Scragga était le meilleur ambuskeur de la tribu. Et peut être même de toute la forêt, car il était le meilleur des gobos. Donc normalement il aurait fait de la pâte pour aragne de son adversaire. Sauf qu'il avait triché le vilain, et qu'en plus Gork et Mork voulaient voir plus de sang verdâtre repeindre le tapis de neige immaculée de ces bois silencieux, dont la morne ambiance n'était percée que par les glapissements, railleries puis ris de guerre des peaux vertes qui en vinrent aux mains et aux armes pour se piquer mutuellement.
Scragga était le chef et il allait le rappeler à ce petit con de vert en lui foutant la raclée de sa vie.
Sauf qu'il glissait tout le temps sur l'eau gelée par les températures, sûrement une ruse infâme de ce fourbe traître. Et que la raclée prit petit à petit une allure de mortal kombat, aucun ne pouvant reculer, de crainte de perdre la face.
Au final, après moult passes d'armes échangées "alaloyale" les deux combattants se retrouvèrent dans une impasse tiléene, avec seulement un très léger avantage de rien du tout pour le misérable capo qui ne perdait rien pour attendre. Car il ne pouvait en rester qu'un.
Et comme Scragga était plus malin que l'autre gobo de traître, il allait la lui mettre à l'envers et le convaincre qu'en fait c'était le capo qui en fait était trop con pour comprendre que tout ça était qu'un malentendu dû à sa bêtise de gobo bête et méchant et traître.
Enfin ça c'était sur le papier. Dans les faits, son adversaire se contenta d'un "meh", pesant le pour et le contre, de ce qu'il faisait mieux de faire semblant de croire Scragga pour mieux le prendre en traître plus tard, le tuer tout de suite au risque de prendre un mauvais coup et y passer, et se faire une bonne bouffe de la cervelle de l'Ambuskeur, ou bien co'vaincre celui ci de se faire attacher pour le livrer à un des mini chefs de bande du camp.
Finalement, après avoir écouté tant son estomac que sa cervelle de grobi pendant un long et intense moment de réflexion - dix secondes - le capo baissa sa lance et s'apprêta à dire quelque chose à Scragga quand celui ci répéta du coin de l'œil une bête isue de ses pires cauchemars surgir brutalement des congères, fonçant vers eux au triple galop.
Elle avait un pelage de ténèbres. Des yeux rouges de sang, grands comme des fournaises. Et elle poussa un hurlement meurtrier où la haine, la rage et la violence bestiale qu'était sienne furent aisément synthétisées et communiquées aux deux grobis présents par un terrifiant GROIIIIINK !!!!!
Un sanglier les chargeait à toute vitesse. Et mêle s'il avait, pour une raison ou pour une autre, souhaité ne pas écraser sous ses lourds et meurtriers sabots l'une des insignifiantes créatures verdâtres, la simple inertie cinétique qu'était la sienne l'en aurait empêchée. Dans même pas deux secondes il allait presque sûrement encastrer ses défenses dans le corps du capo qui lui, n'avait rien vu venir.
S'étant détourné de Scragga pour fixer, bouche bée, le monstre de muscles qui avait surgit d'on ne sait où, le capo venait de livrer à son boss une occasion en or de le planter avec sa lance, lui donner un coup de pied pour le faire tomber ou autre tour lui permettant de se passer définitivement des services de ce traître encombrant qu'était son sous-fifre. En plus il pouvait même le faire avec un "Denis plozibl". Génial.
Ou alors il pouvait se tirer de là tout de suite parce que clairement le bouffeur de glands essayait de fuir quelque chose. Et ce quelque chose pouvait tout aussi bien faire son compte à l'Ambuskeur qu'au capo aux services certes appréciables mais désormais plus nécessaires. Donc mieux valait fausser compagnie au capo et, tandis qu'il se sacrifiait - involontairement - pour la cause goblinoide à ce qui était en train de courser le mammifère, Scragga, lui, aurait toute la l'attitude d'effectuer un "repli stratégique", dans la plus pure tradition des zéros de sa race.
A lui de voir ce qui conviendrait au mieux pour la défense des intérêts de la future et inéluctable hégémonie mondiale gobelin dont il aurait indéniablement la charge dans un avenir glorieux, une fois qu'il aurait convaincu tous ces idiots que c'était mieux que ça soit lui le chef, et qu'il aura purgé de la tribu les traîtres, les facétieux et les zinc à cables.
Ou quelque chose du genre. À lui de voir.