Le Charnier

La population rurale de l'Ostermark est composée de gens capables et autonomes qui se battent souvent aux côtés des Kislévites contre les pillards Nordiques. Wolfram Hertwig dirige sa province depuis Bechafen, situé dans le Nord.

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Le Voyageur
Warfo Award 2018 du plus beau Voyage
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Le Charnier

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J’allais mourir. Accroché au poteau de bois, les pieds sur les ballots de paille empilés sous moi, encerclé par la foule qui vociférait pendant qu’un inquisiteur de la Confrérie du Suaire égrenait la longue liste de mes méfaits et me condamnait au bûcher. Les villageois m’insultaient, eux qui me respectaient tant par le passé. On me lançait des tomates pourries et on me crachait dessus, alors qu’on venait me quérir pour des potions et des onguents quelques années auparavant.

J’avais été le rebouteux, le savant, le guérisseur. Les gens me rendaient visite en cachette, venant de nuit jusqu’aux ruines de l’ancienne tour dans lesquelles je m’étais installé. Ils étaient un peu honteux, ces pauvres hères, et me confiaient leurs peines de cœur ou leurs problèmes d’intestins. Selon le mal, je leur donnais un charme ou une infusion, un cataplasme ou un conseil avisé. Et ça de bon cœur ! Je ne demandais jamais de payement, sinon de quoi me sustenter : du pain, une outre de vin, un lapin attrapé la veille. Ils me craignaient, mais avaient confiance en mes prescriptions. Il est vrai que je maîtrisais quelques envoûtements, déjà à l’époque, et savait en faire bon usage. Les années passèrent et je devins « celui de la Tour », qui soignait et réconfortait.

Puis, un jour, le bétail commença à tomber malade. Les vaches mourraient unes à unes et leurs cadavres gonflaient dans les prés, attirant de vastes essaims de mouches. Dans la foulée, les moissons pourrirent sur pied et les puits se tarirent. Les célèbres bergeries de Nachtdorf n’abritaient plus que des squelettes de chèvres nettoyés par des légions de vers. Les enfants naissaient avec des écailles, deux têtes ou une queue fourchue. La famine s’abattit sur la région et la maladie frappa les hommes. Les prières n’y firent rien. Les cadavres s’amoncelaient dans les rues, puis dans des chariots, puis dans des fosses communes. Les hameaux étaient vidés de leurs habitants, abandonnés. Ça et là, des rumeurs parvenaient, des rumeurs de morts qui marchent. Ces bruits étaient fondés. Des troupeaux de zombies se mirent à battre la région en suivant d’étranges trajectoires. Les squelettes des pendus s’agitaient au bout de leur corde et les cadavres des victimes de la peste se retournaient dans la terre meuble pour finalement se relever en bavant. Des meutes de loups en décomposition battaient les bois autour de la Tour et dévoraient quiconque avait le malheur de croiser leur chemin.

C’est comme ça qu’ils m’accusèrent. Ce dévot de Mórr, qui n’était pas d’ici, encercla la Tour avec un fort parti de villageois. Je me rendais sans résister. Je reconnaissais beaucoup de ces visages émaciés et mangés par la barbe. Il y avait Gregor, le meunier superstitieux qui avait demandé une amulette pour protéger son grain contre les rats. Il y avait Moritz le cocu impuissant et Alan l’amant en quête de discrétion. Il y avait Friedrich, frappé par la danse de Saint-Guy. Il y en avait tant d’autres, venus un jour me consulter en me suppliant de ne rien dire à personne. Aujourd’hui leurs yeux fous débordaient de haine et de rancœur. Ils voulaient se venger de tous les maux qui les accablaient sans qu’ils sachent pourquoi. L’inquisiteur avait trouvé le suspect parfait en la personne d’un ermite un peu mystique et Gregor, Moritz et les autres me piquaient du bout de leurs fourches pendant qu’on m’attachait pour me ramener à Nachtdorf.

Le bûcher était déjà prêt. Il m’attendait. On m’y fit monter et la foule s’agglutina sur la place pour me voir mourir. Je n’étais resté que quelques heures dans la cellule de la caserne. On m’avait fouetté et jeté du sel sur les plaies. Puis on m’y avait arraché les ongles, brisé les phalanges unes à unes et crevé un œil. Face à tant de douleur, j’avouais tout puis m’évanouissait. Un seau de pisse jeté au visage pour me réveiller, et nous étions en route vers mes derniers instants.

