[Juliette Dickens] Fuite éperdue et inavouables habitudes.

La population rurale de l'Ostermark est composée de gens capables et autonomes qui se battent souvent aux côtés des Kislévites contre les pillards Nordiques. Wolfram Hertwig dirige sa province depuis Bechafen, situé dans le Nord.

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[MJ] Vivenef
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Re: [Juliette Dickens] Fuite éperdue et inavouables habitude

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  • Regard interrogateur, puis grand sourire en direction de Juliette.

    « Te ferais-je soudainement peur pour que tu me vouvoies de la sorte ? Laëssya s’arrêta quelques instants, pensive. Ce n’est peut-être pas une très bonne chose que celle de m’avoir délivrée, en vérité. Enfin, cela dépend des points de vue, j’imagine. Mais, me concernant, j’en suis fort aise, je te rassure, et je t’en suis également reconnaissante. En revanche, il est probable, oui, que cela bouleverse quelque peu ta petite vie de servante, si tranquille et routinière… » Et en guise d’explications, elle désigna d’un geste las le margrave qui gisait toujours au sol.

    Après un petit coup d’œil en direction de Juliette, l’étrange et ancienne servante alla vérifier si la porte était fermée, et, alors qu’elle se rendait compte qu’elle ne l’était pas, glissa la clef correspondante dans le trou de la serrure. Lentement, elle y tourna le petit objet métallique, et le bruit caractéristique du mécanisme se verrouillant put être entendu.

    «A ton avis, quelle est la peine encourue pour une agression envers un noble ? Le sourire fut plus franc encore lorsqu’elle se retourna. Le fouet, la prison d’où tu viens, la mort… ? Oui, je pense bien que l’on te mariera à chanvre. Ta vie ne vaut pas bien chère, en tant que simple servante. Ce n’est pas comme si tu étais une petite bâtarde comme cette traînée d’Estelle et, en dépit de l’aversion que portait Adélaïde à l’encontre de Frédérick, eh bien… Elle haussa les épaules.

    «Ce que j’ai fait à Estelle et Licinia ? La jeune femme éclata d’un petit rire cristallin. Mais rien du tout, ma chérie, rien du tout. Du moins, pas encore. »

    Elle s’approcha impérialement de l’ancienne mineuse, d’un pas rapide, avant de se glisser derrière en rabattant une mèche de cette dernière qui lui masquait la gorge. Juliette put sentir l’aura de la jeune femme qui émanait de son corps, pourtant en-dehors de son champ de vision. Un arome de puissance, un effluve de certitude, une odeur langoureuse de tentation à laquelle il n’était pas aisé de s’y soustraire. En dépit de cette force et de cette grâce qui formait comme un halo protecteur autour d’elle, une certaine douceur accompagnait ses gestes, douceur qui fut une fois de plus présente lorsqu’elle s’empara délicatement de la main de Juliette pour l’emmener vers son propre cou.

    La camérière put sentir, là, sous ses doigts, un contact poisseux, et lorsqu’elle y retira sa main, celle-ci s’en retrouva couverte de sang. Et ce ne fut qu’à ce moment là uniquement qu’elle en prit conscience, comme vous preniez conscience d’un irritant bouton de moustique qu’une fois que vous l’aviez gratté une première fois. La petite plaie semblait profonde mais point dangereuse ; l’une de ces blessures bénignes qui, saignant beaucoup, se révélaient davantage impressionnantes que mortelles. Dérangeante, toutefois, car la sensation visqueuse vous collait à la peau aussi bien qu’au tissu du col, et chaque mouvement, chaque geste vous forçait à vous en rappeler. Le contact étroit et sucré était loin d’être agréable.

    «Peut-être commences-tu à te dire qu’être entrée ici et m’avoir délivrée n’étaient pas de bonnes idées. » La voix avait sonné étrangement dure et basse alors que Laëssya ne se trouvait soudainement plus juste derrière elle, mais bien au niveau du margrave. Elle le contemplait à nouveau, lui qui n’était pas mort mais assommé. S’accroupissant alors, elle glissa ses mains en dessous de son dos et se releva, le portant dans ses bras comme s’il avait été aussi léger qu’un nourrisson. L’ancienne prisonnière déposa Frédérick sur le matelas, le bâillonnant par la suite. Son humeur semblait changer en fonction de ses pensées, et sûrement était-elle très lunatique. Si elle avait paru sournoisement souriante envers Juliette, à la manière d’une prédatrice, son regard et son expression s’étaient endurcis en observant son geôlier. Pour que Juliette la délivrât, elle avait menti, mais cette première sentait bien qu’il y avait tout de même quelques parcelles de vérité dans ce qu’elle lui avait raconté, et notamment, comme elle avait pu en juger par elle-même, des agissements perpétrer par l’homme.
    Et ses traits trahirent soudainement une volonté inébranlable.

    Avec détermination, elle s’empara des chaînes en argent de ses mains, et si tôt que le contact fut fait entre sa peau et le métal, sa mâchoire se serra brutalement, et tout son être se crispa. Laëssya s’attela à attacher l’homme aussi bien qu’il l’avait fait avec elle-même, et la douleur qu’elle ressentait fut palpable. Alors qu’elle lâchait un maillon de la chaîne pour attraper une autre extrémité, Juliette remarque que la paume des mains de sa « consœur » était déchiquetée, calcinée, rougeoyante d’un feu ardent qui n’augurait rien de bon. Mais alors que, malgré tout le mal qu’elle se donnait, les larmes de souffrance roulaient le long de ses joues, ce qui n’empêcha pas l’ancienne captive de tenir bon jusqu’à ce que retentisse l’éternel petit clic.

    Un petit hoquet extériorisa toute la douleur qu’elle avait gardée pour elle-même tandis que ses épaules et sa mâchoire se relâchaient subitement sous le regard dubitatif d’une Juliette spectatrice. Pendant quelques secondes, Laëssya distribua de violentes claques au nouveau prisonnier jusqu’à ce qu’il émerge enfin de son évanouissement.

    L’homme mit un certain temps avant de finir par comprendre et analyser la situation dans laquelle il se trouvait, et, réflexe inutile mais tout aussi humains que les deux captives précédentes avaient dû faire, il s’agita dans tous les sens, tentant en vain de se libérer. Sous son bâillon bien resserré, quelques grognements furent audibles, quelques menaces, aussi, sans doute, immédiatement avortées par le tissu.
    Ma vengeance n’est pas encore pleinement assouvie. N’était-ce pas les paroles de Laëssya ?

    Armé de son poignard, celle-ci détourna tout naturellement son attention en direction des parties intimes de son prisonnier, les chausses et les braies toujours au niveau des chevilles. Lorsqu’il comprit ce qui allait se produire, ce ne fut plus des menaces ou des insultes qui fusèrent de dessous le bâillon, mais bien des suppliques que sa tortionnaire feinta de ne pas entendre.

