[Katja|Friedrich] La dernière marche des soldats ostlandais

Les troupes régulières d'Ostland sont parmi les plus robustes et les plus coriaces de l'Empire, d'où la tête de taureau qu'elles ont adoptée pour emblême. Depuis Wolfenburg, le Comte Valmir von Raukov tient les rennes de cette province du nord.

Modérateur : Equipe MJ

Répondre
Avatar du membre
[MJ] Le Djinn
Warfo Award 2021 du meilleur MJ - RP
Warfo Award 2021 du meilleur MJ - RP
Messages : 1199
Profil : FOR / END / HAB / CHAR / INT / INI / ATT / PAR / TIR / NA / PV (bonus inclus)
Localisation : Dans ma lampe...

[Katja|Friedrich] La dernière marche des soldats ostlandais

Message par [MJ] Le Djinn »

Enfin! Joie! Après deux longs mois de voyage par bateau les soldats impériaux et les villageois arabéen arrivaient en Ostland, dans le petit port duquel étaient partis les mêmes combattants bien plus tôt. On ne pouvait pas dire que ces semaines s'était passée tranquillement. A cause des âneries et des provocations de Katja, cette dernière avait passée 3 jours accrochée à la proue du navire, ne pouvant en ressortir que pour manger et boire, et encore: sous bonne garde!
Pour Friedrich tout n'avait été que mal de mer, encore et toujours et derrière les railleries plus ou moins discrètes de ses compagnons. Il n'était d'ailleurs pas le seul à ne pas avoir le pied marin, mais vraisemblablement il était unique en son genre.

Quelle ne fût pas sa joie quand il aperçut au loin les vastes forêts de l'Ostland, bientôt il allait pouvoir retrouver un repas chaud et un lit douillet sur lequel s'allonger! Pour l'heure toutefois, il fallait revenir à la maison. Rapidement on sortit Kat de la cale dans laquelle on l'avait enfermée après une bêtise de trop et on la plaça dans les rangs.
Le Duc apparût peu après l'amarrage de son bateau, entouré des villageois et de sa garde personnelle. Le noble fit rapidement signe aux capitaines d'infanterie de faire marche sans lui, il resterait là pour négocier avec les marins et les villageois, sans doute.

Le chemin fût long jusqu'à la grande ville du commencement, mais la joie des hommes de retrouver leur patrie chérie l'emportait sur tout le reste. Bien rapidement il advint que les soldats auraient quartiers libres pour l'après-midi, avec obligation de revenir le soir bien entendu...
Enfermé dans une lampe pendant des siècles, cloisonné dans une pièce de métal par une malédiction... Puis un jour un naïf est venu, me libérant dans sa sottise... Tant pis pour lui... Et pour tous les autres.

Katja Endrafen
PJ
Messages : 33

Re: [Katja|Friedrich] La dernière marche des soldats ostland

Message par Katja Endrafen »

Le fond de cale avait ses avantages et ses inconvénients : d'une part, il m'empêchait de prendre part aux activités de manœuvre du vaisseau, certes assurées en grande partie par l'équipage mais auxquels les soldats prêtaient quelquefois main forte, certains par désœuvrement et d'autres sur consigne de supérieurs peu désireux de se voir eux-mêmes ordonnés d'aller aider quelque peu. Le second avantage de cette position était que j'obtenais là un exutoire bien pratique bien qu'il n'eût rien d'agréable outre-mesure : de fait, je croisais un peu moins la route des matelots (inutile de préciser qu'il existait un amour débordant entre eux et moi, alimenté par mes remarques mutines sur les femmes), ce qui m'évitait de finir par recevoir une poulie sur le coin de la figure. Mais en plus, je bénéficiais d'une intimité encore relative, mais particulièrement bienvenue. A côté de toutes mes fanfaronnades, j'éprouvais un réel besoin de solitude à certains moments, et les retrouvais de cette façon.
Bon, bien sûr, passer toute une journée dans la noirceur moite et roulante du ventre d'un navire n'était pas non plus une activité très saine.

La nuit, je me surprenais à ne m'endormir que très tard, guettant les respirations de mes camarades jusqu'au moment où elles se faisaient plus rauques, indices d'un sommeil véritable. Oh, tous ne dormaient pas, car le mal de mer était assez répandu dans la compagnie (et Friedrich y excellait, ce à quoi je ne manquais pas de lui signaler qu'il se débrouillait comme un chef à chaque fois qu'il gagnait le bastingage dans le but évident de se livrer à ses libations douteuses), mais les malades avaient d'autres chats à fouetter que moi lorsque, au milieu de la nuit, je quittais le tas de cordage que je m'étais approprié en guise de matelas et déambulai au milieu des engagés, les pieds nus, ombre silencieuse et féline. Les premières fois que je me livrais à ces balades toutes relatives, je me convainquais qu'elles n'avaient d'autre but que de m'aider à trouver le repos. Mais, régulièrement, mes pas me menaient auprès sinon à proximité du caporal, dont je devinais les traits dans les ténèbres plus que je ne les discernais.
Le jour, je pouvais faire illusion. Je revêtais mon masque d'humour acéré, je faisais le pitre au milieu de ces hommes qui n'attendaient que de rentrer chez eux, vantant mes expériences extraordinaires et le nom affolant de donzelles qui m'attendaient déjà sur les quais. Mais lorsque le soleil disparaissait derrière la ligne huileuse de l'horizon, lorsque la lune s'élevait comme l'autre décroissait, je sentais mes atours tomber et mes doutes reprendre le dessus.

Des doutes à quel propos ? Je n'en savais pas grand-chose. Je me faisais à cette situation, à cette condition sous les drapeaux impériaux, et en venais à espérer secrètement que je pourrais trouver ma place ici. Une place qui ne soit pas trop sordide ni glauque, et de fait, malgré mon caractère, je prenais soin de ne jamais aller trop loin, là où je pourrais m'attirer les foudres de supérieurs autres que Friedrich ou Poigno - qui étaient, en fait, à peu près les seuls arborant des galons à qui j'adressais la parole, si l'on excluait les nécessités qui parfois m'amenaient devant le capitaine Steiner. Car, quelque part, je craignais de perdre cette fameuse place.

Mais nous avions fini par arriver à bon port, je nommais Salkalten. La joie qui gagnait mes camarades était contagieuse, et je partageais leur sourire lorsque nous arrivâmes. Ce fut peut-être la seule fois où ils allèrent assister l'équipage sans que personne ne leur demande quoi que ce soit, jetant fébrilement des amarres qu'il fallait ramener tant elles passaient à côté de leur cible : aussi les marins finirent-ils par les houspiller jusqu'à ce qu'ils les laissent faire leur travail en paix.
Pour ma part, je me tenais comme bien souvent à l'arrière de la compagnie, là où ma petite taille ne jurait plus, m'arrangeant tout de même pour garder une ligne de vue ténue sur Friedrich. Comme presque tous, il était Ostlandais, et paraissait heureux de retrouver sa province natale. Des rumeurs de quartier-libre avaient déjà circulé toute la matinée, et se confirmèrent avec de larges sourires entendus dans les rangs.

Et bien ! Après deux mois en mer, inutile de dire que cette demie-nouvelle avait son petit effet, et je me surpris à soupeser tristement mon escarcelle désespérément plate, n'abritant que les piécettes que j'avais pu ramasser sur les corps des ulricains, en Arabie. Mon dépit fut toutefois de courte durée, car le capitaine Steiner passa à côté de moi avec un grommèlement mais surtout, une petite bourse dans la main qui ne tarda pas à finir dans les miennes. Il expliqua son geste devant mes yeux ronds de surprise, à l'aide d'un "Maintenant que tu es sortie de ta cale", amenant un sourire penaud sur mes lèvres.
Je n'avais aucune envie de laisser ces joyeux lurons aller dépenser leur solde tous seuls, et j'avais déjà ma petite idée du caporal que j'allais m'ingénier à coller pour l'après-midi, mais des commentaires alentours me ramenèrent à un peu plus de méfiance : on parlait beaucoup d'aller razzier les bouibouis de la ville, et de se présenter à toutes les filles de joie qu'un port digne de ce nom devait recéler : pour ma part, je me passerais bien évidemment de ce dernier service, mais la chose aurait pu paraître étrange pour mes camarades s'ils en étaient témoins. Surtout avec toutes mes bravades à ce sujet...
Comme quoi, ce qu'on raconte finit bien par nous retomber dessus un jour !

Inutile de se faire trop de bile, décidais-je en empruntant à mon tour la rampe de débarquement. Le Duc était occupé à discutailler avec l'équipage et les villageois, et un coup d'œil dans sa direction me confirma une chose : je ne pouvais décidément pas sentir ce type.
Haussant les épaules, je retrouvais les rues pavées de l'Empire que je n'étais plus habituée à emprunter. Ma démarche s'était faite chaloupée, comme pour la plupart de mes pairs, et il me faudrait plusieurs jours avant que je ne l'abandonne.

En attendant, c'était l'heure de goûter à un peu de liberté !

Tournant résolument le dos à un Friedrich que j'observais à distance raisonnable depuis plusieurs secondes, je pris la direction approximative du centre du bourg en me promettant de mettre plus tard la main sur un de mes camarades afin de trouver le chemin de la caserne, qu'ils avaient déjà fréquenté avant de partir mais dont j'ignorais tout moi-même.
Mais baste ! A moi les boutiques enténébrées, les marchands véreux et les plaisirs indicibles qu'il y a à se laisser aller à la tentation.



« Dites, ils sont jolis vos dés. C’est de l’os ? » demandai-je à l’homme en les soupesant distraitement. Un rictus éclaira son visage bonhomme, et nous échangeâmes un regard entendu.
« Ils sont jolis oui, c’est ça. Ceux juste à côté sont plus beaux, si ce n’est que ça. »
« Mais ceux-là roulent mieux, pas vrai ? »
« On peut dire ça. Je vous les laisse pour trente sous chacun. »
« Le dé ? » m’interloquai-je. Mais il n’était pas dupe.
« Vous l’avez dit vous-même : ils roulent mieux. »
« Va pour soixante sous la paire… »


« C’est une chandellerie bien propre que vous tenez là. »

Celle qui la tenait était une petite femme rondelette approchant de la quarantaine, avec des cheveux gris tirés en arrière et un teint hâlé qui n’était pas commun à ceux de l’Ostland. Le parquet était bien balayé et parsemé de sable et de roseaux frais qu'elle devait trouver sur les berges. Je fus remerciée d’un sourire chaleureux tandis que je déambulais au hasard des étals, respirant le parfum des bougies de cire qui y étaient exposées. Elles étaient de bonne qualité, telles que j’en avais vues lorsque j’étais petite dans la demeure où ma mère et moi travaillions, pas comme celles de suif qu’on aperçoit dans la plupart des habitations. M’arrêtant devant l’une qui odorait le miel chaud, je me laissais tenter avec une expression réjouie.

« Je prends celle-ci, avec les allumettes qui vont avec. Et ce parfum-ci, aussi » ajoutai-je à mi-voix après avoir flairé la fragrance sucrée du flacon. Elle me rappelait l'essence de cerise ou peut-être de cassis, une senteur aussi entêtante que fruitée. Elle me correspondait bien.


« Hé jeune fille, allez dire à votre père ou à votre frère de faire ses achats lui-même. Ce genre de choses, on le prend à sa taille, on n’envoie pas quelqu’un estimer à sa place. »

Je ne l'avais pas abusé une seule seconde et l’armurier devait avoir un regard d’aigle, à moins que l’excitation de ce quartier libre ne m’ai fait abandonner toute prudence (ce qui était encore possible). Embarrassée sous le regard insistant que ses sourcils ombrageux alourdissaient, je fis mine de ne pas avoir entendu et continuai d’étudier la targe d’acier qui avait attiré mon œil.

« Ho, vous m’écoutez ? »
« Ah, boucle-la ! J’essaie de t’acheter quelque chose, ça ne te suffit pas ? »

J’avais répondu d’un ton mordant, abandonnant tout faux-semblant, et l’espace de quelques instants je crus qu’il allait me flanquer dehors. Il sembla finalement se contenir, au prix de gros efforts, marmonnant que de nos jours le labeur honnête des forgerons se trouvait ridiculisé par des donzelles pâles de la croupe. Retenant une remarque acide au sujet de mon derrière, je me forçais à ignorer ses propos pour mieux étudier l’objet de mon attention. Il s’agissait d’une rondache, de métal mais peu épaisse, de forme circulaire et que je n’aurais pas trop de mal à tenir à bout de bras. Un écu d’acier comme en portaient certains épéistes de la compagnie n’était pas du tout à mon goût, trop encombrant et trop lourd, là où une protection de cet acabit me seyait déjà davantage. L’échauffourée avec les fanatiques d’Arabie m’avait fait prendre conscience que je pouvais d’un seul coup me retrouver à dévisager mon adversaire dans le blanc des yeux, et ce souvenir me faisait toujours grimacer. Je m’en étais tirée indemne, mais tenter Morr était la marque de fabrique des imbéciles.

« Je vous la prends ! » conclus-je en déliant les cordons de ma besace. Les pièces qui en tombèrent masquèrent de leur reflet la désapprobation se lisant au fond de ses yeux.


« Je peux savoir ce que vous chassez ? »

L’homme était un traqueur de toute évidence, ou alors son déguisement était réussi : il arborait un gilet de cuir tanné au fumet hautement désagréable qui m’incitait à me tenir éloignée de lui, un pantalon de cuir également mais bien plus sombre, et une veste de fourrure complétait ses atours. Suprême touche, une toque d’où dépassait la queue d’un renard coiffait son crâne rasé. Il tenait une boutique pour traqueurs ou amateurs de peaux, car il vendait aussi bien ces dernières que des arcs, longs couteaux et autres ustensiles destinés au dépeçage.

