[Saâldhil] Un serpent au pays des loups...

La Sylvanie inspire la peur dans le reste du Stirland. Depuis la sombre ville de Tempelhof, qui n'a pas eu de prêtre de Morr attitré depuis 800 ans, jusqu'aux contreforts des Montagnes du Bord du Monde, entre le bief de l'Aver et le Stir, la plus grande région du Stirland est un lieu de terreur et d'obscurité. On dit que les fantômes y évoluent en toute impunité à la nuit tombée parmi les collines Hantées et que l'épais brouillard des bois sylvaniens emprisonne parfois les âmes, les obligeant à y errer à jamais. La portion orientale de la province est la plus désolée, là où d'anciens châteaux noirs sont juchés sur leurs pics escarpés comme des vautours scrutant les villes en contrebas.

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Déistra
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Re: [Ludwig Schiller] Un serpent au pays des loups...

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[align=]Ce qui aurait dû être un cri d'effroi se mua en un ignoble gargouillis, tandis que le mercenaire s'effondrait au sol, son sang s'échappant à gros bouillons de sa gorge désormais gratifiée d'une plaie béante. Sa fouille fut rapide : En plus de ses propres affaires, Saâ trouva une flasque de mauvais alcool, 2 lanières de viande d'origine indéterminée, une carte griphonée à la main des environs (Ou du moins ce qui semblait être les environs, la silhouette du château de découpant sur le vélin tâché de graisse), ainsi que, chose curieuse, deux fusains gras, ceux-ci ayant par ailleurs tâchés tout l'intérieur de sa besace...

Outre ce maigre butin, elle trouva autre chose ayant apparemment plus de valeur : Un pendentif en or, visiblement féminin, lorsqu'elle tenta de le manipuler il s'ouvrit, révélant un verre brisé. Avec d'infinies précautions, elle parvint à extraire de l'amat de petits éclats un morceau de parchemin froissé, il s'agissait de toute évidence d'une gravure, elle représentait un homme d'une trentaine d'années, vu de profil et bien de sa personne. L'objet était de qualité, et le fait qu'il soit en or témoignait que son ou sa propriétaire était de bonne famille, voire même de la noblesse. De petites tâches brunes constellaient le bijou, en les grattant elle s'aperçut qu'il s'agissait de sang séché depuis belle lurette, comment diable ce rustre avait-il pu mettre la main sur pareil bijou ?

Mais il y avait plus important, elle était perdue en pleine forêt, certes elle avait héritée d'une caravane en parfait état de fonctionnement, d'un cheval et d'une quantité de foin pour nourrir l'animal pendant un ou deux jours, mais aucune des filles ne savait plus qu'elles où elles se trouvaient, l'une d'entre elles cependant leva les yeux vers le ciel et, semblant comme sentir quelque chose, dit d'une voix chevrotante :


-"C'est le crépuscule, il va bientôt faire nuit..."[/align]
Modifié en dernier par Déistra le 29 sept. 2011, 20:54, modifié 1 fois.
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Saâhldil Sanchera
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Re: [Ludwig Schiller] Un serpent au pays des loups...

Message par Saâhldil Sanchera »

Inutiles jusqu'au bout ! Je me fendis d'un soupir désappointé en remarquant que personne ici n'en menait plus large que moi. Décidément, il fallait tout faire soi-même... Une pensée pas si exaspérée qu'on aurait pu le croire. Je me mis à détailler ouvertement chacune des femmes, davantage pour leur signaler que désormais, c'était à moi qu'on s'en remettait, et qu'elles avaient intérêt à le comprendre ou à le refuser. Pour avoir suffisamment baroudé afin de connaître la chose, je savais qu'un groupe aussi vulnérable que le nôtre allait devoir se souder, se lier d'une cohésion très solide, pour pouvoir sortir de cette forêt lugubre.
Je voyais des visages hâves, et les privations seules ne leur avaient pas donné ce caractère famélique. La terreur et l'angoisse profonde qui taraudait tout être humain, celle de la mort, pouvait faire d'une personne a priori en bonne santé une sorte d'ombre d'elle-même. Si je pouvais seulement balayer cet effroi qui régnait sur leur coeur, je serai alors en mesure de leur restituer un peu de leur dignité, d'ôter quelques plumes à ce fardeau sur leurs minces épaules.


- Ecoutez...

Je n'avais pas cherché à me faire impérieuse, ou péremptoire. Je ne valais pas mieux qu'elles tant que je ne les avais pas sorties de là, alors il était inutile de chercher à le prétendre. En revanche, je devais leur montrer que tout n'était pas si sombre et si définitif qu'elles le croyaient. Il n'y avait pas besoin qu'elles l'interprètent et le saisissent en tant que vérité ; je n'avais besoin que de leur foi en ces mots.

- Vous êtes libres de vous débrouillez par vous-mêmes ou de me suivre, je n'en empêcherai pas une seule. Mais s'il y en a qui décident de m'emboîter le pas, alors je me dois, par honnêteté, de vous exposer quelques principes simples et certainement pas négociables.

Machinalement, presque avec tristesse, mon index vint jouer sur le manche de ma dague. Ce n'était pas un geste destiné à les impressionner, encore moins à les menacer. Le contact de l'arme me rappelait simplement à quel point la violence était le seul droit qui permettait à la fois de garantir la liberté, et à la fois d'instaurer la cruauté et l'injustice. La bonne intelligence était une denrée si rare, qui semblait ne pouvoir s'acquérir que par de douloureux enseignements. Et sans cette souffrance pour répandre une telle révélation, comment cette présumée bonne intelligence pourrait-elle exister ? On retrouvait bien là la pensée duale de Cathay, du Yin et du Yang, la vision simpliste qui déclarait que la lumière ne se discernait que grâce à la noirceur. L'aune morale ne pouvait exister que dans l'ambivalence, l'antagonisme, et de là venait le fait que le mal pouvait, voire devait, perdurer, au nom du libre-arbitre que tout être humain avait de devenir bon ou mauvais.

- Je vous demande de m'obéir, et dans l'instant. Ce n'est pas pour vous utiliser, loin de là, ne me jugez pas de cette façon. Si je réclame votre docilité spontanée, c'est parce que je sais mieux que vous reconnaître les dangers et les faiblesses de ce qui me barre la route. Je peux trouver des échappatoires pour que nous nous en sortions, mais ce ne sera possible que si je n'ai pas à m'interroger sur votre réaction le moment venu. Je sais que c'est dur...

Je reniflais, soudain rattrapée par la froideur de l'air. L'adrénaline tombait, se dissipait, et je prenais brutalement conscience de cette demi-nausée qui me saisissait pour avoir tué ; pas assez forte pour me déstabiliser, mais assez pour se faire sentir, tout au fond de ma gorge, comme une boule amère que je devais sans cesse avaler.


- Mais c'est aussi nécessaire, vital. Je dois avoir confiance en vous, et vous en moi. Simple, pas vrai ?

