[Gehnrir Mâchecrâne] Pour une poignée de gnoblars

La population rurale de l'Ostermark est composée de gens capables et autonomes qui se battent souvent aux côtés des Kislévites contre les pillards Nordiques. Wolfram Hertwig dirige sa province depuis Bechafen, situé dans le Nord.

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[MJ] Le Roi maudit
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[Gehnrir Mâchecrâne] Pour une poignée de gnoblars

Message par [MJ] Le Roi maudit »

Odillier Barbelavie s'en était allé vers l'Ouest, ce petit bout d'homme rondouillard rentrait chez lui, vers le fameux Mootland, prenant bien soin d'esquiver les routes sylvaniennes. Mais il était le héros d'une autre histoire, celle ci concernait l'imposant Gehnrir Mâchecrâne. Cet éminent représentant du gros peuple pu rapidement constater quelque chose : La bouffe était bien plus facile à trouver que dans ses montagnes natales.

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Même si le morne paysage ostermarker oscillait entre landes brumeuses et forêts épaisses, il pouvait sans problème dégoter des animaux des bois à attraper avec la délicatesse propre aux ogres. De même des troupeaux entiers de bestioles domestiques à l'épaisse toison blanchâtre s'offraient à lui comme autant de gigots à envoyer au fond de sa panse rebondie. Comble du délice, il trouva des ruches, non pas de ces maigres rayons cloitrés au fond des arbres décharnés de la montagne, mais d'énormes ruches dégoulinantes de miel posées dans de petites huttes qu'on aurait sans problème imaginé pour loger des gnoblars.

Étonnamment , nul ne sembler s'interposer entre lui et ses trouvailles. Peut être qu'il n'y avait nulle âme qui vive dans ces contrées qu'il ne connaissait guère, ou bien tout le monde se cachait en entendant approcher la pesante carcasse d'un ogre errant. Pour ce que ça le concernait, cela faisait toujours plus à manger. Le Halfling lui avait recommandé de suivre la rivière vers l'aval, vers la civilisation, ou ce qui s'en approchait.
Et après ces quelques jours de promenade idyllique digne du troubadour ogre Grug cogne-tambour, s'offrait à lui l'Empire, la plus puissante nation humaine. L'Empire et ses universités, ses temples, ses machineries et ses hommes courageux. Ou bien était-ce l'Empire, et ses péquenauds hargneux, trouillards, frappés de consanguinité, de couardise et harassés par la guerre contre l’Élu du Nord ?

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Les paysans au poil sombre et sentant la peau de mouton posaient leurs yeux noirs sur l'Ogre. Des gamins intrigués observaient l'imposante masse avec la curiosité naturelle des enfants. Le périple de Gehnrir Mâchecrâne dans le Monde des Hommes ne faisait que commencer.
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Gehnrir
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Re: [Gehnrir Mâchecrâne] Pour une poignée de gnoblars

Message par Gehnrir »

«♫ Quant tous les p'tits Gobelins
Dansent dans la forêt,
Moi et mes compagnons
allons tous les croquer !
Ne sont ils pas mignons,
Écorchés, morcelés ?
Avec des champignons,
on pourrait en manger !♫
♫Pom !
Popom !
Popom popom popom popom popom♫ ...»


Chantonnant de son timbre rauque à la tonalité plus fausse que le sourire d'un courtisan d'Altdorf, Gehnrir Mâchecrâne cheminait pesamment sur le sentier qui serpentait au côté de la rivière, progressant à grandes enjambées dans la lande où les rayons matinaux commençaient tout juste à dissiper les bancs de brume nocturne. De sa main droite, il tenait son immense massue incrustée de chaînes, laquelle reposait négligemment sur son épaule massive ; de la main gauche, il terminait d'enfourner ce qui fut autrefois un mouton dans sa gueule suintante de sang et de graisse, prenant soin de se lécher goulûment les doigts pour ne pas perdre une goutte de ce qui avait été sa meilleure idée d'assaisonnement de ces dix dernières années : le miel versé sur la viande pendant qu'elle rôtissait... enfin, il était tellement affamé que la cuisson n'avait duré qu'une paire de minutes avant qu'il ne se jette dessus, alors le résultat n'était certes pas des plus fins. Mais pour un Ogre, c'était un vrai festin. Maniant maladroitement les bois de sa prise précédente, une bestiole toute brune et tout en longueur au goût de gibier bien prononcé, il délogea une pleine pelote de laine vierge (qui ne l'était plus tellement, vu ce qui lui était passé dessus) d'entre ses crocs pointus et, se remémorant ce que son ami Halfling lui avait enseigné des us et coutumes de sa terre natale, il s'essuya les contours de la bouche. Il ne réussit qu'à se barbouiller d'avantage le visage de sang et de suie, mais cette idée n'effleura pas son esprit simple.

