[Morwen Nidariel & Piero Orson] Quand les Hommes redeviendront des Bêtes

La province du Nordland est peu peuplée et ses régiments passent l'essentiel de leur temps à patrouiller le long des côtes pour les protéger des pillards du nord. Le Comte Electeur Theodric Gausser siège à Salzenmund.

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Morwen Nidariel
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Re: [Morwen Nidariel & Piero Orson] Quand les Hommes redeviendront des Bêtes

Message par Morwen Nidariel »

Le souffle court, les joues rougies où se collaient les mèches éparses échappées de ses tresses guerrières, elle posait ses yeux éclairés de haine sur le faciès difforme de l'homme-bête à terre. Elle l'aurait frappé de la hampe de son arme si Piero, par quelque instinct surprenant, ne l'avait devancée en fauchant le Gor d'un croc-en-jambe d'une rare efficacité. L'elfe lui avait jeté un regard mi-surpris mi appréciatif, avant de décerner à l'Estalien un sourire qui s'était voulu moqueur. Le genre de risette à dire : « Je sais d'où tu tiens ça ». Elle ferait mieux de se remémorer le passé trouble du Sudiste, et ses airs de gentilhomme coquin venaient bien davantage de la basse que de la haute.

« Tu ne sais pas ce qui t'attend » lâcha-t-elle dans sa langue à la créature à terre.

Blessée, son corps épais lacéré par les coups qu'elle avait reçus, elle se contentait de respirer bruyamment par les naseaux. Ses mains s'étaient serrées au-dessus de son ventre replet, presque dépourvu de la fourrure qui recouvrait autrement ses cuisses musclées et ses larges épaules ; l'Asrai pouvait voir que son cuir était bien plus rugueux et craquelé que celui de ses congénères plus chétifs, de même que la stature générale du Gor, maintenant qu'elle le voyait d'aussi près, était définitivement plus impressionnante.

Tout en lui ne lui inspirait que dégoût et sainte colère. Elle n'écouta que cette dernière lorsqu'elle lui frappa le museau du plat de son talon. Une fois, deux fois, plus encore ; elle se fit mal à la plante du pied, elle glissa sur les traits irréguliers brouillés de sang. Elle ignora les râles, les ruées de l'ennemi maintenu par un Piero qui ne pouvait qu'assister au spectacle brutal qu'elle offrait. Morwen n'avait pas le triomphe clément. Elle était aussi sauvage et barbare que son adversaire, et probablement pas moins cruelle. Les coups continuèrent de pleuvoir jusqu'à ce que les yeux de l'homme-bête se révulsent et qu'il s'immobilise dans une étrange posture raidie, son cerveau primal trop secoué pour avoir résisté à l'inconscience.

« Allez vous occuper de vos blessures, je me charge de celui-là » lança la guerrière d'un ton qui s'était voulu sans réplique, sa main pressée contre la déchirure que le javelot avait dessinée entre ses côtes.

Mais c'était en vain. Aucun de ses compagnons ne voulut la laisser seule à l'ouvrage qu'elle avait en tête : par inquiétude pour elle, ou animés d'une sorte de curiosité morbide, ou quelque autre raison encore. Alors elle les mit à contribution, et le sort qu'elle réservait à leur prisonnier apparut vite clair. Une corde des pièges installés plus tôt par Boerich et Piero pour attacher la créature à un arbre couché, brisé par les vents d'une nuit de tempête ; de petits trous creusés en cercle autour dans l'humus sec et odorant, débarrassé de sa neige. Sa lance et son nouvel épieu reposaient entre les bouleaux blêmes, car elle les avait troqués pour une courte lame de silex prise au corps d'un Ungor. Des préparatifs simples mais inquiétants réalisés au cœur des bois gelés du Nordland, dans le silence que seul rompit le craquement du givre et le grognement des hommes à la tâche. C'était peut-être la première fois en des siècles d'histoire que des humains s'y pliaient sous les directives d'une Asrai.

A vrai dire, même les elfes sylvains d'aujourd'hui ne les pratiquaient plus vraiment. Morwen était d'un autre âge.

Le combat s'était achevé dans la soirée et le temps que tout fut prêt au goût de l'Asrai la nuit était tombée. Chacun de ses camarades s'était occupé d'allumer un petit feu, rendu bien malaisé par la froidure et l'humidité dont la neige avait gorgé le bois mort des alentours. Encore une fois à sa surprise, Piero se débrouilla mieux qu'elle ne s'y était attendue. Ses errements sur les grands chemins l'avaient peut-être endurci face à la nature davantage qu'elle ne l'avait soupçonné.
Les flammes timides et vacillante des braseros sous le vent du Nord allongeaient tout autour du lieu choisi des ombres dansantes, dont le caractère imprévisible la rassurait. Quant au Gor il se réveilla ligoté au son de la voix chantante de Morwen.

Parce qu'elle chantait.