    Et ce ne fut plus des suppliques mes des gémissements douloureux qui s’entendirent alors par la suite, lorsque la pointe effilée de la dague traça tout d’abord de fins sillons sanglant sur la longueur. Crescendo, s’en suivirent des hurlements alors même qu’elle entamait circulairement bien davantage que la peau, et les yeux de l’homme se révulsèrent, devenant d’un blanc laiteux sous la souffrance. Son corps fut bientôt agité de spasmes, ne pouvant échapper à la douleur, étant forcé de l’accepter dans toute sa cruauté. La lame scintilla une dernière fois avant de mordre dans les chairs, crevant dans des flots sanglants ce que le margrave avait de plus précieux. Et cela ne la fit pas cesser pour autant ; les mains de Laëssya se couvrirent rapidement de sang alors qu’elle décollait de longs rubans de peau dans une opération qui tenait bien plus de la frénésie sanguinaire que de la précision chirurgicale. Sous le bâillon, il sembla que les cordes vocales éclatèrent tant l’intensité de la tonalité de Frédérick devenait rauque et profonde, et quand bien même le bâillon se teinta de sang, l’homme s’étant sectionné la langue, que ses aboiements de souffrance furent perçus par les oreilles de la jeune femme comme une douce musique annonciatrice d’une vengeance trop longtemps ressassée.

    L’homme ne bougea plus, son esprit s’étant détaché de son corps souffrant le martyr, l’emmenant vers des rives plus calmes où il ne ressentirait plus la douleur l’espace de quelques instants. De violentes gifles lui furent à nouveau administrées, rageusement, et, pour son plus grand malheur, il revint à lui.
    Dans la pénombre de la pièce, Laëssya tourna son grimaçant et rouge sourire en direction de Juliette.

    «Devrais-je le laisser vivre dans cet état-là en espérant qu’il se repentisse de ses crimes, le laisser vivre en l’ayant privé à jamais de sa principale distinction, ou bien devrais-je l’égorger comme le vulgaire porc qu’il est, par mesure de sécurité ? »

    ***

    Et suite à ses derniers agissements, elle déverrouilla la porte, l’ouvrit, et tendit l’oreille. Ce qu’elle entendit sembla la satisfaire ; elle s’engagea à mi-chemin entre l’embrassure de la porte et le couloir avant de se retourner vers Juliette, encore dans la sanglante pièce, bloquant l’accès.
    Laëssya semblait s’être calmée, ayant canalisé toute sa rage et sa rancune sur le margrave. Un beau petit rayon de lune argenté par une nuit d’hiver, filtrant à travers les lourds et pommelés nuages gris, voilà ce qu’elle incarnait subitement dans une splendeur intransigeante. Un charmant sourire se dessina sur ses traits.

    « J’ai encore un dernier compte à rendre à Adélaïde, mais j’ai cru entendre, tout à l’heure, qu’elle s’absentait. N’était-ce pas à toi qu’elle l’avait dit, par ailleurs ? Qu’importe, j’imagine que tu ne sais pas où il serait possible de la trouver… ?
    Elle expira un petit soupir.
    Que vas-tu faire, maintenant ? Demeurer dans ce manoir en espérant que les tribunaux et la margrave te pardonne tes crimes ou t’enfuir comme une lâche vers des jours que tu espéreras meilleurs ? Je te conseille, mine de rien, la seconde solution. Je doute que tu aies encore un avenir céans-même. Je suis désolée d’avoir tout gâché, avoua-t-elle étrangement dans un petit sourire contrit. Ou bien tu peux toujours venir avec moi. »

    Et comme pour officialiser la chose, elle lui tendit, l’invitant à la saisir, sa main toute ensanglantée du sang de celui qui avait voulu abuser d’elle.

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Juliette Dickens
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Re: [Juliette Dickens] Fuite éperdue et inavouables habitude

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  • Lorsque Juliette détailla Laëssya, elle s’aperçue de son extraordinaire ambivalence, de ses angles doucereusement tranchants qui ne parvenaient pas à se départir d'une certaine juvénilité... Un peu comme si elle avait grandi de travers, sans tuteur, ou alors avec le mauvais. Sans pouvoir justifier son impression, Laëssya lui faisait penser à quelqu'un qu'on aurait brisé avant de le remodeler...
    Juliette battit des paupières. Décidément, l’ancienne servante l'intéressait fortement, trop sans doute pour son propre bien.

    L’ancienne mineuse avait réussi à affronter l'insidieuse faiblesse que l’ablation de Frédérick et la découverte de la trace de morsure sur son propre cou avaient soulevée en elle. A la vaincre, elle n'en était pas sûre. C'était un sentiment tel qu'on peut en connaître lorsqu'on fait face à un assassin ou à une poignée d'adversaires en armes : la sensation de n'être fait que de papier, d'avoir les nerfs à fleur de peau, de croire sentir le sang circuler dans un corps subitement si fragile, si facile à percer.

    En un éclair, Juliette Dickens étouffa impitoyablement la panique qui l'avait menacée, sans toutefois en éteindre tout à fait toute l'influence. Elle se força à garder la tête froide, pour réfléchir dans l'instant, dans le fragment de seconde. Se précipiter vers la porte pour prévenir la margrave était une option. Mais Adélaïde pourrait-elle la croire lorsque Laëssya aurait déguerpi laissant le corps du margrave au milieu de la pièce. De plus se diriger vers la porte revenait donc à présenter le dos à Laëssya. Désormais, cette étrange jeune femme était sa seule opportunité de sortir du manoir en vie…


    «Devrais-je le laisser vivre dans cet état-là en espérant qu’il se repentisse de ses crimes, le laisser vivre en l’ayant privé à jamais de sa principale distinction, ou bien devrais-je l’égorger comme le vulgaire porc qu’il est, par mesure de sécurité ? »

    Laëssya commença à lever sa dague tandis que Juliette tentait de se défendre face à toutes les questions qui l’assaillaient, en une meute désordonnée et jappante… Les yeux de Juliette s’égarèrent pour se river dans ceux du margrave qui l’imploraient du regard… La jeune servante avait les jambes faibles et les bras tremblants. La mort était-elle la seule rédemption possible pour le margrave ? Y avait-il un espoir pour cet homme élancé aux yeux malicieux ?

    « Il ne mérite plus de vivre… »

    Juliette se détourna de la scène. La lame de Laëssya mordit dans la chair du margrave dans un bruit insoutenable pour la jeune fille qui plaça aussitôt ses mains sur ses oreilles. Il faut faire du mal pour faire du bien… Les questions tourmentèrent Juliette qui savait qu’elle venait de condamner un homme.

