mal à trouver bonnes prises, en particulier avec ce petit être perfide juché sur sa croupe : il avait glissé plusieurs fois en trottant, puis s’était enfoncé les pattes dans la glaise, puis les coussinets pleins de boues avaient perdus de leur adresse et ses déplacements s’étaient avérés moins fluides, plus grossiers. D’ordinaire, ce cruel chasseur était assez furtif et il pouvait disparaître dans l’ombre des feuillages, se faufiler dans les taillis et jaillir sur son déjeuner dans un spectacle de sang. Mais là, même avec le flair particulièrement minable des singes, il fut vite repéré et à une distance considérable.
Faim.

Epik’ eut une sorte de frisson soudain. Dans sa tête avait émergé cette pensée, et pourtant son ventre à lui ne criait pas famine. Il jeta un regard à Trouss’, intrigué et perplexe, sans trop savoir comment réagir à cette soudaine pulsion.

« Ki vient de parler ? »

Trouss’ était déjà concentré sur ce que faisaient les singes fuyants. Epik’ avait parlé trop timidement pour être entendu.
Faim.
Tout à coup, une force irrépressible s’empara de lui et il se mit, sans le vouloir, à saliver. Ses prunelles se rétrécirent. Quelle était cette nouvelle sensation ?
Oui. Faim.
Cette fois, c’est lui qui venait de s’exprimer.

Il pointa les humains du doigt, ses yeux exorbités et ses dents toutes découvertes.

« Trouss’, on y va ? »

Qu’un mot à dire, et ils chasseraient ensembles.
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Trouss ne se fit pas prier. Tandis qu’une lueur mauvaise s’allumait dans son regard, le gobelin hurla :

–OUÉÉ ! WAAAGGGHHH !

C’était un peu exagéré pour une escarmouche de cette ampleur, une charge de deux chevaucheurs sur quatre civils fuyards, mais le sens de la mesure ne faisait guère partie des qualités gobelines. Dans une débauche d’enthousiasme, les deux chevaucheurs lancèrent donc leurs bêtes à la poursuite des malheureux humains. Ces derniers étaient des proies faciles : isolés, sans armes, et leur tournant le dos. La seule difficulté pour nos deux peaux-vertes serait de ne pas perdre l’équilibre et tomber dans les marais.
Jet de monte, pour une charge complexe (avec bonus) : 18. Raté !
Pour Trouss : 5, réussite.
Malheureusement pour Epik, il avait confondu vitesse et précipitation. Son loup géant s’élança, ses ardeurs non réprimées par son cavalier. Au moment où il arriva à hauteur des fuyards, leur cible fit une brusque embardée vers la droite, se jetant hors de leur course. Emporté par son élan, le loup ne put s’arrêter pour virer aussi serré. Au contraire, les griffes de la bête s’enfoncèrent dans la boue sans trouver de résistance, de prise ferme. Le loup glissa, se mettant perpendiculairement à sa lancée, puis le sol se déroba sous ses pattes, et il partit en tonneau dans la boue, désarçonnant au passage son cavalier. Loup et gobelin étaient sonnés et couverts de boue, tandis que des cris résonnaient près d’eux : Trouss n’avait pas perdu son temps. Il avait embroché sa cible, et son loup en déchiquetait une deuxième.

Il aurait facilement pu venir à bout des deux humains restants, mais curieusement, il s’arrêta et fit pivoter sa monture. Un sourire narquois sur le visage, il s’exprima en ricanant, pointant Epik de sa lance :


–Héhéhéhé ! Kel bonne surpriz’, on tient mêm’pas en sel ! Non seulement ke j’vé mangé à ma fin, mais en plus ke j’vé m’débrasser du lèch-bot’ de l’incosteur… Heu non, l’instopeur ! ‘Fin bref, tu m’as kompri, fé té prières, tu vas voir Gork aujourd’hui !