« L’homme » lui répondis-je sur le ton de la plaisanterie, et il le prit comme tel en hochant aimablement la tête. « Je crois que vos… vos cordes, là, m’intéressent. »
« Ah, ça ? Ce sont des bolas » expliqua-t-il en venant me rejoindre, au grand dam de mon nez sensible. « Si vous les lancez bien, vous pouvez briser les pattes d’un oiseau ou entraver celles d’un animal plus gros. Et puis, certains hommes courent vite, ça peut s’avérer utile là aussi » ajouta-t-il avec un clin d’œil égrillard, auquel je fis écho.


« Et où il est lui, encore ? »

Je marmonnais ces mots aussi régulièrement que s’il s’était agi de gifles que j’aurais pu asséner à l’homme qui en était l’objet : le caporal Hadler, Friedrich de son prénom. Mes emplettes étaient terminées, l’après-midi bien avancée, et je n’aspirais à plus grand-chose d’autre qu’un peu de compagnie (sans que la compagnie recherchée n’ai son mot à dire au sujet de ma présence, évidemment). C’est donc un peu trop chargée à mon goût que je déambulais dans les rues, reconnaissant de temps à autres l’un de mes camarades bien que la plupart dusse tenir fidèlement son poste dans une taverne quelconque, à faire un sort à des litres et des litres de bière.

Trouver des soldats, ce n’était pas difficile, et même les passants pouvaient m’indiquer où les engagés traînaient. Mais trouver celui que je recherchais, c’était une autre histoire, aussi m’y pris-je autrement en m’enquérant plutôt de la présence d’un Estalien : si Friedrich n’était pas avec Poigno, peut-être en tous cas que ce dernier saurait où était son compère caporal.
A force de déambulations et de harcèlement sur la voie publique, je finis par mettre la main sur Ertezi, apparemment déjà raisonnablement aviné et attablé depuis un petit moment dans l'un des établissements de la ville.


« Ah, mais c’est Katz ! Alors, quoi de beau ? »
« Mais vous mon caporal » fis-je ingénument, les yeux rieurs. « Vous êtes magnifique devant une telle chope de bière, et je parie que c’est aussi l’avis de cette serveuse qui vous lorgne en coin. Dites, vous ne sauriez pas où est Friedrich des fois ? J’ai gagné au jeu contre lui il y a deux jours et il ne m’a toujours pas donné mes gains. J’espère que vous lui sonnerez les cloches, moi je ne suis que simple soldat du rang alors... »

En guise de réponse, il leva son gobelet en direction de la porte, d’où Friedrich apparaissait justement. Ni une, ni deux, j’étais à côté de lui en train de refermer le battant à sa place, comme si j’étais sa servante. Écharpe remontée, regard pétillant.

« Mais prenez place, mon bon maître. Je réchauffais justement une chaise pour vous ! » minaudai-je en guise de salut, le guidant par le coude jusqu’au siège en face de Poigno. « Et puis tant que nous y sommes, nous pourrions boire à notre prochaine campagne triomphale ! Je te laisse l’honneur de la première tournée… »[/font]
Pour les achats je donne le détail, en me basant sur les 7 couronnes que tu m'as annoncées o/

- Dés en os pipés (60 sous)
- Parfum (50 sous)
- Allumettes (1 sou)
- Bougie de cire (30 sous)
- Rondache (350 sous)
- 2 Bolas (70 sous)

Pour un total de 561 sous, ce qui en laisse 139, soit une couronne, trois pièces d'argent et neuf sous si je sais encore compter o/
Image
« Mon irrévérence est ma liberté. »

Musical Theme
Katz, auxiliaire impériale (éclaireur)
Profil: For 8 | End 8 | Hab 9 | Cha 8 | Int 8 | Ini 9 | Att 10 | Par 10 | Tir 10 | NA 1 | PV 30/60 *

* 1 Fulguropoing de Troll à la jambe droite
* 1 toucher amical d'épée à l'épaule gauche

« Engagez-vous qu'i'disaient ! Engagez-vous !
Et la solde, elle s'engage QUAND ? »
Compétences :
¤ Adresse au tir
¤ Ambidextrie
¤ Camouflage rural
¤ Jonglerie
¤ Réflexes éclairs
¤ Tir à déclenchement rapide


Équipement :
¤ Épée à une main (16+1d8 dégâts / 12 parade)
¤ Veste de cuir (Torse, dos et bras / 5 )
¤ Targe d'acier (4+1d6 dégâts / 14 parade / Déstabilisant)
¤ 4 dagues de jet (12+1d6 dégâts / Malus de -2 TIR tous les 6 mètres)
¤ 2 Bolas (Malus de -2 TIR tous les 8 mètres / Immobilisant)

Avatar du membre
Friedrich Hadler
PJ
Messages : 172

Re: [Katja|Friedrich] La dernière marche des soldats ostland

Message par Friedrich Hadler »

Le voyage de retour avait été aussi inconfortable et éprouvant que ne l’avait été le trajet aller. Malgré tout ses efforts pour essayer de faire bonne mine et supporter le calvaire en silence, Friedrich n’avait pu s’habituer. *Comment l’homme peut-il vivre sur un morceau de bois flottant dans l’océan ? Il faut être masochiste ou fou pour aimer cela.* Pensait-il souvent, notamment en regardant les marins s’affairer. D’ailleurs, en dépit de sa bonne volonté, il n’avait jamais pu leur donner un coup de main : il était rarement en état de le faire, et les marins préféraient ne pas avoir affaire à lui. Il y avait une exception notable à cette règle : lors de tous les chargements de nourriture et autres escales effectués pour diverses raisons, il était toujours le premier à se précipiter et à proposer son aide, insistant et descendant toujours à terre, même lorsque sa présence n’était pas requise ou même inutile.
Pourtant, il tentait quand même de faire bonne figure, de toute la force de sa volonté : il voulait continuer à être un exemple, même sur le bateau. En vain. Les trois quarts du temps, il était trop fatigué, presque à moitié groggy, incapable de donner le moindre ordre cohérent, ou même simplement de maintenir la discipline. Et, bien qu’il tint à s’entraîner quotidiennement au combat sur le pont avec ses hommes, il brillait pour une fois par sa maladresse et sa malhabileté. En fait, sur mer, il était largement le plus mauvais combattant.

Avec un mal de crâne constant, des nausées et vertiges fréquents, une sensation permanente de déséquilibre, et des maux de ventres terribles, il aurait difficilement pu en être autrement. Ses nuits très courtes et difficiles -ses divers désagréments l’empêchant de trouver un sommeil stable et réparateur- n’arrangeaient rien, car la fatigue accumulée se répercutait le jour et aggravait son état. Il n’ignorait pas être l’objet de railleries de la part des matelots et de ses camarades, mais il s’en moquait bien, et de toute façon n’était pas en état de s’occuper de faire taire les plaisanteries à son sujet. En fait, quand ils arrivèrent enfin en vue de leur destination, il ressemblait plus à un zombie qu’à un soldat vivant. Inutile de dire que son « enquête » sur le soldat Katz n’avait pas avancé d’un pouce pendant ces deux mois : en effet, les rares fois où le caporal avait la tête à ça, Katz s’arrangeait toujours pour être aux arrêts… Et de toute façon, Friedrich avait eu le temps d’apprendre, au cours du voyage aller, qu’il valait mieux pour lui qu’il reste muet et évite autant que possible d’ouvrir la bouche pendant le trajet.

Le mouvement constant du sol, l’odeur de la mer, tout cela allait cesser, et ce n’était pas trop tôt au goût du caporal. Mais son mal de mer qui l’empêchait de penser trop longtemps à quoi que ce soit lui avait au moins permis de ne plus trop penser à ce qu’il avait appris, au but de leur mission. Or, maintenant qu’il allait reposer le pied sur sa terre natale, il ressentait à nouveau plus que jamais le poids de l’histoire de sa famille. Il n’oubliait pas que le duc Loft et lui n’avaient pas obtenu ce qu’ils voulaient, et que tous deux avaient encore un compte à régler avec un certain Alexander Hadler. Aux yeux de Friedrich, il était impératif qu’il profite du retour au pays pour essayer de revoir sa mère et la mettre au courant, de partager avec elle son trop lourd fardeau et de lui demander conseil. Peut-être en saurait-elle plus ?

Hélas, il ne semblait pas prévu que les soldats aient une permission suffisamment importante pour permettre à Friedrich de passer à son village, à une petite journée de marche de Salkalten : ils ne disposaient que d’une demi-journée de quartier libre, demi-journée qu’il comptait toutefois bien mettre à profit.

Poigno lui avait parlé d’une boutique tenue par un forgeron qui, disait-il, fabriquait des armes et armures avec le plus solide acier estalien, et pour un prix tout à fait raisonnable. Au cours de leurs aventures, tous deux avaient remarqué que s’offrir quelques extras en plus de l’équipement minimum règlementaire semblait être une bonne idée. Ils avaient convenus ensuite, sur le chemin du retour, de faire quelques emplettes ensemble chez ce fameux forgeron, une fois rentrés. Pour sa part, l’ostlander pensait sérieusement à s’acheter un bon bouclier résistant, en bois renforcé d’acier.
Dès qu’ils furent libres, les deux caporaux choisirent donc d’aller inspecter la marchandise de cet artisan. Ils y passèrent un bon moment, à critiquer et commenter à peu près toutes les armes et armures que l’armurier avait de disponible. L’homme était peu patient, mais il savait que les soldats -et plus particulièrement les sous-officiers-, étaient de bons clients, et qu’il valait mieux ne pas les froisser ni les presser pour que son commerce marche bien. Une mauvaise publicité de la part des deux caporaux aurait pu être mauvaise pour ses affaires. Coulant, il se prêta donc au jeu d’assez mauvaise grâce, présentant une par une toutes ses créations, répondant à des questions souvent très précises et inutiles des deux amateurs d’équipement qu’étaient Friedrich et Poigno. Ces derniers n’avaient en effet pas assez d’argent à eux deux pour s’acheter le dixième de ce qu’ils avaient demandé à voir et à essayer, et cela se voyait comme le nez au milieu de la figure. Mais il fallait bien que Hadler et Ertezi s’amusent un peu à ses dépens. Après tout, Katz n’avait pas tout à fait tort, il pouvait parfois être très détendant et même amusant de titiller autrui et de le pousser dans ses retranchements.
A la fin, pour récompenser le brave forgeron de sa patience, Friedrich lui acheta un beau bouclier d’acier, peint aux couleurs ostlandaises (coupé en deux parties égales : côté gauche noir, côté droit blanc). Ce n’était pas donné, mais avec ce que le pauvre avait dû endurer, le militaire paya de bonne grâce les cinq couronnes d’or que le vendeur en demandait.

Après quoi les deux compères décidèrent qu’il était grand temps de fêter dignement leur retour à la terre ferme, et se rendirent donc à la taverne la plus proche, le tout nouveau bouclier de Friedrich dans son dos afin de ne pas le gêner). Là, ils s’assirent et consommèrent les boissons qu’ils préféraient (schnaps, hydromel et cognac pour Friedrich, bière, whisky et autres alcools de grain pour Poigno, avec en commun les vins), avec une modération minimale, qui leur permettrait juste de rester présentables et en état de se battre efficacement en cas de nécessité. A un moment, Friedrich se leva en s’excusant avec un clin d’œil auprès de Poigno :


-Je reviens tout de suite, une envie pressante, si tu vois ce que je veux dire.

Déjà un peu aviné, bien qu’encore maître de lui-même, Friedrich sortit de l’établissement pour aller se soulager (les aisances étant le plus souvent situées en extérieur dans ce genre de tavernes). Quand il revint, il aperçut le soldat Katz qui s’était joint à eux. Avec un sourire, il vit le jeune soldat s’approcher de lui et le traiter avec un excès d’attentions qui en temps normal lui aurait paru à la limite de la provocation amicale, mais qui, avec les quelques verres qu’il avait déjà vidés, lui sembla de la plus extrême courtoisie. Il remercia le soldat en s’asseyant avec un grand sourire :

-Merci beaucoup, Katz, c’est très généreux de ta part, ça me touche vraiment. Tu as soif, toi aussi ? Ca tombe bien, joins-toi à nous. Tu prendras bien de l’hydromel ou un schnaps, quelque chose de bien de chez nous, non ? A moins que, comme Poigno, tu ne préfères des trucs du sud ? Enfin bon, je suis né dans un village pas loin d’ici, et pourtant, personnellement, je n’ai jamais apprécié la bière, mais je ne dis pas non à un bon cognac ou un bon verre de vin du Sud, comme quoi…
D’ailleurs, j’y songe,… Tu ne nous as pas encore dit d’où tu venais, Katz ? Allez, raconte !


Pendant ce temps, Poigno avait eu le temps d’appeler la serveuse, à qui Friedrich passa commande : il prit pour sa part un hydromel ostlandais, Poigno préféra un whisky. Il fit signe à Katz qu’il offrait la tournée, et le laissa commander ce qu’il voulait. Puis il écouta l’histoire du mystérieux soldat qui l'intrigait en le dévisageant avec attention. Il allait enfin pouvoir en savoir plus sur lui…
Lien fiche wiki : http://warforum-jdr.com/wiki-v2/doku.ph ... ich_hadler

Profil : FOR 10 / END 11 / HAB 10 (9*) / CHAR 10 / INT 10 / INI 10 / ATT 14 (13*) / PAR 14 (13*) / TIR 11 / NA 3 / PV 85/85
*: profil avec armure (bonus des compétences non inclus)

Compétences :
• Sang-froid : Votre personnage a ce qu'on appelle des «nerfs d'acier». Il sait rester maître de lui-même dans les situations les plus dangereuses. Bonus de +1 sur n'importe laquelle de ses caractéristiques lors de la réalisation d'une action dans un climat de stress et de tension mentale.

