[Ludwig] Celui qui a vu l'abime

Message par **[MJ] Le Djinn** » 15 janv. 2020, 19:40

Ludwig avait mille questions, qui tombaient dans l'oreille sourde d'un ventre affamé. Occupée à manger son menu avec un appétit renouvelé, la jeune femme ne répondit que distraitement aux interrogations. De toute façon, semblait-il, elle n'en savait pas beaucoup plus.

-"Nan on a été séparés ensuite. Après j'ai passé mon temps à me disputer avec les rats la viande et le pain qu'on me donnait. C'était la merde. Quand on m'a expliqué qu'ils allaient te libérer en échange d'un service rendu, j'ai signé de suite. Je suppose que les autres ont refusé, vu qu'ils ne sont pas là."

Ayant fini son repas, elle étala sa couchette pour se mettre dessus. Il faisait frais mais le feu vivifiant suffisait pour se sentir à l'aise.

-"Je suis partie dans les montagnes en t'attendant pour voir le terrain. J'ai pas vue de goule, par contre j'ai croisé des… Choses… Des espèces de silhouettes puantes qui se déplaçaient lentement. Je crois que j'ai failli vomir en les voyant… Faudra se montrer prudents."

Le sommeil arriva bien vite et la nuit se passa sans encontre, comme cela devait être.

Le lendemain matin, la Greta était un poil plus en forme. Son visage sale paraissait plus lumineux entre ses grandes mèches. Bien entendu avant de s'habiller pour deb on elle invita cordialement son collègue masculin à bien vouloir attendre dehors et à rentrer quand elle aurait finie. Un pipi matinal et au travail! La journée s'annonçait chargée et les nuages noirs qui s'avançaient dans le ciel n'auguraient rien de bon. Effectivement l'entrée du col était complexe à franchir: la piste n'était pas entretenue, de nombreux cailloux gênaient le passage et les genoux se fatigueraient vite. Dans ces conditions la tentative de discussion de Ludwig fût la bienvenue. Même si Greta, en armure, se faisait plus essoufflée qu'elle ne l'aurait souhaité.

-"Je ne sais pas vraiment ce qu'on devait faire. Enfin on devait protéger une personnalité du coin pendant un certain temps et chasser une bête ou deux. Avec papa ça..."

Elle se tût une minute et se remémora que son paternel n'était plus de ce monde. Lentement, La jeune femme déglutit et sécha des larmes qui lui perlaient aux yeux. Elle ne reprit pas la conversation.

Un peu plus haut la pente s'aplanissait et entre les montagnes s'élevait un petit plateau, entouré de sentiers plus ou moins praticables. A première vue il n'y avait rien de visible, pas âme qui vive: juste des rochers et des petits chemins ça et là. Pas non plus de tumulus ou de grotte pour s'abriter. Restait à savoir ce que Ludwig comptait faire à présent? Ces cols pouvaient continuer pendant des heures et le risque de se perdre était élevé. D'un autre côté il faudrait bien explorer à un moment ou à un autre et Greta n'avait pas envie de passer du temps dans ce lieu où elle avait vue des choses.

Les sentiers étaient au nombre de trois: un partait dans son coin et s'enfonçait encore plus haut dans les petites montagnes, les deux autres se séparaient après quelques mètres et semblaient redescendre. Un allait vers une vallée où s'étalaient des petits marais ressemblant à ceux qui étaient en bas et l'autre continuait tout droit mais un virage serré empêchait de voir à plus de dix mètres. Il fallait donc se décider.

Les réponses minimalistes de Greta aux innombrables questions de Ludwig frustrèrent un peu ce dernier. La jeune femme ne savait pas grand chose de plus de ce qu’il savait déjà. Tant pis. Pour l’instant ils étaient tout deux dans la même galère et ils devaient se concentrer sur l’instant présent. Ludwig cessa alors ses interrogations agaçantes et continua l’ascension de la montagne en silence, soucieux de ne plus parler à Greta de la disparition récente de son père. La jeune femme était encore psychologiquement fragile, mieux valait la préserver. Dans le silence, et malgré la rudesse de l’ascension, les deux compères arrivèrent au col, tôt dans l’après-midi. Ludwig avait mal au jambes et était essoufflé ; Greta n’avait pas l’air en meilleur état. Le plateau sur lequel il arrivèrent était plutôt désolé. La végétation était rase, sans aucune trace humaine, de cette époque ou d’une autre. Il allait falloir continuer à marcher pour trouver le tumulus. La journée n’était pas encore trop entamée et ils avaient encore le temps d’explorer les montagnes avant la tombée de la nuit.

Devant eux, trois sentiers partaient du plateau. Tous allaient dans des directions bien différentes et Ludwig n’avait aucune idée d’où aller. Maître Rémy avait été très flou sur la position du tumulus et il allait donc falloir décider un peu au hasard. Visiblement Greta était tout aussi indécise que lui. Leur bourreau de Schwartzhafen ne lui en avait pas appris plus, et son escapade nocturne de la veille n’avait rien changé.

Tentant de réfléchir un minimum à la direction à prendre, Ludwig procéda par élimination. Le premier sentier partait tout droit, plus haut dans les montagnes. Certes ces monts n’étaient pas très hauts comparés aux montagnes grises ou aux montagnes du Bord du Monde, mais pour autant Ludwig doutait fortement qu’il puisse trouver un tombeau encore plus haut. Pourquoi diable, enterrer un individu aussi haut dans des montagnes ? Le jeune homme n’avait pas réponse, et c’est la raison pour laquelle il délaissa ce sentier. Peut-être avait-il tort.