Trouss n’avait pas pu résister à l’envie de se moquer de sa nouvelle proie. Oubliés les deux fuyards restants qui disparaissaient dans le brouillard, il y avait déjà assez de nourriture pour un seul gobelin et son loup. Et la gloire ne se partageait pas, pas plus que le butin ! Epik avait insulté Trouss. Ce dernier avait une opportunité de se venger, et il ne comptait pas la laisser passer. Mais son discours et ses moqueries avaient laissé le temps à notre héros de réagir. Rien n’était encore perdu, Epik avait tout juste le temps de se remettre en selle s’il le souhaitait, son adversaire étant devant lui, à une vingtaine de mètres tout au plus.


Pendant que Trouss parle, tu peux tenter de remonter en selle si tu le souhaites, ou entreprendre d'autres actions à ta convenance. Toutefois, tu n'es pas sûr dans ce cas d'avoir le temps de prendre l'élan pour charger, et à l'inverse, tu penses qu'il aura commencé à te charger le temps que tu remontes en selle.

Pour rappel, quand on charge, j'additionne la force de la monture à celle du cavalier avant de doubler pour le calcul des dégâts (si ça touche).
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Re: [Epik Kipik] É colleg’ Rham’ !

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Le mâtin toutes babines retroussées s’était jeté sans ambage sur la trajectoire bénie d’un festin qui se promettait à ses narines. Les humains avaient une saveur particulière, avec leur peau qui se déchire si facilement sous la dent, avec leurs petits membres qui convulsent et leur gorge qui chante quand ils prient pour leurs derniers instants. Mais cette saveur-là, le molosse ne la connaîtrait pas dans l’instant, car par malheur ses coussinets glissèrent sur la couche vaseuse des marécages et dessellèrent son cavalier dans une cabriole ridicule.

Epik pesta en se redressant, relevant deux piteux bras sous lesquels s’érodaient de larges mottes de terre et de la vase humide. Le froid lui attaquait déjà la chair et l’esprit encore hagard, il ne mesura pas dans l’instant le coup d’oeil que lui laissait le large fauve aux pattes puissantes qui l’avait abandonné à son sort. N’étant plus cavalier, il était devenu proie.
Et si la chair humaine est plus appétissante que celle des peaux-vertes, il demeure que le menu fretin est idéal pour préparer l’estomac à un met plus savoureux.

Trouss ne dissimula guère sa trahison. Le coeur du gobelin ne fit qu’un tour.
Danger.
Bats-toi. Déchire-lui les tripes.
Mais je ne sais pas faire moi. Je n’ai pas tes crocs.
Alors fais-le avec tes ongles.


En regardant ses grosses mains velues, le pitre ne se fit guère d’illusion sur ses possibilités de disputer les griffes du sanguinaire prédateur qui chargeait déjà dans sa direction. Alors il eut une idée.
Il pointa en hésitant une direction hasardeuse, derrière Trouss.

« D-d-des… bordel, des elf ! »

Une tentative grotesque de détourner l’attention tandis qu’il se préparait à recevoir un assaut plus farouche.
Reviens me chercher.
Je n’ai pas de maître. Le dernier qui me montait a fini dans ma gueule. J’ai bu son sang chaud et j’ai brisé ses os avec mes dents. Qui crois-tu être pour me commander, petit être ?
Ton ami ?


Le fauve poussa un hurlement. Qu’est-ce que cela voulait dire ? Etait-ce sa façon de rire, d’appeler à l’aide ou de pousser un cri fraternel ? Epik n’en sut rien. En désespoir de cause, il se jeta sur son compagnon pour tenter de la grimper.
Le loup de Trouss y réfléchirait à deux fois avant d’attaquer un de ses semblables, au risque d’y laisser sa peau.
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Re: [Epik Kipik] É colleg’ Rham’ !