« Parfait pour un second p'tit déjeuner... C'est pratique ces bestioles, elles ont un bavoir qui leur pousse directement su' l'dos ! Hu hu hu! »

Il lâcha un rot terrifiant qui roula comme le tonnerre dans le silence froid de la vallée, provoquant l'envol d'un paquet d'oiseaux terrifiés dans le ciel bleu. Un sentiment d'intense satisfaction l'envahit soudain, et qui n'était cette fois que partiellement dû à son estomac (presque) plein. Il venait de comprendre comment des races aussi petites et maigrichonnes avaient put prospérer : de ce côté des Montagnes, la nature était tout simplement généreuse, et même le plus péteux des Gnolbars n'avait qu'à se baisser pour ramasser sa pitance. Il en vint à penser que, lorsqu'il rentrerait à la maison, ce serait peut-être une bonne idée de convaincre ses congénères de venir s'installer ici. Les Ogres ne disaient jamais non à un repas facile.Le Tyran ne serait peut-être pas forcément jouasse de voir son autorité remise en question de la sorte, cela dit... Mais il suffirait qu'il convainque quelques Ventre-Durs de le suivre, et une fois installés dans un coin aussi riche, il deviendrait vite puissant et respecté. Peut-être même qu'ils lui en seraient tellement reconnaissant qu'ils feraient de lui un Tyran craint de par le monde entier ?

Tout à ses rêves de grandeur (qui consistaient essentiellement, mais sans s'y limiter, en une longue liste de tous les banquets et gueuletons qu'il était impatient de s'envoyer derrière les amygdales), il progressa d’un air absent sur le sentier, pratiquement aveugle à son environnement. Il ne remarqua pas les silhouettes qui, à son approche, se jetaient dans les hautes herbes ou s'égaillaient dans les sous-bois pour esquiver le monstre. Ce ne fut que le bruit d'un cri enfantin, rapidement étouffé par une main adulte vivement plaqué sur une bouche trop sincère et spontanée pour se soucier de normes sociales ou même de pur instinct de survie, qui le ramena à la réalité. Ses pieds l’avaient menés devant un campement de tentes en bois (ce qui devait être affreusement pénible à démonter et à transporter), et visiblement majoritairement peuplé d’humains qui le regardaient avec des gobilles larges comme des roues de chariot. La notion de mode étant relativement inexistante chez son peuple, le mastodonte fut bien incapable d’estimer le niveau de richesse des locaux. Il constata en revanche que la quasi totalité des bipèdes des environs ne portaient aucune arme plus grosse qu’un frêle bâton de marche, ou plus élaborée qu’un couteau à saucisson. Décidément, les humains étaient un peuple soit extrêmement confiant lorsqu’il se trouvait sur son propre territoire, soit absolument inconscient. Il s’arrêta quelques instants pour observer les petits d’hommes qui lorgnaient sa massue comme si elle était faite d’or et incrustée de diamant. Le colosse se dit que ces bestioles étaient juste assez grasses pour lui remplir une dent creuse, avant de se rappeler des leçons de son compagnon Halfling : les humains (comme beaucoup d’autres races d’ailleurs) étaient relativement hostiles à l’idée d’être mangées, et pouvaient vite se montrer agressifs dès lors que leurs rejetons étaient en péril. Souhaitant donc démontrer qu’il n’était point hostile, l’Ogre se fendit donc d’un sourire capable de filer la courante à un requin marteau. L’effet ne fut pas tellement celui qu’il escomptait, les mioches s’enfuyant sans demander leur reste en hurlant.

Pris au dépourvu, le monstre haussa les épaules puis s’approcha d’une petite vieille qui tremblait comme une feuille (décidément, ça craignait le froid ces petits êtres!) à laquelle il adressa le même étalage de crocs démesurés.

« Es'cusez-moi d'vous d'mander pardon demie-portion, mais j'ai soif...

Son estomac gronda comme une bête fauve acculée au fond d’une caverne.

...et un peu la dalle aussi. Faut dire qu’j’ai pas eut ma collation de onze heure… Z'auriez pas d'quoi lamper, par hasard ? »

Et de ponctuer sa question d'une révérence, disons... approximative.
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Re: [Gehnrir Mâchecrâne] Pour une poignée de gnoblars

Message par [MJ] Le Roi maudit »

Alors que la vieillarde manquait de compisser ses bas de laine, une voix de baryton perça l'air derrière le gras individu.
-Si vous cherchez un interlocuteur messire ogre. Ce sera avec moi.

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Comparé au reste du troupeau, l'homme était grand. Bien entendu par rapport à un ogre il restait un avorton mais il dégageait dans son regard cette lueur qui n'échappait pas aux peuples guerriers. Celle d'un homme qui avait combattu plus qu'à son compte. Derrière lui s'étaient rassemblés plusieurs autres paysans en arme. L'irruption d'un monstre d'une demi-tonne ne laissait guère le bourg indifférent.

-Je suis Böhm, le margrave de ce village. Suivez moi.

Aux pieds de la palanque couverte de bitume, une souche destinée à couper le petit bois fut désignée comme un siège pour le colossale postérieure du Voyageur. Une table fut rapidement dressée et Böhm s'assit face à Gehnrir. Un paysan jeunot posa un baril au contenu alcoolisé et un autre un jambon. Le grand barbu soupira et reprit la parole.

-Il n'est guère fréquent de voir des ogres aussi bas dans la Région. Depuis la dernière grande guerre les brigands, les nordiques et d'autres créatures pires encore rôdent dans la lande et les bois d'Ostermark.