• Coups puissants : augmente les dégâts occasionnés à ses adversaires de + 1D3 pts de dégâts.

• Autorité : bonus de +1 lorsque, confronté à des militaires, il essaye de faire prévaloir son autorité, ses ordres etc.,

• Arme de prédilection : épées à une main : Bonus de +1 en ATT lorsqu'il en utilise en combat. Par contre, lorsqu'il utilise une autre arme que son arme de prédilection, il reçoit un malus de -1 en ATT et en PAR pendant les 1D3 premiers combats qu'il livrera avec cette arme, le temps qu'il s'y adapte.

• Alphabétisation : Votre personnage est capable de lire et d'écrire les langages utilisant l'alphabet du vieux monde s'il comprend ce langage.

• Langage secret : jargon de bataille : Votre personnage sait parler le jargon des batailles.

• Anticipation : Votre personnage, au combat, arrive à prévoir les réactions d'un ennemi. Pour analyser le style de combat de son adversaire direct, il lui faudra 2 rounds entiers. A partir du 3ème round, cette compétence lui permet d'avoir un bonus de +1 en ATT et en PAR contre ce seul adversaire. (Pour bénéficier de ce bonus contre un autre adversaire, il lui faudra l'avoir combattu pendant au moins 2 rounds)

• Adresse au tir (arcs) : +1 en TIR avec un arc.

• Volonté de Fer : Votre personnage se révèle être particulièrement très résistants à la peur, aux attaques mentales et à tout ce qui pourrait tenter de briser sa volonté. Il obtient +1 aux tests pour résister à un contrôle mental, à la peur etc…

• Parade : Double les points de parade de l'arme ou du bouclier utilisé.

• Coriace : Diminue de 1D3 les dégâts subis (jusqu'à un minimum de 1).

•Réflexes éclairs : +1 aux test INI en réaction à la surprise.


Equipement de combat : • Devoir (épée à une main) (18 +1D10, 12 Parade) Les morts-vivants, les démons etc… Que la lame touche subissent 1d6 dégâts de plus
• Bouclier d'acier (6+1d6 dégâts, 16 parade)
• Epée à une main (16 +1D8, 12 Parade)
• Cotte de mailles (9 protection, tout sauf tête -1 HAB, ATT et PAR)
• Arc court (26+1D8, -2 TIR/16 m)

Avatar du membre
[MJ] Le Djinn
Warfo Award 2021 du meilleur MJ - RP
Warfo Award 2021 du meilleur MJ - RP
Messages : 1199
Profil : FOR / END / HAB / CHAR / INT / INI / ATT / PAR / TIR / NA / PV (bonus inclus)
Localisation : Dans ma lampe...

Re: [Katja|Friedrich] La dernière marche des soldats ostland

Message par [MJ] Le Djinn »

Dire que la soirée avait été un peu arrosée aurait relevé d'un euphémisme aussi doux que vain, même un aveugle aurait pu voir le défilé de poivrots qui sortait. Ah! Ils étaient beaux les soldats ostlandais dans leurs uniformes délavés par le vent et le sel, à rouler sous les tables. Ils avaient bu comme si ils n'avaient pas touchés à une bouteille d'alcool depuis des mois, ce qui était le cas en réalité!
Dans les faits, seuls Friedrich et dans une moindre mesure Poigno -que le grade avait l'air de responsabiliser- étaient capable de marcher plus ou moins droit et d'aider le tavernier à vider l'endroit des pochtrons qui n'étaient pas encore partis aux bras d'une fille de joie, le retour à la caserne serait splendide à n'en pas douter. Dur de dire les bénéfices fait par le gérant du débit de boisson ce soir, une chose était certaine cependant: ils étaient conséquents.

La route vers la caserne fût des plus difficile, à côté de ça la traversée du désert d'Arabie aurait ressemblé à une balade pour aller à la pêche: Katja riait, sautillait parfois... C'est dans un moment d'égarement qu'elle plaça par mégarde un pied peu sûr sur une déjection canine, levant l'autre jambe, l'inconsciente dégringola de toute sa hauteur tête la première dans un immense tas de crottin où elle aurait pu mourir étouffée sans l'intervention providentielle de ses caporaux. Visiblement pas aussi indisposée par l'odeur que ses supérieurs, l'éclaireuse complètement sonnée continua sa route en zigzag jusqu'à un abreuvoir dans lequel elle tomba entièrement. Une fois ressortie, les hommes l'attrapèrent aux épaules et l'emmenèrent manu militari à destination, ce qui fit particulièrement rire les sentinelles en poste à ce moment.

Le moment du coucher fût des plus délicat pour la damoiselle, par chance le noir ambiant lui fit un bouclier suffisamment opaque pour lui permettre de sauter sous ses draps sans que quiconque ne s'aperçoive de sa poitrine plus volumineuse que celle d'un homme ordinaire. Les logements étaient peu remplis mais tous tombèrent de sommeil.


---------------------------------------------------------------------

Tout le monde était là le lendemain quand le capitaine Steiner entra en trombe, soufflant de toutes ses forces dans une corne de brume dont le son résonnait affreusement. Tout les lits étaient remplis un instant, ils étaient tous vides celui d'après. Le repas du matin se fit dans le silence d'après-cuite typique des lendemains de fête et autant dire que l'entraînement de la mâtinée ne fût pas des plus... Efficaces. La gueule de bois faisait son effet!
A la fin de la journée le capitaine Steiner fît une question à toute la troupe, fort étrange d'ailleurs...


-"Que préférez-vous? Une balade en forêt ou une randonnée en montagne?"
Enfermé dans une lampe pendant des siècles, cloisonné dans une pièce de métal par une malédiction... Puis un jour un naïf est venu, me libérant dans sa sottise... Tant pis pour lui... Et pour tous les autres.

Katja Endrafen
PJ
Messages : 33

Re: [Katja|Friedrich] La dernière marche des soldats ostland

Message par Katja Endrafen »

Je défiais un instant les yeux de fer de mon interlocuteur. Franc, sincère et au coloris de métal, son regard était son meilleur porte-parole même s'il l'ignorait, et je lui accordais bien plus de poids qu'à ses galons de caporal. Si un jour je devrais obéir à un de ses ordres au péril de ma précieuse personne, au fond de quelque pétrin où la vie militaire risquait de nous fourrer, et bien ce serait en vertu de ces iris-là plutôt que de l'insigne qui ornait ses épaulettes.
Et je me mis à raconter, avec ma verve et mon bagout habituels.


« Ah, tu aimerais bien le savoir ! Je parie que ce sont mes histoires sur les femmes qui suscitent cet engouement à l'égard d'où j'ai grandi. Mais vous savez, les gars, fis-je en me penchant entre eux avec un regard concupiscent, elles ne sont pas plus farouches qu’ailleurs, alors n‘essayez même pas de coloniser mon Ostermark natal : c’est juste moi qui les séduis toutes. »

Sur cet aveu fanfaron, je laissais ma chaise tenir en équilibre sur deux pieds, observant avec satisfaction le verre de liqueur de mûres qu’on posait devant moi.

« Avouez que mon accent de là-bas est rudement chouette. » J’adoptais aussitôt un patois honteusement déformé. « Ouèp, est-ce-t’y paraît même pôs qu’j’l’enc… »

Falsifier sa voix était une chose : falsifier une falsification en était une autre, et je me surpris à m’étrangler entre deux syllabes, réalisant que j’essayais de donner une note rauque à un ton déjà bien grave (à la limite, même, de ce que j’étais capable de produire sans que le résultat ne soit ridicule). Sentant le rouge me monter aux joues, je saisis le verre épais où miroitait paresseusement l’alcool pour le porter à mes lèvres, en toute impolitesse, tirant sur mon châle opaque juste ce qu'il fallait afin de révéler une bouche qui leur fut masquée par ma main : le feu ne s’attarda pas à mon seul visage et tout en descendant d’une manière à la fois délicieuse et atroce, fit étinceler mes yeux saphir d’un éclat autre que de malice.

« Qu’est-ce que je disais… ah oui ! J’ai grandi avec ma mère, et avant que vous ne me piétiniez avec vos grands chevaux, laissez-moi vous dire une bonne chose, mes caporaux préférés : ça n’a rien coûté à ma virilité. J’aimerais même ajouter qu’en bon éclaireur, j’ai pénétré le terrain de l’ennemi dès ma plus tendre enfance, ce qui m’a permis de mieux cerner l’adversaire (la femme, pas ma mère : quoique) pour la suite de mon existence. »


Aussitôt dit, et je leur faisais les gros yeux.

« Pas pénétré dans ce sens-là, bande de soiffards. Dans l’autre. »
Je haussais les épaules, comme saisie d’exaspération. « Ah, ces gradés ! Toujours à soupçonner le pire chez leurs fidèles hommes, alors qu’on se tue à la tâche pour les maintenir en vie, allant jusqu’à leur ouvrir la porte des fois qu'un piège les attende ! Tout ça pour quoi ? Pour des soupçons de… »

Et je me reculais en raclant bruyamment mon siège contre le parquet crasseux, prenant des airs grandiloquents. La rasade d’alcool de mûres avait certes rendu ma voix plus rauque, mais je sentais que ma maîtrise s’en était retrouvée fissurée : aussi est-ce un curieux ténor qui parla par ma bouche :

« Mais de la consanguinité messieurs, parfaitement ! »

La remarque n’avait d’autre but que d’attirer l’attention des clients et, comme de coutume, faire le pitre afin de noyer le poisson. Je n’avais strictement rien révélé de moi hormis ma province natale, qui se devinait déjà à mon parler et dont je n’avais pas fait mystère jusque-là. Quoique à y bien penser, il était vrai que ma mère avait tenu un rôle bien plus prégnant dans mon enfance que mon paternel. Comme quoi je m'attachais bien à dire, sinon l'entière, du moins une partie de la vérité.
Je me rassis en faisant signe à mon public que tout allait bien, me délectant encore une fois d’avoir retenu l’attention.

Et puis, il y eu comme... comme lorsque vous réalisez soudain que vous reteniez votre respiration et que vous la reprenez, goulûment, ainsi qu'au sortir d'un séjour forcé sous la surface de l'eau. Je m'aperçus que j'avais une envie irrésistible, irrépressible en réalité, de me confier non à Ertezi mais à Hadler : je sentais nettement cette tentation naître quelque part entre mes reins et me pousser à la confidence, de la même façon qu'une main ferme m'y aurait invitée d'une poussée. Je me doutais que l'alcool y était peut-être pour quelque chose car de toute mon existence, je n'avais dû en ingurgiter que de quoi remplir une pinte en tout et pour tout, or j'avais vidé mon verre d'un trait. Mais il n'y avait pas que ça. Depuis que Friedrich, un peu plus de deux mois auparavant, était venu me voir au sortir du carnage insensé face aux ulricains, depuis qu'il avait posé la main sur mon épaule, il s'était approprié une petite part de moi-même. J'étais probablement aux antipodes de l'idéal qu'il se faisait d'une personne : menteuse, tricheuse, voleuse, avec peu de foi et guère davantage de loi. Ce que je craignais que d'autres apprissent, je paniquais carrément à l'idée qu'il en eu vent.

C'est pourquoi, fidèle à moi-même, je pris le taureau par les cornes et commençais à me dévoiler, sous des dehors moqueurs.


« Hum, bon. Outre cette plaisanterie de mauvais goût sur ma mère - dont je vous remercie pas, les caporaux, on ne plaisante pas sur les mamans - je pense que ça pourrait vous intéresser de savoir que j'ai passé mon enfance à Bechafen, capitale provinciale. Eh oui, je sais me tenir à table, moi, à l'inverse de certains paysans de ma connaissance ! »

Je passais sous silence le fait que justement, lorsque j'étais dans les environs d'une table étant gamine, les couverts en argent et autre vaisselle de valeur prenaient une fâcheuse tendance à finir dans mes poches.
Je lorgnais un instant sur le verre de Poigno et, surprenant son regard méfiant, lui dédiai un sourire innocent : à la place de quoi je m'emparais prestement de celui de Friedrich pour y chiper une gorgée insolente qui me fit grimacer, avant de lui rendre son bien. Indéniablement impérial, l'alcool qu'il avait choisi (schnaps peut-être ?) était bien trop fort et âcre pour moi. Ainsi rincée, je poursuivis mon propos :


« Ah, l'Ostermark. C'est un beau coin de pays ça, vous savez. Les pillards du Kislev viennent régulièrement visiter, parce que le margrave de là-bas n'est même pas fichu de s'en occuper. Comme si on n'avait pas déjà notre lot de maraudeurs : ça se reproduit davantage que les honnêtes gens, et ça vit plus vieux même. Et puis, la Sylvanie et sa frontière hantée, là... Morr est notre patron bien-aimé pas tellement parce que les gens ont peur de mourir, mais parce qu'ils ont peur de ce qui pourrait leur arriver après la mort. »


J'avais tout de même été protégée de la plupart des dangers sévissant dans la province pendant mon enfance ; lorsque j'avais quitté Bechafen, c'était par contre devenu une autre paire de manches, et l'amère ironie qui perçait dans mes mots était criante.

« Oh ! J'allais oublier notre attraction favorite, les gars. »

Je mussai mon nez au fond de mon écharpe, comme pour me cacher de ce que je m'apprêtais à évoquer. Sauf que cette fois-ci, ça n'avait rien d'une pitrerie, et vu l'alcool qui couvait sous ma peau je n'aurais jamais dû ressentir un froid tel que celui qui me saisit à cette seconde.