Une mélopée intimidante, pas si lente et mesurée qu'on l'aurait attendu de ce qui ressemblait si fortement à une cérémonie. Ses paroles incompréhensibles, délivrées dans la langue d'Ulthuan déformée par des millénaires d'acclimatation à la vie sauvage de la vieille Loren, qui s'élevaient dans l'air glacé et mal éclairé d'une nuit prise entre le faible feu des brasiers et celui des étoiles. On aurait pu s'essayer en vain à en deviner le sens : le rythme était celui d'un ressac de marée sous la pleine lune, montant, montant toujours plus haut et plus fort. Ses expressions ou rictus, creusés dans le relief de ses traits anguleux, aidaient à en suspecter la nature violente. Elle ne chantait pas immobile, car l'elfe dansait au diapason de son cantique. De plus en plus vivement autour de sa victime attachée, qui la suivait de ses yeux fendus avec une inquiétude croissante et de brefs brames. Elle les coupait chaque fois d'un vif coup de couteau qui arrêtait net l'interruption de la créature, dont le corps ne tarda pas à être cisaillé de toutes parts.
C'était une mise à mort spectaculaire, où l'Asrai se donnait tout à la fois le rôle de barde, de danseuse et de bourreau. Chacune de ces tâches semblait lui procurer une joie profonde malgré l'effort et la douleur que devait lui occasionner son flanc blessé.

Elle trouvait du plaisir dans l'art, dans la beauté d'un chant pur et d'une chorégraphie vivace.
Elle trouvait du plaisir dans l'exercice physique, la performance bien réalisée, le souffle qui s'extirpe d'une poitrine fatiguée mais heureuse.
Et enfin elle trouvait du plaisir dans la torture. Dans le sang qui coule et la détresse qu'on inflige à son ennemi.

Vint un moment où, sous l'observation muette des humains tenus en lisière du cercle tacite entourant le sacrifice, l'elfe se retrouva presque au chevet de l'homme-bête. Et là, son regard pour la première fois depuis le début de son rituel, se plongea dans celui de Piero. Bien malin celui qui aurait pu savoir ce qu'elle pensa à cet instant, bien malin aussi celui qui saurait pour quelle raison le puissant hurlement, quasi-animal, qui échappa de ses lèvres peintes était celui de Loec. Il fut suivi par une suite de hululements terrifiants qui coïncidèrent avec la plongée de la pointe grossière du couteau brandi, s'enfonçant jusqu'aux paumes dans la poitrine du Gor. La protestation qu'il articula se retrouva étranglée par l'agonie : on aurait dit qu'il étouffait soudain, que quelque chose noya sa gorge tandis que la sylvaine abaissait la lame encore et encore, pour massacrer son torse velu d'une volée de coups de poignard. Elle en eut les mains, les avant-bras, et jusqu'aux épaules et au menton éclaboussés d'un rouge couleur de prune fumant au contact de l'air. L'écho de ses cris prédateurs résonna aussi longtemps que celui des perforations assénées à la bête.

Haletante, presque échevelée - sa crinière, d'ordinaire un minimum tenue en ordre, s'était totalement défaite - elle leva les yeux de la dépouille ensanglantée pour dévisager les témoins de son rituel. On aurait dit qu'elle les jugeait plutôt que l'inverse. De longues secondes s'égrenèrent au cours de cet échange silencieux, où les portes du monde spirituel des Asrai s'étaient ouvertes pour une poignée d'êtres humains, leur révélant ce qu'il avait de plus terrible et de plus effrayant.

Et pourtant elle n'en avait pas fini ici, encore qu'à ses yeux c'était tout comme. L'essence de sa cérémonie était accomplie, sa prière s'était envolée poisseuse de rouge jusqu'au Cadai. Il ne lui restait que des signatures à écrire, comme le dépeçage d'après la chasse : du tranchant mal aiguisé de son couteau pris en trophée à ceux qu'elle avait tués, la guerrière entreprit de trancher dans les poils, la chair et les muscles. De ses deux mains mouillées et luisantes serrées autour du manche grossier elle découpa, obstinément, avec la rudesse d'un boucher face à une pièce trop résistante. Elle alla laborieusement chercher les fruits de son ouvrage, tels naguère les anciens du clan Nidariel le firent de leurs propres ennemis. Le foie, la rate, d'autres organes qu'il était difficile d'identifier et finalement le cœur noir de la bête. Sur chacun d'eux, avec la même tenace opiniâtreté, l'elfe épuisée grava une rune dont le symbole disparaissait entre les flopées d'humeurs et de sang que la lame déversait à chaque passage. Elle les disposait, sans manière, dans les trous creusés autour de la dépouille ravagée. Nombre de figures de son panthéon furent ainsi honorées, quoique ce fut le dieu farceur qui avait eu le véritable hommage : le Gor avait été tué en son nom, selon les voltes et les chants qui lui plaisaient le plus.

Elle était une danseuse de guerre. Comment ses prières auraient-elles pu être paisibles ?

Il faisait nuit noire lorsqu'elle eut tout fini. Barbouillée à en faire frémir un abatteur d'Averland, elle se tourna vers ceux qui l'avait protégée tout le temps qu'avait duré son rituel. Elle savait qu'ils n'adhèreraient jamais vraiment à ses pratiques, et que la sauvagerie cruelle dans laquelle Morwen baignait ne risquait guère de lui attirer autre chose qu'incompréhension et peur. Mais, quelque part entre le monde des hommes et celui des elfes, il pouvait exister un terrain d'entente aux allures de champ de bataille.