À une distance acceptable pour eux, les villageois continuaient d'épier la discussion entre l'ogre et le chef de la communauté.

-Si c'est du travail que vous cherchez il vous faudra poursuivre la descente de la rivière Blut jusqu'aux Villes franches. Il n'y a guère d'argent ici.
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Re: [Gehnrir Mâchecrâne] Pour une poignée de gnoblars

Message par Gehnrir »

Lorsque l’œil torve de Gehnrir croisa l’intense regard bleu de l’humain qui venait de l’interpeller, l'Ogre comprit d’instinct la place du bonhomme dans la chaîne alimentaire locale: de la plus haute stature par rapport à ses congénères, le buste droit, la tête sur les épaules (♫ un regaaard froiiid sur l’écrang de contrôle ♫ ), le menton relevé et les épaules carrées, tout chez lui exprimait l’autorité naturelle. Mais rien ne criait plus « Chef » que le fait de se tenir devant ses ouailles, armes au fourreau, et sans la moindre trace de peur sur le visage. Ainsi donc il y avait au moins une similitude avec le peuple pesant, à savoir que c’était les plus gros qui dirigeaient. Le mastodonte, fier d’avoir réussi à comprendre quelque chose d’aussi compliqué sans l'aide de personne, réitéra sa parodie (bien involontaire) de révérence en s’adressant à l’autre mâle dominant avant de lui emboîter le pas.

« Mais t'avec plaisir, m'sieur Grave ! À moins qu'vous ne préférassiez que j’vous appelle Bômlemar ?»

Il chemina de sa démarche pachydermique sous les regards nerveux de miliciens et ceux, inquiets, du reste des locaux, ponctuant les raclements de gorge et le caquètement des poules par quelques flatulences suffisamment inoffensives pour ne provoquer qu’une légère perte de connaissance et peut-être une dysphasie temporaire. Sous ses yeux ébahis, les humains lui indiquèrent une souche à même de recevoir son arrière-train avant de dresser la table. Il se laissa choir sur son siège de fortune qui poussa un cri plaintif ( heureusement compréhensible uniquement par les Elfes Sylvains), et ne put retenir une exclamation de contentement accompagnée d’une claque sonore sur ses cuisses adipeuses.

« Aaaaaaah bah voilà !!! On m’avait bien dit qu'les humains savaient r'cevoir ! »

Le gosier sec comme un gnollbar après une semaine d’errance dans les Terres Sombres, l'Hénorme attrapa vivement le tonnelet de sa main gargantuesque, et en perça le sommet d’un index vindicatif avant d’expédier une bonne moitié de son contenu derrière sa pomme d’Adam. De sa main libre, il se saisit du cuissot sec et entrepris de débarrasser soigneusement l’os de son excès de chair. Le tout avec cette finesse et cette élégance propre (si j’ose dire) aux habitants des Montagnes des Larmes. Le proverbe dit «ventre affamé n'a pas d’oreille », mais heureusement pour les Ogres, il ne s’applique pas pour eux. Du moins pas entièrement, sans quoi ils seraient irrémédiablement sourdingues. Ainsi, Gehnrir écouta son hôte lui faire part de sa surprise de voir un représentant de sa race à l’ouest des montagnes, notamment à cause de ce qui sévissait dans la région. Il se figurait de ce qu’étaient les Nordiques, vraisemblablement des hommes qui vivaient plus au Nord. Il se figurait également de ce que pouvaient être les créatures pires encore, car il n'était pas très difficile d'être pire qu'un être humain, point de vue prédateur. Il n'y avait qu’un seul mot qu’il ne connaissait pas, mais ce n’était pas grave. Le chef du coin lui conseilla également, s’il cherchait à faire fortune, de continuer à longer la rivière jusqu’à arriver à ce qu’ils appelaient Villes, leurs campements plus ou moins permanents selon ce qu’il se rappelait des récits de son ami Halfeling. Même s’il n’avait aucune idée de ce qui les rendait franches par rapport aux autres. Sûrement qu’elles n’étaient pas camouflées…

Il ralentit sensiblement son débit d’ingestion et, entre deux coulées de bave, hocha la tête d’un air pénétré pour bien montrer qu’il avait absolument tout compris. Puis il haussa les épaules, levant brièvement les yeux au ciel tandis qu’il fouillait dans sa mémoire au logiciel obsolète.

«Bouarf, j’ai pas eut trop d'problèmes depuis les montagnes, à part avec ce con d'Troll qui voulait becter mon pote, mais j’imagine que les grandes routes c’est les mêmes problèmes pareil et d’partout. Après j’ai jamais chassé d’brigand, alors j'peux pas vous dire. Ça doit être un bestiau d'chez vous ça, qu’aime pas trop l'froid… Mais vous savez, j'suis pas difficile : si y’a pas d’argent, j’accepte l’or, les joyaux, l’acier forgé, la barbaque… et vot' picole là, l’est pas mauvaise, j'pourrais m’laisser convaincre. M'enfin, c'vous qui voyez… Ah par contre à tit' personnel, vous f'rez gaffe la prochaine fois, vous z'êtes un peu légers sur les hors-d’œuvre …»

Le Colosse (qui s’érode) avait en effet intégralement nettoyé l’os, et s’appliquait désormais à le faire craquer sous ses mâchoires puissantes afin d’en sucer la moelle, ce qui n’était qu’une manœuvre purement ludique avant une ingestion intégrale. Il était d’ailleurs à deux doigts d’en faire de même avec le tonnelet, même si de son point de vue, le bois c’était quand même un peu moins bon.