« Ah, Mordheim c'est quelque chose, je vous le garantis. Les gargouilles sont un peu farceuses : lorsque vous avez enfin réussi à compter combien il y en a exactement au-dessus de la porte, leur nombre change dès le lendemain. Et puis, je ne sais pas comment les architectes se sont débrouillés, mais la ville réussit à changer de configuration, plus fantasque qu'une bourgeoise en chaleur. Ah ça, pas la peine de donner un nom aux rues ! »

Le rire que j'émis aurait pu passer pour un croassement de corbeau. Je me sentais brutalement bien seule, bien solitaire, comme si je portais dans mon cœur le fardeau d'un secret qui me séparait du monde entier. Je tentais de me raisonner : soit, j'avais été à Mordheim, mais je n'étais pas la seule à avoir connu des expériences désagréables dans sa vie et celle-ci, si elle n'était pas des moindres, ne serait sans doute pas la dernière. Malgré tout, j'avais le très intime sentiment d'avoir vécu quelque chose qui m'avait changée plus profondément que je n'étais prête à l'avouer, et qui empêcherait à jamais les autres de me comprendre tout à fait.

Comment parler du murmure des murs sans passer pour une folle ? Comment expliquer que l'impression d'oppression au fond de certaines ruelles de la cité damnée n'était pas qu'une impression, et que les façades de brique cendrée cherchaient bel et bien à vous étouffer ? Comment leur avouer que parfois, les tas de gravats se muaient en sables mouvants qui emprisonnaient l'imprudent jusqu'à mi-taille avant de reprendre leur apparente solidité ? Je me rappelais très bien de Karl : ses cris d'horreur nous avaient poussé à nous enfuir plutôt qu'à le secourir, car il se savait lui-même perdu.
Je me rendis compte que j'observais le fond vide de mon verre sans rien dire depuis un moment.

J'arrondis les sourcils en relevant mes yeux étincelants vers Friedrich plus que vers Poigno, sans toutefois chercher à snober ce dernier. J'avais ouvert une fenêtre sur mon passé, comme m'en avait finalement prié le caporal ; comment allait-il y réagir ?
Chez les plus superstitieux l'évocation même de Mordheim, cité brûlée par la fureur du ciel au paroxysme de sa dépravation, relevait purement et simplement du mauvais œil. A demis-mots, j'avais confié y avoir mis les pieds et le fait que je sois là pour m'en vanter pouvait tout aussi bien dire que j'avais d'indéniables talents pour la survie ou que j'étais une cinglée patentée. J'avais toujours au fond d'une des poches intérieures de ma veste la pistole d'enfer que Sven m'avait offerte : un bout de métal martelé ayant appartenu à l'un des servants des faux dieux du nord, et dont on disait qu'il permettait d'acheter les faveurs de Morr pendant un court instant. Certains y voyaient un porte-bonheur et d'autres, un mauvais présage : pour ma part, j'avais toujours trouvé du réconfort dans cette obole peu conventionnelle. Jusqu'ici, ça m'avait plutôt bien réussi : ne restait plus qu'à espérer que ça dure.

Je marque ici la poursuite du post suite à l'édition du Djinou sauvage !


Ça ne dura pas.

Je n'étais pas ce qu'on pouvait décemment appeler une grande amatrice d'alcool, mais évoquer Mordheim avait fait ressurgir tous les souvenirs de mon escapade dans la cité maudite. Et comme de coutume devant un adversaire face auquel je ne pouvais pas ruser, je pris la fuite en m'étourdissant un verre après l'autre. Je me rappelle que d'autres soldats arrivèrent peu à peu tandis que la fin de l'après-midi s'alanguissait et devenait une soirée bruyante, où l'on se félicitait d'avoir enfin quitté le pont de « ces rafiots où on était malade à en crever. »
Je découvris que l'alcool avait cet effet sur moi : plus j'en prenais et plus je devenais d'humeur maussade, après une courte euphorie, et n'en réclamais que davantage encore alors que j'étais manifestement incapable de le tenir.

Les volutes éthyliques dansaient autour de moi, invisibles mais perceptibles à mes sens comme des vagues de chaleur étouffante : je me surpris à tirer sur mon écharpe que je supportais comme un licol trop serré. Mon mal-être allait grandissant, et je n'y étais pas habituée : j'avais l'impression que mon humeur morose, voire noire, était une sorte de contrecoup violent à mes pitreries habituelles. Mordheim, Mordheim : ce nom et l'image sinistre de la ville se découpant sur l'horizon tombant ne me lâchaient pas. Je me surpris à rechercher, davantage que la compagnie, la proximité de mes camarades et notamment de Friedrich. J'avais vu pas mal de donzelles faire la même chose lorsque j'étais plus jeune, et qu'un peu de vin rendait leur regard plus vivace : j'étais tiraillée entre le soldat Katz piquant ses pairs de ses remarques irrévérencieuse et la rescapée Katja qui recherchait un homme à la façon d'une femme. Je me disais que l'un finirait par primer sur l'autre et que le reste pouvait bien aller se pendre, mais mon déguisement collait bien à ma peau. A chaque fois que j'étais sur le point de rompre ma couverture sous l'effet de l'alcool, je me reprenais et m'éloignais vivement de mon interlocuteur.

Finalement, l'heure fut si bien entamée et mon sang si chargé de liqueur que le parquet crasseux se mit à tournoyer follement. Il ne restait plus que notre trio qui demeurait encore un tant soit peu vaillant, et je me retrouvais calée entre Poigno et Friedrich sans trop savoir comment : mais ce n'était pas désagréable.


« Ah vous mes caporaux, vous savez parler aux femmes, hein ? » soufflai-je, littéralement transie d'eau-de-vie sans trop savoir si c'était davantage Katz ou Katja qui s'exprimait.

Je n'avais jamais pris une telle cuite. J'avais déjà vu d'autres se livrer à des spectacles cocasses ou ridicules, mais j'avais toujours naïvement pensé qu'il était possible de dire non à son corps, de se reprendre : la volonté me vint bien à un moment, mais elle fondit comme neige au soleil d'Arabie et je fus réduite à me laisser raccompagner par mes gradés, ce qui n'était pas plus mal : j'aurais déjà eu des difficultés à trouver la caserne seule, surtout à la nuit tombée, alors dans cet état...

Le reste plonge dans un noir douloureux, hormis l'instant où je me retrouvais installée sur un lit, brûlante, avec une pièce qui semblait se prendre pour une toupie. La crainte de rendre une demie-douzaine de repas m'effleura bien, mais passa finalement vite et je sombrais dans un sommeil agité.
On dit que l'alcool dissipe les songes : et bien laissez-moi vous dire que c'est faux.

Cette nuit-là, je rêvais de maintes choses qui ne laissèrent que des bribes de cauchemars attachés à ma mémoire. Je vis un chien aux pattes coupées à mi-hauteur, le sang jaillissant à jets réguliers, qui cherchait à grimper à un arbre ; je vis également un enfant, peut-être d'une quinzaine d'années, dont le dos était brisé et qui restait, hagard, à demi-allongé dans la boue sous une pluie battante et qui exécuta subitement un geste grossier à l'encontre des cieux embrumés avant qu'un éclair ne le recouvre ; je me rappelle encore d'une femme nue, la peau atrocement raclée par endroits, et qui me regardait en souriant avec un fouet dans la main.

La corne de brume du capitaine me tira du lit plus efficacement que n'importe quelle menace. Je fus sur mes pieds d'un bond, si vite que je cru recevoir un coup de marteau en plein front. Après la cuite, les conséquences de la cuite.


« On a perdu personne au bordel ? Je crois que les pauvrettes ne se remettraient pas d'un deuxième passage si je devais aller y chercher un camarade » lançai-je à la cantonade et avec un sourire matois dans les couloirs de la caserne tandis que le régiment se rassemblait pour le petit-déjeuner.

J'avais eu l'occasion de voir ma tête, et elle n'avait rien, mais alors rien de glorieux : des cernes violacées tranchaient avec mon teint pâle, limite blême pour l'occasion. J'avais les cheveux en bataille, des larmes de fatigue au coin des yeux et des gestes mal assurés. A ma décharge, mon regard n'avait rien perdu de son éclat, et j'avais toujours le sourire facile, même avec une cloche dans chaque oreille. Une toilette plus vive que l'éclair plus tard, je m'administrai avec une bouffée de coquetterie quelques gouttes de l'essence de cerise mêlée de cassis dont j'avais fait l'acquisition la veille, et sortis de ma piaule.
Je me surpris à être toujours capable de badiner tout au long de la matinée, quoique avec une voix ténue comme quelqu'un ayant trop crié (m'attirant la plupart des temps une expression maussade en réponse à mes plaisanteries incessantes).


« Merci caporal, pour m'avoir enlevé mes bottes la nuit dernière ! Si vous pouviez me rendre le même service chaque soir, ça serait vraiment... »

L’œil noir que Poigno me dédia en cours de route me convainquit de fermer mon clapet et m'esquiver prestement, aussi allais-je plutôt rechercher la compagnie de Friedrich. Curieusement, j'y répugnais, comme si l'approcher risquait de me révéler que j'avais pu briser quelque chose hier et que je n'en aurais pas le souvenir : briser quoi, c'était une question que je n'avais pas envie d'approfondir. Mais dès que je fus à ses côtés, mes réticences s'envolèrent et je décidais de ne pas tout gâcher en l'asticotant, me cantonnant à un pâle sourire sans la moindre pique.
Les heures s'écoulèrent jusqu'à midi tandis que, dans la cour, nous nous escrimions à transformer notre adversaire en un steak bleu à l'aide d'épées en bois pour certains, émoussées pour d'autres (les plus doués surtout). Je m'appropriais le caporal Hadler en guise d'ennemi, certaine de pouvoir paresser un peu et qu'il ne m'en tiendrait pas rigueur : je me fourrais le doigt dans l’œil jusqu'à l'omoplate.

L'animal me laissa du temps pour tergiverser sous prétexte d'échauffement, mais pas plus que nécessaire, et il me fallut confronter mon manque flagrant d'aisance, une lame entre les mains, face à un bretteur confirmé. Inutile de dire que je ne brillais pas, aussi usai-je de tout ce que j'avais à disposition : coups de pied, jets de gravillons et j'en passe, pour éviter de me retrouver couverte d'hématomes. Mes petites ruses ne pesaient pas lourd devant son expérience : certes, il n'était pas un vétéran mais je me doutais qu'il s'exerçait depuis des années, alors que je ne savais manipuler que de petites lames et autres babioles faciles à expédier au visage de mon assaillant avant de prendre la poudre d'escampette. Aussi demandai-je grâce régulièrement (la première fois, il se laissa avoir et j'en profitais pour gagner une touche, la seconde tentative fut moins fructueuse et la troisième ne passa carrément pas, jusqu'à ce que je finisse par m'outrer qu'il n'accorde aucun merci à son adversaire, aussi peu honorable fut-il), en nage et le bras en feu. Lorsque Steiner nous rassembla enfin, j'avais l'impression de m'être faite tuée une bonne trentaine de fois. L'exercice et la transpiration avaient eu le mérite, en plus de me donner un fumet de fauve en chaleur parfumé à la cerise, d'évacuer une bonne partie de ma migraine, que je semblais supporter d'ailleurs un peu mieux que la plupart de mes camarades.


-"Que préférez-vous? Une balade en forêt ou une randonnée en montagne?"

Question intéressante et surprenante. Si Steiner nous laissait réellement le choix et non l'illusion, c'est qu'il avait prévu de nous en faire baver dans les deux cas. Mais au moins, en forêt, nous serions un peu à l'ombre. A peine formulais-je cette pensée que mes cauchemars de cette nuit me revinrent à l'esprit, et je me décidais finalement pour la montagne.

« Si on va en forêt mon capitaine, j'ai peur de ne pas résister à la tentation et essayer d'attraper au bola tous les écureuils que je trouverais, alors je jette mon dévolu sur la montagne (qui sied mieux à la couleur de nos uniformes, par ailleurs) ! » expliquai-je avec un sourire penaud et malicieux en désignant mes récentes acquisitions, fièrement remises à la ceinture. « Ces petites bêtes sont innocentes après tout, pas comme vous tous, ainsi que je l'ai constaté hier ! » rajoutai-je un ton plus bas à l'intention de mes voisins de rang. « Ivrognes. »
Image
« Mon irrévérence est ma liberté. »

Musical Theme
Katz, auxiliaire impériale (éclaireur)
Profil: For 8 | End 8 | Hab 9 | Cha 8 | Int 8 | Ini 9 | Att 10 | Par 10 | Tir 10 | NA 1 | PV 30/60 *

* 1 Fulguropoing de Troll à la jambe droite
* 1 toucher amical d'épée à l'épaule gauche

« Engagez-vous qu'i'disaient ! Engagez-vous !
Et la solde, elle s'engage QUAND ? »
Compétences :
¤ Adresse au tir
¤ Ambidextrie
¤ Camouflage rural
¤ Jonglerie
¤ Réflexes éclairs
¤ Tir à déclenchement rapide


Équipement :
¤ Épée à une main (16+1d8 dégâts / 12 parade)
¤ Veste de cuir (Torse, dos et bras / 5 )
¤ Targe d'acier (4+1d6 dégâts / 14 parade / Déstabilisant)
¤ 4 dagues de jet (12+1d6 dégâts / Malus de -2 TIR tous les 6 mètres)
¤ 2 Bolas (Malus de -2 TIR tous les 8 mètres / Immobilisant)

Avatar du membre
Friedrich Hadler
PJ
Messages : 172

Re: [Katja|Friedrich] La dernière marche des soldats ostland

Message par Friedrich Hadler »

Poigno remercia d’un sourire la serveuse qui leur apporta leurs boissons respectives. Tout en sirotant lentement son verre d’hydromel, Friedrich écouta l’histoire de Katz avec intérêt. Détendu et de bonne humeur, le caporal eut un sourire quand le soldat plaisanta sur les femmes de l’Ostermark, et plaisanta sur son légendaire « succès auprès des femmes » qui aurait éveillé leur curiosité. Ce sourire amusé de Friedrich se transforma en un irrésistible éclat de rire quand le narrateur prit l’accent de sa province. Détendu et de très bonne humeur, le caporal n’avait même pas cherché à résister à l’envie d’exprimer sa joie d’être de retour sur la terre ferme, attablé dans une taverne du cru avec des amis autour d’un bon verre d’hydromel du pays.
Katz profita de cet instant de pause pour vider son verre de liqueur de mure, puis il continua son histoire. En écoutant la suite, Friedrich apprit que Katz avait grandi avec sa mère. L’absence de figure d’autorité paternelle expliquait sûrement cette tendance nette à l’insubordination, pensa le caporal. Heureusement, l’alcool l’empêcha de pousser plus loin le raisonnement et de gâcher l’après-midi en repensant à son propre père. La blague suivante de Katz faillit prendre au piège Friedrich, quand il parla de « pénétrer en territoire ennemi », à propos des femmes. Habitué aux fanfaronnades du soldat sur ces dernières, il avait compris la phrase à son sens le plus cru, et les précisions humoristiques que Katz donna pour le détromper ne furent pas de trop pour lui.
On sentait d’ailleurs que le narrateur ne tenait pas bien l’alcool du tout. Les propos qu’il tenait devenaient un peu décousus, notamment lorsqu’il se leva et parla brusquement très fort et d’une voix étrange à propos de consanguinité, attirant sur lui les regards étonnés et parfois désapprobateurs des clients environnants. Cet épisode provoqua aussi un échange de regards amusés entre Poigno et Friedrich, qui se retinrent à grand peine d’éclater de rire devant cette scène assez cocasse.