Elle était prête à l'accepter, à nouer des liens dans le feu des combats. Quant à ce que ses camarades y soient autant disposés, c'était une autre histoire...
Image @par Pierre Huot
Morwen Nidariel, Voie du Danseur de Guerre
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* : Bottes du voyageur + Peinture de vivacité
** : Tatouage de Loec

Score d'esquive de base :
16 (Hab) + 2 (Tatouage de Loec) + 1 (Aspect du serpent) + 2 (Acrobatie de combat, Danse de Morrslieb) = 21

Compétences de combat :
Arme de prédilection (lance)
Bravade
Danse des ombres

Arme :
Lance à deux mains : Rapide (-2 Parade/Esquive), Longue (-2 Attaque), 25 + 1D8 dégâts, 10 Parade




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« Le jour où tout sera fini, où j'aurai payé toutes mes dettes et où j'aurai gagné leur confiance, je pourrai enfin rentrer... »

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Piero Orsone
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Re: [Morwen Nidariel & Piero Orson] Quand les Hommes redeviendront des Bêtes

Message par Piero Orsone »

Comme les loups autour d'un cerf blessé, ils s'étaient rassemblés. Blessés, la chaleur du combat s'élevant loin de leurs corps que le froid venait déjà embrasser à nouveau. Boerich et Fulgrad étaient des hommes du Nord. Et pourtant eux aussi tremblaient, grelottaient. Le froid, l'exhaustion. L'appréhension face à ce qu'allait faire la chasseresse.
Le Gor se débattait comme un beau diable. Créature répugnante si il en est. Mais ce que le Trantien ne s'attendait pas à observer, c'était le déchainement de fureur de l'asrai. Une amertume lui remonta dans le gosier en entendant les braiments pitoyables de son adversaire alors qu'elle s'acharnait sur son mufle à coup de talon. Il ruait, peut être même suppliait-il dans son noir langage. Mais comment prendre-en pitié un être si corrompu, si abject...C'était ridicule. Une faiblesse, on pouvait s'apitoyer sur le sort des hommes, sur le sort des bêtes, mais pas sur le sort des hommes-bêtes...

Fulgrad pansait les blessures de Boerich. Peut être que leur sang de bâtards norsiens mélangés à celui des tribus barbares qui peuplaient l'antique territoire qui constituait l'Empire actuel leur faisait pré-sentir ce qui allait arriver. Mais ils étaient plus nerveux qu'un cheval boiteux près d'un abattoir. Le soleil était allé mourir entre les frondaisons des sapins nordlander. Le bras bandé, il suivait les instructions de l'Elfe avec une curiosité fiévreuse. Ses yeux noirs s'attardèrent sur le Gor ligoté à un arbre. Des bribes remontèrent du lac sans fond d'éthanol et de larmes amères qu'était sa mémoire. De nuits obscures dans les piémonts des Appucinis où Fantini s'asseyait devant un garde à la gueule amochée pour lui soutirer des infos. Des regards craintifs que lui même, à peine plus haut qu'un sac de pommes, jetait à son père de substitution et à l'éclat de sa lame de rasoir, des cris de goret et des rires gras de l'assemblée.

Mais nous n'étions plus dans les montagnes, il n'était plus un bandit et Fantini reposait dans une fosse commune glaciale quelques milliers de lieues au sud d'ici. Mais à la pâle lueur de la Lune au dessus des sapins et des bouleaux son regard était tout aussi craintif, curieux.
Et l'Elfe se mit à chanter. Combien d'hommes n'avaient jamais entendu chanter une elfe ? Peu, et encore moins étaient en vie pour s'en vanter.
Mais les chants de Morwen n'étaient pas des odes à la vie, même si il n'en comprenait aucun mot, ils faisaient battre son palpitant plus vite, comme le lapin entendant les hurlements à Mannslieb des loups. Elle dansait, mais ces arabesques lui semblaient plus celles d'une poupée désarticulée mues par les fils de quelque marionnettiste fou que les mouvements de grâce d'une artiste des planches.

Son corps ondulait, aspic agile qui frappait le gor de ses crocs. Sur la route de Los Cabos, dans les plaines du Sud-Estalien, il y a de cela quatre années si les comptes étaient bons, il avait assisté au spectacle sanglant et malsain de la Tauromachie, quand un homme se prenant pour un guerrier faisait face à un taureau de combat à la robe noire et luisante et aux cornes blanches comme la nacre. Sa danse consistait à enfoncer ses banderillas et ses piques dans l'échine de l'animal en esquivant ses redoutables coups de crâne. Nidariel faisait à peu de chose la même. Ses chants s'élevant du fond du ventre en prime. Comment un être aussi gracieux et agile pouvait éructer des bruits aussi étranges et bestiaux ? Il frémit en sentant un frisson contre sa nuque lorsque ses iris de prédatrice s'alignèrent avec les siennes. Tel le matador, la fée des bois asséna l'Estocade à coup de poignard dans la poitrine du monstre. Les cris d'agonie et ceux d'un plaisir monstrueux lui remuèrent les tripes.