Le ciel encré était vide et silencieux. Il n'y aurait aucun dieu bienveillant, aucun coup du sort favorable. Livrées à nous-mêmes, c'était ça qu'elles devaient intégrer... Réaliser que seule la coopération mener à la survie. Ouvertement, je ne réclamais d'elles qu'une conduite qui allait dans leur intérêt. Intérieurement, je priais pour qu'elles le comprennent.
L'espèce humaine n'est guère connue pour être très raisonnable...
J'eus une pensée pour la lame que j'avais trouvée au fond de la carriole. Il aurait été louable de confier mes dagues à ces compagnes d'infortune, mais de nombreuses objections me venaient à l'esprit, au-delà de la simple répugnance à armer des personnes dont je n'étais pas sûre - un simple couteau est déjà une responsabilité à assumer, et je n'étais pas certaines qu'elles le puissent toutes. La confiance qu'elle amenait dans les capacités individuelles pouvait être destructrice. Le sentiment de pouvoir alors se débrouiller seule, d'être à même de se tirer des embûches... Pensée dangereuse et trompeuse.

Non, elles ne paraissaient pas prêtes. Si le sang risquait de couler, alors je leur confierai un moyen de se défendre, mais certainement pas avant.


- Alors voilà ce que je vous propose. On repart sur la route, dans la carriole, en sens inverse. Faites des duo, que l'une garde toujours un oeil sur sa camarade, et l'autre sur les alentours. Si l'une doit dormir, alors la seconde veillera à sa place. La moindre information que vous avez sur la région... communiquez-la. Si vous reconnaissez un endroit, un repère, n'importe quoi, ça peut aider à sauver tout le monde.

J'avais donné le fond de mon plan dans toute sa nudité. Elles ne pouvaient guère nier le bon sens de la chose, pas plus qu'elles ne pourraient probablement ignorer l'étincelle d'espoir que ces paroles avaient à vocation d'allumer.

- Alors...?

J'attendais leur réaction, impatiente, me dirigeant déjà vers la charrette.
Si elles acceptent, organisation en binômes comme décrit...
Sinon, je prends les rênes du cheval uniquement et je repars en longeant au niveau du bas-côté, plutôt que sur la route elle-même.
Modifié en dernier par Déistra le 28 oct. 2011, 01:04, modifié 1 fois.
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Re: [Ludwig Schiller] Un serpent au pays des loups...

Message par Déistra »

[align=]
Ci joint un petit document sur les durées d'expositions au soleil du côté de la Sylvanie ^^ : http://ptaff.ca/soleil/?lang=fr_CA&year ... st=EU&go=1

Récapitulatif des faits :
Lever du soleil (Aujourd'hui : 07:18)
Coucher du soleil (Aujourd'hui : 19:00)
Durée d'éclairement (Aujourd'hui : 11:42)

Heure actuelle : Exactement 16h45, à toi de calculer ce qu'il te reste de temps avant que la nuit ne tombe ^^

Test d'éloquence (Bonus de 1 : chance, plus de bonus dispos ! Bonus de 1 car discours logique et censé, quoiqu'un peu optimiste... Réussite sous 10 ou moins) : 19, gros échec, on est passées près de l'échec critique très chère, la révolte gronde...
Les paroles de Saâ, censées motiver et souder le groupe, eut hélas l'effet contraire : Toutes à présent la regardaient avec une hostilité grandissante, ce fut finalement celle qui semblait être la meneuse qui cracha :

-"Oh, mais quelle charmante idée que voilà ! On voit bien que t'est pas du coin hein ? Bah laisses moi t'apprendre deux trois trucs sur la situation dans laquelle tu nous as fourrées... Ici, quand la nuit tombe, y'a des trucs qu'il vaut mieux pas croiser, encore plus dans les bois ! Alors, si tu veux pas y laisser ta peau, soit tu restes dans le village et tu te barricades jusqu'au matin, soit tu te fais bouffer, tout simplement ! A mon avis, on doit avoir juste assez de temps pour atteindre le château avant la nuit, en revenant sur nos pas on arrivera pas à temps pour le prochain relais de poste, et c'est pas avec cette épave - Elle donna un grand coup de pieds dans l'une des roues - qu'on va pouvoir bénéficier d'un abri sûr pour la nuit ! En plus, toi t'as peut être pas d'attaches, mais pour nous, on a toutes nos familles vois-tu, et si on apprends qu'on a cherchées à s'enfuir... J'oses même pas imaginer ce qu'il risque de leur arriver. La seule solution, celle qu'on aurait dû suivre si t'avais pas cherchée à te faire la belle sans réfléchir, c'est de rejoindre ce foutu château, et espérer qu'on sera encore en vie lorsqu'on nous capturera à nouveau... Pourquoi tu crois qu'on nous a mises sous la surveillance de ces trois types ? Tout simplement parce qu'au cas où on atteindrais pas le château dans les temps, ils puissent nous protéger jusqu'à ce qu'on soit arrivées ! Alors, c'était sans doute les pires ordures, mais c'était les seuls qui pouvaient protéger nos fesses bordel ! A moins que tu comptes toutes nous protéger ? Pour aller où ? A présent on est des fugitives, nos familles on peut faire une croix dessus, et y'a personne qui acceptera de nous abriter dans le coin, par peur des vampires..."
Test de la dernière chance : 3 très bonne réussite !
Saâ avait sa carte à la main et écoutait la jeune fille l'insulter pleine de hargne, lorsqu'elle se rappella avoir vue quelque chose sur la carte qu'elle avait volée au chef des brigands... Une rapide vérification confirma ses doutes, non loin d'ici un chemin praticable permettait d'atteindre la frontière de la Sylvanie ! Elle allait enfin pouvoir quitter ce fichu pays ! Mais devait-elle emmener les autres avec elle, ou allait-elle les abandonner à leur sort ?[/align]
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Saâhldil Sanchera
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Re: [Ludwig Schiller] Un serpent au pays des loups...

Message par Saâhldil Sanchera »

"On peut tenter de sauver autrui de tout, sauf de lui-même."

J'accueillis les propos de mon opposante en m'efforçant de ne pas les recevoir comme des poignards. Et pourtant, pour injustes que fussent ses dires envers moi, ils n'en étaient pas pour autant poignants d'authenticité. Nous n'étions pas sur un pied d'égalité, et la solution que j'avais envisagée n'en était pas une pour elles. Mais j'avais beau me creuser les méninges sous son fouet cinglant, je ne voyais pas d'autre alternative que j'aurai pu choisir. Combattre un mal par un autre, voilà ce qu'elle estimait. C'était une stratégie plus que dangereuse, car dans tous les cas il en restait un pour les dévorer. Mieux valait tabler sur la chance que sur la clémence d'un prédateur, à mon sens.
Pourtant, il fallait avouer que jusqu'à présent la chance nous faisait un tantinet défaut.

Les ombres s'allongeaient dangereusement, s'emparant de ce qui semblait être leur royaume. Et avec elles, croissaient les terreurs bien ancrées de ces femmes. Comment leur en vouloir ? Comment seulement ne pas partager leur angoisse, cette bête qui vous taraudait et labourait de ses griffes la moindre tentative de raison ?
Presque désespérément, je cherchais à opposer des objections à cette femme révoltée qui me faisait face.


- Rien n'indique que vous ne puissiez pas rejoindre vos familles, ou qu'elles ne peuvent pas fuir avec vous...