Heureusement, ils purent se calmer un peu, car Katz, l’air content d’avoir produit son petit effet dans l’établissement, se rassit et continua son récit. Il leur apprit avoir grandi à Bechafen, capitale de l’Ostermark et ville fortifiée épargnée par la Tempête du Chaos passée bien plus à l’Ouest (par l’Ostland, justement), de loin la plus grande ville de l’extrême Nord de l’Empire depuis la destruction de Wolfenburg (lors de la Tempête du Chaos). Etrangement, d’ailleurs, l’armée commandée par le tristement célèbre lieutenant d’Archaon Vardek Crom, qui devait justement attaquer l’Ostermark dans le plan du chaotique, n’était jamais arrivée jusqu’à Eisental où l’attendait l’armée du comte électeur Wolfram Hertwig, bien que les nains de Karak Kadrin qui voulait leur bloquer le col du Pic ait été battus. La province natale de Katz avait donc été épargnée presque intégralement lors de la dernière campagne, chose étrange quand on sait que l’Ostermark était plutôt connu pour être la province la plus souvent attaquée de l’Empire. L’éclaireur fit aussi de l’humour sur son origine urbaine qui lui donnait des manières plus raffinées que celles des campagnards « rustauds ». Friedrich n’était pas absolument certain d’être visé par cette dernière catégorie, mais de toute façon, même s’il avait effectivement grandi dans un petit village, il était fils de marchande et savait lui aussi se tenir.
Alors qu’il repensait à l’histoire guerrière de l’Ostermark, Katz vint justement confirmer ce qu’il pensait : une belle province, avec de solides gens rompus aux dangers, et souvent attaquée par des pillards kislévite ou des maraudeurs du nord. Heureusement, les habitants s’étaient depuis longtemps habitués à ces dangers et vivaient pour la plupart dans des villages fortifiés, d’après ce qu’il avait entendu dire. Il y avait aussi la proximité de la Sylvanie frontalière, au Sud-Est. Friedrich ne savait pas que penser au sujet de cette province. Ni lui, ni aucun de ses parents ou amis n’étaient allés dans cette région, et les histoires de morts-vivants qui pullulaient encore, dirigés par des vampires, lui paraissaient relever de l’imaginaire et de l’histoire. Depuis les dernières guerres vampiriques, il y avait des centaines d’années, tout le monde savait que les vampires avaient été exterminés une bonne fois pour toute, même si leur terres étaient toujours « hantées » selon les dires des aventuriers et des voyageurs, et de Katz. En tout cas, cela expliquait bien la foi en Morr du soldat et de la plupart ses compatriotes.

Puis, passant d’une région hantée à une autre, l’éclaireur évoqua la cité maudite de Mordheim. On disait beaucoup de choses sur cette ville, qui fut autrefois la plus grande ville du Nord de l’Empire et la capitale de l’Ostermark. Généralement, le sujet était assez tabou, évoqué surtout par des aventuriers et des chasseurs de trésors. Mais tout le monde connaissait dans les grandes lignes l’histoire de cette cité légendaire, dont l’exemple était souvent pris par les moralisateurs religieux pour inciter les fidèles à rester dans le droit chemin. Telle que l’histoire était contée, la ville avait prospéré, grandie et était devenue au cours des années un centre majeur, mais aussi un repère d’adorateurs des dieux sombres, et un lieu de vice et de perdition. Même les plus riches et les seigneurs y étaient corrompus. Exactement 2000 ans après son couronnement, Sigmar lui-même avait été courroucé de la présence d’un tel lieu dans son Empire, et avait décrété que ce cancer de l’Empire devait être intégralement rasé, d’après les prêtres. Il s’en chargea personnellement par le biais d’une comète à deux queues qui rasa la cité, ne laissant sur place que des ruines hantées et, comme souvent lorsqu’un lieu est mystérieux et difficile d’accès, des rumeurs de fabuleux trésors enfouis dans les décombres et dans les catacombes… Cela avait attiré en masse de nombreux aventuriers, mais aussi des mutants, des adorateurs du chaos, des répurgateurs, des fous et bien d’autres encore. Bien peu en étaient revenus sains de corps et d’esprit. En tout cas, une chose était certaine pour Friedrich : cette ville était damnée, et dans la mesure du possible, il fallait l’éviter.

Katz semblait avoir connu personnellement cet endroit maudit. Comment, pourquoi ? C’était sûrement trop personnel pour qu’il le révèle, mais il semblait avoir été profondément marqué par ce qu’il y avait vécu. Comme la plupart de ceux qui y étaient allés. Ce n’était guère étonnant, et même s’il tenta de plaisanter sur le sujet, son malaise crevait les yeux. Lui qui était d’habitude si loquace, ne parla plus pendant un bon moment, perdu dans ses souvenirs et ses pensées.

Friedrich respecta ce moment de silence. Il savait pertinemment que Katz devait revivre des moments difficiles, si la moitié de ce que l’on disait sur Morheim était vrai. Mais il savait aussi qu’il n’était pas bon de focaliser ses pensées trop longtemps sur du négatif. Quand Katz leva les yeux vers lui, il soutint son regard. Il voulait signifier à Katz qu’il n’était plus là-bas, qu’il était maintenant un soldat d’Ostland, et qu’il pouvait compter sur le soutien de ses camarades et de ses supérieurs. Par son regard, il tenta de faire comprendre qu’il était là pour aider ses hommes à affronter la peur et le danger. Oh non, pour rien au monde il n’abandonnerait ses camarades et ses amis. Pas plus qu’il n’abandonnerait son pays ni sa famille. Il s’était engagé pour être au service des autres avant tout.
C’est alors qu’il se rappela de la question de Katz, un peu avant de larguer les amarres et de partir d’Arabie. Il y réfléchit, mais n’était toujours pas sûr d’en avoir la réponse.
A voix basse, afin de ne pas être entendu de Poigno, il osa cependant chuchoter quelques mots à Katz :


-Je ne sais pas si le cœur est le plus important pour un soldat, mais je sais que sans cœur, on n’est plus humain.

Puis il se rendit compte de ce qu’il venait de dire, et se demanda, inquiet, s’il avait bien fait de prononcer ces quelques paroles. Il n’eut toutefois guère le temps de les ruminer lui-même, car quelques uns de ses hommes venaient d’entrer dans l’établissement, et la conversation revint à quelque chose de plus jovial et moins profond. Et lorsque, quelques minutes plus tard, Friedrich voulut lever son gobelet de bois au retour sur la « bonne vieille terre ferme », et le porta à ses lèvres, il s’aperçut à son grand étonnement, et sous les rires de ses camarades qu’il était vide. Pourtant, il était presque certain de ne pas avoir bu tout son hydromel. Katz ne manqua pas de lui faire remarquer qu’il avait dû boire plus que de raison puisqu’il ne se souvenait même plus de ce qu’il avait bu, et la remarque déclencha des éclats de rire parmi les soldats qu’il fut le seul à ne pas comprendre. En tout cas, il se jura de faire plus attention à ce qu’il buvait pour ne pas rentrer complètement saoul.

A la nuit tombée, au vu de l’état de la plupart de ses camarades, Hadler ce dit que ce fut là une sage décision de sa part. Faire le court trajet séparant la taverne de la caserne fut une épreuve pour certains. Katz était peut-être le pire de tous. Ce dernier ne devait pas avoir l’esprit bien clair depuis quelques heures : il avait même dit sans raison apparente à ses supérieurs « qu’ils savaient parler aux femmes ». Aussi imbibé d’alcool que s’il avait été une éponge pongée dans une mer de liqueur de mûres, il titubait à quelques mètres devant Friedrich et Poigno, qui pouvaient encore marcher à peu près droit, même si le sol leur semblait aussi instable que celui du bateau. A un moment, le soldat glissa même et tomba dans un tas de purin, dont il semblait avoir le plus grand mal à s’extraire. Il fallut que les deux caporaux se décident à intervenir pour la tirer de là, car il y avait réellement un risque que Katz s’étouffe. Ils l’emmenèrent ensuite jusqu’à un abreuvoir où ils le laissèrent choir. Mais même cela n’avait pas suffit à rendre un peu de lucidité au soldat Katz, qui fut donc ramené jusqu’à son lit par Friedrich et Poigno. L’encadrant afin de le maintenir debout, ils passèrent devant les sentinelles qui rirent de ce spectacle. Enfin, ils réussirent à coucher Katz et purent eux-mêmes profiter d’un repos bien mérité.

Le réveil du lendemain fut difficile pour tous, mais pour certains plus que d’autres. Heureusement pour lui, Friedrich avait bu avec une certaine modération : pas plus de 6 ou 7 verres en une après midi (il en aurait bu un peu plus sans l’histoire de l’hydromel « disparu »). C’est donc avec un mal de crâne plutôt léger qu’il se leva et vaqua à ses rituels habituels. Mais avant cela, il adressa une petite prière à Shallya pour la remercier de son état relativement correct* :


-Ô Shallya, je te remercie de ne pas m’avoir perdu dans les excès de l’alcool – qu’il faut consommer avec modération, car il est dangereux pour la santé en cas d’abus -, et ainsi de me permettre de toujours être prêt à servir au mieux mon pays, à n’importe quel moment. Puisses-tu être louée.

Comme tous les matins, l’entraînement repris. Fidèle à sa réputation ce ne fut pas à l’armée de s’adapter aux soldats, mais bien aux soldats de s’adapter à l’armée. Et en l’occurrence, l’entraînement fut dans l’ensemble laborieux. Friedrich endossa son rôle de caporal, et vérifia que tous étaient aptes aux exercices (il valait mieux s’assurer que mettre un arc entre les mains de certain n’était pas dangereux avant de le faire), et utilisaient bien des armes factices (un oubli fâcheux était si vite arrivé). Pendant ce temps, Katz, qui avait demandé à s’entraîner avec lui, put s’échauffer. Mais il n’était guère frais. A l’idée d’affronter un adversaire qui n’était pas en pleine possession de ses moyens, Hadler hésita sur la conduite à adopter.
Il savait pourquoi Katz n’était pas au mieux de sa forme, et c’était en partie de sa faute. Plein de compassion, le caporal avait donc envie de se battre « à minima ».
Une autre part de lui le poussait à se dire qu’il ne servait à rien de simuler l’entraînement, que c’était non seulement anti-professionnel, mais aussi que cela desservirait Katz lui-même quand il serait confronté à une vraie situation de combat. Pour progresser, il fallait qu’il affronte quelqu’un qui essaye vraiment de se battre à fond. Cette solution lui parut meilleure à tous points de vue, aussi la retint-il.

A regret quand même –parce qu’il savait que le pauvre Katz allait « déguster »-, il se mit en garde et commença l’entraînement. Et effectivement, il constata rapidement que son partenaire n’était pas au mieux de sa forme. A l’exception de quelques touches généralement inattendues et rusées, Friedrich remporta la quasi-totalité des échanges. Au cours du combat, néanmoins, Friedrich fut assez troublé par une étrange senteur fruitée et subtile qui se dégageait de Katz.
*Il a acheté du parfum ? Etrange choix pour un soldat. C’est plutôt l’apanage de la gent féminine, en général.* Puis il se souvint d’une phrase que Katz avait prononcé la veille : « J'ai passé mon enfance à Bechafen, capitale provinciale. Eh oui, je sais me tenir à table, moi, à l'inverse de certains paysans de ma connaissance ! » et de plus il avait été élevé par sa mère. Ceci expliquait peut-être cela : les citadins étaient très friands de parfum, paraissait-il, et ce souvent pour cacher leur manque d’hygiène, avait remarqué Friedrich. Certes, l’hygiène de Katz semblait bonne, mais s’il avait suivi les exemples qu’il avait eus étant enfant, il était normal qu’il se parfume. Dans la famille de notre héros, seule la mère se parfumait (et encore, seulement pour les grandes occasions), mais pour tous, le bain était quotidien.