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Dans un comportement typiquement gobelin, ne pouvant compter sur la force, Kipik décida d’utiliser la ruse. Leur idéal n’était-il pas d’être « fort et rusé », ou « rusé et fort » ? Sachant la peur que les oreilles pointues leur insufflait, et sachant également qu’une bande desdites oreilles pointues les poursuivait depuis un certain temps, le coup de bluff d’Epik pouvait fonctionner. Restait à savoir si Trouss tomberait dans le panneau.
Test de CHA d’Epik, opposé à l’INT de Trouss : 12 contre 7. C’est Trouss qui l’emporte. Bien tenté cela dit, je récompense l’effort.
La ruse d’Epik était intelligente, mais Trouss ne s’y laissa pas prendre. Ou du moins, pas comme Epik l’aurait pensé. Au lieu de regarder derrière lui, le rebelle se gaussa de sa proie et en profita pour se jeter des fleurs.

– Ahahaha ! Patétik ! Té pitoyabl’ Epik ! Tu m’as vrément pris pour un débil’ ? Mé non, cé moi, Trouss, le rusé, le futé, celui qui mériterè vrément de kommandé ! Tu diré n’import’koi pour survivr’, parske la vérité, c’est qu’té un faible. Mé mintenant, regard’toi… Minab’ !

Trouss s’esclaffa à la fin de son petit discours, il savourait avec un plaisir sadique ce moment, le faisant durer. Ce qu’il avait oublié, c’était que gagner du temps, c’était justement ce que cherchait Epik, et il venait de lui en offrir plus qu’assez pour que ce dernier tente de se remettre en selle. Ce que la ruse n’avait pas pu lui offrir, c’était la vanité de Trouss qui le lui donnait.
Jet de monte, pour voir combien de temps il te faut pour monter sur la bête : 17. Hum, pas terrible…
Arriver à faire rester en place son loup et à remonter sur son dos pris plus longtemps que prévu. Affamée, enragée par sa chute, la bête avait du mal à refreiner ses instincts. Surtout quand son « maître » était là, par terre, à sa merci. Il y eut une résistance, et le gobelin dut déployer tout son savoir faire pour grimper sur le dos de son monstre, prêtant sans doute relativement peu d’attention au bruit de fond que constituait la tirade de Trouss. A peine Epik Kipik y parvint-il, qu’il s’aperçut qu’il était presque trop tard. Trouss avait déjà lancé sa charge, il n’était plus possible de fuir ou de lui rendre la pareille. Il faudrait se battre, donc, mais l’avantage du premier assaut serait pour le rebelle.
Round 0 :
Charge de Trouss : 11. Raté !
Heureusement pour notre héros, les capacités martiales de son unité laissaient à désirer. D’ailleurs, n’avaient-ils pas fui la vraie bataille avant même d’y avoir joué un rôle ? Quoi qu’il en fût, la lance de Trouss avait bougé dans tous les sens, ballotée au rythme des foulées de son loup. Il rata son coup, la pointe de sa pique passant à une dizaine de centimètres de la tête d’Epik. Désormais, ils étaient tous deux montés, face à face, à portée de coups. Plus de charge possible, ils pouvaient s’échanger des politesses, et cette fois-ci, Epik avait ses chances. Oubliés les humains qui avaient fui depuis longtemps, il fallait maintenant se battre entre peaux-verte, lutter pour sa survie.
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Re: [Epik Kipik] É colleg’ Rham’ !

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É colleg’ Rham’ ! i]


Sakrebleu !
Il s’en fallut de peu pour que la bête à khanines de Trouss’ referme sa mâchoire sur sa nuque, et il ne fallut pas grand-chose de plus pour que la lance de son antagoniste ne rate sa cible : au moins, Epik’ respira en se disant qu’il ne finirait ni brochette, ni crokette. De nouveau sur son compagnon, il dressa fièrement la tête que les vents balayaient légèrement, faisant danser sa crète rouge. S’il n’était né comme un champignon, on aurait dit un Nain Tueur, à quelques kilogrammes près… à beaucoup de kilogrammes près. Juché sur son loup sanguinaire, le chenapan fit tournoyer sa lance et dressa son bouclier devant lui. Il avait entendu dire que les humains faisaient des choses semblables ; ce qu’il ne connaissait pas sous le nom de « joute ». Mais loin d’être chevalier, la petite crapule qui arborait enfin ses armoiries (c’est-à-dire quelques bijoux qui dépassaient de ses poches) défia la chance et profita de son aubaine.