Malgré moi, je me tordais les mains. Faire face à la détresse d'autrui était une tâche que j'assumais, mais elle était toujours aussi pénible et douloureuse. Ne disposant pas du code salvateur que j'avais, elles n'étaient guère armées contre les terribles vicissitudes qui s'abattaient sur elles. Mais même moi j'avais mes limites en tant que bouclier, et elles m'apparaissaient cruellement proches en cet instant.
J'étouffais pathétiquement la larme enragée qui menaça de mouiller mes cils. Chaque mot, bien qu'ils ne fussent pas tous entièrement vrais, venait me jeter à la face une réalité que je leur avais imposée. En quel nom une seule pouvait décider pour les autres ? C'était un débat qui m'avait souvent fait douter. Mais ce doute-là, je lui avais toujours opposé la même réponse. "Au nom du principe d'action plutôt que d'inaction", et de fait, elle ne pourrait pas me persuader que j'avais eu tort d'agir face au destin. Cependant persistait la griffure insidieuse du "Et si ?"...

J'aurai pu lui parler de dignité, de la valeur intime de l'âme humaine pour peu que l'âme en question choisisse de devenir valeureuse, et de s'en responsabiliser. J'aurai pu lui dire que ce n'est pas la survie qui importe, mais la façon dont l'on survit. J'aurai pu lui dire que ce qu'elle racontait ne reposait que sur rien d'autres que des principes dénués de pertinence.
J'aurai eu tort. J'aurai menti.

Je m'assombris, observant le mutisme. La tension était colossale, et partout, sur chaque visage, la souffrance criait et se débattait. "Que faire ? Que faire ?" étaient les questions qui se lisaient dans chacun de ces yeux brillants. Elles étaient leur propre danger, mais je ne pouvais rien y faire. J'inspirais profondément, me remémorant les traits de mon maître. Je regrettais d'avoir à assumer le rôle qu'il avait eu pour moi. La pensée était éphémère, et ne durerait pas ; mais c'est dans la difficulté que l'on se prend à regarder en arrière, sur nos actes, et que l'on se met à imaginer les autres chemins que l'on aurait pu emprunter. Après tout, l'abandon, le renoncement, étaient des tentations qui se légitimaient dans leur fin. Il est mal de baisser les bras, vous dira-t-on. Probablement. Mais une fois l'arme jetée, tout devient plus facile et plus simple. Et vous vous dites alors, si seulement je l'avais déposée avant ! Que n'ai-je été aveugle de ne pas le faire plus tôt !

C'est tout ce qui peut différencier la vie de la mort...

Mais ce qui me tourmentait vraiment en cet instant présent se situait ailleurs. Cette femme-là venait de rouvrir les lèvres d'une plaie interrogatrice qui me tenaillait parfois. J'avais réalisé que ce dont elle parlait, ce fameux manque d'attache, était d'une justesse implacable. J'avais toujours vagabondé, et cela faisait ma force. Mais j'étais en train de me demander si cette force-là n'était pas une sorte de malédiction, d'amputation. Elles, elles avaient une famille. Des traits à évoquer pour chercher davantage que du réconfort, une sorte de... de résolution qui ne reposait ni sur la raison, ni sur la foi, en fait...
Ces familles qui risquaient de les tuer. Plutôt mourir dans les bras de son mari et de ses enfants que de vivre seule ?

Je battis des paupières. En y réfléchissant, je ne comprenais pas ce qui avait bien pu me pousser à cette réflexion.


- Je ne compte pas vous chaperonner contre votre gré, lâchai-je presque tristement. Il semblerait qu'un chemin puisse nous mener assez vite hors de ce pays, à partir d'ici. Je compte bien l'emprunter dès maintenant.

Je forçais ma gorge à se dénouer, pour que ma voix ne soit plus si étouffée.

- Je crois que votre peur vous aveugle. Ce n'est pas parce que vous pouvez mourir ici que vous le devez. Croyez-vous avoir plus de chances dans l'antre du mal - j'indiquais le château qui se découpait funestement à l'horizon - qu'ici ? Croyez-vous que les êtres qui peuvent infliger une telle mort, en vidant un corps de son sang, sont vraiment moins dangereux que ces bois ? Et croyez-vous aussi que c'est dans la protestation que le destin s'adoucit ? Allez chercher vos familles si vous estimez qu'elles sont condamnées, et menez-les hors de cette contrée. Cessez de redouter la possibilité de la mort, si elle doit vous forcer à pleurer sans bouger sur votre sort.

Le fond de ma pensée était tout près de jaillir de ma bouche, mais je me forçais à le taire. Que si elles devaient mourir dans l'inaction, c'était qu'à défaut de le mériter, elles n'avaient rien fait pour être récompensées de leurs efforts ; et qu'on n'a droit à rien de ce pour quoi l'on ne s'est pas battue.
Mais il n'y avait aucun intérêt à le dire.


- Je me suis battue pour arriver à ce choix que je fais. N'attendez pas qu'un monstre décide à votre place.

Presque en colère, je donnais une tape sur la croupe du cheval qui semblait bien au-delà de ces considérations, avant de me détourner en cherchant à repérer le sentier que la carte indiquait. Je conservais ma dague à la main tout en examinant une dernière fois le schéma, conservant ma rapière dans l'autre.

- Je ne saurai vous sauver de vous-mêmes, et c'est ce que vous cherchez à m'obliger à faire !

Je m'étais, cette fois-ci, véritablement énervée. Cette irritation avait de nombreuses personnes pour cibles, et j'admettais instinctivement qu'elle avait peut-être faussé la véracité de mon accusation. Pour autant, celle-ci devait bien avoir, à tout le moins, une petite parcelle de vérité.
Je pars donc lentement au départ s'il y en a qui cherchent à me suivre, puis j'accélère. Au plus vite je quitte la Sylvanie, au plus vite je serai heureuse. :P
Modifié en dernier par Déistra le 28 oct. 2011, 01:04, modifié 1 fois.
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Re: [Ludwig Schiller] Un serpent au pays des loups...

Message par Déistra »

[align=]
Test de conviction (Pas de charisme ou éloquence, donc réussite sous 8 ou moins) : 15 échec !

Test de cupidité (-1 car armée, -1 car charisme naturel) : réussite de chaque esclave sous 6 ou moins...

Esclave 1 : 13 raté !

Esclave 2 : 2 réussite !
Test de charisme pour savoir si les deux autres la suivent : 17 raté, elle te fonce dessus toute seule !

Esclave 3 : 14 raté !
Les mots de Saâ furent emportés par le vent, aucune des esclaves ne voulant prendre le risque de la suivre... L'une d'elles par contre, se lécha nerveusement les lèvres avant de tenter un :

-"Elle a des armes, on en aura besoin pour se défendre quand la nuit sera tombée..."

Elle avança d'un pas, puis de deux, ses fers encore dans sa main... Elle lança violemment une des extrémités de l'objet dans la direction de la mercenaire, elle visait bien évidemment la tête, décidément la veulerie de ces trois femmes ne connaissait pas de limites...
Attaque d'esclave 2 : 12 raté !
La chaîne passa en sifflant non loin de la tête de la jeune femme, l'attaque était maladroite mais qu'elle vienne à la toucher au crâne, et elle laisserait un trou béant dans sa défense, laissant l'occasion à cette petite vipère de la tailler en pièce...
Je commence à résoudre le combat au prochain post, merci de m'indiquer tes réactions pour la suite, ainsi que le nombre de tours de combat que tu souhaites que je résolves... (Tu as le choix entre 1 et 2 tours/posts, sachant que moins tu en as, plus cela te laisse le temps d'étudier le situation ^^ Et au risque de me répéter : Bienvenue en Sylvanie ! :sadique:
[/align]
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Saâhldil Sanchera
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Re: [Ludwig Schiller] Un serpent au pays des loups...