Après une petite heure de combat, capitaine vint stopper le massacre. Il leur posa une question, leur demandant de choisir entre la forêt et la montagne. Nul doute qu’il parlait là du choix de leur prochaine destination. Quelle allait-être leur mission, ça Friedrich Hadler n’en savait rien, cela ne lui permettait donc pas de choisir selon ce critère. Personnellement, il aimait beaucoup la montagne et la forêt, mais hélas, surtout depuis la Tempête du Chaos, quatre ans plus tôt, la plupart de ces endroits étaient encore infestés de monstres, de brigands et d’horreurs de tous types. Il se décida donc en suivant l’avis de Katz, qui l’avait fait sourire.


-Je me sentirais coupable si par ma faute des écureuils étaient tués par le soldat Katz. Je vais donc suivre son avis, va pour la montagne !

Quelle allait être leur nouvelle mission ? Friedrich n’en savait rien, mais il était prêt à suivre le capitaine Steiner, quelle que soit la destination choisie.


* :
La prière ci-dessous est surtout un délire pour pointer les dangers réels sur la santé de l’abus de consommation d’alcool. Elle n’a pas été écrite dans le but d’obtenir des PdCs. ;)
Lien fiche wiki : http://warforum-jdr.com/wiki-v2/doku.ph ... ich_hadler

Profil : FOR 10 / END 11 / HAB 10 (9*) / CHAR 10 / INT 10 / INI 10 / ATT 14 (13*) / PAR 14 (13*) / TIR 11 / NA 3 / PV 85/85
*: profil avec armure (bonus des compétences non inclus)

Compétences :
• Sang-froid : Votre personnage a ce qu'on appelle des «nerfs d'acier». Il sait rester maître de lui-même dans les situations les plus dangereuses. Bonus de +1 sur n'importe laquelle de ses caractéristiques lors de la réalisation d'une action dans un climat de stress et de tension mentale.

• Coups puissants : augmente les dégâts occasionnés à ses adversaires de + 1D3 pts de dégâts.

• Autorité : bonus de +1 lorsque, confronté à des militaires, il essaye de faire prévaloir son autorité, ses ordres etc.,

• Arme de prédilection : épées à une main : Bonus de +1 en ATT lorsqu'il en utilise en combat. Par contre, lorsqu'il utilise une autre arme que son arme de prédilection, il reçoit un malus de -1 en ATT et en PAR pendant les 1D3 premiers combats qu'il livrera avec cette arme, le temps qu'il s'y adapte.

• Alphabétisation : Votre personnage est capable de lire et d'écrire les langages utilisant l'alphabet du vieux monde s'il comprend ce langage.

• Langage secret : jargon de bataille : Votre personnage sait parler le jargon des batailles.

• Anticipation : Votre personnage, au combat, arrive à prévoir les réactions d'un ennemi. Pour analyser le style de combat de son adversaire direct, il lui faudra 2 rounds entiers. A partir du 3ème round, cette compétence lui permet d'avoir un bonus de +1 en ATT et en PAR contre ce seul adversaire. (Pour bénéficier de ce bonus contre un autre adversaire, il lui faudra l'avoir combattu pendant au moins 2 rounds)

• Adresse au tir (arcs) : +1 en TIR avec un arc.

• Volonté de Fer : Votre personnage se révèle être particulièrement très résistants à la peur, aux attaques mentales et à tout ce qui pourrait tenter de briser sa volonté. Il obtient +1 aux tests pour résister à un contrôle mental, à la peur etc…

• Parade : Double les points de parade de l'arme ou du bouclier utilisé.

• Coriace : Diminue de 1D3 les dégâts subis (jusqu'à un minimum de 1).

•Réflexes éclairs : +1 aux test INI en réaction à la surprise.


Equipement de combat : • Devoir (épée à une main) (18 +1D10, 12 Parade) Les morts-vivants, les démons etc… Que la lame touche subissent 1d6 dégâts de plus
• Bouclier d'acier (6+1d6 dégâts, 16 parade)
• Epée à une main (16 +1D8, 12 Parade)
• Cotte de mailles (9 protection, tout sauf tête -1 HAB, ATT et PAR)
• Arc court (26+1D8, -2 TIR/16 m)

Avatar du membre
[MJ] Le Djinn
Warfo Award 2021 du meilleur MJ - RP
Warfo Award 2021 du meilleur MJ - RP
Messages : 1199
Profil : FOR / END / HAB / CHAR / INT / INI / ATT / PAR / TIR / NA / PV (bonus inclus)
Localisation : Dans ma lampe...

Re: [Katja|Friedrich] La dernière marche des soldats ostland

Message par [MJ] Le Djinn »

Dans la troupe la majorité des soldats prononcèrent "la montagne", faisant opiner lentement Steiner du chef. Toujours pensif il dispersa ses troupes, les sommants de profiter de l'après-midi car demain verrait le retour des patrouilles, car il ne fallait pas penser que qu'ils allaient se la couler douce constamment! Une dernière après-midi et c'était tout!

Dans les rangs la plupart se promettait une après-midi tranquille à se reposer et à se promener en ville, peut-être patrouiller un peu tout en étant au repos histoire d'être prêt pour le lendemain. Friedrich quant à lui se décida à retourner à son village natale, voir sa mère qui lui manquait et à qui il voulait poser quelques questions. Avisant ses projets de retour à son capitaine, ce dernier, compréhensif, lui offrit un cheval et une charrette réquisitionné à des marchands véreux pour faire le trajet à condition qu'il ne l'abîme pas! La bonne nouvelle c'était que le temps de trajet en serait considérablement raccourci, permettant à Friedrich d'être de retour pour la nuit.

Piquant quelques vivres pour le court voyage, car pour bien bouger il faut manger, le caporal ne tarda pas à se mettre en route, laissant ses compagnons à leur repos mérité. A la disposition du soleil il ne devait pas être plus de dix heure et demi, la mâtinée avait été bien courte!


-----------------------------------------------------------------------------------------

Le soleil avait bien avancé quand Friedrich avait atteint Klirduc, village de son état, une centaine et demie d'habitants environ, l'endroit était à la fois prospère et en ruine depuis la guerre mais les gens travailleurs s'affairaient à le remettre sur pied. Rangeant sa charrette près d'une maison et attachant le cheval à un arbre pour qu'il ne gêne personne, le soldat se mit en route vers sa maison, habitation simple de bois dans laquelle vivait sa brave mère.

Arrivé devant la demeure il toqua à la porte, n'obtenant pas de réponse il frappa de nouveau et une vague inquiétude se mit à naître en lui. Avec force le soldat cogna contre la serrure récalcitrante ce qui eût pour effet de faire s'entrouvrir la planche de bois... Entrant à pas de loups, Friedrich constata que tout était resté comme à son départ, même pot placé, mêmes armoires, même chauffe-eau, tout. Le salon ne devait pas être loin, méfiant le caporal posa la main sur son épée, sa mère était peut-être sortie mais le fait que la porte se soit ouverte n'était pas normal.

Puis il le vit, cet homme au milieu d'une pièce qui avait dû être bal mais qui était en désordre et sa mère, la gorge ouverte et les yeux exorbités gisant sur son fauteuil. L'assassin était bien visible à la lumière du jour, grand, athlétique, Friedrich le connaissait, il s'agissait de Rick Aerdan: un jeune garçon de deux ans de plus que notre héros, enfants ils jouaient souvent ensemble et Alexander Hadler aidait parfois sa mère, Mélanie Aerdan à se défendre contre les mendiants, étant mère célibataire elle n'avait pas toujours la possibilité de bien s'occuper d'elle... Mais voilà près de dix ans qu'ils étaient partis dans une autre ville! A l'époque déjà on trouvait aux deux bambins une ressemblance, mais là... Rick n'aurait eu aucun mal à se faire passer pour le frère de Friedrich! Peut-être que...


-"Oh! Bien le bonsoir petit frère, je t'attendais depuis un moment, tu t'es prélassé sur la route? Tu sais je suis un homme très occupé, contrairement à toi, alors quand j'ai su que j'étais chargé de te faire passer un message... Je me suis dit que j'allais en profiter pour m'offrir un petit plaisir tu crois pas? Je pense que Papa ne m'en voudra pas, il n'avait jamais aimé cette sombre c*nne qui ne lui servait que d'alibi."

D'un geste presque trop rapide pour l'oeil humain il envoya un bâton dans les côtes du soldat, le pliant en deux, avec défi le meurtrier posa son pied sur le dos du caporal pour l'immobiliser.

-"Mais j'en oublie le message! Papa te félicite pour avoir trouvé la boîte, dommage que tu ais été si lent. Il t'avise qu'il suivra ton avancée dans l'armée avec grand intérêt, essaye de pas trop le décevoir, tu sais comment il est quand il se fâche tout rouge..."

Et... Ce fût tout, il se dirigea vers la porte, ses riches vêtements moulants dévoilant ses muscles et assurant à ses déplacements une grande fluidité bougèrent à peine quand il sortit face au vent de l'extérieur. Avant de disparaître il rangea une dague d'acier ensanglantée dans une gaine et envoya.

-"Rick Hadler vous salue bien, au revoir caporal Friedrich."
Enfermé dans une lampe pendant des siècles, cloisonné dans une pièce de métal par une malédiction... Puis un jour un naïf est venu, me libérant dans sa sottise... Tant pis pour lui... Et pour tous les autres.

Katja Endrafen
PJ
Messages : 33

Re: [Katja|Friedrich] La dernière marche des soldats ostland

Message par Katja Endrafen »

Les voix s'élevèrent, et soit le régiment était particulièrement sensible à la cause des écureuils, soit l'air de la montagne avait décidément un attrait irrésistible. Encore frémissante de l'effort passé (et prodigue de regards noirs en direction de Friedrich, afin qu'il n'ignore pas que je n'appréciais guère d'être prise pour un tapis d'exercice), je me fis la réflexion que les promenades en forêt n'étaient peut-être plus du goût de tout le monde. La tempête est passée par là, disait-on quelquefois en Ostermark pour expliquer un comportement surprenant chez les habitants des provinces voisines. La tempête, à savoir celle qui était venue du nord, avec ses horreurs et ses fanatiques quelques années plus tôt. Je n'étais pas férue d'histoire, et ma région avait été épargnée par le phénomène, pour des raisons que j'ignorais : mais les ravages avaient été conséquents, et je comprenais tout à fait que mes camarades puissent nourrir une certaine aversion pour tout ce qui s'apparentait à un endroit sombre et encombré. Je présumais peut-être rapidement d'une telle répugnance : mais, m'étant décidée en fonction de mes cauchemars de cette nuit, je trouvais logique que mes pairs aient choisi selon ceux d'hier.

Je suivis la file des soldats s'en allant se rafraîchir près des bacs qui longeaient la cour d'entraînement, accueillant avec une joie à peine dissimulée le second quartier-libre qui tomba comme une ultime bouffée d'air avant la reprise des manœuvres. Si Steiner continuait comme ça, j'allais finir par croire qu'il avait un cœur, ou plus vraisemblablement une maîtresse à aller combler de ses attentions. Une expression goguenarde passa sur mon visage, et mon voisin se méprit dessus :


« Allez Katz, crache le morceau. Qu'est-ce que tu as fait à mon eau pour avoir l'air d'un marchand nain qui vient d'arnaquer un honnête citoyen ? »
« Tu t'inquiètes trop, vieux. Bois avant qu'on reparte pour l'Arabie : j'ai entendu dire qu'on nous réclamait à nouveau là-bas, vu qu'on a brillé avec Loft, et si je me rappelle bien il faut chercher un moment avant de tomber sur un ruisseau décent... »
« C'est une blague ? »

Je pouvais voir sa mine se décomposer à vue d’œil en apprenant que nous pourrions repartir pour deux mois en mer. J'affichais un masque grave, de celui qu'on prend avant d'annoncer une mauvaise nouvelle.

« La liqueur de mûres va me manquer. »


Je finis rapidement de vider ma louche et céder ma place avant de succomber au fou-rire incontrôlable que je sentais poindre à la commissure de mes lèvres, tandis que derrière moi des remarques indignées s'élevaient. Repérant Friedrich, je m'avançais dans sa direction avant de remarquer qu'il s'arrêtait lui-même à hauteur du capitaine. Mes pas s'incurvèrent négligemment et je passais un peu plus au large du duo de gradés comme si ç'avait toujours été mon intention, surprenant tout de même les mots de permission et Klirduc. Probablement là où Friedrich...
Là où quoi ? Là où il avait sa famille ?

Je me l'imaginais soudain, au bras de sa femme et de ses enfants devant une petite chaumine de l'Ostland, au milieu de champs vaillamment labourés et avec Salkalten à l'horizon. Il aurait une... non, deux petites filles aussi brunes que leur père, et un garçonnet qui rêverait de marcher dans ses pas. Lui, il aurait le même regard, aussi franc que le reflet d'une épée. Le caporal avait la trentaine, un peu plus dirais-je : il était largement en âge d'avoir fondé son foyer, assez honnête pour élever ses enfants selon ses principes et les forcer à s'y tenir.
Jusque là, je n'y avais jamais songé ; jamais songé à l'apercevoir sous cet angle. Après tout, pourquoi pas ?

Je regardais avec aversion cette petite famille idyllique. J'avais l'impression qu'elle me volait quelque chose, qu'elle s'accaparait un bien dont je m'étais délecté à l'avance de la jouissance. Je compris, brutalement, ce qui était en train de m'arriver : je tombais naïvement amoureuse d'un idéal.
L'engagé était cet idéal. Il n'était pas juste l'idée d'un homme probe, avenant et avec le sens des responsabilités : il était ceci incarné. Pour l'avoir côtoyé pendant ces quelques mois, j'avais appris à connaître qui était cet entêté de petite taille, aux mèches sombres et à l'uniforme impeccable. Il était ce genre de brave bougre dont on rit au détour d'une plaisanterie chaleureuse, car tout ce qui lui arrivait de malheureux ne suffisait pas à l'abattre, et on exprimait notre affection au travers de ce rire. Je m'en rendais compte, repensant à toutes les fois où de pauvres hères et moi-même nous étions moqués d'autres monte-en-l'air : on peut voir combien une personne est estimée à la façon dont on rit d'elle.