«Si vous avez pas b'soin d’mes services, j’taille mon ch'min après l'repas. Merci du conseil en tout cas… J'suis à combien d'la prochaine ville ? Parc'qu'y faut ptet que j’vous prenne du singe pour la route…»
Modifié en dernier par [MJ] Le Roi maudit le 18 avr. 2021, 23:17, modifié 1 fois.
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Re: [Gehnrir Mâchecrâne] Pour une poignée de gnoblars

Message par [MJ] Le Roi maudit »

-Quelques lieues. Mitvas doit s'y rendre. Vous pouvez l'accompagner.

Et avec la concession d'un second tonneau de gnôle, notre gras ami se retrouva à suivre un paysan aux bacchantes drues et blonde. La rivière continuait sa route à travers la lande, les bois et les mornes brumes de l'Ostermark. Mitvas répondait laconiquement aux éventuelles interrogations de Gehnrir mais il répondait.
Jet d'observation, 3 ! C'est une réussite.
Mais même un esprit disons...Aussi terre à terre que celui de l'ogre pouvait remarquer les détails du paysage : Les fermes brûlées depuis longtemps, les champs abandonnés. Les vestiges de bataille. De l'autre côté de la rive il pouvait même apercevoir quelques pendus desséchés dont les membres squelettiques s'agitaient mollement dans le vent. La région avait été dévastée. Bon, quand on venait d'une région comme les Montagnes des Larmes la dévastation ça faisait partie du quotidien mais le paysage presque champêtre était souillé, meurtri. Des arbres calcinés bordèrent même leur marche durant un long moment.

Mais à la vue des murailles, de pierre cette fois, du bourg d'Osterwald, l'Ogre pouvait découvrir ces fameux campements. Les habitants, si certains affichaient leur surprise à la vue du gargantuesque voyageur, n'avaient pas la méfiance hargneuse des paysans de tantôt. Les soldats de la ville postés à la grande porte fixèrent les deux arrivants d'un œil torve. Il fallait falloir payer l'octroi avant de pouvoir pérégriner dans la ville.

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Re: [Gehnrir Mâchecrâne] Pour une poignée de gnoblars

Message par Gehnrir »

Et c’est donc ainsi que Gehnrir Mâchecrâne se retrouva une fois encore à arpenter les sentiers boueux de l’Ostermark qui longeaient la rivière Blut. Cette fois ci cependant, il était muni d’un plein tonnelet d’eau de vie, qui aurait rendu un nain aveugle mais dont le petit goût de malt était tout à fait savoureux, et était précédé d’un habitant du cru équipé de moustaches assez efficaces pour encaisser huit jours de miettes de pain sans sourciller. L’autochtone marchait d’un bon pas, douze bons pieds devant l’Ogre. Ce qui était relativement sage en soi, car lorsque le tonnelet fut siphonné moins d’une demi-heure plus tard, le mastodonte hésita plus d’une fois à transformer le pauvre Mitvas en rillettes, et si la proximité avait permis une action immédiate au lieu d’imposer le temps de la réflexion... Qu’est ce qui le retint de céder à cette impulsion bestiale ? La perspective d’être pourchassé par les villageois une fois qu’ils auraient constaté sa disparition, ou bien la perspective d’être fléché à vue par les guerriers qui montaient certainement la garde devant la prochaine ville s’ils se pointait la gueule ruisselante de sang frais et une botte entre les dents ?

Ou bien était-ce la terreur de s’étouffer avec les bacchantes gargantuesques ? L’Histoire ne le dit pas.

Quoi qu’il en soit, à mesure que les deux lascars progressaient vers la civilisation, l’Énorme nota une dégradation progressive mais significative dans la flore locale, faite à la main par des êtres portant fer et feu. D’aucun penseraient qu’un esprit aussi obtus aurait eut peine à noter quelque chose qui ne le concernait pas aussi directement qu’un coup d’épée dans la bouche ou l’odeur de la soupe du soir. Mais au-delà de l’instinct quasi animal dont le peuple pesant faisait preuve au quotidien, il était surtout connu pour résider dans un milieu assez hostile pour que ses résidents pratiquent eux-même le pillage et la rapine à un niveau professionnel. Et en règle générale, repérer les traces d’une escarmouche passée permettait d’esquiver l’embuscade suivante. Le mastodonte fit part de ses observation au paysan, qui lui répondit laconiquement qu’il ne s’agissait là que de l’œuvre de la dernière bande de Nordiques en maraude. Dans leur malheur, les habitants du coin avaient eut de la chance, car les barbare avait malencontreusement croisée la route d’une horde de peaux-vertes descendues des montagnes pour raser le même hameau, et tout ce beau monde s’était joyeusement étripaillé pour départager qui aurait la priorité. Cela avait laissé le temps à un contingent de soldats d’arriver sur ces entrefaits pour achever les survivants avant qu’ils n’aient le temps de s’enfoncer d’avantage dans les terres.