Après cette élimination, le choix de Ludwig ce fut plus cornélien. Rien ne faisait dire au jeune homme quel chemin était le bon. L’un le révulsait car il se dirigeait vers des marais et il était désormais de notorité publique que Ludwig détestait les marécages. Quand à l’autre, il l’inquiétait car il serpentait au point que l’on ne pouvait pas trop savoir dans quelle direction on allait. Ce chemin semblait trop innocent pour être honnête. Il descendait on ne sait où, et ce n’était pas le moment de se perdre. Du coup, Ludwig décida finalement de prendre la direction qui était la plus désagréable, mais aussi la plus prévisible pour lui. Les marécages.

En chemin pour ces marais, une pensée vint à l’esprit du jeune homme. Une pensée totalement hypothétique, mais vraisemblable. Était-il possible que le tumulus qu’il cherchait et les squelettes qu’il avait découvert étaient de la même époque ? Étaient-ils morts en même temps ? Pourquoi les marécages ? Plusieurs questions vinrent à l’esprit de Ludwig, mais il n’obtiendrait des réponses qu’en explorant ces marécages. Toutes ses interrogations eurent pour principal effet de le conforter dans son choix de sentier.

Ludwig pressa le pas et rapidement les deux compères se retrouvèrent en bas du chemin, au niveau du marécage. Fort de ses expériences précédentes, Ludwig aborda les marais avec prudence. Il était hors de question qu’il finisse à nouveau, les quatre fers en l’air dans l’eau. Avançant doucement, Greta sur les talons, le jeune homme commença son exploration, à la recherche de traces du tumulus ou de ce qui avait tué tout les soldats dans les marécages de la veille. Quels secrets cachaient ces montagnes ?

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Message par **[MJ] Le Djinn** » 23 janv. 2020, 14:37

Pragmatique dans son approche, le duo prit la route des marécages suspendus. Oui, c'était le mot quand on voyait leur position: au centre d'une cuvette aux rebords de montagnes. Plutôt large, la zone devait quand même couvrir un ovale biscornu d'un bon huit cent mètres par cinq cents, donnant un véritable microcosme duquel s'échappaient par des trous de l'eau et par la route des sentiers praticables. Ce qui avait causé ces marais était évident à tout observateur: l'eau avait dû s'accumuler là et stagner avant de donner naissance après cela à une flore de champignons, de roseaux et de mousse. La faune en revanche semblait absente, bien que des mouvements s'entendaient ça et là dans l'eau, comme une grenouille plongeant ou un tourbillon naturel se refermant.
Contrairement au marécage en contrebas il n'y avait pas ici de terre meuble sur laquelle marcher entre les flaques, plutôt des endroits moins profonds où l'eau croupie ne s'enfonçait qu'aux bottes. Moins nombreux également, des cadavres étaient présents et affichaient des blessures de combat. Aussi bien conservés que pour le premier, Ludwig ne mit pas longtemps à reconnaitre les équipements qu'il avait déjà vu. Ayant partagé l'information avec Greta, la jeune femme qui devait cacher des qualités d'enquêtrice se mit à réfléchir à l'histoire de ces lieux.

Un cerveau efficace cogitait sous l'épaisse tignasse noire de la guerrière. Elle prit son menton dans sa main droite et fixa un cadavre au sol tout en écartant les algues du bout de sa hache qu'elle tenait en main gauche. Son souffle s'accéléra quelque peu puis elle cessa soudainement de respirer. Elle avait comprit!

-"Je l'ai! La bataille a dû commencer dans le marécage en bas, on le voit au nombre de corps. Ensuite le combat s'est déplacé dans les montagnes jusqu'ici. Les corps n'ont pas dû être conservés à l'air libre à cause des goules ou des locaux, mais ils sont restés à leur place sous l'eau. Ensuite ou bien le combat s'est terminé ici, dans une cuvette sans aucune retraite possible ou bien il a continué encore un peu plus loin. Mais plus on avance plus les équipements sont semblables, alors je pense que c'est le reste d'une des armées qui a été massacré là, mettant fin à la bataille.

Quand Rémy parlait du harnois, j'imagine qu'il faisait référence à un objet qui appartenait à un des officiers… Mais c'est ridicule, ces cadavres sont là depuis des siècles et Rémy a dit que c'était un ami du comte qui était mort… Peut-être qu'il parlait d'un ancêtre d'un ami? Les nobles parfois… M'enfin. Je te propose de chercher un peu si quelque chose sort de l'ordinaire."

D'un commun accord le duo se mit à chercher dans la vase et la boue un harnois qui semblerait extraordinaire. Il apparut bien vite que trouver un harnois tout court serait complexe: les soldats morts étaient souvent en armure de cuir ou de la maille. Les premières étaient moisies et déchirées depuis le temps, les secondes affreusement rouillées sous cette eau insalubre. La tâche n'était pourtant pas aisée: il était nécessaire de pousser les cadavres empilés, de rejeter des bouts de bois ou des lierres aquatiques clouant les cadavres au sol. Un travail de fossoyeur honteux et répugnant, fait à la pointe des armes ou avec des gants.

Pourtant quelque chose interrompit bientôt Ludwig. Un bruit de pas régulier, bientôt plusieurs. Il se retourna et constata que Greta était immobile, occupée à observer un charnier. Un peu plus loin une forme avançait vers eux, humanoïde mais lente et boiteuse. Quand l'œil de notre héros se fit plus précis, il constata qu'il manquait à l'étranger la mâchoire inférieure et que sa langue pendant à la verticale dans le vide. L'inconnu à la tenue d'un militaire mort depuis longtemps leva les bras quand, arrivé à moins d'une vingtaine de mètres, il augmenta son rythme de marche.

-"J'en vois d'autres!"

L'intonation était plus qu'inquiète. Une dizaine de cadavres s'étaient relevés depuis la mort, attirés par l'essence vitale savoureuse des visiteurs. Il n'y avait plus moyen d'éviter la confrontation avec le premier, mais pour les autres il faudrait se décider sur une marche à suivre. La sortie était loin, à quatre cent mètres, et il faudrait passer à côté de certaines de ces créatures.