Je ne riais pas de Friedrich comme je riais des autres hommes du régiment.

Et bien qu'il aille retrouver sa femme et ses morveux ! Je m'en fichais comme de ma première chaussette, tiens !
C'est la mine assez proche d'un assassin d'enfant en plein forfait que je repris le chemin menant aux casernements de la troupe, pour me réfugier au fond de ma piaule qui m'apparaissait désormais comme le seul endroit au monde digne de mon intérêt. Et, comme toute jeune femme qui se promet de chasser une pensée de sa tête, je me mis à la ruminer sous tous ses aspects.
J'avais assez brutalement troqué ma famille pour la compagnie douteuse des malandrins de tous poils, surtout parce que j'en étais une moi-même, avant que le guet ne finisse par me mettre sa douce main calleuse dessus et me coller dans les rangs, histoire de payer ma dette envers la bonne société de l'Empire. Inutile de préciser que mes relations avec les autres n'avaient jamais tenu de l'ordre de la confiance absolue, ni même de la seule affection, de près ou de loin : et ici, dans l'embrigadement militaire, au creux de la poigne de l'autorité (autorité que je haïssais par-dessus tout), j'avais découvert la camaraderie. Un bien précieux, qu'on ne pouvait ni mesurer, ni soupeser, ni échanger, mais qui faisait le bonheur de quelqu'un comme moi. Et de toutes les pièces que je comptais jalousement au fond de cette bourse, Friedrich était la plus lourde, la plus importante. Pourquoi ?
Je m'en fichais. Je ne voulais pas l'admettre, pas après avoir appris qu'il partait en permission rejoindre sa gueuse et ses probables rejetons. Pas après avoir appris qu'il comptait déjà davantage ailleurs, dans les comptes d'une autre.

Métaphore vénale s'il en était, reniflai-je en m'apercevant que je pleurais. « Hé non, Katz va rester une minable repentie solitaire pendant un petit moment encore. »

Il me fallut quelques instants pour me reprendre. Bon, je n'allais pas pleurnicher comme une gamine venant d'apprendre que son premier amour s'en va dans les bras d'une autre, même si comparer l'espoir que j'avais vu en Friedrich d'une vie rangée et enfin honnête avec une amourette adolescente relevait de la métaphore criminelle. Je me secouais mentalement les puces et sortis affronter le monde extérieur.
Après une soirée de libations et une matinée éprouvante, la plupart des soldats préféraient rester tranquillement à l'ombre pour récupérer en vue d'une campagne nouvelle (même que certains disaient qu'on repartait pour l'Arabie, ça alors !). Je n'eus pas trop de mal à en allécher certains en secouant mes dés d'un air provocateur, ou plutôt à piquer leur égo : les plus malins avaient bien vu que la chance me favorisait plus souvent qu'à mon tour et évitaient désormais soigneusement mes invitations à jouer, malgré mes protestations indignées vis-à-vis des doutes qui pesaient sur ma « paire de dés favorite ».
J'avais quelques heures devant moi avant que Friedrich ne revienne de sa permission et que je ne me passe les nerfs sur lui (après tout, s'ils étaient dans cet état, mes nerfs, c'était de sa faute) : autant les tuer en pigeonnant encore quelques camarades, ça leur apprendra à ne pas se méfier d'un Katz en colère.
Image
« Mon irrévérence est ma liberté. »

Musical Theme
Katz, auxiliaire impériale (éclaireur)
Profil: For 8 | End 8 | Hab 9 | Cha 8 | Int 8 | Ini 9 | Att 10 | Par 10 | Tir 10 | NA 1 | PV 30/60 *

* 1 Fulguropoing de Troll à la jambe droite
* 1 toucher amical d'épée à l'épaule gauche

« Engagez-vous qu'i'disaient ! Engagez-vous !
Et la solde, elle s'engage QUAND ? »
Compétences :
¤ Adresse au tir
¤ Ambidextrie
¤ Camouflage rural
¤ Jonglerie
¤ Réflexes éclairs
¤ Tir à déclenchement rapide


Équipement :
¤ Épée à une main (16+1d8 dégâts / 12 parade)
¤ Veste de cuir (Torse, dos et bras / 5 )
¤ Targe d'acier (4+1d6 dégâts / 14 parade / Déstabilisant)
¤ 4 dagues de jet (12+1d6 dégâts / Malus de -2 TIR tous les 6 mètres)
¤ 2 Bolas (Malus de -2 TIR tous les 8 mètres / Immobilisant)

Avatar du membre
Friedrich Hadler
PJ
Messages : 172

Re: [Katja|Friedrich] La dernière marche des soldats ostland

Message par Friedrich Hadler »

A l’instar de Friedrich et Katz, la majorité des soldats qui donnèrent leur avis choisirent eux aussi la montagne. Le capitaine Steiner entérina donc leur décision, et leur accorda dans la foulée une nouvelle permission jusqu’à la fin de la journée. A ces mots, la plupart des soldats se réjouirent et acclamèrent le capitaine. *Ils l’ont bien mérité. Autant qu’ils en profitent au mieux. D’ailleurs, moi aussi, je vais voir si je ne peux pas essayer de m’arranger pour passer voir maman.* Cette fois, aux yeux du caporal Hadler, l’occasion était trop belle pour ne pas en profiter pour passer voir sa mère. Cependant, il restait un obstacle à surmonter : celui de la géographie. Malgré l’heure matinale (il n’était que dix heures et demi du matin) le village était quand même loin pour un homme à pied, et, même s’il marchait le plus vite possible, il n’aurait que le temps de faire l’aller-retour : à peine arrivé, il devrait déjà repartir.
C’est pourquoi notre sous-officier eut l’idée d’aller demander à son supérieur si par hasard, un cheval et une voiture n’étaient pas disponibles (car Friedrich ne savait pas monter à cheval). Il s’approcha donc du capitaine et lui parla ainsi :


-Excusez-moi mon capitaine. Heu… Je voudrais rendre visite à ma mère, mais elle habite dans un petit village du nom de Klirduc à peine trop loin pour que je puisse le rejoindre à pied. Je me disais que si vous aviez une charrette non utilisée sous la main, et un cheval à faire travailler, j’aurais largement le temps de faire l’aller-retour et de passe quelques heures là-bas avant la soirée…

La chance voulut en effet que le capitaine ait sous la main ce que Friedrich avait demandé :

-Ca doit pouvoir se trouver, Hadler, si vous me laissez quelques minutes pour arranger ça. Et profitez-bien de votre permission chez vous.

Après avoir chaleureusement remercié le capitaine Steiner pour son geste, Friedrich s’empressa de prendre les rennes de la voiture que lui avait obtenue l’officier, et mit l’animal au petit trot afin d’arriver plus rapidement à Klirduc. Le voyage se fit sans mauvaise rencontre, et rien de notable n’eut lieu. Néanmoins, à mesure qu’il approchait de son village natal, la tension du soldat allait crescendo. Il savait qu’il allait devoir faire des révélations lourdes de sens qu’il n’avait lui-même pas encore tout à fait digérées, même s’il avait réussi avec effort à les dominer grâce à ses rituels quotidiens. Il avait en effet pris l’habitude de penser à tout cela seulement à son réveil, avant ses prières. Puis, afin de ne pas être rongé et détruit par ce poids terrible, il n’y pensait plus jusqu’au lendemain. Là, par contre, il se devait d’y repenser pendant le trajet. Sa mère lui poserait sûrement beaucoup de questions, et lui-même aurait à lui faire part de quelques interrogations. Ca allait être une journée placée sous le signe de la famille, ce qui, depuis le voyage en Arabie, était synonyme de journée de tristesse, de déshonneur et de souffrance chez les Hadler. Mais, si douloureuse que promettait d’être cette discussion, elle n’en était pas moins nécessaire. Friedrich se refusait à mentir à sa mère ou à lui cacher que son mari était toujours en vie, ainsi ce qu’il avait fait.
Le choc de l’annonce allait être très rude, et Friedrich voulait à tout prix chercher à préserver la dernière personne de sa famille proche dont l’image qu’il s’en faisait dans son esprit n’était pas écornée, salie, ternie, souillée. Aussi le caporal prit-il la résolution de préparer doucement Elena Hadler aux révélations qu’il allait lui faire.

Lorsqu’enfin il arriva en vue de Klirduc, après deux ou trois heures de trajet, il ressentit comme un soulagement. C’était encore là chez lui, rien ne semblait avoir changé, et il allait revoir sa mère. Sans plus attendre, le militaire rangea la charrette hors du chemin et attacha le cheval à un arbre. Puis il pénétra dans le village et alla droit vers sa maison, en saluant au passage deux ou trois passants qu’il connaissait. Il croisa même le vieux Iens Thorg, le forgeron du village, qui profitait du beau temps pour s’affairer à sa forge, qui était sous un simple auvent. Il le salua chaleureusement, car il se souvenait être venu plus d’une fois jouer avec le cadet de ses trois fils (qui étaient tous plus vieux que lui, d’ailleurs). Aux dernières nouvelles, l’aîné d’entre eux était parti parfaire son apprentissage de la forge auprès de maîtres plus renommés en Altdorf, et les deux autres étaient partis l’un à Salkalten, forger des armes pour l’armée, l’autre à Middenheim, où il y avait de l’argent à se faire pour un bon forgeron, paraissait-il. En tout cas, Iens avait parfaitement reconnu Friedrich et l’accueillit d’un
« Hé, mais qui voilà ! Notre valeureux guerrier est de retour. »
Souriant, Friedrich s’arrêta quelques instants :

-Iens, tu n’as pas changé... Comment vas-tu ? Et tes fils, des nouvelles ?

-Oh, rien de bien important. Ils vivent leur vie, maintenant. Alrok passe encore me voir de temps en temps, il m’apporte des nouvelles de la ville, mais sinon, c’est la routine.

-Bon, je te laisse, Iens, j’ai eu une courte permission et j’aimerai voir ma mère. Au plaisir de te revoir.

-Elena devrait être chez elle, je crois… Elle sera contente de te voir. A la revoyure, mon gars.


Arrivé devant la porte de la maison où il avait vu le jour, vingt-sept ans et quelques mois plus tôt, le caporal frappa trois fois à la porte avec les jointures de la main droite, comme à son habitude. N’ayant aucune réponse, il frappa de nouveau et attendit quelques secondes de plus. La situation devenait étrange. A priori, sa mère devait être chez elle, d’après Iens. Ceci-dit, la forge n’était située pas en face de la maison des Hadler, et le forgeron avait certainement voulu dire qu’elle n’avait rien de spécial de prévu, et que donc elle était probablement chez elle. Malgré cela, une inquiétude sans fondement apparent naquit dans le cœur du soldat qui frappa plus fort, cette fois avec son poing, en s’annonçant d’une voix forte :

-Maman, c’est Friedrich, ouvre s’il te plaît !

Non seulement il n’y eut encore une fois pas la moindre réponse, mais en plus, le panneau s’était entrouvert. Jamais Elena, en bonne fille de marchand, n’aurait laissé la porte ouverte si elle n’était pas chez elle, et son fils le savait pertinemment. Prêt à dégainer l’épée au moindre signe suspect, le caporal entra chez lui. La première chose qu’il constata était que tout semblait normal. Il se décida donc à s’avancer jusqu’au salon. Et le spectacle qu’il vit le glaça d’effroi.
Sa mère gisait sans vie dans le fauteuil, la gorge ouverte, et son assassin était là, tranquille, debout à côté d’elle.
Le sous-officier avait déjà vu la mort de près, y compris la mort d’innocents, avec le jeune soldat à Salkalten, et aussi en Arabie. Mais jusqu’à présent, aucune mort ne lui avait fait perdre ses moyens. Il avait toujours trouvé la force de se battre.
Là, c’était différent. Friedrich était tétanisé, paralysé, pétrifié. Le choc qu’il avait subi était si puissant qu’il ne pouvait même plus respirer, même plus penser. Sonné, incapable de bouger le petit doigt, ses yeux s’étaient arrêtés sur sa mère morte.
Puis l’assassin parla, et chacune de ses paroles transperçait le caporal comme un pieu de fer rougi au feu. Chacun de ses mots resta gravé à jamais dans la mémoire de Friedrich. Toujours incapable de faire le moindre mouvement, notre héros était soumis à une torture dix-mille fois plus intense que tout ce qu’il avait connu jusqu’alors.
Il ne tenta même pas de se défendre quand le tueur lui asséna un puissant coup de bâton qui le fit plier sous le choc. Il tomba face contre terre, les yeux toujours rivés sur sa mère, les paroles du meurtrier résonnant sans fin dans sa tête comme des lames qui fouillaient le tréfonds même de son âme. Quand le pied de l’homme le cloua au sol, il ne voulut pas résister. Vaincu sans combattre, il se surprit même à espérer que le criminel mette fin à ses jours. Mais il n’en fut rien. Le lâche s’en alla tranquillement en rengainant son arme maudite encore rouge du sang d’Elena Hadler, laissant derrière lui le cadavre d’une mère et un fils brisé.