L’improbable duo chemina donc dans la lande, où la mort et la vie se livrait une bataille sans merci, pendant encore de longues heures à peine marquées par les reniflements de l’humain et les gargouillis intestinaux de l’Ogre. Et soudain, la ville apparut au détour d’un vallon. Osterwald, comme la nomma Mitvas (quel drôle d’idée de donner un nom à un endroit qui n’était pas un site sacré, ou la tanière d’une bête légendaire) se révéla dans toute sa splendeur, c’est à dire grise et morne à l’image de sa région, mais le style exotique de l’enceinte de pierre qui la ceinturait, ponctuée de hautes tours, fascina Gehnrir qui se perdit vite dans la contemplation de l’édifice. Sans aucune mesure avec la géométrie et la rigueur des nains, l’application et l’ingéniosité des humains dépassait toutefois largement celle dont son propre peuple faisait preuve, et un tel ouvrage couplé au relief abrupte de son pays natal pouvait facilement rendre tout une zone absolument inattaquable. Mais il réalisa aussitôt que dans les Montagnes des Larmes, le temps nécessaire à l’érection de tels bâtiments serrait irrémédiablement perdu, au détriment d’activités capitales comme le désossage de la dernière proie ou la mise en place du tournoi de lutte hebdomadaire. Y’a des priorités quoi, merde ! Et puis pourquoi passer du temps à construire un mur qui serait laissé à l’abandon quelques semaines plus tard lorsque le campement serait levé ?

Le seul chemin d’accès à l’intérieur de la cité passait par un trou dans le mur, qui était toutefois obstrué par une imposante grille en fer qui venait juste de se refermer après le passage d’un vieillard menant une charrette remplie de carottes. Quatre humains engoncés dans des livrées au tintement métallique semblaient filtrer le passage. L’un d’entre eux, qui avait l’air d’être le plus ancien, était assis sur une caisse dans laquelle il venait de ranger une poignée de pièces, tandis que les trois autres s’appuyaient mollement sur leurs piques en s’échangeant quelque plaisanteries qu’on devinait être à forte teneur en philosophie. Tout ce petit monde se ressaisit néanmoins à la vue du monstre qui se dirigeait vers eux. L’un d’eux, un jeunot avec des bras de poulet, s’avança courageusement, braquant son arme en direction des arrivants.

-" Halte qui voilà !"

Son comparse, un autre jeunot avec une barbiche à peine plus épaisse qu’une touffe de dessous de bras, l’interpella d’un ton hésitant.

- "Heuuu t’es sûr que c’est ça la formule ? C’est pas « Halte au grabuge ! » ?"

Cela sembla déstabiliser le jeunot qui, après un coup d’œil circonspect à son collègue, eut toute les peines du monde à retrouver une contenance.

- "Attends, tu me mets le doute là… Halte quel que soit votre âge ! Non…"

- "Halte nom d’un chien ! Ah non, toujours pas…"

- "Vos gueules !"

Le troisième larron, plus âgé et visiblement excédé par les bouffonneries des deux bleus, les bouscula pour venir se planter devant Mitvas qui, ayant déjà ralentit le pas, s’arrêta complétement. Mais par dessus l’épaule du paysan, le soldat fixait intensément Gehnrir d’un regard dépourvu de peur, mais qui irradiait d’une froide détermination. Ce qu’il déclama ensuite d’une voix forte et claire était d’avantage destiné à l’Ogre qu’au local qui connaissait déjà la politique de l’endroit.

-"Halte ! Par décret, nul n’entre dans la ville sans payer l’octroi, qui est d’un Sous de cuivre par jambe qui foule le sol. Payez ou passez votre chemin !"

Le ton était calme, mais ne souffrait aucune contestation. Gehnrir constata d’ailleurs que les décibels avaient attirés l’attention d’une poignée d’autres humains bardés de fer qui glandaient au sommet des remparts, et qui à présent tenaient leurs arcs prêts. Le jeunot à barbiche chuchota à son ami.

- "Bah tu vois, j’aurais jamais réussi à me rappeler de tout ça…"

L’autre lui répondit par un coup de coudes dans les côtes pour lui signifier que s’ils voulaient bouffer ce soir, il valait mieux la boucler définitivement. Là dessus, le vétéran, toujours silencieux et détendu, se leva à son touret s’avança de quelques pas, la main droite tendue, mais la main gauche posée sur le manche de sa longue épée qu’il portait au côté. Mitvas, sans broncher, sorti deux sous de cuivre de sa bourse et obtempéra sans rechigner. Le vieux fit un signe à l’un des gardes sur le toit, et la herse s’ouvrit dans un grincement infernal. Le paysan s’engouffra dans l’ouverture et y disparut avant que l’Ogre n’ait eut le temps de lui demander s’il pouvait payer pour lui. Il se trouvait donc là comme un con, à soupeser le pour et le contre de l’emploi de la méthode Ogre. D’un côté, la caisse pleine des pièces de la journée était à portée de massue, uniquement protégée par quatre humains dont deux moins épais qu’un sandwich de gnolbar. De l’autre, il n’était pas certain de pouvoir venir à bout des deux plus vieux assez vite pour empêcher les archers de lui trouer la peau, et il en savait suffisamment sur les humains pour se douter qu’ils avaient des renforts quelque part, qui n’attendaient qu’un mot pour le déborder comme une meute de hurleurs nocturnes.