    L’ancienne mineuse venait de faire un pari risqué. Car il arrive des fois où vous êtes à un carrefour de votre vie ou de vos relations, et où nul panneau n'indique la route à suivre. Nul horizon ne vous promet d'être plus dégagé qu'un autre. Alors, vous vous abandonnez à une feuille de passage, à un vent qui souffle dans un sens ou dans l'autre. Certains disent qu'il s'agit d'une forme particulière de foi ; dans le destin ou juste dans la chance. Mais s'abandonner ainsi au coup du sort n'est pas simplement croire en le destin : c'est croire en quelque chose de... meilleur.

    Après avoir tranché la gorge de Frédérick von Mach, Laëssya déverrouilla la porte et s’engagea dans le couloir avant de se retourner vers Juliette. L’ancienne paysanne se porta à sa hauteur.


    « J’ai encore un dernier compte à rendre à Adélaïde, mais j’ai cru entendre, tout à l’heure, qu’elle s’absentait […] Que vas-tu faire, maintenant ? […] Ou bien tu peux toujours venir avec moi. »

    Juliette hésita pendant quelques secondes. Il était temps pour elle de faire un nouveau pari. Finalement elle se saisit de la main que Laëssya venait de lui tendre…

    « La margrave est partie vérifier deux ou trois choses chez certains des commerçants de la ville… »

    Laëssya était comme une trombe en pleine mer. Un phénomène captivant et expansif, incontrôlable. Terriblement dangereux.
    Juliette s’en approchait comme un papillon vers une torche, au risque de s'y brûler les ailes. Mais également dans l'espoir de s'y réchauffer.
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Juliette Dickens, Voie de la Belle Mort (Beauté Mortelle)
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[MJ] Vivenef
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Message par [MJ] Vivenef »

  • Et les deux mains se rejoignirent, l’une totalement innocente mais ayant pourtant prononcé la sentence de mort, l’autre, simple exécutrice, mais sanglante d’un passé encore inconnu. Cette dernière était froide mais étrangement douce, bien que sa peau eût été incinérée par un feu invisible. Et quand elle avait tendu le bras en sa direction, la manche de sa robe s’était légèrement retroussée, dénudant un poignet marqué, mordu lui aussi par un tison ardent là où les chaines avaient été enroulées sur le tissu de sa robe.
    A présent, celle de Juliette se retrouvait à son tour couverte du même sang, poisseux entre les doigts, et, voyant ce spectacle, un petit sourire ourla les lèvres de Laëssya. Elles sortirent de la pièce, refermant derrières elles la porte à clef.

    « Tu es tout de même bien pâlotte, remarqua-t-elle en dévisageant sa consœur d’un œil que l’on pourrait qualifier d’inquiet. Ca va aller ? Ne tombe pas dans les pommes, je te prie. Je ne voudrais pas te gifler, toi aussi.
    Bon… Adélaïde est en ville et n’est toujours pas rentrée ? C’est trop risqué, alors.
    Laëssya grimaça. Il est trop dangereux que de l’attendre ici également. Quelle tristesse. Mais elle ne perd rien pour attendre… » Tenant Juliette par la main, elle remonta le couloir à pas de loup jusqu’en direction de la chambre de la margrave, avant d’y pénétrer.

    « Sais-tu ce que je lui aurais fait si seulement je l’avais eu sous la main ? J’aurais promené cette lame effilée tout le long de son visage, à intervalles réguliers. Frédérick ne vivait que pour sa queue, elle, que pour son apparence physique et sa soi-disant beauté qu’elle voulait absolument conserver. Je te la défigurerais à l’aide de cette dague qu’elle a utilisée contre moi pendant des mois, usant de cette même méthode… Lui déchiqueter la peau et la porter devant ce miroir, l’obligeant à contempler le massacre, ce qu’elle serait devenue, sa propre personne. Une abomination, une épave de chair et de sang…
    Ah, ce miroir !
    »

    Elle ne se départait pas de son sourire, mais celui-ci était devenu sans joie alors qu’elle exprimait toute sa rancune ; une vengeance qu’elle avait dû ressasser quelques centaines de fois, seule et enfermée dans le noir. La tenant toujours par la main Laëssya emmena Juliette devant ce beau et grand miroir qu’elle avait plus d’un fois eu l’occasion de contempler.
    L’ancienne mineuse se vit à nouveau. Elle avait bien changé depuis la dernière fois qu’elle s’était contemplée dans l’onde dormante de la rivière qui coulait près de son village. Elle avait quelque peu grandi, son visage s’était légèrement émacié, son corps développé. Le bleu de ses yeux n’avait guère changé, en revanche, toujours aussi pur et profond, mais il semblait d’autant plus étincelant que la jeune femme se trouvait, en cet instant, blafarde, tremblante, à bout de force.
    Mais ce n’était rien à côté de ce qui l’attendait en regardant Laëssya.

    Si cette dernière avait beau être présente en chair et en os à ses côtés, le miroir, quant à lui, assurait qu’elle ne s’y trouvait pas. A l’intérieur, son reflet se trouvait esseulé, avec pour seul compagnon la grande tapisserie qui ornait l’arrière-fond, dût-elle regarder dans tous les sens, changeant même de perspective. La main ensanglantée de Juliette était refermée sur le vide.

    La jeune femme, invisible d’image, consentit enfin à la lâcher. Une expression emplie de tristesse et d’un brin de rancœur contre le monde ornait à présent ses traits.
    « Je ne sais pas, en revanche, pourquoi j’ai dû me soumettre à… ça. Mais je n’ai pas le choix, je dois faire avec, même s’il m’est possible de contrecarrer cette malédiction en monopolisant ma volonté… »

    Juliette tiqua alors qu’elle sentit quelque chose se matérialiser quelque part, et que sa consœur bandait brutalement sa concentration envers le miroir. Son reflet apparut alors, assez rapidement, jusqu’à être aussi convainquant que s’il avait été réel. Ou était-ce simplement Laëssya elle-même qui ne l’était pas ?

    «La première fois que je suis entrée dans la chambre en tant que servante, pour habiller la margrave, j’ai eu un mouvement de recul, horrifiée par la taille du miroir que je savais ne pouvoir esquiver. Alors, ce jour-là, le premier, j’ai feint de chuter, emportant avec moi l’objet qui se brisa sur le sol. Imagine sa réaction. J’ai cru que j’aillais être virée sur le champ mais non, il semblait qu’elle avait cruellement besoin d’une camérière pour sa petite personne. J’ai hérité de trente coups de fouet, et continué mon office à ses côtés, malgré tout. Je pensais être tranquille, alors, sans cette grande menace au traître reflet… Et pourtant, elle en commanda un autre immédiatement qui lui fut livré la semaine suivante. Pas question de le briser à nouveau… Alors je fus contrainte de monopoliser à chaque fois ma concentration afin de me créer une image persistance, vois-tu, ce qui me rendait très distraite. Et un jour ou un autre, j’ai dû commettre une erreur et me trahir… »

    Et fur et à mesure qu’elle parlait, la jeune femme se plongeait dans ses souvenirs et se dissipait, le temps passant. Emmenée par ses remembrances, son regard devint aussi flou et voilé que l’image qu’elle avait affichée sur le miroir, jusqu’à ce que celle-ci disparût totalement. Elle poussa un petit soupir, sourcils froncés.