De par sa topographie, ce marécage était différent de ce qu’il avait pu voir dans la vallée, mais de par ce qu’il y trouvait, ils étaient semblables. D’antiques cadavres de soldats jonchaient le marais. Ils étaient certes bien moins nombreux qu’en bas, mais leur nombre restait tout de même assez conséquent. Comme il aurait pu s’y attendre, ils portaient les mêmes équipements et les mêmes inscriptions sur leurs casques que ceux de la vallée. Toutefois, enquêtant un peu plus longtemps sur ce charnier à ciel ouvert, les deux compères découvrirent rapidement des différences notoires entre cadavres, ce qui laissait songer que deux armées avaient bien combattues ici et que ces soldats n’étaient pas morts de manière mystérieuse. C’était déjà un peu plus rassurant. Ils n’avaient pas succombé à ces horreurs dont la Sylvanie avait la recette. Gardant pour lui ses hypothèses sur ce qui avait pu se passer ici, Greta quant à elle, fit part des siennes à vive voix…

Écoutant ce qu’elle en pensait, le jeune homme la regarda étonné. Certes il avait déjà remarqué que la jeune femme était vive d’esprit, mais il ne s’attendait pas à ce qu’elle analyse la situation de cette manière. Sous son allure un peu brute et sauvage, elle cachait bien son jeu. En plus d’être une bonne combattante, elle était brillante. Habitué aux jeunes femmes formées pour être de belles et intelligentes femmes à marier, Ludwig était ébahi des capacités de Greta dans ce milieu hostile et stressant. Encore une fois la ville lui avait caché des personnes extraordinaires que seule la campagne savait former.

… Quand Rémy parlait du harnois, j'imagine qu'il faisait référence à un objet qui appartenait à un des officiers… Mais c'est ridicule, ces cadavres sont là depuis des siècles et Rémy a dit que c'était un ami du comte qui était mort… Peut-être qu'il parlait d'un ancêtre d'un ami? Les nobles parfois… M'enfin. Je te propose de chercher un peu si quelque chose sort de l'ordinaire."

- En effet quelque chose cloche…

Cherchant tout deux le fameux harnois dans la fange, ils se rendirent bien vite à l’évidence. Le temps et les éléments s’étaient chargés de détruire ou de corroder les armes et les armures des morts. Comme l’avait suggéré Greta il était aussi possible que le harnois avait été porté par un officier et qu’il n’avait pas péri ici, mais plus loin dans la cuvette. Ils devaient donc continuer à s’aventurer un peu plus loin dans le marais, là où les cadavres se faisaient de plus en plus rares.

En se relevant, Ludwig eu une étrange sensation. Des bruits. Des bruits de pas approchaient. D’un éclair le jeune homme fit volte-face. A quelques mètres, une silhouette se déplaçait vers eux. Dans un premier temps avec la brume qui émanait du marais, il était difficile d’apercevoir les traits de la personne. Mais rapidement, Ludwig remarqua que cet être qui s’approchait d’eux n’avait plus rien d’humain. Certes il l’avait été autrefois, mais désormais il n’était plus qu’une horreur de plus déambulant dans cette contrée. La créature mi- morte avançait lentement vers eux, la mâchoire et la langue pendante. De ses orbites plus rien de vivant n’émanait, ses yeux étaient pétrifiés pour l’éternité. Il semblait ne plus ressentir de sensations, bien que la souffrance s’était figée sur ses traits à tout jamais. La créature était horrible, mais le cœur de Ludwig ne s’emballa que quand il aperçut que le zombie était loin d’être seul. Des dizaines de ses semblables approchaient d’eux.

-"J'en vois d'autres!"

Ludwig sortit de son hébétude, juste à l’instant ou le zombie arriva à son corps-à-corps. D’un mouvement maladroit, l’Elu d’Arianka taillada la créature d’un geste vif, de son épaule gauche au côté droit de son bassin. Claudiquant de manière encore plus branlante après le coup de Ludwig, le zombie rata complètement sa charge sur le jeune homme. Mais pris dans son élan, il percuta Greta de plein fouet. Prise de panique, la jeune femme roula au sol et échappa sa hache de ses mains. Horrifié par le zombie qui faisait claquer sa mâchoire à quelques centimètres de celui de la jeune femme, Ludwig tenta sans conviction un coup d’estoc. Mais au vu des débattements de Greta, le jeune homme préféra au dernier moment planter son épée dans l’eau croupie du marais. Avec son arme, un coup sur son alliée était beaucoup trop probable. Toutefois, dans la nécessité d’agir, Ludwig se jeta sur le zombie et l’agrippa fermement par les épaules afin de l’obliger à s’éloigner du visage de sa comparse. Grâce au répit qu’il lui apporta, Greta put à nouveau se saisir de sa hache. Dans l’obligation d’intervenir, elle décocha sans attendre un coup de taille en direction de la tête du zombie. Son abominable trogne se détacha sans problème de ses épaules décharnées et Ludwig reçut en récompense de son action, des morceaux de chairs odorants du mort-vivant. Ayant perdu toute force, Ludwig jeta au sol le corps inanimé de la créature et aida Greta à se relever de la flaque saumâtre dans laquelle elle s’était débattue.

Il fallait se hâter. Les autres zombies avaient considérablement avancés pendant qu’ils avaient bataillés contre un de leur congénère. Sous pression, Ludwig donna la marche à suivre pendant que Greta reprenait ses esprits. Elle était toute mouillée et à l’instar de lui la veille il allait falloir rapidement qu’elle puisse faire sécher ses vêtements.