Et puis même s’il mettait la pogne sur une belle quantité de cuivre, où est-ce qu’il irait le dépenser ? Au fond de la forêt ? Non bien sûr, cette ville était le seul habitat viable à des lieues à la ronde… Et puis il pouvait trouver du travail ici, pour bien plus qu’une poignée de piécettes. Ainsi donc, l’Ogre se saisit de sa bourse, y farfouilla de ses gros doigts gourds, et déposa 2 sous de cuivre dans la main du garde en affichant son plus beau sourire.

« Pas d’soucis mon gars ! J’espère juste qu’la visite vaudra l’coup d’œil. Tiens… »

Le garde empocha l’argent (enfin, le cuivre…) et fit à nouveau signe d’ouvrir la herse.

- "Bien, vous pouvez entrer. Ne faites pas de grabuge inutile, et tout se passera bien."

C’était une notion relativement sujette à interprétation du point de vue d’un Ogre, mais chaque chose en son temps. Gehnrir exprima sa coopération en levant le pouce et en exhibant encore plus ses chicots éclatants… Avant que le jeunot aux bras de poulet ne lui exprime son désarroi.

- "Par contre vous devriez arrêter de sourire, c’est hyper malsain…"

L’ogre s’engagea alors sous l’arche de pierre, et commença à errer au hasard dans la fourmilière humaine, se fiant d’avantage à son nez qu’à son cerveau pour s’orienter dans les ruelles tortueuses et humides. Il remonta la piste d’une poulet en train de rôtir à la broche jusqu’à arriver à un marché fortement peuplé malgré l’heure tardive et le fait qu’une bonne partie des commerçants commençaient à fermer boutique. Il put toutefois mettre la main sur cinq belles pièces de viande qu’il fourra dans sa gibecière, avant de s’enquérir d’un endroit où passer la nuit. Le boucher, bien aimable, lui indiqua une taverne à proximité de la rivière (qui courrait dans la ville), et qui se trouvait être attenante au comptoir commercial de la ville, le passage obligé de toutes caravanes et convois qui passaient dans le coin. Si la Gueule le voulait, peut-être trouverait-il son bonheur là bas ?
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Modifié en dernier par [MJ] Le Roi maudit le 18 avr. 2021, 23:18, modifié 1 fois.
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Re: [Gehnrir Mâchecrâne] Pour une poignée de gnoblars

Message par [MJ] Le Roi maudit »

Le premier problème se posa en arrivant au seuil de l'établissement : Les portes de l'Auberge n'avaient pas été pensées pour des individus dont la hauteur pouvait excéder les sept pieds de haut. Ce fut donc un supplice autant pour l'imposant voyageur que pour le cadre en bois qui manqua de voler aux éclats.
La Truie vagissante était bondée. Voyageurs à l'allure sinistre dont les longs manteaux dissimulaient corps et visages pour qui était trop loin d'eux, soldats et mercenaires aux armures hétéroclites vraisemblablement rassemblés à la hâte pour combattre les menaces qui rongeaient la lande. Il y avait bien entendu toute la pléthore de paysans, gueusailles, bouviers et autres travailleurs de la terre dépensant quelques sous glanés aux marchés dans la tiédeur d'une bière tirée du fut mais il y avait une catégorie de clients qui, accoudés le long du comptoir verni, descendaient des verres d'eau-de-vie en poussant des rugissements hilares.
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Jet d'intelligence pour voir si tu reconnais l'origine de ces gaillards : 11, échec :orque:
-Par la fourrure de la Tsarine., dit le barbu en tapotant son plastron. Un Ogr au sud de l'Urskoy. Quel vent peut t'amener ici fils de la gueule ?

Les deux autres le fixèrent avec l'ardeur de l'alcool fort et du sang vaillant. Bien à l'opposé des autres clients qui craignaient que la rencontre entre ces deux forces inarrêtables ne donnent lieu à un cataclysme.
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Gehnrir
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Re: [Gehnrir Mâchecrâne] Pour une poignée de gnoblars

Message par Gehnrir »

L’établissement devant lequel Gehnrir avait atterri lui semblait tout à fait respectable : La Truie Vagissante. Rien que le nom était prometteur en soi, car la truie était sans aucun doute l’emblème de la graisse, et n’oublions pas ce célèbre proverbe qui constituait le fondement même de la culture Ogre : « Le gras, c’est la vie ! ». Il avait craint un moment que son inaptitude à déchiffrer les symboles abscons que les autres races utilisent pour se raconter des trucs ne l’empêche d’identifier le bâtiment, mais fort heureusement, la vaste majorité des bipèdes constituant la clientèle de tels établissements n’était pas plus lettrée que lui. L’enseigne en forme de cochon stylisé suffit donc à lui indiquer qu’il était parvenu à destination. Mais il n’était pas au bout de ses peines, car l’architecte n’avait pas pensé à aménager d’entrée pour des bestiaux de son gabarit. Après quelques instants d’hésitation, cet adepte de la finesse décida d’appliquer la stratégie de la vierge récalcitrante : en forçant un peu, ça finit toujours par rentrer ! Bon, on ne garantissait pas l’état des lieux après coup, mais ça c’était un autre problème. Et en effet, l’auberge mérita plus que jamais son nom, car la plainte déchirante du bois et du fer malmenés par 500 kilos de viandasse déterminée résonna à travers la ville pendant les quelques minutes de combat acharné que l’Ogre livra avec le montant de la porte. Résultat : Une porte arrachée, une devanture à refaire et un sacré courant d’air, mais un nouveau client qui allait consommer pesamment.