Friedrich resta encore quelques dizaines de secondes sans la moindre réaction, avant de sentir une vague de chagrin le submerger totalement. Toujours face contre terre aux pieds de sa défunte mère, il pleura pendant un temps indéterminé, rampant misérablement et s’agrippant aux pieds de la morte comme si cela pouvait la ramener à la vie. Il se sentait vidé de toutes forces, il n’y avait plus qu’une immense tristesse. Un vide si immense et si horrible qu’il semblait que jamais il ne pourrait en sortir. Une seule chose comptait pour Friedrich : il avait perdu le seul être qui l’aimait vraiment sur cette terre. Il était maintenant tout seul dans ce vaste monde fade, tout seul pour l’éternité, car rien ni personne ne pourrait la remplacer, il en était sûr.
Bégayant toujours le même mot
« Maman » entre deux sanglots, il lui semblait que l’univers entier s’était effondré autour de lui. Il ne comprenait pas comment le soleil pouvait continuer à briller, les oiseaux à chanter, les humains à vaquer à leurs occupations. Ne voyaient-ils pas que tout cela n’était rien à côté de la tragédie qui venait de se passer ? Elena Hadler n’était plus de ce monde.

***


Après un long moment, des minutes, des heures ou des jours, il n’aurait su le dire, les larmes de Friedrich se tarirent enfin. A cet instant, il n’y avait plus en lui que le vide. Retrouvant un peu de ses forces, il sut qu’il fallait qu’il sorte. Délicatement, avec tendresse et amour, il se saisit du corps de sa mère et la prit dans ses bras, puis, tout doucement, pas à pas, il parvint péniblement à sortir de la maison. Un passant poussa un cri et rapidement, de nombreuses personnes accoururent cherchant à apporter leur aide à Friedrich, mais il était trop tard : on ne pouvait plus rien faire pour Elena. Devant tous ces gens, dont certains le pressaient de questions sur ce qui s’était passé, sur celui qui avait pu faire ça, il céda une nouvelle fois et se laissa submerger par ses émotions. Il serait tombé par terre si deux personnes ne l’avaient pas soutenu en voyant qu’il chancelait.
Difficilement, il parvint à articuler :


-Il faut que je l’enterre.

Sans lui poser plus de questions pour l’instant, les villageois se réunirent et en quelques dizaines de minutes, tout fut prêt pour la cérémonie. Friedrich lui-même avait profité de ce temps pour creuser le sol dans un coin du cimetière, non loin du village, avec une pelle prêtée par quelqu’un (il n’avait pas fait attention à qui). Le travail manuel lui faisait du bien. En creusant à s’en faire mal au dos et à s’en arracher la peau des mains, il se sentait mieux. Quand la tombe fut prête, le prêtre de Morr du village dirigea la cérémonie et Friedrich jeta lui-même la première pelletée de terre sur le cercueil. A la fin de la cérémonie, il tomba à genoux devant le petit monticule de terre sous lequel reposait sa mère pour l’éternité, et il parla à voix haute, de sorte que tout ceux qui étaient encore présent (et il y en avait beaucoup) puisse l’entendre et être témoin de son serment.

-Maman. Pardonne-moi. Je n’ai pas été là quand il l’aurait fallu. Je n’ai pas été là pour te protéger. Mais je te promets que je ne faillirai plus. Jamais plus je ne laisserais un être aimé mourir par ma faute. Je te le promets. Je t’aime tellement, maman... Tu me manques.

Quand il se releva, le caporal fut abordé par le prêtre et deux autres notables de la ville : ils voulaient en savoir plus sur ce qui s’était passé. Quand on lui demanda qui avait fait ça, il se souvint avec une précision terrible de tout ce qui s’était passé. Il revivait le choc, il revoyait les yeux de l’assassin, dans lesquels il n’avait lu aucun remord, aucune pitié, juste de l’amusement. Des yeux horriblement familiers, les yeux de son frère, dans lesquels il retrouvait maintenant ceux de son père. Cet ignoble barbare n’avait pas hésité à assassiner de sang-froid une pauvre femme désarmée. Il avait commis son forfait dans le seul but de faire souffrir. Le salon en désordre prouvait qu’Elena s’était défendue. Peut-être était-il entré en ami, avant de la trahir. Avait-il poussé la perversion au point de lui révéler ce qu’il était advenu de son mari et de lui révéler sa propre identité ? Friedrich l’imaginait. Puis, il avait insulté sa mère, sous ses yeux, et devant le cadavre « Je me suis dit que j'allais en profiter pour m'offrir un petit plaisir tu crois pas? Je pense que Papa ne m'en voudra pas, il n'avait jamais aimé cette sombre c*nne qui ne lui servait que d'alibi. » Il se souvenait mot pour mot de chaque phrase prononcée par l’assassin. Quand il pensait au chaos, à la mort, au sadisme et au mal, désormais, il voyait le visage de son père et de son frère dans son esprit. Ils étaient le mal suprême. Pire que des humains, pire que des bêtes, pire que des machines, c’était des démons à ses yeux. Un torrent de haine pure se déversa alors dans le vide laissé par la mort de sa mère. Une haine si profonde et si forte que jamais Friedrich n’en avait jamais ressenti de pareille.

Plantant son regard dans celui du prêtre, comme s’il le mettait au défi d’essayer de le contredire, il parla d'une voix d'outre-tombe :


-Rick Hadler. C’est Rick Hadler qui a tué maman.

Il se fichait de passer pour un fou. Il n’avait cure que les autres aient saisis ou non de qui il voulait parler. Il avait dit Hadler parce que ce nom le répugnait maintenant. Il lui rappelait son lien si proche avec son frère et son père, qu’il haïssait désormais plus que tout au monde, et pourtant il continuerait à le porter à vie, comme un fardeau.

Quelque chose avait changé au plus profond du soldat. Pour la première fois de sa vie, il avait envie de tuer. La haine l’avait emporté sur tout le reste, ses rêves d’un monde meilleur remplacés par des rêves de sombre vengeance. Sans aucune réserve maintenant, il allait s’associer au Duc pour traquer son père et son frère, sans relâche, jusqu’à ce qu’il les tienne à sa merci, et alors, enfin, il leur ferrait payer. Puis il s’occuperait de tous les autres criminels… Il n’hésiterait pas à employer pour parvenir à ses fins à employer des méthodes aussi brutales et immondes que celles employées par son géniteur, et il n’aurait aucun scrupule à balayer tous ceux qui se mettraient sur son chemin.

Sans le savoir, Rick lui avait donné d’importantes informations dont il ferrait usage, notamment qu’ils avaient suivi leur progression en Arabie, et qu’il y avait probablement un traître espion au sein de l’entourage du Duc. Parallèlement, un plan machiavélique naquit même dans son esprit pour se venger d’eux. A ce moment, il ne se rendait absolument pas compte qu’il était en train de devenir comme ceux qu’il haïssait. Pour le moment, il devait de toute urgence rentrer à Salkalten pour ne pas être en retard. Mais les maudits ne perdaient rien pour attendre : tôt ou tard, il les aurait. Avant de reprendre la route, il demanda aux notables s’ils connaissaient le nom de la ville où les Aedran avaient déménagé.
Dès qu’il eut sa réponse, il fit trotter son cheval et rentra vers Salkalten. Il était facilement visible qu’il avait pleuré, et son regard était effrayant. Sa haine le consumait sans qu’il ne s’en rende compte…
Lien fiche wiki : http://warforum-jdr.com/wiki-v2/doku.ph ... ich_hadler

Profil : FOR 10 / END 11 / HAB 10 (9*) / CHAR 10 / INT 10 / INI 10 / ATT 14 (13*) / PAR 14 (13*) / TIR 11 / NA 3 / PV 85/85
*: profil avec armure (bonus des compétences non inclus)

Compétences :
• Sang-froid : Votre personnage a ce qu'on appelle des «nerfs d'acier». Il sait rester maître de lui-même dans les situations les plus dangereuses. Bonus de +1 sur n'importe laquelle de ses caractéristiques lors de la réalisation d'une action dans un climat de stress et de tension mentale.

• Coups puissants : augmente les dégâts occasionnés à ses adversaires de + 1D3 pts de dégâts.

• Autorité : bonus de +1 lorsque, confronté à des militaires, il essaye de faire prévaloir son autorité, ses ordres etc.,

• Arme de prédilection : épées à une main : Bonus de +1 en ATT lorsqu'il en utilise en combat. Par contre, lorsqu'il utilise une autre arme que son arme de prédilection, il reçoit un malus de -1 en ATT et en PAR pendant les 1D3 premiers combats qu'il livrera avec cette arme, le temps qu'il s'y adapte.

• Alphabétisation : Votre personnage est capable de lire et d'écrire les langages utilisant l'alphabet du vieux monde s'il comprend ce langage.

• Langage secret : jargon de bataille : Votre personnage sait parler le jargon des batailles.

• Anticipation : Votre personnage, au combat, arrive à prévoir les réactions d'un ennemi. Pour analyser le style de combat de son adversaire direct, il lui faudra 2 rounds entiers. A partir du 3ème round, cette compétence lui permet d'avoir un bonus de +1 en ATT et en PAR contre ce seul adversaire. (Pour bénéficier de ce bonus contre un autre adversaire, il lui faudra l'avoir combattu pendant au moins 2 rounds)

• Adresse au tir (arcs) : +1 en TIR avec un arc.

• Volonté de Fer : Votre personnage se révèle être particulièrement très résistants à la peur, aux attaques mentales et à tout ce qui pourrait tenter de briser sa volonté. Il obtient +1 aux tests pour résister à un contrôle mental, à la peur etc…

• Parade : Double les points de parade de l'arme ou du bouclier utilisé.

• Coriace : Diminue de 1D3 les dégâts subis (jusqu'à un minimum de 1).

•Réflexes éclairs : +1 aux test INI en réaction à la surprise.


Equipement de combat : • Devoir (épée à une main) (18 +1D10, 12 Parade) Les morts-vivants, les démons etc… Que la lame touche subissent 1d6 dégâts de plus
• Bouclier d'acier (6+1d6 dégâts, 16 parade)
• Epée à une main (16 +1D8, 12 Parade)
• Cotte de mailles (9 protection, tout sauf tête -1 HAB, ATT et PAR)
• Arc court (26+1D8, -2 TIR/16 m)

Avatar du membre
[MJ] Le Djinn
Warfo Award 2021 du meilleur MJ - RP
Warfo Award 2021 du meilleur MJ - RP
Messages : 1199
Profil : FOR / END / HAB / CHAR / INT / INI / ATT / PAR / TIR / NA / PV (bonus inclus)
Localisation : Dans ma lampe...

Re: [Katja|Friedrich] La dernière marche des soldats ostland

Message par [MJ] Le Djinn »

Le soir tombait et le soleil partait se cacher derrière l'horizon quand la charrette de Friedrich arriva à Salkaten. Le coeur lourd, le jeune sous-officier entra dans la ville, salué par les gardes de faction auquel il ne prêta aucune attention, pas plus qu'à ses coéquipiers qu'au capitaine Steiner quand celui-ci l'interpella, à part pour lui dire que les chevaux étaient de retour à leur place initiale. Finalement, sans un mot ni un regard pour ses coéquipiers qui dînaient, le caporal partit droit vers son lit pour dormir un peu et tenter de faire le point sur la journée.

La pauvre Katja, quant à elle fût victime de ses excès passés, personne ne voulait jouer de l'argent ou quoique ce soit d'autres aux cartes ou aux dés avec elle. Ses pitreries ne plurent que moyennement aux soldats pour la plupart encore en décuve et bientôt l'imposteur se retrouva au coin d'une table à manger son gruau. La suite était presque trop convenue, les hommes fatigués s'en retournèrent à leur couche pour une bonne nuit de sommeil.


---------------------------------------------------------------------

Comme toujours le capitaine fit une entrée fracassante dans la salle à coucher pour réveiller la troupe avant de la mettre au travail: au menu ce matin, oeufs au plat, pain et patrouilles pour le groupe! Le repas se passa tranquillement, tous étant revigorés, quelques uns demandèrent à Friedrich comment sa journée de la veille s'était déroulée, mais peu purent dire avec certitude ce qu'il répondit.
Le petit-déjeuner emballé, les soldats furent répartis dans les escouades, à l'exception de Friedrich et Poigno que Steiner avait demandé à voir après le départ des autres. Katja fût quant à elle cantonnée à une escouade de six soldats qui partirent patrouiller dans le campement de réfugié le plus à l'Ouest de la ville, un endroit habituellement calme.

Dans une loge très simple un peu à part, le capitaine Steiner avait réuni Friedrich, Poigno, une table et une carte qu'il déroula devant lui.


-"Je vous ai laissé le choix de la destination, vous avez choisi la montagne, alors voilà notre prochaine mission: les monts du milieu.

Image

Montrant du doigt les montagnes sur la carte, il continua:

-"Un avant-poste nain à très récemment demandé des renforts à Salkaten contre une invasion de peaux-vertes qu'ils peinent à repousser, nous avons donc été choisis pour leur porter secours, avec un autre régiment qui nous rejoindra bientôt. Notre objectif secondaire est de convaincre un seigneur indépendant local de nous prêter main forte. Normalement se déclarer "indépendant" n'est pas admis dans l'Empire, mais comme il s'agit d'un fort isolé nul n'a vu de raison d'attaquer. Je voudrais que vous réfléchissiez à la meilleure manière de préparer ce voyage. Ce sera un petit test de commandement pour vous deux, nous partons au maximum dans une semaine, donnez moi votre réponse avant."

Moins d'une semaine pour trouver quoi faire, moins d'une semaine... C'était bien peu pour une expédition qui risquait de durer un bon mois! Même avec l'aide des nains... Et déjà les patrouilles revenaient, sans encombres à ce que Friedrich pouvait voir.
Enfermé dans une lampe pendant des siècles, cloisonné dans une pièce de métal par une malédiction... Puis un jour un naïf est venu, me libérant dans sa sottise... Tant pis pour lui... Et pour tous les autres.

Répondre

Retourner vers « Ostland »