Message par Saâhldil Sanchera »

"C'est la lutte qui doit provoquer ta colère, et non ta colère provoquer ta lutte."

J'avais beau me servir ces mots comme un mantra, les forcer à résonner dans ma tête, je n'arrivais pas à m'imprégner de leur sagesse. Le sang était remonté d'un seul coup à mes tempes, mon coeur avait fait un bond lorsque le poignard ardent de la déception l'avait frappé. J'en étais sans souffle, transie, et presque horrifiée du choix qu'on me forçait à faire. Et la colère, la colère qui bouillonnait dans mon ventre, qui venait crisper mes mâchoires, plisser mon front, rendre orageux mon regard. Il y a des valeurs qu'on estime sacrées, pas parce qu'on les réfléchit et qu'on chercher à les valoriser par rapports à d'autres, mais parce qu'elles s'attachent à des sentiments forts et que ce sont ces sentiments qui nous aident à vivre. Cette femme venait de gifler de plein fouet ces sentiments-là que j'avais, les avait foulé des pieds. Je pouvais tolérer et avais d'ailleurs accepté leur faiblesse ; je ne combats pas quelqu'un pour ses erreurs. Mais ici, il s'agissait d'une faute, et extrêmement grave qui plus était. Il n'y avait pas lieu de réparer l'injustice qu'on avait pu causer, mais bien de sanctionner son auteur, ainsi aurait pensé un guerrier de l'honorable Cathay. Je ne pouvais pas hélas prétendre que telle était le véritable moteur de ma démarche lorsque je levais mes armes avant de les tendre farouchement vers mon opposante ; cette belle morale, ces préceptes réfléchis, étaient noyés par la rancoeur et la rage muette à laquelle la douleur de l'infamie avait donné naissance.

Dans les yeux de mon adversaire, je lisais l'avidité, et j'y devinais le raisonnement absurde qu'elle devait se servir en guise de courage. "J'en ai besoin, et moi, je vaux mieux qu'elle !" étaient probablement les mots qu'elle écoutait et prononçait en même temps. Je devais tuer ce courage, tuer cette bravoure fantoche, ou c'était elle que je serais réduite à assassiner. Je ne pouvais pas de son sang sur mes mains, voilà ce que me disait une petite voix bien faible. Car une partie de moi réclamait un meurtre pour compenser l'outrage, pour effacer le danger. J'avais tout fait pour elles, et voilà que l'une persistait dans son vice, allant plus loin encore sur le chemin facile de l'égoïsme dangereux. Il n'y avait aucune gloire, ni aucune bonté à réaliser ce combat, et pourtant il était nécessaire. Car telle était l'âme humaine, qu'elle pouvait faire beaucoup de laideur à partir de bien peu de choses.


- Il y a des choses qui ne se pardonnent qu'avec le temps, grinçai-je des dents, et malheureusement pour toi, je n'ai pas même une journée à t'accorder. Tu n'en verras jamais plus une prochaine.*

Je fis tinter ma dague sur la lame plus longue et plus fine de la rapière, dans une sorte de rituel spécieux destiné avant tout à l'impressionner. Je devais m'en prendre à sa témérité, la briser, la réduire en pièces. Je me concentrai sur cette pensée, pour me protéger de celle plus sanguine qui grondait en moi et me poussait à aller prendre sa vie. Si je voulais éviter des remords plus tard, je vais m'efforcer à adopter une juste conception des choses. La difficulté allait croissante, et je redoutais de commettre une atrocité.
Néanmoins, au fond de moi, je savais que ce n'était pas ce qui m'empêcherait de dormir. Quel que soit l'honneur d'un guerrier, il est toujours entaché par le passé, et un code n'est pas un verdict ; un modèle, qui ne peut vous faire de reproches que dans le cas où vous n'avez pas tout entrepris pour le respecter. Ici, je m'acharnais à le respecter, à faire dominer ses principes...
Mais la bêtise humaine pouvait aller si loin, si vite.

Je me fendis en avant, une expression farouche gravée sur le visage.


- Tiens-tu vraiment à ce que ton corps tombe en ce lieu maudit ? sifflai-je, cherchant à la faire douter.

Allez, fais intervenir encore un peu de cette lâcheté dont tu es si prolixe, éprouve encore cette terreur que l'adversité suscite en toi. Tu te trompes d'ennemie, ce n'est pas moi qui risque de te mener à la mort tant que toi-même...

*compte comme utilisation de la compétence Bravade.
2 tours de combat s'il te plaît. :)

Tour 1) Attaque normale, avec les compétences associées (prédilection et ambidextrie)
Tour 2) Utilisation de la technique Désarmement
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Déistra
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Re: [Ludwig Schiller] Un serpent au pays des loups...

Message par Déistra »

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Combat : Saâhldil vs Esclave 2

Test d'initiative :

Classement pour premier tour: Le PJ a réussi son test d'INI(5) et bénéficie de 2 actions au premier tour. L'adversaire a raté son test d'INI (9) et ne bénéficie que d'une action au premier tour.
Classement pour tout autre tour: Personnage (INI 9) puis Adversaire (INI 8)

Ordre d'attaque sur ce tour :

Saâ
Saâ
Esclave 2
Saâ
Esclave 2

Tour de Saâ : Usage de Bravade ! (Malus de 1 en ATT pendant 1d3 = 3 rounds !)

Attaque (1) de Saâ : Votre attaque a échoué (18).

Attaque (2) de Saâ : Votre attaque a réussi (12). La parade de votre adversaire a réussi (8)Vous lui infligez une perte de 2 PV.

Total des dommages : 2 Pvs !

Tour de Esclave 2 : Votre attaque a réussi (5). La parade de votre adversaire a échoué (17)Votre attaque inflige une perte de 18 PV.

Total des dommages : 18 Pvs ! (Localisation dos)

Tour de Saâ : Usage de Désarmement !

Désarmement de Saâ (Réussite sous 11+1 = 12 ou moins) : 12 réussite de justesse !
Arme (Chaînes) projetée à 2d6 = 5+5 = 10 mètres !

Test de courage (Malus de 1 car réussite du désarmement) : 10 loupé ! Esclave 2 se carapate en quatrième vitesse ! ^^
La mercenaire le savait, rien n'était plus dangereux qu'un combat contre quelqu'un qui n'y était pas habitué : Ils n'utilisaient pas de techniques données, usaient d'armes incongrues qui pouvaient même parfois se révéler plus dangereuses qu'une autre plus conventionnelle... Autant d'inconnues, de facteurs à deviner, qui faisaient qu'il s'agissait toujours d'une épreuve à gagner de haute lutte, sous-estimer son adversaire était la dernière chose à faire... Sa première attaque le lui révéla rapidement : Dardant sa rapière elle se fendit vers la jeune femme qui, au lieu de tenir sa position et de chercher à la parer, bondit soudain en arrière en balançant les lourds fers qui lui servaient d'arme.