A l’intérieur, l’ambiance en avait pris un sacré coup dans les lampions. Les regards se faisaient fuyants et les mines étaient basses. En un mot comme en cent, toute la clientèle de cagauds était silencieuse car correctement flippée par l’irruption du monstre… Toute ? Non ! Car un petit trio d’irréductibles moustachus résiste encore et toujours à la peur, aidés en cela par la potion magique qu’ils s’envoyaient dans le gosier par hectolitres. Celui qui semblait être le meneur, arborant une barbe absolument glorieuses et une cuirasse rutilante, apostropha le fils de la gueule avec une force et une confiance qui laissaient entendre qu’il avait déjà croisé des membres de son peuple. Gehnrir, un peu pris au dépourvu, mit quelques instants à analyser la situation. Ces humains sortaient clairement du lot avec leurs vêtements bigarrés et les sabres qui pendaient à leur côté. Ils semblaient robustes et courageux, et plutôt sympathiques. L’Ogre se gratta les fesses d’une main, se cura le nez de l’autre, et afficha un grand sourire avant de répondre fortement.

«Eh ben j’viens manger et picoler, quoi d’autre ?»

Et de partir d’un éclat de rire à faire trembler les vitres. Le colosse progressa gauchement dans cet espace confiné dont la toiture lui frôlait le crâne, se frayant un chemin en s’employant de son mieux à n’écraser rien ni personne, jusqu’à venir s’accouder au comptoir à proximité de ses nouveaux amis. C’est à ce moment que son estomac décida de jouer le chant de son peuple, qui n’était pas sans évoquer deux Ferox copulant sauvagement au fond d’une caverne. Il s’adressa donc au tenancier avec toute l’amabilité dont il était capable, tout en posant une pièce d’argent sur le bois tâché.

«J’aimerai bien d’quoi m’caler les chicot, avec c’qui faut pour faire descendre ça, bien sûr.»

Puis il se tourna vers le trio qui lui semblait des plus amical. De son point de vue, les humains se ressemblaient tous un peu, alors il allait falloir qu’il organise le merdier latent qui lui servait de cerveau s’il voulait se rappeler des choses importantes. A partir de maintenant, le chef, il l’appellera "l’Ancien". Celui qui avait une toison pectorale à faire tomber toutes les guenons du coin en pamoison, ce sera "Moustaches", pour des raisons évidentes. Et le dernier, par élimination, ce sera "le P’tit", car il semblait moins fourni en pilosité que ses camarades, donc il était forcément plus jeune.

«Enfin à part ça, j'viens surtout chercher d'quoi gagner ma croûte, avec une paire d'bras solides à louer. Vous savez pas où j’pourrais trouver preneur ? C’est que j’viens d’arriver par chez vous, alors j’ai pas eu l’temps d’tout voir…»
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Re: [Gehnrir Mâchecrâne] Pour une poignée de gnoblars

Message par [MJ] Le Roi maudit »

Le tavernier dont la couleur tendait désormais vers le blanc cassé de son tablier opina du chef avant de tirer un seau de bière. L’appelante mousse crémeuse dissimulait une bière brune forte et savoureuse. Moustaches claqua son verre vide sur le comptoir comme pour haranguer le pauvre homme déjà affairé à verser des louches de ragout de porc dans l'auge du Fils de la Gueule.

L'Ancien ricana à la remarque de Gehnrir et lorsque les deux monstres velus au torse dénudé furent servis il leva sa coupe en direction du plus gras :
-Na zdrowie l'ami !

Alors que l'épais ragout dégageait des effluves de bon gras et d'aromate juste sous le nez de l'Ogre, l'homme à la cuirasse répondit à ses dernières interrogations :

-Si vous ne comptez pas vous établir longtemps dans ces impériales contrées, j'aurais peut être une tache à vous confier, une tache...à votre hauteur. Dans notre Kislev si proche et pourtant si loin nous avons beaucoup de travail et..."une paire d'bras solides" comme les vôtres sera plus qu'utile.
Il ajouta après un sourire large comme sa moustache cirée :
-Quand à la paye. Elle sera conséquente si notre entreprise à du succès. Pour ce qui est des autres formalités, vous pouvez demander à mon garde du corps, Kuba.

Moustaches leva la main en riant grassement, il tira une longue bouffée sur sa pipe avant de souffler un panache de fumée avec la délicatesse d'un mammouth des montagnes en hiver. Il avait la voix grave comme si il avait bouffé du gravier. Une spécialité culinaire assez fréquente dans les contrées de l'Ogre.