    «Je n’ai pas compris immédiatement ce qui m’arrivait lorsqu’une chaîne tenue par Adélaïde et Frédérick me prit à la gorge, me brûlant jusqu’à l’âme. Je n’ai pas non plus compris pourquoi, si je m’étais trahie, Adélaïde n’avait rien laissé transparaître ; j’ai même admiré son sang-froid, n’ayant moi-même rien remarqué. Et puis j’ai compris. Régulièrement, elle venait me saigner à blanc, armée de cette même dague que j’ai actuellement dans la main. Prendre des bains de mon sang lui permettrait de rester jeune et belle, me disait-elle. Et elle m’apportait en retour un sang autre que le mien pour que je continue à lui donner ce qu’elle voulait, pour que je continue à vivre jusqu’au moment crucial… Le moment où je la tuerai pour la faire renaître. » Elle arrêta son histoire dans un petit ricanement d’amertume. Sa colère s’était écoulée de ses lèvres en même temps que les mots, et l’ancienne prisonnière d’Adélaïde demeurait figée dans un stoïcisme complet après que les dernières gouttes de rancœur se fussent échappées de son corps.
    «Enfin bon. Je suis sûre qu’elle se rappellera de cela. » Et dans un geste mou et las, elle poussa le grand miroir qui chut une fois de plus. Il se brisa en mille morceaux dans une foultitude de petits éclats cristallins qui inondèrent le sol dans un petit roulement de tonnerre. S’engageant alors dans la salle de bain, elle pilla le coffret de bijoux, en remplissant ses poches de la totalité de son contenu.
    «Je ne compte pas partir d’ici les mains vides telle une sans-le-sou. Son regard erra alors dans la pièce, s’attardant sur la commode et l’armoire qui recelaient de riches vêtures. Nous ferions mieux, également, de prendre ses vêtements… Va dans ta chambre et rassemble aussi les tiens si tu le peux ; prend ce que tu souhaites emporter. »

    Laëssya ouvrait déjà tous les tiroirs, tous les meubles qui passaient à sa portée, telle une violente petite tornade ambulante, et les robes, tuniques, écharpes, gants et brocards ; tout cela vola sur le lit, en attente d’être ramassé et enfourné dans un sac.

    Dans la chambre de Juliette se trouvait toujours son bagage du tout début, si ce n’était qu’elle ne disposait plus à présent de son arc et de son épée que la margrave avait confiés à un garde afin de les ranger dans l’armurerie. Voudrait-elle aller les rechercher par la suite ?
    Alors même qu’elle venait de pénétrer dans sa chambre afin d’y faire son paquetage, elle sentit une présence se glisser à l’intérieur, par la porte qu’elle avait laissée ouverte.

    «Juliette ? Que se passe-t-il, que fais-tu ? Licinia venait d’entrer dans la chambre et fronçait les sourcils d’un air interrogateur en voyant que sa semblable rassemblait ses affaires. Elle semblait d'une faiblesse extrême et luttait pour garder les yeux ouverts. De ce que Juliette avait vu par la fenêtre de la chambre d'Adélaïde, si aujourd'hui avait été une journée normale, alors elles auraient dû toutes les deux se lever pour de bon dans un peu moins d'une heure. J’arrête pas d’entendre des allers-et-venues dans le couloir qui m'ont réveillée… La margrave est-elle rentrée… ? En colère ? J’ai entendu comme un gros bruit tout d’un coup...»

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Juliette Dickens
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Re: [Juliette Dickens] Fuite éperdue et inavouables habitude

Message par Juliette Dickens »

  • Comme par hasard c’est mon amie Licinia qui vient me voir, hein ? :P
    «Je ne compte pas partir d’ici les mains vides telle une sans-le-sou. Nous ferions mieux, également, de prendre ses vêtements… Va dans ta chambre et rassemble aussi les tiens si tu le peux ; prend ce que tu souhaites emporter. »

    Juliette Dickens ne se fit pas prier bien longtemps pour quitter la pièce car l’ambiance y était devenue oppressante depuis le récit de Laëssya. De plus, le manque total de reflet dans le miroir de la part de l’ancienne servante avait quelque peu troublée Juliette. C’est pour cela que la jeune fille quitta rapidement la pièce et rejoignit sa chambre... ou plutôt sa désormais ancienne chambre.

    Juliette Dickens ne savait rien des vampires, strictement rien. Elle avait pensé que ces histoires étaient propres à la Sylvanie et qu'une région aussi lugubre devait bien abriter un folklore singulier. De loin, elle préférait la mort à une servitude au service des ténèbres. Elle n'en savait guère plus sur le phénomène de vampirisation que sur les monstres eux-mêmes, mais être réduite à une marionnette d'instincts destructeurs, une semi-âme aveuglée de noirceur... C'était une fin spirituelle, une fin morale. La perte de la conscience du point de vue éthique, la soumission aux instincts sanguinaires, et cette terrible cécité, cette spirale sans fin qui vous faisait sombrer chaque... chaque jour, chaque nuit, un peu plus bas... Une déchéance bien au-delà de la finitude humaine. Mais après tout, les histoires de vampires n’étaient que des histoires… un mythe… Et peut-être que Laëssya était tout simplement une magicienne.

    A pas mesurés, Juliette alla examiner le contenu de sa chambre pour emporter tous ce qui lui serait utiles. L’instinct de survie grondait en elle comme un animal acculé au fur et à mesure qu’elle remplissait son petit sac de voyage.


    «Juliette ? Que se passe-t-il, que fais-tu ? J’arrête pas d’entendre des allers-et-venues dans le couloir qui m'ont réveillée… La margrave est-elle rentrée… ? En colère ? J’ai entendu comme un gros bruit tout d’un coup...»

    En entendant la voix de son amie, Licinia, l’ancienne paysanne tapa dans l’un des pieds de son lit et s’affala à même le sol. Juliette avait l'impression que son crâne fourmillait d'informations qu’elle n'arrivait pas à saisir et mettre en lumière ; encore une source de vague frustration. Licinia la regardait, aussi désemparée qu'à l'accoutumée. Juliette avait désespérément besoin que quelqu'un prenne les rênes en main à sa place, et elle en avait un désir extrême ; mais, par le miracle d'un recul qu’elle parvenait encore à ménager, elle savait que c'était une attitude éphémère, née de son état à la limite de la défaillance de sa conscience spontanée, et se doutait qu’elle allait se reprendre en main bientôt.
    Mais ce bientôt, qu'il était lent !