Sa première attaque, dans laquelle elle avait mise toute sa force, échoua, et c'est déséquilibrée qu'elle tenta d'amorcer une seconde attaque, qui ne fit que légèrement l'érafler au bras... Mais les fers, eux, firent mouche, et c'est de tout leur poids métallique qu'ils s'écrasèrent dans son dos, expulsant violemment l'air des poumons de la guerrière, à tel point que pendant un instant des étoiles dansèrent devant ses yeux... Son adversaire, incapable de déterminer si elle simulait la douleur ou si il fallait pousser son avantage, hésita un instant : Ce fut sa première et dernière erreur.

D'une tape sèche du plat de la lame sur la main, Saâ la désarma et d'un même mouvement se saisit d'un des maillons de la pointe de sa rapière, avant de décrire un large arc de cercle, ce qui eut pour effet de projeter cette arme improvisée directement dans les fourrés qui bordaient le chemin. C'en fut trop pour son adversaire : Criant comme si elle lui avait tranchée la main, elle déguerpit en vitesse et, sans plus se préoccuper de ses compagnes, disparut dans les bois, les laissant elle, les deux autres et la servante catatonique encore dans la carriole...
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Modifié en dernier par Déistra le 28 oct. 2011, 01:06, modifié 1 fois.
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Saâhldil Sanchera
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Re: [Ludwig Schiller] Un serpent au pays des loups...

Message par Saâhldil Sanchera »

Je me passais une main sur le front, gagnée par une nausée vertigineuse. Je devinais la lividité de ma peau, sentais la transpiration presque maladive qui ruisselait sur mon corps, creusant un sillon désagréable sur ma colonne vertébrale. Ce surplus d'efforts avait manifestement consumé mes dernières ressources, et je me retrouvais bien mal en point. Quelque part sous mon omoplate, le fer avait profondément meurtri ma chair, au point que je me demandais si ce n'était pas du sang qui coulait à la place de la sueur. Au fond, je n'avais pas vraiment envie de vérifier ma théorie, me contentant de récupérer très lentement un peu plus d'aplomb. Mais quelle mouche pouvait bien l'avoir piquée ? Cette femme venait de détaler à travers bois, dans une panique totale. Je jetais un oeil désabusé aux chaines que je lui avais ôtées, à grand peine par ailleurs. J'avais vraiment besoin d'un abri pour me reposer, mais ce ne serait pas pour tout de suite...

J'avalais laborieusement une grande bouffée de l'air froid du soir tombant. Comme si cette contrée n'était déjà pas suffisamment hostile et lourde de sombres promesses pour qu'on juge la solidarité vaine ! Tandis que je m'appuyais au tronc d'un arbre , accordant un mince répit à mon corps fourbu, je laissais mon esprit vagabonder à nouveau, loin de ce ciel d'encre si accueillant à la bruine, loin de cette terre démente qui n'acceptait que le règne de la peur et non de la raison. Je me surpris à songer aux plaines vallonnées des campagnes de Cathay, à un horizon ondulant de hautes herbes éclatantes de verdure, baignées dans l'or ruisselant du soleil hésitant à se coucher. Le vent de là-bas était léger, presque espiègle ; il se contentait d'effleurer vos épaules, de glisser un doigt ou deux dans vos cheveux, de s'attarder une seconde sur votre nuque, et puis il s'en allait dans un souffle d'adieu. Ce n'était pas comme la bise désagréable d'ici qui venait se loger dans les fibres de vos vêtements pour s'attarder, froide, indésirable. Il était si bon, de pouvoir s'allonger au sommet d'une colline, de contempler le tronc du grenadier blanc qui vous tendait des branches chargées, tout en savourant le jus sucré de ses fruits.

Mon estomac n'avait même plus la force de gargouiller. Je n'y sentais qu'un vide glacé, épineux, qui venait d'une façon contradictoire insensibiliser douloureusement mon ventre. Je fronçais les sourcils, trouvant la formule trop peu explicite. Avec un sourire de dérision, je me remémorais ce que nous appelions parfois, entre mercenaires, la hiérarchie du malheur. La soif, puis la faim, puis le sommeil. La première ne m'avait pas encore atteinte, mais cela surviendrait probablement le lendemain. Et à ce moment-là, elle balaierait les deux autres jusqu'à ce qu'elle soit épanchée.
Un soupir discret s'échappa de mes lèvres, et je me redressais avec une grimace. Devant moi, les villageoises n'avaient toujours pas bougé.


- Vous devez partir, où que ce soit, martelai-je malgré ma voix fatiguée.

Elles avaient l'air si misérables, ainsi prostrées. Mathilde n'était toujours pas sortie de son choc, et je redoutais les affres qui la retenaient. La laisseraient-elles partir un jour, d'entre leurs griffes martyrisantes ? Je savais que je n'avais pas de temps à perdre, et pourtant, je devais lui en accorder un peu.
Ignorant les regards des deux autres, je bondis dans la carriole avec un grognement étouffé. M'agenouillant précautionneusement, ménageant la blessure de mon dos, je tendis une main un rien tremblante vers la servante de mon ancien employeur. Je vins toucher son épaule, que je trouvais froide et dure. S'il avait seulement suffi de bander sa volonté pour lui insuffler la chaleur de ma chair, alors sa peau n'aurait pas été si glacée.


- Mathilde, prononçai-je doucement. Mathilde !

L'inaction, l'immobilité, allaient la tuer plus sûrement que toutes les lâchetés du monde. Elle devait s'en sortir, se remuer. Je l'avais sous mon implicite responsabilité depuis que nous avions été forcés de repousser la goule, et quelle protection avais-je seulement à lui offrir ? Je semblais déjà bien en peine de me tirer de ce pétrin moi-même...
Je commençais par la serrer contre moi, cherchant à faire remuer quelque chose en elle par cette étreinte. N'importe quoi : de l'étonnement, du malaise, de l'affection... n'importe quoi, pourvu qu'elle le ressente et le comprenne. N'importe quoi, pourvu que cela apporte un peu de lumière venant de l'extérieur, au coeur de ses intérieures ténèbres.


- Tu es plus forte que ça.

Je chuchotais au creux de son oreille, au travers de ses boucles brunes. Comme moi, elle n'avait pas su auprès de quoi elle avait mis son service. Les hideuses blessures qui marbraient sa peau me dégoutaient, tant elles semblaient malsaines et si peu naturelles, et tant elles soulevaient de possibilités effroyables. Pour un peu, j'en aurai reculé de répugnance, mais j'avais forcé mon aversion à se recroqueviller au fond de mon âme.

- Tu peux me suivre, n'est-ce pas ? Tu peux échapper à ces choses, tu peux échapper à tout ça. Tout ce que tu as à faire, c'est accepter de te lever, accepter de faire un pas puis un autre. Il n'y a que toi qui t'en empêche.

Doucement, mais avec insistante, je tirais sur le bout écharpé de sa manche pour qu'elle sorte de la carriole, espérant que les autres viennent se ranger également à mes côtés en voyant la scène. C'était un bien mince espoir que j'avais là, d'encore tenter de les sauver, mais cet espoir-là pouvait peut-être en faire vivre certaines.
Si Mathilde est incapable de réagir, je pars pour de bon. Si elle réagit, je l'aide à m'accompagner.
Si les deux autres décident finalement de venir avec moi, j'utilise la carriole pour faire le trajet.
Modifié en dernier par Déistra le 28 oct. 2011, 01:07, modifié 1 fois.
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Re: [Ludwig Schiller] Un serpent au pays des loups...