L’inquisiteur finissait son monologue et tendait la main pour qu’on lui donne une torche. C’est un enfant qui la lui apporta, un gamin que j’avais sauvé de la rougeole à la naissance. Le mórrien jeta la torche sur la paille et me regarda en souriant. Peut-être était-il certain de purger le mal ? Si c’était le cas, il avait raison. Mais cela n'avait plus d'importance, car il était trop tard désormais.

Les flammes commençaient à me lécher la plante des pieds et la fumée m’étouffait déjà. Alors je commençai à rire. Je voyais la foule soudainement silencieuse, glacée, et le visage contrit de l’inquisiteur. Je riais de bon cœur, de plus en plus fort. Je toussais aussi, et ma robe de bure prenait feu. Mon corps devenait un flambeau mais je continuais à m’esclaffer, car plus rien de pouvait arrêter ce qui avait été commencé, et il me restait tout de même un dernier malheur à offrir à mes congénères.

Je crachai des strophes impures d'une voix qui n’était pas la mienne, à peu près au moment où mes longs cheveux noirs et filasses s’enflammaient. Je sentis la magie hurler et se contorsionner autour de moi puis se répandre sur la place comme un vent malsain. La fournaise fit enfin bouillir mon cerveau et je mourus tandis que mon seul œil valide explosait dans son orbite comme une bulle dans une chaudière.

Des cris de terreur montèrent de la foule, éparses. Ils se généralisèrent bientôt, et pour cause : certaines personnes dans l’assistance se mettaient à trembler. Leurs cheveux tombaient, leur peau devenaient grise et se crevait, leurs muscles fondaient, leur chair se détachait en gros morceaux. Leurs corps se putréfiaient sur place et leur cervelle se liquéfiait pour leur couler par le nez et les oreilles. Les trois miliciens du Guet qui surveillaient l’exécution depuis l’estrade se décomposèrent aux yeux de tous tandis que les effluves de mon sortilège pressaient leurs carcasses pliées en deux comme des fruits trop murs. L’inquisiteur lui-même fut la proie de mon dernier cadeau. Ses dents se déchaussaient et cliquetaient en tombant sur le pavé. Il voulut se retourner pour demander de l’aide mais un villageois plus brave que les autres le repoussa avec sa fourche. L’homme d’église qui n’était déjà qu’un cadavre sur pattes s’écroula sur le bûcher, à mes pieds calcinés, et disparut dans les cendres et les braises.

Sur la place, ceux que la magie grignotait à toute allure se tournaient vers leurs proches et leurs sautaient dessus pour les égorger à mains nues. La folie s’était emparée des hommes. Un enfant pleurait près du corps éventré de sa mère pendant que son père mâchonnait mollement un chapelet de tripes. La Dhar, essence noire et cruelle, ratissait le village comme mes derniers mots lui avaient ordonné. Les zombies chassaient les vivants comme du gibier et se grimpaient les uns sur les autres pour aller chercher leurs proies réfugiées sur les toits. Certains corps continuaient d’imploser dans des gerbes de sang et de viscères, dévoilant les os nus de ceux qui vivaient désormais dans la mort. L’horreur régnait dans Nachtdorf et n’allait pas tarder à se propager dans toute la région, préparant l’arrivée de malheurs plus grands encore. Ma mission était accomplie.



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Je ne suis qu'un voyageur
Sous le soleil et la pluie
Je ne suis qu'un voyageur
Et je retourne au pays

Je n'ai plus que mon cheval
Mon cheval et mes habits
Des habits qui me vont mal
Et je retourne au pays

J'ai couru le monde, mais ma raison
M'a dit que le monde, c'était ma maison

Je ne suis qu'un voyageur
Qui chemine dans la nuit
Et je sens battre mon coeur
Car je retourne au pays

J'ai quitté ma blonde, qui m'avait dit
Va courir le monde si c'est ça ta vie

Je ne suis qu'un voyageur
Elle ne m'a jamais écrit
Et maintenant ah j'ai peur
De retourner au pays

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