    « Je crois que je vais devenir folle » grommela-t-elle en portant une main à sa tempe.

    Juliette prit le risque de fermer les yeux, se massant doucement le front du bout des doigts. Décidément, ça n'allait pas fort aujourd'hui. Inspirant profondément, elle prit le temps de se rechercher un peu de sérénité dans l'immobilité.


    « Licinia… » Mais elle fondit finalement en larmes…

    « Je ne sais plus où j’en suis… Je ne sais plus ce que je dois faire… Je suis perdue. Je viens de trahir la margrave ! Alors qu’elle était si gentille avec moi… »

    Juliette marqua une courte pause.

    « Je me suis rendue dans la salle fermée à clef et j’y ai découvert Laëssya. Je l’ai libéré. Elle a poignardé Frédérick. Maintenant elle veut que je l’aide à se venger de la margrave. Elle se trouve en ce moment même dans la chambre d’Adélaïde… »
    Quelle chialeuse cette Juliette Dickens !
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[MJ] Vivenef
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Re: [Juliette Dickens] Fuite éperdue et inavouables habitude

Message par [MJ] Vivenef »

  • Tu te demandais ce qui allait leur arriver. n_n
    «Oh, est-ce que ça va ? »

    Licinia s’était précipitée dans la chambre de Juliette lorsque cette dernière s’était effondrée au sol après avoir buté contre l’un des pieds de son lit. Elle se sentait si faible qu’elle n’avait pas même cherché à se rattraper, semblait-il, et si dépassée par les évènements qu’elle ne se relevait plus, abêtie par ce qu’elle venait de vivre. Licinia l’aida à se redresser avec douceur, plongeant son regard fatigué dans celui de sa consœur ; un regard qui se révéla inquiet alors que la fatigue commençait à disparaître doucement, alarmée par un pressentiment inconnu.

    «Chuuutt….. Allons allons, lui souffla-t-elle en lui caressant tendrement les cheveux après que l’ancienne mineuse lui eût avoué être sur le point de perdre la tête. Tu n’arrives pas à dormir ; tu as fait un cauchemar ? » Et lorsque Juliette éclata en larme, la brune, troublée par les yeux désespérés de la première, la serra fort dans ses bras.

    «Mais tu ne risques rien, voyons. Dis-moi ce que tu… Mais, Juliette, tu es couverte de sang ?! » La voix douce et emplie de délicatesse de la jeune femme venait de soudainement muer, adoptant un effarement qui approchait la peur. Licinia avait cessé de tenir la camérière dans ses bras aussitôt qu’elle avait senti aussi bien l’odeur que la désagréable sensation, et s’attelait à présent à décoller le col de la robe qui recouvrait la plaie. Elle devint plus pâle lorsqu’elle s’aperçut enfin que la main de Juliette était elle aussi couverte de sang. Sans doute croyait-elle qu’il s’agissait du sien et que la jeune femme en avait perdu une grande quantité.

    «Mais… Mais qu’est-ce que tu t’es fait ? Viens avec moi, on va nettoyer tout cela. »
    Pourtant, elles n’en firent rien, Juliette annonçant qu’elle avait trahi Adélaïde.
    «Juliette, tu me fais très peur, là… » Licinia s’était prudemment relevée, observant d’un air sceptique et inquiet une Juliette qu’elle ne connaissait plus. Air qui s’aggrava davantage alors que tout lui fut conté.

    «Quoi ?! Attends attends… Que… Que me dis-tu là ? » Elle avait reculé de plusieurs pas en arrière, mains tendues devant elle en direction de la jeune femme qui demeurait encore à genoux au sol, comme si elle en avait soudainement peur. La brune ferma les yeux un instant, une petite grimace s’inscrivant sur son joli minois. Elle ne comprenait plus, n’arrivait pas à assimiler ces informations qui venaient de lui tomber lourdement sur les épaules, sans aucune prévention.

    «Laëssya s’est enfuie voilà des mois, et on ne l’a plus jamais revue… Tu as poignardé le margrave ? s’écria-t-elle horrifiée en faisant l’impasse sur les propres paroles de Juliette, comme si elles n’avaient été qu’une excuse pour faire passer un fait inavouable qu’elle avait elle-même commis. Mais mince, Juliette, que… Qu’est-ce qui te prend ?! Où il est, où est Frédérick ? Il faut à tout prix que l’on…
    - J’ai tout entendu…
    »

    La voix de Laëssya n’avait été un murmure rauque mais pourtant parfaitement audible alors qu’elle provenait du bout du couloir, dans la chambre de la margrave. Une menace qui planait, invisible, capable de vous frapper où que vous vous cachiez. Licinia poussa un petit cri d’effroi, regardant tout autour d’elle, paniquée. Elle sortit alors de la chambre, jetant un coup d’œil dans le couloir.

    Laëssya avançait doucement dans sa direction sur le long tapis rouge qui couvrait le milieu du couloir. Elle provenait de cette pièce plongée dans l’obscurité qui s’y situait au bout et dont la porte ouverte ne permettait pas, étrangement, que l’on y vît la moindre chose. Et dans cette fin de nuit, les ténèbres accompagnaient l’étrange apparition, la collant comme son ombre qui n’existait pas. Dans l’obscurité ambiante qui les oppressait, le visage de la jeune femme apparaissait tel celui d’un fantôme, aussi pâle que la mort et le regard mauvais, sombre, de temps à autre recouvert par des filets de cheveux bruns qui lui tombaient devant le visage. Et cette bouche barbouillée de sang…

    En voyant cette vision cauchemardesque qui allait bientôt la rencontrer, s’emparer d’elle, Licinia fut tétanisée de peur, yeux exorbités, alors qu’elle poussait un long cri muet qui sembla pourtant déchirer le silence. Elle eut la présence d’esprit de faire un pas en arrière, puis un second, de reculer, lentement mais sûrement, jusqu’à ce qu’elle ne fût plus dans l’embrasure de la porte, dans le champ de vision de Juliette. Celle-ci vit Laëssya passer dans le couloir l’espace d’une demi-seconde, aussi terrifiante que ne l’avait vue Licinia, et la créature, sans un regard, referma violemment la porte. Juliette, alors enfermée dans la chambre, toujours à genoux, ne put assister à la scène, mais juste entendre ce qu’il se déroulait. Un petit cri, un gargouillement, puis le bruit lourd d’un corps tombant au sol.