Par le con de toutes les Reines d'Estalie, c'était terrifiant. Celle qui était déjà pas vraiment une créature commode était couverte d'hémoglobine comme un chien de chasse à la curée. Les organes contrefaits et couverts de tumeurs infestées de vermine du gor gisaient dans des trous. Il regarda morwen encore un peu, elle pantelait, le sang sur son corps tatoué fumant dans le vent septentrional. Même les barbares de Norsca auraient fait un pas de recul, mais il restait là, à la fixer. Un cocktail d'émotions contradictoires moussait dans le fond de son crâne perclus par la fatigue du combat. Ce qui était sûr néanmoins, c'est qu'il avait vu ici la sauvagerie monstrueuse enfouie dans le cœur des Asrais.

Ce qu'il devait en penser par contre, il n'en avait pas la certitude. Mais en se tournant vers les deux autres humains il articula un simple :
-Rentrons au village.
Piero Orsone da Trantio, explorateur
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"Ma qué ?!"

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[MJ] Le Djinn
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Re: [Morwen Nidariel & Piero Orson] Quand les Hommes redeviendront des Bêtes

Message par [MJ] Le Djinn »

Les regards que jetaient Boerich et Fulgrad ne laissaient pas place au doute concernant leur appréciation du petit manège de Morwen: ils n'avaient pas du tout apprécié. Le prêtre d'Ulrich, pourtant habitué aux déchaînements de violence et aux combats sanglants, plissait les yeux en maugréant à propos des "pratiques de barbares" que lui inspiraient cette cérémonie improvisée. Le chasseur nordlandais, loin d'être juste dérangé ou agacé, était outré. Il ne voulut même pas observer la scène, préférant détourner les yeux tout en essayant de retenir un bout de chair qui pendait un peu trop, le temps que le religieux lui bande la plaie.

Le sang du Gor couvrait désormais l'autel de la Pierre Gardienne, le liquide écarlate séchant sur la roche et les dernières décorations non-arrachées des hommes-bêtes. Las de tout ce massacre, Fulgrad déclara:

Image-"Partez devant, je vais finir de nettoyer la Pierre. Retrouvez-moi au hall, je ne serai pas long."
Et ainsi ce fût fait. Les humains ne le remarquèrent pas, mais aux oreilles de Morwen le chant des arbres avait changé, varié légèrement malgré leur sommeil en cette saison. Il y avait un côté plus tranquille à la mélopée des arbres, comme le ronflement doux d'un animal qui venait d'échapper à un mauvais rêve. Peut-être que leur action n'avait pas été complètement inutile, finalement.
L'accueil au village par contre ne fût pas à la hauteur de l'exploit réalisé en ce jour. Les paysans observaient le trio de tête avec un air de mépris doublé de dédain ainsi qu'une peur manifeste. On entendait les murmures et les soliloques:


-"Avec ça les bêtes vont venir pour nous, ouaip..."

-"Z'ont apporté la mort avec eux..."

-"Ca y est, on est foutus..."

Que ça soit par la crainte ou le désespoir, les humains semblaient bien peu réceptifs au combat mené, s'inquiétant davantage des répercussions futures que de l'action immédiate. Peut-être avait-il raison? Ou alors avaient-ils perdu espoir au point que même la victoire ne pouvait plus les rassurer. Boerich reprit la parole.
Image-"Je ne vois pas le reste du groupe. Ils doivent être loin à présent, j'espère qu'ils s'en sortiront, on a jamais assez de bras dans le coin. Oui, j'espère qu'ils s'en sortiront..."
Et ils se retrouvèrent là, attablés dans la salle commune, seuls à se regarder en chien de faïence. Le trappeur ne disait rien, essayant de se concentrer pour diminuer la douleur, en vain. Après une quinzaine de minutes dans le silence la porte s'ouvrit en grand et Fulgrad apparut, une large bouteille opaque en main.
Image-"Une surprise pour célébrer cette victoire! Une bouteille d'eau-de-vie d'oignon de ma propre cuvée, attention c'est pas pour les femmes!"
Se souvenant de l'existence de Morwen, il baragouina quelque chose d'un air contrit et posa quatre verres en terre cuite sur la table qu'il remplit assez généreusement. Il leva ensuite le récipient et lança un "trinquons!" avant que chacun engloutisse son verre.
Test d'END: Morwen: 11, échec, Piero: 5, réussite.
Ce n'était pas une boisson mais un véritable poison! Le goût était terrible, comme un mélange d'oignon et d'huile à brûler! Et le degré aussi devait atteindre des sommets stratosphériques, de quoi assommer un ogre en une lampée. Si Piero réussit à tenir le choc et à ne pas sombrer dans l'ébriété, ce ne fût pas le cas de Morwen. Était-ce à cause de sa constitution elfique plus frêle ou juste d'un manque d'habitude comparé à son compère du Sud? Toujours était-il que le monde sembla se dédoubler sous ses yeux et qu'elle tanguait atrocement! Puis il y eut pêle-mêle le rire nerveux, l'énervement soudaine, le chagrin intense, toutes ces émotions que les asrais aimaient à faire exploser au lieu de les garder cachées comme leurs cousins d'Ulthuan.

Demain verrait la bataille se poursuivre et de nouveaux choix être faits, mais pour ce soir… Il n'y avait plus qu'à boire, manger et se reposer!