Il tapa sur les flancs de son animal, puis grogna quelques apostrophes, des « niark » répétés pour exciter la bête.
Cesse de me battre les reins.
C’est pas comme ça qu’on fait avec les « chevals » ?
Continue, et je te boufferais avant que l’autre ne le fasse.


Epik’ eut une sueur froide, puis cessa d’agiter ses pieds. Du reste, il pointa sa lance en avant : restait à savoir qui des deux toucherait le premier.

« Alors, c’est ki le pathétik, dabor ? »

Il exprima cette joie en poussant des petits cris d’excitation et en piquant dard-dard.

« T’es p’tête futé, Trouss, mais té trop Trouss pour être chef ! »
Epik tente de piker, naturellement, avec son bouclier bras gauche et sa pik, bras droit.
Epik Kipik' | Voie du monteur gobelin
Profil : For 6 | End 7 | Hab 9 | Cha 7 | Int 8 | Ini 10 | Att 8 | Par 7 | Tir 9 | Mag | NA 1 | PV 49/60
Fiche personnage : Lien

États Temporaires
*

Compétences
  • Combat
    • Coup précis [1](B)
  • Perception
    • Pistage (A)
  • Adresse
  • Physique
  • Connaissances
    • Survie en milieu hostile (B)
    • Dressage (A)
    • Monte (A)
    • Baratin (B)
    • Soin des animaux (E)


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[MJ] Kriegsherr
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Re: [Epik Kipik] É colleg’ Rham’ !

Message par [MJ] Kriegsherr »

Le combat était maintenant plus égal : son avantage perdu, Trouss' n'en menait pas large. Il fallait dire qu'il n'avait jamais été un grand guerrier, préférant de loin la fourberie à l'affrontement direct, beaucoup plus dangereux. Mais les boutades de son adversaire le ragaillardirent. Après tout, Epik s'était déjà montré maladroit, plus maladroit que lui, en tombant de sa monture. Oui, Trouss pensait que la victoire était possible. Raffermissant sa prise sur son arme, il répondit donc tout en continuant à se battre :

-J'vé t'faire regrété s'ke t'as dit ! Prépar'toi, tu vas souffrir !
Puisque vos initiatives sont égales, vous attaquez en simultané.

Round 1 :
Epik : 12, raté.
Trouss : 18, raté.

Round 2 :
Epik:12, raté.
Trouss : 5. Touché. Parade : 17. Relance : 2. Réussite. Localisation : jambe gauche. Dégâts : 11.

Round 3 :
Epik : 8. Touché. Localisation : torse. Parade : 20. Echec critique ! Dégâts : 24. Test d'HAB pour rester en selle : 11. Raté.
Trouss : 10, raté.
Les premiers échanges furent assez maladroits, les deux gobelins frappant dans le vide. Trouss fut le premier à toucher, mais son attaque fut déviée plus ou moins adroitement par Epik de son bouclier. Le fer acéré n'atteignit donc pas sa cible, mais trancha à la place au niveau du haut de la cuisse de notre héros. La coupure, bien qu'assez profonde pour infliger une douleur atroce, restait néanmoins superficielle. A la vue du sang versé, Trouss jubila, il s'apprêta à fanfaronner, sentant que la victoire était sienne. Comme tous les gobelins, il avait ce côté sadique qui l'obligeait presque à torturer sa future victime tout en se vantant.