- Il faut reculer. Enfonçons nous plus profondément dans le marais. Ça serait suicidaire de revenir sur nos pas. Surtout que si nos intuitions sont bonnes, nous avons plus de probabilités de trouver le harnois là-bas.

Les deux compères se mirent donc à courir, côte à côte, s’enfonçant plus profondément dans les marécages de cette montagne sylvanienne. De temps à autre, Ludwig s’arrêtait pour voir la progression de leurs poursuivants. Les zombies étaient plutôt lents, mais il fallait faire attention. Dans ce terrain accidenté, au moindre faux pas ils pouvaient chuter et se faire mal. Dans ce cas-là, il était assuré qu’en une poignée de minutes ils seraient rattrapés par les morts vivants. Devant eux, toujours rien de probant, de l’eau, des roseaux et des squelettes continuaient de garnir le sol. Pour l’instant, aucun tumulus à l’horizon. Mais ils avaient encore du chemin à parcourir avant d’arriver au fond de la cuvette. Une fois là-bas, cela serait, le tumulus et l’inconnu, ou l’échec et le combat. Aucun n’était plus réjouissant que l’autre, mais c’était leur destin. Du moins celui dans lequel ils s’étaient embarqués…

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Message par **[MJ] Le Djinn** » 27 janv. 2020, 16:20

La course effrénée à travers les marécages commença ainsi, les zombies sur les talons. Encore que les catégoriser comme poursuivants aurait nécessité une certaine audace tant leur lenteur terrible empêchait tout sentiment de peur autre que celle causée naturellement par des morts-vivants. Sans doute dans le stress de l'action, la jeune Greta essaya de blaguer sur la ressemblance entre la gueule cassée des cadavres et la trogne abîmée de Ludwig, mais elle ne vint pas au bout de sa plaisanterie. Quelques minutes de course plus tard, les bottes pleines d'eau et de boue, les deux compères arrivèrent à la conclusion qu'ils n'étaient plus poursuivis. Les silhouettes sombres s'étaient éteintes dans le brouillard et les pas, d'abord pressants, étaient désormais lointains. Le temps était venu de souffler un peu et de reprendre l'exploration classique. Conformément à ce que pensait la mercenaire, les cadavres d'un seul et même camp se multipliaient alors qu'on avançait dans le labyrinthe poisseux. La mémoire de Ludwig ne pouvait lui faire défaut: c'était bel et bien une seule et même armée qui apparaissait, malgré la décomposition et la crasse. A vrai dire, on constatait même aisément que la bataille s'était faite de plus en plus sans pitié, les corps montrant des signes de traumatismes de plus en plus importants.
Pourtant toujours aucune trace du harnois, même en cherchant bien. Les corps étaient tous dans des cottes de mailles rouillées ou des armures de cuir pourries. Rien de folichon. La fin de la cuvette s'approchait d'ailleurs, il faudrait bientôt rebrousser chemin surtout que la journée avançait mine de rien et que la nuit ne tarderait pas à faire son apparition.

Un promontoire inattendu attira pourtant l'oeil du jeune noble en cavale. Il s'agissait en fait d'une butte effondrée qui avait dû, à son époque, être bien plus haute mais qui constituait maintenant un assortiment de petites bosses tombant sur le paysage comme de gros grêlons. Une enquête supplémentaire, bien menée encore, permit à Ludwig de découvrir sous un tas de vase des pals effondré. Tordus dans des positions terribles, des squelettes en armure avaient coulés dans des positions de douleur extrême. Ces pauvres bougres avaient dû agoniser là pendant des heures voire des jours avant d'être dévorés par des charognards. Les tenues des sacrifiés semblaient similaires à celles des soldats qui les entouraient, grand indice sur le destin de ceux qui devaient être les généraux de l'armée.

Puis l'œil de Ludwig se retrouva comme attiré par l'armure d'un des malheureux. Le haut du corps, le harnois donc, semblait absorber la lumière environnante, rendant l'eau plus trouble et sombre autour de lui. Il ne fallut pas longtemps au jeune balafré pour retirer au squelette son dernier vêtement et constater que contrairement aux autres équipement de métal, ce harnois là était parfaitement intact, intouché par la rouille et le temps. En le voyant, Greta éclata de joie.

-"On l'a! Pfiou! Ca n'a pas été facile, mais on l'a! Par contre je l'aurais pensé plus travaillé. A l'oeil il a l'air... Quelconque."

Elle éclata de rire et tenta de faire demi-tour, uniquement pour trouver son chemin barré par un des-dits empalés. Sauf que celui-ci était debout, ses orbites vides illuminées par une petite lumière rouge. Son casque en forme de chauve-souris, noir et rouillé, était en cela associé avec son armure de jais. Dans sa main une vieille lame bleutée brillait et un bouclier de bois et de fer protégeait son flanc gauche. Il cracha quelque chose dans une langue oubliée et se tint prêt à tuer.

Non mais pour qui elle se prenait elle encore. Décidément la relation que Ludwig entretenait avec les femmes, se limitait à leurs moqueries envers lui. Bien que Greta l’ait piqué à vif, Ludwig ne répondit pas. Il fallait continuer de courir. De toute façon, il aurait été difficile d’en vouloir à la jeune femme, alors qu’elle n’avait aucune idée de la raison pour laquelle il arborait cette horrible cicatrice. Surement pensait-elle à un cocasse accident domestique. Mais non, Ludwig de ne s’était pas brûlé le visage en voulant faire frire des goujons ou en tombant sur la râpe à fromage après s’être pris les pieds dans le tapis…