Message par Déistra »

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Test de conviction (Malus de 2 car esprit "brisé", donc réussite sous 6 ou moins... Très difficile comme test) : 6, tout juste mais ça passe !
Au début, Saâ crut qu'elle avait échouée : La pauvre Mathilde ne réagit pas à son étreinte, et elle était sur le point de quitter la carriole lorsqu'elle sentit une résistance... La frêle, délicate main de la servante l'avait agrippée par un coin de ses vêtements, mais la prise était si faible, si fragile, qu'un simple mouvement aurait suffit à rompre son étreinte... Son visage était toujours aussi inexpressif, jusqu'à ce qu'une unique, fine larme ne coule sur sa joue, preuve que son esprit était toujours là, enfoui au plus profond de sa conscience, à l'abri du monde extérieur... Lorsque la mercenaire l'entraîna par la main elle la suivit sans résistance, mais il était clair qu'elle était affaiblie, elle ne pourrait pas aller à la même allure qu'elle...

Les autres les laissèrent partir sans résistance, bientôt au loin retentit le bruit de la carriole repartant dans le sens opposé au leur... Le soleil devait avoir bien avancé dans sa course céleste, car bientôt la faim commença à tourmenter la jeune femme. A première vue ces bois semblaient dépourvus de gibier, et elles ne possédaient pour toute nourriture que les deux lanières de viande séchée provenant des possessions du mercenaire... Saâ les sortit, de quel animal pouvait donc provenir pareil aliment ? Si elle mangeait n'importe quoi, elle risquait d'aggraver davantage leur situation, mais pouvaient-elle se permettre de jouer les difficiles ? Et Mathilde ne manifestait toujours aucune émotion, quand bien même elle aurait eue faim elle ne semblait pas disposée à le signaler... Par ailleur si c'était le cas, comment la faire manger, si elle n'en prenait pas l'initiative ? Bien des problèmes en définitive, et très peu de solutions, Saâ était hélas la seule apte à prendre les décisions ici...
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Déistra Noiredextre, Disciple du Chaos vouée à Slaneesh
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Saâhldil Sanchera
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Re: [Ludwig Schiller] Un serpent au pays des loups...

Message par Saâhldil Sanchera »

Les interrogations venaient, mais pas sans leur lot de réponses. Toutefois, elles n'en étaient pas pour autant des solutions. Deviner des conséquences, anticiper des effets et discerner les marches à suivre ne veut pas dire qu'on est capable de résoudre un problème. Il y a un gouffre du calcul à la réussite, un gouffre qui s'appelle bien souvent moyens. C'est ce qui fait la césure de la théorie et de la pratique, bien souvent. Pourtant, pour l'esprit vif et lucide, la théorie ne saurait être contredite par la pratique, n'est-ce pas ?
Je crains seulement qu'un tel esprit ne soit que celui d'un sage, touchant au firmament de la clairvoyance. Une voûte spirituellement céleste que j'étais bien en peine d'atteindre, mais dont j'avais promis d'être proche lorsque ma vie arriverait à son terme.

Toutefois, malgré les préoccupations qui cernaient la jeune servante, je ne me départissais d'une certaine... satisfaction. Je jetais un oeil par-dessus mon épaule après m'être arrêtée, observant ma nouvelle compagne qui vacillait sur le chemin à moitié noyé par la végétation. Aux yeux de n'importe qui, elle aurait pu paraître échevelée, crasseuse, misérable - exactement comme moi, aussi physiquement éprouvée que je l'étais. Mais aux miens, à mon regard, elle était magnifique. Magnifique d'une promesse de lutte, d'une obstination qui n'était pas visible sur son visage, mais qui se devinait dans le geste de ce pas succédant à un autre, qui se devinait aussi dans la fermeté tentée de sa main qui cherchait à se rattraper à un appui malheureusement inexistant pour ne pas trébucher.
Mes doigts crochèrent les siens, la retenant pour ne pas qu'elle chancèle jusqu'à tomber. Oui, elle était superbe dans sa résistance face à l'accablement et à la faiblesse qui la tenaillait. Au coeur des ténèbres, il n'y a rien de plus lumineux que l'intérieure clarté de qui vous accompagne. Et tout ce qui est lumière et éclat dans la nuit est comme le pain et la viande pour l'affamé, comme la source cristalline pour l'assoiffé : un remède à tous vos maux.

Il semblait que je dusse abandonner mes espoirs de quitter cette contrée avant le lendemain, vu l'état actuel des choses. Je saisis Mathilde par le coude, l'aidant autant que je l'y obligeais à s'asseoir au milieu du sentier. J'allais déposer ma besace juste devant nous, mais j'interrompis mon geste. Au lieu de ça, je me contentais de m'asseoir en tailleur, jouant machinalement avec un caillou que je venais de ramasser. Dans le même temps, je fixais pensivement la servante. Les choses prenaient un tour nouveau, et je devais m'adapter. Surtout, je devais l'adapter, elle. Son destin avait pris un revirement proprement extraordinaire, et quand le mien avait décidé de me jouer ce genre de tour, j'avais eu quelqu'un pour m'épauler à un moment donné, tôt ou tard. C'était à mon tour désormais d'assumer ce rôle pour elle, même si je n'étais pas tout à fait sûre de pouvoir le remplir correctement. J'espérais que le fait d'attendre, sans rien faire, allait tirer Mathilde de son apathie et la forcer à prendre un peu les choses en main. Mauvais calcul, manifestement. Elle s'était un peu recroquevillée sur elle-même, gardant la tête basse. Je lâchais un maigre soupir, avant de poser mon petit sac juste entre nous deux.


- Ecoute-moi, Mathilde... Je sais que ce n'est peut-être pas une excellente idée, mais elle a ses avantages. On va faire un feu pour cette nuit, ne serait-ce que pour faire brûler un peu la viande que j'ai et ne pas finir trop glacées.

J'expliquais en prenant d'énormes raccourcis justificatifs. En réalité, je comptais bien veiller aussi tard que ma résistance me le permettrait, et je préférais pour cela grelotter à moitié, à proximité d'un feu modeste, plutôt que de le faire frigorifiée où le froid aurait tôt fait de m'endormir. Tout en parlant, je récupérais ma corde avant de la passer à l'épaule. Quand vous allez chercher du bois et que vous souhaitez en ramener une certaine quantité, mieux valait se munir de ce genre de choses. Par ailleurs, je me saisis de la dague que j'avais récupérée dans la carriole pour la tendre à mon interlocutrice. Voyant qu'elle ne faisait aucunement mine de la prendre, je la remisai lentement dans mes affaires.

- Tu peux rester là ou m'accompagner si tu préfères, précisai-je d'une voix douce. Mais si tu décides de ne pas bouger, pourrais-tu commencer à ménager un petit trou ou à chercher de quoi faire obstacle à l'éclat des flammes pour cacher le feu aux alentours ?