Mais soudain, la riposte d'Epik Kipik fusa. Peut-être enragé par cette blessure, ou alors mu par la peur, à moins que ce fut simplement la chance, l'attaque fut puissante et précise. Le coup transperça la défense approximative de Trouss, pour venir le frapper directement au torse, lui coupant le souffle et pénétrant profondément dans les chairs. Désarçonné, le gobelin tomba à la renverse et se retrouva le dos dans la boue, face à son adversaire qui le dominait, juché sur un loup aux allures féroces.

Une expression de terreur pure se lisait dans ses yeux affolés qui sautaient d'un élément à un autre avec une vitesse folle. Là, près de sa main, dans la boue, sa lance qu'il avait lâchée. Un peu plus loin, son loup qui fuyait. Au dessus de lui, Epik et son monstre. Et surtout, ce liquide poisseux qui sortait du trou au milieu de sa poitrine !!! Parant au plus pressé, de son bras gauche, auquel le bouclier était toujours attaché, il se couvrit rapidement ledit trou pour stopper le flux de sang. Puis il s'adressa à Epik Kipik, d'un air moitié terrifié, moitié suppliant, et totalement pathétique :


-Eh Epik, allon, tu vas kan mêm pas fèr du mal à ton bon ami Trouss, non ? Toussa, c'était k'un jeu, pour rir' ! Promis juré craché, jamé je t'auré fé de mal. L'boss il a dit k'il fallait qu'on rentr' à deux, hein, fo pas l'oublier, et tu es un bon typ' Epik, tu fé ce que l'boss dit. Pas vré ?
Modifié en dernier par [MJ] Kriegsherr le 30 avr. 2022, 03:46, modifié 1 fois.
Raison : +20 xps jusqu'ici, profil mis à jour
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Re: [Epik Kipik] É colleg’ Rham’ !

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É colleg’ Rham’ !


Combattre au dos de ce lupus fut chose presque nouvelle pour Epik. Non qu’il n’eut déjà lancé des coups de pik en chevauchant l’animal – il lui était arrivé à plusieurs reprises de planter dans le gibier en se cramponnant à sa selle – en maugréant des insanités ; c’est surtout combattre qui fut nouveau. Cela exigea de lui de savoir à la fois brandir ses défenses et parallèlement de propulser sa hampe pour perforer les chairs de son antagoniste, le tout en sachant adapter son déséquilibre sur la monture qui n’attendait pas son ordre pour grogner, faire de petits bonds, se camper sur ses pattes puis se jeter vers l’avant pour attaquer, pivoter sur elle-même et nombreux autres mouvements engageant de conséquentes nécessitées de réajustement sur son séant.
A ce nouveau jeu néanmoins, Epik se débrouilla mieux qu’il ne l’aurait prévu. Ils piquèrent tous les deux pour toucher des mouches, et furent à ces premières manœuvres de fieffés lurons. Puis la lance de Trouss’ cessa de brasser de l’air pour attaquer de front avec un coup beaucoup plus incisif et précis, et s’il échoua à une première dérobade, Epik parvint tout juste à dévier la trajectoire de l’attaque pour qu’au lieu de lui perforer les intestins, la lance de son adversaire se fiche dans sa cuisse. Enhardi d’avoir évité une blessure mortelle, Epik riposta avec une hargne intérieure qui laissa son adversaire béat de surprise.

Trouss’ ne s’attendait visiblement pas à ça de la part de son compère à l’épiderme singulier. La pik perfora son armure, pénétra dans sa bedaine et l’éjecta de sa selle. Le malveillant perdit tout : sa monture et son arme. Il se retrouva le cul par terre à mendier pour sa vie devant le regard cannibale d’Epik, alors que la mâchoire écumante de bave du loup sanguinaire commençait déjà à se desserrer pour afficher de formidables rangées de crocs.
Il est à nous.