Après une petite dizaine de minutes plus tard, les deux compères s’arrêtèrent pour souffler. Décidément, ça pesait lourd une cotte de mailles. Ludwig n’avait jamais eu à courir dans un terrain aussi accidenté avec ça sur le dos, et là, il souffrait. Par chance, il n’y avait plus aucun signe des zombies. Les bruits de pas s’étaient estompés. Cela pouvait paraître trompeur, mais ils semblaient seuls. Du moins pour le moment. Tranquille pour l’instant, Ludwig et Greta se remirent alors en quête du harnois, au beau milieu de ce charnier à ciel ouvert…

***
Les yeux de Ludwig s’arrêtèrent de tourner dans tous les sens. Il était là. Le harnois. Ils l’avaient trouvé. La pièce d’armure était portée par un squelette en piteuse état, probablement un officier au vu de son accoutrement. Il semblait s’être tenu ici le dernier carré de l’armée en déroute. A cet endroit, tous les cadavres portaient des signes distinctifs de la noblesse ou de grades élevés. Mais ni leur rang, ni leur sang n’avaient pu les protéger de la fureur de l’armée ennemie. Après que leurs subordonnés aient péris, ils les avaient rapidement rejoints dans la mort. Et visiblement leurs adversaires n’avaient eu aucune pitié. La majorité des officiers avait été violemment amochés. Certains avaient le crane enfoncé, d’autres avaient perdus des côtes ou des avant-bras. La bataille avait été âpre.

Ludwig délesta l’officier de son harnois, qu’il posa sur un petit monticule de terre à l’abri de l’eau, afin de l’observer. La pièce, malgré sa solidité, était plutôt légère. Contrairement à toutes les autres armures des officiers présents à ses côtés, c’était la seule qui ne présentait aucune trace de corrosion. Irréel pour des cadavres qui étaient vraisemblablement morts il y a des centaines d’années. Sa couleur bronze était anormalement sombre au point qu’elle paraissait aspirer la lumière de son environnement proche. A proximité, l’eau devenait trouble, la terre devenait presque noire et les herbes étaient comme grillées. Ce harnois était fait d’un matériau que le jeune homme ne connaissait pas. Un alliage qui permettait à l’armure d’avoir d’incroyables caractéristiques. A moins que… Ludwig eu un petit sursaut d’angoisse en pensant aux propriétés possiblement magique de ce harnois. Mais rapidement, la raison repris le contrôle de son cerveau et il continua à observer cette pièce, qui hormis sa couleur étrange et le fait qu’elle soit immaculée, semblait tout à fait quelconque.

-"On l'a! Pfiou! Ca n'a pas été facile, mais on l'a! Par contre je l'aurais pensé plus travaillé. A l'oeil il a l'air... Quelconque."

- Bon. Eh bien voilà. Plus qu’à rentrer à Schwartzhafen maintenant. On a de la chance en plus, le harnois est léger. Je me charge de le porter…

Partageant la bonne humeur de Greta, Ludwig se retourna le sourire aux lèvres, pressé de redescendre dans la vallée et de continuer sa quête en direction de Leicheberg. Mais alors qu’il tourna son regard vers la jeune femme, son large sourire se figea tout comme la phrase qu’il s’apprêtait à dire. Greta était elle aussi figée, les mains crispés sur sa hache sortie. Devant elle se tenait ce qu’il aurait préféré ne pas voir. Un des squelettes du marais, un officier, était revenu d’entre les morts. Désormais, il se tenait devant Greta. Au fond de ses orbites vides brillaient des lueurs rougeâtres. Dans sa main, le revenant tenait une vieille épée rouillé animé elle aussi d’une lueur. Celle-ci était bleuâtre. Bien qu’il n’y connaisse absolument rien, il en était sûr, de la magie animait ce pantin d’os. De sombres pouvoirs lui permettant de tenir debout et de se battre étaient à l’œuvre. Après une étrange intonation dans une langue inconnue, le revenant s’approcha des jeunes importuns, la lame levée. En plus de son aspect terrifiant, ce qui était effrayant c’est que la créature se mouvait sans beaucoup de difficultés. Là où les zombies avançaient de manière lente et saccadés, ce revenant se déplaçait presque comme Ludwig et Greta. Il ne faisait aucun doute qu’il allait être un rude adversaire.

Angoissée, Greta fit un pas en arrière. Ludwig en soutien fit lui un pas en avant, afin de revenir à son niveau. Le jeune homme fixa la lame bleutée du mort-vivant. C’est elle qui l’inquiétait le plus. Elle irradiait de puissance et de magie noire. Nul doute qu’elle pourrait mettre fin à sa vie à la moindre blessure. Il allait falloir ruser pour vaincre cet adversaire. Autant Ludwig estimait la force du squelette, autant il avait des doutes sur les capacités intellectuelles de ce dernier.

- Il faut que l’un de nous l’occupe. Ta hache est moins maniable que mon épée. Essaye de l’attirer et protège-toi derrière ta rondache. Je vais tenter de lui porter des coups fatals. Si jamais ton bouclier venait à céder ou que tu subissais une blessure, je le chargerais de plus belle afin qu’il recentre son attention sur moi. Ça te va ?

La jeune femme hocha de la tête tout en déglutissant anxieusement. Ni l’un ni l’autre n’avait déjà combattu une horreur pareille, et pourtant il allait falloir se battre et vaincre. Il ne pouvait pas fuir, seulement survivre ou mourir. Ludwig ferma les yeux, puis psalmodia une prière à Arianka, tout en posant la lame de son épée sur son cœur. Qu’Elle lui donne la force de vaincre ce rejeton de la nuit ! C’est la première fois qu’il rendit une prière audible en présence d’autres personnes. Toutefois, Greta concentrée, ne fit aucune remarque. La jeune femme se mit en position, rondache en avant, hache prête à frapper. Ludwig quant à lui se mit à tourner autour du revenant, cherchant son point faible, comme un loup tourne autour d’une proie blessée. A la seule différence, qu’aujourd’hui il était la proie blessée et non le loup…

Arianka, protectrice de mon âme ;

Arianka, garante de mon cœur ;

Arianka, guide de mon esprit ;

Solkan, forgeron de ma volonté ;

Solkan, canalisateur de ma fureur ;

Solkan, témoin de mon courage ;

Illuminas, gardien de ma joie ;

Illuminas, pourfendeur de mes cauchemars ;

Illuminas, juge de ma bonté.