Je la couvais des yeux, un peu dubitative, attendant sa réaction... Je frémis lorsqu'elle leva enfin la tête, regardant un peu hagarde ce qu'il se passait autour d'elle. Alors son bras bougea, qu'elle tendit dans ma direction. Et alors... ses doigts se refermèrent sur le tissu bien mince de mon pantalon léger. Je ressentis comme une gifle toute la détresse qui vibrait dans ce simple happement de la main, faible, que j'aurai pu briser rien qu'en remuant la jambe. C'était un étau d'enfant, de nourrisson, qui voulait probablement dire quelque chose comme "Ne me laisse pas". Elle n'avait rien compris de ce que j'avais dit, toujours emmurée et bien abritée derrière son autisme artificiel. Elle avait décidé de ne plus voir le monde, de ne plus lui parler ; et pourtant, plus tôt dans la soirée, en l'enlaçant, j'avais apparemment forcé la porte de son intimité et fait un pas dans son esprit qu'elle avait pourtant soigneusement vidé. En cet instant, je menaçais de disparaître, c'était tout ce qu'elle comprenait ; je risquais de déserter à mon tour son âme, et elle le refusait.
Magnifique, magnifique que cette protestation-là... Elle survivrait à ce choc, à ce traumatisme. Tout ce que j'avais à faire, c'était permettre à son corps de survivre, lui aussi.

Je m'agenouillais, prenant soin de ne pas la forcer à me lâcher. Je pressais gentiment son avant-bras, l'invitant à se lever de l'autre main.


- Allez, viens avec moi. On y va toutes les deux.

La nuit tombait et je frissonnais. Avec ce que j'avais décidé, nous ne pouvions réellement pas nous passer d'un feu pour cette nuit, même si nous allions devoir prendre des précautions. Gardant ma paume sur son poignet, je l'emmenais dans les fourrés, écartant les buissons et avançant lentement pour ne pas la brusquer. Le sous-bois était silencieux, si ce n'était de temps à autre un cri d'orfraie qui venait rompre avec timidité ce monotone mutisme de la nature. J'ignorais les griffures de la végétation qui n'avait aucun mal à faire fi de mes vêtements - décidément, j'étais habituée à quelque chose de moins continental depuis la lointaine Cathay...
J'avisais le bois mort qui foisonnait au sol. Il était évident qu'aucun être humain n'avait l'habitude de passer par cette forêt, ou en tous cas, de s'y arrêter pour y établir un bivouac. J'utilisais la corde pour constituer un fagot que je me passais ensuite dans le dos, ce qui me permettait d'emporter assez de combustible en un seul voyage. A mes côtés, Mathilde se cantonnait à son rôle de spectatrice, et je me félicitais qu'elle m'eût suivie. La laisser seule sur le sentier... Malgré moi, malgré le caractère irraisonné de cette répugnance, je n'aurai pas souhaité qu'elle y demeurât sans surveillance. Dans mon état, je ne pouvais guère que retarder un éventuel assaillant, mais ça lui laissait plus de chances que si elle devait affronter une menace sans même penser à se défendre.

Nous revînmes à l'endroit où j'avais laissé mes affaires. Je m'affalais au sol avec un grognement, déversant la brassée de bois sans plus y faire attention. Avec méthode, j'entrepris de creuser un peu le sol après l'avoir dénudé de son humus, plaçant soigneusement la terre autour de manière à élever un petit cercle qui étoufferait la lumière du brasier. Je frottais mes mains sombres sur mes vêtements, satisfaite, avant de placer quelques branches sur un lit de feuilles au centre du foyer aménagé. Avec une ardeur renouvelée, je sortis ma boîte d'amadou pour mettre le feu à mon oeuvre, observant les flammes prendre en souriant.


- Approche-toi, lançai-je à Mathilde.

Je vins m'installer à côté d'elle, épaule contre épaule, notant qu'elle était habillée plus chaudement que moi. Décidément, je me sur-estimais dans ma résistance au froid...


- Je crois que c'est le moment de notre festin !

J'agitais les lanières de viande devant elle, ne réussissant pas à lui arracher la moindre réaction. Tant pis. Avec la dague, j'en coupais une en deux, que je piquais avant de présenter au baiser des langues crépitantes qui s'élevaient à nos pieds. C'était insuffisant, mais nous garantissait le même régime le lendemain. Autant ne pas prendre de risques.
Une fois la nourriture un peu brûlée, j'enfournais ma part en mâchant un rien bruyamment. Mathilde ne broncha pas, fixant le foyer et délaissant son maigre repas. Je fronçais des sourcils, l'attirant contre moi sans qu'elle ai son mot à dire.


- Allez, ma fille, même si tu n'aimes pas, il va falloir s'y résoudre.

Je découpais la moitié de lanière en petits bouts, avant de les présenter à ma compagne. Avec insistance, je cherchais à l'obliger à en mastiquer un, mais elle ne comprit même pas où je voulais en venir, perdue dans son apathie. Elle était complètement choquée, incapable de s'exprimer, et encore moins d'agir. Après plusieurs tentatives infructueuses, je lui intimais de se coucher et de dormir. Je l'aidais à s'allonger auprès du foyer, remarquant qu'elle adoptait spontanément une position de foetus. Mon coeur se serra à cette seule vue, tandis que je venais m'asseoir à côté d'elle, le bas de mes reins contre son dos.

Je comptais bien garder l'oeil ouvert aussi longtemps que j'en étais capable, remettant de temps à autre une branche dans le feu. Je ramenais mes bras autour des genoux et posais le menton dans creux ainsi formé. Derrière moi, le brasier diffusait une chaleur sur laquelle je concentrais mes pensées. La nuit me cernait de son obscurité de plus en plus froide, franchissant aisément la barrière ténue de mes habits. Mon échine se secoua dans un tremblement nerveux, et je repoussais la vague apathique qui menaça de me faire fermer les paupières. Je ne pu m'empêcher de me détourner légèrement, observant la forme ramassée de Mathilde. Un sifflement à peine audible s'échappait de ses lèvres, couvert par le grincement du bois qui se fendait dans le feu. Des boucles brunes cachaient sa joue, mais je discernais la peau qui luisait en baignant dans le halo des flammes minuscules. J'éprouvais du réconfort à la voir ainsi plongée dans une tranquillité qui fut naturelle, et non celle d'apparence qu'elle se forgeait à l'état de veille pour mieux se garder du monde. Dire qu'il y avait quelques jours encore, elle était bien loin de tout ça... Elle se contentait alors de s'occuper des fourneaux à midi et le soir, tandis qu'entre temps elle s'occupait d'aider son maître dans quelques affaires de comptabilité ou d'autres tâches de ce genre, en lesquelles j'aurai été d'une inutilité affligeante.

Je me souvins, non sans une pointe de tendresse pour me réchauffer le ventre, d'une chanson que j'avais un jour entendue sur la route. C'était un homme à la voix fringante qui l'avait livrée à qui voulait l'entendre, avec une pureté et une sobriété touchante. En vibrant de sincérité, le vagabond avait exprimé son désir de vouloir chanter pour ceux qui étaient loin de chez eux. Des vérités poignantes se cachaient dans ses mots, et je comprenais très bien que la maison, l'image de la demeure, puisse avoir un attrait plus puissant que l'or pour qui en est privé. En cet instant, je n'aurai rêvé de rien d'autre que quatre murs, un toit et une cheminée. La sécurité illusoire d'une bâtisse, d'une simple chaumière, était une panacée à bien des maux.
Je dodelinais de la tête, laissant se superposer à l'obscurité les visages immuables de dizaines de foyers chaleureux.