Morwen: +2 PdC pour Kurnous, +1 PdC pour Loec.
Enfermé dans une lampe pendant des siècles, cloisonné dans une pièce de métal par une malédiction... Puis un jour un naïf est venu, me libérant dans sa sottise... Tant pis pour lui... Et pour tous les autres.

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Morwen Nidariel
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Re: [Morwen Nidariel & Piero Orson] Quand les Hommes redeviendront des Bêtes

Message par Morwen Nidariel »

Morwen faisait partie de ces guerriers qui étaient au désespoir ce qu'étaient les chiens de combat aux plaies ouvertes : elle le reniflait, plus amer que le limon des berges marécageuses. Elle le sentait planant dans l'air tandis que leur groupe hétéroclite, de l'affrontement dont aucun n'était sorti sans plaie marquent sa chair, s'en revenait dans l'enceinte de la ferme fortifiée. Il se serait bien passé de mots, quoique ses oreilles effilées à l'ouïe supérieure les percevait lâchés avec aigreur sur leur passage ; elle le voyait dans les yeux un brin plissés, souvent tournés vers le sol boueux ; elle le percevait dans les discrets frémissements qui semblaient secouer l'échine des moins braves lorsqu'ils surprenaient, l'œil torve et brun, une traînée de sang sur le lin ou l'acier qu'ils portaient. En d'autres jours elle s'en serait agacée, et l'elfe n'aurait pas manqué de faire savoir la colère que lui inspirait si peu de gratitude.

Mais de la colère elle n'en avait plus, pas après la lutte et la cérémonie si intime, si brutale, que l'Asrai avait conduite sous le couvert des bois nocturnes. C'était même presque le contraire, car elle avait encore malgré les épreuves et la douleur, voire surtout à cause d'elles, un goût de victoire dans la bouche. Et quelque chose au fond de son cœur pour une fois satisfait la poussait à le partager. Elle rappellerait à ces humains, fût-ce pour un soir, fût-ce pour n'être qu'un moment dont la vivacité ne perdurerait qu'en une confuse souvenance, ce qu'était le sentiment d'avoir gagné.

N'était-elle pas une danseuse de guerre ? Elle avait appris, au fil des batailles, à célébrer les triomphes quelle que soit leur envergure.

Aussi n'était-elle pas si morose lorsque le forestier, revenu de ses tâches, les avait rejoints avec à la main une bouteille de son alcool qu'elle devinait déjà si ignoble. Les elfes des forêts n'étaient pas si lents à faire la fête, et quiconque avait droit de séjour en Athel Loren savait bien combien ils étaient prompts à orner leurs tables des pichets d'argent ou de terre cuite ouvragée au stylet, d'où l'on versait le vin capiteux et puissant des vignes éternelles... Mais les Nordlanders lui donnaient l'impression de ne pas passer plus de deux lunes sans s'envoyer par le gosier quelque liqueur âcre et brûlante, aussi dépourvue d'arôme que l'était de couleur le regard grossier qu'ils portaient sur les merveilles du monde.

« Vous saurez que chez les Asrai, ce ne sont pas les femmes qui ont des difficultés à boire ! » lança-t-elle, la voix un brin éraillée de son rituel de tantôt.

Elle avait l'allure pour appuyer son propos crâneur : des coulées maculaient encore, comme de vieux reflets de rouille, la peau pâle de ses avant-bras qu'une toilette sommaire aux touffes d'herbe et à l'outre d'eau n'avait pu totalement effacer.
L'elfe montra l'exemple, peu au fait de ce que trinquer voulait dire chez les hommes. La boisson avait moins de saveur, était moins plaisante et sucrée, que ce que Boerich tirait des mûres fermentées autour de Beeckerhoven. Elle n'en fit pas moins infuser presque aussitôt dans le bas de ses reins, le long de ses membres, une chaleur que l'atmosphère étroite de la pièce appuyait déjà. Dehors l'hiver grondait doucement comme le grognement ininterrompu d'un fauve ramassé, mais il n'avait plus guère d'emprise entre quatre murs bien peuplés où l'on servait à la fois la gnôle et la satisfaction d'avoir survécu au combat.

« C'aurait pu être pire si nous n'étions pas intervenus » fit-elle remarquer, un éclat espiègle dans le coin de ses yeux noirs, en désignant les blessures sommairement bandées de Piero et Boerich. Son nous, qui englobant manifestement leur hôte ainsi qu'elle-même, s'était voulu aussi orgueilleux que camarade. « Il va falloir apprendre à vous défendre tous seuls ! »

C'était une injonction honteusement provocatrice si l'on tenait compte des corps qui avaient déjà encombrés les pieds bottés de l'Estalien. Elle lui en fit la remarque avec un sursaut de son accent sylvain, qui découpait si musicalement les mots simples et rigides des êtres humains.

« D'ailleurs laissez-en un peu à notre chasseur. Comment voulez-vous qu'il apprenne si vous les lui volez tous ? »

Morwen, qui trempait déjà à nouveau ses lèvres couleur de prune dans le liquide transparent du tord-boyaux, esquissa derrière le gobelet de vieux bois patiné par l'âge un sourire que les siècles n'avaient pu affadir. Comme elle transparaissait alors, l'elfe rieuse et pleine de vie qu'elle avait naguère été ! Comme, dans cette fin de soirée tirant sur la nuit, au milieu de la pierre et du torchis, sa voix chantante commençait à résonner !