    Si elle se remit de ses émotions et courut ouvrir la porte afin de contempler le spectacle, elle constata que le couloir était désert. Un instant plus tard, la porte de la chambre de Licinia s’ouvrit, et Laëssya en ressortit, plus belle que jamais, comme si la silhouette que Juliette avait entr’aperçue n’était qu’une folie de son imagination. Avant que Juliette n’eût le temps de prendre la parole, la jeune femme la rassura immédiatement.

    «Elle va bien, ne t’en fais pas. Elle est juste un peu… Ivre, et ne va pas tarder à tomber dans un profond sommeil. C’est plus sage ainsi ; devenue ainsi victime, Licinia ne risquera rien lorsqu’Adélaïde rentrera. Après tout, ce n’est pas elle qui m’aura délivrée… » Elle sourit gentiment. C’est une chouette fille, adorable ; elle l’a toujours été avec moi. Je ne voudrais pas que la margrave s’en prenne à elle alors qu’elle est innocente. » Elle changea alors de sujet, découvrant par-dessus l’épaule de Juliette sa gibecière.

    « Oh, voilà qui est parfait ! Viens, tu vas m’aider à y mettre les affaires d’Adélaïde. »

    Et dans un petit cliquètement provoqué par les bijoux qu’elle avait en poche, Laëssya marcha d’un pas léger jusqu’à la chambre.

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Juliette Dickens
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Re: [Juliette Dickens] Fuite éperdue et inavouables habitude

Message par Juliette Dickens »

  • Juliette Dickens se passa une main sur le front, gagnée par une nausée vertigineuse. Elle pouvait deviner la lividité de sa peau, sentir la transpiration presque maladive qui ruisselait sur son corps, creusant un sillon désagréable sur sa colonne vertébrale. Elle se contenta de récupérer très lentement un peu plus d'aplomb. Mais quelle mouche pouvait bien avoir piquée Laëssya ? Cette femme venait d’enfermer Licinia dans sa chambre. Juliette jeta un regard désabusé sur ladite porte...

    «Elle va bien, ne t’en fais pas […] C’est plus sage ainsi ; devenue ainsi victime, Licinia ne risquera rien lorsqu’Adélaïde rentrera […] C’est une chouette fille, adorable ; elle l’a toujours été avec moi. Je ne voudrais pas que la margrave s’en prenne à elle alors qu’elle est innocente. »

    Ces quelques mots suffirent à convaincre Juliette. Elle avait toujours apprécié Licinia et cela lui aurait fait énormément mal que Laëssya s’en prenne à elle. Même si elle aurait bien aimé lui dire adieu, ou même partir avec elle, l’ancienne mineuse se dit que c’était mieux ainsi et elle détourna le regard. Elle ne reverrait plus jamais son amie...

    « Oh, voilà qui est parfait ! Viens, tu vas m’aider à y mettre les affaires d’Adélaïde. »

    Juliette Dickens eut un petit pincement au cœur alors que ses pas l’éloignaient de la chambre de Licinia. Qu’allait-elle devenir maintenant ? Que comptait faire Laëssya ? Les interrogations venaient, mais pas sans leur lot de réponses. Toutefois, elles n'en étaient pas pour autant des solutions. Deviner des conséquences, anticiper des effets et discerner les marches à suivre ne veut pas dire qu'on est capable de résoudre un problème. Il y a un gouffre du calcul à la réussite, un gouffre qui s'appelle bien souvent moyens. C'est ce qui fait la césure de la théorie et de la pratique, bien souvent. Pourtant, pour l'esprit vif et lucide, la théorie ne saurait être contredite par la pratique, n'est-ce pas ?
    Juliette craignait seulement qu'un tel esprit ne soit que celui d'un sage, touchant au firmament de la clairvoyance. Une voûte spirituellement céleste qu’elle était bien en peine d'atteindre, mais dont elle avait promis d'être proche lorsque sa vie arriverait à son terme.

    L’ancienne mineuse jeta un coup d’œil devant elle, observant sa nouvelle compagne qui se dirigeait vers la chambre de la margrave. Au regard de Juliette, elle était magnifique. Magnifique d'une promesse de lutte, d'une obstination qui n'était pas visible sur son visage, mais qui se devinait dans le geste de ce pas succédant à un autre.
    Oui, elle était superbe dans sa résistance face à l'accablement et à la faiblesse. Au cœur des ténèbres, il n'y a rien de plus lumineux que l'intérieure clarté de qui vous accompagne. Et tout ce qui est lumière et éclat dans la nuit est comme le pain et la viande pour l'affamé, comme la source cristalline pour l'assoiffé : un remède à tous vos maux.

    Une fois dans la chambre d’Adélaïde von Mach, Juliette jeta sa gibecière sur le grand lit à baldaquin. D’une main leste, elle attrapait les bijoux que lui tendaient Laëssya. Et alors que les deux jeunes femmes rassemblaient leurs nouvelles possessions, l’ancienne paysanne se souvint du petit pendentif sur lequel était inscrit le nom de Laëssya.


    « Je ne sais pas si tu l’as pris, mais la margrave garde un pendentif avec ton nom dans un des coffrets de sa salle de bain. Si tu ne l’as pas trouvé, je peux aller te le retrouver en quelques secondes… »
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Juliette Dickens, Voie de la Belle Mort (Beauté Mortelle)
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[MJ] Vivenef
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Re: [Juliette Dickens] Fuite éperdue et inavouables habitude

Message par [MJ] Vivenef »

  • Juliette le savait bien, la margrave possédait une foultitude de robes, de jupons, de corsets, de tuniques, de foulards et autres échappes et gants et brocards tissés d’or qui définissaient bien la fonction qu’elle occupait dans la ville et dans les environs. Lorsque les armoires et tiroirs et commodes furent dévalisés et que leur contenu fut versé sur le lit, une petite montagne de tissu se forma. Bien plus que ce qu’était capable de transporter la gibecière de la jeune femme. Toutes les deux, elles rembourrèrent autant qu’elles le purent le sac dont les coutures se gonflèrent.
    Vint le moment où Juliette posa la question à Laëssya, et les gestes si frénétiques et rapides de cette dernière se ralentirent progressivement. Lorsqu’elle s’immobilisa et releva la tête, l’aînée des servantes parut quelque peu troublée.