Devant la misérabilité de son opposant, Epik eut presque des scrupules à l’idée de se dire qu’il était en position de finir le travail. Un liquide pustulent commençait déjà à s’écouler le long de la plaie ; lui-même accusait une vive douleur dans la cuisse où s’était logée la pointe de la pik de Trouss’. La question l’intriguait désormais : fallait-il terminer le travail, saisir l’aubaine pour venger la traîtrise de son compagnon, ou bien devait-il se souvenir de la mission que lui avait confié l’boss ? Un doute profond s’empara de lui et fit vaciller son esprit vengeur. Quelque part, la mendicité de son confrère avait fait mouche.

« Té futé mais tu mens mal, Trouss’. Tu mens très mal. Té aussi doué en mensonge que l’boss avec une karte. Tu veu ke je te dise un truk ? Je sais ce ki t’arrive, kamarade. »

Epik se pencha en avant, les yeux inquisiteurs et l’air d’en savoir plus. Parmi tous les doutes qui l'habitaient, un en particulier retenait son attention. Il était accoutumé à la lâcheté de ses frères, habitué à ce qu'ils se sauvent à la moindre incartade, à ce qu'ils se cachent pour rester en vie, quitte à trahir les autres. C'était une chose coutumière pour ce peuple frêle, qu'on considérait bien souvent comme un garde-manger ou comme de la chair à canon ; même entre eux, les gobelins étaient capables de se voir comme des pions. Voire même moins que des pions. Mais Trouss' n'était pas si vindicatif, normalement, pas au point de risquer d'attaquer un camarade peau-verte. Il pouvait se désolidariser de son courage pour survivre, oui ; mais Epik ne l'avait jamais vu attaquer pour des motifs politiks.
En même temps, Epik ne l'avait jamais vu attaquer tout court.

« Té en train de perdre l’esprit de la Waaaagh ! »

Il asséna ce jugement comme un coup de pik ; ce genre de procès pouvait faire aussi mal que la morsure du fer, sauf qu’au lieu de viser la chair, on visait le cœur. Ou du moins, ce qu’un gobelin possède à la place du cœur. Sans doute qu’il y avait des choses qui pouvaient fâcher ce genre de créature. Mais cette remarque-là, avec ce ton de procès, pouvait littéralement le blesser et lui faire comprendre qu’il risquait sa place dans la meute.
Comme nous. Vous êtes une meute comme nous.

Les instincts grégaires des loups se retrouvaient parmi les gobelins. La meute et la tribu. Le Boss et l’Alpha. C’était sans doute grâce à cette connivence de comportements sociaux qu’ils parvenaient à si bien s’entendre ; un des motifs probables qui justifiaient que les loups et les gobelins pouvaient se ressembler et s’unir. L’autre motif résidait sûrement dans leurs esprits à la fois froussards et voraces. A ce titre, il semblait à Epik tout à fait naturel de se quereller pour aiguiser ses instincts de prédation, comme pouvaient le faire les canidés en se disputant qui de force était le mieux loti.
Alors il se redressa sur sa monture, l’air impérial.
L’air d’être un boss, lui aussi.

« Ta oublié kon appartient à la même tribu. Mais tu sais koi ; j’te pardonne. Parce ke moi aussi, je suis pas kontent kome toi kon soit perdu. Mais fô garder la tête à sa place ! Ramasse ta pik’ et monte sur ton klébard. Les bêtes vont piffer, on va retrouver les singes et faire ce kon sait faire. Vite ! »

Puis il agita sa lance comme pour lui signifier de se hâter. Il ne fallait guère se résigner à céder ce repas en cavale pour une simple chamaille ; dans quelques temps, la mémoire fébrile des gobelins effacerait en partie les mots qu'ils avaient pu se dire, même s'ils retiendraient l'histoire et le décousu. Leurs cicatrices, toutefois, seraient là pour leur rappeler qu'il faut se méfier, toujours, de ses faux-amis.


Une tentative de raisonnement de la part du gobelin qui... pardonne ?
MAJ de la barre de PV en signature.
Epik Kipik' | Voie du monteur gobelin
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