Guidez mon bras,

Pour que l’humanité ne fane,

Et que le Chaos trépasse.

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Message par **[MJ] Le Djinn** » 28 janv. 2020, 15:05

Plus les secondes passaient, plus Ludwig angoissait du combat à venir. Les orbites vides à la lueur rougeâtre du revenant, le regardaient toujours fixement. Le squelette était impassible, toute émotion l’ayant quitté il y a des centaines d’années. Ce n’est que lorsque le mort-vivant tourna sa tête dans un claquement de vertèbres vers Greta, que Ludwig céda sous la pression et lança un violent coup d’estoc en direction de l’avant-bras du revenant. Celui qui tenait l’épée. Par chance, par talent ou par aide divine, le coup du jeune homme fit mouche. Le radius et le cubitus du revenant se détachèrent sous la violence du coup et tombèrent au sol, tout comme l’épée qu’elle tenait. Avant que le moindre son de victoire puisse sortir de la bouche de l’épéiste chanceux, un effroyable spectacle se produisit. Les doigts squelettiques furent pris de spasmes, puis comme mu par le vent, la magie noire qui irradiait du mort-vivant souleva son avant-bras amputé jusqu’à l’endroit où Ludwig avait tranché net. Dans un écœurant bruit de succions, le radius et le radius se ressoudèrent à l’humérus. Face à ce spectacle irréel pour un jeune noble qui n’avait jamais été confronté à une aussi sombre magie, Ludwig resta bouche bée. Seuls quelques bafouillements sortirent de son gosier asséché par la surprise. Greta bien que plus débrouillarde et ayant vécu une enfance surement moins innocente que Ludwig, fut elle aussi médusé par le soin inattendu du mort-vivant. Une immonde sorcellerie se cachait là-dessous.

Lorsque l’Elu d’Arianka sortit de sa torpeur, le squelette continuait de fixer de ses yeux mort son avant-bras ressoudé. Étrangement, il semblait totalement éluder la présence de Ludwig et Greta. Alors que le jeune homme allait profiter de cet instant d’hésitation pour remettre un coup d’épée à son adversaire, quelque chose pour le moins étrange se passa. L’épée du revenant tomba à nouveau sur le sol spongieux, éclaboussant les herbes alentours. Ludwig ne sut s’il devait se réjouir ou s’inquiéter. Le spectacle était aussi cocasse qu’angoissant. Que se passait-il ? Une nouvelle fois, l’épée du revenant mu par la magie noire, retrouva la main de son possesseur. Puis, soudainement, elle retomba à nouveau au sol. Ce spectacle étonnant eu lieu encore une fois avant que le revenant semble avoir désormais le contrôle de son épée. Ludwig et Greta se regardaient, ébahis par les événements. Ludwig lors de son coup d’estoc avait-il touché un point faible du mort-vivant ? Une sorte de connexion magique qui permettait au squelette de manier sa main et donc de la serrer pour tenir son épée ?

Perturbé par les difficultés du squelette en armure et tenant trop nonchalamment sa hache, Greta fut surprise par le violent coup de taille que lança le revenant dans sa direction. Le coup était parti sans un avertissement, sans un bruit, une mécanique effrayante propre aux morts-vivant. D’un geste désespéré Greta tenta de parer avec le manche de sa hache. Le choc fut violent pour les deux parties. Le manche en bois tint bon, mais ce n’est pas le cas de la jeune femme qui recula de quelques pas sous l’impact du coup. Elle baissa les bras et posa la tête de sa hache sur le sol, ses bras visiblement endolorie.

Ayant contourné son adversaire et sentant Greta en position délicate, Ludwig se rua sur la créature non morte et tenta une estocade en direction de l’arrière de son crâne. Il fit mouche, mais c’était sans compter sur l’inclinaison du casque en forme de chauve-souris qui fit brusquement dévier la lame du jeune homme. Emporté dans son élan, il faillit perdre l’équilibre et il ne le retrouva qu’avec de grandes difficultés.

Aucunement dérangé par la vaine tentative de Ludwig, le squelette en armure approcha de Greta dans l’optique d’en finir définitivement avec elle. Trop de contretemps avaient ralenti le mort-vivant. Bien qu’il ne puisse ressentir aucun sentiment, sa froide détermination semblait croître comme s’il était excédé. D’un geste fluide, il trancha l’air en direction de la jambe droite de la jeune femme. Cette dernière essaya vainement d’esquiver, mais elle était bien trop lente pour espérer quoi que ce soit. La lame mordit profondément dans la cuisse de Greta et elle ne put s’empêcher de hurler. Nul ne pouvait imaginer la douleur que procurait une lame aussi rouillée que riche en magie noire. Le sang de la jeune femme coulait en abondance de sa cuisse et la douleur l’obligea à mettre un genou au sol. Sans l’appui de sa hache, elle serait déjà tombée au sol. Horrifié par la douleur et la souffrance de sa camarade, Ludwig se jeta comme un taureau sur le mort-vivant. D’un large coup de taille, il faucha sa jambe gauche qui partit valdinguer dans les eaux croupies des environs. Excédé et ayant déjà perdu assez de temps avec cette engeance, Ludwig n’attendit pas que le squelette soit déséquilibré par sa jambe en moins pour tenter un nouveau coup de taille. Cette fois-ci il visa la tête.