    «Oh… Oui, tu me l’avais déjà dit, me semble-t-il, mais avec tout ce qui s’est passé… Oui, cela me ferait très plaisir… » Et alors que Juliette s’échappait dans la salle de bain pour aller retrouver le pendentif, elle sentit de regard de sa consœur la suivre jusqu’à ce qu’elle disparût de sa vision.
    Effectivement, il ne fut pas difficile à la jeune femme de retrouver le bijou qui l’avait marquée en fouillant dans lesdits coffrets.
    Laëssya le prit sans un mot lorsque Juliette le lui tendit. Songeuse, elle le tint dans la paume de sa main.
    «Un cadeau d’un vieil ami… Il y a fort longtemps. » Elle s’accrocha le collier au cou avec toute la déférence dont elle était capable avant de le dissimuler sous sa robe. Ce petit épisode sembla l’avoir perturbée, car elle mit un certain temps avant de se remettre à travailler. Et bientôt, le sac fut empli de richesse.
    «Bon, si jamais tu n’as rien oublié, il est temps d’y aller, » lança-t-elle après avoir jeté un coup d’œil en direction de la fenêtre.

    Elles passèrent toutes les deux dans l’arrière-cour où Estelle avait coutume de brûler les serviettes, afin d’éviter quelques gardes qui pourraient éventuellement traîner. En ce début de matinée, l’air embaumait la liberté et la fraîcheur, rosissant les joues de Juliette. Légèrement surélevé par rapport au reste du village, le terrain où avait été bâti le manoir permettait de distinguer l’horizon que délimitaient bien souvent le faîte des arbres aux alentours. Et si le ciel était encore noir, à l’Est toutefois pouvait se deviner les prémices d’un bleu très sombre annonçant le lever du soleil. Si cette vision put sembler des plus belles à Juliette, qui se sentit, soudainement, très fatiguée, elle fit grimacer sa compagne.

    «Il faut que l’on quitte la ville au plus tôt, et avant le lever du soleil. Sans quoi… Elle ne termina pas sa phrase. Adélaïde rentrera tôt ou tard, et, lorsqu’elle aura découvert que l’on s’est enfuie après avoir tué son mari, elle nous pourchassera, tu peux en être certaine. Le plus sage serait que l’on traverse la ville le plus rapidement possible, sans nous arrêter. Mais l’on risque de tomber sur des gardes ; il peut y en avoir dans les rues, et assurément au corps-de-garde. Je vais partir en éclaireuse. Trouve un moyen de nous procurer deux chevaux. »

    Elle laissa la gibecière à Juliette et le trousseau de clef si elle ne l’avait pas déjà fait auparavant, disparaissant dans les ombres.
    Il y avait des écuries sur le terrain sur lequel était construit le manoir. Adélaïde ne montait pas souvent, et il en allait de même pour Frédérick, mais lorsque la nécessité d’envoyer un long courrier se faisait ressentir, avoir un rapide coursier sous la main était toujours agréable. Le bâtiment était composé de quatre stalles recouvertes d’un toit. Deux stalles de chaque côté avec, au milieu, une grande allée que clôturait un portail fermé à clef. Tout le matériel nécessaire à monter les destriers pouvait être trouvé à l’intérieur.
    L’endroit était calme, les bêtes étaient probablement en train de sommeiller et, dans la mesure où les portes étaient verrouillées, personne n’était là pour les surveiller. Quoique. Alors que Juliette s’approchait doucement à l’ombre d’un mur, elle aperçut la silhouette d’un garde effectuant ce qui devait être une ronde, et il y avait des fois où il disparaissait complètement du champ de vision que pour réapparaitre plus tard. L’homme ne pouvait pas la voir actuellement, toute dans l’ombre qu’elle était, mais il était tout à fait susceptible de constater que le portail se trouvait grand ouvert ou de voir des chevaux circulant en liberté. Ou même d’entendre ces derniers s’ils se montraient trop bruyants.

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Juliette Dickens
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Re: [Juliette Dickens] Fuite éperdue et inavouables habitude

Message par Juliette Dickens »

  • « Je vais partir en éclaireuse. Trouve un moyen de nous procurer deux chevaux. »

    Juliette Dickens longea le mur du manoir de la margrave alors qu’elle se dirigeait vers les écuries du domaine. Les deux anciennes servantes s’étaient séparées il y a quelques secondes seulement ; Laëssya était partie dans la ville pour connaître la position des gardes ; Juliette, elle, devait trouver deux chevaux pour quitter cet endroit le plus rapidement… avant le lever du soleil d’après Laëssya…

    La jeune fille bifurqua sur la droite et se retrouva dans une arrière cour qui donnait sur une série de box en pierre. Il y avait quatre stalles à deux battants en bois. L’odeur de la paille, du crottin frais et des chevaux emplissaient l’air. L’endroit était calme et Juliette remarqua que les portes des stalles étaient fermées, les chevaux devaient donc somnoler.

    Juliette poussa un soupir en apercevant la silhouette d’un garde effectuant des rondes autour des écuries. Le soldat présentait une mine stoïque et imperturbable. Elle battit des paupières et jeta un coup d’œil par-dessus son épaule afin de voir si Laëssya était revenue ; personne.

    Mais Juliette devait se concentrer sur quelque chose d'autre : quel était le meilleur moyen d'atteindre les chevaux ? Comment écarter le soldat ? Dans ce genre de cas, plusieurs cartes pouvaient être jouées mais au bout d'un moment, il faudrait bien décider d'en utiliser une en particulier. L'atout de la séduction ? Celui de l’intimidation ? De la corruption ? Celle de la servitude ?
    Une voie pour l'approcher. Une voie pour atteindre les stalles où dormaient les chevaux.

    Juliette opta pour la carte de la servitude, évidemment. C'était celle qu’elle jouait depuis qu’elle était gamine. Celle qu'on avait enfoncé dans sa chair et dans son sang, à grands coups de discipline autant que d'abnégation à peine commençait-elle à rêver. Elle se rappela fugacement les journées passées à la mine dans le froid meurtrier, priant pour être à bout de ses forces au plus vite et s'effondrer dans la neige pour qu'on vienne la chercher, plutôt que de braver les éléments chaque fois plus longtemps - prolongeant d'autant son calvaire.

    Malgré ses dix-huit printemps, Juliette savait que peu d’hommes pouvaient refuser de porter secours à jeune et jolie fille. C’est pour cela qu’elle opta aussi pour l’atout de la séduction. Sans réfléchir bien plus longtemps, Juliette déchira le col de sa robe, laissant entrevoir le haut de sa poitrine… L’ancienne paysanne avala laborieusement une grande bouffée de l’air froid du soir et se mit à courir en direction du soldat.


    « Garde ! Garde ! »

    Une fois à sa hauteur, Juliette se mit à respirer bruyamment comme si elle était paniquée. Désemparée, elle plongea son regard dans celui du soldat.