Elle savait que des échos de leur discussion filtraient dans les pièces attenantes. Elle savait, alors, que certains des villageois commenceraient à tendre l'oreille. Qu'on les épiait, en quelque sorte, eux les guerriers étrangers qui venaient prétendument menacer leur survie, notamment en tuant leurs propres ennemis. Et bien qu'ils épient ! Qu'ils se rendent compte que la mort de leurs bourreaux c'était le renouveau des rires, des conversations dépourvues d'inquiétude, des instants où l'on osait se faire entendre parce qu'on était maître chez soi, et que la vie était assez rude pour ne pas la priver de joie !

« Allez maître Orson » Elle parvenait à glisser dans ces quelques mots l'amusement moqueur d'un sobriquet. « Prenez votre instrument, j'ai quelque chose à vous apprendre si tant est que vous arriviez à apprendre la moindre chose de moi. Ce n'est pas quelque chose de gagné... »

Nous l'avons dit : elle était une créature changeante. Avec bien des visages, qu'elle ne cachait en rien, qui la traversaient avec bien plus d'authenticité que de simples masques de théâtre. Elle était tout à la fois cette elfe maussade, ombrageuse, que plaisantine et malicieuse. Elle rendait au monde ce que le monde lui donnait, car c'était là la nature sincère des Asrai.

Lorsque le Sudiste obtempéra, sans doute curieux de son manège, et qu'elle eût vidé le fond de son gobelet pour se réchauffer la gorge, Morwen s'assura d'avoir l'attention de tous d'un regard qui embrassa tout le petit groupe. Alors, avec un amusement transparaissant tant qu'il en prenait une tournure presque enfantine, elle entama un couplet. C'était une chanson elfique d'une extrême simplicité, guère éloignée de la comptine, et tenant en bien peu de paroles aisées à retenir.

« Répétez, ce n'est vraiment pas compliqué. Et dépourvu de la moindre magie » , crut-elle bon d'ajouter avec un sérieux mortel, dont il était difficile de deviner s'il tenait de l'encouragement naïf ou d'une énième marque de taquinerie. « Et vous, trouvez-nous un air qui accompagne, vous devez bien avoir ça dans la manche ! »

Elle les poussa, avec bien des rires et démonstrations de désespoir simulé devant leur performance, à produire la chorale dont elle s'était improvisée le maître d'orchestre. L'alcool, la satisfaction du combat remporté, son attitude soudainement amicale et entraînante, se confondaient pour transformer la guerrière colérique en camarade de soirée aussi volubile que plaisante.

Un vétéran des armées impériales aurait remarqué qu'elle se serait fondue sans mal auprès de ces feux de camp lors des longues campagnes, lorsque chacun et le plus expérimenté le premier apportait sur un plateau un bout de son âme, de ses histoires ou de ses chansons, qu'il offrait aux autres pour les encourager à faire de même. Le sang qu'on avait fait couler de concert rapprochait, parfois au-delà des barrières des espèces et des cultes, lorsqu'on prenait le simple risque de tendre la main à son frère d'armes.

Parfois l'Asrai grimaçant, parce que ses subites pitreries - elle avait les gestes vifs, rapides, et ne se privait pas d'en faire pour accompagner tout ce qu'elle disait - tiraient sur la blessure qui lui cinglait le flanc. Mais alors, surprise dans sa douleur, elle renvoyait aux humains un sourire mi-crispé mi-éclatant, et s'empressait de leur signaler leurs propres balafres. Elle se muait alors en une sorte d'ennuyeuse creature, grande et mince elfe à la crinière embrasée sous le reflet des bougies, qui soulignait avec force arrogance simulée la balourdise de ses compères...
Image @par Pierre Huot
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Score d'esquive de base :
16 (Hab) + 2 (Tatouage de Loec) + 1 (Aspect du serpent) + 2 (Acrobatie de combat, Danse de Morrslieb) = 21

Compétences de combat :
Arme de prédilection (lance)
Bravade
Danse des ombres

Arme :
Lance à deux mains : Rapide (-2 Parade/Esquive), Longue (-2 Attaque), 25 + 1D8 dégâts, 10 Parade




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« Le jour où tout sera fini, où j'aurai payé toutes mes dettes et où j'aurai gagné leur confiance, je pourrai enfin rentrer... »

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Piero Orsone
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Re: [Morwen Nidariel & Piero Orson] Quand les Hommes redeviendront des Bêtes

Message par Piero Orsone »

Une pierre, une grosse pierre, magique ou enchanté peut-être, vestige d'un temps immémorial antérieur à celui de l'Homme ? Probablement. Dans tous les cas, les souillures hommes-bêtes avaient été retirées. Lavées dans le sang du Gor immolé aux dieux elfiques. Du moins, oui, les elfes avaient sûrement toute une palanquée de divinités, comme eux. Après tout, il en fallait pour chaque aspect de la vie, chaque facette des hommes et des elfes. Des dieux à honorer, des dieux à prier. Les Nains eux, ils ont leurs ancêtres.