C'est en sursaut que je me réveillais. La bouche pâteuse de qui a mal mangé avant de s'endormir, je battis plusieurs fois des paupières tout en portant maladroitement la main à mon baudrier. La poignée de ma rapière s'enfonçait douloureusement contre ma hanche, et je bougeais légèrement... Juste assez pour m'apercevoir que j'avais le derrière et les cuisses horriblement ankylosées. Jurant et sacrant à voix basse, je me démenais pour quitter ma position assise et me relever dans une parodie de souplesse. J'avais l'impression que mes jambes étaient de plomb.
Le ciel était d'encre. Il faudrait encore une ou deux heures avant que les premières prémices rosées n'y fassent une quelconque apparition pour annoncer l'aurore. Un gargouillement secoua mon estomac comme je prenais conscience que mes crampes ne concernaient pas que les muscles de mon bassin et en-dessous. J'avais atrocement faim, mais curieusement, je parvenais aussi à reléguer ce désagrément dans un coin de ma conscience assez flou. Suffisamment pour la ressentir un peu moins, en tous cas.

Mathilde, elle, ne devait rien avoir avalé depuis... depuis combien de temps ?

Je fis quelques pas avant d'aller m'agenouiller auprès de ma compagne d'infortune. Elle respirait faiblement, mais selon un rythme régulier. Elle avait légèrement bougé, voire même s'était rapprochée du feu, désormais éteint. Je fouillais dans les cendres, recherchant des braises au coeur de l'amas sans teint, mais peine perdue. La voracité de la Sylvanie semblait capable de dévorer même la chaleur d'une branche calcinée. Je m'apprêtais à contourner l'endormie que soudain, sa main jaillit et me prit au poignet. Je sursautais, avant de réaliser que ce n'était pas une ombre qui m'agressait mais bien ma petite protégée.
En baissant les yeux sur elle, je réalisais combien elle était jeune. Peut-être six ans de moins que moi, ou sept. Encore une enfant, au fond, bien que ces terres aient sans nul doute le don de faire vieillir plus vite ses habitants.


- Mathilde, ce n'est que moi, soufflai-je.

Lentement, j'appuyai sur son épaule, cherchant à la réconforter. Elle ne desserra pas son étreinte, somme toute fragile. Je remarquais les traits tirés, faméliques, les yeux sombres et la bouche creusée par l'inanition. Mue par une bouffée de compassion, je tirais à moi la besace que j'avais déposée au sol plus tôt dans la soirée pour en tirer la viande qu'elle n'avait pas avalée. Je pressais légèrement un morceau à ses lèvres, qu'elle refusa, impavide. Toujours rien qui put se lire dans ses yeux, sinon une vague inquiétude dès lors que je faisais mine de me dégager...


- Il faudra bien manger un jour, insistai-je.

C'était peine perdue. J'avais déjà rencontré ce genre de cas, une fois, chez une compagnie de mercenaires venue du Nord. Ils disaient revenir des Désolations du Chaos, et cela se voyait en eux. Ils n'étaient plus que des ombres, des fantômes d'hommes, et certains étaient prostrés ainsi que Mathilde dans une catatonie obstinée, au point qu'ils ne se nourrissaient même plus. Espérant un rétablissement, leurs camarades s'occupaient d'eux et certains allaient même jusqu'à la becquée. Parmi nous, beaucoup avaient raillé ce comportement.
Moi, je trouvais aujourd'hui qu'il y avait beaucoup de noblesse dans ce comportement. En se délestant de tout embarras, de toute gêne, et ne laissant qu'une pitié nue et authentique, les vétérans avaient été jusqu'à mâcher eux-mêmes la nourriture qu'ils avaient ensuite glissé aux traumatisés. C'est trop souvent dans la misère, dans le dénuement en détresse, que l'âme humaine semble à même de faire fi de son confort pour aider son prochain. Il n'y a rien de plus efficace que la souffrance pour rapprocher deux êtres...

Rappelant à moi ces souvenirs, j'observais Mathilde, efflanquée et livide. Avec lenteur, je portais une première bribe de venaison à la bouche, tentant de me persuader qu'il s'agissait là de la seule façon de la nourrir. Mâchant mécaniquement, je réfléchissais à ce dont pouvait être fait le lendemain, proche de quelques heures à peine désormais. Il nous faudrait avancer, avec aussi peu d'arrêts que possible, jusqu'à rejoindre la Bretonnie. Il était vital que notre allure soit la plus régulière possible...
Je cessais de mastiquer, avalant seulement ma salive. Elle devait survivre, et cela passait d'abord par le fait qu'elle soit nourrie.

Je me tendis en avant, m'approchant de son visage. Je sentis une boule venir bloquer ma gorge, et l'espace d'un instant ma respiration se stoppa. Serrant le poing tout en m'appuyant dessus à force de me pencher, je vins coller ma mâchoire à la sienne, appuyant des doigts sur le côté de sa joue pour l'intimer à ouvrir la bouche. Avec gaucherie et une pudeur handicapante, je fis glisser la bouillie jusqu'à ce qu'elle franchisse mes lèvres. Presque aussitôt, je me redressais avec l'impression d'avoir embrassé quelque chose de sale.
Presque aussitôt, une honte brûlante gagna mes pommettes et les incendia. Au nom de quelle inhibition avais-je le droit d'éprouver cette émotion, cet éclat qui cherchait à échapper à ma conscience, cette... oui, cette pointe de rancoeur à l'égard de la servante ? Quel raisonnement tordu et hypocrite venait de chuchoter dans mon esprit : "C'est de sa faute si tu t'abaisses à faire ça" ? Je revoyais les mercenaires brisés nourrir ainsi leurs blessés, l'âme en peine.
La seule pensée qui était digne de me rester en tête était la suivante : Mathilde devait survivre.

Avec une certaine détermination, je me mis à mâcher un autre morceau. Et pourtant, je ne parvenais pas à me départir de ma gêne. De mes mains, j'entrepris de masser le cou et la gorge de Mathilde, prudemment, l'incitant à avaler ce que je venais de lui donner. Avec des battements de cils ingénus, elle finit par déglutir.
"Allez ma fille, on s'en sortira toutes les deux."

Lorsque j'eus fini cette séance de becquée, je me sentis plus fatiguée que jamais. Avec soulagement, et non sans avoir rallumé le feu avec ce qui restait du fagot, je m'allongeais dos à ma jeune protégée, incapable de reprendre ma veille. L'aube viendrait avec son lot de difficultés et de peines, mais jusque là, j'avais au moins pu sauver une personne.
Modifié en dernier par Déistra le 28 oct. 2011, 01:07, modifié 1 fois.
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"Tendre vers un idéal. S'imposer un code d'honneur. Vivre selon ses principes... Il n'y a pas de plus grande priorité."
"J'ai peur de la part de vérité qu'il y a dans le fait que le bien soit affaire de raison, et le mal affaire de motivation."

Sanchera Saâhldil , Maître d'Armes
Profil: For 9 | End 8 | Hab 8 | Cha 8 | Int 8 | Ini 9 | Att 11 | Par 11 | Tir 8 | NA 1 | PV 70/70
Lien Fiche personnage: http://warforum-jdr.com/wiki-v2/doku.ph ... a_saahldil
  • "Un jour je reviendrai à Cathay la Grande, accomplie comme mon maître désirait que je le devienne. Ce jour-là j'aurai le droit d'être fière."
Image Mathilde ~ On est riche à l'aune de ce que l'on sacrifie pour autrui...

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