    « Adélaïde von Mach est en danger ! La Margrave est en danger ! Elle était en train d’inspecter la prison lorsque les détenus ont réussi à se libérer ! J’ai accouru jusqu’ici pour y trouver des soldats… Mais vous êtes le seul que j’ai trouvé ! Il faut faire vite, les geôliers de la prison sont débordés… Vite ! »
    Juliette commence à mentir comme une lahmiane :P J’utilise baratin et séduction.
Modifié en dernier par Juliette Dickens le 20 janv. 2013, 18:05, modifié 1 fois.
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[MJ] Vivenef
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Re: [Juliette Dickens] Fuite éperdue et inavouables habitude

Message par [MJ] Vivenef »

  • Plus que de la surprise ou de la peur, le garde afficha une expression dérangée et peu engageant alors que Juliette courait vers lui en l’appelant. Il esquissa simplement un petit pas vers l’arrière en se retournant dans la direction où provenait l’altercation, et ne fit pas même signe de dégainer son arme. Peut-être était-il courant qu’il se fît héler en pleine nuit par quelque villageois que ce fût, ou que, suite à une longue nuit passée à veiller et à marcher quelques centaines de fois au même endroit, ses sens en étaient devenus fortement émoussés. Quoique les longs cheveux de Juliette volant dans le vent alors qu’elle courait vers lui annonçait presque indubitablement qu’il s’agissait d’une femme et non pas d’une dangereuse menace.

    En revanche, lorsque Juliette lui tint ses propos, son attitude changea du tout au tout. Bien plus que par la naissance de la poitrine de l’ancienne servante, le garde fut interpelé par le sang séché qui maculait sa peau à l’endroit où le col était déchiré, tachant d’un rouge sombre le tissu à la base de son cou. Et la main de la jeune femme n’en était pas moins recouverte de sang, achevant de l’alarmer.

    « Quoi ? A la prison, dis-tu ? Il jeta un coup d’œil aux alentours, comme pour s’assurer que certains des malfrats ne s’étaient pas déjà échappés. D’accord, j’y vais tout de suite ! Va en ville et si tu rencontres d’autres gardes, précise-leur bien ! »
    Ce ne fut qu’à ce moment-là qu’il se décida enfin à sortir son arme, et, d’une course qui annonçait que cela faisait un bout de temps, probablement, qu’il n’avait pas connu d’action, courut maladroitement jusqu’à la prison, prison qui n’était pas si loin que cela. Il valait mieux pour Juliette qu’elle se dépêche.

    Usant de son trousseau de clefs, elle parvint à trouver la bonne qui ouvrit la porte du bâtiment. Les stalles n’étaient fermées que par un loquet qui s’ouvrait de l’extérieur, n’annonçant pas de difficulté supplémentaire. Les selles de cuirs, les brides et les mors reposaient sur différentes étagères situées dans l’allée centrale de l’édifice. Juliette n’avait jamais sellé de chevaux de sa vie, et ne leur avait jamais passé de mors non plus ; s’il y avait possiblement eu quelques montures de traits afin d’extraire le minerait dans son village natal, jamais cette charge-là lui avait été incombée. Et monter à cru n’était peut-être pas une bonne idée lorsque l’on n’avait jamais chevauché, pas plus qu’il était facile de diriger et de contrôler les créatures sans qu’elles fussent harnachées, même en étant à pied.
    Les chevaux sont assez dociles, mais, dans la mesure ils sont dans leur stalle pour la nuit, ils ne sont bien entendu pas harnachés. Tu peux tenter de les seller, leur passer la bride et compagnie, de les faire sortir sans rien, ou autre chose qui te passerait par l'esprit. Ou même ne pas les prendre. Enfin, fais ce que bon te semble. n_n
    EDIT : 260 xp (tant que je suis sur le bon écran, j'en profite).

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Juliette Dickens
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Re: [Juliette Dickens] Fuite éperdue et inavouables habitude

Message par Juliette Dickens »

  • « Quoi ? A la prison, dis-tu ? D’accord, j’y vais tout de suite ! Va en ville et si tu rencontres d’autres gardes, précise-leur bien ! »

    Le soldat dégaina son épée et partit en direction de la prison ne prenant même pas le temps de voir si Juliette obéissait à ses ordres. Et lorsque le soldat sortit de son champ de vision, la jeune fille utilisa son trousseau de clefs pour ouvrir la porte du bâtiment. Puis, elle ouvrit un premier loquet qui empêchait le battant supérieur de la première stalle de s’ouvrir. Aussitôt, la tête finement ciselée d’une jument grise fit son apparition et celle-ci hennit bruyamment en voyant l’ancienne servante.

    « Doucement, ma belle… »

    Le bâtiment contenait plusieurs étagères où reposaient de nombreuses selles, brides, mors et instruments permettant de nettoyer les sabots des chevaux. Juliette ne connaissait pas grand-chose sur les chevaux. Et elle ne savait encore moins comment les harnacher. La jument qui était désormais éveillée était une belle monture aux flancs tachetés, dont les yeux vert pâle brillaient d’une certaine intelligence. Equiper un cheval ne devait pas être tellement compliqué… Juliette ouvrit intégralement la stalle de la jument et commença à lui gratter gentiment la tête pour que l’animal se familiarise avec son odeur.

    Juliette recouvrit la jument d’une couverture, avant de hisser difficilement une selle en cuir sur le dos de sa nouvelle monture. C’était la première fois que la jeune fille attelait un cheval et l’opération lui parut assez longue. Mais c’était une tâche plutôt aisée et la jument ne tarda pas à être prête pour le voyage.

    Sans perdre plus de temps, Juliette ouvrit une deuxième stalle et découvrit une monture à la crinière safran. Décidée à quitter cet endroit le plus rapidement, la jeune fille décida de ne pas seller cette monture. Elle l’équipa seulement avec une bride et un mors. Laëssya se débrouillerait comme ça ou au pire, les deux anciennes servantes pourraient alterner leurs montures.

    Juliette Dickens grimpa sur les étriers, ajusta sa position, puis attrapa les rênes de la monture non montée dans sa main gauche et éperonna sa jument vers Eisental. Sous le voile de la nuit, le manoir était peut-être encore plus impressionnant, même si la fraicheur de l’air évoquait davantage le cœur de l’hiver que son approche.

    L’ancienne paysanne bifurqua pour longer le manoir. Aussi magnifique était-il, cet endroit exprimait une certaine tristesse et une crainte indéfinissable pour Juliette. La jeune fille éprouva une mélancolie profonde en passant devant la fenêtre de la chambre de Licinia.


    « Ce manoir restera en moi » , murmura-t-elle, « pour le meilleur et pour le pire, il restera en moi. »

    Mais malgré la beauté de l’endroit, les ombres et la peur marquaient les lieux. Le manoir restait l’emplacement où elle avait failli se faire violer. La détresse se faisait tout de même moins accablante depuis la mort de Frédérick et elle savait qu’il fallait quitter les lieux pour oublier complètement cet épisode.
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