Piero sourit en emboitant le pas de Boerich. Prier les ancêtres. Arrière-grand-maman pourrait parfaitement remédier à toutes crises depuis là où elle se trouvait. Qui qu'elle fut. Si les Estaliens et les Tiléens n'étaient pas avares en glorification de leurs aïeuls, il fallait bien que le sort le fasse sortir du ventre d'une putain engrossé par un aventurier insaisissable. Bâtard Salvadore, grande famille d'une chefferie égarée dans les plaines de la Péninsule, bâtard Orsone, économistes de bouts de chandelle, repriseurs de jupons, fertile lignée agnatique donnant soldats, tailleurs de pierre et lavandières à une ville grouillante. Étouffante l'été, ardente, alors qu'ici il n'y avait que le froid, le vent, les hommes du nord...Une elfe.

Ils entrèrent dans ce trou. Ces regards torves, méfiants, brutaux. En quoi cette masse efflanquée, prolifique, terne et sans but autre que sa propre subsistance différait-elle des créatures de la forêt ?
Hommes, bêtes, hommes-bêtes, elfes, nains, halfelins, ogres, créatures d'ailleurs et de nulle part, toutes ne désiraient que de se remplir la panse et de se vider par quelques orifices aux fonctions variées. Et une fois cet objectif primaire et inévitable atteint il y avait le reste. L'art, l'ambition, le désir, les rêves, l'espoir...
Un espoir de changer le monde comme Fantini, des rêves de soierie et de reconnaissance pour Hélène, des rêves d'or et de richesses pour les autres. Les rois dans leurs palais de pierre rêvaient de plus grand, les mendiants sous l'arche des ponts rêvaient d'un repas consistant et de chaleur humaine. Lui, Piero Orsone Salvadore et tutti quanti, il ne rêvait que d'une bière. Une bière et qu'une sublime créature s’asseye sur ses genoux en lui passant le bras autour des épaules. Tous ces beaux minois qui se sont évanouis, comme dans cette chanson qu'il aimait tant chanter.

Il grogna en se posant sur le tabouret. Boerich, Morwen, lui, les témoins discrets et nerveux qu'étaient les femmes de la Maisonnée dans les recoins sombres de la grande salle, disparaissant comme des souris si l'un tournait la tête. Le chasseur rompit le silence. Il répondit :

-Ils sont fous, ces boschi sont mortal, et il n'y avait qué Loudéhigue pour sé battre. Dou suicidio...À moins qué. Peut-être...Avec un peu d'optimisme. Peut-être qué les hommes-bêtes étaient concentré sur nous et ils auront atteint leur but. Peut être...

Peut être aurait-il-dû pousser Ludwig et Joanna, et toute la troupe, à rester. Au moins un jour de plus. Pour partir avec eux. Certes il n'était guère un grand combattant, mais il aurait pu aider. Il aurait dû aider. C'était trop tard, ressassa-t-il en se lissant les bacchantes, fixant les rainures de la table comme pour y déceler tout autre chose que du bois et des rayures.

Le grand Fulgrad arriva après un temps qui parut toute une vie. Et il ramenait de l'Alcool ! Certes pas de la bière, mais peut importe le godet pourvu qu'on ait la tête dans le cirage quand on voit le fond du verre. Il haussa un sourcil, de l'oignon ?! Par Myrmidia, Shallya et Ranald, quelle terre barbare.
Replaçant son chapeau en arrière, il attrapa ensuite le gobelet en lorgnant avec un sourire non dissimulé l'Ulricain bredouiller. Il avait tranché un homme-bête en deux mais il s'empourprait pour une remarque de fond de grange.
L'aventurier leva son verre et emboita le pas à Morwen en envoyant une goulée de gnôle lui brûler le palais.
-Ié rétire tout cé qué ié pou dire dé la cerveza bretonnienne, grogna-t-il en reposant son godet. Même les pires troquets de Sartosa n'auraient pas offert ça. Mais bon sang qu'il en avait besoin. Ses pommettes chauffèrent, il retira son chapeau en fixant l'elfe sur qui l'alcool semblait faire un effet bien plus désinhibant. Ses sourires complices, son regard malicieux, ces tatouages...Elle attisait en lui des flammes presque aussi ardentes que l'eau-de-vie d'oignon.

« D'ailleurs laissez-en un peu à notre chasseur. Comment voulez-vous qu'il apprenne si vous les lui volez tous ? »

Répondre, vif, du tac au tac. Toujours.

-Ié né m'en fait guère pour sier Boerich. Lui et moi partageons oune passion commune : Tirer des coups !

Il rit grassement avant de reprendre un peu plus de cet immondice dont il ne pouvait se passer. Même la peau opaline de la Dame des bois s'empourprait sous l'effet de la boisson. Elle était plus vivante, plus proche d'eux que jamais. Elle était accessible, humaine. Elle n'était plus cette elfe intrigante, elle était avec eux, elle s'était battu avec eux, elle buvait avec eux. Fulgrad, Boerich, elle. Karl... Peut être que pour cette fois encore, il pourrait penser au pluriel et non pas que pour lui même. Peut être...