- Arianka, guide mon bras, hurla le jeune homme comme un damné.

La nuque du revenant craqua de manière ignoble. Rien ne résista à la lame de l’Elu d’Arianka. Il y avait mis une telle fureur, que la tête parti rejoindre la jambe gauche dans les eaux croupies. A partir de ce moment, c’est le corps entier du squelette qui se démantibula. Comme si la magie noire avait fuie son corps, le revenant tomba en ruine. Les os tombèrent un à uns, tous rattrapés par la gravité. Ludwig recula quelques instants, hébétés. Il avait vaincu. Il avait vaincu ce mort-vivant. Arianka lui avait donné la force. Et mieux que cela, il avait prouvé sa valeur à sa déesse. D’une prière, cette fois-ci silencieuse, il la remercia. Puis, il accourut au secours de Greta qui perdait toujours autant de sang, à cause de sa vilaine entaille à la cuisse. Il fallait se hâter. Le revenant en armure était mort, mais les zombies qu’ils avaient croisés ne devaient pas être loin.

- Tu as été touché à l’os ?

- Non je ne crois pas, mais ça a profondément pénétré les chairs, dit la jeune femme en serrant les dents de douleur.

En hâte mais essayant de faire au mieux, Ludwig déchira la partie basse du pantalon de cuir de la jeune femme afin de lui faire un garrot pour sa cuisse. Il en garda un petit morceau qu’il lui fourra dans la bouche. Lorsqu’il serra le garrot, des larmes coulèrent de ses yeux. Ses hurlements furent bien atténués par le cuir dans la bouche, mais tout de même, il fallait se hâter s’il ne voulait pas attirer les zombies. Rassemblant ses forces, Ludwig remit la jeune femme debout. Comme il l’avait pressenti, elle n’était pas du même gabarit que lui et avec sa jambe droite inutilisable il allait être ardu de rentrer rapidement à Schwartzhafen. Par chance, ils avaient assez de vivres pour tenir encore plusieurs jours. Un stock largement suffisant pour rentrer. Ce que craignait Ludwig, c’était plutôt ce qu’il pouvait rencontrer en chemin. Le revenant avait bien amoché Greta et ils étaient par conséquent des proies faciles pour les prédateurs de ces hautes collines. D’autant plus qu’il n’allait pas tarder à faire nuit… Ils avaient tout juste le temps de rentrer à la masure d’altitude ou ils avaient passé la nuit dernière. C’est ainsi que les deux compères repartirent du marais, en direction de la maisonnette, puis de Schwartzhafen. Dans les parages les zombies rodaient et Ludwig était chargé comme un âne. Greta appuyé sur son épaule droite, et le harnois pour Maître Rémy sur l’épaule gauche. Il était dans de beaux draps…

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Message par **[MJ] Le Djinn** » 01 févr. 2020, 19:22

Un peu honteuse, Greta prenait appuis sur l'épaule de Ludwig pour se déplacer, boitant aussi vite qu'elle le pouvait afin de garder une forme de rythme. Le marécage était bien long et plus vite ils étaient rentrés, mieux ça vaudrait. Surtout que le soleil commençait à se faire bien bas et qu'il y aurait probablement un arrêt à faire dans la maisonnette du départ avant de rentrer à la bourgade proprement dite. Sur le chemin il eut l'occasion de croiser plusieurs zombies, par ailleurs et si certains semblaient errer au hasard dans les fanges boueuses du lieu, d'autres s'étaient soudainement retrouvés intéressés par sa personne. Heureusement leur lenteur catastrophique permettait à Ludwig et sa compagne de s'échapper… Ou pas?

Mais le wisselander était visiblement bien plus fort qu'il n'y paraissait! Son dos contracté sous l'effort tint bon et ses jambes le portèrent à une vitesse de trot vers la sortie. Les morts-vivants furent littéralement laissés sur le carreau, aucun ne parvint même à approcher suffisamment pour tenter quelque chose. Au final les montagnes accueillirent le duo intact et bien portant, ou presque. Ne restait plus qu'à descendre de la vallée et rejoindre la maisonnette avant la nuit, ce qui fût fait sans trop d'encombres. L'endroit n'avait pas bougé de place et ne semblait pas avoir eu d'autre occupant qu'eux pendant la journée, ce qui n'était pas étonnant au vu de son emplacement.
Rien de notable se déroula pendant l'installation. La jeune fille sortit son pain, sa viande et se proposa de partager les rations avec Ludwig, comme convenu. Cela fait, ou non, ils purent tous les deux se mettre autour du feu pour bavarder un peu avant de dormir. Le lendemain marquerait la traversée d'un marécage aussi long et puant que celui de la journée, autant dire qu'il faudrait être préparé.

Pour autant, Greta laissa aller sa réflexion en caressant l'étrange harnois. Il sembla toujours étonnamment propre malgré son séjour aquatique et il exerçait sur elle une étrange attraction, une sensation de bien-être qu'elle ne parvenait pas à s'expliquer. Lâchant finalement l'armure des yeux, elle se tourna vers son compagnon, un peu aventure:

-"Tiens Ludwig, du coup demain on rentre directement à Schwar' ou on tente une petite virée dans les montagnes? Le bourgeois avait parlé d'un tumulus dans le coin et mon esprit d'aventurier s'affole!"

Elle paraissait d'un coup bien hardie pour une blessée! A Ludwig de voir s'il préférait jouer la sécurité ou tenter sa chance en visitant de vieilles tombes. Les légendes et les rumeurs disait qu'on y trouvait parfois des trésors, mais aussi souvent des ennuis. Sachant que l'un ne garantissait pas l'autre, à voir s'il souhaitait prendre ce risque.