-Je t'écoute l'ami !
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Re: [Gehnrir Mâchecrâne] Pour une poignée de gnoblars

Message par Gehnrir »

Si la chopine de picole qui venait d'apparaître dans sa main lui mit un sourire jusqu'aux deux oreilles, c'est bien la décontraction et les rires virils des humains qui l'accompagnaient dans sa beuverie qui achevèrent de mettre Gehnrir en confiance.

«Ouais, Naze d'évier aussi !!!» s'exclama t'il en levant bien haut le saut qui lui servait de choppe, avant d'écluser le breuvage malté à grandes goulées, ce qui laissa une moustache d'épaisse mousse blanchâtre sous son nez épaté, et dont l'excédent ruissela sur son torse puissant comme une cascade dévale les montagnes.

Et quelle bière, cette bière... Moins décapante que la gnôle qu'il avait récupérer dans le village précédent, mais un vrai régal à l'arôme doucement amer qui s'épanouissait sur son palais encore orné de reliefs du mouton de ce matin. La Gueule lui en soit témoin, c'était de la bonne bière. Rien à voir avec la pisse de Gnolbar que son clan brassait, ça c'était clair... Comme il était doté d'un intellect supérieur, il réprima son impérieuse envie de siphonner intégralement le breuvage, car il venait tout juste de savonner la pente, et il restait encore le plat à faire passer. Or, il escomptait bien garder un peu de ce déilicieux liquide pour se rincer les gencives après son forfait.

Et comble du bonheur, tandis que le tenancier versait frénétiquement de grandes louches d'un ragoût dont les effluves mettaient l'eau à la bouche de l'Ogre, l'Ancien lui proposa justement de l'engager pour une besogne qui mettrait à l'œuvre toute l'étendue de ses talents, pour une paye à la mesure de la tâche. Mais tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes ! Comme quoi, ce que le petit Odillier lui avait dit était vrai : dans l'Empire, quant on est un peu malin, il suffit de traverser la rue pour trouver du boulot ! Il ne restait plus qu'à discuter des détails avec Moustaches, dont la voix était aussi velue que ses pectoraux, grave et rocailleuse comme celle d'un Ventre-Dur du clan des Mangeurs de Montagne. Son vrai nom était visiblement "Coup Bas". Étrange, ça n'avait pas l'air d'être son style. Mais les noms et les couleurs, hein... L'Ogre était sur le point de se cracher dans la pogne avant de la tendre à l'humain pour conclure l'affaire, lorsque le tavernier déposa l'écuelle pleine et fumante devant lui. Le délicat fumet qui frappa le carnivore lui court-circuita le cerveau, et il se jeta sur la nourriture comme un fantassin revenant d'une campagne de trois mois dans la neige. Alors qu'il s'empiffrait allègrement, il réalisa qu'il avait faillit accepter le job les yeux fermés sans poser ses propres tarifs, aveuglé par la perspective d'être payé grassement (comme il lui seyait) pour tabasser des trucs. Il était passé à deux doigts d'Halfeling d'avoir l'air stupide !

Mâchouillant négligemment la cuillère en bois qui avait juste la bonne taille pour lui servir de cure dents, il se tourna légèrement vers le garde du corps et lui adressa son plus beau sourire.

«Héhéhé... Ça tombe bien, j'adore voir du pays et j'ai rien de spécial à faire dans l'coin. Z'avez l'air d'avoir d'la tripaille, alors p'tet bien qu'on va pouvoir s'entendre ! Après pour mes tarifs, ça s'négocie en fonction du boulot : Où il faut aller, combien de temps d'voyage, qui ou quoi il faut maraver... »

Il s'envoya une autre rasade de bière avant de lâcher un rot à défriser un mammouth, puis leva les yeux au ciel grattant pensivement l'un de ses trois mentons pendant qu'il réfléchissait à ses conditions. Quiconque avec l'ouïe assez fine pourrait entendre les rouage tourner sous son crâne épais.

«Comme vous avez l'air sympa, j'prendrai que cinquante pourcent du butin. Enfin si vous voulez, on dit un quart, ça simplifiera les calculs... Je garde c'que j'trouve sur c'que j'bute moi-même personnellement, et j'me réserve le droit d'manger les ennemis vaincus, sauf si y faut faire des prisonniers, mais ça faudra prévenir avant, j'vous l'conseille...»

Son estomac enfin calmé pour au moins la prochaine heure, il regarda avec tristesse le fond de sa choppe désormais vide. Encore raté... Il poussa le sceau vide vers le tavernier qui aurait sûrement espéré se faire oublier.

«Hep, remet moi la p'tite sœur, tu s'ras mignon... Par la Gueule, c'est d'la bonne bière que tu fais, mon gars !»

Puis il se retourna à nouveau vers Kuba.

«Ah, et est-ce que vous fournissez la bouffe si y'a pénurie d'castagne ???»
Modifié en dernier par [MJ] Le Roi maudit le 18 avr. 2021, 23:23, modifié 1 fois.
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Gehnrir Mâchecrâne, Guerrier de la Gueule - Voie du Buffle
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