« Prenez votre instrument, j'ai quelque chose à vous apprendre si tant est que vous arriviez à apprendre la moindre chose de moi. Ce n'est pas quelque chose de gagné... »

Une vraie renarde cette Morouène !

-Vous seriez sourprise dé cé qué ié peux réténir Dame du clan Nidariel. Et encore plous sourprise dé cé qué Piero Orsone Manicha Enrico de Riviera di Cruz da Trantio pourrait vous apprendre à vous.

Avec un clin d'oeil complice il regarda la danseuse finir son verre. Avec un certain étonnement, ses lèvres s'entrouvrirent et Morwen chanta.
Elle chantait et elle les incitait à la suivre. Amusé, presque subjugué, il obtempéra et la mandoline laissa bientôt filer des notes mélodieuses, rapides, bondissantes comme les elfes dans leurs forêts et les chansons qu'ils aimaient. Le peuple des Aulnes.
Lui le peuple de Tylos, se prêta au jeu et chanta, avec une voix moins éthérée, une voix plus grave, une voix du Midi aux sonorités profondes que l'alcool et l'hiver avaient encore plus creusé. Jusqu'à la fin de cette enivrante mélopée, son regard se sertit d'une lueur malicieuse. Cette nuit était la leur, et on chanterait. Ses doigts s'accélérèrent sur les cordes de son instrument alors qu'il dévisagea ses compagnons d'arme.
Petit Jo' est arrivé à Marienburg, sur le Reik gris,
Pays perdu, sombres canaux,
comme tout le vieux monde qui s'entasse dans la crasse
celle qui colle aux godasses
Débarqué à Luigistadt, de la famille des tiléens, protégé par les siens
Héritier d'un prince notoire, P'tit jo' ton destin entrerait dans la sombre histoire,
Hey Jo, tu s'ras l'baron, tu s'ras l'parrain de tout le quartier des tiléens.
Mais Jo, à la p'tite Luccini, t'y pass'ras toute ta vie et t'y crèveras aussi
Pas bien grand t'as commis tes premiers larcins, dans toutes les rues chez tous les commerçants du coin.
Adolescent tu f'sais déjà partie des spadassins, tes gars étaient dans la « famiglia »
Pour toi on gérait les paris, les combats d'chiens, on cognait les halfelins.
À vingt ans t'étais la terreur des Rémains, le dauphin du bon Giuseppe.
Quand sa pipe s'est cassée, t'es devenu le seigneur de sa Cité.
Jo' c'est toi l'baron, c'est toi l'parrain, de tout le quartier des tiléens.
Mais jo à la p'tite Luccini, t'y pass'ras toute ta vie et t'y crèveras aussi.
Hey Jo' fait gaffe, on parle déjà dans ton dos, tes capitaines sont des estaliens, tes soldats des fils de Trantio.
Hey Jo' fait gaffe un jour on va t'trouer la peau, par quel moyen c'est la question, à coup d'surin à coup d'canon
Entends-tu leurs pas dans ton dos ? Les voilà qui s'approchent.
Hey Jo, fait gaffe car ta fin est toute proche.
Au p'tit matin, la p'tite Luccini s'est réveillée, ensanglantée, orpheline, de son parrain.
On l'a retrouvé tout flottant dans les canaux, une dague dans l'dos.
Mais j'imagine qu'avant d'partir étreindre Manann, tu te perdais avec de mauvaises femmes.
Et sur tous les murs du quartier ces mots ont été gravés, ton épitaphe, gravée à la craie
Jo t'étais l'baron, t'étais l'parrain, de tout le quartier des Tiléens.
Mais Jo, à la p'tite Luccini, t'y a passé toute ta vie, et t'y a crevé aussi.
T'y as crevé aussi, Jo.
T'y as crevé aussi.


Encore après, les esprits troublés par la fatigue, l'alcool, le plaisir et le soulagement désinvolte, ils parlaient de leurs souvenirs de combats. Et là comment ne pas montrer avec un certain orgueil les marques laissées par d'inoubliables situations rocambolesques. Ici l'amante contrit et son aiguille à tricoter, là le fer d'un diestro à l'égo meurtri. Un casse à Miragliano, une embuscade à la porte de Magritta, et bien sûr accroché à son chapeau, la plume du fidèle perroquet d'un capitaine pirate, celle de la coiffe d'une princesse de Tobaro, et bien sûr celle du terrible et redoutable goéland de Los Cabos. Quand les autres prenaient tour à tour la parole pour parler de souvenirs, d’anecdotes et d'envies, il sirotait son verre. Jusqu'au bout de la nuit, comme au bon vieux temps. Les rires, les chants et une beauté de l'autre coté de la table. Les regards complices alors qu'au dessus du toit brillait Morrslieb et que tombaient les flocons de neige.
Modifié en dernier par [MJ] Le Djinn le 13 juin 2020, 21:08, modifié 1 fois.
Raison : MAJ XPS: +30 xps!
Piero Orsone da Trantio, explorateur
Profil: For 11 | End 10 | Hab 10 | Cha 9 | Int 9 | Ini 10 | Att 10 | Par 9 | Tir 10 | NA 1 | PV 80

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"Ma qué ?!"

Tu vuo' fa' ll'americano
mericano, mericano...
ma si' nato in Italy !

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