Le chemin du retour ce fit bien plus facilement que Ludwig ne l’aurait cru. La jambe blessée de Greta les ralentissaient, mais le jeune homme arrivait à avancer à une vitesse tout à fait honorable. Les quelques zombies qu’ils croisèrent se perdirent rapidement dans la brume du marais, incapable de suivre l’Elu d’Arianka et sa comparse. A vrai dire son énergie était décuplée par la fin de sa mission pour cette ordure de Rémy qui approchait. Ils avaient récupérés ce foutu harnois et ils n’étaient qu’a une nuit et une demi journée de Schwartzhafen. Bientôt cette mission humiliante serait finie. La tâche ne s’était pas trop mal passée, mais juste l’idée de l’accomplir pour ce pervers au sourire narquois rendait Ludwig haineux.

L'Elu d'Arianka et la jeune blessée arrivèrent à la maisonnette en ruines à la tombée de la nuit. Rien n’avait bougé depuis leur départ en milieu de matinée. Rapidement Ludwig s’attela à la même tâche que la veille ; la conception d’un feu avec les vieux éléments du mobilier. Les bois étaient si secs que le brasier éclaira la pièce seulement une poignée de minutes après qu’il l’ait allumé. Bien vite, l’ambiance s’adoucit. Les traits de Greta se détendirent et elle put défaire ses bandages et observer l’état de sa jambe en toute quiétude. Pour lutter contre la douleur ou par elle réelle faim, de temps à autre elle mordillait voracement ses morceaux de porcs sucrés. Quant à Ludwig, il lui changea ses bandages, puis il s’adossa contre le mur de la masure, mordant nerveusement dans le pain qu’il lui avait été donné tout en réfléchissant à la suite des événements. Il refusa la viande porcine que lui proposa Greta, toujours perturbé par la disparition mystérieuse de Sigmurd, son oiseau de proie.

Même sans le savoir à proximité, Ludwig connaissait une haine croissante envers maître Rémy, la cause de toute cette misère. Bien que ce dernier l’ait soigné, il l’avait aussi séquestré abusivement pour ensuite l’obliger à lui servir de coursier. Quelle perte de temps avait été cette quête du harnois. Et pour quelle raison il l’avait fait ? Pour avoir le simple droit d’être libre ? Avait-il fait quelque chose de reprochable ? Non. Ce Rémy était un psychopathe de la pire espèce. Une espèce qui n’a d’autres place que six pieds sous terre. Malheureusement, Ludwig savait le maître de Schwartzhafen intouchable. Pour l’instant du moins. Cette ordure avait des sbires et même personnellement, il avait du mal à le cerner. Peut-être était-il un fin escrimeur ou un lutteur coriace. Quoiqu’il en soit il aurait été suicidaire de revenir en ville pour le défier. Mieux valait ruser ou attendre un moment à son avantage.

-"Tiens Ludwig, du coup demain on rentre directement à Schwar' ou on tente une petite virée dans les montagnes? Le bourgeois avait parlé d'un tumulus dans le coin et mon esprit d'aventurier s'affole!".

Ludwig mit quelques secondes à répondre, tant cette question l’étonna. Avait-elle perdue la raison à cause de la douleur ? La jeune femme avait parlé avec une telle désinhibition qu’il trouva ça très louche. Elle parlait de Schwartzhafen, « Schwar’ », comme s’il s’agissait d’une taverne joyeuse et animée ou elle avait ses habitudes. Cette sombre cité n’avait rien de cela. Elle était triste, dangereuse, corrompue et habité par des habitants aussi miséreux que sauvages. Rien de plaisant en somme. Quant à la proposition qu’elle fit à Ludwig, elle était encore plus délirante. Une petite virée dans les montagnes ? Oui bien sur, pourquoi pas une petite promenade dans les désolations du Chaos pendant qu’on y était ? Ce n’était pas le zoo d’Altdorf ici, sacré bon dieu.

Partagé entre l’agacement et la compréhension, Ludwig réfléchit quelques instants avant de lui répondre. Certes il était probable que ces montagnes recèlent d’incroyables trésors. Mais à quoi bon ? Ludwig n’était pas particulièrement intéressé par les richesses et les vieilleries, et avec Greta en aussi piteuse état, il aurait été complétement fou de retourner la haut à la recherche du tumulus. D’autant plus que cette information venait de Maître Rémy, maître de rien du tout, hormis de la fourberie.

- Greta. Tu es en trop mauvais état pour remonter la-haut. Tu as semble-t-il une hémorragie à la jambe. Les garrots semblent l’avoir stoppé pour l’instant, mais je ne suis pas médecin et je ne prendrais pas le risque de me prononcer en faveur d’une entreprise aussi risquée. A mon avis il serait préférable de rentrer à Schwartzhafen pour finir cette affaire avec Maître Rémy. Nous sommes prisonniers de son bon vouloir et je deteste ça. Plus vite nous aurons rempli notre part du marché, plus vite nous pourrons vaquer à nos occupations.

-Tu m'écoutes, demanda Ludwig, agacé par la jeune femme qui semblait fascinée par le harnois et qui ne l'écoutait que de manière distraite.

Malgré son ton diplomate, la décision de Ludwig était définitive. Il ne remonterait pas dans les montagnes tant qu’il n’en aurait pas fini avec ce rat de nobliau. Bien que cela ralentisse encore Ludwig, l’idée de Greta était envisageable par la suite. La jeune femme semblait fiable et dans une région si hostile, c’était presque un luxe. Peut-être pouvaient-ils continuer à s’entraider et faire un bout de chemin ensemble ? Il était capital d’arriver à Leicheberg. Mais encore fallait-il qu’il reste en vie jusque-là. Avec tout le temps qu’il avait perdu, la possibilité que son père se soit déplacé grandissait ; mais là-bas il aurait au moins la capacité de commencer son enquête pour retrouver son paternel.

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